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25 novembre 2015 3 25 /11 /novembre /2015 15:06

Ne le restera pas longtemps, quoi que...

Jean-François PAROT : L'inconnu du pont Notre-Dame.

L'affaire du collier de la Reine, dans laquelle est impliqué le cardinal de Rohan, n'a pas fini de faire des vagues lesquelles se prolongent jusqu'au Vatican. Nicolas Le Floch, commissaire aux affaires extraordinaires au Châtelet a même dû effectuer un voyage à Rome, rencontrer le pape Pie VI, afin de représenter diplomatiquement le roi Louis XVI. Le cardinal Bernis en profite pour lui remettre deux médailles, destinées l'une à madame Louise, la prieure du Carmel de Saint-Denis, l'autre à une personne qui est chère à Le Floch, marquis de Ranreuil. Ce qui ne manque pas de le plonger dans de profondes conjectures.

De retour à Paris, Nicolas Le Floch est invité à se rendre à une réception organisée par le Duc de Dorset, ambassadeur de la couronne d'Angleterre à Paris. Il y retrouve, outre un personnage dont il se méfie, Lord Aschbury, le chef des Services secrets anglais, le vieux Lord Charwel, lequel est accompagné de sa femme. Le Floch est estomaqué car il reconnait en la charmante épouse Antoinette, dite La Satin, agent du Secret français à Londres, et mère de son fils Louis de Ranreuil. Heureusement Antoinette, qu'il n'avait pas revue depuis des années, ne bronche pas. Elle est devenue plus flegmatique que les représentants de la perfide Albion.

 

Le lendemain, 16 mai 1786, il se rend à la Bibliothèque du Roi, dirigée par Le Noir, son ancien supérieur au Châtelet qui depuis est devenu bibliothécaire du roi. Le Noir déplore la disparition de Halluin, le conservateur au cabinet des médailles, depuis quelques jours. Mais aucun vol ne serait enregistré, apparemment. En compagnie de son subordonné et ami, l'inspecteur Bourdeau, Le Foch va s'atteler à la tâche, mais il doit partager son temps avec d'autres affaires qui le requièrent.

Toutefois il se rend en compagnie de son adjoint au domicile du garde des médailles. Et si l'appartement est fort bien rangé, il comporte quelques anomalies. Dans la penderie sont accrochés des vêtements féminins, et des pots de parfumerie et de soin de la peau sont visibles. La portière, causante comme une concierge mal lunée, ne tarit pas d'invectives envers son locataire, ainsi qu'à l'encontre d'un barbier, le merlan comme elle l'appelle, qui lui rend visite de temps à autre. Pour Nicolas Le Floch et son compère, Halluin est un personnage ambigu dont il serait bon d'approfondir la personnalité.

 

Le transfert des inhumés au cimetière des Innocents agite la populace, tandis que la démolition des maisons érigées sur le pont Notre-Dame est entamée au grand dam de nombreux Parisiens. Or le cadavre d'une femme vient d'être découvert dans les ruines du troisième étage d'une de ces habitations. Le Floch et Bourdeau se précipitent. Le visage de la femme est écrasé et donc inidentifiable, seulement, après vérification par Sanson, le bureau qui fait office également de légiste, cette femme est un homme. De plus cet individu n'a pas été trucidé, poignardé sur place mais il a été transporté. Dans une doublure de ses vêtements gît une facture relative à des pots d'onguent, comme ceux découvert chez d'Halluin.

Comme si les choses n'étaient déjà pas assez compliquées comme ça, Sartine, ancien lieutenant général de police et ancien ministre, demande à ce que Louis de Ranreuil, le fils de Nicolas Le Floch, serve de garde rapprochée à Antoinette Godelet, devenue Charwel, la Satin (le S est important !), une mission pour le moins délicate, car comment se déroulera l'entrevue entre la mère et le fils, sans que chacun des personnes mises en présence l'une de l'autre ne dévoile leur parenté. Antoinette serait à même de déjouer un projet visant Louis XVI et la royauté en général. Une guerre larvée et diplomatique qui serait préjudiciable à la France.

 

Une médaille à la Méduse réapparait inopinément et c'est ainsi que Le Floch, Bourdeau et Le Noir se rendent compte que celle enfermée dans une vitrine du cabinet des médailles, n'est qu'un faux, une reproduction en cire, parfaitement imitée. Une médaille convoitée par la Reine afin d'orner un meuble. Et des plans des Champs Elysées sont retrouvés de-ci de-là, mais pour le moment il leur est impossible de comprendre leur signification même auprès de Federici, le gardien de cette promenade possédant une mauvaise réputation malgré les efforts consentis pour son aménagement.

 

Les investigations de Le Floch le mèneront dans un Paris qui sans être comparable à la cour des Miracles est le fief des receleurs et des maisons de jeu, jusqu'en rade de Cherbourg que Louis XVI doit visiter, un projet qui ne doit pas tomber à l'eau.

 

Les intrigues de cour sont le terreau des romans historiques, épicés de dangers disséminés aussi bien dans les tréfonds d'une ville soumise à la perdition ainsi qu'au lucre, à la tentation et à la trahison. Les voyous de basse extraction côtoient les bourgeois et gentilshommes, dont les buts sont différents mais complémentaires.

Et dans ces arcanes qui passent rapidement de la lumière à l'obscurité, Le Floch va devoir naviguer pour mener à bien son enquête qui est rongée par la révélation étonnante et surprenante de sa naissance. Le tout est enrobé d'un voile de complots et d'intrigues de cour et de basse-cour, comme Dumas (et ses complices) savait si bien les écrire et les mettre en scène. D'ailleurs les références à Dumas ne manquent pas, ne serait-ce que cette appétence à décrire les banquets et les recettes de cuisine, dont certaines rapportées d'Italie par Le Floch. Les drames couvent, et des pointes d'humour surgissent, comme par exemple l'entrevue entre La Paulet, tenancière de maison dite close mais ouverte à toutes les bourses, et devineresse au langage fleuri et approximatif.

Et comme dans le roman de Jean-Christophe Portes, L'affaire des Corps sans tête, Jean-François Parot nous présente en Louis XVI un roi différent de celui qui était décrit dans les manuels d'histoire scolaires, pour autant que je m'en souvienne. Ce n'est pas à un roi fade, sans réelle envergure auquel le lecteur est confronté mais à un personnage qui réfléchit, ne dépense pas sans compter, et dont les projets, s'ils avaient pu être menés à bien, auraient pu en faire un monarque influent et considéré. Mais comme toujours, c'est son entourage qui entrava ses velléités de réformes.

 

Jean-François PAROT : L'inconnu du pont Notre-Dame. Les enquêtes de Nicolas Le Floch. Editions Jean-Claude Lattès. Parution 14 octobre 2015. 448 pages. 19,00€.

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25 novembre 2015 3 25 /11 /novembre /2015 09:30
J.A. JANCE : Point de chutes

Et chutes à point !

J.A. JANCE : Point de chutes

Si vous êtes un fidèle visiteur de ce blog, et plus particulièrement de ma rétrospective Série Noire, point n'est besoin de présenter J.P. Beaumont, inspecteur de la police de Seattle, qui exerce ce métier non pas pour l'appât du gain mais par vocation, presque par amour.

Détaché comme conseiller auprès du réalisateur de cinéma Sam Ciné Goldfarb, il doit veiller à une bonne image de marque de la police, à ce que les faits et gestes des policiers ne soient pas dénaturés dans le film. En un mot, qu'on ne les prenne pas pour des guignols.

C'est difficile avec quelqu'un comme Sam Ciné Goldfarb, un réalisateur imbu de sa petite personne et qui se préoccupe plus de sensationnel que de véracité.

En tout cas le cadavre qui flotte entre deux eaux dans le port de Seattle, au moment d'effectuer une prise de vue, est bien réel celui-là. Et parce qu'il a un accrochage avec l'un de ses jeunes collègues de la Criminelle, qui fait des pieds et des mains pour se mettre en valeur, J.P. Beaumont décide d'enquêter en parallèle.

Une enquête qui le conduira à côtoyer des monteurs en charpente métallique. Des monteurs qui savent descendre en chute libre du 43è étage, et cela sans filet. Par exemple Angie Dixon. Mais est-ce bien un accident ?

Dans cette cinquième aventure, Beaumont prend un peu plus d'étoffe, est toujours fâché avec le matériel téléphonique moderne, branle souvent du chef mais est toujours aussi efficace et éminemment sympathique.

 

Si J.A. Jance n'innove pas beaucoup, elle construit des romans solides, agréables à lire, et c'est le principal, pour ne pas dire l'essentiel.

 

Il y a une chose sur les hôpitaux que je ne suis jamais arrivé à comprendre : si les malades sont censément là pour se reposer et reprendre des forces, comment se fait-il que les infirmières les réveillent à l'aube, les nourrissent, prennent leur température puis les abandonnent toute la journée à ne rien faire?

 

Bonne question, n'est-ce pas ?

J.A. JANCE : Point de chutes (A more perfect union - 1988. Traduction de Simone Hilling). Série Noire N°2196. Parution août 1989. 288 pages. 7,80€.

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24 novembre 2015 2 24 /11 /novembre /2015 15:08

S'il est bien une caractéristique qui caractérise les Français en général, c'est de se croire supérieurs tout en se dénigrant.

Hubert DELOBETTE : Ces Français qui ont révolutionné le Monde.

Cela se traduit par plusieurs symptômes, que ce soit dans le domaine sportif, le plus visible, mais dans le langage aussi bien parlé qu'écrit, ou dans diverses manifestations technologiques, scientifiques, l'apologie de l'américanisme faisant foi. Ainsi, tandis qu'au Siècle des Lumières, le Français était langue officielle, aujourd'hui non seulement c'est l'Anglais qui prédomine, mais les Français usent, pour ne pas dire abusent, des expressions anglo-saxonnes.

Ce qui est un déni flagrant, non point de patriotisme, ce mot est galvaudé, mais tout simplement d'honneur d'appartenance à une nation qui rayonna plus par ses avancées scientifiques, culturelles et sportives que par ses guerres.

Ces chercheurs, ces découvreurs, ces inventeurs, ces innovateurs, la plupart du temps sont aujourd'hui oubliés, mais leurs inventions perdurent, parfois récupérées par d'autres nationalités. Pour de simples raisons d'obscurantismes étatique et financière.

Ainsi si l'on se souvient de Denis Papin et de sa machine à vapeur et de Joseph Cugnot et de son fardier, dont les livres d'histoires nous relataient les exploits, qui connait le nom de Jouffroy d'Abbans, le concepteur de la navigation à vapeur. Seulement pour de fallacieuses raisons d'emplacement des essais, il se verra spolié de son invention. En effet les essais sont réalisés le 15 juillet 1783 lorsque le Pyroscaphe, le navire qu'il a conçu, remonte la Saône devant 10 000 spectateurs, chargé de 1 500 tonnes de matériaux divers.

A Versailles, pourtant, la commission chargée d'examiner son dossier le rejette au motif qu'une telle démonstration ne peut être faite qu'à Paris, sur la Seine, devant les membres des académies royales !

Mais ruiné, Jouffroy d'Abbans ne peut réitérer son exploit, et s'exile en Italie. Un Américain, du nom de Fulton, s'est emparé de cette invention, et il en récoltera les fruits.

 

Plus troublante et plus fumeuse, l'histoire de Charles Sauria qui inventa l'allumette qui s'allume toute seule. Auparavant il fallait des brandons, l'archet à feu ou encore le briquet à amadou pour allumer un feu, une torche, une bougie. Féru de physique-chimie, il passe ses années d'étudiant à effectuer des recherches et c'est un peu par hasard (comme bien souvent) qu'il parvient à mettre au point cette allumette connue dans le monde entier et qui s'allume par simple frottement sur un grattoir, ou avant l'invention de l'allumette dite de sécurité, sur le talon de la botte ou le pantalon.

Des amis lui conseillent de déposer un brevet. Mais comme il ne dispose pas des 1 500 francs (nous sommes au début des années 1830) nécessaires, l'invention lui échappe. Surtout elle arrive bientôt en Allemagne, où monsieur Nicollet, le professeur de chimie, a au cours d'un voyage naïvement expliqué la recette à des homologues scientifiques.

 

Autre histoire édifiante, celle de Louis Pouzin, l'homme qui tissa la Toile. Celle dont on se sert tous les jours, par écran interposé : Internet. Spécialiste en informatique; Louis Pouzin crée, à l'initiative du Général De Gaulle, un programme destiné à relier en réseau des ordinateurs, programme qu'il intitule Cyclades, en référence aux 250 îles grecques. Seulement lors de l'arrivée de Giscard d'Estaing à la présidence de la République, la donne change et c'est l'exploitation du Minitel qui est favorisée. Qui se souvient du Minitel de nos jours, sauf ceux qui étaient adeptes du Minitel Rose ?

 

Le téléphone sonne... et ce n'est pas grâce à Graham Bell, comme on nous l'enseigne couramment mais à Charles Bourseul, qui mit au point ce moyen de communication en 1854. D'ailleurs, n'en déplaise à ses détracteurs (une invention française c'est trop beau pour être vrai !) il suffit de se reporter à un article paru dans le journal L'Illustration du 26 août 1854, dans lequel il décrivait le principe même du téléphone. Charles Bourseul débute comme commis aux Postes et Télégraphes, et devient rapidement spécialiste es-morse. Il est donc bien placé pour vanter son invention, et la Poste, par sa hiérarchie, lui signifie de s'occuper de choses plus sérieuses ! On n'arrête pas le progrès, parait-il, sauf quelques imbéciles qui n'acceptent pas que leurs employés puissent avoir des idées.

 

Par la faute de moyens financiers, par la faute de l'état pour qui Paris est le centre du monde, ou de banques trop frileuses qui préfèrent jouer en bourse l'argent déposé par leurs clients que d'aider des entreprises ou des chercheurs, des inventions françaises ont donc été récupérées par d'autres nations ou des particuliers opportunistes qui ont bâti leurs fortunes sur des spoliations.

 

Un autre frein à la créativité réside en la peur des ouvriers face à des machines qui vont leur prendre leur travail et supprimer des emplois. Une fois de plus reportons-nous à nos livres scolaires d'histoire, et remémorons-nous les soulèvements des canuts lyonnais, face aux métiers à tisser de Jacquard et de la machine à coudre de Thimonnier. Je n'en dis pas plus, préférant vous laisser le plaisir, et l'émotion voire la colère, en lisant l'article qui leur est concerné.

 

Heureusement tous n'ont pas connu ce genre de déboires, même si leur nom n'est pas passé à la postérité comme Constantin Senlecq, le père grand du petit écran, écran que, amélioré, nous regardons tous ou presque tous les jours, pour suivre les infos, regarder des retransmissions sportives ou suivre des séries... télévisées. Ou Marcel Desprez qui mit au point les lignes électriques capables d'acheminer l'électricité jusque dans le moindre foyer reculé de la France profonde.

 

En 43 articles, sous forme de vignettes comme des minis-séries télévisées, ou des historiettes de bande dessinées en une ou deux pages, abondamment illustrées, Hubert Delobette recense donc quelques destins d'hommes et de femme qui ont étudié, travaillé, cherché, réalisé, pour le progrès, le bienfait de l'humanité, et qui ont obtenu les honneurs ou sont tombés dans les oubliettes pour des raisons décrites ci-dessus. Et Hubert Delobette fait donc œuvre pie en nous les présentant et les sortant, pour certains, des placards dans lesquels ils sont enfermés comme quantité négligeable.

Un ouvrage qui permettra d'évacuer quelques idées reçues et ne manquera pas de vous intéresser, vous et vos enfants, et redorera le blason français, sans pour autant verser dans un chauvinisme malséant.

Hubert DELOBETTE : Ces Français qui ont révolutionné le Monde. Le Papillon Rouge Editeur. Parution le 23 octobre 2015. 288 pages. 19,90€.

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24 novembre 2015 2 24 /11 /novembre /2015 13:22
Pierre FORT : Le mec à l'eau de la Générale.

Le Poulpe se mouille !

Pierre FORT : Le mec à l'eau de la Générale.

Le Poulpe s’intéresse de près à la mort supposée accidentelle d’un toubib, fondateur de Médecins des Hommes et qui depuis quelque temps s’était retiré pour exercer son art dans les Alpes, non loin de Grenoble.

L’homme vivait dans un petit village et menait le combat avec les écolos contre la construction d’un barrage dans un site protégé ou encore contre les intégristes anti IVG.

Il avait reçu des lettres de menace, des inconnus avaient tagué des inscriptions stigmatisant l’avortement, mais de là à le supprimer...

Pourtant Gabriel possède la conviction intime qu’il s’agit bien d’un meurtre. L’enquête va déboucher sur des magouilles politico financières, des pots de vin pour des seaux d’eau minérale.

Or chacun sait que l’eau est très difficile à digérer (d’ailleurs ne dit-on pas que l’eau bue éclate ! ), et le Poulpe a intérêt à ménager ses os.

 

Toute ressemblance avec des affaires ou des personnages ayant existé est évidemment fortuite et Pierre Fort fait œuvre de fiction, cela va de soi.

Un bon Poulpe, mené avec un certain humour, dont le livre de chevet est un ouvrage de Pierre Desproges, et qui égratigne par ci, par là.

La télévision, exemple :

 « je suis journaliste, pas présentateur TV ! »

ou encore

« ... des infos qui n’étaient jamais passées à vingt heures dans les émissions de variétés encore appelées journaux télévisés par nostalgie »,

enfin la petite dernière

« Autant chercher une lueur d’intelligence dans l’œil d’un animateur de TF1 ».

C’est pas moi qui l’écrit, c’est Pierre Fort, et entre nous, il a raison.

 

Pierre FORT : Le mec à l'eau de la Générale. Le Poulpe N°148. Editions Baleine. Parution janvier 1999. 182 pages. 8,00€.

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22 novembre 2015 7 22 /11 /novembre /2015 10:58

Angoisse, mystère et suspense...

Georges-Jean ARNAUD : Une si longue angoisse.

Après avoir rédigé de très nombreux volumes pour la série La Compagnie des Glaces, la plus grande saga de science-fiction écrite par un romancier français, série parue dans la collection Anticipation du Fleuve Noir, et un admirable roman récit inspiré de la vie de son grand-père dans Les moulins à nuages, chez Calmann-Lévy, Georges-Jean Arnaud revenait au roman policier avec Une si longue angoisse.

Fidèle à lui-même, Arnaud a écrit un roman intimiste, de mystère de suspense.

Répondant à la convocation de leur sœur aînée, Patricia, Romain, Julien et Odile accompagnés de leurs compagnes ou compagnons respectifs, vont se réunir pour la première fois depuis des années.

Le motif de cette réunion familiale consiste en l'avenir de la maison, du parc et de l'usine désaffectée, héritage de leurs parents. Doivent-ils et peuvent-ils vendre cette immense demeure ainsi que ses dépendances à une société immobilière qui se chargera de tout démolir et de faire construire à la place des appartements ?

Mais un doute place sur cette maison. Lors d'une boum, un crime y a-t-il été commis ? Et si oui, Noël, leur frère débile, en a-t-il été l'auteur ? Mais alors qu'est devenu le corps ? Et qu'adviendra-t-il si au cours des travaux des ouvriers le découvrent ?

 

Ce roman est construit comme un huis-clos, avec des personnages qui réagissent différemment selon leur sensibilité, leur appartenance à la famille, selon qu'ils se sentent concernés ou non.

L'on retrouve les thèmes chers à Georges-Jean Arnaud, la maison-piège et la tribu, le clan constitué entre frères et sœurs.

Mais ce clan est-il réellement soudé ? Patricia aimerait le croire, et en même temps soupçonne un peu tout le monde d'un crime hypothétique. Plane sur le groupe une pénible sensation de doute, d'inquisition, de méfiance qui met les nerfs à vif.

Une angoisse sourde qui étreint les participants de cette réunion familiale à quelques jours de Noël, une angoisse qui est savamment distillée par un grand maître de la littérature populaire.

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21 novembre 2015 6 21 /11 /novembre /2015 14:51

A lire Dard-Dard...

DARD, paire et fils

Sous l'impulsion de Maxime Gillio, L'Atelier Mosesu a décidé de rééditer l'œuvre d'Alix Karol, parue dans les années 1970 dans la collection Espionnage au Fleuve Noir. Une heureuse initiative s'il en est.

 

Ce qui m'a incité de mettre en ligne cet article écrit pour la revue Le Monde San Antonio en 2004.

 

Depuis quelques numéros du Monde de San-Antonio, des lecteurs s’interrogent sur le bien-fondé de la reprise par le fils du personnage créé et immortalisé par le père. Cette question me turlupinant l’esprit, et de bien d’autres aussi, abonnés ou non de la revue qui se sentent concernés par le même problème sans pour autant oser l’écrire, je me suis penché sur l’œuvre du fils avoir de savoir si celui-ci était digne de proroger l’œuvre du père.

En bref une polémique qui m’a poussé à me demander si Patrice se conduisait comme un soudard, pardon un sous-Dard, ou méritait amplement de continuer l’œuvre si bien déclamée par Dard père. Et si je m’exprime ainsi, ce n’est pas pour l’aiguillonner. Bref, une situation dans laquelle les employés d’une usine se demandent si le descendant continuera à marcher sur les brisées du père et saura insuffler une seconde vie à l’entreprise. Question délicate qui demande une réponse circonstanciée. Aussi afin de vérifier si le fils était le mieux à même de reprendre le flambeau, je me suis plongé dans les ouvrages d’un certain Alix Karol, fils spirituel de Frédéric Dard, je les ai disséqué, analysé, et aujourd’hui je peux vous livrer le résultat de mes cogitations, résultat que vous pourrez trouver en fin de cet article.

 

Alix Karol est né littérairement en 1973 avec la parution sous le numéro 1082 de la collection Espionnage du Fleuve Noir de « En tout bien toute horreur ». Avouons-le tout de suite, la trame de ce roman est un balbutiement dans l’œuvre karolienne. Mais ne jetons pas le manche avant la cognée. Donc jetons un coup d’œil sur la quatrième de couverture, souvent révélatrice du contenu. Précisons quand même que la plupart du temps le directeur de la collection, François Richard, demandait à ses auteurs de s’atteler à cette tâche. Cette prose est-elle issue de la plume de Karol, autre question. En voici le texte :

Alix Karol sera sans doute bientôt l’auteur de romans d’espionnage le plus controversé.

Déjà la polémique est engagée.

C’est porno ! s’offusquent quelques esprits chagrins.

Simplement érotique ! protestent les autres.

Certaines scènes relèvent du sadisme pur et simple ! poursuivent les âmes sensibles.

Un réalisme objectif commande d’oser dénoncer l’éternelle violence des hommes ! assurent les défenseurs.

La désinvolture de l’auteur et de son héros (qui sont en fait une seule et même personne) frise la contestation.

Et alors ? Un écrivain de 29 ans n’a-t-il pas le droit de s’enthousiasmer pour les nobles causes ?

N’a-t-il pas le devoir de balayer les grotesques tabous de notre société ?

Les lecteurs qui plongeront le nez “ EN TOUT BIEN TOUTE HORREUR ”, le premier roman de cette série échevelée et tonitruante, se diviseront vite en Karoliens et anti-Karoliens…

Mais soyons sérieux : on ne va pas tout de même recommencer l’affaire Dreyfus autour d’un nouveau héros d’espionnage !

Comme vous pouvez le constater, déjà les mots de controverse, de polémique sont déclinés.

Mais ne nous engageons pas encore dans une voie qui pourrait être sans issue et ouvrons le livre et lisons cet envoi : Les protagonistes de cette histoire sont fictifs. Toutefois, si un ambassadeur se reconnaissait dans l’un des personnages, je n’hésiterais pas à le démettre de ses fonctions pour éviter toute coïncidence. A.K.

Troublant, n’est-ce pas ?

 

Et nous nous laissons donc entraîner à la lecture de ce premier épisode de Alix Karol, surnommé Karolus depuis ses années de lycée, trente ans, les yeux bleus, propriétaire d’un restaurant sis à La Queue en Yvelines nommé La Pommeraie. Ceci ne vous rappelle-t-il rien, chers amis lecteurs et fins connaisseurs ? Non ? C’est tout simplement le restaurant tenu par Patrice Dard himself au lieu cité.

Sans m’étendre sur la trame de l’intrigue, je veux nonobstant parler d’un second personnage, récurrent, Bis. Bis de son prénom originel Karolus, est natif des Pays-Bas. Karolus et Bis forme un curieux couple œuvrant dans la pseudo-divination, la télépathie, se produisant dans des cabarets partout dans le monde. Pour ce faire, Bis est appelée Karola et est travesti en femme, ce qui d’ailleurs lui sied bien sans avoir pour autant des penchants homosexuels. Dans ce premier épisode, lors d’une attraction, Karolus, qui pratique également la prestidigitation, subtilise le cigare d’un spectateur et lui en fournit un autre, empoisonné. L’homme décède. Rentré à la Pommeraie Karolus apprend que son chien Plouk a été assassiné. Le numéro de duettistes auquel il se livre (pas le chien, mais Karolus) en compagnie de Bis n’est qu’une façade. En réalité ils sont tous deux membres d’une organisation mondiale, la S.S.T.M : Service Secret du Tiers Monde, dirigée par l’Inca, chargée d’organiser une forme de résistance envers les pays du bloc sino-russo-américano-européen. C’est dire qu’ils ne manquent pas de travail. Une jeune fille serait retenue à l’ambassade de Suède au Brésil et les deux compères sont chargés de la délivrer. Seulement ils sont confrontés à la CIA et doivent déjouer les embûches dont certains représentants de cette organisation ne manquent de leur tendre. Volées de plomb à l’appui. Voilà pour l’intrigue. Mais attachons-nous plutôt à ce qui nous intéresse : la corrélation entre Dard père et Alix Karol.

DARD, paire et fils

Quelques passages glanés au hasard nous entraînent dans un début de réponse à la question précédemment posée, voir plus haut, je ne sais plus où exactement :

Des fois t’as des gonzesses pas plus épaisses qu’une seringue qu’ont l’entrée de service large comme la Place de la Concorde.

 

Moins humoristique mais tout autant révélateur :

C’est fou ce qu’on se console vite de la misère des autres.

Deux facettes, et ce ne sont pas les seules (je ne vous parle pas des scènes d’amour ou de copulation qui n’ont rien à voir dans mon propos) qui démontrent déjà un certain mimétisme, une osmose parentale dans l’écriture. Mais ceci n’est que le premier ouvrage publié et gageons que d’autres surprises nous attendent. Avançons dans nos investigations.

Ah, j’allais oublier. Deux notes en bas de pages, seulement, mais ce n’est qu’un début, supposons-le.

Passons rapidement sur le deuxième opus, non pas qu’il soit inintéressant, mais parce que ne le possédant pas, je n’ai pu le lire et par conséquent le disséquer. Il s’agit de « Assassin pour tout le monde », collection Espionnage n°1093. Passons sans plus attendre au troisième roman de la série et retrouvons nos duettiste Karolus et Bis dans « Suicides par contumace », Espionnage N°1107.

Karolus et Bis sont chargés par l’Inca de jouer la chèvre afin de découvrir pourquoi Hendricks, l’agent de la S.S.T.M. s’est fait descendre par des agents de la C.I.A. Il venait de recevoir un message annonçant une découverte stupéfiante, assez grave pour provoquer la troisième guerre mondiale. Pas de signature. Seule piste, l’expéditeur du dit message doit embarquer sur un avion effectuant la navette New York – Miami. Nos deux compères doivent donc servir de chèvres (je l’ai déjà dit) et découvrir l’identité du mystérieux passager. L’avion est détourné, comme prévu, l’anonymat soulevé, et quelques péripéties plus tard, dont le crash du Boeing, Karolus et Bis atterrissent en Finlande, puis se dirigent vers un camp de Lapons. Signalons juste, pour ne pas déflorer l’intrigue, qu’ils vont être confrontés à un savant qui a découvert comment se débarrasser d’une partie de l’humanité.

Abordons ce qui constitue le sel de cette chronique. D’abord les avertissements aux lecteurs. Le lecteur est informé que les personnages de ce roman sont criants de vérité, que les lieux décrits sont rigoureusement authentiques et que l’histoire qui va suivre s’est réellement déroulée. A.K.

Juste en dessous :

Le lecteur est informé que les personnages de ce roman sont totalement fictifs et que, pour trouver une histoire aussi peu véridique, il faut remonter jusqu’à la Bible. Tout dans cette aventure est tellement imaginaire, que l’auteur lui-même se demande s’il existe. A.K.

Enfin :

Le lecteur est informé que l’auteur souffre manifestement d’incohérence mentale. L’éditeur.

L’auteur montre qu’il possède une certaine culture littéraire puisqu’il cite : La Finlande, cette terre que Dieu oublia de séparer des eaux ! ” disait joliment Chateaubriand, cet intrépide voyageur de l’époque ante-club-méditerranéenne.

 

La description des figurantes (et des figurants, ne soyons pas sectaires !) est imagée : La môme est une canaille rouquine au nez en trompette, menue comme une épingle à chapeau. Elle a un sourire niais, une voix de pintade et l’œil plus vide que les hémisphères de Magdebourg. Un portrait qui aurait pu être l’œuvre du peintre que fut San-Antonio et qui prouve que Alix Karol manie la métaphore avec verve.

Alix Karol sait aussi se glisser dans la peau d’un philosophe et abandonner l’humour pour se montrer plus réaliste : Je tiens le cynisme pour l’attitude la plus noble de l’homme en face de l’adversité. Toutes les lamentations, jérémiades et autres pleurnicheries ne seront jamais que larmes perdues dans le déversoir de l’inutilité. Quelques pages plus loin l’auteur revient à des considérations plus terre à terre, disons corporelles et métaboliques : C’est plus fort que moi. Je ne peux regarder une jolie fille sans que des manifestations intempestives ne se produisent dans mes régions australes. Voilà qui est explicite sans pour autant tomber dans la grivoiserie. Il me doit de signaler que les passages dits érotiques sont toutefois assez nombreux pour contenter le lecteur en manque d’images (et d’actions) croustillantes.

Les notes en bas de page sont au nombre de cinq dont trois font référence aux romans précédemment parus.

Passons illico au quatrième tome de cette série dont le titre se décline ainsi : Et cinquante qui font sang, Espionnage n°1116. De nos petits doigts agiles et fébriles, ouvrons et découvrons l’envoi : A F.D., l’homme le plus intelligent du monde (1). Tendrement. A.K. Note en bas de page : (1) Avec moi, bien entendu ! Tout de suite le ton est donné et l’on devine à qui s’adresse cette dédicace. Mais était-ce clair pour l’époque, sachant que ce roman a été édité en 1974 ? Pas sûr. Peut-être pour des exégètes comme Fred Hidalgo (laudateur de San Antonio et créateur du défunt magazine Chorus), mais pour le commun des mortels, ce fut sûrement une énigme. D’autant que peu de lecteurs prêtent attention aux avertissements, envois et autres hommages. Passons.

Alors que Karolus se défoule en jouant au billard, il est perturbé par l’entrée du facteur. Ce n’est pas le préposé habituel mais un remplaçant. Il doit lui remettre le paquet contre signature mais au lieu de cela, l’homme pointe un pistolet. Maniant la boule avec maestria, Karolus lui en propulse une en pleine tête. Exit brutal de l’agresseur qui brandissait une arme à vide. Le malheureux préposé, qui est retrouvé ligoté dans sa camionnette, se propose de déficeler le colis sans l’aide d’un outil tranchant (il n’y a pas de petites économies !) mais le paquet est piégé. Un peu plus tard, alors que nos deux compères gagnent Paris en compagnie de l’inspecteur Lapôtre, (apparu dans Assassin pour tout le monde), un motard balance dans leur véhicule un serpent qui s’avère inoffensif. Début du roman qui conduira nos amis (considérons-les ainsi) jusqu’au cœur des Andes, dans les ruines du Machu-Pichu. Je passe rapidement sur l’intrigue, car c’est surtout le style qui est le moteur de cet article. Première citation, philosophique (c’est moi qui le décrète ainsi) : Les individus se consolent vite de leurs petits drames à la pensée de l’intérêt et de la jalousie qu’ils susciteront chez les autres, ces malheureux englués dans le quotidien lénifiant ! . Ne me dites pas que cette pensée écrite par le fils ne reflète pas celle du père. Et vous n’avez pas tout lu ! Alix Karol sait souffler le chaud et le froid, et ne perd pas une once de son humour quelques pages plus loin lorsqu’il croque les acteurs secondaires de ses histoires : Il est mignon tout plein, ce cher Lapôtre, en infirmier. En raison de sa gueule persillée de couperose, de sa dégaine rustaude et de l’éclat obstiné de son œil, la blouse blanche lui confère davantage des allures de tripier en gros que d’interne des hôpitaux !  Une caricature à la Dubout ! Ce n’est que mon avis personnel, mais je vous invite à le partager.

DARD, paire et fils
DARD, paire et fils

Frédéric Dard, tout le monde s’accorde à le dire et à l’écrire, sous un humour de façade gaulois, était un profond humaniste maniant aussi bien le cynisme (Je l’ai déjà dit ?) que la causticité, montrant la voie à … (voir ci-dessous), non attendez d’abord la citation d’Alix Karol : Au cours de cet impressionnant périple dans ce monde situé à mi-chemin entre la terre et le ciel, entre l’été et l’hiver, entre le paradis et l’enfer, nous avons pu mesurer mieux que jamais le fossé qui sépare les peuples nantis des populations sous-développées. Un gouffre ! Un abîme ! Et qui ne cesse de s’élargir… Je me suis livré à quelques calculs particulièrement édifiants, pendant que Flora et Bis ramassaient les bidons de lait. Sur l’ensemble des “ producteurs ” que nous avons rencontrés, en tenant compte du rendement journalier d’une bête, du prix du lait et du nombre de personnes par famille, ma statistique était affolante : 350 à 400 soles par individus et par mois pour vivre ! Quarante à quarante cinq francs français ! Soit le prix d’un bon petit gueuleton raisonnable dans un restaurant du quartier latin. Ou trois places cinéma ! Ou cinquante grammes de caviar ! Monstrueux !

- A quoi tu penses ? Me demande Bis en baillant fortissimo.

Je vire mon mégot par la portière.

-Je pense à tous les petits Péruviens que j’ai déjà mangés, digérés, déféqués…

Je rappelle à toutes fins utiles que ce livre a paru dans le courant du 2ème trimestre 1974, et n’a donc rien à voir avec José Bové. Le problème était déjà actuel, la tiers-mondialisation existait, qui en parlait ? Refusant d’entrer dans un débat politicien, ceci n’est point mon propos, je ne peux que constater qu’Alix Karol s’investissait lui (lui est peut-être de trop ?). Dans des romans peut-être, mais il en parlait quand même ! Et ça dérange. Et le problème n’est toujours pas résolu.

DARD, paire et fils

Retournons, comme le faisait si bien San-Antonio, après ses considérations sur la misère humaine, vers l’humour et réalisons une pirouette. Pour terminer en beauté, je m’apprête à tortiller une vieille Anglaise fripée dont le chapeau représente trois pots de géraniums sur une crêpe au Grand Marnier. Ah, j’ai oublié de vous dire qu’Alix Karol s’exprime à la première personne et que ce passage relate un instantané lors de l’une de ses prestations divinatoires en compagnie de Bis, dans un cabaret de Lima.

Meurt et tais-toi (vous remarquerez tout de suite l’analogie avec Mange et tais-toi, titre de San-Antonio n° 565 de la collection Spécial Police) espionnage 1130, possède un dernier chapitre extrêmement court, le XIVème et dernier pour être précis, puisqu’il ne comporte qu’un mot : FIN. D’abord, pour ceux qui n’auraient pas très bien assimilés la philosophie de S.S.T.M ; (Services Secrets du Tiers Monde), Alix Karol nous en rappelle les principes : Je ne suis ni communiste, ni anticommuniste… Disons que je suis tiers-mondiste. [] Nous nous battons pour que les peuples sous-développés puissent un jour partager le gâteau dont les grands se gobergent.

 

Karolus connaît Ecaterina depuis dix ans, et de temps en temps ils se retrouvent, avec plaisir, et procèdent au simulacre de la reproduction. Ce jour-là, Ecaterina est soucieuse. Elle n’a plus de nouvelles de son frère resté à Bucarest. Alors qu’Alix Karol veut se renseigner auprès de Jacobi, le responsable de la section France, celui-ci l’enjoint à mener une mission périlleuse en Roumanie. Il doit, en compagnie de Bis, procéder à une exécution capitale envers un certain Mihai Silescu, qui n’est autre que le frère d’Ecaterina. Evidemment les deux compères n’auront pas la vie facile de l’autre côté du mur et se trouveront une fois de plus entraînés dans une histoire abracadabrante qui se terminera, je ne vous dis pas comment, à Venise.

Alors que certaines scènes composées d’acteurs masculins et féminins, principalement Karolus ou Bis, décrivant le simulacre de la reproduction étaient particulièrement explicites tout en étant jouissives (ai-je eu raison d’employer ce mot ?), lors des précédents épisodes, en voici une qui s’inscrit directement dans la logique san-antonienne :

Instinctivement nous tendons l’oreille.

Et ça en vaut la peine, car de la cabine d’essayages s’échappe un spectacle auditif d ‘une remarquable qualité.

Il consiste essentiellement en un enchaînement de gémissements aux inflexions sans cesse modulées et émanant d’une jeune créature du sexe féminin – d’après l’organe. Elle semble avoir restreint son vocabulaire à deux simples syllabes : Oh et oui.

Mais il faut entendre comment elle les récite, ses oh oui !

Dans toutes les gammes.

Sur tous les tons.

Seule constante, la musicalité de l’ensemble paraît grimper insensiblement vers les aigus.

  • Oh oui… ooh ouii… ohh ououi… ooohhh ouououiii !!!

Quel dommage que la littérature ne soit pas encore sonorisée ! Quelques lettres sur une feuille blanche ne traduiront jamais le superpied vers lequel s’envole la personne.

Ça chavire brutalement à la frénésie. Le rideau de la cabine est agité comme le drap du fantôme de service.

Seulement c’est léger ce genre d’assemblage. Quatre tringles emboîtées à la sommaire et fichées au sommet de quatre tubulures verticales. Autant dire rien, ou pas grand chose en regard du cyclone qui souffle à l’intérieur.

D’un coup la cabine s’effondre livrant ipso facto le couple effréné à la convoitise publique

Jugeons plutôt !

Bis, cabré en arrière, a plaqué ses épaules et sa tête à la longue chevelure d’or contre la paroi du fond. Son poitrail et son bassin, braqués vers l’avant, se trouvent de ce fait presque horizontaux.

Sa partenaire, elle, est une charmante jeunesse d’une frêle trentaine, bâtie tout en longueur et en finesse. Elle porte le cheveu court, une paire de lunettes à monture dorée et un tailleur de chez Chanel.

Du moins la partie boléro, vu que la jupe traîne à terre à côté d’une robe qu’elle comptait sans doute essayer.

Poussée par un sens délicat de la pudeur, elle a gardé son slip… à la main…

Vous aurez remarqué la finesse, la justesse, la sobriété de ce tableau primesautier et vivant.

 

Ceci m’amène à vous parler un peu plus longuement de Bis. Mais qui d’autre peut mieux le décrire que l’auteur lui-même. Laissons-lui donc le soin de nous le présenter :

Bis possède le génie de l’accoutrement.

On pourrait penser qu’il fait de la provocation. Mais non ! C’est plus simple que ça.

Il aime un certain style d’habillement qui ne cadre pas tout à fait avec la tradition vestimentaire bourgeoise.

Pour l’heure, il arbore un bonnet péruvien aux coloris meurtriers, un pull jacquard avec un maxi col roulé qui lui enchâsse la tronche comme une minerve, un pantalon style knickerbockers dans les mauves gueulards, des bottes de cheval et le fameux manteau.

Imaginons une vieille peau de chèvre mal tannée, foulée durant des heures par des sabots crottés, élimée, effilochée, trouée, frangée, percée de deux orifices ménageant le passage des bras. Le tout pestilentiel comme la ménagerie d’un cirque en faillite.

Qui pourrait penser que sous ces dehors clownesques se cache un être doté d’une rare subtilité ? L’intelligence de Bis est la plus éclectique qu’il m’ait été donné de rencontrer.

Bis parle, outre le Néerlandais qui est sa langue maternelle, une dizaine de langues avec un réel bonheur. De plus son cerveau est très largement ouvert aux choses mathématiques et scientifiques. Plusieurs licences dans des domaines très variés sanctionnent cette universalité d’esprit.

Issu de la grande bourgeoisie d’Amsterdam, Bis est tout naturellement entré dans l’armée à la suite de son père, brillant général d’infanterie et grand résistant de 39-45.

Bis était lieutenant du chiffre lorsqu’il a été contacté par les Services Secrets du Tiers Monde. Comme il ne lui manquait qu’un idéal pour devenir un homme comblé, Bis s’est jeté à corps perdu dans la défense des petits et des opprimés.

Idéal sommaire, peut-être, voire utopiste ; mais idéal qu’il est parvenu à me faire épouser par la suite.

Il en va de son physique comme de son moral : Bis trompe son monde.

Gringalet – un petit mètre soixante-dix pour une petite soixantaine de kilos, tout en os et en cheveux, il est pâle, presque translucide comme les véritables blonds du nord. En dépit de ses trente-deux ans, on le prend souvent pour un adolescent.

Et parfois même pour une adolescente !

Et si vous voulez en savoir plus reportez-vous au roman. Les deux extraits cités ci dessus sont certes un peu long certes mais les connaisseurs apprécieront pour la suavité et la délicatesse qui s’en dégagent. Mais, et c’est là où je voulais en venir (même si je ne le savais pas lorsque je tapais ce texte), Bis n’est pas un Bérurier bis. Il n’a pas été créé comme faire-valoir du personnage principal, même si Béru parfois ne joue plus les rôles secondaires qui lui ont été dévolus à l’origine et tend à prendre une place prépondérante, et ce non pas forcément grâce (ou à cause) de son physique conséquent et à un manque de culture remplacé par une sagesse issue du terroir. Non, Bis est supplanté par l’auteur, lequel est peut-être jaloux, insidieusement, des capacités intellectuelles et physiques (malgré un air de gringalet) de son compagnon. Alix Karol, le rédacteur de ces aventures échevelées, internationales et amoureuses, tire un peu la couverture à lui, ce qui est compréhensible lorsque l’on se met en scène. Ou alors le lecteur crierait au scandale, à la fausse modestie, que sais-je encore. Les mots me manquent tellement je suis outré par les appréciations malveillantes que j’imagine et qui ne seraient pas forcément proférées. Laissez-moi rêver et divaguer. Où en étais-je ? Le moment de placer une citation adéquate :

Je me sens navré comme un type qui a attendu dix ans avant de sauter sa fiancée et qui chope les oreillons la veille des noces.

Et comme je ne suis pas avare, une seconde pour le plaisir :

C’est curieux comme l’homme embarrassé cherche souvent refuge dans la connerie !

DARD, paire et fils

Karolus un peu imbu de lui-même ? Cela lui arrive, quoiqu’il sait aussi reconnaître ses erreurs, ses petits travers, ses défauts, ses gaffes, ses lacunes :

Dans le plus pur style du western-spaghetti, je jongle avec mon revolver, l’expédiant d’une main dans l’autre, puis le fait tourner autour de mon médius et l’inévitable se produit : le pétard m’échappe des doigts et tombe par terre. Il fuse sur le parquet et disparaît sous le lit.

Ou encore :

Sans être particulièrement doué pour les langues, je peux naviguer, sans difficulté, de ma langue maternelle à celle de Shakespeare. A ceci près que si Shakespeare avait causé l’anglais comme moi, il ne serait jamais passé à la postérité !

 

L’épisode suivant, intitulé Garanti sur fracture (Espionnage n° 1148) se déroule en Iran, au temps du Shah. Un Iranien a été arrêté et il révèle à la traductrice un terrible secret si grave qu’elle doit d’abord en référer à son ambassadeur. Alix et Bis ont rendez-vous avec l’un de leur contact qui doit leur donner le contenu de se fameux secret mais l’homme est assassiné. Les révélations de l’Iranien ont été enregistrées sur une cassette mais il leur est impossible de retrouver la bande magnétique. Un envoyé du Shah confirme que celui-ci s’était adressé à la S.S.T.M. désirant connaître les révélations que devait effectuer l’Iranien aux policiers français. Désirant joindre l’utile à l’agréable, cet envoyé propose de déguster une boîte de caviar blanc mais au lieu d’œufs d’esturgeon, le récipient contient les attributs sexuels d’un homme. Et voilà nos deux complices en route pour Bagdad.

Encore une fois Alix Karol joue entre humour et philosophie (de comptoir penseront certains, mais cela ne me chaut guère). Ainsi :

Jeunesse d’aujourd’hui ! ricane-Bis. Jeunesse d’aujourd’hui ! Elle est forcément d’aujourd’hui la jeunesse ! Si elle était d’hier, ça serait de la vieillesse, et si elle était de demain, ça serait des spermatozoïdes !

Je ne vais pas vous abreuver de citations et de descriptions, je pense avoir déjà été assez prolixe mais je tiens toutefois à vous signaler que lors d’une copulation entre Alix et une princesse, leurs ébats sont retransmis via le trou de serrure de la pièce dans laquelle ils batifolent, devant lequel (trou) se sont agglutinés les serviteurs du palais. Mais il ne faut pas croire que notre auteur héros n’est pas insensible à la vue de scènes se déroulant devant ses yeux :

Mon épiderme, qui affiche ordinairement le coloris bronzé des bidets d’hôtel de passe vire au blanc de poulet.

 

DARD, paire et fils

Donc, comme je l’écrivais ci dessus, voir plus haut, je ne vais pas vous bassiner avec l’œuvre complète d’Alix Karol, sauf demande expresse, bien entendu. Voici donc quelques petites notes extraites de Nous avons les moyens de vous faire parler, espionnage 1157, dédié à L’auteur auteur de l’auteur auteur de l’auteur… avec ma tendresse non stop. A.K.

Suit cet avertissement, un peu long, et si vous commencez à fatiguer, vous pouvez le passer, mais ce serait vraiment dommage :

Avis à la copulation ! A l’unanimité de moi-même plus ma voix, j’ai décidé de frapper la seconde partie du présent ouvrage d’une rigoureuse interdiction aux mineurs. Y compris les mineurs de fond, car l’étincelante intelligence de cette œuvre ferait péter le grisou ! Je ne prends bien sûr aucun risque à pratiquer cette autocensure puisque le lecteur qui parcourt ces lignes a déjà acheté le bouquin… Aussi j’annonce la couleur : Rouge ! Rouge sang ! Les sados, les masos, les branlos, les salos, tous les tourmentés de l’hormone vont prendre un méchant panard, j’affirme ! Quant aux autres, les modesty baise, les foutriquets qui crient haro sur le bidet, je les autorise à descendre en marche à la fin de la première partie. Alors on y va ?

Et bien allons-y et pour étoffer cette introduction voyons les intitulés des deux parties :

Des parties comme cette PREMIERE PARTIE vous en avez déjà peut-être déjà vues, mais pas souvent !  Ensuite Des parties comme cette SECONDE PARTIE vous n’en avez jamais vues, ou alors je veux bien être pendu par les C… à un crochet de boucherie !

 

En parlant de boucherie, je ne vous ai pas dit qu’Alix Karol était aussi un épicurien. Il le prouve en dégustant dans un bouchon lyonnais … une salade de pieds de mouton à la crème, un saucisson chaud pistaché, un râble de lapin à la moutarde et une cervelle de canut, le tout noyé du mâcon blanc et de Chiroubles maison. Pour clore ce chapitre, deux petites pensées, sur les enfants et les septuagénaires. Les enfants ne présentent d’intérêt que celui que l’adulte veut bien leur accorder. La haine, la cruauté, le racisme et la veulerie sont profondément ancrés chez l’enfant et, contrairement à ce que l’on pense souvent, tendent à s’estomper avec l’âge. Sauf bien sûr, chez l’adulte non concerné qui se réfugie derrière une autorité suprême. Le plus navrant est, que cette catégorie d’individus se rencontre même au plus haut niveau. Je sais des hommes politiques occupant les tout premiers rangs dont la lâcheté et la soumission n’ont d’égales que la paresse et l’incompétence ! Je connais des septuagénaires aux muscles soigneusement entretenus et au bide plat comme une rédaction de troisième qui font davantage godiller les gonzesses que les jeunes gras-mous aux mentons gigognes qui traînent leur sangle abdominale sur les genoux.

Ouf ! Personne ne se sent concerné et c’est heureux.

 

J’ai omis de vous narrer succinctement cette intrigue, réparons cette lacune sans plus tarder : Envoyés en Savoie, Bis et Alix (et vice versa) attendent un événement. Celui-ci se présente avec la découverte d’un cadavre dans un champ et dans les poches duquel figurent les photos des deux membres des S.S.T.M. sous des noms d’emprunt. Bis est embastillé et le cadavre mis au frais dans une gendarmerie. Alix récupère les deux pour peu de temps. Le cadavre est enfermé dans le coffre d’une voiture qui se volatilise. L’Inca lui confie une mission : convoyer un criminel nazi, Martin Gorman, jusqu’en Espagne. Seulement quelques trublions s’immiscent dans cette histoire : des agents du Shin-Bêt (service secret israélien) plus quelques Teutons, nostalgiques du bon vieux temps ( ! ?).

Je ne peux terminer cet article sans vous allécher avec l’avant-propos qui figure dans l’ouvrage intitulé Objets Violents Non Identifiés, espionnage 1176 :

Parlons-en, puisqu’on en cause.

Les vrais cons, en plus, ils veulent que ça se sache ! Ils aiment se reconnaître entre eux, ils ont besoin de signes de ralliement. Une franc-maconnerie, quoi. Il suffit qu’un important con, dans les colonnes d’un journal, à la radio, à la télévision, ou du haut de la tribune de l’Assemblée nationale, laisse tomber une redondante expression frappée au coin de la platitude pour que aussitôt tout un chacun la reprenne à l’unisson. La dernière ânerie à la mode consiste à débuter une phrase par un quelconque adverbe suivi du participe présent du verbe “ parler ”. Exemple : quand un type attaque par architecturalement parlant ou énergétiquement parlant, aucun doute à avoir, c’est un con majuscule. Et comme tout con qui se respecte, il manque de confiance en ses moyens de communication. Alors il préfère annoncer la couleur : c’est bien d’énergie ou d’architecture qu’il va être question, pas de topinambours ni de papier-cul. J’ai décidé d’élever cette tournure jusqu’au pinacle de la connerie. Philosophiquement parlant, elle en vaut la peine. Ce qui nous renvoie ipso-facto au livre de San-Antonio, publié en novembre 1973 dans la collection Grands Succès (ou Grands Romans ?) et tout simplement titré : Les Con .

 

DARD, paire et fils

Intrinsèquement parlant, je ne peux qu’opiner du chef avant de vous laisser savourer encore deux ou trois bricoles :

Première partie dans laquelle je ne sais pas encore ce qui va se passer, mais je suis sûr que ce sera très bien.

Ce roman débute par un chapitre Zéro, avec ce petit renvoi : “ Les auteurs avaient pris l’habitude de commencer leurs romans par le chapitre premier. Fini le gaspillage ! En ces temps de restriction, nous débuterons donc la numérotation à zéro.

En conclusion (est-ce nécessaire ?) je laisse les détracteurs soit s’embourber dans leur opinion, soit changer de veste (les moins riches peuvent la retourner) ce que tout un chacun fait lors des variations saisonnières.

Il est amusant de constater (pas forcément pour le portefeuille !) que les ouvrages d’Alix Karol, longtemps boudés par les bouquinistes, deviennent aujourd’hui une denrée à forte valeur inflationniste depuis le départ de Frédéric Dard, les chalands étant appâtés par des bandeaux apposés sur les ouvrages ayant connus de nombreuses manipulations : fils de Frédéric Dard, ou encore fils de San-Antonio. Comme quoi il suffit d’un nom connu pour faire monter une côte qui à l’origine était peut-être sous-évaluée. Mais aujourd’hui j’aurais tendance à dire qu’elle est surévaluée, tout comme les romans de San-Antonio qui sont proposés à la louche sans que le revendeur effectue une différence entre édition originale et rééditions.

L’article « Dard, paire et fils », a paru dans Le Monde de San-Antonio n° 28, printemps 2004, pages 29-33 et Le Monde de San-Antonio n° 30, automne 2004, pages 30-33, et je n’ai procédé qu’à des modifications mineures.

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20 novembre 2015 5 20 /11 /novembre /2015 10:29
Jack BARNAO : Adios pesetas !

Viva el dollars !

Jack BARNAO : Adios pesetas !

John Locke, ancien du SAS britannique, s'est reconverti comme garde du corps privé à Toronto.

Souvent ce sont les vedettes du spectacle qui font appel à lui, mis lorsque Martin Cahill de la Police Montée canadienne requiert son concours, il ne peut le lui refuser.

Il doit convoyer un trafiquant de drogue du Canada au Mexique et retour. Greg Amadeo, c'est le nom du délinquant, avant de cracher le morceau, désire passer une semaine au Mexique et remettre l'argent qu'il possède à sa femme.

Un véritable marchandage.

Un convoyage que seule une personne étrangère à la police peut se permettre d'entreprendre, et John Locke doit non seulement veiller à la sécurité d'Amadeo mais également ramener celui-ci sain et sauf au Canada.

 

Ce roman serait intéressant si, ne cédant à la mode actuelle, l'auteur ne s'emberlificotait dans des longueurs, des considérations sans fin. Ce qui nuit à la rapidité et la vivacité du récit.

Si longtemps les puristes ont vilipendé les traducteurs pour les coupes sombres effectuées dans le romans noir américains, il me semble que l'excès contraire n'est as toujours en faveur du lecteur qui recherche n livre d'aventures vivant et non un salmigondis de descriptions oiseuses.

Dommage car le roman démarrait bien, avec même une certaine dose d'humour qui s'est perdue en cours de route.

 

Curiosité :

Jack Barnao est le pseudonyme de Ted Wood, romancier anglais ayant fait carrière au Canada. Sous son véritable patronyme ont été publiés quatre autres romans à la Série Noire dont La brigade du diable (SN N°2165) et Mercenaire à tout faire (SN N°2226).

Jack BARNAO : Adios pesetas ! (Lockestep - 1987. Traduction de Paul Kinnet). Série Noire N°2194. Parution août 1989. 320 pages. 7,80€.

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19 novembre 2015 4 19 /11 /novembre /2015 13:57

Les animaux sont moins bêtes

que certains humains...

BOILEAU-NARCEJAC : Le contrat.

Avant d'être tueur à gages, G. se produisait dans les cirques, les music-halls, et autres endroits où le spectacle est roi.

Un as de la gâchette dont le talent était par vraiment trop mal payé, mal reconnu, mal récompensé.

Jusqu'au jour où Monsieur Louis le remarque et l'engage afin d'éliminer ceux qui pourraient être une entrave à la réalisation de certains de ses projets.

G. ne s'est jamais posé la question quand au bien fondé de ces contrats. Pourtant une vie bien rangée, bien agencée, paisible en apparence, n'est jamais à l'abri d'un quelconque dérèglement.

Ce grain de sable va se matérialiser dans l'existence de G. sous la forme d'un attentat auquel il participe en tant que témoin et non comme auteur. Puis il est sollicité pour un contrat en province, dans la cité thermale de Châtelguyon. Une main légèrement défaillante et G., s'il remplit son contrat, n'est pourtant pas fier. Il a blessé un chien, un chien-loup.

Et cet homme qui n'avait aucun scrupule, aucun remord, dans l'exercice de ses fonctions, va recueillir cette bête à laquelle il s'attache.

C'est le début d'une traque et d'une amitié.

Monsieur Louis ne peut se permettre de laisser G. en vie alors qu'une enquête de routine peut démolir toute une organisation.

 

Boileau-Narcejac nous livrent une fois de plus un admirable roman de suspense, mais également une histoire d'amour entre un homme et un chien. Un homme qui n'a jamais connu l'amour, ou passagèrement, et qui se découvre un potentiel de tendresse, un besoin de prodiguer sa protection envers un animal blessé par sa faute.

Thomas Narcejac aime la littérature, et dans le roman policier ce qu'il préfère, c'est le roman d'énigme. Et comme on dit, le roman noir n'est vraiment pas sa tasse de thé. Chacun sa façon de voir et d'apprécier une littérature qui reflète souvent les angoisses, les problèmes ressentis par toute une génération déboussolée.

Mais comme monsieur Jourdain s'exprimait en prose sans le savoir, Thomas Narcejac, avec son compère Pierre Boileau, vient pourtant d'écrire un véritable roman noir.

Plus que l'intrigue, un peu faible à mon avis, ce sont les angoisses, la tendresse, la souffrance, les joies qui relient cet homme et son chien, face à des adversaires qui n'ont qu'une solution, les éliminer.

Et mon tout est un roman poignant. Une communion entre deux êtres solitaires s'instaure, une communion de pensée, une communion de sentiments.

 

Première édition : Editions Denoël. Parution octobre 1988. 192 pages.

Première édition : Editions Denoël. Parution octobre 1988. 192 pages.

Réédition Collection Folio N°2180. Parution 12 septembre 1990. 224 pages. 6,40€.

Réédition Collection Folio N°2180. Parution 12 septembre 1990. 224 pages. 6,40€.

BOILEAU-NARCEJAC : Le contrat. Réédition collection Folio Policier N°782. Parution 13 novembre 2015. 208 pages. 6,40€.

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19 novembre 2015 4 19 /11 /novembre /2015 12:02
Karim MADANI : Le jour du fléau.

Un jour tu verras

On se rencontrera

Quelque part, n'importe où

Guidés par le hasard...

Karim MADANI : Le jour du fléau.

Après avoir bourlingué de longues années à la brigade des stups, Paco Rivera est muté à la brigade des mineurs. Et il est aussitôt plongé dans le bain avec sur les bras une gamine qui a subi des violences sexuelles de la part de son beau-père. Et Paco, pourtant habitué aux dérives quotidiennes d’une certaine frange de la société, n’accepte pas le sort réservé à ces adolescentes maltraitées par de pseudos parents.

Paco vit avec un fantôme qu’il croit retrouver un peu partout lors de ses déplacements. Katia, qui fut son informatrice lorsqu’il travaillait aux Stups, est morte, violentée et torturée. Il possède même une cassette de ses derniers moments. Il forme équipe avec Gina, une fille des îles qui n’a pas sa langue dans sa poche. Surtout lorsqu’elle s’aperçoit que son interlocuteur, quel qu’il soit, la regarde au dessous de sa ligne de flottaison. Faut dire que sa volumineuse poitrine attire inconsciemment les regards. Entre Paco et Gina se tisse une relation basée sur la sympathie, une onde qui flotte peut-être parce qu’ils ressentent le même écœurement vis-à-vis des violeurs et autres kidnappeurs d’ados.

Une affaire chasse l’autre. Des parents séparés s’inquiètent de la disparition de leur fille Pauline. C’est surtout la mère, vétérinaire, qui est inquiète. Le père, dentiste, lui est absent. Pauline, seize ans, fréquentait une copine de classe, ce que désapprouvait sa mère, en vain. Pauline avait commencé par fumer des cigarettes, puis à boire de la bière, des alcools forts. L’engrenage était lancé et le cannabis s’était invité. Trois jours que Pauline a disparu, et la mère signale seulement ce qui peut être une fugue, voire un enlèvement. Tout est possible.

Alors direction quartier d’HLM blêmes à la rencontre de Sabrina, la copine qui elle-même renvoie les deux policiers vers une autre gamine, Julie. Une tireuse. Une gamine qui soustrait avec habileté le portefeuille de touristes peu méfiants. Paco et Gina parviennent à tirer les vers du nez de Julie. Les deux gamines étaient encore ensemble la veille, puis dans un bar un homme les avait abordées. Julie avait refusé mais Pauline l’a suivi. Il s’était présenté comme photographe.

Gina propose à Paco de participer à une petite fête qu’elle organise chez elle. Il est prévenu, il n’y aura rien entre eux, elle est lesbienne et vit avec sa copine. C’est alors qu’ils sont dérangés par un appel téléphonique leur apprenant que Julie a été retrouvée le visage, le cou et une grande partie du corps parsemé de brûlures de cigarette. Mutique depuis, elle a toutefois déliré et l’infirmière a recueilli des mots, des bribes de phrases, un nom. Le Photographe. Le Photographe du Vatican. Ce nom dit quelque chose à Paco qui s’empresse d’interroger un camé de sa connaissance. Peu à peu le chemin est balisé, presque, mais faut le remonter, et bien des obstacles se présentent devant Paco et Gina. Et des flics, hargneux, de la Brigade criminelle s’imposent pour accompagner Paco et Gina dans leurs tribulations.

Paco, ancien alcoolique qui n’a pas vraiment décroché, engloutit des bouteilles de sirop à la codéine contre la toux, breuvage parfois agrémenté de bourbon. Il suit, par obligation, des séances de thérapie auprès d’une psychiatre. Mais il est obnubilé par la mort de Katia dans des conditions atroces. Et il essaie de chasser cette image obsédante, à moins qu’au contraire cela le plonge encore plus dans la déprime, en écoutant en boucle des CD de Béla Bartók.

 

Arkestra. Ville imaginaire qui pourrait être Paris et ses nombreux quartiers pauvres, qui ressemblent à un vaste marécage dans lequel s’ébattent des prédateurs et des personnages englués dans un quotidien peuplé de démons. Des quartiers riches mais encore plus de quartiers pauvres, délabrés. Qui répondent aux noms comme Trope Terminal, Calliope, des stations de métro dénommées Christ Eternel, Templiers.

Si l’on peut penser à l’apport d’Ed McBain dans la mise en place du décor d’une ville imaginaire, je crois qu’il faut plutôt se référer à Iceberg Slim (auteur évoqué par Karim Madani), Clarence Cooper et à Donald Goines pour l’atmosphère qui règne dans ce roman et à David Goodis pour la descente aux enfers entreprise par ses héros et le désespoir qui s’en dégage. A rapprocher aussi de Marc Villard pour son regard sur la ville, sur ses paumés, ses drogués. Un roman glauque mais fascinant.

Karim MADANI : Le jour du fléau. Série Noire, Gallimard. Parution novembre 2011. 304 pages. 14,10€.

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18 novembre 2015 3 18 /11 /novembre /2015 15:19

Chicago sur Rhône...

François JOLY : Chicagone.

Jordi, le neveu de Pedro, a été assassiné dans la banlieue lyonnaise.

Le vieil anarchiste, fabriquant de faux passeports pour le Poulpe, pense tout de suite à alerter son ami. Ce n'est pas le premier assassinat, ni le premier faux-suicide qui se déroule dans cette banlieue chaude.

Le Poulpe ne se pose pas de question. C'est l'amitié qui prime, et s'il ne se sent pas la vocation d'un détective privé, il s'érige en redresseur de torts populaire, en justicier libertaire.

Après avoir épluché les notes amassées par Pédro, analysé les coupures de journaux, il se rend à Vénissieux, à Saint Priest, et commence une quête parmi la faune locale dont la principale occupation est de pointer au chômage. Au commissariat local, il ne glane que des broutilles, même si l'un des inspecteurs semble vouloir lui laisser la bride lâche.

Les responsables ou animateurs des Maisons de la Culture qu'il rencontre ne lui sont en général pas de grand secours. Pourtant des malabars, surnommés les frères Karamasov se dressent sur son chemin. Bientôt il se rend compte qu'il s'agit de deux sortes d'assassinats, et donc qu'il pourrait y avoir deux assassins potentiels.

 

Bien ficelé, comme un saucisson de Lyon, ce roman permet à François Joly d'exprimer une certaine colère envers des pratiques qui vont à l'encontre du but recherché.

Ainsi de la façon de procéder de la part du gouvernement ou des instances régionales qui prônent le sport mais oublient de distribuer les subsides promis; dans la façon même de gérer les Maisons de la Culture et de la vocation ou de l'aptitude de leurs éducateurs et directeurs; de la condition féminine des adolescentes, principalement celles qu'on appelle les beurettes, dans des banlieues surpeuplées et déshéritées...

Tapie en prend plein son grade et il n'est pas le seul. Au delà d'une nouvelle aventure du Poulpe, il s'agit de procéder à une analyse sociale, et François Joly y réussit avec malheureusement aucun remède à proposer. Mais après tout ce n'est pas son rôle, c'est celui des politiciens qui pensent plus à leur destin qu'à celui de leurs concitoyens.

 

François JOLY : Chicagone. Le Poulpe N°34. Editions Baleine. Parution 15 octobre 1996. 168 pages. 8,00€.

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