Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
7 septembre 2016 3 07 /09 /septembre /2016 08:34

Elle a du boulot...

Hervé JAOUEN. L'allumeuse d'étoiles.

Compagne d'un musicien, Evelyne pousse la romance dans le Nord.

Puis de ses Flandres natales, elle s'exile dans les monts d'Arrée, en pleine Bretagne, goualant dans un dancing fréquenté par les sexagénaires locaux.

C'est là que de blonde aux yeux bleus elle devient Eva, la brune aux mirettes noisette. Elle est remarquée par un poète qui lui donne des textes de chanson. Le poète devient amant, et la vie aurait pu s'écouler tranquille, heureuse même, si un producteur parisien aux dents longues n'avait été subjugué par sa voix.

Il propose l'enregistrement d'un disque, promet une carrière mirifique, lui demande de signer un contrat en béton, se réservant pour lui les picaillons. Alors Eva devient Lyne, et anime les soirées d'un club en Turquie, passant à côté de la gloire et des feux de la rampe.

Eva, la petite boule de flipper chahutée par des Pygmalion de plus ou moins grande envergure, est ballottée, bousculée, renvoyée d'un plot à un autre, débouchant d'un couloir, s'enfonçant dans un trou pour mieux être catapultée jusqu'au tilt final dans un embrasement de lumières.

 

Ce roman à deux voix, dans lequel s'inscrit une partition gigogne, reflète la vision pessimiste d'un auteur sur notre monde clinquant où la fatalité s'inscrit en lettres de feu.

Hervé Jaouen poétise et désacralise. Il brocarde le show-biz et les clubs de vacances soi-disant exotiques, empiète sur la sorcellerie.

Ses personnages traversent la scène d'un théâtre de quatre sous reflétant la misère physique, charnelle, morale.

Solitaire et frustrée, parturiente primipare à l'aube de la quarantaine, nymphomane sexagénaire, voilà l'un des destins qu'Hervé Jaouen nous livre parmi tant d'autres et que côtoiera un ersatz de Patricia Kass.

 

Première édition Denoël. Parution 27 août 1996. 288 pages.

Première édition Denoël. Parution 27 août 1996. 288 pages.

Réédition Folio. Parution 6 janvier 1998. 304 pages.

Réédition Folio. Parution 6 janvier 1998. 304 pages.

Hervé JAOUEN. L'allumeuse d'étoiles. Editions Presses de la Cité. Parution 25 août 2016. 304 pages. 20,00€.

Partager cet article
Repost0
6 septembre 2016 2 06 /09 /septembre /2016 13:58

Bon anniversaire à Colette Piat, alias Patricia Lumb, née un 6 septembre.

Patricia LUMB : Lady Blood à Tokyo.

Il ne faut pas croire que dans les romans policiers, seuls les policiers sont les héros. Les méchants savent aussi se mettre en valeur.

Rappelez-vous Arsène Lupin le facétieux créé par Maurice Leblanc, Fantômas le malfaisant de Souvestre et Allain, Chéri-Bibi de Gaston Leroux, Parker de Richard Stark alias Donald Westlake, ou encore Bernie Rhodenbarr de Lawrence Block.

Patricia Lumb, avec Lady Blood, met en scène un Fantômas en jupon qui heureusement fait moins couler le sang que le mystérieux criminel mais possède des appétits sexuels difficilement rassasiables.

D'ailleurs elle a tout pour plaire. Belle, intelligente, sans scrupule, elle n'est pas dénuée d'humanisme. Entreprenante, cultivée, elle sait jour les naïves, les ingénues, les blondes évaporées.

Cependant elle peut également se montrer sous un jour plus noir. Téméraire, audacieuse, volontaire, hardie, autoritaire, déterminée, et amorale lorsque les circonstances l'exigent.

 

Chez Sotheby's à New-York, la grande attraction est un tableau de Van Gogh, Les Dahlias, adjugé à cinquante sept millions de dollars. Faut dire que la mode est aux Van Gogh et que ceux-ci s'arrachent comme des petits pains un jour de disette.

Ah, s'il pouvait entendre les enchères ce rapin qui ne prêtait qu'une oreille aux contingences matérielles !

Mais se porter acquéreur ne veut pas dire être propriétaire, car entre temps de petits futés subtilisent la toile au grand détriment de l'heureux enchérisseur.

Les transports Glass sont ce qu'il y a de mieux au point de vue convoyage, et pourtant... Le fourgon est retrouvé délesté du tableau convoité, le chauffeur amoché, et son coéquipier incinéré. Quoique...

Dans le même temps, de mystérieux détrousseurs de cercueils réalisent une opération rafle dans un cimetière, lors d'un enterrement. Lady Blood en finesse est maintenant en possession de cette peinture hors de prix.

Il ne lui reste plus qu'à négocier quelques petites transactions bassement matérielles, qui la mèneront jusqu'à Tokyo, en plein repaire de yakusas.

Mais Lippia Citriodora, ne pas confondre avec la Cicciolina, surnommée Lady Blood, aura maille à partir avec des escrocs aux dents longues, des complices taraudés par la jalousie, des membres rapportés de la famille guère complaisants.

Et tout comme Fantômas, elle traîne derrière elle son Juve en la personne de Mac Kenzie, agent du FBI, qui n'en peut mais.

Cette institution américaine n'est plus ce qu'elle était, et ses dignes représentants ont la fâcheuse tendance à se faire marcher sur les pieds.

 

Moins sanguinolent et pervers que je m'y attendais, les critiques des précédents romans mettant en scène cette jeune femme dédaignant le port du slip, à vos souhaits, et révélant une nudité pubienne aussi rose et lisse que le crâne de Yul Brynner (c'est devenu une mode paraît-il), n'ayant guère été élogieuses, j'ai donc entamé ce roman avec une certaine appréhension et une circonspection certaine.

En réalité je me suis franchement amusé à la lecture de ce livre qui est un véritable pastiche, alliant les énormités et les retournements de situations propres aux feuilletons du XIXe siècle, aux aspirations les plus secrètes des dames patronnesses frustrées de cette fin de siècle. Le droit aux fantasmes mais également à leur accomplissement.

Sérieux s'abstenir, amateurs de canulars soyez les bienvenus dans l'univers de Lady Blood.

 

Patricia LUMB : Lady Blood à Tokyo. Collection Sueurs Froides. Editions Denoël. Parution 17 septembre 1991. 192 pages. 13,00€.

Partager cet article
Repost0
5 septembre 2016 1 05 /09 /septembre /2016 14:23

Ne s'use que si l'on s'en sert ?

Paul-Jacques BONZON : Les six compagnons et la pile atomique.

Tout comme le monde en général change, grâce ou à cause des nouvelles technologies par exemple, les romans jeunesse d'aujourd'hui ne possèdent plus la même tonalité que ceux que nous pouvions lire il y a cinquante ans.

Le style et la façon de raconter, le sujet et le contenu diffèrent parfois profondément. Pour s'en rendre compte il suffit de lire deux ouvrages parus ou réédités récemment : Tu ne sais rien de l'amour de Mikaël Ollivier ou Luz de Marin Ledun, dont vous trouverez les liens en fin d'article, et qui s'adressent plus à des adultes qu'à des préadolescents et celui dont je vous propose la lecture aujourd'hui.

Il eut été impensable dans les années cinquante ou soixante de mettre en scène des adolescents, des deux sexes, de quatorze ans coucher dans la même chambre, le même lit et s'adonner au simulacre de la reproduction, ou s'adonner aux boissons alcoolisées.

Les héros de notre enfance étaient plus sages tout en vivant des aventures exaltantes. Mais surtout ils proposaient ce goût de l'aventure et de l'identification au(x) héros, sentiments que l'on ne ressent plus forcément avec les romans pour adolescents qui nous sont présentés de nos jours.

 

Ainsi dans Les six compagnons et la pile atomique, roman écrit par Paul-Jacques Bonzon, un instituteur né en 1908 dans la Manche, plus exactement à Sainte-Marie-du-Mont, village où s'est installé depuis quelques décennies Gilles Perrault. Après ses études à l'Ecole Normale de Saint-Lô et enseigné dans son département natal, Bonzon est muté dans la Drôme, ayant épousé une native de ce département, elle-même enseignante. Il termine sa carrière en 1961 se consacrant alors à son métier d'écrivain pour enfants.

Et c'est tout naturellement que Paul-Jacques Bonzon va prendre pour héros des gamins de douze et treize ans issus du quartier de La Croix-Rousse, ou comme Tidou, le personnage principal et narrateur, de la Drôme et plus exactement de Reillanette ou Reilhanette. Son père ayant trouvé un emploi dans la capitale des Gaules, Tidou a débarqué à Lyon et son premier contact avec cette ville est plutôt décevant. Mais il se fera des copains en la personne de Corget, chef incontesté de la bande, et de Mady, une jeune handicapée. Suivront un peu plus tard Gnafron, la Guille, Bistèque, le Tondu, des surnoms en référence à leur physique ou à la profession du père. Sans oublier Kafi, le chien de Tidou.

Au moment où débute cette histoire, le maître (on ne parlait pas encore de professeur des écoles, un barbarisme) donne le clap de fin. Les vacances vont pouvoir commencer et Tidou se réjouit d'aller à Reillanette, son village, et retrouver Mady, sa copine d'enfance. Mais pour Corget et les autres compagnons de la Croix-Rousse, comme ils ont été surnommés, commence une période d'ennui. Que faire durant ces semaines estivales de vacances scolaires ?

L'idée est simple. Et si tout le monde partait ensemble, sans oublier Kafi le chien, à Reillanette ? Aussitôt envisagée, l'idée est aussitôt approuvée. Les parents ayant accordé leur aval, il ne reste plus qu'à se préparer pour ce voyage long de deux-cent-cinquante kilomètres environ. La bande descendra le Rhône à bicyclette en trois étapes, et afin de ne pas fatiguer Kafi, il voyagera dans une carriole attachée à l'un des vélo. Seulement un imprévu se dresse devant eux. Trouver des vélos ne pose aucun problème, ceux des parents ou grands-parents seront réquisitionnés. Le problème, c'est La Guille. Il ne sait pas faire de vélo. Quelques exercices pourvoiront à son apprentissage et enfin le grand jour est arrivé.

Les deux premières journées se passent sans incident où presque. La Guille se retrouve parfois à terre, mais ce n'est pas grave. Et puis il faut compter avec les crevaisons également. La petite troupe repart, et les voici arrivés près de Marcoule, la nouvelle structure nucléaire. Ils couchent à la belle étoile mais au petit matin, Kafi a disparu. Ils attendent la levée du jour pour le rechercher. Ils battent les bois et ne le découvrent que quelques longues minutes plus tard. Il est blessé, mais ils ne parviennent pas à déterminer ce qui a pu provoquer cette blessure. Ils repartent et arrivent enfin à Reillanette où Mady les attend allongée dans sa chaise longue. Sa maladie l'oblige à rester le plus souvent couchée, mais elle profite du soleil, ce qui ne peut que lui faire du bien.

Tidou retrouve avec plaisir un copain d'enfance, Frigoulet. Ils vont dormir dans un vieux moulin délabré sur des meules de foin. Ils ne possèdent pas beaucoup d'argent et cela n'obèrera pas leur pécule. Et comme un vétérinaire coûte cher, Frigoulet leur enseigne l'adresse d'un rebouteux, un vieil homme amoureux des animaux qui découvre dans la plaie de Kafi une balle provenant d'un revolver.

Des campeurs, deux hommes et un enfant, se sont installés non loin du moulin, mais leurs déplacements intriguent Tidou et ses amis. D'autant que s'ils se déplacent souvent en voiture, c'est de nuit.

Les six compagnons vont faire un lien entre ces hommes, qui cachent des armes dans leur tente et un coffre énigmatique d'où s'échappe un tic-tac pouvant être celui d'une petite bombe à retardement, et la blessure de Kafi. Ils en parlent aux gendarmes qui ne croient pas à leurs assertions, et visiblement se moquent d'eux.

 

Première édition 1963.

Première édition 1963.

Un roman bien dans l'esprit de l'époque. Les préadolescents pouvaient en toute confiance de leurs parents, partir en vacances, sans que planent sur leurs têtes des menaces actuelles, disparitions, enlèvements, accidents de la circulation. D'ailleurs la circulation automobile était moindre. Les six compagnons prennent de petites routes pour atteindre leur but. Et cela fournit des indications sur l'état d'esprit, la mentalité, les mœurs d'une époque qui n'est pas si éloignée de nous.

Les gendarmes ! s'écrie Gnafron, ils ne nous écouteraient pas. Parce que nous portons des culottes courtes, personne ne nous croirait.

Il n'existe pas de leur part une peur du gendarme, mais une méfiance, et ils ont raison car effectivement les gendarmes dont ils sollicitent l'aide les prennent pour des affabulateurs.

 

Mais il est bon de savoir qu'à l'époque où est paru ce roman, 1963, la menace nucléaire n'était pas aussi prégnante qu'aujourd'hui. De nos jours il existe les pro-nucléaires pour des raisons principalement économiques et financières, et les antinucléaires qui songent aux conséquences désastreuses éventuelles.

Tout en cassant la croûte, nous parlons de Marcoule. Le mot "atomique" nous impressionne terriblement. Mais nous sommes trop fatigués, bientôt nous ne pensons plus qu'à dormir.

Cette mystérieuse usine est un peu au cœur de l'intrigue, et des agrandissements, des aménagements sont réalisés. Mais le danger qu'elle représente est vaguement évoqué, tandis que de nos jours elle en serait presque le personnage principal.

 

Alors même si certains peuvent qualifier cette histoire de simplette, elle offre ce plaisir lié à l'enfance, où le plaisir de la lecture primait sur la télévision, les jeux vidéos. Evidemment il paraît que la lecture est un plaisir solitaire mais il est amusant de constater que dans la plupart de ces romans, les enfants connaissent des aventures épiques en bande. Bien sûr une certaine moralité se dégageait de ces romans prônant l'amitié et la solidarité, des valeurs qui devraient toujours exister.

De nos jours ce sont des faits de société qui nous sont imposés la plupart du temps, chômage, drogue, agressions sexuelles. Didier Daeninckx avait ouvert la brèche dans les années 1980 dans ses romans publiés chez Syros, entraînant de la part de certains chroniqueurs une réflexion de démagogie et de rejet, et depuis la plupart des romanciers pour juvéniles se sont emparés de ces thèmes. Il est bon d'en parler et de dénoncer certaines pratiques, mais il est bon également de laisser une part de rêve dans les romans pour enfants.

 

Réédition de 1990.

Réédition de 1990.

Paul-Jacques BONZON : Les six compagnons et la pile atomique. Collection Bibliothèque Verte. Editions Hachette. 190 pages. Réédition mars 1979.

Partager cet article
Repost0
4 septembre 2016 7 04 /09 /septembre /2016 09:13

Sauf les illusions...

Cloé MEHDI : Rien ne se perd.

A onze ans Mattia a déjà un drôle de passé derrière lui, enfin drôle ce n'est pas tout à fait le mot qui convient. Un passé de bric et de broc, aux nombreuses fractures.

Gabrielle, la copine plus âgée de son tuteur, est à l'hôpital. Elle a tenté de se suicider en se tailladant les veines. Zé, le tuteur de Mattia, n'a que vingt quatre ans, et il est vigile dans un magasin. Il travaille de nuit. Il a obtenu la garde de Mattia quelques années auparavant, avec l'accord de la mère de l'enfant, et de ses frère et sœur, plus vieux que lui. Zé a toujours un livre à la main ou près de lui. Il peut réciter par cœur des passages entiers de Rimbaud, Lamartine et bien d'autres poètes qu'il affectionne.

Il faut dire que le père de Mattia s'est pendu dans sa chambre à l'Hôpital Psychiatrique où il était détenu depuis un épisode qui l'avait complètement chamboulé. Zé aussi était dans le même service. Les deux hommes étaient devenus amis, une amitié d'entraide forgée par des destins quasi parallèles.

Le père de Mattia était éducateur spécialisé. Depuis cet incident tragique, ses neurones avaient court-circuité. La famille s'est éparpillée en morceaux. Mattia ne voit plus sa mère, ou rarement. Son frère, ou plutôt son demi-frère Stephano vit dans les beaux quartiers, il est médecin. Sa sœur Gina est partie courir le monde à la recherche d'illusions perdues. Et Mattia qui n'a que onze ans, vit entouré de Zé, qui essaie de l'éduquer comme il peut, et de Gabrielle qui ne pense qu'à s'échapper de la vie en se donnant la mort.

Depuis un certain temps, des graffitis fleurissent sur les murs des immeubles, des tags représentant Saïd, un adolescent mort quinze ans auparavant. Et Mattia s'aperçoit que deux individus le surveillent à la sortie de l'école, le suivent. Il en fait part à Zé qui ne croit pas trop à ce que lui dit Mattia. Des mensonges édictés par le gamin qui n'apprécie pas l'école. Jusqu'au jour où il est bien obligé de reconnaitre que Mattia n'affabule pas. Sont-ce des policiers ou des truands ?

Gina revient à improviste, serait-ce le début de la réconciliation familiale ? Mattia peut toujours rêver. Et puis il est comme Zé, comme Gabrielle qui a elle aussi fait des séjours en HP. Il a vécu son traumatisme à lui, et il est suivi par une psychologue. Heureusement Nouria, c'est son nom, est sympathique et compréhensive. Seulement Mattia n'aime pas l'école

Je déteste l'école parce qu'elle me vole du temps - un temps considérable. Il y aurait tellement intéressant à faire que d'être là, assis sur une chaise, à attendre bêtement qu'on te remplisse la tête de savoir inutile en chassant tout ce qui est important pour faire plus de place.

 

Mattia est un gamin issu des Verrières, quartier déshérité, aujourd'hui réduit à un vaste chantier. Les barres d'HLM (habitations à loyer modéré) ont été rasées et sur le terrain sur lequel s'élèvent les grues, seront construites des HLD (habitations à loyer dispendieux).

 

Cloé Mehdi écrit en trempant sa plume dans l'encrier de la rage, elle dénonce l'injustice, l'impunité, dont font preuve les forces de police lorsque l'un de ses membres commet, sous couvert de légitime défense, un meurtre. Une diatribe virulente, un réquisitoire, plus qu'un constat.

Cloé Mehdi n'a que vingt-quatre ans, mais elle écrit comme si elle était beaucoup plus vieille, accumulant des expériences vécues et avait connu personnellement ce genre de situation.

Mattia est un gamin de onze ans, beaucoup trop mature pour son âge, dont les réflexions sont celles d'un adolescent déjà aigri par les inégalités.

Pourquoi ton père il a envoyé en taule des tas de gens des Verrières qu'avaient pas fait grand chose, alors que le flic qui a tué Saïd, personne ne l'a condamné.

Mais il n'est pas le seul à regretter cet état de fait. Ce corporatisme à outrance dont devait nous débarrasser la Révolution mais dont on voit et subit tous les jours les outrances.

Depuis que tu es entré à l'école de police, tu ne fréquentes plus que tes copains flics. Tu ne sais même plus comment ça fonctionne le monde au-delà de ton petit cercle de collègues dont la vision des réalités sociales s'arrête au bout de leur képi.

Il y a la parole des témoins, lorsqu'on en trouve, et celle des policiers. Certains s'élèvent contre les matraquages, mais les excuses en faveur des policiers ne manquent pas. Pourtant :

Ils étaient à quatre contre un mais ce n'était pas suffisant apparemment, parce que ce flic lui a défoncé le crâne pour le calmer.. C'est drôle cette tendance qu'ils ont à toujours taper là où ça peut tuer, par erreur.

Ce ne sont que quelques exemples, significatifs, mais devant les médias, les représentants syndicaux de la police vous démontreront, alors qu'ils n'étaient pas sur place, que tout ce qui est arrivé lors d'une manifestation, les bavures, ne peuvent imputées à un policier mais à celui qui reçoit les coups de matraque, ou autre. Des balles, dans le dos par exemple, parce que l'individu les menaçaient.

 

Au début le lecteur est perdu. Comme si Cloé Mehdi avait enfoui son intrigue sous une multicouches de voiles qu'elle soulève peu à peu. Lentement, pour que le lecteur ressente bien qu'elle a des choses à dire, que les révélations vont secouer le lecteur, que tout n'est pas joli dans le passé de Mattia, et même avant.

Malgré l'incompréhension dans laquelle le lecteur (moi en l'occurrence) patauge, il ne peut lâcher ce livre, happé par cette histoire qui se déshabille et prend forme, tout doucement, car le tragique n'en est que plus fort que lorsqu'il se révèle par degrés. Si tout avait dit ou présenté au début, cela aurait fait comme une petite claque et on s'en remet vite. Là, au contraire, c'est une accumulation de crochets au foie, ou au cœur, qui sont assenés, et lorsque l'on sait tout, qu'on a tout compris, on reste groggy sur le tapis.

Plus qu'un roman policier noir, Cloé Mehdi a écrit un roman social, comme pouvait en écrire Emile Zola, Victor Hugo, Eugène Sue et d'autres, mettant en exergue les dérives policières absoutes par l'état et la justice.

 

Ce roman est un coup de coeur pour Pierre de BlackNovel1. Et pour vous ? Quelque soit votre opinion, lisez le sien :

Cloé MEHDI : Rien ne se perd.

Cloé MEHDI : Rien ne se perd. Collection Jigal Polar. Editions Jigal. Parution 18 mai 2016. 272 pages. 18,50€.

Partager cet article
Repost0
3 septembre 2016 6 03 /09 /septembre /2016 14:17

Sur les traces de David Goodis...

Max OBIONNE : Scarelife.

Une lettre écrite à l’encre bleue, reçue par Mosley, et celui-ci sent que sa vie vient de basculer.

La dernière fois qu’il a reçu ce genre de bafouille, c’était dix ans auparavant, alors qu’il était au pénitencier. Depuis il s’est installé dans le Montana, en compagnie de Bess, ancienne actrice d’une série télévisée qui eut son heure de gloire. Mais Bess a forci, n’est plus la jeune première prometteuse, et son caractère a évolué.

Mosley écrit des scénarii de dessins animés plus ou moins débiles, mais les jeunes s’en contentent, alors pourquoi être plus royaliste que le roi. Il s’est attelé aussi à un biopic sur David Goodis, l’auteur de Cauchemar, Lune Blafarde et combien de titres tous empreints de désespérance.

Mosley décide de partir à Rochelle, en Louisiane, retrouver ce père qu’il déteste. Il plaque Bess, n’emportant avec lui qu’un cahier, des crayons, et quelques bricoles dont une bouteille de Bourbon. Si seulement ses mains ne le démangeaient pas, cela irait, mais il est obligé de porter en permanence des gants. Des mains qui le démangent au propre comme au figuré. Sacré eczéma physique et mental.

Le voyage est long du Montana jusqu’en Louisiane, et il ne peut se déplacer que par voie terrestre, ayant une phobie de l’avion. Dans le car qui l’emmène vers le Sud, il fait la connaissance d’une jeune femme, très jolie, mais il ne pouvait en être autrement sinon l’aurait-il remarquée, et répondu à sa proposition de l’héberger pour la nuit. Il accepte, tout heureux de pouvoir se reposer dans un lit, même déjà occupé par quelqu’un d’autre. Faut avouer qu’elle est bien esseulée la pauvre, son mari vit dans une chaise roulante, paraplégique, à moitié sourd et à moitié muet, une reconnaissance de l’état en remerciement de ses bons services en Irak.

Et comme c’est un bon gars Mosley, il débarrasse son hôtesse, qui ne lui a rien demandé, d’un mari devenu encombrant en simulant un accident alimentaire. Son premier meurtre sur la longue route qui le conduit à Rochelle. Car si son odyssée est pavée de bonnes intentions, elle est aussi pavée d’assassinats. Il n’y est pour rien, c’est son destin qui le guide dans des coups fourrés.

Bientôt il apprend qu’une de ses vieilles relations, le policier Herbie Erbs, celui qui l’avait arrêté et traîné au tribunal, d’où son enfermement dans un pénitencier qui n’a pas assez longtemps au goût du policier, est à nouveau à sa recherche. Sur ses traces, car Erbs est comme les chiens dont Mosley a horreur, quand il a une proie entre les dents, il ne la lâche pas.

 

Max Obione excelle dans ses histoires, forcément noires, et ce nouvel opus ne déroge pas à cette règle. La road-story de Mosley s’inscrit dans l’une de ces réussites qui prouvent que les Américains n’ont pas l’apanage de ce genre d’histoires, et qu’il n’est nul besoin de s’échiner sur 800 pages et plus pour construire une histoire prenante, épurée presque, aussi bien dans l’écriture du récit que dans les dialogues. Un style solide qui parfois s’apparente au staccato d’une mitraillette.

Avec des personnages croqués en quelques lignes qui se suffisent. Max Obione offre aux lecteurs quelques bonus, dont les pages extraites du scénario sur David Goodis, scénario qui pourrait être un calque de la vie de Mosley dont on n’apprend qu’à la fin sa motivation à entreprendre un voyage retour vers le père honnit. Mais comme si l’épilogue ne se suffisait pas à lui-même, l’auteur en ajoute un second, qui complète le premier et le transcende. Un véritable plaisir de lecture.

 

Pour le commander, pointer le curseur de votre souris sur le lien ci-dessous. Cela vaut le coup, les frais d'envoi sont gratuits.

Première édition :Collection Forcément Noir. Editions Krakoen. 252 pages. 10€

Première édition :Collection Forcément Noir. Editions Krakoen. 252 pages. 10€

Max OBIONNE : Scarelife. Réédition éditions du Horsain. Parution 1er septembre 2016. 252 pages. 9,00€.

Partager cet article
Repost0
2 septembre 2016 5 02 /09 /septembre /2016 08:51

Un Marin d'eau douce...

Marin LEDUN : Luz.

Etant réfractaire à tout matraquage publicitaire, j'ai décidé de ne point vous parler de En douce, le dernier roman de Marin Ledun. Des confrères, et néanmoins amis, blogueurs arrosent de toute part les sites, et un avis supplémentaire n'apporterait rien de plus à ce déferlement d'articles.

J'ai donc préféré vous proposer un roman publié dans une collection pour adolescents chez Syros et réédité chez J'ai Lu dans la collection Thriller, gagnant un statut d'adulte mais également plus de visibilité.

 

Tous les dimanches d’été, ou presque, c’est la même chose. Le déjeuner sur la terrasse s’éternise, les hommes sont à moitié ivres, et les femmes constatent sans dire.

Luz, en vérité Lisa mais sa mère préfère l’appeler ainsi, Luz n’a qu’une envie, se baigner dans les eaux de la Volte. Elle a réussi, non sans mal à convaincre sa mère de lui acheter un maillot de bain deux pièces. A quatorze ans, elle n’est plus une gamine, du moins c’est ce qu’elle pense.

Alors qu’elle s’apprête dans la salle de bain, elle est dérangée par Frédéric Vanier, le meilleur ami de son père. Il pue l’alcool et la sueur. Luz en a des hauts le cœur. D’autant plus qu’il commence à la tripoter, en la complimentant sur sa féminité naissante. Elle parvient à échapper à ses grosses mains grasses mais elle est quand même troublée par ces attouchements répugnants.

Lorsqu’elle redescend à l’étage, Marie sa jeune tante, la seule qui la nomme par son prénom de baptême, se rend compte que quelque chose perturbe l’adolescente. Mais Luz préfère se taire, car elle croit apercevoir des larmes dans les yeux de sa mère.

Sa mère est réticente à accorder à Luz la permission de se rendre sur les rives de la Volte, mais Marie intercède en sa faveur et Luz ne demande pas son reste. Maud et Virginie ses deux sœurs sont absentes, tant pis, elle ira seule. Auparavant elle doit encore subir une nouvelle humiliation. Vanier veut l’obliger à ingurgiter un petit verre d’alcool, sous l’œil indifférent de l’assistance. Luz s’échappe et, par un réflexe auquel elle ne peut donner aucun sens, elle attrape une bouteille d’eau de vie de mirabelle qu’elle glisse dans son sac.

Arrivée sur le lieu de la baignade, elle trouve qu’il y a déjà trop de monde et décide de s’éloigner, de profiter de la rivière en s’isolant. En remontant le cours d’eau elle aperçoit sur l’autre rive Thomas, un élève de troisième dont elle a fait la connaissance un peu avant la fin des cours.

Elle n’est pas insensible à sa dégaine de baroudeur de seize ans, un peu frêle mais aux épaules larges. Elle le rejoint mais à son grand désappointement il n’est pas seul. Il est accompagné de Manon, une adolescente de l’âge de Luz. Elles sont toutes deux dans la même classe depuis la sixième mais c’est bien la seule chose qu’elles ont en commun.

Manon est extravertie, toute en rondeurs, et elle brille durant les cours. Elles se connaissent, point, mais ne se fréquentent pas. Pourtant il faut bien que Luz la supporte si elle veut se baigner avec Thomas. Alors qu’ils se rendent jusqu’à un point d’eau difficile d’accès, ne voilà-t-il point que quelques jeunes, trimballant des bouteilles de bière, se joignent à eux, pour le meilleur et pour le pire. Surtout pour le pire comme le constatera Luz à son corps défendant.

 

Marin Ledun ne se contente pas d’écrire des romans pour adultes, romans qui sont souvent récompensés par des prix comme Les visages écrasés (Editions du Seuil) titre qui a accumulé les récompenses, il fait profiter les enfants et les adolescents de son talent.

Luz est bien loin de l’ambiance des Vacances de la Comtesse de Ségur, car le propos de Marin Ledun, s’il n’est pas moralisateur, montre les dangers encourus par naïveté, par indifférence, par inconscience, par les premiers émois amoureux et la montée de la libido, par l’ingestion d’alcool (tout autant par les adultes que par les jeunes), par toutes ces petites défectuosités auxquelles les adolescents sont confrontés.

Mais je le répète, Marin Ledun ne se dresse pas en censeur, en moralisateur, il décrit quelques scènes qui ne sont pas si anodines et rarissimes que l’on pourrait croire, et pas uniquement en banlieues, cibles privilégiées sur lesquelles on pointe trop souvent le petit bout de la lorgnette.

Première édition Collection Rat Noir. Editions Syros. Parution 8 mars 2012. 126 pages. 14,50€.

Première édition Collection Rat Noir. Editions Syros. Parution 8 mars 2012. 126 pages. 14,50€.

Marin LEDUN : Luz. Réédition J'ai Lu Policier. Parution 24 août 2016. 156 pages. 5,00€.

Partager cet article
Repost0
1 septembre 2016 4 01 /09 /septembre /2016 13:49

Hommage à Arthur Upfield, né le 1er septembre 1890.

Arthur UPFIELD : L'homme des deux tribus

Au sud de l'Australie s'étend une immense plaine désertique, inhospitalière, baptisée Nullarbor, pas d'arbre.

Seuls s'érigent quelques villages, petits points reliés par une longue ligne de chemin de fer et des exploitations agricoles dont la vocation est l'élevage.

Depuis plus de cinq semaines, Easter, le brigadier de gendarmerie de Chifley, passe son temps à rechercher les traces de Myra Thomas, une jeune femme disparue à l'un des arrêts du Transcontinental. Disparition d'autant plus mystérieuse que Myra venait d'être acquittée du meurtre de son mari.

Selon une légende aborigène, Ganba, un esprit malin, enlevait les jeunes filles ou femmes pour les dévorer. Et nombreux sont ceux qui pensent que le vieux Ganba vient de commettre un nouveau forfait.

L'inspecteur Napoléon Bonaparte est dépêché par l'administration afin de reprendre l'enquête de zéro.

Pour cela il endosse l'identité de William Blake, pseudo neveu de Patsy Lonergan, prospecteur, trappeur, chasseur de dingos - espèce de renards australiens - qui vient de mourir d'une crise cardiaque suite à une cuite carabinée.

Le vieux trappeur avait consigné dans son journal son itinéraire, jour par jour, les petits faits anodins qui émaillaient ses pérégrinations, dans la relève de ses pièges.

Une nuit il a entendu et vu un hélicoptère, la nuit même de la disparition de la jeune femme. Y-a-t-il corrélation entre ces deux événements ?

L'identité, la provenance, la destination de l'appareil ne sont mentionnées nulle part.

Alors, partant de Mount Singular, une exploitation où Lonergan disposait d'un refuge, l'inspecteur Napoléon Bonaparte, Bony pour tout le monde, va remonter la piste du trappeur, empruntant un itinéraire aux noms évocateurs mais inscrits sur aucune carte ou relevé topographique, se fiant à l'instinct et au flair des deux chameaux et du chien de Lonergan, malgré les propos dissuasifs des habitants de Mount Singular.

 

Bony est un homme de terrain, d'origine aborigène, possédant dans le sang les qualités de patience, d'endurance, de déduction, d'observation de ses ancêtres. Toutes qualités dont il aura bien besoin pour mener à bien sa mission.

L'Australie, terre de rêves, de légendes, de migrations, est un pays que la plupart d'entre nous connaissons uniquement par des clichés, nullement révélateurs.

Sidney, Melbourne, les troupeaux immenses de moutons, les kangourous, les boomerangs, le rugby, voilà tout le folklore que l'on peut associer aux paysages désertiques du Bush australien.

Grâce à Arthur Upfield, précurseur du polar ethnologique, genre à qui Tony Hillerman doit une grande partie de ses succès, adaptant la recette pour mettre en scène ses limiers Navajos, nous découvrons un univers inconnu, différent.

Les descriptions de la culture aborigène, ses légendes, les mœurs de son peuple, ses coutumes, alliés à des intrigues solides, permettent au lecteur avide d'évasion, de grands espaces, de pouvoir contenter son envie à satiété sans pour autant être confronté à des ouvrages arides, ennuyeux, rébarbatifs, ou par trop pédagogiques.

Arthur UPFIELD : L'homme des deux tribus

Arthur UPFIELD : L'homme des deux tribus (The man of two tribes - 1956. Traduction de Michèle Valencia). Collection Grands Détectives N°2226. Editions 10/18. Première édition 1991. Réimpression 2008.

Partager cet article
Repost0
31 août 2016 3 31 /08 /août /2016 09:13

Je ne demande qu'à apprendre !

Mikaël OLLIVIER : Tu ne sais rien de l'amour.

Le chien noir est de retour. Après des années d'absence, il vient à nouveau de faire incursion dans l'esprit de Nicolas, sous forme de rêve, ou de cauchemar.

Neuf ans que Nicolas n'avait plus eu de nouvelles du chien noir. Alors, en plein milieu de la nuit, il se lève, boit un verre d'eau et remarque que son ordinateur n'a pas été éteint. Il a reçu un mail de sa mère. Enfin non, ils ont reçu chacun un mail, Malina et lui. Il le lira plus tard.

Malina est loin, à la Réunion, tandis que lui est à Strasbourg, interne dans un hôpital. Ils ont vingt cinq ans, ont été élevé ensemble, depuis leur prime enfance, mais les années ont passé, et justement le passé fait une incursion. Comme une cicatrice qui se réveille.

Nicolas décide de prendre l'air, de marcher au gré de son inspiration, laissant Hoshi, son vieux chien, qui n'est pas celui de ses cauchemars, dormir profondément.

Tout en marchant, il rumine ses années de jeunesse, ses parents, Malina, son copain Barthélémy. Il est près de quatre heure et une bonne odeur de pain chaud et de viennoiseries lui monte aux narines. Son père était boulanger, Nicolas aurait pu prendre la suite. Mais la farine a rongé la santé du père qui est mort il ya maintenant neuf ans, ou un peu plus.

Il rencontre incidemment une jeune femme qui promène son chien lequel vagabonde, la nuit pas besoin de laisse. Nicolas est surpris, il reconnait Juliette, la copine de son ex-amoureuse. C'était quand il étudiait à Paris. Mais la revoir à Strasbourg, changée physiquement en mieux comme si c'était possible, Nicolas en est ému. Cela ajouté à la peur qu'il a ressentie en voyant le chien débouler devant lui, favorise la conversation. Juliette qui veut devenir avocate, écoute volontiers Nicolas dans ses explications. Nicolas qui se confie comme une cocotte-minute dont on vient d'enlever le sifflet. Les réminiscences s'échappent comme la vapeur.

Né en banlieue parisienne, Nicolas a suivi ses parents lorsqu'ils ont décidé de s'installer près de Chartres. Sa mère avait une amie qui était agent immobilier et qui leur a trouvé un terrain à vendre. Ses parents ont racheté une boulangerie fréquentée par de nombreux chalands, seulement son père, un boulanger à l'ancienne qui avait l'amour du métier, n'était guère à la maison. Les relations entre le boulanger et son fils étaient quasi inexistantes. Ils ont fait la connaissance de Sandro qui venait de perdre sa femme dans un accident peu avant leur installation, veuf avec une gamine du même âge que Nicolas. Malina.

Malina et Nicolas sont devenus inséparables et la gamine dormait souvent chez Nicolas. Puis Sandro a trouvé quelqu'un avec qui partager sa vie, et la mère de Nicolas a proposé d'héberger Malina, de s'en occuper. Alors Nicolas et Malina ont fait chambre commune, l'aménagement du grenier qui était prévu tardant à se réaliser. Ils se retrouvaient tous les ans dans la même classe à l'école, ils jouaient en double au tennis, ils pratiquaient les mêmes jeux, la même affection, devenant presque des jumeaux. Un peu plus même. Un soir Malina rejoint Nicolas dans son lit, afin de pouvoir deviser ensemble sans faire de bruit. Puis les jeux interdits ont débuté, se sont amplifiés, améliorés.

Le père de Nicolas tombe malade, puis c'est la rémission, puis la rechute. Mais tout se déclenche un jour lorsque Nicolas, séchant l'école, aperçoit sa mère dans un restaurant de Chartres en compagnie d'un homme. Et leurs gestes ne sont pas ceux de copain-copine.

 

Le tournant dans la vie de Nicolas qui va enquêter sur cet inconnu, la recherche devenant une obsession. Et lui qui n'a jamais su dire non, se rebelle. Lui qui était docile, trop docile, acceptant tout, ne rechignant pas devant les décisions, se laissant faire et mener par le bout du nez, commence à regimber. D'abord il ne prendra pas la succession de son père mais deviendra médecin. Mais sa résistance ne va pas jusqu'à refuser l'idée de se fiancer avec Malina, idée émise par sa mère alors qu'ils n'ont que seize ans.

 

L'amour, toujours l'amour. Les amours enfantines qui attendrissent les adultes, les amours adolescentes qui peuvent évoluer dans un sens comme dans l'autre, les amours d'adultes qui peuvent vagabonder vers d'autres rivages, c'est ce que Mikaël Ollivier tente de percer et de décrire dans ce roman de la pudeur même si cela peut choquer certains puritains. Après tout il n'y a pas d'inceste entre deux enfants qui n'ont rien en commun comme héritage de macromolécule biologique.

Une histoire qui ravivera, par certains côtés uniquement, des épisodes de notre enfance, lorsque nous recherchions une amitié amoureuse, ne sachant trop où commençait l'une où s'arrêtait l'autre. Des rêves, des désirs, souvent inexprimés et parfois rapidement mis dans le classeur des souvenirs, à cause de changement de domicile ou tout simplement d'école.

Mikaël Ollivier touche à un sujet sensible avec cette amitié amoureuse entre Nicolas et Malina, amitié encouragée implicitement. Et si son propos ne s'arrêtait qu'à cet aspect de la vie de jeunes adolescents, le livre aurait déjà son charme et son intérêt. Mais il y a également la maladie du père qui vient jouer les trouble-fête et la relation de la mère avec un inconnu. Tout un enchainement qui débouche sur des révélations brutales.

On a tous besoin de rêves, pas forcément de les réaliser.

Mikaël OLLIVIER : Tu ne sais rien de l'amour. Editions Thierry Magnier. Parution 24 août 2016. 240 pages. 15,90€.

Partager cet article
Repost0
30 août 2016 2 30 /08 /août /2016 09:14

Ça c'est d'la musique !
De la vraie musique !
Alors là pardon
Moi j'dis chapeau !
Ça c'est champion !
Écoute-moi c't'air-là
Hein ! Qu'est-ce que tu m'dis d'ça ?
C'est pas du bidon
Ni d'la guimauve
Minute papillon !


 

Michel EMBARECK : Jim Morrison et le diable boiteux.

Lorsqu'elle chantait ces paroles en 1958 puis plus tard lors de ses concerts, Colette Renard pensait-elle à la nouvelle vague du Rock'n'roll qui déferlait sur la France avec les groupes qui reprenaient, plus ou moins bien, les mélodies venues d'Outre-Atlantique ?

Gene Vincent cartonnait avec Be-Bop a Lula, tandis que Jim Morrison n'avait pas encore intégré les Doors, groupe qui ne fut fondé qu'en 1965. Deux univers musicaux différents, et pourtant complémentaires, si complémentaires que les deux hommes, les deux chanteurs, les deux musiciens vont devenir amis et connaître un destin presque similaire, décédant dans des circonstances tragiques à quelques mois de distance en 1971.

Avec la drogue et l'alcool comme lien de fraternité.

Michel Embareck revient sur la période 1968/1971, au cours de laquelle les deux hommes vont connaître des tribulations épiques, ensemble ou séparément, les dernières années de leur vie alors qu'ils possèdent une vision de l'avenir différente.

Gene Vincent a toujours Be-Bop-A-Lula d'accroché aux cordes de sa guitare, alors qu'il a composé et chanté bien d'autres tubes. Il est sur une pente plus que savonneuse, et ne se produit plus que pour de petits cachets, histoire de monnayer sa morphine et non mort fine. Sa jambe se rappelle continuellement à son mauvais souvenir, tandis que le gant noir de sa main gauche s'arrime aux comptoirs et lui remémore son ami Eddie Cochran, parti dans un accident de voiture dont lui-même fut une victime. Mais sa jambe amochée, c'était beaucoup plus tôt, dans un accident de moto.

Un destin presqu'à la James Dean. Sauf qu'il en a survécu. Et qu'il a voyagé de par le monde, donnant des concerts en Europe, au Japon et ailleurs. Contrairement à Elvis Presley qui lui n'a jamais quitté les Etats-Unis, sauf pour son service militaire en Allemagne.

Jim Morrison est plus jeune, il chante dans le groupe des Doors, mais il rêve d'autre chose. Pas forcément d'Hollywood, mais de tourner un film. Il s'est d'ailleurs inscrit, malgré l'opposition de sa famille, à la nouvelle faculté de cinéma de Los Angeles. C'est un poète qui lit beaucoup, ses préférences allant à Jack Kerouac et Rimbaud, entre autres. Et sa rencontre dans un bar avec Gene Vincent lui offre l'occasion de réaliser son rêve. Du moins c'est ce qu'il pense.

Pourtant si tout les rassemble, tout pourrait aussi séparer les deux musiciens. Gene Vincent est un adepte du Rock, du Rockabilly, avec des sonorités de guitare pures tandis que Jim Morrison prône pour une musique plus psychédélique, et la fluidité du son des guitares n'est plus de mise.

 

Gene Vincent

Gene Vincent

Michel Embareck nous entraîne sur la route de ces deux icônes des jeunes de l'époque, de Miami en décembre 1968, à Los Angeles en Octobre 1971, les présentant tour à tour, ou ensemble, lors de leurs frasques éthyliques et musicales, leur redonnant vie.

Le véritable commentateur n'est pas Michel Embareck, cet historien du Rock, le lien entre ces deux hommes est un vieil homme, Walker Simmons, surnommé Le Rôdeur de minuit, un ancien présentateur radio de Shreveport, Louisiane, dont les ondes arrosaient les états de deux cents à trois cents miles à la ronde. Et pour partenaire de narration, il engrange les souvenirs d'Alice Cooper, musicien des années 70 explorant toutes les facettes du Rock, hard rock, heavy metal, new vave, et connu pour ses excentricités scéniques et son maquillage.

Entrecoupés des tribulations de Gene Vincent et de Jim Morrison, les souvenirs du Rôdeur de minuit nous ramènent à une fiction-réalité dans laquelle le lecteur croise les figures de John Lennon et de sa femme Yoko Ono, qui pour beaucoup fut son égérie et son ange noir, Elvis Presley, Charles Manson, et bien d'autres dont Eddy Mitchell, au gré de leurs pérégrinations, voyages à l'étranger, concerts sulfureux sur le sol américain, Woodstock par exemple dont seules résistent au long des années pour la plupart des gens des images sulfureuses des milliers de festivaliers qui se débarrassaient des chaînes du puritanisme intransigeant de l'oncle Sam, ou encore Altamont de sinistre mémoire à cause d'un coup de couteau assené par un spectateur, Miami, Toronto ou Paris, Paris qui vouait encore une certaine reconnaissance à Gene Vincent alors qu'il était quasiment oublié chez lui.

Le Rôdeur de minuit, lors de la remémoration de ses souvenirs ou de ses conversations avec Alice Cooper, tente de démêler le vrai du faux, de trier et faire le ménage dans les déclarations, les mensonges, concernant certains épisodes de la vie des deux protagonistes qui revivent sous la plume de Michel Embareck, sur la naissance de Be-Bop-A-Lula ou le passage comme militaire en Corée de Gene Vincent, et bien d'autres anecdotes qui alimentèrent les médias, et principalement les torchons, pardon les journaux à scandales.

 

Michel EMBARECK : Jim Morrison et le diable boiteux.

Nostalgie, quand tu nous tiens... Et d'autres images remontent à l'esprit du lecteur qui a connu cette époque, plus Gene Vincent en ce qui me concerne que Jim Morrison, celles de concerts, de chansons adaptées en français et interprétées dans un style musical approximatif par des jeunots lancés sur la scène musicale et ne durant parfois que la production de deux ou trois 45 tours. Celle du clone de Gene Vincent dont il n'est pas question ici mais qui fit du bruit médiatique, le faisant surnommé le Bad Boy du Rock français, et qui chantait dans la mouvance d'Elvis Presley, d'Eddy Cochran, de Chuck Berry ou de Little Richard.

Mais ce qui ne pourrait n'être qu'un document sur les dernières années de Gene Vincent et de Jim Morrison se transforme en révélations sur la mort du chanteur des Doors. Accident, suicide, assassinat ?

Michel Embareck délivre sa version étayée sur ce qui reste une énigme, puisant dans des rapports rapidement rédigés dont la partie de l'adultère et de la transmission d'héritage en sont omis.

Une vision personnelle servie par une écriture brute et onirique à la fois, ne s'arrêtant pas sur le récit des trois années de galère alimentées par la drogue, mais griffant au passage quelques confrères journalistes peu scrupuleux. Par exemple lors du scandale dénoncé, non par des policiers mais par un article paru dans le Miami Herald. Jim Morrison avait-il montré son Zgeg (je n'ai pas besoin de traduire) le 1er mars 1969 au Dinner Key Auditorium de Miamy ?

Un article ambigu où personne ne comprenait si le pisse-copie avait assisté au show ou s'il relayait un témoignage anonyme. L'enquête, si l'on peut parler d'enquête, n'a pas permis d'établir la source. La une du quotidien évoquait pêle-mêle une incitation à l'émeute, une masturbation simulée doublée d'une copulation orale. Autant d'accusations non retenues par la justice mais propres à émouvoir des péquenauds de lecteurs appelés à un rassemblement contre "l'indécence" à l'Orange Bowl - le stade mythique de Miami - par Jackie Gleason, animateur télé, intime de Nixon.

Un ouvrage minutieux, propre à réveiller les sens musicaux de notre adolescence, où si tout n'est pas vrai, tout n'est pas faux. Et quant aux plus jeunes, qui n'ont pas connu cette période, ce livre leur ouvrira des univers méconnus et si passionnants.

 

Michel EMBARECK : Jim Morrison et le diable boiteux. Editions de l'Archipel. Parution 24 août 2016. 222 pages. 17,00€.

Partager cet article
Repost0
29 août 2016 1 29 /08 /août /2016 13:05

Le coma, c'est le burkini de la vie...

Frédéric DARD : Coma.

Tout le monde sait que Frédéric Dard et San Antonio ne sont qu'un seul et même auteur.

Souligner la différence de style, d'écriture, de sujets, de thèmes abordés, n'est qu'énoncer une lapalissade mainte fois évoquée, étudiée par des spécialistes autrement plus à même de le faire que moi-même.

Pourtant, à chaque relecture d'un de ces bons vieux romans des années 50 ou 60,je ne peux m'empêcher de regretter que Frédéric Dard n'ait pas continué dans cette veine. L'auteur de romans noirs s'est effacé derrière son double, derrière les histoires truculentes, gauloises, voire légèrement triviales signées San Antonio.

Frédéric Dard, c'est avant tout le roman noir, le roman de suspense dans lequel la psychologie des personnages est poussée à l'extrême, avec parfois une pointe de non-sens, et au fil des rééditions c'est la découverte d'un auteur qui ne s'est pas totalement exprimé, vampirisé par le commissaire chéri de ses dames.

Pourtant ces œuvres atteignent une densité d'évocation, une sensibilité à fleur de peau, qui font que sa production littéraire ne peut être cantonnée dans le domaine restreint du roman policier.

Il faut lire, ou relire, des œuvres telles que La Crève, Le sang est plus épais que l'eau, Les Salauds vont en enfer, Délivrez-nous du mal...

 

Coma est un véritable drame dans lequel le narrateur, scénariste de cinéma venu en repérage à Hambourg, s'engluera.

Dans le train qui le mène à Hambourg, Jean Lecoeur fait la connaissance d'une belle jeune femme prénommée Gertrud qui lui montre la photo de sa sœur défigurée.

Victime de sa galanterie, et d'un début de passion pour la belle inconnue, il tombe du train, une chute amortie par la neige, et se réveille les deux jambes dans le plâtre.

Minna, la sœur défigurée, tombe amoureuse de Jean, tandis que celui-ci se consume pour Gertrud.

Ce pourrait n'être qu'un banal roman d'amour à la Delly, mais c'est sans compter sur l'art narratif machiavélique de Frédéric Dard.

 

Première édition Collection Spécial Police n°185. Editions Fleuve Noir. Parution 1959.

Première édition Collection Spécial Police n°185. Editions Fleuve Noir. Parution 1959.

Réédition Fleuve Noir collection Dard. 1977.

Réédition Fleuve Noir collection Dard. 1977.

Réédition Pocket avril 1990.

Réédition Pocket avril 1990.

Frédéric DARD : Coma. Collection Pocket Noir. Editions Pocket. Parution 25 février 2016. 6,30€. 224 pages.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
  • Contact

Recherche

Sites et bons coins remarquables