Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
4 juin 2019 2 04 /06 /juin /2019 04:51

Pensez à vous protéger, les dépenses de teinturerie ne sont pas remboursées !

Luis ALFREDO : Eventration.

Être responsable de la sécurité dans un supermarché n’est pas de tout repos, mais cela possède aussi ses avantages… palpables. Et être copain avec ce même directeur tout en étant vigile de base, procure ces mêmes avantages, voire plus.

Patrice Rousse, au patronyme adéquat pour sa fonction, est devenu chef de la sécurité après avoir trimé dans tous les domaines professionnels de ce magasin, et à quarante cinq ans, il peut être satisfait. Un salaire plus que confortable, un sale air de viveur, des employés à sa botte et une femme, magnifique, qui le botte. Seul problème, il n’a pas réussi à avoir d’enfant.

Son copain Lucien, simple vigile vigilant, qu’il invite parfois chez lui pour se sustenter, lui apporte la satisfaction de pouvoir reluquer et palper certaines clientes indélicates. La fouille au corps lors d’un vol à l’étalage, ou alors direction le commissariat et tous les ennuis que cela implique. Naturellement, les clientes préfèrent se faire palper que de rendre dans un endroit peu fréquentable, tel qu’un poste de police.

Et puis il y a les petits malfrats, les voyous de la cité d’en face, qui n’hésitent pas à chaparder canettes et autres denrées. Là, la palpation est plus brutale.

A force de fréquenter chez Patrice, Lucien s’est aménagé un petit nid douillet dans la couche de Geneviève, la femme de son chef. Il rend service, c’est tout. Mais Patrice Rousse se doute que sa femme a zébré le contrat de mariage d’un coup de canif, lui qui n’hésite pas à baguenauder hors des liens du mariage.

Youssef, lorsqu’il rentre de son travail en mobylette, profite d’une brèche dans le grillage du parking pour se diriger au plus vite jusque chez lui. Mais la ligne droite, si elle est le plus court chemin d’un point à un autre, n’est pas exempte de tous les dangers.

Le commandant René-Charles Villemur n’est pas dans son assiette. Il est peiné car il vient d’apprendre par le journal que Patricia Boyer s’est suicidée. Et comme il n’a pas de nouvelles de son compagnon Christian, il ressasse et n’est pas toujours à prendre avec des pincettes. Alors la découverte d’un cadavre dans une zone en friche aux abords du supermarché, peu lui chaut. Presque, car il est un policier avant tout, et en compagnie de son adjoint Octave qui passe par toutes les gammes de la réflexion, il interroge le responsable de la sécurité du magasin et les autres vigiles. Car ils sont quand même les premiers concernés.

 

Non retrouvons avec plaisir ce commissaire, d’habitude débonnaire et amateur de whisky, sans oublier le tabac sous différentes formes, sauf la pipe, quoi que, embarqué dans une affaire qui l’embarrasse et à laquelle il s’attelle avec réticence. Mais Octave est là, qui le pousse, voire le bouscule, lui suggérant des pistes de recherche, des possibilités d’enquête.

 

Le meilleur moyen pour vous procurer ce court roman est de diriger le pointeur de votre souris sur le lien ci-dessous :

Luis ALFREDO : Eventration. Itinéraire d’un flic 4. Collection Noire Sœur. Editions Ska. Parution le 3 juin 2019. 2,99€.

ISBN : 9791023407730

Partager cet article
Repost0
3 juin 2019 1 03 /06 /juin /2019 04:31

Un éditeur qui se prend d’amitié pour un auteur, ça existe toujours ?

Janine LE FAUCONNIER : Un tiers en trop.

Le narrateur, un éditeur, recueille un adolescent qui vient de perdre sa mère, tombée accidentellement dans un escalier, et son père qui s’est suicidé.

Il a fait la connaissance d’Eric lorsque celui-ci lui a présenté un manuscrit. L’ouvrage était mal bâti, mal ficelé, bref impubliable, mais le quadragénaire s’est épris d’amitié envers ce gamin un peu perdu.

Seulement Eric se montre peu à peu sous son vrai jour : pervers, manipulateur, faussement naïf, enjôleur. Pourtant le narrateur, malgré les conseils et mises en garde d’un de ses (très) proches amis continue à garder confiance en Eric, persuadé que le jeune homme va enfin entrer dans le droit chemin.

Plusieurs années plus tard, il couche sur le papier les faits qui se sont déroulés, et dont il fut un acteur plus ou moins consentant, essayant de démêler un imbroglio sentimental, affectif, et de comprendre ce qui lui a échappé.

Les années soixante et soixante-dix sont ainsi restituées dans une ambiance parisienne bourgeoise, apparemment tranquille, mais le ver était dans le fruit.

 

Une étude de mœurs et une introspection psychologique qui ravira ceux qui sont lassés des romans de sérial-killers, des plongées dans les banlieues en proie à la crise et des road stories répétitives.

 

Janine LE FAUCONNIER : Un tiers en trop. Editions de Fallois. Parution octobre 2000. 250 pages.

ISBN : 978-2877063951

Partager cet article
Repost0
2 juin 2019 7 02 /06 /juin /2019 03:08

Gaby a le vent en Poulpe…

7 Maures sur ordonnance. Recueil de nouvelles.

Trois nouvelles au menu, avec toutes les trois un héros récurrent, un enquêteur indépendant, nommé Gabriel. Ceci devrait vous rappeler quelqu’un.

Et en effet, en quatrième de couverture, il est indiqué Poulpe à la mode corse. Donc pas de surprises et pourtant les différences sont nombreuses, et Gabriel, dit Gaby, n’est pas un succédané de Lecouvreur, juste un personnage similaire.

Ces nouvelles sociales qui se déroulent en Corse ou en Bretagne possèdent un point commun, outre le héros : elles se déroulent en 1978 et 1979, une vision de l’Histoire avec un certain recul appréciable.

 

Dans On achève bien l’écheveau (vous remarquerez l’aimable jeu de mot) de Christian Maïni, il s’agit pour Gaby d’enquêter sur un meurtre, une affaire classique.

La belle et jeune Maddalena, qui est arrivée par hasard un jour dans le village et n’en est plus repartie, dont les antécédents n’ont filtré qu’avec parcimonie, adoptée par tous et principalement par Santa l’Ebréa, a été retrouvée morte poignardée. Les deux pandores, Casanova et Pantanacce, ont été chargés officiellement par le brigadier-chef Beauger de régler cette affaire, mais Gaby s’entend avec eux pour se mêler à l’enquête.

Plus que la résolution de l’énigme, ce qui prévaut dans cette nouvelle, c’est le style linguistique employé, la sémantique. Un peu à la manière de San Antonio, qui n’était pas le précurseur des romans humoristiques, avec jeux-de-mots à foison. L’auteur se fait plaisir tout en amusant le lecteur par ses calembours, mais il existe une véritable recherche dans cette accumulation d’homophonie ou polysémie, d’à-peu-près, et il s’agit d’une véritable gageure oulipienne.

 

Avec Flic ou barbouze, de Marek Corbel, plus d’amusement sémantique, ou si peu. Car le sujet est grave. Plus grave que le meurtre d’une jeune fille. Le brigadier-chef Beauger, lors d’une soirée à Bastia, a surpris une conversation entre le commissaire-divisionnaire, un homme muni d’une canne et un truand de renommée insulaire nommé Jojo de la Citadelle.

Leurs propos concernaient un certain Nitro, un Espagnol fou vivant à Botmeur. C’est peu mais rien n’arrête Gaby qui prend son bâton de pèlerin, et après s’être plongé dans son encyclopédie géographique, il se rend à Carhaix en Bretagne. En cours de route il fait la connaissance de Guillaume, un musicien itinérant et vestige de la génération des hippies, lequel lui propose de s’engager à faire les moissons. Initiative non négligeable car Gaby possédera un alibi pour son arrivée. Il ne lui reste plus qu’à découvrir qui se cache sous l’identité de Nitro, parmi la communauté espagnole installée dans ce coin finistérien, et l’aider à échapper aux griffes de l’homme à la canne, un certain Alexandre Benallini qui est accompagné du tueur à la solde de Jojo et surnommé le Kanak.

Cet épisode se déroule quelques années après la mort de Franco, mais son esprit est toujours vivace de même que la Retirada et l’exode d’une partie de la population en délicatesse avec le Caudillo. Et on appréciera la présence d’Alexandre Benallini, soi-disant (sans T à soi) lieutenant-colonel et président directeur général d’une organisation Ripublica

 

Le troisième volet de ce recueil, Sept Maures sur ordonnance d’Olivier Collard, aborde un sujet politique et social, avec le projet du président de la République de l’époque, Valéry Giscard d’Estaing, de revenir sur les accords d’Evian. Celui-ci voulait expulser 100 000 Algériens de France non pas en légiférant mais par ordonnance. Ceci ne s’est pas réalisé, freiné au dernier moment par l’aile modérée de sa majorité. Une expulsion qui devait être accompagnée d’une prime de dix mille francs (nouveaux et non anciens comme il est précisé dans le texte) soit la modique somme de un million d’anciens francs. Je vous laisse le soin de convertir en euros, car à l’époque, cette monnaie n’était pas envisagée.

Sept Corses d’origine algérienne sont nommés, tirés au sort ou non, ne possédant pas d’attaches familiales, et Gaby va tenter de trouver un stratagème pour faire avorter ce projet inique. Et naturellement, on retrouve certaines figures de l’époque, dont certaines se sont suicidées dans une flaque d’eau ou noyées accidentellement.

Eminemment politique et humaniste, cette histoire ne laissera pas indifférent le lecteur qui a connu cette époque ou justement qui la découvre et pourra effectuer un parallèle avec ce qu’il se passe de nos jours et sous les gouvernements précédents, qu’ils soient de gauche ou de droite.

Trois histoires, trois tonalités, trois écritures, un seul but, intéresser le lecteur !

7 Maures sur ordonnance. Recueil de nouvelles. Collection Trinnichellu N°4. Editions du Cursinu. Parution le 4 février 2019. 198 pages. 10,00€.

ISBN : 9791090869363

Partager cet article
Repost0
28 mai 2019 2 28 /05 /mai /2019 04:23

Si vous allez à San Francisco…

Aaron CONNERS : Sous une lune de sang

Une comtesse cacochyme, dont la date de péremption est dépassée, demande à Tex Murphy, détective privé alcoolique et fauché, de lui retrouver une statuette, précieux bien de famille.

Dans cette bonne ville de San Francisco, an de grâce 2042, les sombres rues ne sont pas sûres. Il est question de maléfices et surtout du réveil d’un vieux démon de l’humanité.

Tex Murphy localise l’objet chez Eddie Ching à Mexico et il s’en empare. Tout irait bien, mission accomplie, mais il se le fait dérober. Alors il faut recommencer seul contre tous.

Tous, c’est le Mal, une personnification à laquelle Murphy devra résister malgré la séduction employée. Et pour parvenir à ses fins, le Mal lancera aux basques de Murphy ses Légions avides de déferler sur le Monde, nouveau ou vieux, peu importe.

 

Ce roman d’anticipation, qui reprend tous les ingrédients du roman noir, se donne pour but de dénoncer l’épuration ethnique, ou plus précisément l’envie de certains de ne laisser vivre sur Terre qu’une race d’hommes aux gênes sensés être purs.

Aaron Conners, évoquant une Troisième Guerre mondiale qui se déroulerait à la fin du XXIe siècle, décrit notre monde comme une planète ravagée, soumises aux pluies acides et autres joyeusetés peu écologiques dans lequel, parmi une humanité un tant soit peu assagie mais à la mémoire courte, quelques illuminés, ersatz d’Hitler, influent maléfiquement sur le comportement de leurs contemporains.

Murphy, qui doit sa vocation à la lecture de Conan Doyle, se veut l’héritier spirituel des Sam Spade ou Marlowe, auxquels il doit ce comportement cynique, plongeant sa vie familiale ratée dans l’alcool et le tabac.

Aaron Conners s’inscrit quant à lui dans la lignée des Kaminski et Pronzini, et ses livres, aux aphorismes humoristiques, se lisent avec un réel plaisir.

Aaron CONNERS : Sous une lune de sang (Under a killing moon -1994. Traduction de Grégoire Dannereau). Collection Virtuel N°6. Editions Fleuve Noir. Parution octobre 1997. 256 pages.

ISBN : 2-265-06181-6

Partager cet article
Repost0
27 mai 2019 1 27 /05 /mai /2019 04:52

Il ne s’agit pas d’une collection de livres…

Didier SENECAL : Mortelle collection

Avant d’entrer dans l’édition en 1983, puis d’écrire (son premier roman publié chez Belfond – Le Cavalier grec – a obtenu le Prix du roman policier/Galeries Lafayette dans le cadre des 24 heures du livre du Mans en 1988) et d’être journaliste pour le magazine Lire pendant 17 ans, Didier Sénécal enseigna l’histoire en région parisienne ainsi qu’à Milan et New-York.

Ce qui explique les nombreuses références qui émaillent ce récit ancré dans l’épopée napoléonienne. Ce qui ne veut pas dire que le lecteur se trouve plongé dans un roman historique. L’intrigue se déroule à notre époque, dans le monde feutré et parfois délétère des collectionneurs, avec des protagonistes de nationalités différentes et issus de milieux divers.

Tout commence par un tragique accident de circulation sur la RN 85, dite route Napoléon. Bertrand Cousin qui était au volant s’en est sorti en ayant été éjecté de la voiture mais sa femme Maud n’a pas eu sa chance. Elle est décédée. Lorsqu’il se réveille du coma à l’hôpital de Grenoble, il clame qu’il a été victime d’une queue de poisson que lui aurait fait volontairement un chauffard à bord d’une voiture grise. Il a bien relevé le numéro d’immatriculation, mais l’enquête de gendarmerie n’a abouti qu’à une piste sans issue. Le véhicule de location incriminé a été rendu au loueur sans aucun dégât sur la carrosserie.

Agrégé d’histoire, Cousin est le responsable des collections napoléoniennes dans plusieurs musées. C’est un homme paisible, sans histoire, sans jeu de mots, aussi traîner derrière lui deux agents de la CIA, cela met la DST en ébullition. Bertrand Cousin parvient à soutirer du capitaine de gendarmerie qui a enquêté sur les lieux de l’accident, le nom et l’adresse du conducteur supposé avoir provoqué l’accident. Un certain Norman Clements, résidant en Australie.

Malgré un handicap, il se remet tout doucement de son bras droit cassé et d’une fatigue généralisée à laquelle s’ajoute un mal être consécutif à la mort de sa femme, il décide de se rendre aux antipodes. Si la DST, représentée par Pauline Dugast et un jeune stagiaire, Fabien, ne peut le suivre car ses compétences ne sont que territoriales, le duo d’Américains émargeant à la CIA eux ne se gênent pas pour le filer.

Péniblement Cousin parvient à l’adresse indiquée et au lieu d’un trentenaire décrit par l’employé de la société de location, il est face à un couple d’octogénaires. Norman Clements a reconstitué dans une immense pièce de sa maison la bataille de Waterloo à l’aide de soldats de plomb et autres figurines. Lors d’une promenade en solitaire Cousin est attaqué par un individu cagoulé et ne doit sa survie qu’à un couteau aborigène acheté dans une boutique locale. Il décide de revenir en France et de ne plus avaler ses médicaments qui lui sapent la santé et le moral.

 

On assiste dans ce roman marqué par l’empreinte de Napoléon et de ses maréchaux, de Victor Hugo aussi, à la renaissance d’un homme qui veut comprendre pourquoi quelqu’un a tenté de l’assassiner.

Poursuivi ou surveillé par des agents de la CIA et de la DST, il va trouver en quelques collectionneurs qui vivent entre rêve et réalité une aide précieuse : Xiao, le milliardaire communiste chinois, Gordon Fraser l’Ecossais qui milite pour le rattachement de l’Ecosse à la France et professe à l’encontre du maréchal MacDonald une admiration sans borne, les frères Albertinelli de Milan, marchands d’antiquités qui parfois dérogent à la déontologie.

Grâce à sa volonté Cousin passera d’homme insignifiant à quelqu’un de déterminé, menant à bien sa quête, perturbant souvent ses poursuivants et anges gardiens qu’il a repéré.

Un excellent roman écrit à trois voix, Bertrand Cousin le protagoniste principal, Mark Harrisson l'agent de la CIA et Pauline Dugast de la DST, et qui met en scène un personnage maniant avec bonheur l’imparfait du subjonctif et les citations extraites des Châtiments de Victor Hugo.

Didier SENECAL : Mortelle collection. Thriller Editions Fleuve Noir. Parution le 14 janvier 2010. 272 pages.

ISBN : 978-2265089433

Partager cet article
Repost0
24 mai 2019 5 24 /05 /mai /2019 04:48

Prière de laisser cet endroit aussi propre que vous souhaiteriez le trouver en entrant !

Yvonne BESSON : Un coin tranquille pour mourir.

En ce mois de mai, la contestation sociale n’a pas épargné Marville, petite ville de la côte normande. La plupart des enseignants des collège et lycée locaux s’organisent, préparant activement la grève, malgré les diverses tensions qui souvent les divisent.

A l’issue de l’une de ces réunions houleuses, le corps de Robert, un jeune stagiaire boulimique en butte aux quolibets de ses élèves, est découvert enfermé dans les toilettes du collège. Il s’est tailladé les veines après avoir ingéré un sédatif. Le suicide ne fait aucun doute mais de vifs reproches sont adressés à Louise, son professeur tuteur, ainsi qu’à Vitré le chef d’établissement.

Les semaines passent. Carole Riou, promue commandant, a quitté le commissariat de Marville pour le SRPJ de Rouen. Elle végète dans sa nouvelle affectation, effectuant le trajet aller-retour quotidiennement.

Mi-août. Un nouvel incident défraye la chronique locale. Georges, le mari tétraplégique et tyrannique de Louise bascule de son fauteuil roulant et s’écrase au pied de la falaise. Louise est soupçonnée d’avoir poussé son mari dans le vide, mais les témoignages sont en sa faveur, comme peut le constater Carole, chargée de l’enquête.

 

Yvonne Besson nous décrit avec réalisme la vie d’une petite ville de province que l’on pourrait croire confite dans une quiétude léthargique. Il n’en est rien car sous la couche de tranquillité les passions, les tensions, les inimitiés, les jalousies se développent comme mousse dans l’humidité ombrageuse.

Le portrait des relations entre collègues de l’Education nationale, qui peut s’appliquer à toute entreprise, est amplifié par le rôle joué par les intervenants dans la société. Mais ce n’est pas le seul problème soulevé.

Ces rapports entre collègues peuvent dissimuler de profondes failles, sentimentales ou autres, et peu à peu le lecteur s’immisce dans les alcôves du cœur et de l’esprit sans devenir voyeuriste.

Carole Riou aussi se pose des questions sur sa profession, sur son avenir. L’insertion du journal du serial killer, qui se glorifie de sa transformation psychologique, apporte également un éclairage sur les aspirations, les désirs, les petites joies internes d’un quidam qui à partir d’un crime commit un peu par hasard, le révèle à lui-même.

Yvonne Besson nous offre un roman profond, humain, qui ne cède ni à la facilité ni à la démagogie, mais attention sous l’apparence de vraies fausses réalités, se dissimulent de faux vrais témoignages.

Un ensemble de miroirs dans lesquels la lumière rebondit de zone d'obscurité en reflet éclairé selon les projecteurs allumés par l’auteur et qui débouche sur une pirouette fort savamment contrôlée.

 

Réédition Pocket Policier. Parution le 9 mars 2006. 402 pages.  ISBN : 978-2266156325

Réédition Pocket Policier. Parution le 9 mars 2006. 402 pages. ISBN : 978-2266156325

Yvonne BESSON : Un coin tranquille pour mourir. Editions des Equateurs. Parution 14 octobre 2004. 350 pages. 20,00€.

ISBN : 978-2849900086

Partager cet article
Repost0
21 mai 2019 2 21 /05 /mai /2019 04:05

J'aime flâner sur les grands boulevards
Y a tant de choses, tant de choses
Tant de choses à voir…

René REOUVEN : L’assassin du boulevard.

Petit chef d’œuvre de la littérature policière, petit chef d’œuvre de la littérature tout court, L’assassin du boulevard est également un chef d’œuvre d’érudition et un modèle du genre dans le pastiche.

Ce roman narre une aventure de Sherlock Holmes relatée par lui-même, ce qui est rare, le détective n’ayant pris la plume que deux ou trois fois, laissant au docteur Watson le soin de raconter ses enquêtes.

Or cette aventure se déroule entre 1893 et 1894, levant le voile sur une partie des années d’ombre se déroulant entre sa disparition dans les chutes de Reichenbach, voir Le dernier problème dans Les mémoires de Sherlock Holmes, et sa réapparition dans La maison vide première des enquêtes relatées dans Le retour de Sherlock Holmes.

René Reouven, en véritable holmésologiste, comble les lacunes de Watson concernant les tribulations holmésiennes, certaines de ces enquêtes n’étant que simplement évoquées par le célèbre docteur.

Mais René Reouven ne se contente pas de mettre en scène Sherlock Holmes, il fait revivre pour la plus grande joie de ses lecteurs, et avec un souci d’exactitude qui l’honore des personnages réels et savoureux, parfois au destin tragique, que ce soit sous leur véritable patronyme ou sous un nom d’emprunt. Le tout donne au récit un air de véracité rendant le personnage de Sherlock Holmes un peu moins légendaire, un peu moins mythique.

A la lecture de roman on pourrait s’écrier, pastichant une phrase célèbre : Sherlock Holmes existe, je l’ai rencontré !

Réédition Le Livre de Poche Policier. Parution le 15 décembre 1992.

Réédition Le Livre de Poche Policier. Parution le 15 décembre 1992.

René REOUVEN : L’assassin du boulevard. Collection Sueurs Froides. Editions Denoël. Parution le 14 octobre 1985. 204 pages.

ISBN : 978-2207231852

Partager cet article
Repost0
20 mai 2019 1 20 /05 /mai /2019 04:29

Mais les brumes de décembre se répercutent toute l’année…

Daniel CARIO : Les Brumes de décembre.

La tête embrumée de Franck Hamonic n’est pas posée sur un corps, mais sur une barrique. Car il est fin saoul, Franck, et quasiment tous les jours. Une façon de vivre, de se comporter, et il a à peine dépassé les vingt ans d’existence !

Ce soir là n’échappe pas à l’habitude et quand il rentre avec sa fourgonnette chez lui, enfin dans le gourbi aménagé chez sa belle-mère, il tangue et il roule, même s’il est sur la terre ferme.

Le lendemain, 24 décembre, alors que tout devrait être propice à la fête, il est découvert pendu. Un suicide apparemment, seulement l’adjudant Philippe Derval, de la brigade de Port-Louis, n’est pas convaincu par ce qu’il lui semble être une mise en scène. Le médecin légiste bâcle son travail, mais Derval remarque sur les poignets d’Hamonic des traces de suspectes de ruban adhésif. Et vlan dans la suffisance du légiste qui n’a pas pris au sérieux cette affaire, trop occupé, peut-être, par l’approche de Noël.

Mais la brigade de Port-Louis est embarrassée par une autre affaire, banale et pourtant lamentable. Une gamine a été retrouvée morte dans un fossé, bousculée de son vélo par un chauffard. Mais pour retrouver l’indélicat personnage, qui ne s’est naturellement pas manifesté auprès de la maréchaussée, les pistes sont minces, voire effacées.

Philippe Derval va mettre son nez dans la vie privée d’Hamonic, une vie qui sent mauvais. Si sa belle-mère élève son fils Tristan, un gamin de deux ans et quelques, c’est parce que sa fille, et accessoirement la femme d’Hamonic, s’est suicidée peu après la naissance du gamin.

Enquêtant chez les parents Hamonic, Derval est intrigué par la jeune sœur de celui-ci, du nom de Sterenn, une adolescente mal dans sa peau, une gothique qui en fait sûrement un peu trop, en dit un peu trop, affabule sans aucun doute, mais dont les révélations ne manquent pas de saveurs. De saveurs et d’interrogations. Hamonic était un voyou, souvent accompagné de deux compères fréquentés depuis leur plus jeune enfance et dont la mauvaise réputation parle pour eux. Sterenn les suivait, petit chien fidèle de son frère et occasionnellement amie de l’un ou de l’autre des deux canailles.

Mais Derval va aussi se renseigner auprès de la maîtresse d’école de la gamine décédée accidentellement, qui eut plusieurs années auparavant dans une autre école du canton Hamonic et compères. En compagnie de son coéquipier, malgré parfois les avis divergents de son supérieur hiérarchique, du médecin légiste qui n’apprécie pas s’être fourvoyer, de la pression de la juge d’instruction, des réticences des parents d’Hamonic et ceux des amis de celui-ci, des fausses pistes placées comme des peaux de banane à cause d’idées préconçues ou involontairement envisagées comme des prétextes à défendre, à masquer certains faits, Derval patauge dans la vase des parc ostréicoles et les maraîchages.

Et comme son ménage ne va pas très fort, sa femme étant déçue de se retrouver comme une âme en peine dans une région qu’elle ne connait pas et dont elle ne souhaite pas faire la connaissance, Derval se sent attiré par la maîtresse d’école, qui par la force de l’attirance des sentiments, pourrait très bien se trouver investie dans un nouveau statut de maîtresse…

Seulement des coups de feu sont tirés, et pas perdus pour tout le monde…

 

Outre l’aspect policier qui forme la trame de ce roman, deux obsessions se dégagent dans le récit.

D’abord la Bretagne, la beauté de ses paysages, la rudesse du temps et des travaux, aussi bien à la ferme qu’à la pêche, les préjugés qui affadissent la région pour moult raisons, mais aussi la lente déliquescence qui ronge un couple.

Tu veux que je te dise une chose ? Il n’y a que les touristes à faire semblant d’apprécier la pluie et le vent. Les Bretons sont moins cons que les parigots. Par un temps comme aujourd’hui, ils se mettent à l’abri dans le premier bistrot venu devant un café bien chaud…

L’on ne dira jamais assez du rôle social des petits cafés !

Car en toile de fond, le lecteur assiste à l’échec des mariages. Pour de nombreux couples qui gravitent dans cette histoire, à des degrés divers. Mais la focalisation se porte sur celui de Philippe Derval qui maîtrise mieux ses enquêtes, même si celle-ci dure un mois et qu’il atermoie dans différentes suppositions, que dans la gestion de sa vie maritale. Est-ce-ce sa faute ou celle de sa femme qui envisageait pour elle un autre avenir que celui de femme au foyer ?

Cette dilution des sentiments était apparue bien avant de venir en Bretagne. Depuis, la situation s’était aggravée. Etait-ce le fruit de l’habitude ? Autant dans son métier l’adjudant faisait preuve de psychologie, autant avec sa femme il avait du mal à cerner les rouages de son fonctionnement mental.

Quant à l’enquête en elle-même, elle tourne en rond, peut-être parce que l’adjudant n’a pas pris le bon bout de la ficelle, qu’il s’est désintéressé des à-côtés, des personnages secondaires. Mais cela est facile au lecteur d’effectuer ce genre de déclaration, même si au départ, ou presque il se doute de l’identité du coupable. Mais c’était le pourquoi qui lui manquait pour justifier ses suppositions. D’autant que l’auteur joue avec les déclarations approximatives de certains protagonistes, ou des mythomanies d’autres.

Et en toile de fond, c’est la Bretagne que Daniel Cario célèbre, la Bretagne géographique, l’enquête évoluant dans les environs de Port-Louis, mais également la Bretagne sociale et ses travailleurs de la terre et de la mer qui ont bien du mal à joindre les deux bouts mais font preuve de pugnacité.

Moi, je trouve que c’est plutôt une preuve de bon sens de conserver ses racines, de ne pas renier ses ancêtres.

 

Daniel CARIO : Les Brumes de décembre. Collection Terres de France. Editions Presses de la Cité. Parution le 4 avril 2019. 560 pages. 20,00€.

ISBN : 978-2258152649

Partager cet article
Repost0
19 mai 2019 7 19 /05 /mai /2019 04:37

Vive le marié !

Gregory McDONALD : Fletch père et fils

Dans Fletch se défonce, roman paru dans la même collection, nous avions laissé Fletch au terme d’une enquête alors qu’il était sur le point de se marier.

Nous retrouvons notre journaliste fantasque et anticonformiste sur une falaise battue par les vents, en pleine cérémonie de mariage. Si vous êtes un habitué des aventures de Fletch, vous ne serez guère étonné d’assister à une cérémonie en rien conventionnelle.

Un homme mystérieux en profite pour lui glisser subrepticement une enveloppe, laquelle renferme deux passeports, des billets d’avion, des réservations d’hôtel et une lettre signée Fletch.

Son père qu’il croyait mort depuis sa naissance daigne refaire parler de lui et même s’inquiéter de son rejeton.

Changement de programme. Fletch et sa jeune femme ne partiront pas en voyage de noce au Colorado, à faire du ski, mais au Kénya. Un changement de destination impromptu avec des bagages peu adéquats pour leur nouvelle résidence.

Skis et gros pulls ne sont guère de mise dans un pays proche de l’Equateur. A l’aéroport de Nairobi, Fletch assiste à un meurtre dans les toilettes. Un voyage de noce qui commence bien !

Et les surprises ne s’arrêtent pas là. Le voyage non plus, d’ailleurs. Pourquoi ne pas aller à la recherche en pleine brousse d’une cité romaine disparue ?

 

Franchement délirant, ce roman policier n’a de policier que le prétexte mais ne boudons pas au plaisir de goûter à l’aventure et à l’exotisme.

Un roman truffé de petites phrases en forme de maximes, assenées comme des coups de massue, et aux dialogues percutants, jubilatoires, imprévisibles et loufoques, et, histoire de délayer la sauce, parfois répétitifs.

Un bon moment de détente, et cela fait du bien dans la morosité ambiante.

Gregory McDONALD : Fletch père et fils (Fletch, too – 1986. Traduction d’Alain Dorémieux). Collection J’Ai Lu policier N°2717. Editions J’Ai Lu. Parution le 6 décembre 1989. 288 pages.

ISBN : 9782277227175

Partager cet article
Repost0
18 mai 2019 6 18 /05 /mai /2019 04:02

Le pêcheur au bord de l'eau
Abrité sous un chapeau
Est heureux et trouve la vie belle

Tandis que flotte son bouchon…

Philippe HUET : Une année de cendres.

Et que pêche-t-il le pêcheur ?

Les anguilles dans ce coin de port délabré, abandonné, bien installé sur le quai avec deux cannes trempant dans le bouillon saumâtre. Et en guise d’anguilles, elles se défilent tout le temps sachant que c’est son plat préféré à Bernard, il ramène une sorte de guérite, une caisse qui flotte à la verticale. Et dedans, car il est curieux Bernard, il découvre un corps mort. Strangulé le défunt. Bon va falloir appeler les flics pense-t-il tout en apercevant un paquet accroché qu’il ouvre, découvrant à l’intérieur des billets, des centaines de dollars, et des petits sachets qui n’ont du bicarbonate que la couleur.

Bernard s’approprie sans vergogne le butin, mais pas le cadavre qui ira rejoindre la morgue. Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’il est surveillé à la jumelle par deux hommes. Victor, le tueur à la corde à piano, et son commanditaire, Pascal Antonetti. Il n’y a plus qu’à attendre le résultat de l’enquête policière.

Ange Antonetti et son pote Baptiste Lanzi, qui faisaient partie du gang marseillais des Guérini, ont débarqué trente ans auparavant, en 1946, au Havre, afin de profiter des largesses des soldats américains basés dans les camps-cigarettes. Ils ont trafiqué, s’enrichissant, et développant par la suite un échange de drogue et autres avec les USA. Ils se sont fait leur trou, non pas au soleil, mais dans la cité havraise, et depuis ils règnent en petits rois, avec comme couvertures chauffantes, bars, restaurants, boîtes de nuit.

Mais depuis quelques temps, un autre gang marche sur leurs brisées, celui des Libanais, qui eux aussi se sont bien imposés dans la Cité océane en acquérant bars, restaurants et boîtes de nuit.

Naturellement la presse locale est sur les dents et le jeune localier Gus Masurier est présent sur les quais. Il connait bien le strangulé, un nommé Charoub, avec lequel il a pris plusieurs verres et fait partie du gang des Libanais. D’ailleurs il a des relations très suivies et nocturnes avec Fadia, la sœur d’un des pontifes du gang. La police est elle aussi sur les dents avec la présence du jeune inspecteur de police corse Cozzoli. Lui, il est plutôt, origine corse oblige, attiré par Ange Antonetti et Baptiste Lanzi.

Gus connait fort bien Bernard, le pêcheur, qui fut un ancien typographe au journal dont dépend le localier. Mais Bernard se rendant compte rapidement qu’il vient peut-être de faire une boulette en s’appropriant les sachets et l’argent, en réfère à l’un de ses compagnons de retraite et il décide de se mettre au vert. Comme la couleur des billets.

Débute alors une enquête menée séparément par Gus et son pote le policier corse, mais tout ne va pas comme ils le souhaitent. L’un marche sur les brisées de l’autre, tandis que les Corses ne sont pas satisfaits. Les sachets et l’argent avaient été mis dans la caisse flottante pour piéger les Libanais.

 

Au début, il me semblait entrer un fois de plus dans une sempiternelle guerre des gangs, et je suis entré dans cette histoire avec réticence. Mais au fur et à mesure de ma lecture, je me suis attaché à suivre cette narration qui prend de plus en plus d’ampleur, pour plusieurs raisons.

D’abord le plaisir de retrouver une vieille connaissance dont plusieurs aventures ont déjà été narrées par Philippe Huet, Quai de l’oubli et La Nuit des docks notamment, le journaliste Gus Masurier qui avait un peu plus de bouteille.

Dans ce roman nous assistons à un retour arrière avec ses débuts dans la profession.

Mais c’est également le plaisir de retrouver l’ambiance portuaire du Havre et l’ancienne commune de Sanvic placée sur les hauteurs du Havre. Un endroit qui ravive quelques souvenirs personnels.

Le port du Havre est en pleine mutation, avec l’agrandissement des lieux et le début des transports de marchandises à bord de containeurs, une évolution qui transforme l’attrait touristique. En effet, lors de l’arrivée des paquebots et des cargos, les gens du cru et les touristes pouvaient assister au déchargement des ventres de ces navires, qui étaient le fleuron de la Compagnie Générale Transatlantique, appelée familièrement la CGT, mais étaient moins renommés que Le France. L’Antilles, le Colombie, Le Flandre, le De Grâce... Souvenirs, souvenirs…

Il existe une forme d’humour sous-jacent dans ce roman qui ne manque pas de suspense ni d’action, et s’il s’agit de la guerre des Anciens et des Modernes, c’est également un reportage sur la ville portuaire et sur la façon de fabriquer un journal. Mais sans pour autant s’ancrer dans une forme de documentaire aride.

 

Philippe HUET : Une année de cendres. Collection Rivages/Noir. Editions Rivages. Parution le 13 mars 2019. 350 pages. 20,00€.

ISBN : 978-2743646288

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
  • Contact

Recherche

Sites et bons coins remarquables