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24 août 2019 6 24 /08 /août /2019 03:35

Pratique pour ne pas perdre le nord…

Gilles VIDAL : La boussole d’Einstein.

Si Félix Meyer revient dans sa ville natale située près de l’océan, après plus d’une décennie de pérégrinations, de chambre d’hôtel en chambre d’hôtel, parfois en louant un petit studio, s’établissant dans divers pays pour ses occupations, ce n’est pas par nostalgie mais parce que sa sœur Carole, seule rescapée familiale, vient de décéder dans des circonstances étranges et dramatiques.

Carole a été retrouvée écrasée par un chauffard qui s’y est repris plusieurs fois lui roulant sur la tête afin d’achever le travail mortifère. Bref, il ne s’agit donc pas d’un suicide, d’un accident, mais bel et bien d’un meurtre. Suffit de trouver le motif de cet acharnement.

Félix Meyer se rend auprès de la lieutenant Aurélie Costa qui s’occupe de l’affaire. Le lieutenant ou la lieutenante se demande Félix, une réflexion et une question qui lui évitent de trop penser. Un dérivatif spirituel. Mais Aurélie Costa est surchargée de dossiers en instance et ne sait plus où donner de la tête.

Alors Félix se renseigne, va visiter l’appartement de Carole mais ses investigations ne lui apprennent pas grand-chose. Toutefois il est étonné de ne pas voir de photos dans cet appartement, comme si le ménage mémoriel avait été fait. Mal d’ailleurs car il découvre sous le lit une bague masculine dont le chaton est surchargé d’inscriptions bizarres et illisibles. Ce sera pour plus tard.

Il rencontre également une de ses collègues, un voisin qui a pris des photos de l’événement, quelques autres personnes, et à la morgue où le corps de Carole est entreposé à des fins d’autopsie, il prélève une mèche de cheveux.

 

Une intrigue simple et tortueuse à la fois mais éclipsée par le rôle tenu par des personnages atypiques. En effet si l’on sait, ou presque, au départ quels sont les antécédents de Félix Meyer, son engagement par la suite pour une entité inconnue n’est dévoilée que progressivement.

De même, tous ces protagonistes possèdent une fêlure intime, psychique, morale, physique, ce qui leur offre une aura de mystère peu à peu dissipée. Le lecteur avance dans l’intrigue à la suite des dévoilements de ce qui pousse les personnages à évoluer dans la vie et souvent cela remonte à loin. Dans leur tendre enfance.

Et l’auteur place ses révélations comme autant de bougies dans une pièce obscure, les allumant une à une, avec parcimonie au départ, puis lorsque l’éclairage est suffisant, toutes les zones d’ombre s’effacent progressivement.

Gilles Vidal joue avec le lecteur, lui proposant une sorte de puzzle littéraire à reconstituer patiemment, mais le tableau terminé, la vue d’ensemble est réjouissante. D’autant que la touche finale d’humanité se révèle conforme aux souhaits du lecteur, souhaits qu’il n’osait penser qu’ils seraient réalisés.

Les métaphores placées ici ou là apportent une petite touche d’humour non négligeable, mais qui n’entament en rien l’aspect psychologique du roman.

 

Il menait désormais une vie aussi bien rangée qu’une paire de draps au fond d’une armoire.

 

Gilles VIDAL : La boussole d’Einstein. Editions ZINEDI. Parution le 6 août 2018. 230 pages. 17,90€.

ISBN : 9782848591919

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23 août 2019 5 23 /08 /août /2019 04:43

Une incursion à Chicago, la capitale des gangsters…

Paul MYSTERE : Les gangsters du diamant.

Curieuse et attirée par les sensations fortes, Anny Madge, petite dactylo de dix-huit ans, est fascinée par Walter Brown, et surtout par ses épaules impressionnantes qui lui donnent l’air d’un bûcheron Canadien.

Mais elle est déçue lorsqu’elle apprend qu’il n’est qu’étudiant. Alors qu’avec sa carrure il pourrait entreprendre de si grandes choses. Elle aime les sensations fortes, mais il est vrai qu’elle est toute jeunette et n’a pas encore affrontée la vie. Elle est naïve.

Afin d’affronter ces sensations fortes, Anny se rend au Little Fellow, l’un des bars les plus crasseux de Chicago et repaire de gangsters. Et surtout de Jimmy Crown, le chef d’une des bandes qui pullulent dans la cité. Anny entre dans ce boui-boui, pas rassurée quand même. Heureusement Walter Brown la suit, et entre, s’installant au comptoir, mais il ne s’intercepte pas lorsque deux trois malfrats légèrement alcoolisés veulent glaner quelques faveurs et baisers. Et Anny est déçue par le comportement peu viril de cet étudiant baraqué.

Jimmy Crown en personne remet ses hommes en place et débute alors une conversation intéressante entre le truand et la jeune fille. Elle qui aime les grandes choses est intéressée par le projet avoué et connu de Crown : s’emparer du Globury, le fabuleux diamant du richissime John Peterson. Elle s’indigne lorsqu’il croit qu’elle est une espionne. Elle désire juste qu’il lui montre cette pierre précieuse lorsqu’elle sera en sa possession.

C’est alors que Walter Brown s’immisce dans la conversation et affirme au bandit que sa réputation va en souffrir. Ce n’est pas Crown qui va s’emparer du Globury mais bien lui, Walter Brown, et il le restituera à son propriétaire par la suite. Un défi lancé comme une menace par l’homme aux épaules carrées qui sort tranquillement de l’estaminet.

Crown est furieux et fait signe à deux de ses hommes d’intercepter son adversaire et de lui faire comprendre, par quelques coups bien portés qu’il ne faut pas le contrarier.

Les deux hommes sortent, confiants en leur force, mais ils sont rapidement retournés à l’envoyeur. M’enfin, faut pas énerver Walter Brown, qui effectivement va mettre sa menace à exécution privant Crown d’un flatteur article dans le journal et de son appropriation du Globury.

 

Véritablement petit roman policier, sans prétention, un peu faible dans son épilogue, voire même légèrement en contradiction avec le début de la narration tel est Les gangsters du diamant.

Mais ces petits fascicules permettaient aux ouvriers qui rentraient chez eux par les transports en commun, d’oublier leur journée de labeur et de les détendre, ou de les mettre en condition favorable pour se rendre à l’usine. Vite écrit, vite lu, vite oublié…

Sous le pseudonyme de Paul Mystère se cachait Paul Bérato plus connu sous les alias de Paul Béra et Yves Dermèze, un romancier protéiforme capable du meilleur, comme du pire.

Mais Paul Mystère était également un pseudonyme collectif, et ce roman n’est peut-être pas dû à Paul Bérato mais à un obscur romancier qui alimentait les catalogues des petites maisons d’éditions comme des grandes, façon Ferenczi, aux innombrables collections. Et les auteurs se cachaient sous divers pseudonymes afin de faire croire qu’il existait beaucoup plus de romanciers qu’il y en avait.

Cela se lit avec un brin de nostalgie et un petit sourire, devant la naïveté parfois des intrigues. Mais cela passe agréablement le temps, surtout lorsque n’a pas envie de se prendre la tête.

Paul MYSTERE : Les gangsters du diamant. Collection Allo Police nouvelle série. Editions du Diadème. Parution 3e trimestre 1948. 64 pages.

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22 août 2019 4 22 /08 /août /2019 03:50

Hommage à Michel de Decker, décédé le 17 août 2019.

Michel de DECKER : La bête noire du château de Jeufosse.

Veuve depuis dix ans du comte de Jeufosse, à quarante-cinq ans Elisabeth de Beauvais, son nom de jeune fille, est encore désirable. Elle vit seule en compagnie de sa fille Blanche, âgée de dix-huit ans, et de quelques domestiques dont Crepel le garde-chasse qui avait promis au comte agonisant de veiller sur le château et ses dames.

Les deux fils, Albert et Ernest, ont gagné la capitale et leur principale occupation est de bambocher, dilapidant les rentes familiales. Ernest surtout. Seulement il manque quelqu’un dans cette demeure mi-gentilhommière mi-forteresse, située à Saint-Aubin-sur-Gaillon, dans l’Eure, non loin d’Aubevoye. Une préceptrice pour Blanche, ou plutôt une institutrice comme l’aime à dire madame de Jeufosse.

Or Ernest rencontre par hasard Laurence Thouzery, jeune fille de vingt-cinq ans, fille d’un ancien sous-officier ayant servi sous les ordres du comte lorsqu’il commandait un régiment de cavalerie. Comme elle recherche du travail, tout naturellement Ernest lui propose la place d’institutrice auprès de Blanche. Laurence accepte et elle prend donc le train, la ligne Paris-Rouen, et est réceptionnée par Constant, le cocher de la comtesse, en gare d’Aubevoye. Heureux temps où les petites villes étaient desservies par les liaisons ferroviaires.

La comtesse de Jeufosse est favorablement impressionnée par la joliesse de Laurence. Blanche ne tarde pas à s’en faire une amie. D’ailleurs elles vont coucher dans la même lit, la chambre de Blanche donnant directement sur celle de madame de Jeufosse, et qui ne possède pas d’autres sorties. D’autre porte officielle, mais dans ces vieilles demeures, rien n’est moins sûr. Donc il faut passer par la chambre de la comtesse pour entrer dans celle de Blanche. Et inversement. Ce qui est fort pratique pour la comtesse lorsqu’elle est atteinte d’insomnie pour convier Laurence à la rejoindre nuitamment.

Mais d’autres personnes sont admiratives de la grâce et la beauté de Laurence. Les familiers du château de Jeufosse. Le cousin Léonce Odoard, quinquagénaire rougeaud et pansu, notaire, Joseph-Hyacinthe Tripet, châtelain et ancien diplomate, maître Huet, notaire à Gaillon, et madame, sans oublier le jeune Emile Guillot d’origine provençale, farceur et libertin malgré son mariage avec Renée de quelques années plus vieille que lui. Manque à cette assemblée de présentation, le jeune Edmond Pitte, séminariste promis à un bel avenir épiscopal.

Tous sont fascinés par Laurence qui ne ménage pas ses effets. Elle se montre même quelque peu aguicheuse envers Emile, même si elle semble choquée par un baiser posé sur l’oreille. Ou dans. Et elle aurait été vue dans la chapelle du château, agenouillée sur un prie-Dieu, la croupe flattée par la main vagabonde d’Emile. C’est Crepel qui a remarqué ce manège, mais Emile se défend de tout geste inconvenant, accusant même le garde-chasse d’avoir des idées mal placées. Mais il parait que Laurence aurait été aperçue en compagnie du séminariste dans une position fort peu religieuse. On, vecteur de rumeurs et de ragots.

 

Le soir, un individu joue du cor dans le parc, des cailloux sont lancés contre les vitres des fenêtres, un visage se profile, des incidents s’échelonnent, des lettres sont découvertes adressées à une jeune fille qui n’est pas désignée et non signées… On parle d’homme noir, de loup-garou, de bête noire… Mais les convictions sont faites. Il s’agit d’Emile Guillot qui jette la perturbation dans la demeure. Il s’y introduirait même. Certains détails le laissent penser.

Il paraîtrait même qu’il se vante de coucher avec Laurence, puis avec Blanche. Blanchette comme elle est surnommée. Et la comtesse n’en peut plus, elle demande avis à ses fils, à Crepel aussi. Au bout de quelques mois, elle décide de se débarrasser d’Emile et elle charge son garde de veiller dans le parc et de tirer sur l’importun. Ce qui est dit est fait et bien fait. Emile est abattu de coups de carabine.

 

Un procès s’ensuit et des avocats renommés bientôt vont s’affronter à la barre du tribunal d’Evreux. Crepel est le coupable idéal, avoué, mais il faut jauger la culpabilité de la comtesse et de ses fils dans ce qui est considéré comme un assassinat. Pourtant, elle s’était renseignée auparavant et les magistrats lui avaient spécifié que si un individu s’introduisait chez elle, elle pouvait en toute impunité tirer, ou charger un de ses domestiques de tirer sur l’importun. Et ce en toute légalité.

Michel de Decker relate cette affaire qui a défrayé les chroniques judiciaires en 1857, nombreux journalistes locaux ou provenant de la capitale, couvrant le procès.

Or le dossier s’avère complexe. Les nombreux témoins se rétractant, n’ayant rien vu, rien entendu, rien dit, ou au contraire chargeant soit la comtesse dont les relations avec Laurence étaient apparemment plus qu’amicales, à moins qu’il ne s’agisse que d’une banale affaire de gros sous, soit Laurence elle-même, soit Blanche qui aurait succombé au charme d’Emile mais n’est pas présente à la barre.

Les avis divergent et la loi est si bien faite qu’elle peut être interprétée selon le sens qu’on veut bien lui donner. Les avocats ont beau jeu d’accuser les uns ou les autres, d’autant qu’Emile, décédé, ne peut apporter sa version des faits.

Michel de Decker s’est inspiré de l’affaire de Jeufosse pour écrire ce court roman, les faits étant avérés, mais il a changé quelque peu le nom et l’âge de Laurence Thouzery.

Cette affaire qui fit grand bruit sert de base au concours de plaidoirie de l’académie de Rouen.

 

Michel de DECKER : La bête noire du château de Jeufosse. Collection Les énigmes policières de l’histoire N°7. Presses de la Cité. Parution le 02 janvier 1991. 192 pages.

ISBN : 9782285004546

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19 août 2019 1 19 /08 /août /2019 04:17

Grandeur et décadence dans une île paradisiaque !

Pierre BENOIT : Erromango.

Auréolé de son diplôme universitaire d’ingénieur agronome de Sidney et de sa médaille de Melbourne, Fabre débarque sur l’île d’Erromango dans les Nouvelles-Hébrides.

Il vient prendre possession du domaine de Pilbarra que le précédent gérant, Sullivan, abandonne, ayant passé six ans de sa vie à la culture du coprah. Sullivan en profite pour lui donner quelques conseils, des informations sur les résidents et autochtones de l’île d’Erromango, et sur d’autres coloniaux qui vivent dans les îles voisines. Mais à cette soirée où les deux hommes font connaissance, sont invités également l’ancien capitaine du navire qui a amené Fabre, et son remplaçant. Là aussi il y a passation de pouvoir.

Le capitaine Magdalena est un vieux marin qui bourlingue entre Sidney et l’archipel des Nouvelles-Hébrides et autres îles de plus ou moins grande importance. Le Myosotis apporte des denrées et repart chargé de coprah et diverses productions. Il assure également le transport du courrier. Ses haltes sont aléatoires, mais chacun s’y fait.

Si Fabre doit se méfier des Canaques qui vivent sur les hauteurs de l’île, leur réputation étant entachée de cannibalisme, il doit également se défier des deux autres résidents. Un certain Jeffries, l’un des deux Blancs installés sur l’île, veuf depuis des années, considéré comme un ours et un malotru, aurait tué dans des conditions un des prospecteurs pour un vague différent.

L’autre Blanc vivant sur l’île depuis des décennies est un vieux pasteur presbytérien, le Révérend Gibson, qui s’était proclamé évêque et roi d’Erromango. Mais son esprit n’est plus tout à fait en conformité avec ses fonctions.

Quant à Bliss et Cross, s’ils n’habitent pas sur l’île, ils y abordent plus ou moins régulièrement, apportant au Myosotis le coprah qu’ils achètent à un prix dérisoire à leurs indigènes et le revendent avec une marge bénéficiaire conséquente. Ils ne possèdent pas bonne réputation même s’ils se montrent très polis.

Pendant que les trois hommes devisent, le jeune capitaine Simler, dont c’est la première affectation, se montre inquiet quant au temps. Il ne connait pas la région et craint une tornade, vérifiant le baromètre constamment.

 

Fabre, d’origine française mais né en Australie, vient s’installer, non pas pour récolter du coprah comme ses confrères, mais pour élever des moutons, une idée osée mais pas dénuée de pertinence. Il possède de sérieuses références dans ce domaine et a importé des ovins en provenance de Sologne, qu’il est allé lui-même chercher sur place, et dont il pense que la constitution devrait leur permettre de s’apprivoiser facilement. Et, effectivement, les premières semaines lui donnent raison. Bientôt il est même à la tête d’un petit cheptel enregistrant de nombreuses naissances. Il est aidé en cela par des Canaques venant d’autres îles, ainsi que d’un boy qu’il a recruté et de Gabriel, l’ancien serviteur de Sullivan.

Tout irait pour le mieux s’il ne s’adonnait pas à la boisson. Progressivement, inconsciemment, il boit un verre puis deux, et ne les compte plus. Ce n’est parce qu’il n’a rien à faire, car il a remis à neuf les dépendances, et que le soir il écoute les disques qu’il a amené et ceux que lui a laissé Sullivan, sur son gramophone. Non, c’est la pensée d’une jeune femme qui le titille. La Dame de Rose Bay, comme il l’a surnommée.

Il l’a connue à Sidney en fréquentant un hôtel réputé pour son hall dans lequel les jeunes femmes de la bonne société mais qui s’ennuient viennent prendre un verre et plus si affinité. Il a donc connu une jeune femme mariée dont le mari était parti pour son travail et pour une fois, lui volage s’en était entiché durant trois semaines. Puis un jour elle est partie.

Ce souvenir s’est imposé à son esprit lorsque lors d’une soirée à bord du Myosotis, trois mois environ après son arrivée au domaine Pillbara, il a narré ses soirées à quelques coloniaux qui partaient en goguette à Sidney et lui avaient demandé s’il connaissait des adresses. Alors il avait signalé cet endroit, prodiguant ses conseils sans retenue, parlant même de la Dame de Rose Bay. Mais revenu dans son bungalow, il s’est imaginé, à tort ou à raison, que cette jeune femme pouvait être l’épouse décédée de Jeffries. Et cette idée le ronge jusqu’à le pousser à boire jusqu’à plus soif et à négliger son troupeau. Les remords le taraudent. De petits faits en apparence insignifiants mais pourtant lourds de sens qui l’amènent à cette supposition et deviennent bientôt à une évidence.

Débute une lente descente aux enfers ponctuée par des incidents divers dont une tornade qui bouscule tout sur son passage.

 

Publié en 1929, ce roman possède une étude psychologique comme en a écrit Georges Simenon. Et l’on pourrait croire que Pierre Benoit a copié sur l’écrivain belge mais à l’époque de la parution de ce roman, Georges Simenon n’avait pas encore rédigé ses romans durs, noirs.

Ce roman fut-il le déclencheur chez Simenon pour écrire à côté des Maigret qui lui apportèrent la célébrité des romans noirs qui par la suite ont largement alimenté la veine cinématographique ?

Il est vrai qu’Erromango détonne quelque peu parmi la production habituelle de Pierre Benoit. Il connaissait déjà, et dès son premier roman, Koenigsmark, et surtout le suivant L’Atlantide les faveurs du public, le propulsant écrivain populaire aux très nombreux succès. Ce romancier-voyageur met en scène le colonialisme sans en faire l’apologie. Il s’attache à décrire les coloniaux, leur façon d’investir un pays, mais surtout il explore leur psychologie.

Erromango en est le parfait exemple, et avant la lettre c’est un roman dur, âpre, poignant, dénué de cet amphigourisme et de cette grandiloquence qui souvent imprégnait les romans de cette époque. Pas de longues phrases ou de digressions ennuyeuses, mais une narration vivante, rendant bien le caractère d’un homme qui, parti avec de grandes ambitions, se laisse peu à peu submerger par une forme de remords quant à ses actions passées et son dédain pour la femme en général, et qui s’aperçoit d’un seul coup qu’il est peut-être passé à côté du bonheur et a provoqué le malheur de celle qu’il aimait.

Mais il ne s’en rend compte que dans la solitude et des souvenirs alimentés par une chanson découverte par hasard sur un disque trouvé dans les affaires de son prédécesseur.

 

Première parution : Editions Albin Michel. 1929.

Première parution : Editions Albin Michel. 1929.

Réédition : Collection La Petite Vermillon. Editions de La Table Ronde. Parution 11 février 1998. 336 pages. 8,70€.

Réédition : Collection La Petite Vermillon. Editions de La Table Ronde. Parution 11 février 1998. 336 pages. 8,70€.

Pierre BENOIT : Erromango. Le Livre de Poche N°516/517. Parution 1er trimestre 1960. 448 pages.

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14 août 2019 3 14 /08 /août /2019 04:08

Les portes du pénitencier,

Bientôt vont se fermer…

Georges MUREY : A tête coupée.

Incarcéré depuis un an au pénitencier de Tamiahua, au Mexique, Frank Reynolds, sujet américain, espère bien pouvoir s’évader sous peu. Il purge une peine de dix ans pour trafic de drogue.

Il s’est lié avec son codétenu Tamazun, dont la sortie est programmée prochainement ayant purgé son temps de détention, et il lui demande de faciliter cette évasion en lui fournissant quelques objets indispensables. De même sa femme Jenny va de son côté lui trouver un remplaçant, un sosie, afin de détourner l’attention des policiers qui seront immanquablement à ses trousses.

Grâce à un code, il peut communiquer par lettre avec Jenny qui lui fournit dans ses missives toutes les informations concernant l’avancement de leur projet. Et le 24 mai 195. Elle peut enfin de vive voix, lors d’une de ses rares visites au pénitencier, lui confirmer qu’elle a trouvé le remplaçant idéal, un nommé Roy Merril, 34 ans soit deux ans de moins que lui, un ancien marine de Corée, renvoyé dans ses foyers à la suite d’une blessure et qui depuis travaille comme liftier dans un grand magasin de la Nouvelle-Orléans. Un métier qui connait des hauts et des bas, et l’argent promis a largement contribué dans l’accord du sosie.

Le 5 juillet 195. tout est prêt pour l’évasion. Frank Reynolds a scié un des chaînons de son attache et il parvient à échapper à la vigilance du garde préposé à sa surveillance alors qu’il se rend aux feuillées. Il se cache dans la lagune et grâce à un chiffon rouge placé par Tamazun, il découvre sans difficulté le masque de plongée et les bouteilles d’oxygène qui vont lui permettre de nager sous l’eau jusqu’à un îlot proche. Sur cet îlot l’attend Tamazun avec un canot pneumatique et ils vont longer la côte de la lagune, tandis que Jenny, accompagnée de Roy Merril parcourt la région en voiture.

Le lieutenant Funker, d’origine allemande, est furieux car c’est lui qui avait arrêté Reynolds, et le savoir dans la nature l’insupporte. Il se lance sur les traces du fuyard mais celui-ci lui échappe constamment. Il est vrai que, contrairement au lecteur, il n’est pas au courant de cette substitution et donc il patauge, dans les deux sens, car il lui faut fouiller les marécages.

S’engage une partie de cache-cache orchestrée d’un côté par Jenny et de son compagnon de voyage, et de l’autre par Reynolds et Tamazun. Et tous quatre doivent se retrouver dans une cabane près de Mendes, au nord de Tampico. Et tandis que Funker pense remonter la piste de Reynolds, grâce à un photographe des rues, celui-ci parcourt tranquillement, presque, son chemin en voiture en compagnie de Tamazun.

Seulement comme dans toute machination soigneusement élaborée, un double grain de sable enraye l’engrenage. Reynolds est jaloux de son sosie, et Jenny déteste son mari. Pourtant elle l’aide dans son évasion. Et peu à peu, au contact de Roy Merril, s’instaure une forme de complicité amoureuse. Le piège…

 

Georges-Jean Arnaud, car il s’agit bien de lui caché sous ce pseudonyme américain, écrit justement un roman faussement américain, dont le suspense va grandissant, jusqu’à un épilogue qui n’est guère optimiste.

Si le sosie est souvent pris comme thème dans les romans policiers, afin d’égarer les enquêteur, ici Funker et ses deux adjoints, le lecteur lui n’est pas dupe. Il est mis dès le début de l’histoire dans la confodence avec ce double de Reynolds. Mais la force de Georges Murey réside dans la montée de la jalousie de l’évadé, dans leurs tribulations et dans les relations contrastées entre Merril et Jenny.

Si les deux hommes se ressemblent physiquement, il en va autrement de leur moralité et de leur caractère. L’incarnation du bien et du mal à travers cette mise en scène de sosie. Quant à Jenny, même si elle déteste son mari, elle ne veut pas le tromper. Une forme d’honnêteté qui ne dure pas vraiment, même si les regrets la rongent.

Un bon petit roman de suspense mais qui n’atteint pas encore les réussites de Georges-Jean Arnaud lorsqu’il signera dans la collection Spécial Police du Fleuve Noir.

Georges MUREY : A tête coupée. Collection Feux Rouges N°44. Editions Ferenczi. Parution 1er trimestre 1960. 192 pages.

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13 août 2019 2 13 /08 /août /2019 04:13

Un faux roman d’énigme britannique mais une franche rigolade à la française.

Margaret RING : Fatale party chez le prince.

Wickson, le gardien des réserves de meubles, découvre le corps d’Anny Yall, une call-girl, dans les greniers de Buckingham.

L'inspecteur John Smith, alias Buckingham, mène son enquête auprès des différents protagonistes ayant eu un rapport plus ou moins lointain avec cette hétaïre.

En premier le Prince Andrew qui utilise le grenier possédant un accès direct avec ses appartements pour développer ses photos et avait organisé une petite réunion débridée. Ensuite avec Mrs Bostwell, l'entremetteuse dont dépendait Anny, Laura Winter son assistante, Jack Red le souteneur qui était son amant de cœur, le vicomte Brashmore qui l'avait présentée au Prince, Samantha Dickson autre call-girl, Ted Darmon le photographe qui avait développé la pellicule de photos prises par Anny aux fins de chantage envers les participants de cette petite réunion, Jim Fowlett l'ami garde du corps du Prince, ou encore Sabrina de Conway issue d'une riche famille du royaume et qui avait participé aux dernières parties.

En effet les photos incriminées représentaient le Prince et ses amis dans des tenues jugées par Buckingham assez scabreuses. Anny réclamait 50000£, mais ni le Prince, ni ses amis ne possédaient cette somme. Jim Fowlett avait offert à l'hétaïre la moitié de la somme réclamée mais elle avait gardé par devers elle les photographies.

C'est ce qu'il explique à Buckingham lorsque Phil Closter, un homosexuel employé au Palais, trouble l'entretien en jurant que son ami Fowlett est innocent. Il fréquente une boîte gay dirigée par Jack Red. Buckingham s'y rend, aperçoit Laura Winter, et fait la connaissance d'Ernie, un prostitué ayant un penchant pour Closter, lequel est assassiné.

 

Une histoire simplette, agréable à lire, sans grande prétention mais qui fait passer le temps avec une certaine bonne humeur surtout lorsque l'auteur égratigne le Prince Andrew et ses amours en déliquescence avec Sarah Ferguson. Le style de roman sans message qu'apprécient bon nombre de lecteurs occasionnels de romans policiers.

Sous le pseudonyme iconoclaste de Margaret Ring, se cachait l’écrivain Philippe de Baleine, journaliste et romancier dont le véritable patronyme était Philippe de Jonas, né le 27 septembre 1921 et décédé le 7 juin 2018.

Vingt quatre romans sont consacrés au personnage de ’inspecteur Buckingham dont les enquêtes se déroulent toutes avec comme personnages des membres de la famille royale britannique.

Réédition : collection L’inspecteur Buckingham N°5. Editions GDV. Parution 1er septembre 1995.

Réédition : collection L’inspecteur Buckingham N°5. Editions GDV. Parution 1er septembre 1995.

Margaret RING : Fatale party chez le prince. (The Prince's Fatal Party. Traduction de Philip Whale). Collection L'inspecteur Buckingham. Editions du Rocher. Parution 23 février 1995. 166 pages.

ISBN : 978-2268019475

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12 août 2019 1 12 /08 /août /2019 04:18

Un héros qui prend de l’altitude !

Captain E.W. JOHNS : Biggles et le Masque noir

En lisant son Bulletin de l’Aviation civile internationale, Biggles, qui émarge au Quartier général de la police de l’Air, Biggles est surpris par la teneur d’un article. Pourtant, à première vue, ce qu’il vient de déchiffrer n’a rien d’extraordinaire. Un nommé Richard Canson, qui n’est pas de papier, vient d’obtenir son permis de piloter.

Or l’homme ne lui est pas inconnu. Il l’a côtoyé alors que Canson servait comme lieutenant dans la R.A.F. Canson s’était illustré par des pratiques douteuses, se montrant malhonnête, voleur, traficoteur, aussi bien envers certains de ses confrères que de l’administration aérienne militaire. Bref un individu peu recommandable mais qui jouissait pourtant au mess d’une popularité qu’il ne méritait pas.

Possédant de nombreux atouts, charme et bagou, il était en outre un bon pilote et un excellent mécanicien. Le genre de type que Biggles n’appréciait pas du tout. Puis les années ont passé mais Biggles doute que l’homme se soit amélioré comportementalement.

Canson vient de reprendre un aérodrome que les Américains ont abandonné à Millham dans le Suffolk. Il débute avec deux appareils, un Auster et un Dove et Biggles se demande avec quel argent il a pu acquérir les deux avions et quel genre d’affaires il escompte en tirer. Biggles décide se rendre sur place, en compagnie de ses deux amis et collègues, Bertie et Ginger.

Direction le petit aérodrome, en avion naturellement, et entre Biggles et Canson, ce sont des retrouvailles pas vraiment chaleureuses. Canson explique qu’il dessert deux lignes régulières, l’une vers la Suisse, l’autre sur la Côte d’Azur, et sa compagnie dépend d’une agence de voyages, Les Croisières du Soleil. La liste d’attente pour ces voyages s’allonge chaque semaine et le pilote ne se plaint pas. Petite entreprise, petits moyens, peu de personnel, mais cela lui suffit pour débuter.

En regagnant Londres, Biggles est pensif car non seulement les deux employés de Canson ne sont pas venus lui dire bonjour mais il y a une bonne raison pour cela. Ce sont d’anciens militaires qui ont participé aux resquilles organisées par Canson. De plus une Rolls était garée près d’un hangar. Le véhicule appartient-il à Canson ?

Alors Biggles demande à Ginger, qui ne s’était pas montré, de prendre une réservation auprès de l’agence de voyages, et de se rendre à Nice puis Antibes. Or ce que Ginger découvre en visitant la vieille ville de Nice n’a guère l’heur de plaire car il se fait agresser par deux individus. Il prend une chambre dans un hôtel d’Antibes et laisse un message codé écrit sur un des murs de sa chambre, message caché derrière des rideaux. Puis il demande à Canson de regagner l’Angleterre, ayant reçu un télégramme le mandant de toute urgence.

Mais Canson se méfie et Ginger est enlevé puis mené dans une maison non loin de l’aérodrome de Millham. Il est fait prisonnier d’un certain monsieur X qui porte un masque noir.

N’ayant plus de nouvelles de Ginger, Biggles s’inquiète et se rend lui aussi à Antibes en compagnie de Bertie puis remonte la trace de Ginger. Cela qui va l’amener à découvrir un étrange trafic.

 

Les adolescents qui se délectèrent, et le font encore peut-être de nos jours, des nombreuses aventures de Biggles pouvaient voyager à peu de frais à bord de petits appareils, avant puis durant la Seconde Guerre Mondiale et même après. Car la carrière de Biggles s’échelonne sur près de quarante ans et les romans qui lui ont été consacrés ont été publiés en France, pour la plus grande part aux Presses de la Cité, mais également dans la collection Spirale des éditions G.P., aux éditions Arthaud, puis chez Lefrancq et Ananké, sans oublier les adaptations en bandes dessinées. Il eut même droit à une série télévisée en 44 épisodes de 30 minutes au début des années 1960.

Et comme bien des romans d’aventures destinés au jeune public, ces ouvrages n’ont pas pris une ride car ancrés dans une période qui permet de découvrir l’aviation et son évolution. D’autant que les histoires en elles-mêmes tenaient, j’allais écrire la route, tenaient en haleine. Des histoires simples mais vivantes, prenantes, qui donnaient envie de continuer l’exploration littéraire aéronautique.

 

Captain E.W. JOHNS : Biggles et le Masque noir (Biggles and The Black Mask – 1964. Pas de nom de traducteur). Illustrations de Michel Jouin. Collection Spirale N°126. Editions Société Nouvelle des éditions G.P. Parution juin 1967. 188 pages.

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9 août 2019 5 09 /08 /août /2019 04:17

Attention à la marche !

Peter RANDA : L'escalier de l'ombre.

La veille de Noël 1955 dans la vallée du Vaudois. Deux couples circulant en voiture sont bloqués par la neige sur une route déserte en pleine nuit. Le véhicule est immobilisé non loin du col et de l'autre versant de la montagne, plus abrité. Il ne leur reste plus qu'à essayer de rejoindre le château dont l'aubergiste du village leur a signalé la présence.

Les quatre voyageurs, Jacques, ingénieur, et sa femme Simone, Bernard, professeur de littérature à la faculté de Lausanne et Marthe son amie, sont totalement différents les uns des autres, physiquement et mentalement, mais leur amitié est sincère.

Au bout d'une heure de marche et seulement cinq cents mètres à parcourir, ils parviennent péniblement jusqu'à l'impressionnante bâtisse d'aspect médiéval. Ils sont fatigués et toquent au massif battant de chêne muni d'un judas grillagé. Une voix s'exprime derrière le guichet, ils quémandent asile, mais la réponse est négative. Excédé Jacques lance le heurtoir une nouvelle fois à toute volée, et miracle, les quatre amis entendent le verrou glisser. La voix explique qu'il a frappé trois fois et cela suffit pour ouvrir. Jacques donne une poussée à la porte qui s'entrouvre lentement sans bruit.

Derrière le battant se tient une vieille femme habillée de noir. A leurs questions elle répond de façon sibylline. Oui, il y a un propriétaire, quelquefois, non, il n'est pas là pour le moment.

Enfin ils arrivent, après un long détour dans des couloirs interminables, à la suite de cette personne qui s'éclaire à l'aide d'un cierge, dans une cuisine de campagne. Un feu dans la cheminée diffuse une lumière qui laisse dans l'ombre toute une partie de la pièce. De cette ombre émerge un géant prénommé Guillaume. Il accepte la cigarette offerte mais ne sait pas ce dont il s'agit. Un repas frugal est servi composé de saucisses sèches, de fromage de chèvre et de pain. Mais ce qui inquiète Marthe, c'est la présence de trois gros chiens, sortis de nulle part, des Danois silencieux.

Enfin un homme, vêtu d'une cape noire, sort de la pénombre et se présente : Gilbert Derais, avec toujours des explications sibyllines à la clé. Il leur apprend toutefois qu'il possède un frère, Tristan, mais qu'il était préférable que ce soit lui qui les accueille.

Des chambres sont proposées aux quatre voyageurs. Pour s'y rendre il faut emprunter une nouvelle fois des couloirs mal éclairés qui leur semblent interminables. Un véritable labyrinthe. Une chambre pour Jacques et Simone, et une autre pour Bernard et Marthe, une première ce qui amuse le premier couple. Des chandeliers sont disposés à profusion dans la pièce attribuée à Jacques et sa femme. Ils découvrent sous le lit un coffre, une sorte de cercueil non cloué. A l'intérieur gît le cadavre d'une jeune femme. Simone sort précipitamment dans le couloir, poursuivie par Jacques. Le raffut inquiète Bernard et Marthe qui s'introduisent dans la pièce désertée. Ils découvrent également ce cadavre dont la mort semble récente.

Alors qu'ils regagnent leur propre chambre, une jeune fille en sort. Elle a environ dix-huit ans, se nomme Djalli et affirme que son père n'est autre que Tristan. Marthe ne peut en supporter davantage et s'enfuit, prenant la direction opposée à celle empruntée par Jacques et Simone. Bernard en profite pour discuter avec Djalli mais comme à chaque fois les réponses qu'elle fournit sont tout aussi énigmatiques.

Comme une étrange nuit, celle de l'échange. Une nuit interminable, qui met à vif les nerfs des quatre amis. Séparément ou ensemble, ils assistent à d'étranges événements dont des silhouettes ressemblant à des cadavres se promenant dans le cimetière du château. Ils rencontreront à nouveau Gilbert Derais, son frère Tristan, et d'autres personnages qui semblaient les attendre, puisque c'est la nuit de l'échange.

 

Peter Randa a écrit un roman fantastique, de facture classique, dont le thème est bien l'échange de la vie entre les morts et les vivants, le lecteur le comprendra assez rapidement. L'angoisse monte insidieusement, atteignant son paroxysme avant le dénouement qui oscille entre cartésianisme, avec l'intrusion d'un policier, et illogisme.

Contrairement à la plupart de ses romans policiers, souvent calqués sur le même modèle, écrits à la première personne, les démêlés aventureux, angoissants, fantastiques, subis par notre quatre protagonistes principaux sont narrés à la troisième personne. Ce qui permet de suivre les différents personnages dans leurs évolutions et conversations, offrant ainsi au lecteur des explications que ne possèdent pas les deux couples, lesquels nagent dans l'incompréhension la plus totale.

Sans être un chef-d'œuvre, ce roman propose une histoire bien construite et qui réserve de nombreuses surprises.

Réédition Collection FN Double N°11-12. Editions Fleuve Noir. Parution le 25 mars 1969.

Réédition Collection FN Double N°11-12. Editions Fleuve Noir. Parution le 25 mars 1969.

Peter RANDA : L'escalier de l'ombre. Collection Angoisse N°11. Editions Fleuve Noir. Parution juillet 1955. 224 pages.

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8 août 2019 4 08 /08 /août /2019 03:53

On s'est connu, on s'est reconnu,
On s'est perdu de vue, on s'est r'perdu d'vue
On s'est retrouvé, on s'est réchauffé,
Puis on s'est séparé.

Robert GAILLARD : Guayaquil de mes amours.

Agent d’une compagnie fruitière panaméricaine, Henri Chaudet est fort étonné d’ouvrir l’huis de sa chambre d’hôtel à deux policiers, dont l’intendant de police Emilio Moraldo.

L’intendant de police, ou inspecteur, lui annonce qu’Evelyne Deloste est décédée, et il invite (fermement) Chaudet à lui fournir de plus amples précisions sur cette quadragénaire.

Chaudet est en poste à Guayaquil depuis cinq ans et il tombe des nues. Il a fort bien connu Evelyne, vingt ans auparavant, leurs chemins s’étaient séparés, puis croisés à nouveau cinq ans auparavant à Paris, au Ritz. Mais il ne savait pas que son ancienne maîtresse habitait la même ville que lui. C’est une lettre qu’il avait adressée à Evelyne, il y a fort longtemps, déposée sur une table avec un début de réponse, qui a fourni aux policiers son nom.

Lorsqu’il se présente le lendemain au commissariat afin d’apporter moult précisions, Chaudet aperçoit une jeune fille, légèrement métissée, qui attend elle aussi. Moraldo lui apprend qu’Evelyne Deloste a été assassinée et que son corps a été retrouvé pendu à la fenêtre de sa chambre alors que toutes les ouvertures, porte et fenêtres, étaient closes. Evelyne avait reçu un coup de poignard dans le flanc et le sang avait abondamment coulé. Pour Moraldo, il s’agit sans conteste possible d’un meurtre et non d’un suicide. D’ailleurs l’arme blanche n’a pas été retrouvée.

La jeune fille qui est reçue ensuite par Moraldo se nomme Diana Sajon, et est, ou plutôt était, l’amie et l’employée d’Evelyne. C’est elle qui a découvert le drame en compagnie de voisins appelés à la rescousse. Elle dormait dans la maison d’Evelyne mais n’a rien entendu.

 

Attablé à la terrasse d’un café, à la sortie du commissariat, Chaudet aperçoit la jeune fille et il l’aborde. C’est ainsi que Diana lui apprend qu’Evelyne a eu un garçon Tony, et surtout, comment elle a connu celle qui était devenue son amie lorsqu’elle avait treize ans à Port-au-Prince. Mais Diana est dans le collimateur de Moraldo qui la fait suivre par ses hommes. Pourtant elle parvient à leur échapper. Dans quel but ? Peut-être une histoire d’héritage.

 

C’est une plongée dans les souvenirs de Chaudet qui se remémore où et quand il a vu pour la première fois Evelyne à la fin de la guerre. Sur un navire qui le transportait vers les Antilles. Elle était seule, altière, et l’un des voyageurs avec lequel il sympathisa l’avait surnommée la Reine de Saba. Puis leur attirance alors que Chaudet était en poste à Fort-de-France, déjà agent pour la Compagnie fruitière. Comment ils se sont aimés, puis perdus de vue, retrouvés bien des années plus tard. Comme dans la chanson interprétée par Jeanne Moreau.

 

Ce récit, narré à la première personne par Chaudet, puise dans ses souvenirs ainsi que dans la narration de Diana Sajon. L’histoire d’Evelyne, devenue prostituée sous la férule d’un maître-chanteur et d’un maquereau, et qui connut bien des vicissitudes mais ne se départit jamais de sa fierté.

Une histoire qui emprunte à des épisodes durant la dernière guerre, et s’étale sur un peu plus de vingt ans. Avec de nombreuses interrogations. Celles de Chaudet notamment qui connaissant le racisme d’Evelyne, son appréhension envers les Noirs, eut toutefois un enfant de couleur.

Une histoire qui imbrique les différents parcours de Chaudet, dans ses différents postes dans les Antilles et en Amérique Latine, celui d’Evelyne que l’on découvre grâce aux révélations de Chaudet et de Diana, et le dernier, celui de Diana lorsqu’elle fut confiée jeune à Evelyne et ce qui s’ensuivit.

Guayaquil de mes amours est tout autant un roman historique, un roman policier, un roman d’aventures qu’un roman d’amour. La partie policière réside en ce meurtre en chambre close dont l’intendant Moraldo pense avoir résolu l’énigme. Et en dernière partie de roman, il explique même comment cela a pu se dérouler. Sa démonstration est simple, claire, logique, irréfutable… et pourtant elle est fausse. Car une autre solution existe, et c’est tout l’art de Robert Gaillard de nous la fournir d’une façon incontestable.

Quant à la partie historique, elle prend sa source durant la seconde guerre mondiale, avec l’accointance d’Evelyne avec la Résistance. Puis lors de la Libération, lorsque tout se décanta, mais pas toujours en faveur de ceux qui jouèrent un rôle obscur mais parfois primordial.

Peu de personnages dans ce roman, mais des personnages forts, dont la présence s’impose malgré leur statut de bons ou de méchants. Et le fantôme d’Evelyne est tenace, avec sa part d’ombre et de lumière. Elle resplendit et pourtant il demeure toujours un côté de sa personnalité dans l’ombre.

Et lorsque Robert Gaillard avance des explications sur certains épisodes, elles sont contredites un peu plus tard, car Chaudet, le narrateur, ne possède pas toutes les clés et les portes s’entrouvrent peu à peu. Le lecteur a l’impression de s’aventurer dans une suite de pièces qui s’éclairent au fur et à mesure, d’une lumière vive ou atténuée.

De Paris à la Martinique, d’Haïti jusqu’en Equateur en passant par la Jamaïque, Robert Gaillard nous emmène sur les traces des agents chargés de négocier l’achat de fruits exotiques, principalement des bananes, mais également de ceux qui trouvèrent des points de chute fructueux.

 

Je me disais qu’en amour aucune des femmes que j’avais connues n’avait eu le même comportement qu’une autre ; elles présentaient des différences plus ou moins sensibles. Comme les visages humains ne se ressemblent pas, bien qu’ils aient deux yeux, un nez, un front, une bouche.

Robert GAILLARD : Guayaquil de mes amours. Collection Grands Romans. Editions du Fleuve Noir. Parution le 3e trimestre 1968. 380 pages.

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7 août 2019 3 07 /08 /août /2019 04:20

Dieu que la vie est cruelle
Au musicien des ruelles
Son copain son compagnon
C'est l'accordéon

(Serge Gainsbourg)

Paul BERNA : Le piano à bretelles.

Les gamins composant la Bande à Gaby, dont on a fait la connaissance dans Le Cheval sans tête, s’ennuient, alignés comme des moineaux ou des hirondelles sur un banc d’une place publique de la petite ville de Louvigny-Triage. Certains sont même en piteux état.

Tout ça par la faute de Tatave qui n’a pas su maîtriser son canasson de métal et de carton. Depuis le pauvre Cheval sans tête est définitivement irréparable, totalement démantibulé avec ses plus de quatre-vingt-dix morceaux éparpillés. Plus de parties de plaisir, de descentes effrénées de la rue des Petits-Pauvres.

Et les gamins se demandent à quoi ils vont pouvoir s’occuper durant leurs temps libres. Alors pourquoi ne pas observer et relever les faits bizarres qui pourraient se dérouler ? Aussitôt dit, aussitôt fait. Chacun des gamins va sillonner la ville à la recherche d’incidents ou de personnages mystérieux.

Un rien attise leur curiosité. Ainsi Fernand est intrigué par le manège d’un chauffeur de camions nommé Paul Pierce, employé, tout comme son frère, de l’entreprise de transport Bollaert. Des camions rouges affublés du sobriquet d’éléphants rouges. Bizarrement ces camions rentrent toujours à l’entrepôt à vide. Se cacherait-il là-dessous un trafic illégal de marchandises ?

Criquet, en lisant le journal l’Express de Louvigny de la semaine, a remarqué une petite annonce dont la teneur est communiquée par Gaby à tous :

Infirme, économiquement très faible, adopterait chien robuste et intelligent, bon gardien, docile, affectueux, susceptible de s’attacher rapidement à son nouveau maître. Race indifférente. Marchands s’abstenir. S’adresser à M. Théo, 58 due des Estaffiers.

Apparemment cette annonce n’a rien de véritablement mystérieux mais on ne sait jamais, elle offre peut-être un débouché sur leur soif d’enquête. Justement Marion, la fille aux chiens, possède le spécimen adéquat, malgré toutes les exigences requises, sous la main. Nanar, victime d’un accident de la circulation, mais qui, grâce aux bons soins prodigués par Marion, est totalement rétabli. Décision est donc prise de confier l’animal à ce monsieur Théo, qui habite un quartier guère reluisant.

Marion, en compagnie de Zidore et de Juan l’Espagnol, emmène donc Nanar, issu de différents croisements de canidés à poils longs, à l’adresse indiquée. Ils sont reçus par un homme, dont la corpulence est digne d’un catcheur gros modèle. Marion est quelque peu réticente à confier Nanar, à ce personnage peu engageant. Alors Monsieur Théo précise que le chien n’est pas pour lui mais pour un aveugle. Dans ce cas, Marion n’a plus de scrupules à laisser Nanar, lequel pour montrer sa reconnaissance à ce nouveau maître le lèche abondamment en lui mettant ses deux pattes de devant sur le plastron.

Gaby et ses copains se mettent en tête de suivre ce monsieur Théo intriguant mais ils sont déçus car celui qu’ils suivent entre dans le commissariat. Fin de piste et les enfants partent jouer dans un endroit nommé la Sablière, sorte de parc naturel où ils peuvent grimper, glisser, jouer sur des rails servant à hisser des wagonnets. Un endroit désaffecté. Ils auraient dû attendre quelques minutes afin de remarquer la sortie de monsieur Théo en compagnie de deux individus à l’air patibulaire.

Or, quelques jours plus tard, Marion et compagnie aperçoivent un aveugle jouant de l’accordéon, intercalant dans son répertoire toujours le même air, Pour deux sous d’amour. Un chien noir est serré contre les genoux du musicien habillé de haillons et muni de lunettes à verres bleutés. Marion reconnait en ce chien noir Nanar qui a été transformé, teinté en noir. Et lorsque Marion s’approche du couple homme-chien, l’animal geint comme s’il reconnaissait son ancienne maîtresse.

Alors Gaby et ses amis se mettent en tête de suivre le musicien dans ses déambulations, guidé par un marchand ambulant de cacahouètes. Et le musicien explore en compagnie de son piano à bretelles et de Nanar tous les coins et recoins de la ville, jouant inlassablement sa rengaine, comme s’il voulait affirmer sa présence à quelqu’un.

 

Ce second épisode des gamins de la bande à Gaby, malgré certains passages humoristiques, est nettement plus grave que Le cheval sans tête, leur précédente aventure.

Et on en apprend un peu plus sur cette petite ville de la banlieue est de Paris. Ainsi ce qui paraissait n’être qu’un petit village s’avère posséder près de vingt mille habitants, et garder encore les stigmates de la guerre.

Une plaque de marbre fleurie de quelques petits bouquets desséchés rappelait que douze francs-tireurs étaient tombés là sous les balles d’un peloton d’exécution. On voyait encore, après dix ans, le chapelet d’impacts que la rafale avait laissés dans un mur mal crépi. Ces souvenirs tragiques n’impressionnaient pas les enfants, et leur gaieté ne pouvait profaner ce champ de mort presque oublié.

Dans cette histoire, Marion tient le rôle principal avec le placement de Nanar auprès de cet aveugle qui joue peut-être l’handicapé. Et ils se posent tous la question de savoir si oui ou non l’homme est réellement atteint de cécité. Et se greffe dessus cet épisode des camions rouges, des éléphants rouges, qui ne laissent pas indifférents la bande à Gaby. Quant à l’inspecteur Sinet, qui gravite également dans ce roman, il brasse de l’air.

Une histoire sérieuse racontée aux enfants et qui avec un peu plus d’ampleur et de personnages auraient pu très bien convenir à un roman policier pour adultes. Mais justement, les adultes liront ou reliront avec plaisir ce roman qui les replongera éventuellement dans leur enfance.

 

Paul BERNA : Le piano à bretelles. Illustrations de Pierre Dehay. Collection Rouge et Or N°107. Editions G.P. Parution septembre 1956. 188 pages.

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