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20 juillet 2017 4 20 /07 /juillet /2017 13:06

C'est pas l'homme qui prend la mer, c'est la mer qui prend l'homme...

Guillaume LEFEBVRE : Les mystères du Cambria.

Le cargo chimiquier Cambria attend au mouillage au large du Havre qu'un pilote du port l'amène jusqu'à son quai d'accostage. Mais lorsque la pilotine s'approche du bord du bâtiment, le pilote constate que malgré quelques lumières, rien ne bouge à bord. Comme si le navire était désert. Si, une silhouette ensanglantée fait des gestes, et malgré les injonctions plonge à la mer. Il est récupéré in extremis mais décède de ses blessures arrivé au port.

Le Cambria ne peut rester ainsi coincé à quai et le capitaine Armand Verrotier est nommé à son bord, tandis qu'une société d'intérim, spécialisée dans le recrutement d'officiers, d'hommes de maintenance et de marins est chargée de compléter l'équipage. Mais le Cambria ne peut repartir ainsi, car il faut d'abord procéder au déchargement de la cargaison, de l'hydroxyde de sodium, et des traces de sang ont été découvertes, le canot de sauvetage n'est plus à son emplacement, un corps est découvert sur la plage non loin, et surtout des corps en décomposition sont retrouvés dans une soute de réserve.

Et comme Armand Verrotier connait son métier, il consulte l'enregistreur de données de voyage et il apparait que des marins se sont enfouis à bord du canot de sauvetage. Selon ses calculs, les hommes, des membres Africains de l'équipage ont dû s'échouer du côté de Courseulles-sur-Mer. Et un appel téléphonique provenant de l'extérieur est également enregistré.

La jeune mais caractérielle inspectrice Camille de la Richardais, est chargée de l'enquête concernant le corps découvert sur l'estran puis de ceux aux trois-quarts rongés par l'acide. Au début les rapports entre Verrotier et Camille de la Richardais sont comme les vagues qui secouent la mer en ce mois de décembre, houleuses. Si elle demande l'aide de Verrotier, c'est uniquement pour compléter les informations dont elle dispose, mais elle n'accepte pas qu'il s'immisce dans son enquête. Ce qui n'est ni du goût du capitaine, ni dans son caractère. Et les incidents dont ils sont, séparément plus ou moins victimes, affectent leur relation.

L'appel téléphonique émanait d'une certaine Valériane Neige, artiste-peintre, qui est convoquée au commissariat. Elle prétend avoir prêté son portable à un jeune homme dans le train qui les emmenait d'Anvers à Paris puis au Havre. Elle est ravissante, séductrice, mais il se pourrait qu'elle endorme la méfiance de ses interlocuteurs, tout comme la plante dont elle porte le nom favorise le sommeil.

Mais pour la compagnie maritime et les affréteurs, la perte de temps leur coûte cher et il faut penser à repartir vers d'autres voyages, alors direction Anvers et autres destinations dont la Suède, mais Armand Verrotier, et son navire sont victimes d'actes de sabotages, qui le mettent personnellement en cause. Il va se retrouver en compagnie de Camille de la Richardais à Anvers, et Valériane Neige semble se trouver à plusieurs reprises sur leur chemin, comme par hasard, ainsi qu'un individu à tête d'oiseau, mais oiseau de mauvais augure.

 

Roman à l'intrigue habilement menée et qui débouche sur un épilogue inattendu, Les mystères du Cambria est également un docu-fiction intéressant sur la vie maritime, le travail à bord des cargos et les différentes fonctions des membres de l'équipage, mais surtout sur les procédés parfois douteux des affréteurs et des compagnies maritimes. Ce qui donne une histoire parfois un peu technique mais jamais ennuyeuse.

En passant, l'auteur met l'accent sur la sagesse des Africains ainsi que sur le poids des traditions, ce qui amène certains d'entre eux à penser à des sortilèges frappant le navire.

Guillaume Lefebvre est capitaine de première classe de navigation maritime et de par sa profession il est à même de pouvoir décrire certaines pratiques, narrer des épisodes qu'il a subi et des personnages qu'il a connu, ce qui offre une authenticité réelle à tout ce qui entoure l'intrigue. Toutefois, j'ai ressenti une petite frustration concernant Camille de la Richardais, car l'une des péripéties qu'elle endure n'est pas expliquée. Sa vie familiale est passée sous silence, et il est vrai que cela importe peu pour le déroulement de l'histoire, pourtant quelques éclaircissements auraient été bienvenus.

L'épilogue est assez réfrigérant, pour ne pas dire glacial.

Guillaume LEFEBVRE : Les mystères du Cambria. Collection Polars en nord N°236. Editions Ravet-Anceau. Parution le 29 juin 2017. 264 pages. 14,00€.

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18 juillet 2017 2 18 /07 /juillet /2017 08:47

Des ombres en pleine lumière...

Marie DEVOIS : Turner et ses ombres.

Se réveiller dans une pièce dépouillée, aux murs blancs, avec comme décoration un crucifix, et subir en boucle la chanson Hailstones des Tigers Lillies, ne plus se souvenir comment elle est arrivée là, voilà de quoi désemparer Camille Magnin, venue à Londres pour quelques jours, sur l'instigation de son mari, Paul, commandant de police à Quimper.

Elle ne porte sur elle qu'un tee-shirt, on lui a ôté ses vêtements, et pour manger elle a droit à un plateau garni que vient lui servir une espèce de scaphandrier. Homme ou femme le scaphandrier mutique ? Et cette musique lancinante qui lui martèle le crâne, alors qu'auparavant elle l'appréciait.

Peu à peu les souvenirs remontent à la surface. Non, elle n'est pas amnésique, juste les quelques instants, minutes ou heures qui ont précédé son enlèvement lui échappent. Elle se souvient qu'elle était venue à Londres visiter, entre autres, la Tate Britain, et s'imprégner des œuvres de Joseph Mallord William Turner exposées dans la Clore Gallery. Des peintures postimpressionnistes impressionnantes.

 

Pendant ce temps, à Quimper, Paul Magnon s'inquiète. Cela fait deux jours maintenant qu'il n'a pas eu de nouvelles de sa femme, alors qu'au début de son séjour elle fui téléphonait régulièrement. Il en informe un de ses collègues britanniques, le superintendant John Adams, dont il a fait la connaissance lors d'un séminaire et avec lequel il est resté en relations. Le policier promet de s'impliquer dans la recherche de Camille, en compagnie de son adjoint, mais une autre affaire requiert ses services.

Une nappe rouge s'étend sur la Tamise, à proximité de la Tate Britain, ressemblant à un écoulement de sang, et des passants ont entendu une musique provenant de nulle part. Puis c'est une installation au goût douteux découverte par des gardiens et dont la signification leur échappe qui s'offre à leurs regards. Et un tableau de Turner est subtilisé, La dixième plaie d'Egypte.

Marie DEVOIS : Turner et ses ombres.

Quel rapport existe-t-il entre ces événements pour le moins anachroniques et quel lien avec l'enlèvement de Camille peuvent-ils se rattacher ?

Autant de questions que se posent Paul Magnin et John Adams, d'autant que des interrogations légitimes se forgent dans leur cerveau. Et dans celui de Camille qui va être libérée, lâchée dans la nature.

Des doutes mettent en cause l'intégrité du couple. Paul serait-il à l'origine de cette captivité puisqu'à priori il est le seul à connaître la passion de Camille pour les Tiger Lillies ? Ce n'est que l'une des suppositions qui traversent les esprits, mais d'autres surgissent nuisant aux relations entre toutes ces personnes et à la bonne résolution de l'enquête.

 

Si dans la première partie de l'histoire, et surtout avec les images de la Tamise ensanglantée et autres événements incompréhensibles pour les enquêteurs, plane un petit air d'intrigue à la Fantômas et autres feuilletons du début du XXe siècle qui empruntaient au sensationnel, la seconde partie est plus tournée vers le roman à suspense additionné d'une réflexion sur le rôle du mécénat et ses imbrications hypothétiques en ce qui concerne leurs motivations, de même que sur celui de certains journalistes.

 

La Clore Gallery

La Clore Gallery

Marie DEVOIS : Turner et ses ombres. Collection ArtNoir. Editions Cohen & Cohen. Parution le 24 mai 2017. 282 pages. 21,00€.

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9 juillet 2017 7 09 /07 /juillet /2017 09:23

Dans les coulisses du pouvoir...

Rien n'est plus jouissif pour un non initié que de se promener dans les arcanes du monde de la politique française et de débusquer tous les petits secrets qui alimentent les couloirs des hôtels particuliers transformés en maisons closes gouvernementales.

Edouard DEVARENNE : Meurtre à Matignon et Michel SOLFERINO : Meurtre au PS.

Les deux romans que nous propose Calmann-Lévy dans la collection Les Lieux du Crime en sont la représentation écrite parfaite. Si Meurtre à Matignon possède une intrigue un peu mince, les personnages décrits ont une saveur qui n'offusquera personne, sauf peut-être les intéressés. L'humour parfois ravageur et caustique de ce roman compense les faiblesses de l'enquête qui se termine en un pied de nez dont malheureusement l'actualité ne sera plus de mise. Jacques Toubon, le Ministre de la Culture, et Jacques Attali, le conseiller du Président, sont présentés comme les bouffons, les Jacques de cette aimable historiette. Au cours d'une réception organisée par le Premier Ministre, Jacques Chirac et Philippe Seguin disparaissent. Tout laisse à supposer qu'il s'agit d'un enlèvement et un mouchoir taché de sang retrouvé près d'une statue invite à toutes les suppositions même les plus pessimistes. Joxe, avec toute l'austérité qui le caractérise, mène l'enquête.

 

Edouard DEVARENNE : Meurtre à Matignon et Michel SOLFERINO : Meurtre au PS.

Meurtre au PS est plus grave dans le propos, et si là encore l'épilogue tient dans une pirouette, l'intrigue proprement dite s'apparente plus au roman policier. Laurent Fabius est sérieusement blessé par deux hommes alors qu'il sort de l'Ecole Normale où il s'est rendu en visite. Les langues vont bon train et au PS les factions sont divisées. Michel Rocard est-il à l'origine de cette tentative de meurtre afin de mieux asseoir sa prépondérance aux instances nationales, ou Fabius lui-même comme certains aiment à le laisser croire, est-il à l'origine de cet attentat ? La droite assiste à ces échanges de propos parfois venimeux en spectateur qui se voudrait impartial.

Là encore nous avons droit à une galerie de portraits à la limite de la caricature, et Michel Charasse n'est pas loin de se servir de ses bretelles comme d'une fronde, fronde qui couve parmi les quadras. Un véritable commissaire dirige l'enquête et il marche sur des œufs, devant éviter l'omelette et les œufs brouillés, même si la sauce est parfumée au Cresson. Deux divertissements qui n'engendrent pas la morosité, au contraire de la politique.

Edouard DEVARENNE : Meurtre à Matignon et Michel SOLFERINO : Meurtre au PS. Collection Les Lieux du crime. Editions Calmann-Lévy. Parution 1993. Ces deux ouvrages sont disponibles en version numérique pour 5,99€ chacun.

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8 juillet 2017 6 08 /07 /juillet /2017 07:23

Allez directement à la case Aubenque et lisez avec intérêt !

Alexis AUBENQUE : Retour à River Falls.

Dans ce roman touffu et complexe, comme chacun des romans d'Alexis Aubenque d'ailleurs, chacun des protagonistes peut se référer à Janus, le dieu aux deux visages contraires. La dualité du temps passé et du temps présent, du Bien et du Mal, plus ou moins accentué, l'avers et le revers du comportement caché. Tous possèdent une fissure, une faille, un gouffre dans lesquels sont enfouis des secrets qui peu à peu émergent au grand jour leur permettant de recouvrer le calme et la sérénité, l'estime de soi, ou au contraire accentuant le côté négatif du personnage.

Journaliste de guerre et baroudeur, Stephen Callahan revient à River Falls, treize ans après en être parti. Officiellement, c'est pour se reposer de ses aventures, se ressourcer, et il a même trouvé une place au journal local, le Daily River, qui publiera ses chroniques rubrique arts et culture, concomitamment avec son ancien employeur, News of Washington. Officiellement, car officieusement, il a en tête une sorte de règlement de compte avec lui-même. Alors qu'il aborde l'entrée de la ville, il aperçoit un cirque qui vient de s'installer, mais pour l'heure il a plus pressé à faire.

Il arrive dans le quartier des manoirs, où vit sa grande sœur Ashlyn qui élève seule ses trois enfants. Tawny, adolescente rebelle de dix-sept ans, Beverly, quinze ans, qui, handicapée moteur, passe ses journées en fauteuil roulant, et le petit dernier, Lucas, turbulent, mais c'est de son âge car il n'a que neuf ans et réclame des cadeaux à son oncle.

Il se présente donc à Zucker, le patron du Daily River, lequel lui signifie que certains de ses collaborateurs voyaient d'un mauvais œil cette intégration. Il en profite pour présenter à Callahan Marion, sa nièce, qui est stagiaire et ils devront faire équipe ensemble.

Callahan se rend vite compte que malgré son jeune âge, dix-huit ans, Marion en veut et que son statut de nièce, elle ne le revendique pas. Elle est volontaire et surtout impertinente. Leur premier reportage doit être consacré au Big Circus installé aux abords de la ville. Callahan et Marion sont accueillis par un nain jovial, des gros bras vindicatifs, puis par Esméralda, la cartomancienne, patronne de tout ce petit monde qui n'accepte pas cette intrusion dans son domaine. Marion vitupère contre les conditions de captivité des animaux étiques qui s'ennuient dans leurs cages et Callahan prend quelques photos. Ce qui déplait fortement à Esméralda qui propose à Callahan de combattre l'un des lutteurs, et s'il gagne il pourra effectuer son reportage comme il l'entend. Il l'emporte mais ses ennuis ne sont pas terminés. Enfin ils peuvent quitter, après qu'Esméralda lui a lu les lignes de la main, avec un résultat qu'elle préfère garder pour elle, car apparemment l'avenir de Callahan est chaotique. Mais un autre reportage attend le journaliste et sa stagiaire. Un tueur aurait été repéré dans la forêt.

 

Pendant ce temps, et même un peu avant, des randonneurs ont découvert dans une grotte le cadavre d'une jeune fille. La scène de crime est particulièrement pénible, je vous épargne les détails, et il semblerait qu'un fou se soit amusé à la défigurer, apposant sur les murs de la grotte des dessins représentant des lames de tarot.

L'identité de l'adolescente est rapidement dévoilée et Logan le shérif, qui est revenu à River Falls depuis quelques semaines et a été reconduit dans ses fonctions précédentes, mène l'enquête en compagnie de Lindsay son adjointe. En interrogeant les proches de la victime, et plus particulièrement une amie de son âge, Logan se met sur la piste d'un camp de migrant à la recherche d'un nommé Sam. Lorsqu'ils arrivent sur place, l'adolescent s'enfuit et Lindsay se lance à sa poursuite. Elle parvient presque à l'attraper lorsqu'elle tombe dans la rivière.

C'est à ce moment que Callahan arrive et sauve in extrémis Lindsay. Lindsay qui fut son amour de jeunesse.

 

Logan, son équipe et Jessica Hurley, sa compagne, profileuse de son état, prennent cette enquête à bras le corps, tout comme Callahan et Marion mais en parallèle.

Une enquête douloureuse car les souvenirs, plus particulièrement les mauvais, remontent à la surface, que les événements se précipitent, s'enchainant inexorablement sur des réminiscences du passé proche ou lointain. Tout n'est que mensonges ou vérités cachées.

Une enquête qui montre la perversité humaine et qu'un fait-divers peut en cacher un autre, comme des engrenages complexes. Vous avez un petit bobo, vous passez une radiographie qui n'est pas satisfaisante, puis un scanner, une IRM, et vous vous retrouvez avec cancer généralisé à la fin des examens. Dans ce roman, c'est la même chose, et ce n'est pas fini, car Alexis Aubenque qui maîtrise le suspense à la manière des feuilletonistes d'antan qui au dernier moment vous signifiait un à suivre prometteur, nous donne rendez-vous pour juin 2018 afin de poursuivre ensemble de nouvelles aventures.

L'enquête principale est bouclée, mais les dommages collatéraux subsistent. Et cela me fait penser à une mare, dont la surface est lisse sous le soleil. Il suffit qu'une grenouille plonge et déjà les rides se forment et lorsqu'elle est suivie par toute sa famille, l'eau se trouble, la vase remonte et bientôt cette mare n'est plus qu'un bouillonnement de fange délétère, méphitique.

Alexis AUBENQUE : Retour à River Falls. Collection Thriller. Editions Milady. Parution le 16 juin 2017. 480 pages. 7,90€.

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5 juillet 2017 3 05 /07 /juillet /2017 08:22

Hommage à Anthony Berkeley né le 5 juillet 1893.

Réédition Collection L'Énigme. Editions Hachette. 1947. 192 pages

Réédition Collection L'Énigme. Editions Hachette. 1947. 192 pages

Fondé, organisé et depuis peu présidé par Roger Sheringham, le Detective's Club reçoit ce soir là l'inspecteur-chef Moresby de Scotland Yard. D'après les statuts le Club de détectives amateurs devrait comprendre treize membres, mais pour entrer dans ce cercle fermé, le candidat doit posséder un esprit déductif, des aptitudes psychologiques et répondre à un questionnaire concernant un certain nombre de sujets choisis par les membres du club.

Le dernier en date de ces postulants ayant démontré ses qualités est Mr Chitterwick, un petit homme effacé et totalement inconnu. Outre Roger Sheringham, les autres membres sont un avocat célèbre, un sympathique écrivain de romans policiers, une femme auteur dramatique fort connue et une romancière qui n'est peut-être pas aussi connue qu'elle devrait l'être. Six membres donc qui accueillent l'inspecteur-chef Moresby lequel va leur soumettre à leur sagacité un problème de meurtre non résolu.

Et s'il soumet ce cas aux membres du club, c'est parce que la police officielle a pratiquement renoncé à retrouver le meurtrier de Mrs Bendix. Mais quelle est donc cette étrange affaire dont Moresby entretient ces membres tout ouïe ?

 

Membre du club de l'Arc-en-Ciel, la première chose que fait Graham Bendix, en ce vendredi matin 15 novembre, est de demander s'il y a du courrier à son nom. A ce moment entre Sir Eustache Pennefather, comme chaque matin ponctuellement à dix heures demie et qui passe pratiquement tout son temps dans les locaux du Cercle. Lui aussi réclame son courrier qui se compose de trois lettres et un paquet. Les deux hommes qui ne se fréquentent guère, s'installent chacun dans un fauteuil près du feu. Soudain Bendix entend Sir Eustache émettre une exclamation de contrariété. Le paquet contient une boîte de chocolat et une lettre d'accompagnement précise que les friandises sont offertes généreusement pas un célèbre chocolatier qui vient de mettre au point une nouvelle recette de chocolats à la liqueur.

Sir Eustache vitupère, et il n'a pas l'intention d'envoyer un témoignage de satisfaction. De la publicité ! Or justement Bendix se souvient qu'il a engagé un pari la veille avec sa femme et comme il a perdu, il lui doit une boîte de chocolats. Sir Eustache se débarrasse du coffret dont il n'a que faire. Le papier d'emballage et la lettre d'accompagnement vont directement dans la poubelle de l'accueil.

Après avoir lu le journal et joué une partie de billard, Bendix rentre chez lui pour déjeuner avec sa femme. Il lui offre les chocolats qui ne lui ont rien coûté et ils commencent à en déguster quelques échantillons. Trois parfums sont proposés, kummel, marasquin et kirsch. Bendix en savoure deux, sa femme en prendra un peu plus. A priori ce ne sont pas des nouveautés, même s'ils trouvent que le goût en est beaucoup plus prononcé. Plus fort en alcool à première vue, ou au premier goût comme vous voulez, avec pour ceux au kirsch un goût d'amande amère plus accentué.

Bendix sera malade mais s'en remettra tandis que sa femme, un peu plus gourmande, en décèdera. L'analyse des chocolats révèle qu'ils contiennent de la nitro-benzine, produit couramment utilisé dans les confiseries et les parfums, mais en dose mortelle

 

La question primordiale est de savoir si Sir Eustache était visé, lui qui est un coureur de jupons avéré, en instance de divorce. Ou bien a-t-il offert délibérément les chocolats à Bendix ? Ou bien... Les suppositions sont nombreuses, et suppléant les policiers les six membres du Detective's Club font faire fonctionner leurs petites cellules grises et chercher à établir qui est le coupable, pourquoi et comment.

Sept solutions sont donc proposées, sept car l'un d'eux en suggère deux, et toutes se tiennent, toutes sont valables avant que la solution du premier soit balayée, démontée par son successeur qui en offre une autre plus plausible, à son avis.

 

Anthony Berkeley s'amuse à détourner les principes du roman policier, nous sommes en 1929, en explorant les deux positions, déduction et induction, qui gèrent une enquête. Il souffle donc le chaud et le froid, par enquêteurs amateurs interposés, et à partir d'un même fait fournit des interprétations différentes selon les considérations de chacun, interprétations qui toutes tiennent la route, à condition qu'une seule soit avancée et non pas sept.

Comme le fait remarquer l'un des membres, en se basant sur l'écriture de romans policiers :

J'ai souvent remarqué que, dans ces sortes d'ouvrages, l'auteur tire d'un fait donné, une interprétation unique, et qui, bien entendu, est la bonne. Seul le détective intelligent et chéri de l'auteur est capable de trouver quelque chose, et ce qu'il trouve est toujours juste.

Cette déclaration est un peu un pavé dans la mare des écrivains qui concoctent une énigme sur laquelle tout le monde se casse les dents sauf l'enquêteur récurrent d'un auteur de romans policiers. Et sa solution ne souffre d'aucune contradiction. Or dans la vie, ce n'est pas toujours ainsi que cela fonctionne, et les déductions, parfois hâtives, qui désignent un coupable ne sont pas forcément celles qui s'inscrivent dans la réalité. Certaines affaires le démontrent d'ailleurs des années plus tard, et encore de nos jours.

Ces détectives en herbe ne se contentent pas de triturer leurs petits cellules grises. Ils vont sur le terrain et rencontrent les mêmes témoins ou presque. Seulement ils ne posent pas les mêmes questions et leurs conclusions divergent.

Anthony Berkeley était novateur alors que S.S. Van Dine édictait ses règles pour écrire un roman policier, règles qui ne pouvaient se transposer que dans une utopie littéraire. Il détourne les règles comme le fit quelques années avant lui Agatha Christie puis le fera ensuite John Dickson Carr, mais en utilisant des précédés différents.

Anthony Berkeley fonde le Detection Club en 1930. Cette association d'auteurs britanniques accueille en son sein des romanciers tels que Agatha Christie, Dorothy L. Sayers, G. K. Chesterton, Freeman Wills Crofts, John Rhode et la Baronne Orczy, est quasiment calquée sur le Detective's Club mis en scène dans Le Club des Détectives. Un roman, dont chaque chapitre est écrit par un auteur différent, sera écrit et publié sous le nom d'Amiral flottant sur la rivière Whyn, plus connu sous le titre d'Amiral flottant tout court.

Réédition Collection Le Masque n°1783. Editions Librairie des Champs-Élysées. 1985.

Réédition Collection Le Masque n°1783. Editions Librairie des Champs-Élysées. 1985.

Anthony BERKELEY : Le club des détectives (The poisoned Chocolate Case - 1929. Traduction de M Faure).

Première édition : coll. Le Domino noir no 4. Éditions Alexis Redier. 1931.

Réédition Collection L'Énigme. Editions Hachette. 1947. 192 pages

Réédition Collection Le Masque n°1783. Editions Librairie des Champs-Élysées. 1985.

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2 juillet 2017 7 02 /07 /juillet /2017 07:36

Mourir dans son sommeil, c'est bien, mais de façon naturelle, c'est mieux !

Anne-Solen KERBRAT : Un simple grain de sable.

Bientôt nonagénaire, Gabrielle du Breil vit dans son bel appartement sis dans un immeuble cossu des Sables-d'Olonne. D'ailleurs elle ne se plaint pas. Elle vit seule mais reçoit très souvent la visite de sa jeune amie Cécilia. Plus jeune qu'elle car la "jeune" femme est toutefois quinquagénaire (et non cinquantenaire, ce terme désignant l'anniversaire d'un événement célébré au bout de cinquante ans) et travaille comme négociatrice pour une agence immobilière. Et une femme de ménage, Candida, d'origine portugaise mariée à Luis, et mère d'un petit Pedro, vient tous les jours en début d'après-midi pour faire la poussière. Parfois Rodolphe, un promoteur événementiel, accompagne Cécilia dont il est l'amant. Ils en ont l'âge, ils sont encore beaux, et célibataires, et ceci ne nous regarde pas. Sauf que Rodolphe n'est pas toujours disponible, il ne termine pas ses nuits. Cécilia se lasse et elle trouve en André, un client de l'agence, une épaule compatissante et plus présente.

A part ces trois personnes, les visites sont rares, même si une fois, il n'y a guère, un homme a désiré rencontrer Gabrielle mais Candida ne lui a pas laissé la possibilité d'entrer. Ah, j'allais oublier le toubib, un nouveau, l'ancien étant parti vers le Sud, comme la plupart des généralistes.

Cécilia promène parfois Gabrielle, afin de lui changer les idées, marchant à petit pas. Mais en ce mois de juillet, le soleil darde abondamment ses rayons sur la cité balnéaire des Sables-d'Olonne, et les sorties sont écourtées.

De petits faits insignifiants pourtant s'instaurent dans cette vie quiète. Cécilia se rend compte que la vieille dame, qui n'est pas indigne, perdu un peu la tête. Oh, pas grand chose, mais elle a des oublis. Et puis Gabrielle à une tendance de plus en plus manifeste à ingurgiter de petits verres de Porto. Normal quand on a une "bonne" native de ce pays fournisseur de cette boisson légèrement alcoolisée. Mais n'y voyez aucune relation de cause à effets.

Candida est très maniaque, et elle traque les grains de poussière jusque sous les tapis. C'est ainsi qu'elle s'aperçoit que des objets supposés posséder de la valeur ont disparu. Notamment un tableau représentant un visage de face et profil. Un tableau qu'elle n'apprécie guère, mais les goûts et les couleurs, n'est-ce pas...

Mais toutes ces personnes, récapitulons, Cécilia, Rodolphe, Candida et Luis son mari, possèdent un point commun. Des difficultés financières. Surtout Luis, maçon-couvreur, qui vient de perdre son emploi à cause des restrictions de personnel opérées par son entreprise.

 

En ce trois août, Candida découvre sa patronne qui a décédé dans la nuit, et dans son sommeil. A son âge, ce n'est guère étonnant pour la plupart des gens. Seulement, la position inhabituelle de Gabrielle dans son lit lui paraît anormale. Elle n'ose pas dire que la vieille dame, veuve et sans enfants, a été assassinée, mais elle se pose des questions. Et elle cherche une réponse auprès du commissariat des Sables-d'Olonne où officient en renfort le commandant Perrot et son ami le capitaine Lefèvre. Et elle est si convaincante que les deux policiers décident d'ouvrir une enquête. Pourtant le médecin de famille a signé le bon d'inhumation sans barguigner.

Et ce qu'ils récoltent, notamment auprès du médecin légiste, confirme les suppositions de Candida. La vieille dame aurait été étouffée par un oreiller et il est peu probable qu'elle se le soit posé sur le visage, ou alors il s'agirait d'un suicide. La piste n'est pas même évoquée. Des interférences médicamenteuses s'inscrivent dans le processus habituel des enquêtes, et voici nos deux policiers à la recherche d'un criminel. Le nombre des présumés coupables est assez restreint, encore faut-il bien cerner cet entourage. Et des faits cachés se trouvent mis au jour comme s'il s'agissait d'un cadavre dans un placard. Une qui pourrait se mordre les doigts, c'est bien Candida dont le mari est toujours sans emploi et comme ils ne roulent pas sur l'or, il devient le candidat idéal.

 

Après une longue mais intéressante présentation des personnages, le lecteur arrive au point crucial, la page 97, lorsque Candida découvre sa patronne décédée.

Ensuite ce sont les déambulations, les recherches, les supputations, les confrontations, de Perrot et Lefèvre qui alimentent l'intrigue avec posé sur une table de nuit un moustique délateur.

Un roman policier qui oscille sans violence, sans vulgarité, avec une pointe de suspense, et lorgne vers le roman d'énigme à l'anglaise. Parfois cela m'a fait penser à Ruth Rendell avec ces digressions qui ramènent peu à peu le lecteur dans l'intrigue.

Si le passé des principaux intervenants est disséqué, quelquefois après leur mort comme pour Gabrielle, la vie quotidienne des policiers est également évoquée. Perrot soigne sa ligne tandis que Lefèvre est un éternel affamé, ce qui d'ailleurs n'influe pas sur sa surcharge pondérale. Perrot possède sa fracture sentimentale et familiale qui le travaille de temps à autre et il rumine, sa femme et ses enfants lui manquant.

Un roman policier simple et pourtant complexe, dans lequel les chausse-trappes sont placées à dessein afin de happer le lecteur friand d'intrigues bien construites, même si le personnage de Cécilia, quinquagénaire rappelé-je, se conduit parfois un peu comme une midinette adolescente.

 

Anne-Solen KERBRAT : Un simple grain de sable. Série Perrot et Lefèvre N°10. Editions du Palémon. Parution le 8 avril 2017. 368 pages. 10,00€.

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29 juin 2017 4 29 /06 /juin /2017 07:24

Hommage à Frédéric Dard, né le 29 juin 1921.

Frédéric DARD : Les confessions de l'Ange Noir.

Si le personnage de San Antonio apparait pour la première fois dans Réglez-lui son compte ! en 1949 aux éditions Jacquier, c'est bien dans la collection Spécial Police qu'il prendra véritablement son envol en 1950 avec Laissez tomber la fille en décembre (Spécial Police N°11). Mais en 1952, Frédéric Dard invente un nouveau personnage qui devient le double maléfique du célèbre commissaire, L'Ange Noir, dont les quatre aventures seront publiées aux éditions de La Pensée Moderne créées par Jacques Grancher, avec des couvertures signées Jeff de Wulf.

A noter que Jacques Grancher était le fils de l'écrivain et journaliste Marcel E. Grancher qui édita le premier roman de Frédéric Dard. Aussi on peut supposer que Frédéric Dard proposa ces quatre titres afin d'aider la jeune maison d'édition qui avait débuté sous le nom de La Pensée Nouvelle, et en remerciement au père de l'éditeur.

En 1978, les éditions Fleuve Noir rééditent ces quatre romans en un seul volume sans que soient référencées les précédentes publications. Pas d'appareil critique, juste en quatrième de couverture une présentation par San-Antonio.

 

C'est marrant comme ils sont écumeurs, les Editeurs. Cette manie qu'ils ont, une chose qui marche, de lui racler les os, d'en sucer la moelle et de mettre à bouillir ce qui reste pour en faire du consommé.
Note qu'ils bâtissent notre fortune en agissant ainsi, les chéris. Ils tiennent à ce qu'on ne manque de rien, nous autres z'auteurs; à ce qu'on travaille bien à l'aise dans les conforts productifs. Et ils ont raison : ça incite.
Pour t'en venir leur nécrophagie, je vois, moi, la manière exquise dont ils déterrent de la fosse commune les cadavres de mon époque dents-longues-haleine-fraîche ! La dextérité qu'ils mettent à les ressusciter, à les toiletter, à les farder et à les lancer sur le marché.
Va gagner ta vie, somnambule !
Ainsi de L'Ange Noir.
Du temps que je la pilais, histoire de me dépanner l'estom', j'avais pondu cette prose surchoix.
Un vrai nectar !
Du San-Antonio d'avant San-Antonio en somme.
Tu vas voir, tout y était déjà : la trouduculence, la connerie, le m'enfoutisme, et même le reste.
Surtout le reste!
Sauf que l'Ange Noir n'est pas un policier héroïque mais un vilain massacreur.
Et voilà qu'il a obtenu une remise de peine.
Je le croyais condamné à perpète : mon œil !
Il retourne au charbon, le doigt sua la gâchette.
Fringué à neuf, mon tueur de charme part conquérir un public.
Un conseil, jolie fillette. Si tu l'aperçois, change de trottoir.
San-Antonio.

Comme on peut le lire, San-Antonio alias Dard avait trouvé son double maléfique que San-Antonio présente lui-même, avec cette dérision et cet humour si caractéristiques. Se moquant gentiment des éditeurs qui ressortent des placards dans lesquels avaient été enterrés des œuvres de jeunesse. Mais au moins Dard possède l'élégance de ne pas cracher dessus, on ne renie pas un bébé, quel qu'il soit, beau ou handicapé.

 

De l'Ange noir, on ne sait pas grand chose, que ce que le narrateur a bien voulu dévoiler de lui-même. Il a atteint la trentaine, ressemble vaguement à Tyrone Power, du moins c'est ce qu'une jeunette lui affirme et il est né à l'arrière d'un camion transportant des vélos. Sa mère n'y a pas résisté et il s'est retrouvé comme Moïse au milieu des porte-bagages. S'il y en avait. Bon, on ne va pas faire dans l'humour noir, mais je me demande s'il y a avait des Rustines. De toute façon le camionneur n'avait rien entendu à cause du boucan que faisait son vieux Mac, et que l'Ange Noir était trop petit pour intervenir en urgence.

Donc on ne sait rien de la jeunesse de l'Ange Noir, ni même de son identité. D'ailleurs même le juge ne le sait pas, pourtant si vous pouviez compulser son casier judiciaire, vous sentirez votre cerveau se ratatiner et devenir à peine plus gros qu'une larme de fourmi; si vous avez encore des tifs sur le dôme - ce que je vous souhaite de tout cœur - ils se lèveront tout droit comme si on leur jouait la Bannière étoilée. Ah oui, j'ai oublié de préciser que l'Ange Noir perpètre ses méfaits et ses meurtres à Chicago et sa région.

 

Au moment où on entame la narration de sa première aventure, l'Ange Noir est en voiture en compagnie de son ami-amante Sissy. Elle demande à ce qu'il s'arrête devant une boutique, devant récupérer un paquet. Et quand elle réintègre le véhicule elle signale à son compagnon qu'ils sont épiés. Effectivement ils sont suivis par un cabriolet et l'Ange (on joue les raccourcis) parvient à museler son suiveur. Comme il est pas loin d'une turne qu'il connait, l'Ange emmène son prisonnier et le fait parler, désireux de savoir le pourquoi du comment de la filature. Et comme il est bon prince, une fois que le mec a tout dégoisé, il lui offre des pruneaux dans l'estomac, se moquant comme de ses première couches de savoir si c'est la saison ou pas.

Brèfle, le gars au ventre en passoire lui a dit, avant de clamser, qu'il travaillait pour un dénommé Little Joly. Or quand l'Ange arrive chez Joly, c'est pour se rendre compte que ce n'est pas joli-joli. Il est face à un cadavre et la Maison Poulaga est déjà sur place. Arraisonné, il est placé en prison. Mais c'est sans compter sur son esprit d'initiative, sur celui de son avocat et surtout celui de Sissy la débrouillarde. Et lors de la reconstitution du prétendu meurtre de Little Joly, il parvient à s'évader avec la complicité de Sissy. Tous deux forment un couple à la Bonny and Clyde, sauf que les poulets les poursuivent et que Sissy reçoit une Valda dans la tronche, tout en conduisant, ce qui est fortiche de sa part. L'Ange se retrouve dans la nature, quelques poulets au fesses et il se réfugie dans une bicoque qui transpire le pognon comme un glaçon sous la canicule. Heureusement il est sauvé par la jeune fille de la maison qui lui démontre immédiatement qu'il ne lui est pas indifférent et pour cela elle n'hésite pas à lui faire partager sa douche et sa couche. Suite dans le bouquin qui relate d'autres avatars tout aussi mouvementés.

 

L'écriture est nerveuse, métaphorique et se révèle un antidote à la morosité. Et le mieux est de placer ici un exemple concret au lieu de s'épandre en long, en large et en travers, sur plusieurs pages, ce qui risquerait de provoquer un certain assoupissement du lecteur.

Le contexte : L'Ange Noir et Sissy sont dans une voiture, Sissy tenant allègrement le volant :

L'aiguille du compteur se déplace aussi vite que celle d'un pèse-bébé sur lequel vient de grimper un éléphant. En moins de temps qu'il n'en faut pour éplucher un œuf dur, nous sommes à cent-dix.

Bon, je ne vais pas vous importuner plus longtemps, et si vous appréciez San-Antonio dans ses œuvres et ses écrits, n'hésitez pas à vous plonger dans les Confessions de l'Ange Noir, elle ne manquent ni de sel, ni de piquants, ni de justesse dans certains propos. Une récréation à ne pas dédaigner.

 

Réédition Collection Grands Succès. Editions Fleuve Noir. Parution septembre 1978. 384 pages.

Réédition Collection Grands Succès. Editions Fleuve Noir. Parution septembre 1978. 384 pages.

Première édition : La Pensée Moderne.

Première édition : La Pensée Moderne.

Sommaire :

Le boulevard des allongés (1952)

Le ventre en l'air (1953)

Le bouillon d'onze heures (1953)

Un Cinzano pour l'Ange Noir (1953)

Frédéric DARD : Les confessions de l'Ange Noir. Editions Fleuve Noir. Parution 8 juin 2017. 560 pages. 20,90€. Version numérique : 15,99€.

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28 juin 2017 3 28 /06 /juin /2017 07:29

Objection votre Honneur !

Erle Stanley GARDNER : Perry Mason, l'avocat justicier.

Avec 82 aventures papier mettant en scène le célèbre avocat de Los Angeles Perry Mason, de 1933 1970, année du décès d'Erle Stanley Gardner, les six films et les 316 épisodes télévisés, comportant trois séries distinctes, dont seulement la dernière, tournée de 1985 à 1995, fut diffusée en France, la littérature policière d'énigme et de suspense alliée à ce qui fut appelé roman de prétoire, connut un engouement sans précédent.

La prestation de Raymond Burr dans la quasi totalité des épisodes télévisés en est pour une grande partie déterminante dans ce succès, mais pas que. Les intrigues d'Erle Stanley Gardner étaient parfaitement huilées, même si le ressort en pratiquement toujours le même.

Une jeune femme, souvent une starlette en puissance, ou son représentant, se présente dans le cabinet de l'avocat et demande à ce que celui-ci la sorte des ennuis dans laquelle elle s'est fourré, consciemment ou non. Perry Mason va donc enquêter, parfois en marge de la légalité, assisté efficacement de Della Street, sa secrétaire, et du détective Paul Drake dont les bureaux sont dans le même immeuble.

 

Perry Mason se montre retors, prêchant le faux pour connaître le vrai, employant des moyens que les policiers ne possèdent pas ou que la déontologie professionnelle leur interdit de se servir. Et s'il bafoue le code déontologique, c'est toujours dans l'intérêt de sa cliente. Il sort sans barguigner et sans vergogne, lors du procès devant le juge et à la grande stupéfaction du procureur, des preuves ou des arguments qui jusqu'alors étaient tenus secrets, recueillis par des procédés pas toujours honnêtes, comme un prestidigitateur sort un lapin ou plutôt une colombe de sa manche. Et surtout c'est un comédien né qui sait jouer de tous les sentiments.

De plus il connait le code et la loi, il sait s'en jouer, et il ne faut pas oublier que son créateur, Erle Stanley Gardner était lui-même avocat et donc qu'il connaissait toutes les ficelles du métier et la rhétorique face à des témoins, des jurés et les représentants de la justice et de la police en général pour parvenir à ses fins. Mais Perry Mason n'est pas seul et il est secondé efficacement par sa fidèle secrétaire, Della Street, qui n'hésite pas pour plaire et servir les intérêts de son patron au mieux à se lancer elle-même dans les enquêtes lorsque ceci s'avère nécessaire. Et puis il emploie les services de Paul Drake, un détective privé, et son agence pour dénicher les éléments qui lui manquent, pour exercer une filature ou s'introduire dans des lieux car il ne possède pas le don d'ubiquité. Il a parfois recours également à un Bureau d'Enquêtes Coopératif, pour suppléer Paul Drake.

Il ne compte pas ses heures, travaillant, enquêtant, se déplaçant, rencontrant des témoins ou des personnes susceptibles de lui apporter des éléments nécessaires à la résolution de l'affaire, à toute heure du jour et de la nuit. Et cela se termine en général dans l'enceinte du tribunal, alternant les atermoiements, les grandes envolées, les effets de manche, la présentation inopinée de témoins en faveur de son client ou cliente, sachant déceler et contrer les mensonges et hésitations de ceux que présente le procureur.

 

Perry Mason n'est pas misogyne, même si on ne lui connait aucune relation sentimentale, pas même avec sa secrétaire, toutefois la plupart du temps il se décarcasse pour innocenter une jeune femme, celle-ci étant naïve ou retorse. En témoignant les titres de certains ouvrages : La Blonde boudeuse; La Veuve vigilante, La Brunette bouclée; La Nymphe négligente; L'Hôtesse hésitante; La Séduisante spéculative...

Si en général tout se résout dans prétoire, dans certains romans, au début de sa saga, les scènes de tribunal sont inexistantes.

 

Ainsi dans Jeu de jambes, Bradbury, un des principaux actionnaires d'une banque de Cloverdale, en Californie, requiert l'assistance de Mason pour aider une jeune fille, Marjorie Clune, qui a été bernée par un certain Frank Patton, lequel se présentait comme organisateur et représentant une société productrice de films. Marjoris Clune, que le client de Mason pensait épouser, est venue à Los Angeles mais il a perdu sa trace. Quant à Frank Patton, il recherchait soi-disant des jeunes filles pour leur faire signer des contrats de films dans lesquels elles devaient jouer un rôle. Elles étaient susceptibles de devenir de futures grandes vedettes de cinéma. Il prenait en photo les jambes et celle qui était retenue devenant Les plus belles jambes du monde. Il ramassait de l'argent auprès de commerçants locaux et de la Chambre de Commerce. Une mystification rentable et juteuse. Mason accepte l'affaire, et se rend auprès du District Attorney de Los Angeles qui refuse de s'occuper de cette affaire arguant du fait que Cloverdale n'est pas dans sa juridiction. C'est le seul moment où Mason a une entrevue avec un représentant de la justice. Mason va se démener pour retrouver Marjorie Clune et dénouer le meurtre perpétré sur la personne de Patton.

 

En France, un émule d'Erle Staley Gardner se fit un nom dans la collection Spécial Police du Fleuve Noir sous l'alias de Jean-Pierre Garen, qui à une lettre près était l'anagramme du célèbre romancier américain.

 

Curiosité : Il est regrettable, alors que tant de romans ont été traduits en France et plus particulièrement dans la collection Un Mystère des Presses de la Cité, que la couverture de cet Omnibus soit la reprise d'un fascicule des éditions Rex consacré aux rééditions des aventures de Fantômas, Le mort qui tue, dans les années 1950, et que l'illustrateur, Michel Gourdon ne soit pas crédité.

Erle Stanley GARDNER : Perry Mason, l'avocat justicier.

Sommaire :

Cœurs à vendre (The Case of the Lonely Heiress - 1948) Traduction Maurice Bernard Endrèbe. Collection Un mystère no67, Presses de la Cité, 1951. 

 

La prudente pin-up (The Case of the Cautious Coquette - 1949). Traduction Maurice Bernard Endrèbe. Collection Un mystère no53; Presses de la Cité, 1951.

 

Jeu de jambes (The case of the Lucky Legs - 1934). Première édition sous le titre Jambes d'or, Paris, Arthaud, coll. L'Aigle noir no 6, 1949, traduction de P. Ferrieu. Réédité dans une nouvelle traduction d'Igor Maslowski sous le titre Jeu de jambes, Un mystère no 260, 1956 .  

 

L'hôtesse hésitante (The Case of the Hesitant Hostess - 1953). Traduction Maurice Bernard Endrèbe. Collection Un mystère no 148, 1953.

 

Gare au gorille (The Case of the Grinning Gorilla - 1952). Traduction Maurice Bernard Endrèbe. Collection Un mystère no 140, 1953 ;

 

La nymphe négligente (The Case of the Negligent Nymph - 1950). Traduction Maurice Bernard Endrèbe. Collection Un mystère no 206, 1955. 

 

La vamp aux yeux verts (The Case of the Green-Eyed Sister - 1953) D'après la traduction de M. Michel-Tyl. Collection Un mystère no 257, 1956 ;

 

Postface de Jacques Baudou.

Erle Stanley GARDNER : Perry Mason, l'avocat justicier.

En complément de mon article, vous pouvez lire également sur Action Suspense celui complémentaire de l'ami Claude Le Nocher :

Erle Stanley GARDNER : Perry Mason, l'avocat justicier. Postface de Jacques Baudou. Editions Omnibus. Parution le 15 juin 2017. 958 pages. 29,00€.

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23 juin 2017 5 23 /06 /juin /2017 08:55

Le GAL, l'égout...

Bruno JACQUIN : Galeux.

Mais c'est quoi ça, le GAL, demande Inès, âgée de vingt-deux ans. Elle n'a pas connu cette organisation qui pour combattre l'ETA, s'est comportée comme une faction mafieuse.

L'ETA, Euskadi Ta Askatasuna qui signifie Pays basque et liberté, elle connaît. Trop bien même, car son père fut la victime d'un règlement de compte entre ettaras, entre membres de l'ETA. Elle n'avait que deux ans. C'était en 1985. Sa mère étant morte à la naissance, ce sont ses grands-parents maternels qui l'ont élevée. Surtout son grand-père, Papou, car Nanou, sa grand-mère victime d'un AVC, dommage collatéral de la mort de son fils, est aphasique depuis cette époque. Elle s'est réfugiée dans la peinture.

Vingt ans plus tard, Mai 2005.

Casimiro Pozuelo et sa femme habitent Cergy-Pontoise, Inès fréquentant l'université préparant une licence d'histoire, mais ils retournent souvent lors des vacances à Bassussary, leur maison du Pays Basque. Et alors qu'en cette fin d'année scolaire elle s'amuse dans un club de Cergy en compagnie de son amie Amaia, elle reçoit un message de sa grand-mère indiquant qu'il est arrivé quelque chose à Papou. Si elle parle avec difficulté, Nanou peut au moins tapoter sur son téléphone.

Le grand-père est à l'hôpital de Bordeaux, victime d'un attentat, et son pronostic vital est engagé. Mais ce qui inquiète le plus Inès, ce sont les renseignements qui lui sont fournis notamment par les policiers. Papou a reçu deux balles dont une dans la mâchoire, et s'il vit c'est par miracle. Sur sa voiture un message sibyllin a été tagué : Galeux.

D'où la question qu'Inès se pose et dont elle aura des éléments de réponse par un jeune lieutenant de Bayonne, et quelques autres personnes de son entourage, dont la voisine de ses grands-parents et mère d'Amaia. L'affaire est couverte par un policier de l'Antiterrorisme, un nommé Chaloyard qu'elle rencontre un peu trop souvent sur sa route.

Elle a connu lors d'une soirée en compagnie d'Amaia, à Bordeaux, un jeune Basque du nom de Mikel. Ils se retrouvent de temps à autre, surtout lorsqu'elle est à Bassussary. Mais lui aussi a connu une enfance difficile, mouvementée, par la mort de son père. Mikel doit s'envoler pour l'Argentine et elle tente de le joindre, sans résultat. Il ne répond pas à ses messages et lors de ses connexions sur Skype. Elle va apprendre incidemment qu'il est au Venezuela, et comme ce sont les vacances, elle se rend directement sur place où elle sait qu'elle pourra obtenir des renseignements sur son passé, et celui de son grand-père, par un ancien activiste basque qui s'est réfugié et construit une nouvelle vie près de Caracas.

 

Si l'intrigue repose essentiellement sur les recherches d'Inès, concernant son grand-père et le rôle que celui-ci aurait pu être amené dans l'attentat contre son père vingt ans auparavant, sur ses désillusions, ses appréhensions, ses doutes, ses suspicions, sa colère, sa rancœur, l'auteur se penche sur les exactions et agissements malsains, délétères, voire inhumains de la part du GAL.

Il ne prend pas partie sur les revendications d'Ettarra, sur les attentats provoqués par les indépendantistes basques, surtout espagnols, mais met en exergue les violences perpétrées par les Galeux. Des membres d'une organisation officiellement officieuse espagnole, composée de membres des services spéciaux espagnols, de la Guardia Civil et de la Police nationale. Ceux-ci recourraient eux-mêmes aux services de criminels de droit commun pour leurs opérations, des mercenaires, des fascistes, de franquistes, à laquelle se sont joints d'anciens membres de l'OAS, et des policiers français qui agissaient en toute impunité.

Si le gouvernement français de l'époque avait officiellement dénoncé et condamné les incursions des policiers espagnols sur le territoire français, il ne faut pas oublier que Felipe Gonzáles était socialiste, tout comme le président de la République Française, et qu'ils étaient amis. Et que le rôle de Mitterrand dans cette affaire n'est pas clairement défini. Il existe les versions officielles et celles qui prêtent à interprétations soulevant de nombreuses questions sur son hypocrisie qui s'était manifestée à maintes reprises, durant le conflit de la Seconde Guerre Mondiale par exemple, et bien après. Possédant une formation d'avocat et fin diseur il savait se dépêtrer des situations ambigües. On ne va pas refaire l'histoire même si certains peuvent être choqués par ces propos. Or on connait le comportement de certains hommes politiques qui se revendiquent toujours du mitterrandisme, ou pas.

Les bavures existent, elles ont été prouvées, et si l'auteur les met en exergue, il ne porte pas de jugement tranché, surtout sur les ettarra.

Il faut savoir faire la différence entre terroristes, ceux qui entretiennent la terreur par leurs actions illégales dans un pays qui n'est pas le leur, et les indépendantistes qui revendiquent leur liberté. Ainsi peut-on, selon le parti dans lequel on se place, affirmer que les Résistants étaient des terroristes, cela dépend du point de vue de tout un chacun. Mais les frontières déplacées au gré des guerres, les compromis scindant un pays en deux, rejetant de part et d'autre la population, n'ont jamais amené à un régime de paix. Il n'est pas besoin d'aller en Afrique, avec les rivalités ethniques dues à de petits arrangements coloniaux, pour en fournir des exemples concrets. Et tout dernièrement les soulèvements, les guerres fratricides en Europe Centrale montrent l'évidence de ces propos qui dépassent largement le thème de ce roman. Quoi que...

Et ceux qui sont considérés comme des séparatistes sont en réalité des ré-unionistes, désirant reforger leur pays scindé en deux par des frontières non naturelles.

Au delà de l'histoire, c'est l'Histoire que Bruno Jacquin nous propose de visiter ou revisiter.

Bruno JACQUIN : Galeux. Collection du Noir au Sud. Editions Cairn. Parution le 11 mai 2017. 272 pages. 11,00€.

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22 juin 2017 4 22 /06 /juin /2017 07:38

Composez IN8 et tapez Pécho...

Denis FLAGEUL : Pêche interdite.

Certains marins-pêcheurs ramènent dans leurs filets des cadavres, des containers, des bombes de la Seconde Guerre Mondiale et bien d'autres choses encore qui n'auraient rien à faire dans l'eau salée.

Yvan Kermeur, qui travaille sur le Déjazet, a décidé de ne pas s'embarquer ce matin-là. Alors que le hauturier s'éloigne du port, Yvan se réfugie dans le bar Le Triskel. Sa tête est lourde, emplie de pensées d'avenir, lourde comme le sac qu'il trimbale avec lui. Il fait bien dans les trente kilos, voire plus. Le sac. Mick, son copain, l'aborde, et plein de sollicitude en voyant sa tronche, lui demande s'il a replongé. Yvan ne se méprend pas, ce n'est pas de la mer que s'inquiète son copain, mais de produits nocifs. Mick le met en garde.

Pourtant, c'est bien de la drogue que son sac contient, un volumineux paquet de petits paquets, des savonnettes ça s'appelle, enrobé dans du plastique qu'il a recueilli alors qu'il était au tri des poissons, le chalut remonté. Un ballot qu'il a caché, ne désirant pas partager sa découverte. Seulement Kosquer l'a vu et il essaie de l'alpaguer. Plus rapide Kermeur s'enfuit avec son baluchon, le nez écrasé, mais sain et sauf. Sauf que Kosquer est un être vindicatif.

Joss, la compagne de Kermeur, travaille dans un poulailler industriel, de nuit, dans les plumes, la fiente, la puanteur. Souvent ils ne font que se croiser, comme ce matin alors qu'il rentre chez lui. Elle aussi croit qu'il a repiqué au truc, mais il lui explique vaguement sa pêche miraculeuse, et sa décision de rencontrer un grossiste qui pourrait lui acheter sa marchandise un bon prix et lui permettre de retaper son rafiot à lui.

Seulement, entre les souhaits et la réalité, il faut compter sur les impondérables, nombreux, qui se dressent comme la quille d'un navire lors d'une tempête mais qui s'immerge immédiatement pour disparaître quasi complètement à moins que la houle la fasse réapparaître, et ainsi de suite jusqu'à ce que les éléments gagnent leur partie de cache-cache, ou pas.

 

Laissez-vous embarquer dans cette aventure pseudo-maritime bretonne avec comme guide Denis Flageul, qui en bon Breton qui se respecte aime la mer quoique étant issu de la campagne. Et il en parle mais par la bande, comme un longe-côte, s'intéressant plus aux rivages, aux ports, aux bateaux, aux hommes, et à la pêche.

Des images poétiques qui se bousculent dans un univers de violence, celle-ci s'invitant partout, s'immisçant dans les moindres recoins, alimentée par la drogue, l'alcool, ou autre.

Justement, la drogue. J'ai pensé au début, encore un roman sur la drogue, avec mode d'emploi à l'appui. Non, Denis Flageul évite cet écueil, pour se concentrer sur les personnages, sur leur antagonisme, sur le besoin de rédemption de l'un, la jalousie envieuse d'un autre.

Un court roman reposant, qui ne donne pas le mal de mer, mais fouette quand même comme les embruns lors d'un mascaret.

 

Denis FLAGEUL : Pêche interdite. Collection Polaroïd. Editions In8. Parution 9 juin 2017. 80 pages. 12,00€.

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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