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16 juillet 2014 3 16 /07 /juillet /2014 17:58

Maurice Gouiran est le Alain Decaux du roman noir de l'histoire contemporaine.

 

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Entrer dans un roman de Maurice Gouiran, c'est un peu comme lorsque l'on regardait l'émission Alain Decaux raconte, dans les années 1970. Tout en sobriété, sur un plateau dépouillé, mais efficace, entretenant sous le charme le téléspectateur, avec un ton tour à tour vif et confidentiel, subjuguant son auditoire, le faisant palpiter en narrant ses petites histoires de la grande Histoire.

En cette fin du mois de janvier 2013, le temps est maussade sur la Varune, près de Marseille, et Clovis Narigou se réchauffe près de sa cheminée lorsqu'il est dérangé dans son assoupissement. Trois coups timides frappés à la porte et il est tout étonné de découvrir devant lui Samia qu'il n'a pas revue depuis dix ans. Samia, celle qu'il a aimé, aime peut-être encore, et à laquelle il n'a jamais osé déclarer sa flamme, à cause de son ami François.

François, légèrement plus âgé que Clovis, grand reporter comme lui, et avec qui il a parcouru le monde, étant ensemble sur la plupart des points chauds du globe. Ils se sont connus en septembre 1982, ils étaient en reportage au Liban, alors que le pays était déchiré et pliait sous les exactions des phalangistes chrétiens et les bombes israéliennes. C'est ainsi qu'ils se sont trouvés à Beyrouth, à Sabra et Chatila lors du massacre et à Jiyeh ils ont sauvé Samia, réfugiée à l'abri des rochers, ayant été laissée pour morte par un commando de phalangistes se présentant comme soldats israéliens à la recherche de membres de l'OLP. Entre Samia et François ce fut le coup de foudre, ils se sont mariés une fois rentrés en France et se sont installés près de Niort. Mais justement François a disparu depuis quelques semaines, et n'a plus donné de ses nouvelles. Samia inquiète fait donc appel à son vieil ami Clovis qui accepte de retrouver le reporter qui, comme lui, a pris sa retraite mais effectue quelques piges de temps à autre pour un journal.

baltasar-garzon-est-accuse-d-avoir_2ed613995b1b42a6744fba7f.jpgIl était parti enquêter sur deux accidents étranges qui se sont déroulés à Barcelone et depuis le douze janvier il n'a plus donné de ses nouvelles. Clovis ne peut qu'accepter la mission de partir en Espagne par amitié pour François et Samia, mais auparavant il s'introduit dans le coffre-fort virtuel de son ami afin de compulser les documents que celui-ci a pu glaner, grâce au code fourni par Samia. Ces notes concernent principalement les enlèvements et le trafic d'enfants durant la période franquiste, un problème soulevé par le juge Balthasar Garzón, qui d'ailleurs a été démis de ses fonctions. Il n'est pas bon de remuer la boue, surtout que de nombreux franquistes ou néo-franquistes ont la nostalgie de cette période. Au départ, et sous l'impulsion d'un psychiatre militaire illuminé, Vallejo-Nàgéra, les enfants étaient enlevés à leurs famillesvallejo.jpg Rouges dans le but de leur extirper un prétendu gêne communiste. Et les nourrissons étaient placés dans des familles phalangistes qui devaient les éduquer selon les valeurs morales du régime. Si l'on peut parler de valeurs morales dans ce cas.

Or ce trafic d'enfants a perduré après le décès de Franco, principalement dans une communauté religieuse, la clinique Santa Isabel jusqu'au début des années 1980. Des nourrissons déclarés mort-nés et vendus à de riches familles en quête de progéniture. Cette institution a été transformée en maison de retraite, c'est ce qu'apprend Clovis en fouinant et auprès d'une amie journaliste espagnole, Fabiola, qui travaille pour El País à Madrid. Les deux décédés se nommaient Pedro Manoel Garriga, passé sous une rame de métro le 21 novembre, et Maria Luisa Pinto, renversée par une voiture le 23 novembre. Or ces deux quadragénaires, nés à quelques jours de distance et dans la même clinique Santa Isabel, s'étaient lancés à la recherche de leurs parents biologiques et avaient lancés une action en justice contre l'établissement catholique. C'est un journaliste espagnol Ezquerro qui avait levé le lièvre et en avait fait part à quelques collègues dont François.

Essayant de remonter la piste de François, sans pouvoir mettre la main dessus, Clovis découvre d'autres documents nommés Edda, et dans lesquels François qui avait des doutes sur sa naissance, raconte ses recherches conjointes sur le Lebensborn allemand, des pouponnières créés à l'initiative de Heinrich Himmler et dont le but était fournir à la patrie hitlérienne des enfants aryens, issus de filles-mères possédant des qualités raciales ne souffrant d'aucune contestation et de soldats SS possédant le profil type. Clovis va se rendre de Barcelone à Madrid puis dans de petits villages, et même ailleurs, allant de surprises en surprises, parfois au péril de sa vie.

 

Une fois de plus Maurice Gouiran s'est attaché à gratouiller l'histoire et mettre en avant des pratiques honteuses longtemps passées sous silence. Il ne dépoussière pas l'Histoire, mais il enfile sa panoplie de spéléologue pour aller aux tréfonds de ce que certains considèrent comme des faits-divers mais qui sont des épisodes malheureux et honteux. Des rumeurs circulaient mais aussitôt démenties par les pays dans lesquelles elles ont eu lieu. L'eugénisme prôné par un dément et facilité par des intégristes catholiques en Espagne, le vol et le détournement d'enfants qui par la suite devint un véritable trafic même après la fin du franquisme et un nouveau gouvernement, et par des fascistes qui pensaient régner sur le monde en procréant une race pure. De toute façon, l'eugénisme est une pensée philosophique que bien des savants continent à explorer malgré tout sous diverses formes.

Plus qu'à une histoire, c'est à une leçon d'Histoire à laquelle Maurice Gouiran nous convie, avec rigueur, sobriété, émotion et l'épilogue est particulièrement poignant.

A lire également Franco est mort jeudi  ainsi que Sur nos cadavres ils dansent le tango.
Maurice GOUIRAN : L'hiver des enfants volés. Polar Jigal, éditions Jigal. Parution le 15 mai 2014. 240 pages. 18,50€.

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15 juillet 2014 2 15 /07 /juillet /2014 08:01

Ce romancier polygraphe prolifique est aujourd'hui oublié et le titre de ce numéro de la revue Rocambole est amplement justifié et explicite : il ne s'agit pas d'une redécouverte, mais bien d'une découverte concernant l'homme et son œuvre abondante et diverse.

 

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Après la biographie rédigée par Jacques Baudou, lequel n'est autre que le maître d'œuvre de ce dossier, les romans de Léon Groc sont passés au crible par Jacques Baudou et Philippe Gontier. Et j'abonde dans le sens des deux rédacteurs lorsqu'ils taclent, gentiment, l'article concernant l'œuvre de Léon Groc dans le Dilipo et ses signataires.

Article qui dit en substance : Ces romans sont le plus souvent groc4.jpgconventionnels tout comme le thème de leurs intrigues : organisations secrètes criminelles ou justicières, ennemi œuvrant dans l'ombre, cryptogrammes mystérieux. Comme Baudou et Gontier le signifient, il faut remettre dans le contexte historique ces histoires, et apprécier justement le côté innovant dans le développement de ces narrations. Combien de romans actuels empruntent à ces thèmes sans que quiconque crie au scandale. Mais au début du XXème siècle, peu d'auteurs populaires avaient imaginé de telles intrigues aussi ingénieuses, et ce qui semble banal aujourd'hui était pour l'époque de réelles inventions littéraires.

Bien sûr, dans les premiers écrits, des contes et nouvelles destinés aux journaux de l'époque comme Le Soleil, Le Matin, Le Petit Journal, certains thèmes sont exploités par les romanciers et écrivains de l'époque, mais Léon Groc (et au début son frère Maurice) les détourne avec humour et verve. Que ce soit l'argent, et ses deux contraires, Fortune et Infortune, le vol, la tromperie, les petits fonctionnaires et employés, souvent des comptables, reviennent assez souvent comme matières à exposer des scènes de la vie courante, mais ce n'est jamais anodin.

Au début, et puisque j'ai signalé son frère, Léon et Maurice Groc s'associent pour l'écriture de ces contes, et ils publient sous le pseudo de L.-M. Groc. Maurice est plus jeune que Léon, mais il décède à l'âge de vingt sept ans, en 1912. Il était comme Léon rédacteur au journal L'éclair.

La plus grande partie de ce dossier est consacré à l'étude d'une vingtaine de romans signé Léon Groc, et montre combien cet auteur pesait de son vivant dans l'univers du roman populaire. Si ses romans policiers semblent un peu fade aujourd'hui, ses romans scientifiques et d'anticipation lui valent d'être comparé à H.G. Wells ou à Jules Verne.

Ensuite des articles comme Le canon et la plume, sous la groc3.jpgsignature de Daniel Compère, explore l'œuvre de guerre de Léon Groc, des récits qui s'échelonnent de 1917, pour la collection Patrie chez l'éditeur Rouff, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale pour les collections Patrie Libérée et Patrie, nouvelle série, toujours chez Rouff.

Philippe Gontier nous parle des rapports de Léon Groc avec le cinéma, Jean-Luc Buard revient sur les débuts littéraires de Léon et Maurice Groc, Philippe Gontier nous propose de nous intéresser à Léon Groc et la critique littéraire, tandis que François Ducos s'intéresse à une série qui n'eut guère de succès et fut vite abandonnée consacrée à Stan Kipper, le roi des détectives, la fin du conflit et l'emprise pour ne pas dire l'hégémonie américaine donnant de nombreux prétextes aux romanciers à prendre pour personnages des détectives américains dans leurs romans.

Enfin Jean-Luc Buard nous dresse un essai de bibliographie de Léon Groc, qui permet aux curieux, aux amateurs de littérature ancienne et aux collectionneurs de pouvoir combler leurs lacunes et effectuer des recherches à bon escient, d'autant plus que Léon Groc a utilisé également les pseudonymes de Jacques Mongis (nom de jeune fille de sa mère) et Paul Carillon.groc2.jpg

Ce dossier ne serait pas complet sans la rééditions de contes et nouvelles, aussi six textes, avec des présentations de Jean-Luc Buard, Philippe Gontier et Daniel Compère, sont proposés aux lecteurs qui découvriront la plume alerte de cet auteur, seul ou avec la participation de son frère. Des contes qui furent publiés dans des journaux et qui démontrent un style vivant, voire fringant, élégant, ainsi qu'une écriture plaisante à lire, à une époque où la littérature populaire n'était pas forcément synonyme d'écriture bâclée, mais travaillée sans être ampoulée.

Cette revue peut être commandée directement auprès de l'Association des Amis du Roman Populaire sur le site du Centre Rocambole.


Revue Rocambole 67 : Découverte de Léon GROC. Bulletin des Amis du Roman Populaire. 176 pages. 17,00€.

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13 juillet 2014 7 13 /07 /juillet /2014 18:41

Bon anniversaire à Philippe Ward, né le 13 juillet 1958.

 

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Certains objecteront qu'il ne s'agit que d'un recueil de nouvelles. Certes. Mais Sylvie Miller et Philippe Ward œuvrent, en solo ou en duo, jouant tout aussi bien dans le domaine du fantastique, de l'angoisse, du suspense, du merveilleux, de l'émotion, de l'humour ou de l'érotisme léger. Seize nouvelles dans lesquelles les deux auteurs laissent la bride à leur talent et ils en profitent pleinement, sans contrainte, sauf celle de faire plaisir aux lecteurs.

 

Dans la première de ces nouvelles écrite conjointement, Le mur, Marie peine à boucler son budget. Elle a beau calculer, compter, rogner, vérifier, une facture est toujours présente sur la pile pour rompre l'équilibre comptable. Alors elle fixe le mur blanc devant elle, semblant y chercher l'inspiration à défaut d'un trésor. Pourtant, justement un trésor y est caché, sous la forme d'un visage qui la regarde narquoisement tandis que le mur blanc tremblote, vibre, ondule. Elle est seule, son mari l'ayant abandonnée quelques années auparavant, ne supportant plus sa frigidité. Alors Marie ressent des phantasmes, à moins que ne ce soit que la réalité qui prend en gage son corps.

 

Sylvie Miller a écrit L'ombre en hommage à un ami atteint de myopathie et met en scène François qui, toutes les nuits est en proie à des cauchemars récurrents. Il se voit marchant sur une route pavée, ou au milieu des bois, les arbustes le ralentissant et l'égratignant, et surtout une ombre noire le suit, se colle à ses pieds, le freinant. Il ressent des difficultés à respirer, ses jambes s'engourdissent. Il vit depuis plus de quatre ans dans une base martienne en compagnie de quelques autres collègues et sa sœur Sarah.

 

Revenons sur terre et immergeons-nous dans Les vignes du Seigneur de Philippe Ward. Patricia est l'une des rares femmes œnologues françaises et elle travaille dans un château du Bordelais. Elle est interloquée devant une bouteille vin blanc qui ne porte aucune étiquette mais au contenu limpide et jaune d'or. Un coursier a apporté le flacon au concierge, a demandé à ce qu'il soit mis au frais et puis c'est tout. Pas de marque distinctive sur la bouteille ni sur le bouchon d'une qualité exceptionnelle sauf que cette bouteille ressemble à s'y méprendre à une bouteille utilisée dans la région. Alors après l'avoir débouchée, elle sent, hume, renifle, elle verse délicatement le précieux nectar dans un verre, trempe ses lèvres et déguste une petite gorgée de liquide. Pas de doute, il s'agit d'un Sauternes millésimé, probablement année 1922, une année exceptionnelle. Seulement il y a un arrière petit goût qui l'intrigue. Alors elle continue sa dégustation avidement. Elle ne s'en empêcher, n'arrivant pas à définir quel est cet arrière goût qui perdure sur ses papilles.

 

Seize nouvelles donc, certaines ayant déjà été publiées, disséminées dans des revues parfois confidentielles, d'autres étant inédites. Et rassembler dans un seul ouvrage des textes éparpillés à gauche ou à droite, ceci sans aucune connotation politique, c'est reconnu d'utilité publique.

Voilà pour le côté sympathique. Et comme vous suivez, vous me demandez immédiatement : et le côté atypique ?

Oh, pas grand chose, juste une petite réunion d'amis pour signer les préfaces. En réalité ils sont 113, oui cent-treize, à avoir écrit un petit mot, quelques lignes, une page ou plus, dans un ton plus ou moins humoristique, poétique ou graphique. De A comme Andrevon, à W comme Wintrebert, ils sont venus, ils sont tous là, les célèbres, les inconnus, les romanciers, les chroniqueurs, les amateurs, les vrais, les copains d'abord. Même votre serviteur, qui a essayé de jouer avec les mots, comme à son habitude, mais sans grand effet, écrasé par la concurrence. Rien qu'à eux seuls, je ne me compte pas, les 112, cent douze, autres préfaciers, rendent un hommage sincère à leur consœur et confrère et rien que pour cela, cet ouvrage devient indispensable. Et comme on ne peut pas se quitter sans un bon dessert, une copieuse postface est proposée, signée Artahe, l'Ours pyrénéen.

 

L'illustration de couverture est signée Guillermo Vidal, et reflète bien l'ambiance mystérieuse, une invitation à entrer dans le jardin extraordinaire des auteurs.


Sylvie MILLER & Philippe WARD : Noir duo. Collection Blanche N° 2040. Editions Rivière Blanche. 296 pages. 20,00€.

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13 juillet 2014 7 13 /07 /juillet /2014 09:10

Bon anniversaire à Alain Demouzon né le 13 juillet 1945.

 

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Lors de l’inauguration d’une boutique par une amie, Le commissaire Melchior, en disponibilité, retrouve par hasard Florence, la femme d’un ancien collègue, Marc Yverneau.

Elle vient d’apprendre que la dépouille de son mari, dont elle était séparée, a été retrouvé. Il faisait partie des corps non identifiés suite à l’attentat du métro londonien. Florence demande à Melchior de l’aider dans ses démarches.

A Londres le Superintendant Woodcock de Scotland Yard avait bien connu Yverneau, lequel avait procéder à un dépôt ADN afin d'alimenter la banque de données du Yard, alors en gestation. C’est ce qui avait permis l’identification du défunt. Selon le policier britannique, le décès d’Yverneau remonter à quelques jours avant l ‘attentat. De plus Melchior découvre calquée sur le mur du tunnel où a eu lieu le drame, l’empreinte à l’envers d’une carte d’identité. Il s’avère que la pièce était établie au nom d’Etienne Pétrini, lui-même ancien inspecteur à la même brigade qu’Yverneau et Melchior, à Chartres vingt ans auparavant.

Des souvenirs que Melchior pensait avoir noyés remontent à la surface. Les trois enquêteurs avaient été impliqués plus ou moins dans l’affaire Arbogast, du nom de l’homme qui avait kidnappé la gamin de Pétrini. L’affaire n’avait été entièrement résolue car l’enfant n’avait pas été retrouvé. Le ravisseur avait été abattu, et quelques policiers avaient reçu des balles perdues. Un doigt de chance, quelques réminiscences qui reviennent par bribes, des détails qui se font jour alors qu’ils n’avaient pas été relevés lors de l’enquête, et Melchior se retrouve enfin sur la piste.

 

Ce roman d’Alain Demouzon est une fois de plus une réussite. Outre l’intrigue, qui mêle habilement passé et présent, ce sont les relations entre les divers protagonistes qui retiennent l’attention. Un roman placé sous le signe de la crise. D’abord la crise entre des policiers, pour la plupart des stagiaires, dont les liens relationnels oscillent entre indifférence, compétition, rivalité, ou amitié suspecte.

Crise morale et affective de Melchior qui hésite entre quitter définitivement le service et prendre la retraite ou réintégrer son poste. Il envisage d’écrire un roman policier mais il n’arrive pas à concrétiser son projet. Il se lie d’amitié, et plus si affinité avec Florence, tout en doutant de la sincérité de la jeune femme, envisageant même une probable culpabilité de celle-ci.

Crise sociale qui noircit l’épilogue en proposant ce que l’on appelle une fin ouverte. Plus quelques autres que le lecteur découvrira au fur et à mesure qu’il découvre le parcours chaotique de Melchior dans cette intrigue qui se révèle machiavélique.

demouzon1.jpgEnfin Demouzon semble parfois se confondre avec son personnage, se montrant quelque peu désabusé et caustique sur le statut d’écrivain et plus particulièrement sur celui d’auteur de romans policiers. Pour preuve cette citation extraite de la page 52 :

«  - J’ai essayé ça, aussi : jouer avec les mots, écrire, me raconter sur le papier mes propres aventures… J’ai laisser tomber. Je ne suis pas un héros.

 - Voyons donc ! Vous n’aviez qu’à torcher un polar.

 - Hon-hon ! C’est bien ce que je voulais ! Mais, il fallait prendre un ton, singer une attitude à la redresse que je n’arrivais pas à me trouver… Enfin, si ! Mais j’avais l’air de tricher, ça m’a paru faux, parler en serrant les dents, en crispant les mâchoires. Les codes du polar !… La vie telle que je la ressens, telle que j’essaie de l’attraper, de la questionner, je n’arrivais pas à en témoigner de cette façon-là, dans une mise en scène réglementée, une écriture contrainte et où toute tentative de liberté narrative fait de vous un délinquant. On transgresse les stéréotypes et alors, ce que vous avez gribouillé n’a plus rien à voir avec le divertissement programmé que les gens attendent. Je ne sais pas si je me fais comprendre… »

Quant au titre il est tout en ambiguïté : Un amour de Melchior, comme on dit Ce gamin, c’est un amour, ou alors Une amourette de Melchior ? Sur l’étal du libraire, cela ne me semble guère accrocheur, à moins de lire consciencieusement la quatrième de couverture.


Alain DEMOUZON: Un amour de Melchior. Fayard Noir. Parution Avril 2008. 440 pages.

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12 juillet 2014 6 12 /07 /juillet /2014 16:11

Deux courts romans parus en 1994 chez un petit éditeur charentais à déguster un petit verre de Cognac.

 

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Le premier de ces romans s'intitule Du sang sous les collines et nous entraîne dans les sous-sols de l'Angoumois et plus particulièrementangouleme-copie-1.jpg dans la vallée des Eaux-Claires.

Un promeneur essaie de canaliser les ardeurs de sa jeune chienne en la sortant dans les bois de la vallée des Eaux-Claires mais celle-ci n'en fait qu'à sa tête. Elle est même contente de vadrouiller et de rapporter à son maître un reliquat de main en putréfaction. Aussitôt il prévient le commissariat d'Angoulême qui arrivent en force. 

Deux cadavres sont retrouvés dans une grotte, une carrière souterraine qui servit autrefois de champignonnière, à une cinquantaine de mètres de l'entrée. Irwan Vernier, inspecteur divisionnaire, est accompagné de Maud Delage, d'origine bretonne mais affectée en Charente depuis six mois. Le légiste est également sur place et les deux corps sont rapidement identifiés, leurs papiers étant dans le sac à main de la jeune fille. Ce sont deux jeunes qui ont pour nom : Jean-Louis Paoli et Anaïs Melville, vingt ans. Et il ne s'agit pas apparemment d'une mort naturelle car tous deux ont été égorgés.

sang-collines1.jpgIls avaient disparu de la circulation depuis plus de trois mois, soit en juin, une fugue d'amoureux probablement. Et comme ils étaient majeurs, des recherches approfondies n'avaient pas été envisagées. Si Jean-Louis était un petit délinquant, Anaïs était fille de notaire. Deux mondes qui pourtant se sont rapprochés. Le père d'Anaïs avait engagé un détective privé, mais celui-ci, interrogé, a échoué dans ses recherches. S'ensuit une enquête de terrain, menée par Maud Delage, Irwan Vernier et leur collègue Xavier Boisseau, et est plus concentrée sur l'entourage du jeune homme. Les parents sont effondrés, son jeune frère se réfugie dans le dessin, quant aux amis, ils ne savent rien, du moins c'est ce qu'ils déclarent. Pourtant les soupçons commencent à peser sur L'homme au rasoir, un revendeur de drogue qui comme son surnom l'indique, joue facilement du coupe-chou. La résolution de l'énigme ne sera dévoilée que quelques mois plus tard, lors du festival de la Bande Dessinée, grâce à quelques dessins.

 

Dans Un circuit explosif, nous retrouvons les mêmes protagonistesangouleme.jpg que dans l'épisode précédent, c'est à dire Irwan Vernier, l'inspecteur divisionnaire, Xavier Boisseau qui d'inspecteur principal n'est plus qu'inspecteur tout court et la charmante Maud Delage.

Maud assiste pour la première fois depuis sa mutation à Angoulême au fameux circuit des remparts, une course automobile créée en 1939, qui connut des heurs et des années de disette, mais est aujourd'hui homologuée depuis 1983, et qui fut parrainée en 1978, lors de sa renaissance par Fangio lui-même (voir à ce sujet le site du Circuit des Remparts). La voiture d'un des concurrents explose sans préavis et de l'épave fumante est retiré le corps du conducteur à moitié carbonisé. Toutefois les enquêteurs sont intrigués car les vêtements du chauffeur ne sont pas ignifugés comme la réglementation l'exige.

Le défunt, Alain Chesnais, est une personnalité de la région, qui n'était pas à sa première participation en Bugatti. Le premier interrogé est Michel Harcombe, le mécanicien, embauché depuis peu, en remplacement de Tim qui aurait été limogé sous le prétexte qu'il aurait tourné un peu trop autour de Sabine, la maîtresse en date de Chesnais.

Comme il faut s'y attendre Sabine Régnier, ancien mannequin, plus jeune que son amant, a les nerfs en boule et il ne faut pas lui marcher sur les pieds. Maud le constate, sa joue encore plus, lorsqu'elle accompagne ses collègues à l'hôtel où réside la jeune femme et où Chesnais avait également réservé une chambre. Le toubib prescrit quelques calmants à Sabine, calmants sensés lui calmer sa crise de nerfs.

Irwan Vernier et compères sont toutefois intrigués par cette explosion. Seul quelqu'un ayant pu approcher du véhicule juste avant le départ de la course aurait pu placer une charge explosive sous le réservoir. Si Chesnais travaillait à Paris dans la finance, il avait gardé la demeure familiale, une ancienne ferme de viticulteurs aménagée en manoir et gardée par quelques domestiques et cerbères. L'un des garde du corps est retrouvé dans la chambre d'hôtel de Chesnais par Maud et Xavier venus procéder à la recherche de documents. Il était sagement caché sous le lit, mais ne pouvait plus bouger, mort. Et lorsque Xavier s'introduit dans la chambre contigüe où dort Sabine, il est assommé.

Immédiatement viennent à l'esprit les bandes dessinées de Jean Graton mettant en scène le coureur automobile Michel Vaillant, tout au moins au début de l'histoire. Ensuite il s'agit d'une enquête classique rondement menée, tout comme pour la précédente histoire Du sang sous les collines, même si le temps entre le début et l'épilogue exige parfois plusieurs jours, voire quelques semaines.

 

angouleme1.JPGMais on en apprend plus sur la belle Maud, la trentaine fringante, et ses relations avec ses collègues : Irwan Vernier et Xavier Boisseau qui tous deux lui font la cour. Elle les aime bien, mais elle veut privilégier sa carrière, aussi lorsque d'une parole, d'un regard, elle avantage l'un par rapport à l'autre, un sentiment de jalousie empoigne celui qui se sent frustré.

Il s'agit aussi pour Marie-Bernadette Dupuy de rendre un hommage à sa région, la Charente, à Angoulême et ses environs en particulier ainsi qu'au fameux pineau et au cognac. Mais il ne s'agit pas pour l'auteure de décliner les décors comme peut le faire un guide touristique, avec froideur et pédagogie, mais de décrire avec ses yeux et son cœur sa région et sa ville de naissance. Et puis j'aime bien aussi cette petite phrase : Vous savez, la pudeur, c'est bon pour celles qui ont quelque chose de moche à cacher.


A lire également de Marie-Bernadette Dupuy : Le cachot de Hautefaille

 

Marie Bernadette DUPUY : Du sang sous les collines. Les enquêtes de Maud Delage. Comprend Angoulême, le sang des collines et Un circuit explosif (Première édition chez Le Soleil de Minuit 1994, réédité aux éditions JCL Canada). Nouvelle version aux Editions de l'Archipel. Parution le 11 juin 2014. 336 pages. 18,95€.

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11 juillet 2014 5 11 /07 /juillet /2014 13:29

Dans l'univers de Lovecraft...

 

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Tom, le jeune détective de l’étrange de l’agence HPL se rend en compagnie de Dominique, un ami rencontré à la Convention de la B.D. d’Angoulême, à Venise. Un dérapage sur l’autoroute et la moto chasse. Tom parvient à stabiliser l’engin puis à s’arrêter sur une aire. Il est abordé par un étrange bonhomme vert qui lui remet une missive l’enjoignant de se rendre à un endroit donné de Venise. Les deux compères embarquent à l’heure dite sur un vaporetto les conduisant à l’île de Torcello en compagnie de trois autres personnes.

Ils apprendront peu après leur identité : Le professeur Flax, Fantomès et miss Brunner. Ils sont suivis de près par deux aventuriers, le Commandant Robert et William le géant roux. Suivant leur guide, un homme vert, les cinq “ touristes ” rencontrent sur leur chemin de nombreuses embûches. D’abord un ver immense, puis des mercenaires en armures, en réalité des vampires, se dressent sur leur route.

Heureusement le Commandant et William arrivent à leur rescousse. Tandis que la bataille fait rage, et que Dominique est blessé par une morsure de vampire, Tom reconnaît en Miss Brunner Maria, une employée de l’agence. Mais elle l’ignore. Puis c’est l’apparition de L’Homme Mort. Flax veut faire le malin mais L’Homme Mort lui brise la nuque. Les survivants lui font ses poches et lisent le billet qu’il avait reçu. Bissolatti y dévoile avoir découvert le sérum de longévité. Mais les surprises s’enchaînent. Le guide se transforme soudain en loup-garou et Fantomès lui transperce le cœur de sa canne-épée. Des rhinocéros bipèdes, des jonglômes, se lancent à leur poursuite.

 

darnaudet.jpgFrançois Darnaudet joue avec les héros notre enfance, les réunissant dans une aventure ébouriffante, proposant mille pièges conçus avec une machiavélique détermination. Héros humains mais aussi monstres de tous poils issus de la littérature populaire fantastique. Tom, de l’Agence HLP, sigle évident pour Howard Philipps Lovecraft, subira mille avatars en compagnie d’ersatz de Bob Morane et Bill Balantine, de Fantômas et de bien d’autres. Un jeu et un tour de force pour agglomérer tout ce petit monde dans une histoire cohérente et fantastique. Mais d’autres clins d’yeux parsèment cet ouvrage, dont un certain Gal’Ern. Un hommage en forme de pastiche dans lequel François Darnaudet se parodie lui-même.


François DARNAUDET : La lagune des mensonges. Collection Blanche N°2003. Editions Rivière  Blanche . 128 pages. 14€. Disponible en version numérique chez Actusf : 3,99€.

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10 juillet 2014 4 10 /07 /juillet /2014 15:32

Le détective et la journaliste chez les Cajuns.

 

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En cette fin d'année 1961, Alan Swift, détective privé dont le portefeuille est plus approvisionné en cartes de visite en tout genre qu'en billets de banque, quitte son domicile du Quartier français de Belle-Town pour se rendre à son bureau situé à New-South, la nouvelle cité séparée par le Mississipi.

Son client, Paul Westfield, lui demande de retrouver son amie Betty White, fille d'une domestique de sa famille. Or les parents de Paul Westfield, qui demeurent à Riviera, la cité des nantis, à quelques kilomètres de Belle-Town, n'appréciaient guère cette amitié, d'autant que la mère et sa fille sont Noires.

New_orleans_montage.jpgFace au bureau de Swift, s'élève la tour du Belle-Town News, et Swift, s'il le voulait, pourrait presque à l'aide de jumelles assister à la scène qui oppose Carol Perry et le directeur du quotidien. La jeune femme, qui a appris le métier de journaliste et a travaillé au service politique au New-York Times n'est pas d'accord avec la proposition de son responsable. Elle ne veut pas rédiger des rubriques destinées à la ménagère, cuisine et broderie par exemple, ou sportives, mais s'impliquer dans les articles criminels. Un compromis est trouvé. Elle signera les rubriques féminines de son nom, et celles plus sérieuses sous un alias, comme ça tout le monde sera content, y compris son père. Et elle débute immédiatement un reportage car une prostituée vient d'être assassinée dans le Quartier français.

Sur place elle est rabrouée par un policier, le lieutenant Brent Carter, mais elle réussit néanmoins à interroger un témoin, un jeune garçon qu'elle n'a aucun mal à faire parler. Il a aperçu le tueur puis en a profité pour subtiliser le sac à main de la victime, se servant au passage. Un sac rose, jeté dans une poubelle, et c'est ainsi que Carol apprend l'identité de la victime. Julia Sands, vingt-trois ans, noire. Elle s'applique à écrire son texte mais qu'elle n'est pas sa rage lorsque le lendemain elle se rend compte que celui-ci a été réécrit, jetant l'opprobre sur la jeune victime, prostituée supposée. Elle apporte le sac et la pièce d'identité auprès du lieutenant Brent Carter qui lui conseille de ne pas en faire plus. Toutefois elle a relevé l'adresse de Julia Sands et elle se rend à son domicile. Les parents éplorés de la jeune fille lui apprennent que celle-ci se destinait au journalisme et qu'elle s'était vêtue ainsi pour effectuer un reportage sur la disparition de prostituées noires.

Pendant ce temps, Swift fait jouer ses relations, et notamment NouvelleOrleansTouristes.jpegla belle Gladys pour se renseigner sur Betty White et sa mère Rita. Rita, employée par une agence de placement, avait été retrouvée six ans auparavant noyée. Paul Westfield ne pouvait connaitre ces changements car il avait été envoyé à Londres par son père pour peaufiner ses études. Swift renoue également Brent Carter, avec lequel il s'était fâché quelques mois auparavant, un ancien comme lui de l'orphelinat Saint-James. Et d'autres condisciples avec lesquels il a toujours gardé contact. C'est incidemment qu'il rencontre au cours de son enquête Carol Perry, et tous deux vont unir leurs efforts pour découvrir l'assassin de Julia Sands mais également remonter la piste de Betty White.

 

Un duo mythique d'enquêteurs est né. D'un côté le détective privé solitaire, travaillant seul, sans secrétaire. De l'autre la journaliste intègre qui n'épouse pas les idées politiques de son journal et tient à garder son intégrité morale. Leurs enquêtes débutées séparément vont bientôt converger.

Entre Carol et Alan, c'est le jour et la nuit. Ils sont issus de milieux très différents, mais Carol même si elle a vécu et vit toujours avec ses parents à Riviera, la ville des nantis, ne se reconnait en leurs valeurs délétères, ségrégationnistes et racistes. D'ailleurs elle tente un rapprochement auprès d'un hebdomadaire d'obédience démocrate concurrent du Belle-Town News dont les idées politiques sont fortement ancrées chez les Républicains.

Alan Swift, célibataire, volage multipliant les conquêtes féminines, ne s'étend pas sur son passé. Orphelin il a été élevé dans un institut, le Saint-James, tenu par des religieux. Les élèves s'étaient répartis en deux clans, les Anges et les Démons, et il était intégré dans le premier groupe dont il a tissé avec certains membres des liens très fort, même si les aléas de la vie ont parfois distendus leurs relations. Un truand le tanne, lui réclamant une conséquente somme d'argent qu'il ne possède pas, et chaque retard est sanctionné.

bayou.jpgCarol déduit un peu hâtivement les faits et gestes d'Alan Swift qui possède ses raisons personnelles pour se conduire comme il le fait, notamment lorsqu'il demande une provision conséquente à Paul Westfield pour mener son enquête. Et ce n'est pas uniquement pour assurer la subsistance de son chat nommé Fritz (clin d'œil ?). Cela la perturbe et immédiatement elle le range dans la catégorie des profiteurs. Une réaction dommageable de la part d'une journaliste qui ne devrait pas interpréter sans fondement.

La ségrégation raciale en Louisiane à cette époque est très prégnante, de même que l'antagonisme entre Républicains et Démocrates. Mais de jours cela perdure. Les riches imbus de leur puissance, aidés par quelques édiles sans scrupules, se pensent investis d'une quelconque légitimité dans leurs débordements. Et la date de la fin décembre 1961, choisie par l'auteur pour planter son histoire et faire évoluer ses personnages dans un domaine historique, n'est pas anecdotique. Et l'épilogue est nettement plus ancré dans un problème sociétal des Etats-Unis d'Amérique que ce à quoi l'on pouvait s'attendre au départ de l'histoire.

Il ne faut oublier également que la Louisiane, notamment Belle-Town qui n'est autre que La Nouvelle-Orléans, est sujette aux tornades, d'ailleurs elle se relève péniblement de la dernière, mais une autre se prépare. Et dans les bayous, les alligators sont plus nombreux que ce que l'on imagine, des sauriens féroces et sanguinaires, qui s'attaquent aux êtres humains, Noirs de préférence.

 

A lire également d'Alexis Aubenque : Stone Island


Alexis AUBENQUE : Les disparues de Louisiane. Editions du Toucan. Parution le 4 juin 2014. 380 pages. 8,90€.

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9 juillet 2014 3 09 /07 /juillet /2014 12:33

Bon anniversaire à Richard Morgiève né le 9 juillet 1950.

 

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Je vais finir par me demander si tous ceux qui veulent se faire un nom en littérature ne devraient pas commencer par l'écriture de romans policiers. Prenez les exemples de Jean Vautrin, Alain Demouzon, Jean François Vilar, Didier Daeninckx, Tonino Benacquista, Daniel Pennac, Richard Morgiève et aujourd'hui Pierre Lemaître dont les noms sont sortis du cercle des initiés.

Ce n'est pas le tout d'écrire pour le plaisir d'aligner des mots les uns à la suite des autres. Le lecteur a droit à son emballage cadeau, c'est à dire une histoire. Mais une histoire qui intéresse, qui captive, qui tienne en haleine. Une histoire qui raconte quelque chose, même si celle-ci n'est pas crédible, n'en déplaise à monsieur feu Paul Bourget de l'Académie Française.

Donc Richard Morgiève, quittant (à regret ?) sa défroque de Michel Bauman, pseudonyme sous lequel il écrivit ses premières œuvres, puis son statut d'auteur de romans noirs, se lance à corps perdu dans la littérature; de celle qui ne le fera peut-être pas manger tous les jours, mais ne laissera pas affamés tous ceux qui le dégustent, qui avalent ses ouvrages. Contrairement à ce que l'on croit, la littérature est restée, sauf rares exceptions, plus une nourriture spirituelle que terrestre.

 

Fausto, qui doit son prénom à un père italien fervent admirateur de Coppi et cycliste convaincu, devient orphelin de père et de mère à cause justement de la petite reine. Vagabonder dans la nature, souvent hostile, n'est pas une vie pour un enfant. Alors Fausto se retrouve enfermé dans un pensionnat. Un orphelinat qui tient plus du bagne que de la Comédie Française. Là non plus ce n'est pas une vie pour un enfant qui a tout à apprendre, mais comme c'est légal et même imposé, que voulez vous qu'il fit ?


Se rebeller avec dignité envers desFausto3.jpeg " camarades " de chambrée trop entreprenants et avoir le dernier mot à force d'astuces, d'ingéniosité et de débrouillardise. Heureusement une bonne fée veille tendrement sur la jeunesse de Fausto et se manifeste en lui présentant tout d'abord Raymond, orphelin comme lui. Raymond le gros, le dodu, qui ne s'embarrasse pas de fioritures et lui offre son amitié sans contrepartie, lui faisant comprendre toutefois que l'amitié est une denrée à partager à deux. Ensuite la bonne fée le place chez un tailleur juif. La complicité s'établit entre le maître et l'élève. Fausto a enfin trouvé sa voie. Et ce n'est pas son passage à l'armée qui va l'en détourner. Au contraire. Il fera la connaissance d'un lieutenant à habiller et accessoirement à déshabiller.

 

fausto1-copie-1Richard Morgiève a écrit un roman dans lequel Fausto vit comme dans un conte de fées, avec ses heurs et ses malheurs. Le personnage déteindra-t-il sur l'auteur ? Il faut le souhaiter. Michèle Gazier, critique notamment à Télérama, écrivait lors de la parution de ce roman chez Seghers: " Il y a des injustices. Richard Morgiève mériterait à mon avis d'être beaucoup plus connu." Le tremplin de l'adaptation cinématographique de ce roman va peut-être enfin faire connaître aux lecteurs un talent caché et la parution d'un nouveau roman de Morgiève, " Andrée ", susciter un engouement profond.

 


Cet article quelque peu remanié, date d'octobre 1993 destiné à une émission radio.

A lire également de Richard Morgiève :  Legarçon.


Richard MORGIÈVE : Fausto. Editions Seghers 1990 puis Robert Laffont 1993. Réédition Pocket 1993.

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7 juillet 2014 1 07 /07 /juillet /2014 08:35

Et la nuit des vivants... ?

 

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Halloween, ce n'est pas que pour les jeunes, pour preuve les deux adultes, l'un poussant l'autre, assis dans un fauteuil roulant, attifé d'un drap et brandissant une béquille ornée d'un croissant de papier blanc. Faut bien s'amuser lorsqu'on a le moral en berne.

Jacques, le malade, est gravement atteint, soumis à des séances de chimiothérapie, et selon les prévisions il n'a plus que quelques jours à vivre. Aussi, malgré les interdictions du toubib de l'hôpital Saint-Antoine dans les couloirs duquel ils déambulent ainsi, son ami Mehrlicht lui offre cigarettes et bouteilles de vin rouge qu'ils fument et dégustent ensemble. Le capitaine Mehrlicht est officier de police, attaché au commissariat du XIIème arrondissement parisien.

D'esprit taquin, Mehrlicht n'aime pas avoir des stagiaires dans son équipe, et évidemment son premier acte est de les bizuter, ce qui a pour effet de tester leurs capacités, leur caractère, et d'imposer sa volonté. Mais cela ne se passe pas toujours bien. Comme en ce 1er novembre où un stagiaire lui est présenté par Matiblout, son supérieur. Guillaume Lagnac est un jeune inspecteur imbu de lui-même persuadé que son charme est irrésistible. Et Mehrlicht ne trouve rien d'autre que de lui confier la mission d'infiltrer une bande de casseurs déguisés en adeptes d'Halloween actuellement en garde à vue. L'un des membres de ce petit groupe enfermé dans une geôle se prend pour un loup-garou, et effectivement cela se passe mal. Guillaume est mordu, mais ce que ne savait pas Mehrlicht c'est que Guillaume est le fils de Monsieur le Haut Fonctionnaire de Défense adjoint au Ministère de l'Intérieur. Une bavure que Mehrlicht ne regrette pas. D'autant qu'un meurtre vient de leur être signalé à l'hôpital Saint-Antoine et il a autre chose à penser que s'apitoyer sur le sort du stagiaire.

Entree_hopital_saint-Antoine.jpgMalauron, le défunt aurait été, selon les premières constatations, empoisonné par injection, il était là en observation et devait sortir sous peu. Mehrlicht et ses deux adjoints, Didier Dossantos et Sophie Latour, procèdent aux premières vérifications. Ils visionnent les enregistrements de vidéosurveillance, pardon vidéo-protection, et remarquent le manège d'une jeune femme qui ne fait pas partie de l'établissement. Une femme brune habillée en noir repérée par trois fois, d'abord mêlée aux visiteurs puis vêtue d'une blouse blanche lorsqu'elle s'introduit dans la chambre funèbre. Mais l'un des patients a vu la femme, l'Ange de la mort comme il l'appelle, et aussitôt Mehrlicht et ses adjoints retournent à l'hosto, pensant qu'elle va s'en prendre au témoin. Excellente décision, car effectivement elle est là, mais parvient à s'échapper, en ayant soin de planter sa seringue dans la main de Dossantos. Heureusement pour l'inspecteur, elle n'a pu que diffuser partiellement le poison, qui s'avère être de composition artisanale.

Le lendemain un couple et leurs deux enfants sont retrouvés empoisonnés dans leur appartement et Mehrlicht et sa brigade sont chargés de l'affaire, malgré que ce ne soit pas théoriquement de leur ressort. Mais les ordres viennent d'en haut alors il faut savoir et devoir obéir. Puis c'est la découverte d'un couple de retraités ayant subi le même sort peu auparavant qui sont découverts à Courbevoie. Les journaux s'emparent de l'affaire dont un site web, mystérieusement bien informé. Et bien évidemment la panique s'empare de la population qui se demande si elle est à l'abri de la tueuse. Des personnes la signalent ici ou là, quelques personnes sont arrêtées, mais en vain.

Et par défi cette jeune femme qui paraît une trentaine d'années, se poste devant une caméra de vidéo protection et effectue un geste comme si elle disait bonjour à quelqu'un.

En recherchant dans les archives Sophie Latour se rend compte que de nombreux points communs relient ces affaires. D'abord, des années auparavant des décès suspects ont été enregistrés, au début des années 2000 ainsi qu'au début des années 1960. Si c'est la même personne, la tueuse devrait être octogénaire alors les questions se bousculent dans la tête des policiers. Toutefois un autre point commun se dégage : toutes les personnes décédées, ou leurs parents, leurs ascendants, sont originaires d'une petit village de la Creuse : Mélas-la-Noire.

Un point noir sur la carte de France et pour Mehrlicht et ses adjoints, c'est vraiment la mélasse...

Ce roman oscille entre gravité et burlesque, entre actualité et faits historiques. On n'échappe pas à son passé, mais en même temps l'auteur nous entraîne dans les arcanes aberrants de l'Administration. Celle qui gère les demandeurs d'asile par exemple, et le lecteur a l'impression de se trouver dans une situation courtelinesque.

Sophie Latour vit avec Jebril, un réfugié Tchétchène, et elle se rend à Créteil, la Préfecture du Val de Marne, en compagnie de Dossantos afin de déposer les factures de loyer, d'électricité et autres preuves de vie commune afin d'obtenir le précieux sésame. Mais cela ne suffit pas à l'employée qui demande s'ils possèdent un compte-joint. Pas de compte-joint, mais ils ont une fille. Réponse de la guichetière : un enfant, ça ne prouve pas que vous viviez ensemble. Mais apparemment le compte-joint serait donc susceptible de le prouver. Aberrant!

Dossantos est un hercule qui ne passe pas inaperçu. Il a effectué ses études de droit à la faculté d'Assas et il connait son Code Civil sur le bout de la langue, capable de donner articles, numéros et alinéas lorsqu'il est en présence d'une infraction, quelle qu'elle soit. Il a fréquenté dans sa jeunesse un groupuscule d'extrême-droite et l'un de ses anciens condisciples se rappelle à son mauvais souvenir.

Mehrlicht est un personnage un peu spécial. Des yeux globuleux, Nicolas-Lebel_9670.jpegle teint jaune verdâtre, il ressemble à un batracien. La conséquence peut-être des multiples cigarettes de tabac brun qu'il fume à longueur de journée. Taquin, malicieux, volontiers chambreur, fidèle en amitié, il n'aime pas sortir de Paris, alors l'envoyer à la campagne dans un bled paumé cela l'horripile mais il doit malgré tout respecter les décisions de la hiérarchie. Et il est toujours en possession d'un volume de l'encyclopédie Larousse. En ce moment il apprend les définition du volume 9, K à N. Son fils lui a mis en guise de sonneries téléphoniques sur son portable des chansons de Jacques Brel, ce qui a le don de faire sursauter ceux qui se trouvent près de lui.

Et comme j'évoque les livres, un personnage à tête de fouine parcourt ce roman. Il s'agit d'un dénicheur d'ouvrages rares, pour collectionneurs fortunés, comme le ministre Farejoux.

 

Nicolas Lebel a construit habilement son histoire, interférant la présence du chasseur de livres rares, dans celle de la tueuse empoisonneuse et l'on se demande ce que vient faire celui-ci jusqu'au dénouement. Il a une réaction finale qui prouve que les véritables amateurs de livres peuvent sacrifier sans état d'âme à leur passion. L'épilogue est émotionnel et Mehrlicht ressent le double effet qui secoue, sentiments entre espoir et tristesse.


Nicolas LEBEL : Le jour des morts. Editions Marabout.com. Collection Fiction-Marabooks. Parution le 21 mai 2014. 384 pages. 19,90€.

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6 juillet 2014 7 06 /07 /juillet /2014 13:42

Belote, rebelote et...

 

dixdederche.jpg


La découverte dans un affluent de la Seine, près de Rouen, d’un cadavre immergé depuis plusieurs jours ne trouble guère la sérénité du commissaire Chassevent et de son équipe. Même s’il ironise sur les propensions de l’inspecteur Bertrand-Hilaire Lejeune (BHL pour les dames) de voir des meurtres partout.

Il part en vacances et BHL aurait classé cette affaire sans suite si un appel téléphonique ne l’avait obligé à se concentrer sur cette noyade inopportune. Une femme le convoque, dans une église, et il a l’heureuse surprise de découvrir que son informatrice est plutôt jeune et jolie, genre bimbo. Maryvonne, c’est ainsi qu’elle se présente, lui avoue avoir participé le soir de la noyade, avec le défunt, Jean-Denis Charoux, à une partie fine entre quelques participants de bonne volonté. Il aurait reçu peu avant, un message anonyme l’enjoignant de mettre un terme à ses pratiques dites pornographiques.

Elle conseille à B.H.L. de se promener sur le web et de rechercher un site intitulé Mémène et Frédo. Jean-Denis Charoux, fils de métayers, était un parvenu grâce à un mariage avec une rosière pimpante et surtout riche. Devenu maire de son village du pays de Bray, et affairiste dans l’âme, créant une entreprise de bien-être et de remise en forme pour beautés décaties, il avait réussi socialement. Ce qui ne l’empêchait aucunement de jouer avec partenaires consentant(e)s et de démontrer une libido non défaillante.

Après s’être fait remonter copieusement les bretelles par téléphone par son supérieur hiérarchique, et accepter d’enquêter en compagnie d’un collègue irascible et acariâtre, B.H.L. décide de saluer la veuve en son domaine. Accueilli par une accorte servante il se pâme devant Apolline, la veuve éplorée qui ne l’est guère. Elle connaissait les frasques de son noyé de mari ainsi que les relations qu’icelui avait avec Florence Monthois, dans la description de laquelle il reconnaît sans peine son indicatrice Maryvonne.

Catholique pratiquante, Apolline a deux enfants, une fille, Pélagie qui en compagnie de Raphy, son petit ami, hante les églises afin de sauver du péché les âmes perdues. Ils doivent rendre visite à l’abbé Sauve (son prochain), curé du village. Cyprien, le fils, artiste peintre, libertaire, limite anar, vit dans un squat dans une zone désaffectée, loin des prétentions paternelles. Quoique celui-ci eut le mépris de transformer la dite zone en pépinière d’entreprise, alors que Cyprien projetait de convertir l’endroit en résidence pour artistes. Un conflit qui aurait pu conduire à une supposition légitime. Celle du fiston à l’origine de la disparition de son géniteur. Conjecture qui ne sied guère à notre policier.

 

dixdederche_001.gifLes lecteurs ne manqueront pas d’assimiler Pascal Jahouel à un succédané de San-Antonio lorsque Frédéric Dard signait les premiers romans du célèbre commissaire de ces dames. Dans une inflorescence de mots désuets ou de néologismes l’auteur place de petites expressions argotiques, le texte ressemblant à un gazon japonais dans lequel se seraient perdus quelques pissenlits. Cette histoire banale dont l’issue est par trop prévisible vaut surtout par le style, son imagination langagière, son vocabulaire incitant à sourire, à défaut de s’esclaffer en se tapant sur les cuisses. Quant à BHL, c’est le genre de policier qui ne se prend pas au sérieux, contrairement à son chef et certains de ses collègues vindicatifs, haineux et atrabilaires, fumant et, surtout, sachant apprécier les breuvages à base de houblon (ou brun), usant de son charme naturel, sans être physiquement un Don Juan, afin de démontrer aux jeunes et jolies femmes qu’un flic peut aussi procéder au simulacre de la reproduction sans arrière pensée. Enfin les connaisseurs apprécieront les titres de chapitres qui tous ont un rapport ( ! ) avec le Kama Soutra.


A commander sur le site Librairie SKA, à un prix d'ami 2,00€


Pascal JAHOUEL : Dix de derche (Première édition Collection Forcément Noir. Editions Krakoen). Réédition version numérique Editions SKA. 4,00€.

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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