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18 septembre 2014 4 18 /09 /septembre /2014 15:05

La vengeance est un plat qui se mange froid, ça tient chaud au tripes.

Headon HILL : Les vengeurs

La littérature, c'est comme la musique. Elle peut être enjouée, frénétique, foisonnante, interprétée en solo ou par un orchestre de cinquante musiciens, lascive, nostalgique, politique, revendicative, revancharde, émouvante, de salon ou de kiosque, classique ou moderne, inédite ou alternative, tonique ou soporifique... Ajoutez les adjectifs qui vous inspirent.

Les Vengeurs serait à classer dans le style slow langoureux, parfois avec un léger changement de rythme, mais avec cette particularité de donner l'impression au lecteur de danser alternativement avec deux partenaires jumelles (ou jumeaux mesdames). En effet ce roman qui date de 1906, berce doucement le lecteur, ne le brusque pas, lui permettant d'apprécier dialogues et descriptions, et emprunte à un thème qui fut abondamment exploité par la suite, celui des sosies. Contrairement aux romanciers populaires qui sortaient de leurs chapeaux un sosie afin de résoudre une énigme, Headon Hill place d'entrée ce cas de figure comme élément essentiel de l'intrigue.

Depuis plusieurs semaines la belle, jeune et riche Marion Fermor a l'habitude de s'installer avec élégance et confortablement dans un fauteuil dans le bureau de John Quayne, éminent détective dont les fenêtres donnent sur le Strand, grande artère londonienne fort passagère. Marion est orpheline et a hérité depuis près de deux ans, époque à laquelle elle a atteint sa majorité, la coquette somme de deux millions de livres sterling. Elle a été élevée par sa tante Jane Middleton or un incident s'est produit dans sa vie. Elle s'est promise à Nigel Lukyn, qui actuellement est enfermé dans un centre psychiatrique à la demande de sa mère. Nigel est coléreux, vindicatif, grossier mais Marion n'a qu'une parole et elle est bien décidée à favoriser sa sortie.

Soudain Marion bondit de son fauteuil et montre un individu dans la rue à Badger, le jeune apprenti de Quayne. Cet homme qui a attiré son attention se nomme Leslie Armitage. Ex capitaine de hussard d'origine noble et militaire, il a perdu sa fortune confiée naïvement à un aigrefin et depuis il vit en aristocrate déchu, n'ayant que quelques pièces de menue monnaie pour subsister.

Marion lui propose, contre une somme d'argent qu'il aurait tort de refuser, de prendre la place de Nygel dans la clinique et de lui favoriser son évasion. Leslie y restera quelques semaines, le temps de prouver au docteur Beaman qu'il a recouvré tous ses esprits. C'est le coup de foudre immédiat de la part de Leslie qui tombe amoureux de cette belle et pure jeune fille. Marion n'est pas insensible non plus à la prestance de Leslie, mais elle n'a qu'une parole. Même si elle se rend compte qu'elle a peut-être donné son aval un peu précipitamment : J'ai agi étourdiment, c'est possible; j'ai été guidée plus par l'amour-propre que par l'amour de ce pauvre Nigel. N'empêche que je me dois à lui tout entière, lui ayant librement et loyalement donné ma foi. Telles sont ces réflexions intérieures qui la guident. Leslie accepte le marché et en compagnie de Quayne se rend non loin de la maison de santé. Alors qu'ils devisent tranquillement un individu tire sur Leslie, ne l'atteignant que superficiellement. Un incident qui ne perturbe en rien l'entrée de Leslie dans cet établissement de soins.

Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si... Et oui, il y a un Si. Une petite bande de tueurs est à la recherche de Nigel. Sous la coupe de Berthe Roumier, Scorrier Voules et Fayter Frayne tentent par tous les moyens d'éliminer ce Nigel qui lors d'un séjour aux Etats-Unis se serait rendu coupable d'un acte délictueux. Berthe Roumier et ses sbires appartiennent à une société plus ou moins secrète, Les Chevaliers du Travail, qui veulent entraver le capitalisme au Nouveau Monde. Nigel doit mourir ayant joué sur les deux tableaux. Heureusement Badger qui a l'œil vif a repéré le manège de ces trois tristes individus, mais pour leur mettre la main dessus et annihiler leur décision meurtrière, il en va autrement. D'autant que Leslie a mené à bien sa mission, et Nigel peut rejoindre sa fiancée. Seulement Tante Jane, plus au courant de la vie que Marion, trouve que Nigel a étonnamment changé durant son séjour. Il n'est plus grossier comme avant et au contraire se montre prévenant envers la vieille dame. Marion est heureusement surprise elle aussi de ce revirement, mais elle le voit avec les yeux de l'amour.

Alors la question se pose au lecteur : qui est maintenant au bras de Marion ? Nigel son ancien promis ou Leslie qui s'est dévoué par amour ? Un détail, qui ne sera remarqué que beaucoup plus tard, l'histoire dure tout de même six mois environ, aurait dû mettre tout ce petit monde sur la piste. Entre temps de nombreux événements se dérouleront, et souvent leur vie ne tiendra qu'à un fil, ou à un cordage puisqu'un voyage en bateau sur le yacht de Marion est envisagé.

 

Ce roman qui semble délicieusement rétro possède une étrange parenté avec ceux d'aujourd'hui, mais en moins violent, moins charnel. Si le thème du sosie, ou de la gémellité, fut depuis abondamment exploité, ce n'était pas encore à l'époque une constante. D'ailleurs le lecteur est prévenu. La recherche du sosie et son emploi est l'un des ressorts de l'histoire. Et la servante traîtresse, la bonne sœur déguisée, par exemple, font partie de la panoplie des personnages qui traversent les récits de suspense et d'énigme. Mais ce qui est étonnant c'est cette interférence avec une société secrète combattant le capitalisme, ce que l'on pourrait appeler un syndicat, dont les moyens de parvenir à un but bien défini vont jusqu'à l'extrême. De nos jours les syndicats sont beaucoup moins virulents même si les provocateurs existent, tout comme dans les rangs de la police d'ailleurs.

Une histoire qui débute à la manière d'un marivaudage comme le souligne Jean-Daniel Brèque dans son introduction : Headon Hill a eu le trait de génie d'appliquer au roman criminel les codes du marivaudage : substitution d'identité, travestissement, rendez-vous secrets, quiproquos, tout y est ! Sauf que les ressorts de l'intrigue ne sont pas l'amour et le badinage mais bien la vengeance et la folie meurtrière.

Qu'ajouter de plus ? Que c'est un excellent roman de délassement, fort bien construit, plaisant à lire, et l'on en redemande.

Headon HILL : Les vengeurs (The Avengers - 1906. Traducteur Anonyme, version révisée par Jean-Daniel Brèque qui a également assurée la préface). Collection Baskerville N°19. Editions Rivière Blanche. Parution mai 2014. 256 pages. 17,00€.

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17 septembre 2014 3 17 /09 /septembre /2014 09:40

Le Mal est à part... entière !

Gilles DELABIE : La part du mal.

A vingt cinq ans, Vivien Malet est encore un gamin, et se conduit comme tel surtout lorsqu'il a taquiné la bouteille ce qui lui arrive trop souvent. Et les commerçants des halles de Rouen se plaignent de ses malices. Il peut se montrer violent aussi, notamment envers les lapereaux de son patron, un marchand de lapins. En ce lundi du mois de janvier 1954, ses facéties tournent au drame. Il est retrouvé mort dans la camionnette qu'il devait finir de décharger. Un coup de poinçon, ou autre arme tout aussi efficace, planté dans le cou avec violence.

L'enquête revient au commissaire Kléber Bouvier lequel s'adjoint l'inspecteur Péqueri dont c'est la première véritable affaire de meurtre à laquelle il est confronté. Les poches du défunt recèlent un véritable petit trésor : un canif, de la ficelle, des osselets, jeu alors en vogue, deux photos d'une jolie jeune fille, plus une enveloppe et un petit paquet-cadeau enveloppé dans du papier de soie. L'enveloppe contient une liasse de billets, trois cent mille francs, somme énorme pour l'époque, et un mot griffonné sur une page d'écolier déclarant : Je ne suis pas un mendiant. Quant au paquet-cadeau il renferme une bague dont la valeur peut être estimée au bas mot à trente mille francs. Selon son patron Vivien vivait tel un sauvage et demeurait dans une vieille chapelle désaffectée sur la colline Sainte-Catherine. Cet argent et ce bijou proviendraient-il d'un vol ?

Péqueri est chargé par Bouvier de recueillir dans le quartier des informations concernant Vivien le simplet. Point n'est besoin à l'inspecteur de visiter tous les troquets de la place, le premier s'avère être le bon. Heureusement, son foie n'aurait pas pu absorber les petits verres d'alcool proposés. Selon la patronne du troquet, genre matrone à la Dubout, Vivien habitait à l'hôtel Mimosa dans le faubourg Martainville. Un quartier déshérité, pauvre, mal famé. Vivien aurait même une fiancée du nom de Mariette Malcouchée, un patronyme qui ne convient guère à cette jeune fille de même pas dix-huit ans et qui vivrait de l'argent des autres, ou d'un souteneur répondant au nom de Mékavic.

Une piste à ne pas négliger, d'autant que Mariette prétend qu'ils se sont mariés quelques semaines auparavant, en catimini.

Autre piste à explorer, que se réserve le commissaire Bouvier, celle de la famille Malet. Gustave, le père, règne en despote sur la lignée des Malet, ayant réussi à s'accaparer l'héritage de ses frères et sœurs, seule Catherine vivant au château telle une princesse. Vivien avait été retrouvé à l'âge de quinze ans, soit dix ans auparavant, dans une marnière et depuis il est devenu un déboussolé des neurones. Seul François, l'autre fils de Gustave, est resté au domaine, travaillant sur des recherches scientifiques et agricoles.

Gustave Malet est plus qu'un gros paysan, c'est le maire du village de Doudeville dans le Pays de Caux. Casteloup, le gendarme qui officie dans la petite commune déclare même à Kléber Bouvier : Je vous avais dit que monsieur le maire n'était pas un tendre. Mais faut apprendre à le connaître. Il n'est pas seulement maire ici... Il possède l'usine d'engrais, la distillerie, les abattoirs, et pratiquement toutes les métairies du pays qui lui vendent leurs récoltes et leurs bêtes. Sans compter les camions pour la collecte du lait et tout le reste.

Bouvier et Péqueri ne sont pas au bout de leurs surprises, ce qui ne refroidit pas leur ardeur. Pourtant en ce mois de janvier 1954, le froid règne sur la région et Bouvier est obligé de se déplacer avec le gendarme Casteloup en carriole, l'essence gelant dans les réservoirs. Le fameux hiver 1954 au cours duquel l'Abbé Pierre lança un appel poignant en faveur des déshérités, des pauvres, des sans toits.

Bouvier est un homme comme les autres, malgré son statut d'officier de police. Il est marié avec Clémence, mais le ménage bat de l'aile car il trompe sa femme depuis des années avec Suzanne. Elle connait les incartades de son mari mais Clémence subit. En revenant d'un vernissage organisé en l'honneur de sa bru, le couple aperçoit dans la neige sur les bas côtés de la route un homme qui semble mal en point. Ils le recueillent, l'emmènent chez eux et c'est alors qu'un pan du passé de résistant de Bouvier lui remonte à la surface.

 

En lisant ce roman on ne peut s'empêcher d'évoquer Eugène Sue avec ses Mystères de Paris, Victor Hugo et ses Misérables, Guy de Maupassant et ses Contes normands, Emile Zola avec La Terre ou encore Pierre Ponson du Terrail dans ses romans champêtres comme Le Chambrion. Tout concourt à mettre en parallèle les histoires décrites par ces grands auteurs du XIXème siècle : l'atmosphère, l'ambiance, les décors, les personnages, leurs réactions violentes, la pauvreté qui règne, les grisettes et les marlous, les parvenus provinciaux qui s'érigent en petits dictateurs plaçant sous leur coupe tous les membres de leurs familles, les jalousies, les rancœurs. Avec en figure de proue le père Malet, un rôle qu'aurait pu endosser facilement Jean Gabin dans ses prestations de gueulard irascible et vindicatif. Dans celui de Mariette Arletty et sa gouaille et dans celui de Vivien Bourvil jeune avec son air niais et naïf. Evidemment ce ne sont que des images fugitives qui traversent l'esprit du lecteur, et loin de moi l'idée de vouloir faire croire que Gilles Delabie a écrit un roman à la manière de... Il possède ses propres atouts mais reste néanmoins que La part du mal s'inscrit dans le registre du roman naturaliste qui aujourd'hui est un genre quelque peu délaissé.

Un roman dur et âpre, qui ne joue pas dans le misérabilisme mais ausculte une région et ses habitants par le prisme des conditions de vie dans une campagne française à a fin de la Seconde Guerre Mondiale. Pourtant La part du mal ne manque pas d'humour, celui qui donne du baume au cœur lorsque tout va mal et qu'il faut malgré tout se montrer optimiste.

Gilles DELABIE : La part du mal. Collection Polars en nord N° 159. Editions Ravet-Anceau. Parution le 9 mai 2014. 208 pages 10,50€.

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15 septembre 2014 1 15 /09 /septembre /2014 12:40

Un violoniste au violon, étonnant non ?

Mechtild BORRMAN : Le violoniste.

Après avoir interprété de façon magistrale une œuvre de Tchaïkovski et recueilli les ovations méritées du public, Ilia Grenko repart en coulisses afin de ranger son violon, un Stradivarius offert par le tsar Alexandre II à son arrière arrière grand-père, dans son étui. Il a juste le temps de le placer délicatement à l'intérieur que deux hommes lui enjoignent de le suivre à bord d'un véhicule, sans qu'il puisse prévenir qui que ce soit sauf quelques paroles au portier.

Emmené à la Loubianka, il lui est reproché de vouloir s'exiler comme quelques autres musiciens en Europe de l'Ouest. Il est vrai qu'une tournée à Vienne est programmée et qu'il a déposé une demande officielle afin que sa femme Galina et ses fils puissent le suivre. Mais à aucun moment il a pensé quitter définitivement son pays. Ses affaires personnelles et son violon lui sont retirés, rangés dans un carton parmi tant d'autres. Il croupit dans une cellule, où il se morfond, traité comme une bête, même pire. Il a beau clamer son innocence rien n'y fait. Alors dégoûté, meurtri, affaibli et pensant pouvoir s'en sortir il signe des aveux. Le résultat va à l'inverse de ce qu'il espérait car il est condamné à vingt ans de bagne. Après un long périple en chemin de fer, en compagnie de centaines d'autres déportés, il est dirigé vers le goulag de Vorkouta. La neige, les travaux dans les mines, l'acharnement des surveillants et la détention dans des conditions précaires, nourriture rationnée, l'enlisent peu à peu dans une forme d'apathie. Pourtant il pense toujours à sa femme, à ses enfants, mais surtout qu'a-t-il pu faire pour se voir ainsi reléguer au ban de la société.

Pendant ce temps, Galina sa femme s'inquiète auprès de Mechenov, le professeur d'Ilia et son ami, qui l'avait mis en garde. Tout le monde lui affirme qu'Ilia est passé à l'Ouest, le portier a été remplacé, elle est éconduite lorsqu'elle se rend à la Loubianka, et même les journaux affirment que le violoniste à l'avenir prometteur s'est réfugié hors de l'URSS. Bientôt elle aussi va subir les affronts du régime dictatorial imposé par Staline et ses séides. Elle est déportée avec ses enfants à Karaganda au Kazakhstan. Elle trime à la lessive tandis qu'une amie plus libre dans ses déplacements s'occupe de Pavel et d'Ossip, ses enfants. Elle pourra même s'installer plus tard à Alma-Ata, après avoir purgé sa peine plus longtemps que prévu.

 

Sacha Grenko le petit-fils d'Ilia et de Galina, fils d'Ossip, après avoir traîné dans les rues puis obtenu son bac et une solide formation en informatique, travaille pour une boite de sécurité à Cologne. Ses parents ont été tués dans un accident de voiture en novembre 1990 alors qu'ils venaient de s'installer en Allemagne. Viktoria, sa sœur, et lui ont été séparés, placés dans des familles d'accueil ou des centres. Il est devenu un révolté et un délinquant, connaissant la prison, un passage bénéfique puisque c'est là qu'il s'est intéressé à l'informatique. Il vient de recevoir un appel téléphonique de Viktoria dont il n'avait plus eu de nouvelles depuis leur séparation dix-huit ans auparavant. Content de retrouver sa sœur il prend immédiatement l'avion pour Munich.

A la pension où loge la jeune femme il apprend par la tenancière de l'établissement que Viktoria joue du piano-bar depuis quelques jours dans un hôtel. Elle lui remet toutefois une enveloppe qui contient un petit mot et une clé de consigne. Arrivé à l'hôtel, il s'installe au bar mais sa sœur qui semble surveiller son entrée ne le reconnait pas. Et ne le reconnaîtra jamais. Un plop, un rond rouge qui s'étale dans le dos de Viktoria, et le passé s'éteint. Pas tout à fait car il se précipite à la consigne et en retire une besace. Il se méfie de tout, croisant un policier, s'attendant à être interpellé, car les événements précédents la mort de Viktoria ne jouent pas en sa faveur.

La besace contient des photos et des documents. C'est ainsi qu'il apprend que son grand-père Ilia fut un célèbre violoniste, supposé s'être enfui à l'étranger, et que ses descendants sont les héritiers du Stradivarius. Une lettre écrite sur un emballage de boite de conserve et destinée à Galina, sa grand-mère, signée d'Ilia fait partie des documents. Il découvre également que l'oncle Pavel qui était resté à Alma-Ata est décédé accidentellement en tombant d'un échafaudage quelques jours auparavant l'accident de voiture de ses parents. Des images lui reviennent en mémoire, comme des flash. Il fait part de ses découvertes auprès de son patron qui lui propose de lui apporter toute son aide.

Commence alors un long voyage dans le temps et dans l'espace, à la recherche du fameux instrument de musique, Sacha évitant à plusieurs reprises des tentatives de meurtre. Il est poursuivi, traqué, mais l'aide fournie par son patron lui permet d'échapper aux embûches, aux embuscades, mais jusqu'à quand.

 

Entre les pérégrinations de Sacha à la recherche non seulement du Stradivarius mais également des tribulations de ses ascendants, nous suivons à la trace les malheurs dont sont victimes son grand-père Ilia et de sa grand-mère, dont il se souvient avec émotion, ayant vécu avec elle quelques années à Alma-Ata avant le départ de ses parents pour l'Allemagne.

L'enfer des goulags, des camps de déportation, les tortures morales et physiques, les privations, la faim, mais également le cynisme, la mauvaise foi, les manipulations, la paranoïa des dirigeants de l'URSS à la fin des années 40 et dans les années 50, sont soigneusement décrits, démontrés. Un régime totalitaire qui broie inéluctablement ceux qui aspirent à la liberté par des individus sans scrupules qui appliquent les consignes, par idéologie, jalousie, par convoitise ou tout simplement englué dans une paranoïa qui leur fait voir des traîtres partout. Vu de l'extérieur, de France par exemple, le régime stalinien était porté aux nues par des embrigadés portant des œillères. De nos jours encore ils les ont conservées ne voulant pas admettre qu'ils ont pu être trompés ou s'être trompés. Des œillères qu'ils ne veulent surtout pas soulever ayant peut-être peur de découvrir les effets néfastes d'une telle politique, préférant vivre dans leur utopie.

Un roman émouvant, poignant, dur, âpre, sans concession et qui peut déranger certaines certitudes.

Vorkouta et KaragandaVorkouta et Karaganda

Vorkouta et Karaganda

Mechtild BORRMAN : Le violoniste (Der Geiger - 2012.Traduction de l'allemand par Sylvie Roussel). Editions Le Masque. Parution le 20 août 2014. 250 pages. 19,00€.

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13 septembre 2014 6 13 /09 /septembre /2014 09:18

Après l’échec de la Collection Noire, Jean-Baptiste Baronian, le nouveau Directeur du Fleuve Noir, tente de lancer une nouvelle collection dans la continuité de Spécial Police en avril 1991.

CRIME FLEUVE NOIR : Présentation d'une collection.

Les premiers numéros sont des rééditions et il faut attendre le dix-huitième titre pour enfin découvrir un inédit. Cette collection qui comportera 54 volumes, 13 nouveautés pour 41 rééditions, ne pouvait se pérenniser dans de telles conditions. D’autant que, si les premiers volumes proposés étaient des rééditions signées G.-J. ARNAUD, Brice PELMAN, Jean VAUTRIN, Hervé JAOUEN, bientôt le directeur tombe dans la facilité en inscrivant au catalogue Frédéric DARD, auteur au succès incontesté mais par trop réédité dans différentes collections, au détriment des inédits.

Frédéric DARD se vend bien et est victime de son aura littéraire. Les rééditions poches ont proliférées aussi bien au Fleuve Noir, où il se voit attribuer des collections particulières, ainsi que chez Pocket, anciennement Presses-Pocket où il figure au catalogue depuis de nombreuses années. A part ceux qui achètent un livre afin de passer uniquement le temps lors d’un voyage en train (d’où le terme de littérature de gare) les lecteurs, collectionneurs ou non, trouvent facilement les titres qui leur manquent chez les bouquinistes.

 

Claude RHODAIN, Béatrice NICODEME, Emmanuel ERRER, Jean-Pierre ANDREVON, Joseph BIALOT, KAA et dans une moindre mesure CANINO, n’ont pu redresser une situation en déliquescence.

Pourtant Jean-Baptiste Baronian, et Christine Gouffier qui était directrice de marketing aux Presses de la Cité, en charge de Presses Pocket (devenue tout simplement Pocket), du Fleuve Noir et de Vaugirard, étaient confiants et déclaraient dans un magazine édité spécialement pour ceux qui bénéficiaient des services de presse et des libraires :

 

Affaires du crime

Roman noir, roman de détection, suspense, thriller... non, il n'est jamais facile de trouver son chemin dans la jungle du polar actuel. Quand le mot est lâché, chacun l'entend comme il le veut. Et chacun pense à ses auteurs favoris. Georges Simenon, Raymond Chandler, Léo Malet, Agatha Christie, John Dickson Carr, San-Antonio...

Autant dire que la littérature policière est très vaste et qu'elle peut avoir de multiples visages. Avec la collection Crime Fleuve Noir, l'accent est mis sur le mystère, le suspense, l'angoisse au quotidien.

Qu'on ne cherche donc pas ici des romans à l'ancienne ni, à l'inverse, de faux livres modernes pleins de faux bruits et de fausses fureur. Dans la collection, les héros sont des gens ordinaires... eux, vous, nous.

Mais ce qui leur arrive est, neuf fois sur dix, une véritable tourmente.

A preuve les romans de G.-J. Arnaud qui racontent, presque toujours, de sombres et passionnantes histoires criminelles. A preuve aussi les romans de Brice Pelman, d'Hervé Jaouen, d'Emmanuel Errer et de Gérard Delteil. Pour distiller le frisson, ils n'ont pas leurs pareils. Et puis surtout, leurs livres sont toujours des récits remarquablement construits qui procurent de réels et de grands plaisirs de lecture. Mais qui a dit que le roman policier était en perte de vitesse ? Surement de tristes prophètes. Car il suffit de lire n'importe quel titre de la collection Crime Fleuve Noir pour constater aussitôt que le genre est bien vivant et qu'il n'a rien perdu de sa vigueur. De toute façon, les vrais connaisseurs, eux, sauront goûter. Et approuver sans réserve.

 

Hélas une profession de foi qui n'aura eu qu'un impact limité !

CRIME FLEUVE NOIR : Présentation d'une collection.
CRIME FLEUVE NOIR : Présentation d'une collection.

1 - Arnaud Georges - J.: Enfantasme. [avr-91] rééd. de SP 1235

2 - Vautrin Jean : Typhon gazoline [avr-91] rééd. de Eng. 7

3 - Errer Emmanuel : Un détour par l'enfer [avr-91] rééd. de Instant Noir 13

4 - Arnaud Georges - J. : Le coucou [avr-91] rééd. de SP 1574

5 - Pelman Brice : La maison dans les vignes [jun-91] rééd. de SP 1578

6 - Arnaud Georges - J. : Tel un fantôme [jun-91]. rééd. de SP 543

7 - Arnaud Georges - J. : Bunker-parano [juil-97] rééd. de SP 1743

8 - Jaouen Hervé : Marée basse [juil-91] Eng. 61

9 - Delteil Gérard : Coup de cafard [sept-91] rééd. de SP 1942

10 - Arnaud Georges - J. : Les jeudis de Julie [jul-91] rééd. de SP 1389

11 - Errer Emmanuel - Le syndrome du P.38 [oct-91] rééd. de Eng. 81

12 - Arnaud Georges - J. : Le pacte [oct-91] rééd. de SP 1813

13 - Pelman Brice : Attention les fauves [nov-91] rééd. de SP 1641

14 - Arnaud Georges - J. : Tendres termites [nov-91] rééd. de SP 966

15 - Jaouen Hervé : Quai de la fosse [dec-91] rééd. de Eng. 34

16 - Arnaud Georges - J. : Noël au chaud [dec-91] rééd. de SP 1479

17 - Arnaud Georges - J. : La recluse [jan-92] rééd. de 14/22

18 - Rodhain Claude : La charité du diable [jan-92] Inédit

19 - Arnaud Georges - J. : La défroque [fev-92] rééd. de SP 1044

20 - Pelman Brice : Les plumes du paon [fev-92] Inédit

21 - Jaouen Hervé : Toilette des morts [mar-92] rééd. de Eng. 74

22 - Kaa : Trois chiens morts [mar-92] Inédit

23 - Errer Emmanuel : Le cercle d'argent [avr-92] Inédit

24 - Vilard Roger : Abattez vos dames [avr-92] Inédit

25 - Arnaud Georges - J. : La vasière [mai-92] rééd.de SP 1620

26 - Andrevon Jean-Pierre : Coup de sang [mai-92] Inédit

27 - Nicodème Béatrice : Meurtres par écrits [jun-92] Inédit

28 - Andrevon Jean-Pierre : Comme une odeur de mort [jun-92] rééd. de Gore 85

29 - Arnaud Georges - J. : Deux doigts dans la porte [juil-92] rééd. de SP 1268

30 - Pelman Brice : La troisième victime [juil-92] Inédit

31 - Dard Frédéric : Le cahier d'absence [sept-92] rééd. de SP 289

32 - Dard Frédéric : Toi qui vivais [sept-92] rééd. de SP 178

33 - Canino : Mort blanche [oct-92] Inédit

34 - Dard Frédéric : Refaire sa vie [oct-92] rééd.

35 - Leroy Frédérick : Mourir côté jardin [nov-92] Inédit

36 - Dard Frédéric : Les bras de la nuit [dec-92] rééd. de SP 102

37 - Andrevon Jean-Pierre : Leur tête à couper [fev-93] Inédit

38 - Dard Frédéric : Des yeux pour pleurer [fev-93] rééd. de SP 142

39 - Dard Frédéric : Ma sale peau blanche [mar-93] rééd. de SP 148

40 - Nicodème Béatrice : Défi à Sherlock Holmes [avr-93] Inédit (non signalé)

41 - Dard Frédéric : Les mariolles [mai-93] rééd. SP de 227

42 - Canino : La Vénus du peep-show [jun-93] Inédit

43 - Dard Frédéric : L'accident [sept-93] rééd. SP de 247

44 - Dard Frédéric : Les séquestrés [sept-93] rééd. de Grands Succès.

45 - Andrevon Jean-Pierre : La mort blonde [oct-93] Inédit

46 - Dard Frédéric : La dame qu'on allait voir chez elle [dec-93] rééd. de Grands Succès

47 - Bialot Joseph : La main courante [mars-94] Inédit

48 - Dard Frédéric : Coma [avr-94] rééd. de SP 185

49 - Dard Frédéric : Le cauchemar de l'aube [mai-94] rééd. SP de 271

50 - Dard Frédéric : Du plomb pour ces demoiselles [juil-94] rééd. de SP 15

51 - Dard Frédéric : Puisque les oiseaux meurent [sept-94] rééd. de SP 241

52 - Dard Frédéric : Le pain des fossoyeurs [oct-94] rééd. de SP 127

53 - Kaa : Le marteau [nov-94] Inédit

54 - Dard Frédéric : On n'en meurt pas [dec-94] rééd. de SP 122

 

CRIME FLEUVE NOIR : Présentation d'une collection.
CRIME FLEUVE NOIR : Présentation d'une collection.
CRIME FLEUVE NOIR : Présentation d'une collection.
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13 septembre 2014 6 13 /09 /septembre /2014 07:23

Comme disait ma grand-mère, Paris ne s’est pas fait en un jour, mais le patchwork s’est détricoté en moins de temps…

Maurice GOUIRAN : La mort du Scorpion.

Ma grand-mère parlait par énigmes, avec ses paraboles pleines de bon sens. Voulait-elle se référer à tous ces pays bricolés, frontiérisés de bric et de broc, au gré de belligérants imposant leur main mise de vainqueurs sur des territoires qu’ils annexaient, découpaient, se partageaient ? Sans tenir compte des frontières naturelles, des us et coutumes des autochtones, de leur langue, de leur religion. Une soi-disant réunification pacificatrice qui entraîna plus encore les indivisions, les ressentiments, les agressions, les vengeances, les révoltes. Prenez quelques exemples en Afrique ou en Europe Centrale.

 

Cela faisait bien six mois que Clovis, journaliste à la retraite, n’avait pas vu Emma. Pas le moindre début de signe de vie. Et voilà qu’elle déboule sans crier gare un 21 septembre chez lui à la Varune, et ce n’est pas pour ce que vous pensez. Emma est une policière marseillaise atypique, look gothique avec son pantalon moulant noir, ses cheveux noirs coupés courts et ses piercings en argent, sans oublier le reste qui ne se montre que dans l’intimité, et est consommatrice de chichon (pas la spécialité culinaire du Sud-ouest élaborée à base de canard ou de porc, mais l’herbe). Si elle déboule ainsi à l’improviste, ce n’est pas pour quémander un rattrapage de câlins, ce qui entre nous ne déplairait pas à Clovis, mais connaître l’avis de celui-ci sur le contenu d’un DVD.

Et pour être cochon, c’est cochon. Comme un cochon dont on brûlerait les soies avant de le découper en jambon. Sauf que l’animal est un homme attaché sur une chaise, sur lequel un individu déguisé en Fantômas appose des serviettes imbibées d’essence. Petite précision qui n’est pas superfétatoire, les bouts de tissu sont enflammés. Une séquence inoubliable, non pas à cause de l’esthétique de la réalisaion, mais des degrés de violence et de sadisme qui se dégagent de la scène tournée dans une sorte de cave sans qu’il y ait besoin de répétitions. En toile de fond, un drapeau qui ressemble à celui de la Serbie. Autre détail qui possède son importance, le cadavre défiguré a été retrouvé à moins d’un kilomètre de chez Clovis. Ce qui ne met nullement en cause notre sympathique héros, et amant occasionnel d’Emma, mais qui laisse supposer qu’il pourrait posséder des renseignements sur l’identité du défunt grillé.

Emma propose de conduire Clovis sur la plage où a été découvert ce qui pour le moment est un inconnu et lui montre quelques clichés pris par la Scientifique lors de la récupération du corps. Un détail vestimentaire accroche l’attention de Clovis, les espèces de rangers dont est chaussé le cadavre. Des godasses particulières, peu courantes ( !). Et Clovis ne connait qu’un seul homme à porter se genre de croquenots de luxe, Micha, qui vit à deux ou trois kilomètres des Pierres Tombées, au fort Caffagne.

Micha est le gardien du fort, homme toutes mains du nouveau propriétaire un oligarque Russe, monsieur Sacha qui a bâti sa fortune sur le trafic d’armes, aujourd’hui établi comme banquier, et qui pourrait bien posséder des accointances avec la mafia. Vit au château également JAD, alias Jean-Antoine Dieudonné, un peintre qui est en train de se forger une petite réputation. D’ailleurs il est tout content d’annoncer à Clovis et à Emma, Clovis s’étant bien préservé d’indiquer la profession de sa compagne, qu’un de ses tableaux vient d’être vendu à New-York pour la coquette somme de 100 000 dollars, alors que des œuvres de Bonnard, Derain et autres en étaient les vedettes. Une aubaine qui sent l’arnaque.

Tandis qu’Emma, qui reçoit des messages du tueur, enquête, Clovis se renseigne auprès de ses informateurs habituels, un journaliste et un policier, et ce qu’il découvre l’interloque. Micha, dont l’origine géographique n’est pas encore déterminée, est lui aussi peintre et faussaire. Il a même durant un certain temps aidé à la fabrication de faux billets. Le rôle de monsieur Sacha est à définir aussi de même que celui joué par une comtesse hongroise, Zoltana Bathory, qui tient une galerie d’art à Paris et fournit les salles de vente telles Christie’s et Sotheby’s en tableaux signés Derain, Bonnard, Manet, et autres artistes plus prestigieux les uns que les autres. Quant à JAD, Dieudonné n’est qu’un nom d’emprunt, qui ose son nom certes, mais en réalité il est le fils d’un parrain du grand banditisme marseillais.

Mais si tout cela ne restait que dans le domaine de la peinture. Car des sbires qui se prennent pour des rapins s’incrustent dans le tableau et s’évertuent à éclabousser les environs de taches de sang avec des armes qui servent de pinceaux traçant une ligne sanglante vers l’ex-Yougoslavie.

 

Il n’est pas toujours facile de connaître, de comprendre, d’analyser des événements qui se déroulent à des centaines, voire des milliers de kilomètres de chez nous, dans une région, un pays, qui ne nous concernent en rien sauf pour quelques journées de tourisme encadré.

Des situations tout à coup explosives dont on ne perçoit les échos qu’au travers de commentaires de reporters journalistes, d’experts en politique internationale confortablement installés dans leurs bureaux germanopratins. Les noms et les motivations des belligérants se mélangent et ce ne sont que de longues années plus tard que tout se décante ou presque. Il faut la patience et l’impartialité de romanciers historiques pour essayer de tout remettre en ordre, d’expliquer, sans esprit partisan les fondements des affrontements fratricides. Maurice Gouiran est l’un de ceux qui tentent de montrer les événements passés sous leur véritable jour, et tel un lapidaire il s’échine à briser la gangue des secrets de l’Histoire et des informations contradictoires pour en extraire le diamant pur de la vérité.

 

Nos gouvernants qui se glorifient d’aider à renverser des dictateurs qu’ils ont eux-mêmes mis en place et auxquels ils ont ciré les pompes de manière indécente.

 

Je déguste ma pizza et mes supions lentement, sans perdre du regard l’admirable fraternité qui règne entre nos garants de l’ordre et le grand banditisme. Quand je pense que certains osent avancer que notre monde manque de solidarité !

Maurice GOUIRAN : La mort du Scorpion. Réédition Poche Jigal. Parution Septembre 2014. 256 pages. 9,00€.

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12 septembre 2014 5 12 /09 /septembre /2014 15:08

Au son des orchestres de jazz...

Tim GAUTREAUX : Nos disparus

Lorsque le navire qui transporte environ quatre mille soldats américains aborde les quais de Saint-Nazaire, après une traversée éprouvante, Sam Simoneaux, originaire de la Louisiane, est tout étonné de constater que sur les quais la population s'adonne à une folle farandole. Ce n'est pas la joie de leur arrivée qui agite ainsi les habitants de la ville portuaire mais parce que l'armistice vient d'être signé. Venus en renfort pour combattre les Allemands sur le front français les Américains se voient confier une autre tâche tout aussi périlleuse.

Le contingent est envoyé en divers endroits de la Marne afin de récupérer les reliquats de la guerre, et lorsque ça pète, ce n'est pas du Champagne qui est débouché mais une grenade ou un obus qui ne veut pas se faire oublier. Sam Simoneaux traverse les embûches sans encombre, ce qui n'est pas le cas de tous.

De retour à la vie civile, Sam retrouve sa femme et une place dans un grand magasin de la Nouvelle-Orléans. Il n'est pas malheureux étant responsable d'étage, surveillant les déambulations des clients, le chapardage d'objets par des petits voleurs à la semaine et procédant au remplacement d'ampoules sur les lustres et autres bricoles. Tout irait donc pour le mieux si ce jour là de 1921 une fillette ne manquait pas à l'appel. Les parents sont affolés de ne pas retrouver leur petite Lily, âgée de trois ans et demi seulement. Sam a beau fouiller dans tous les recoins du magasin, interroger les vendeuses et les clients, rien n'y fait. Ah si quand même, car dans le renfoncement d'une pièce il aperçoit le petit corps. Il n'a pas le temps de réagir, un coup lui étant violemment porté à la tête. Il ne se réveille que quelques jours plus tard dans un hôpital.

Il s'agit bel et bien d'un enlèvement. Les parents sont évidemment éplorés, et leur petite Lily va leur manquer. Ce sont des artistes qui se produisent comme musicien et chanteuse et Lily participait au spectacle en interprétant quelques chansons, malgré son jeune âge.

Sam est mis à la porte et parvient à trouver du travail sur l'Ambassador, un bateau à aubes, comme troisième lieutenant. Sa femme et lui ne roulent pas sur l'or et toute occupation rémunératrice est la bienvenue. Les parents de la petite Lily, lorsqu'ils ne se produisent pas sur scène aident à la réfection du bateau. Et il en a bien besoin l'Ambassador. Il faut calfater, repeindre, réparer, changer des pièces. Tout le monde est sur le pont, et dans les soutes.

Enfin la croisière peut commencer. Le navire remonte doucement le fleuve, s'arrête dans les ports, proposant excursions et divertissements. L'orchestre de Jazz, composé de Noirs est plus apprécié des voyageurs que l'orchestre de Blancs qui n'offre que des musiques sirupeuses et classiques. Mais il faut rester sur ses gardes, car souvent ce ne sont que des touristes mal embouchés qui grimpent à bord et se défoulent sur les machines à sou et surtout au bar. D'ailleurs le capitaine a installé en haut de la passerelle trois paniers destinés à recueillir armes blanches et à feu. Mais pour autant Sam ne perd pas de vue qu'il doit remplir une mission, une promesse qu'il a faite à Elsie et Ted Weller.

Dans chaque port auquel le navire accoste, il se renseigne auprès des bars, envoyant des messages à d'anciens compagnons, à des policiers, à toutes personnes susceptibles d'avoir aperçu la gamine. Il remplace de temps à autre le pianiste de l'orchestre de Jazz, et même s'il n'est pas professionnel, il ne se débrouille pas trop mal. Enfin lors d'une étape, il obtient des renseignements. Il veut en vérifier la fiabilité et s'engage dans les bayous. Il arrive devant une cabane gardée par des chiens hargneux et est reçu justement comme un chien dans un jeu de quilles. Mais la rencontre avec les hors-la-loi qui y vivent n'est pas forcément infructueuse. La thèse de l'enlèvement est confirmée mais de plus cela le renvoie à de nombreuses années en arrière, quelques décennies qu'il avait fini par occulter.

Ses parents sont morts, abattus par des scélérats, et l'origine de ces meurtres sont indéfinis. Il a eu la vie sauve ayant été enfermé par son père dans le foyer de la chaudière qui heureusement était éteinte. Retrouvé un peu par hasard, il a été élevé chez des personnes charitables. Or d'après les hors-la-loi rencontrés dans le cadre de ses recherches, il se pourrait que les meurtriers de ses parents sévissent toujours dans le Kentucky ou un état environnant.

Dans le Kentucky justement, une gamine est arrivée dans le foyer d'un riche banquier de la région. Les White ne peuvent avoir d'enfants, malgré leurs essais répétitifs et leur endurance. Ils ont accueilli ou plutôt recueilli une gamine blonde de trois ans environ prénommée Madeline. Vessy, leur bonne, est toutefois sceptique quant à la provenance de l'enfant qui aurait échoué dans un orphelinat selon les parents adoptifs. Elle chante avec grâce et n'a pas les plantes des pieds esquintées. De plus lorsqu'elle esquisse le geste de la taper, la gamine n'a pas peur, comme si pour elle c'était un jeu. Une attitude qui n'est pas celle qu'ont en général les enfants qui ont vécu dans ces maisons réservées aux enfants abandonnés ou privés de parents.

 

Tim GAUTREAUX : Nos disparus Tim GAUTREAUX : Nos disparus

Vaste fresque des années vingt, Nos disparus offre une vision loin d'être paradisiaque de ces croisières sur le Mississipi, qui sont indissociables du Jazz Nouvelle-Orléans. Loin de l'image idyllique que l'on pouvait se forger en admirant par exemple les pochettes des vinyles consacrés au jazz de cette époque dans notre adolescence. Si pour les croisiéristes, c'était la croisière s'amuse, avec tous les débordements que cela entraînait, pour le personnel, c'était de longues journées de labeur. Les musiciens n'étaient pas toujours à la fête et devaient participer aussi à des travaux d'entretien. Le gamin des Weller, par exemple, âgé d'une douzaine d'années aidait à la chaufferie, indispensable pour que les roues à aubes puissent tourner et le bateau avancer.

Mais dans ces coins reculés de la Louisiane et tous les états que traverse le Mississipi, soit les états du Mississipi, du Tennessee, de l'Arkansas, du Kentucky et ainsi de suite en remontant jusqu'à la source, la loi était celle du plus fort. Et les policiers ne pouvaient pas grand chose face aux armes des malfrats, des malfaiteurs, des meurtriers et des voleurs d'enfants.

Mais si le fil conducteur s'enroule autour de l'enlèvement de Lily, d'autres thèmes sont soulevés dans ce roman. D'abord le retour à l'état-civil des soldats et leur avenir pas toujours rose. Sam a eu dans un premier temps de la chance et c'est pour cela qu'il avait été surnommé Lucky, mais tous n'ont pas bénéficiés d'un reclassement et sont devenu des clochards, surtout lorsqu'ils reviennent handicapés. Sa première chance fut d'ailleurs d'avoir survécu au meurtre de ses parents, ce qui nous ramène aux heures du Far-West et à tous ses excès, comme le démontra souvent les films dits de western. Et son enquête sur l'enlèvement de Lily lui fait prendre conscience que lui aussi traîne son passé comme un boulet.

Enfin, c'est ce racisme latent qui prédomine alors, et encore serais-je tenté d'ajouter. Les Orchestres de Noirs étaient acceptés, car leur musique plaisait, surtout aux danseurs qui pouvaient se défouler sur les pistes, mais il n'en restait pas moins qu'ils étaient en même temps méprisés.

Tout comme Ron Rash et quelques auteurs qui les ont précédés, Tim Gautreaux se complait à décrire ce Sud des Etats-Unis sur fond historique avec réalisme et précision.

A lire également de Tim Gautreaux : Le dernier arbre

 

Tim GAUTREAUX : Nos disparus (The Missing - 2009. Traduction de Marc Amfreville). Editions du Seuil. Collection Cadre Vert. Parution le 21 août 2014. 544 pages. 23,00€.

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11 septembre 2014 4 11 /09 /septembre /2014 09:00

L'amer maire !

KÂÂ : Trois chiens morts.

Etre le premier édile d'un petit bourg de trois cents âmes à peine, contrairement aux apparences, n'est pas toujours une fonction de tout repos.

Et c'est bien pourquoi à l'unanimité les villageois ont élu maire Tertullien d'Orthier, professeur d'histoire, qui ne pratique ni la pêche, ni la chasse, et habite depuis peu d'années ce charmant village bourguignon.

Un vieil agriculteur est découvert mort en fin d'après-midi aux commandes de son tracteur. Il a été abattu d'une balle de carabine. Vengeance, jalousie, sombre histoire d'héritage ? Toutes les suppositions sont à envisager. Curieux de nature Tertullien va enquêter parallèlement à la brigade de gendarmerie et des représentants du SRPJ de Dijon.

Ce meurtre est-il lié à l'horrible affaire qui secoua quelques semaines auparavant le village ? Trois chiens appartenant à des personnes âgées ont été retrouvés morts, découpés, et l'un d'eux appartenait à De Steuwers, le cultivateur assassiné. Car l'assassinat ne fait aucun doute. Et ne voilà-t-il pas que quelqu'un sabote la voiture de Tertullien ! On ne s'attaque pas impunément au maire du village et cette tentative de meurtre encourage Tertullien à s'impliquer encore plus dans son enquête.

Ce roman de Kââ, admirablement construit, nous réserve pas mal de surprises. Dans la trame d'abord, fertile en rebondissements. Dans le style ensuite, beaucoup plus sobre que celui auquel Kââ nous avait habitué dans ses précédents romans. Que ce soit dans la défunte collection Spécial Police que pour ses avatars sous le pseudonyme de Corsélien dans la collection Gore.

Son héros est sympathiques, positif, et ses problèmes, ou plutôt l'obsession de sa femme en quête de maternité ne manque pas d'apporter la touche émotionnelle indispensable à un roman noir populaire.

Et les amateurs de cette vraie littérature populaire, frustrés et déçus depuis quelques années avec l'abandon de la collection Spécial Police ont pu se réjouir. En effet à part quelques romanciers qui ont confirmé par la suite, Gérard Delteil, Michel Quint, Tonino Benacquista, Pascal Basset-Chercot, la qualité était plutôt tirée vers le bas. Sous la houlette de Jean-Baptiste Baronian cette collection semblait avoir retrouvé rigueur dans le choix des textes ainsi que dans l'écriture des manuscrits. Cela n'aura duré que quelques mois et les inédits étaient englués dans les rééditions. Voir à ce sujet mon article sur la collection Crime Fleuve Noir.

KÂÂ : Trois chiens morts. Collection Crime Fleuve Noir N°22. Editions Fleuve Noir. Parution Mars 1992. 224 pages.

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10 septembre 2014 3 10 /09 /septembre /2014 12:33

Et pan sur les plumes !

 

Brice PELMAN : Les plumes du Paon.

Xavier Nicolas Derenne, plus connu dans les milieux littéraires sous les initiales de XND, après un passage à l'émission télévisée Epithète de Bernard Pavane, va peut-être enfin connaître la consécration avec l'obtention du Prix Alfred Sauguet, et, événement plus rémunérateur, voir quelques uns de ses romans adaptés pour la télévision.

Mais XND n'est qu'un imposteur. Ses romans ont tous été écrits par Mahieu, un nègre dont l'inspiration s'est tarie depuis quelques mois. Depuis Mahieu végète, privé de rentrée d'argent puisqu'il était payé au forfait. Pourquoi ne bénéficierait-il pas lui aussi de retombées pécuniaires largement méritées ?

Trop timoré il n'ose pas réclamer mais, poussé et même encouragé par son ami Loïc, Mahieu frappe à la porte de XND et lui demande un petit pourcentage, juste revendication estime-t-il.

Refus net et catégorique de la part de XND qui veut garder pour lui le beurre, l'argent du beurre et si possible le sourire de la laitière à défaut d'autre chose. Conseillé par Loïc et par Christine, la secrétaire-maîtresse de XND révoltée par cette attitude égoïste, Mahieu se décide à récupérer ses manuscrits enfermés dans le coffre-fort de l'écrivain et de lancer un pavé dans la mare aux magouilles littéraires. C'est sans compter sur les impondérables qui se déclenchent à l'improviste comme les giboulées de mars.

 

Brice Pelman signait avec ce roman son grand retour au Fleuve Noir, maison d'édition à laquelle il a donné de très bons romans comme In vino veritas, Un innocent ça trompe ou encore Le jardin des morts.

Après une superbe première page métaphorique, Pelman nous entraîne dans les coulisses des milieux et prix littéraires. Solidement construit, Les plumes du paon confirme un fois du plus qu'un roman peut se passer de scènes de violence gratuite et de parties de jambes en l'air complaisamment décrites. Il fait partie du Gotha des auteurs de romans policiers, ce qui ne l'empêche pas à l'instar des feuilletonistes du XIXème siècle de commettre parfois des pataquès du genre : de celui relevé page 15 : A dix huit heures trente, ce matin là... Mais Brice Pelman est homme de bon sens, pour preuve lorsqu'il écrit cet aphorisme souvent vérifié : Il ne suffit pas d'écrire des romans pour être célèbre, encore faut-il qu'ils soient lus.

Et parmi ceux qui ont participé à l'émission Apostrophe de Bernard Pivot, peut-être certains se reconnaîtront !

Brice PELMAN : Les plumes du Paon. Collection Crime Fleuve Noir N°20. Editions du Fleuve Noir. Parution février 1992. 224 pages.

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9 septembre 2014 2 09 /09 /septembre /2014 08:11

Une étoile qui n'est pas des neiges !

 

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Près de trois cent mille kilomètres à la seconde, c'est la vitesse à laquelle est propulsé un petit vaisseau spatial. Soit cent plus vite que la vitesse de la lumière ! Et le voyage dure dix ans. De quoi emmener les deux passagers jusqu'au bout du bout des étoiles et même plus loin.

Plongé en léthargie, le couple composé d'un homme et d'une femme se réveille et sort des deux caissons hermétiques dans lesquels ils ont dormi à points fermés durant toute la durée de leur périple interstellaire. Pourquoi séparément ? Parce que de toute façon, comme ils dormaient, ils n'auraient pu jouer à la crapette ou autres jeux distrayants. Pourtant leur mission, qu'ils ont acceptée, consiste à se reproduire sur une planète inconnue, et l'heureuse élue se nomme l'Etoile 61 du Cygne.

Olga Hersen et son compagnon de voyage, Judd Cross, vont pouvoir découvrir cette planète qui a été sélectionnée, comme eux, à cause de l'atmosphère qui y règne. Ils s'éjectent donc de la fusée et essaient de rejoindre la terre ferme à bord d'une capsule. Mais ils doivent faire face à des problèmes d'approche. La planète est dupliquée en cinq exemplaires, des fusées triangulaires tournent autour de leur engin et ils se sentent aspirés dans une sorte de trou noir. La planète qu'ils pensaient inhabitée ne l'est pas et deux individus surveillent leurs pérégrinations.

Dans une tour souterraine de cette planète, Work et Jerla surveillent l'approche de la capsule freinant l'approche des humains à l'aide de miroirs. Ils sont inquiets car ils se demandent si cet engin ne signifierait pas le retour des Stérilisés. En effet quatre-cents ans auparavant une dissension s'était élevée entre Algoas et pratiquement toute la population d'Algon, le nom de cette étoile, était partie vers d'autres cieux. Ce qui explique leur stratagème pour annihiler l'approche du vaisseau. En analysant leur comportement et en interceptant un message que Jud et Olga ont transmis à la Terre afin de signaler que leur mission était sur le point de réussir, ils comprennent qu'il s'agit d'entités inconnues. Ils dirigent la capsule sur Plénimor II et une Métropole fictive.

D'autres explorateurs de l'univers sont programmés mais ils ne doivent partir que lorsque le message sera reçu, soit dix ans plus tard. En attendant Jud et Olga vont apprendre à composer avec les Algoas qui vivent sur cette planète. Après avoir parlementé et expliqué leur mission ils sont acceptés par les Algoas qui les exilent sur l'ile de Rhada. Une île paradisiaque entourée d'eau où Jud et sa compagne se retrouvent seuls.

Car les Stérilisés refont parler d'eux. Ils ne sont pas anéantis comme le supposaient les Algoas restants. Ils avaient tout simplement vieillis plus lentement ayant trouvés refuge dans une galaxie lente. Avec à leur tête Zodia qui n'a jamais oublié quatre-cents ans après les affronts dont ils ont été victimes.

 

Ce roman en deux parties reprend le vieux thème du voyage dans l'espace avec le but bien défini de trouver de nouveaux endroits où s'implanter. Mais s'il fallait tirer une morale, voire deux, de cette histoire il faut la chercher dans le texte car à aucun moment Max-André Rayjean se pose en moralisateur ou en philosophe voulant à tout prix passer un message. Il laisse le lecteur se faire sa propre opinion sur l'avenir mais surtout sur le comportement de l'être humain en général. Il ne disserte pas mais place ici ou là de petites phrases qui sont autant de mises en garde ou de rappels. La mission impartie à Jud et Olga nous ramène à Adam et Eve. Il leur fallait procréer. C'était à cette condition que l'homme essaimerait à travers l'Univers, pour y développer sa culture, sa civilisation. Or point n'est besoin de quitter la Terre pour se rendre compte que certaines races ou religions depuis des temps immémoriaux essaient d'imposer leur culture et leur civilisation. Il suffit de regarder autour de soi et de s'apercevoir que certains états ou cultes veulent imposer leurs points de vue idéologique, philosophique, dogmatique. Nul ne peut se targuer de posséder la vérité dans quelque domaine que ce soit mais l'intolérance est une fonction innée de l'Homme. Pas tout le monde j'en conviens. Quant à la procréation envisagée, elle peut se montrer aléatoire.

L'autre morale, si l'on peut s'exprimer ainsi, ou enseignement, découle plus ou moins de la première. Zodia reproche à Work et Jerla d'être les descendants de ceux qui les ont expulsés, rejetés. Work comprend fort bien cette acrimonie et ce besoin de vengeance, même si ce sont les générations précédentes qui ont perpétré cet outrage. Et Zodia enfonce le clou en proférant cette diatribe : Deux Etrangers ont arrivés sur Algon. Vous ne les intégrez pas. Vous les isolez à nouveau sur l'île de Rhada. Quand ils auront procréé, quand vous sentirez leur présence gênante, alors vous les exilerez à leur tour. Il me semble que certains partis politiques gèrent déjà ce "problème" de l'immigration par ces moyens radicaux et expéditifs.

Max-André Rayjean ne renouvelle peut-être pas le genre mais il sait mettre le doigt de la conscience là où ça fait mal. Tout est écrit insidieusement mais avec justesse.

A lire du même auteur dans la même collection : Le cycle d'Orga, ainsi qu'un portrait de Max-André Rayjean.


Max-André RAYJEAN : Opération étoile. Collection Blanche N°2120. Editions Rivière Blanche. Parution Août 2014. 164 pages. 15,00€.

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8 septembre 2014 1 08 /09 /septembre /2014 07:58

Une oeuvre propice à la masturbation intellectuelle !

 

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Sous le pseudo de Pierre du Bourdel - attention : n'oubliez pas le U - se cache un ancien membre de l'Académie Goncourt. Et à ses débuts cet écrivain s'occupa surtout d'académie physique et charnelle avant d'emprunter le nom de Pierre Mac Orlan.

En effet l'auteur de Quai des Brumes, A bord de l'étoile Matutine, La cavalière Elsa, L'ancre de Miséricorde et bien d'autres œuvres frisant parfois le fantastique social fit ses débuts littéraires sous le manteau en livrant des romans de tendance Cu... rieuse. Dont celui présenté dans cette chronique et dont le titre exact et à rallonge est : Les Aventures amoureuses de Mademoiselle de Sommerange ou Les Aventures libertines d'une Demoiselle de Qualité sous la Terreur.

Marie-Thérèse, fille aînée du Marquis de Sommerange, a été recueillie à la mort de son père tombé au combat pour l'amour de son roi Louis le Seizième, par sa tante Madame de Camarande. Au moment où le lecteur s'immisce dans l'intimité de la jeune fille, Marie-Thérèse est une fort jolie blonde de dix-sept ans. Les troubles de la Révolution se profilent mais n'atteignent pas encore le logis pourtant situé non loin de Saint-Sulpice. D'ailleurs c'est le vicaire de la paroisse qui, alors que Mademoiselle de Sommerange avait tout juste dix ans, se chargea de son éducation en lui inculquant ses leçons à l'aide d'un fouet artistiquement déposé sur les fesses de la gamine, dont le pantalon était baissé sur les genoux. Une position qui ne manquait pas d'attirer l'œil, et même les deux, de l'abbé libidineux.

Ce matin là, Marie-Thérèse se sent indisposée et le remède adéquat est préconisé par un bon docteur, sous forme de clystère, thérapie dont on sait que c'est le fondement du soulagement depuis l'Antiquité et même avant. Toinon la soubrette est chargée de procéder à l'introduction de l'embout dans la partie charnue de la patiente, seulement la maline avait convié le Chevalier Raoul de Saint-Marcel, vingt six ans, à assister à cette séance gratuite. S'en apercevant Marie-Thérèse n'a que le temps de rabattre ses fanfreluches mais le mâle est conquis. Et bientôt Marie-Thérèse, qui rit quand on la... connaitra les attouchements du bellâtre chaud et l'anatomie du jeune nobliau. Et les aventures vont continuer, les échanges se préciser, ancillaires souvent, saphisme souvent, scatologique parfois ou forcées. Il faut apprendre jeune si l'on veut savoir contenter un mari plus tard. Elle apprendra aussi, à son corps défendant, à quoi correspond l'expression être prise à la hussarde, quelques mois plus tard, mais ne déflorons pas trop le récit.

Comme le fait remarquer Jean-Jacques Pauvert dans sa préface, Marie-Thérèse de Sommerange, ou plutôt ses aventures amoureuses, consenties ou non, durant les prémices de la Révolution française puis la Terreur sont le creuset de Caroline Chérie de Cecil Saint-Laurent. Mais en beaucoup plus explicite et en raccourci. Mademoiselle ne connait pas, et surtout ne subit pas toutes les péripéties de Caroline mais ce qu'elle endure lui suffit amplement. Un roman à découvrir pour les cu... rieux mais à réserver toutefois aux adultes avertis.

Voir également du même auteur sous le nom de Chevalier de X : Femmes du monde et Sang Bleu.


Pierre du BOURDEL : Aventures amoureuses de Mademoiselle de Sommerange. Collection Lectures amoureuses. Editions de la Musardine. Parution novembre 2000. 128 pages. 7,95€.

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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