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24 mars 2014 1 24 /03 /mars /2014 16:48

Et on ne s'en plaindra pas !

 

 Le visuel de lancement de la collection avec le premier volume illustré par Loustal :


 polars

© Loustal / Le Monde / SNCF

 

La collection des Petits Polars Le Monde - SNCF revient pour une troisième saison chez les marchands de journaux dès le 3 avril 2014. Elle débutera avec la nouvelle La Volupté du Billabong, écrite par Hervé Claude et illustrée par Jacques de Loustal. 13 volumes apparaîtront du 3 avril au 18 septembre avec, nouveauté cette année, 3 volumes sous la forme de bandes dessinées. Alors n'hésitez pas, rendez vous chez votre kiosquier pour qu'il vous les mette de côté. On ne sait jamais.

 

Comme chaque année une sélection intéressante d'illustrateurs accompagnera cette collection avec, après Loustal, le travail de quelques habitués dont Jean-Claude Götting, Jean-Claude Denis, Charles Berberian, Florence Cestac, Dominique Corbasson. Un petit nouveau y intervient également : André Juillard.

 

Le programme de sortie des 13 volumes :


3/04         1  Hervé Claude/ Loustal – La Volupté du billabong
17/04       2  Philip Le Roy/ Götting –  Cannibales
30/04       3  Dominique Sylvain/ Jean-Philippe Peyraud – La Mule du coach
15/05       4  Romain Slocombe / Jean-Claude Denis - Le  Corbeau
28/05       5  Marin Ledun / Charles Berberian – Comme un crabe, de côté
12/06       6  Anthony Pastor – La Peur au ventre - BD
26/06       7  Marcus Malte / André Juillard – Les Cow-Boys
10/07       8  Marc Villard/  Jean-Christophe Chauzy – Tango flamand - BD
24/07       9  Franz Bartelt / Honoré –  Sur mes gardes
7/08        10  Didier Daeninckx/  Mako – Les Pigeons de Godewaersvelde - BD
21/08      11  Jérémie Guez/ Miles Hyman – La Veuve blanche
4/09       12  Jean-Bernard Pouy/ Florence Cestac – La Capture du tigre par les oreilles
18/09     13  Sandrine Collette / Dominique Corbasson – Une brume si légère.


Info puisée chez La Belle Illustration.

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24 mars 2014 1 24 /03 /mars /2014 09:02

Be bop à Lola !

 

ombres.jpg


Depuis sa mise à la retraite de ses fonctions de commissaire et le départ de son amie Ingrid qui se produit dans un cabaret à Las Vegas, Lola Jost s'ennuie. Alors elle passe son temps à rassembler les morceaux de puzzle d'un Corcovado. Pas facile de monter le Christ Rédempteur qui ouvre les bras à la baie de Rio, enfin, je veux pas facile d'assembler toutes les pièces, mais il faut bien s'occuper.

La visite inopinée et impromptue de Philippe Hardy, oui presque comme le roi de France Philippe III qui avait été ainsi surnommé pour des raisons qui importent peu dans le bon déroulement du récit, cette visite d'un membre de l'IGS a donc le don d'énerver Lola. Et tout ça pour lui apprendre qu'Arnaud Mars, le commissaire divisionnaire, a été retrouvé une balle dans le crâne dans un lotissement en construction à Abidjan, Côte d'Ivoire. Une fin peu glorieuse après une fuite qui ne l'était pas moins, glorieuse. Mars, aimé et détesté à la fois.

Ceci la renvoie à quelques mois auparavant, lorsqu'un motard a tiré sur Ingrid, tuant le lieutenant Stéphane Ménard, le plus jeune officier du groupe de Sacha Duguin. L'homme qui aurait commandité cet assassinat serait selon toutes vraisemblances Richard Gratien, avocat et émissaire de marchands d'armes, surnommé Mister Africa. Quelques carnets précieux sont en jeu et Mars en posséderait une copie. Mais rien n'a été retrouvé. Gratien est en prison mais il aurait pu commanditer la tentative d'assassinat d'Ingrid. Sauf que tout ceci a été filmé par un passant à l'aide de son téléphone portable. Et Hardy convoque Ingrid dans ses locaux afin de visionner ce mini reportage pris sur le vif. Et il en ressort que le motard aurait changé de cible au dernier moment, abattant froidement Ménard. Il ne s'agit donc pas d'une bavure. Lançant en partant Pour Antonia Gratien !...Une forme d'intimidation ou un leurre ?

Duguin aussi est convoqué par Hardy. Le commandant a effectivement effectué un séjour à Abidjan! afin de retrouver Mars, en vain. Hardy est comme un molosse qui ne veut pas lâcher son os, négligeant le sac de croquettes qui est à côté de lui. Lola décide de prendre l'enquête à son compte et par le bon bout. Direction la Côte d'Ivoire, mais auparavant elle consulte un vieux calepin contenant le nom de contacts susceptibles de l'aider dans ses démarches. D'abord un journaliste, Bianco, qui lui rafraichit la mémoire sur Borel, l'ancien président, décédé une dizaine d'année auparavant, ses relations avec Gratien, l'affaire qui avait plombé Candichard, candidat malheureux aux élections présidentielles face à Borel, les fonds dont il aurait disposé grâce à des rétro commissions. Et puis il ne faut pas oublier Joseph Berlin, un ancien de la DCRI, qui possède toujours des accointances dans le milieu et peut apporter des informations intéressantes, ni Thomas Franklin qui officie à l'Institut Médico-légal, ou encore Sénéchal, l'homme de l'ombre qui a placé Borel en plein soleil, lui imprimant une marque de président affable et cultivé.

Tandis que Duguin est appréhendé par Hardy, Lola embarque enfin pour Abidjan en compagnie de son amie Ingrid de retour des USA, et ce ne sera pas une partie de plaisir. Elle s'y attendait mais quand même, se faire tabasser par des inconnus alors qu'elle enquête avec Ingrid auprès de personnes susceptibles d'avoir connu Mars, l'avoir fréquenté et qui sait avoir assisté à son meurtre, ça laisse des traces. Mais plus de traces par contre de la clé USB que portait en permanence Mars, clé qui recélait la totalité des informations contenues dans les carnets de Gratien. Une véritable bombe en pendentif. Et comme Gratien s'est fait égorger dans sa cellule par un codétenu - mais que font les geôliers ? - une piste d'efface. Pas tout à fait car une autre se profile du côté de Hong-Kong, et un nouveau voyage est prévu.

 

Dominique-Sylvain-2.JPGOmbres et soleilest tout autant un roman policier qu'un roman noir, mais avant tout c'est un roman de politique-fiction dans lequel le lecteur trouvera quelques repères concernant des affaires qui plongent encore les hommes politiques français dans l'embarras, quoi qu'ils s'en défendent. Les dates sont changées mais on reconnaîtra sans peine l'affaire de Karachi et ses convulsions encore prégnantes dans l'esprit des Cherbourgeois. Mais Dominique Sylvain, au contraire de Jean-Hughes Opel qui dans Réveillez le Président avait placé des personnages facilement reconnaissables, joue entre deux eaux et deux gouvernements.

Le lecteur pourra s'amuser à placer un nom sur tel ou tel personnage, mais il lui faudra déconstruire le puzzle qui constitue certains des protagonistes. En effet Dominique Sylvain emprunte des traits physiques ou de caractère à des présidents qui ont été en exercice, à des ministres et à des conseillers, à des hommes qui œuvrent dans l'ombre.

Cela commence comme un air de rock n'roll, avec des phrases et des actions hachées, rythmées, cela continue dans une ambiance jazz, mais pas le genre Chet Baker, délicatesse, fragilité et mélancolie, non ce serait plutôt une atmosphère à la John Coltrane, énergique, dynamique, novatrice et technique, puis on change de musique, on aborde Beethoven et sa troisième symphonie dite Héroïque et enfin on se tourne résolument vers Wagner et sa chevauchée des Walkyries.

Dominique Sylvain revisite à sa manière l'actualité, puisant dans les arcanes du pouvoir, démontrant les bassesses des uns, les aspirations des autres, les deux se conjuguant dans une atmosphère délétère de conspiration, de violence, de manipulations, de coups bas, de victimes collatérales, afin de mieux s'accaparer le pouvoir.

Dominique Sylvain a construit un roman tout en finesse et machiavélisme, avec de petites touches d'humour, prenant pour entame la fin de l'épisode précédent décrit dans Guerre sale, et on ne peut que s'écrier ou écrire Chapeau l'artiste !

La phrase du jour (extrait de dialogue) : Les électeurs sont majoritairement cons mais c'est grâce à eux qu'il y a des hommes politiques. C'est à dire des types capables de se faire élire sur la base de promesses mensongères ou invraisemblables.


A lire l'avis de Pierre sur  Black Novel


Dominique SYLVAIN : Ombres et soleil. Collection Chemins Nocturnes. Editions Viviane Hamy. Parution 20 mars 2014. 304 pages. 18,00€.

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23 mars 2014 7 23 /03 /mars /2014 08:46

Une psychiatre nyctalope ?

 

Yeux-dans-la-nuit.jpg


Il suffit d'une phrase , de quelques mots, d'un nom, pour que l'univers de Nadine Lavoie, psychiatre à l'hôpital de Victoria sur l'île de Vancouver, bascule.

Heather a essayé de se suicider pour la troisième fois et Nadine est en charge de cette patiente dépressive afin de comprendre le ou les motifs de ces tentatives et de lui redonner goût à la vie. Pour le moment seul un dialogue peut être constructif mais Heather, qui vient de perdre son bébé s'exprime par énigmes. J'ai voulu tout arrêter... Ils n'arrêtent pas de nous harceler au téléphone... Elle voit tout... Daniel, le mari de Heather, menuisier, n'est guère plus prolixe. Il apprend toutefois à Nadine que l'ex compagnon d'Heather était un imbécile et qu'il l'a aidée en pratiquant la marche et le yoga. Ils vivent dans un centre mais en sont partis car l'enfant à naître aurait été partagé par tous. Daniel pense qu'ils ont fait une erreur en quittant cette communauté du nom de Centre spirituel de la Rivière de vie. Et le directeur, l'animateur des programmes spirituels se nomme Aaron Quinn.

En entendant ce nom, c'est comme si un coup de massue avait été assené à Nadine Lavoie qui n'avait pas besoin de ça alors qu'elle est inquiète pour sa fille. Nadine a vécu à l'âge de treize ans pendant huit mois au centre de la Rivière de la vie quarante ans auparavant avec son frère Robbie et sa mère maniaco-dépressive. Huit mois qu'elle a effacé en grande partie de sa part. Mais depuis elle est atteinte de claustrophobie et elle a peur du noir. Car son séjour au Centre, qui à l'époque était situé non loin de son village de Shawnigan mais a depuis déménagé à Victoria, a été un des pires moments de son adolescence. D'autant que sur une plaquette destinée à attirer de nouveaux membres, sous couvert de séminaires, elle reconnait Aaron Quinn, aujourd'hui sexagénaire dans la force de l'âge.

Aaron Quinn était à l'époque où elle l'a côtoyé et même plus, un jeune homme d'une vingtaine d'année. Il vivait dans une communauté hippie cultivant du cannabis, mais il possédait un ascendant, une aura, une force de persuasion qui ne se sont jamais démentis depuis. Onctueux, persuasif, autoritaire, il savait imposer ses ordres et ses désirs. Son frère Joseph qui le secondait était lui un être colérique, frustre, le bras droit et l'homme de main. Elle n'était sortie du Centre que lorsque son père avait fait irruption un fusil à la main, et les avaient ramenés elle, sa mère et son frère Robbie à leur ranch. Mais sa mère était décédée plus tard dans un accident de voiture. A moins que ce fut un suicide.

Peu à peu la mémoire revient par bribes à Nadine. La mort accidentelle de Coyote, la disparition du jeune Finn, puis celle de Willow, une adolescente de dix-sept ans qui était devenue son amie. Elle sait que sa claustrophobie et sa peur du noir datent de cette époque mais elle n'arrive pas à se souvenir des éléments déclencheurs. Et elle est obnubilée par la fugue de sa fille Lisa qu'elle n'a pas vue depuis des mois. Cela fait des années que Lisa déserte la maison, se droguant, ayant des fréquentations douteuses. Un traumatisme peut-être consécutif à la mort du père, Paul, atteint d'un cancer.

Heather ne rate pas sa nouvelle tentative de suicide, et Daniel son mari rejoint la communauté. Nadine veut déposer plainte auprès des policiers arguant que Aaron et son frère sont dangereux. Ils poussent les malades à arrêter leurs traitements, et surtout les pressurent, comme ils l'ont fait avec Heather, les obligeant à leur donner l'argent qu'ils possèdent. Elle se souvient également avoir été abusée sexuellement. La caporale Cruishbank veut bien prendre l'affaire en charge, seulement elle ne possède aucune preuve concrète. Alors Nadine décide de retrouver certaines personnes qui ont vécu dans cette communauté et des policiers, aujourd'hui en retraite, qui ont enquêté mollement lors de la disparition de Finn puis de Willow. Elle reprend également contact avec son frère Robbie. Seulement il semblerait que ses démarches gênent car des appels téléphoniques anonymes, des menaces lui sont adressées. Et un pick-up stationne parfois non loin de chez elle.

 

Malgré un début qui pourrait sembler analogue à ses romans précédents, Chevy Stevens n'a pas calqué ses intrigues. Certes une psychiatre, qui s'exprime à la première personne, en est le personnage principal, certes les retours en arrière inspirés par une mémoire longtemps refoulée et qui revient progressivement en fournissent la trame, mais la dimension du roman prend tout son effet dans la plongée de l'enfer d'une secte. Le personnage malsain d'Aaron se dévoile peu à peu, ainsi que celui de son frère Joseph, et l'ascendant de l'un, les menaces de l'autre, sont disséqués.

Entrer dans une communauté ou une secte est des plus facile mais en sortir devient souvent une épreuve insurmontable. Ceux qui veulent rompre les liens sont sujets à des pressions psychiques terribles et ils sont rongés par la peur, sachant qu'en aucun cas les policiers ne pourront les aider par manque de preuves.

L'appréhension qui me tenaillait au départ s'est rapidement dissoute tant Chevy Stevens nous prend aux tripes dès le début du roman. La mémoire défaillante de Nadine concernant une période de sa vie, ses phobies, les relations qu'elle peut avoir avec des traumatisés de l'emprise d'une secte, leur volonté de s'en échapper tout en souhaitant y retourner, possèdent une force d'évocation qui donnent l'impression que l'auteur a vécu elle-même ces problèmes. D'ailleurs, Nadine tout comme l'auteure, a vécu dans un ranch, ce qui est un point commun de départ. Mais à cela s'ajoute les angoisses d'une mère aux dérives d'une fille sous l'influence de la drogue, qui promet de suivre des cures de désintoxication, ce que d'ailleurs elle fait, mais qui replonge à chaque fois inexorablement. Les reproches de Lisa à sa mère ne sont pas dénués de fondement. Seule la relation avec Garrett, le fils qu'avait eu son père lors d'un premier mariage, sont superfétatoires même si elle explique en partie son comportement. Il s'agit d'une accumulation de traumatismes qui engendrent une forme de misérabilisme.

Malgré quelques passages à vide, quelques longueurs, l'intrigue de ce roman est convaincante car chacun de nous ou un membre de notre famille peut être confronté à ce genre d'histoire.


A lire du même auteur : Séquestrée et Il coule aussi dans tes veines.


Chevy STEVENS : Des yeux dans la nuit (Always watching - 2013. Traduction de Sebastian Danchin). Editions de l'Archipel. Parution le 19 février 2014. 416 pages. 22,00€.

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22 mars 2014 6 22 /03 /mars /2014 08:01

Quand père et fils croquent la Grosse Pomme !

 

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Elle attendit que son cœur reprenne un rythme normal avant de se décider à gagner le bar. Elle allait être en retard maintenant.

 — Bonjour Lisa. La jeune femme se retourna brusquement, surprise d’être ainsi abordée dans ce quartier.

 — Peter, mais que fais-tu ici ?

Elle s’arrêta soudain, consciente de l’incongruité de sa question. Peter Monoghan était décédé trois ans plus tôt d’un cancer généralisé dû au surmenage, à l’alcool et surtout à l’abus de cigarettes. Et il se trouvait face à elle, vêtu du costume bleu que Lisa lui avait toujours connu. Ses épaules étaient plus voûtées, son visage plus pâle que dans ses souvenirs. Il lui souriait.

 — Tu es resplendissante, comme toujours.

Lisa Kilpatrick, une pure New-Yorkaise, travaille dans la police, mais sa véritable passion demeure la musique. Un soir par semaine, après son service, elle joue du piano et chante dans un club new-yorkais. Un jour, elle assiste au Manhattanedge. Un soir par an, le soleil couchant se retrouve juste au milieu de la 14th Rue, dans un alignement parfait vers l’Ouest. Et là, elle va basculer dans un autre monde, celui des Fantômes de Manhattan.

Manhattan Ghosts est un hymne à New York. À travers des photos et un texte, c’est toute la grosse pomme que vous dévoilent Mickaël LAGUERRE et Philippe WARD.


Une nouvelle de 60 pages illustrée de 28 photos.

Prix : 10 Euros


Vous pouvez l'acheter

1) En envoyant un mail et un virement paypal à api13@aol.com

2) Envoyer un chèque de 10€ à Philippe Laguerre 36 rue du Foulon 09100 Pamiers

3) Le commander sur le site Rivière Blanche dès fin mars

4) Le commander sur Amazon dès fin mars

5) le commander sur ebay dès fin mars


Maintenant vous savez ce qu'il vous reste à faire.


Mickaël LAGUERRE et Philippe WARD : Manhattan ghosts. Editions Rivière Blanche.

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21 mars 2014 5 21 /03 /mars /2014 09:54

Je sème à tous vents…

 

ciseaux.jpg


Cette célèbre devise empruntée à un non moins célèbre créateur d’un dictionnaire, les romanciers, qu’ils écrivent des romans noirs, des romans policiers ou œuvrent dans d’autres formes de la littérature, se l’ont faite leur.

En effet ils propagent leurs nouvelles dans divers supports écrits, journaux, magazines, revues confidentielles à des fins qui ne sont pas forcément lucratives ou dans le souci de se faire connaître. Souvent ils agissent ainsi dans un but louable. Si de nombreux journaux régionaux ou nationaux font appel à leur plume, c’est afin de proposer pendant une durée déterminée à leurs lecteurs une page, ou plusieurs, destinées souvent à des événements ponctuels. Vacances estivales par exemple. Et les auteurs pressentis sont déjà connus en général du grand public, ce qui assure une meilleure mise en place, les ventes allant de pair. Les auteurs sont souvent sollicités pour étoffer aussi les fanzines, et dans ce cas il s’agit bien d’un but louable, car s’ils acceptent d’écrire un texte, ils ne sont pas la plupart du temps rémunérés. Il en va de même lorsqu’ils doivent pondre une nouvelle lors d’un salon du livre ou d’un festival. Les organisateurs jouent sur la notoriété de l’auteur.

Thierry Jonquet était l’un de ces dispensateurs de textes éparpillés un peu partout, souvent introuvables, et il était bon de les regrouper dans un recueil afin de les sortir de l’oubli, de leur offrir un lectorat digne de son nom et de son œuvre.

Après l’admirable préface d’Hervé Delouche, le premier texte n’est pas une nouvelle mais un texte publié dans la revue Les Temps Modernes (3ème trimestre 1997), revue fondée par Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre.

Voilà comment ça c’est passé… Thierry Jonquet revient sur sa jeunesse, les différentes étapes de sa vie professionnelle dans le corps médical, dans des gériatries, des pédiatries, et des dispensaires, soignant enfants ou adolescents, vieillards malades physiquement ou mentalement. Une période de sa vie qu’il a mis en scène dans ses premiers romans dont Le Bal des débris, nombre de fois réédité. Mais aussi son engagement politique, chez les Trotskystes, ses démêlés avec les membres du Parti Communiste (Surtout les Staliniens. Ils ne sont pas tous à mettre dans le même panier comme dit le dicton populaire. Peut-être parce que le panier n’est pas assez grand !), ses illusions et désillusions. La découverte des camps de concentrations, des exterminations de Juifs. De la lecture aussi et de la claque reçue en lisant Manchette. Un texte quelque peu désabusé, dans lequel l’ironie masque un certain désenchantement. Et si vous ne deviez lire qu’un texte, ce serait assurément celui-là : il donne envie de découvrir les autres.

Thierry Jonquet a également participé à des hommages. Par exemple Sommeil, publié dans le recueil collectif Sous la robe erre le noir, anthologie concoctée par Claude Mesplède en hommage à Robert Soulat, alors patron de la Série Noire après le décès de Marcel Duhamel, et publié aux éditions du Mascaret en 1989. Dans Paris dévasté, croulant sous les ruines à la suite d’une catastrophe, des bandes de loubards tiennent les quartiers sous leur coupe. Un jeune homme poussant un landau contenant des boites de conserves déambule tranquillement lorsqu’il est agressé. Un coup de sifflet et sortent alors de sous la capote une myriade de mygales. Par la suite il va rencontrer un vieil homme qui se nomme Songe. Un conte qui fait froid dans le dos. Mais qui sait, si une explosion nucléaire se produisait… ! Thierry Jonquet cite furtivement le titre de l’un de ses romans, mais ce n’est pas forcément celui auquel on pourrait penser.

Dans Art conceptuel (paru dans la revue Ras l’front, N°76 de juillet-aout 2000), Giulio est un artiste qui en a marre de l’art tel qu’il se décline depuis quelque temps. Ras le bol des artistes qui emballent le Pont-Neuf dans des tissus, de ceux qui défèquent dans des boites de conserve en les présentant ensuite comme Merde d’artiste, et autres fariboles dont la chair est mise à contribution. Il a imaginé un nouveau concept qu’il propose à un attaché culturel. On retrouve l’ironie mordante de Jonquet qui sous forme d’une grosse rigolade se moque de ceux qui pour se faire connaître n’hésitent à faire tout et n’importe quoi. Surtout n’importe quoi !

Votre histoire ne tient pas la route propose plusieurs pistes de lecture, lesquelles s’enchainent comme les titres sur un microsillon (ou un CD). Tout jeune Adrien est remarqué dans sa classe par une gentille écrivaine venue leur donner un cours d’écriture et qui lui fait remarquer que ses rédactions sont bien troussées. Elle lui promet même un bel avenir. Alors il participe à des stages d’écriture et rédige une trentaine d’œuvres qui sont toutes refusées. Après s’être essayé à tous les genres il ne lui reste plus qu’à aborder le Polar. Thierry Jonquet s’est inspiré pour écrire cette nouvelle d’une affaire qui a défrayé la chronique en territoire bourguignon, et de ses expériences d’écrivain dans des écoles et des centres d’incarcération. Et il bat en brèche les stages d’écriture.


En tout vingtciseaux2.jpg et un textes, dont un inédit qui donne son nom à ce recueil, et qui sont un concentré des hantises, des obsessions, des angoisses, des révoltes de Thierry Jonquet. Tous les sans : sans-papiers donc forcément sans-boulots et par déclinaison sans-abris sont mis à l’honneur. Un humour grinçant, ça passe mieux avec le sourire, avec un tantinet de fantastique, ça éloigne quelque peu de la réalité, et une vision quasi désespérée du monde en déliquescence. Thierry Jonquet était un humaniste qui s’ignorait.

Il est dommage que toute la production de Thierry Jonquet ne soit pas répertoriée à la fin du livre. Il manque par exemple les deux ouvrages signés Ramon Mercader, publié au Fleuve dans la collection Grands Succès : Cours moins vite camarade, le vieux monde est derrière toi (1984) et URSS, go home (1985). Le secret du rabbin, quant à lui, a été édité pour la première fois chez Joseph Clims en 1986.

 

Un recueil légué en héritage par Thierry Jonquet et dans lequel il démontre tout son talent, si c’était encore à confirmer.

 

Thierry JONQUET : 400 coups de ciseaux et autres histoires. Préface d’Hervé Delouche. (Première parution Collection Policiers Seuil. Editions du Seuil). Réédition Editions Points le 13 mars 2014. 264 pages. 6,60€.

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20 mars 2014 4 20 /03 /mars /2014 14:31

S'il est un crime qui soulève l'indignation du peuple dans son ensemble, toutes opinions politiques, religieuses ou morales confondues, c'est bien l'enlèvement d'un enfant.

 

moulin-diable.jpg


Alors qu'elle vient de s'installer sur un banc du parc du Pharo la jeune nourrice d'un non moins jeune bambin âgé de deux ans environ, est abordée par une dame vêtue de noir et dont le visage est dissimulé par une voilette. Depuis la naissance du minot Bernadette Arnoux s'occupe ainsi du Petit Paul, le fils du riche entrepreneur de Marseille, Marius Gauffridy, lui portant plus d'affection que sa propre mère qui ressemble à une asperge trop cuite.

Donc Bernadette n'est pas en face d'une vision et la dame lui annonce qu'elle doit rentrer immédiatement car son patron vient de se blesser. Et afin que la soubrette-nourrice accourt au plus vite au secours du sieur Gauffridy, elle lui propose de l'emmener avec sa calèche en compagnie de Petit Paul. Seulement arrivée sur place, non seulement Gauffridy est en bonne santé mais la dame prévenante s'esbigne avec le gamin. Naturellement Bernadette, qui n'est plus très chouette, est effondrée.

Le sieur Marius Gauffridy, qui parti de rien de son arrière-pays, s'est construit un empire florissant dans diverses branches du métier du bâtiment. Mais il est resté un homme frustre, irascible, pensant qu'avec de l'argent tout s'achète et que les billets de banque peuvent aplanir toutes les difficultés.

Evidemment la police et les journalistes sont avertis. Eugène Baruteau, le responsable de la sûreté marseillaise met ses hommes en chasse, tandis que son neveu, le sémillant Raoul Signoret tel un chien de chasse renifle les pistes. Les appels à témoins produisent leur effet : tout le monde a aperçu la dame noire claudicante et l'enfant dans les bras, ce qui pose tout de même un problème pour les enquêteurs, à moins que cette personne insaisissable soit dotée du don d'ubiquité. Les rumeurs vont bon train, des hypothèses sont avancées, car c'est bien le fils d'un homme en vue qui vient d'être kidnappé. Alors entre vengeance d'un concurrent ou d'un ouvrier, enlèvement crapuleux ou drame familial, les suppositions ne manquent pas. Seul bon point à donner à l'actif de l'entrepreneur qui d'habitude ne prend pas de gants pour mettre à terre ses contestataires, il garde à son service la jeune Bernadette éplorée.

Raoul devient l'interlocuteur privilégié entre le père et le ravisseur. En effet Marius Gauffridy lui demande de passer une annonce dans son journal, le Petit Provençal, tandis que le ravisseur lui donne des instructions concernant la rançon par téléphone. Ce qui lui pose un cas de conscience car en aucun cas il doit en avertir les policiers. Or Raoul ne peut se résoudre à mentir par omission à son oncle Eugène, qu'il considère comme son père. Ce serait le trahir et il ne s'en sent ni le courage, ni la volonté. Heureusement Cécile, sa femme infirmière, qui est toujours de bon conseil et l'a aidé dans de précédentes enquêtes, va lui souffler une solution qui devrait ménager tout le monde.

Le rapt d'un enfant a depuis longtemps été un thème abondamment traité en littérature populaire et policière. Mais Jean Contrucci l'aborde avec sensibilité et pudeur. Tout ou presque est narré du côté de la famille et des policiers, l'enfant et son ou ses ravisseurs restant dans l'ombre dans une grande partie du roman. Jean Contrucci ne tombe pas dans le pathos ou le misérabilisme qui était l'apanage des grands feuilletonistes du XIXème siècle mais il ne joue pas non plus sur les descriptions de violence parfois nauséabondes dont font preuve nos romanciers actuels qui axent leurs propos sur le sensationnel au détriment de la retenue et de la nuance. Les non-dits sont parfois plus forts dans un récit car ils encouragent le lecteur à établir sa propre opinion et entretenir son imaginaire.

Mais l'empreinte des feuilletonistes déjà évoqués est présente, dans cette histoire qui ne se termine pas lorsque Petit Paul (pléonasme qui me fait toujours sourire puisqu'on m'appelait ainsi) est retrouvé. Dans quelle condition et dans quel état, je me retranche derrière le droit de réserve.

L'aventure continue et les cadavres sortent du placard, ou du puits, physiquement ou mentalement. Le titre en lui-même évoque le mystère et le récit réserve de nombreux rebondissements. Quant aux têtes de chapitres, qui malheureusement aujourd'hui n'ont plus cours et c'est dommage, elles incitent à prolonger la lecture malgré les aiguilles du réveil qui tournent inexorablement. Je me contenterai de deux exemples :

Chapitre : 2

Où l'on vérifie une règle bien établie dans la presse : le malheur des uns fait le bonheur des journalistes.

Chapitre 3 :

Ou notre héros apprend de la bouche du commissaire central les conditions de l'enlèvement du petit Paul.

Cela donne envie de lire la suite, non ?


Le lecteur pourra retrouver quelques aventures de Raoul Signoret dans la série des Nouveaux Mystères de Marseille dans les romans suivants : L'énigme de la Blancarde; L'inconnu de Grand Hôtel; Le vampire de la rue des Pistoles; La somnanbule de la Villa aux Loups.

Jean Contrucci est aussi l'auteur d'un roman historique : La vengeance du Roi Soleil.


Jean CONTRUCCI : Rendez-vous au Moulin du Diable. Série les Nouveaux Mystères de Marseille. Editions Jean-Claude Lattès. Parution 3 mars 2014. 358 pages. 18,00€.

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20 mars 2014 4 20 /03 /mars /2014 09:25

Continuons notre balade sur les Chemins Nocturnes avec ce roman prometteur.

 

malaver.jpg


Je me présente, Eric Malaver, détective privé. Lorsque j'étais journaliste, mon rédacteur en chef m'avait dit que je portais un nom de détective. Est-ce la réflexion de mon ancien patron qui a changé le cours de ma vie, je ne pense pas, toujours est-il que j'attends le client dans mon bureau situé dans un quartier chic de la capitale. Ce n'est pas la grosse affluence, mais je vivote en attendant l'affaire du siècle. On frappe à la porte, vous m'excuserez.

Voilà, je suis engagé par monsieur de Coutance, PDG d'une importante entreprise de déménagements internationaux, pour découvrir l'identité d'une femme qui le suit depuis deux jours. Qui et pourquoi. Pas banale comme requête. D'habitude ce sont les femmes qui s'inquiètent de leurs poursuivants. Après tout pourquoi pas...

Seulement, cette belle inconnue est pleine d'imprévus. Dans le café où je l'ai suivie, elle oublie une enveloppe. Une aubaine pensé-je. Oui, sauf que sur ce petit mot signé Svéa est écrit mon nom. Je sens que quelqu'un me prend pour un pantin et tire les ficelles, ce qui ne me plaît guère. C'est le moment de faire appel à mon neveu Charles que rien ne passionne tant que m'aider dans mes enquêtes. Je requiers également l'aide d'un ancien collègue lui-même copain d'un flic. Les relations, ça peut toujours servir, surtout que cette enquête va m'amener à découvrir un drôle de trafic. Enfin quand je dis drôle, je devrais plutôt préciser macabre.

 

maurel.jpgJean Pierre Maurel a créé avec Malaver un personnage de détective fort intéressant et sympathique et l'atmosphère oscille entre roman noir roman d'énigme. De quoi ravir les amateurs des deux genres. Si Jean Pierre Maurel a déjà écrit un recueil de nouvelles et un roman, c'est sa première incursion dans le genre, et c'est une réussite. Alors pourquoi ne pas imaginer une suite aux aventures de Malaver ? C'est chose faite et le résultat sera bientôt connu avec ma chronique concernant Malaver à l'hôtel.

 

En attendant vous pouvez retrouver tous les titres de la collection proposés à 8,90€ dans l'article consacré aux 20 ans de la collection Chemins Nocturnes.

20 ans
Jean Pierre MAUREL : Malaver s'en mêle. Collection Chemins Nocturnes. Editions Viviane Hamy. Parution 1er octobre 1994. 264 pages.

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19 mars 2014 3 19 /03 /mars /2014 10:57

Pour les possesseurs de liseuse !

 

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Ce roman de Michel Honaker s'inscrit directement dans la lignée des ouvrages dans lesquels le fantastiques, la fantasmagorie, le surnaturel, la magie, la sorcellerie, la démonologie les références aux textes anciens, aux formules cabalistiques prennent une place plus que prépondérante. La lutte éternelle du Bien contre le Mal, la dualité entre la Vie et la Mort.

Aussi l'inclure dans une collection qui à l'origine était dédiée à la Science fiction et à l'Anticipation, comme son nom l'indique, est un peu une hérésie. Mais il n'existe plus de collection spécifique au fantastique, depuis la disparition de la collection Angoisse, et il aurait peut-être judicieux de créer une collection à part pour ce qui se promet d'être une série. Mais bon, ne boudons pas notre plaisir, mais ce procédé risque de perturber le lecteur qui se fiant à un genre se trouve en face d'un autre.

Deux jeunes assistent impuissants au réveil, à la délivrance dans une synagogue désaffectée d'un être mi-homme. Un fabricant de poupées et d'automates voit se liguer contre lui ses propres créations. Des jouets animés de vie, des homoncules habités d'une rage meurtrière.

 

Ebenezer Graimes, dit Le Commandeur, dont on a fait la connaissance dans Bronx Cérémonial pour ceux qui ont eu le plaisir de le lire, entre deux cours de démonologie dans une université new-yorkaise, aura bien du mal à remettre de l'ordre dans le quartier de Loisada, un quartier juif de New-York.

 

Et ce n'est pas fini : d'autres aventures pleines de fureur, d'incantations magiques, de combats et de sorcellerie sont prévues dans les prochains mois. Ce deuxième volet consacré aux aventures du Commandeur est plus enlevé, plus envoutant que le précédent, moins accrocheur, moins racoleur aussi. Ce qui prouve que l'histoire se suffit à elle-même et qu'il n'est pas besoin d'employer des artifices éculés pour capter l'attention et captiver le lecteur.

 

verb-of-life2.jpgLa nouvelle vie du Commandeur :


A partir du 19 mars, vous pourrez télécharger "The Verb of Life" de Michel Honaker, premier volume des aventures du Commandeur édité chez L'ivre-Book.

Il sera au prix de 0,99 euros (et ce n'est pas une promo, il restera toujours à 0,99€), ce qui permettra à tous de découvrir ou redécouvrir ces formidables histoires.

Les prochains volumes, la série comporte neuf titres mais la réédition du premier, pour des raisons éditoriales n'est pas prévu actuellement, seront à 2,99 €.

 

 

 

 

Michel HONAKER : The Verb of Life. Série Le Commandeur N°2. Fleuve Noir Anticipation N° 1735. Parution mars 1990. 192 pages.

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18 mars 2014 2 18 /03 /mars /2014 08:34

Et le lecteur aussi !

 

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Complètement oubliée aujourd’hui, Margaret Oliphant Wilson fut une femme de lettres célèbre Outre-manche à la fin du XIXème siècle. Ecossaise, née à Musselburgh le 4 avril 1828, elle publie à vingt et un ans son premier roman. Et si j’insiste sur son origine, c’est bien parce que le roman que je vous propose, quoi que l’action se déroule dans une petite ville de Haute-Bourgogne, est empreint d’une atmosphère digne des Highlands. Mais j’y reviendrai.

Publié en 1880 ce roman a été traduit en 1911 par Henri Brémond de l’Académie française, homme d’église et jésuite durant plus de vingt ans. La parution de ce roman fut accompagnée d’une introduction de Maurice Barrès, qui est ici reproduite, mais cet ouvrage ne connut qu’un succès d’estime. Aujourd’hui, grâce à Jean-Daniel Brèque, qui en a revu et complété la traduction, ce roman se voit offrir une nouvelle chance avec en prime un avant-propos fort intéressant de François Angelier, qui est journaliste, animateur, producteur d’émissions radios et romancier (Le templier paru au Masque entre autres).

Quelques lecteurs seront peut-être atteints de démangeaisons à la lecture de ce roman, tout au moins au début. Car sans être anticlérical viscéralement, on peut se sentir agressé par le côté religieux qui baigne dans ce roman empreint d’un fantastique délicat et vaporeux. Mais bien vite on se rend compte que justement la religion est mise en brèche par les protagonistes. Et un antagonisme entre tenants de la religion, pour ne pas les « baptiser » bigots, et ceux qui considèrent cette croyance comme de la superstition pure et simple, s’élève amenant des récriminations de la part des premiers envers les seconds. Autre antagonisme mis en avant, les rapports hommes, qui se jugent supérieurs, et les femmes, qui doivent ronger leur frein tout en n’étant pas avares de reproches. « Mais allez faire comprendre à des femmes ces distinctions élémentaires » déclare avec emphase le maire de la ville de Semur dont une décision est peut-être la cause des événements étranges qui se produisent dans sa cité.

En effet certains de ses concitoyens se conduisent mal lors du passage du curé. Ainsi Jacques Richard, écervelé et têtu, se tient sur le passage du curé qui va porter les saints sacrements à un mourant, et le bas de l’étole de celui-ci frôle la blouse de l’impertinent. Pis, Jacques ose sortir un écu de sa bourse et s’écrier : « Vive l’argent… il n’y a pas d’autre bon Dieu ». Déclaration qui horrifie les femmes présentes sur la place. Mais une action du maire n’est guère appréciée de ses ouailles féminines. Des malades sont soignés par des religieuses, seulement les patients, qui ne le sont guère, se plaignent de ne pouvoir sommeiller en paix, leur repos étant troublé les messes. Martin Dupin, le maire, décide donc de réduire le nombre d’offices religieux. Peu après les ténèbres s’installent sur la cité, alors que le mois de juillet rayonne sur la campagne. Parfois le brouillard, ou ce qu’il semble être du brouillard, s’effiloche, et les habitants peuvent apercevoir une sorte de panneau qui s’allume, s’éteint, tel un feu clignotant, avec en exergue « Sommation » puis « Nous autres morts », et autres inscriptions signifiant aux villageois de partir et de leur laisser la place. Des souffles de vent, ou des expirations d’individus invisibles enveloppent ceux qui déambulent dans les rues. Entre le jour et la nuit, peu de différence d’autant le sommeil est perturbé. Au petit matin, comme mu par un signal imperceptible, tout ce petit monde sort des habitations, se retrouve aux portes de la ville chassé inexorablement. Les lourdes fermetures de bois se referment sur eux, et hommes, femmes et enfants sont désemparés, déboussolés. Sur la ville stagne toujours cette nuée tandis qu’à l’extérieur le soleil brille.

 

oliphant2.jpgDigne des Highlands, disais-je plus haut. Oui, cette sorte de brouillard, ces fantômes qui investissent la ville, les fortifications qui font penser à un château fort médiéval, sont représentatifs de l’atmosphère écossaise. Mais ce qui est le plus étonnant est bien le recul pris par Mrs Oliphant dans ce roman. Elle, auteur féminin, ne se prive pas de placer des piques envers ses consœurs. Ainsi lorsque le curé laisse supposer que lui aussi porte ses soupçons sur les religieuses de l’hôpital, il déclare : « Monsieur le Maire, me dit-il, il ne faut jamais se faire d’affaire avec les femmes, car tout leur semble légitime pour arriver à leurs fins ». Quant à la religion, si elle est présente à tous instants, elle n’est pas gérée comme un élément dont il faut absolument en faire l’apologie. « Chacun est libre de croire à la religion ou de ne pas y croire, mais nous aimons tous notre vieille cathédrale… ». Comme les athées qui entrent dans les églises afin d’en apprécier l’architecture, les sculptures, les décors… Autre fait significatif, le regard que porte Mrs Oliphant sur les Français, ou tout au moins une partie d’entre eux, alors qu’elle a vécu en France, et plus précisément à La Roche-en-Brenil, dont elle s’est inspirée pour planter le décor de ce roman. « Dupin s’était obstiné avec l’entêtement machinal des bourgeois de France, toujours prêts à recommencer indéfiniment la même besogne vaine pour se persuader à eux-mêmes qu’ils font quelque chose ».


Mrs OLIPHANT : La ville enchantée. Collection Baskerville N°1, Rivière Blanche. 192 pages. 17,00€.

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17 mars 2014 1 17 /03 /mars /2014 15:42

 

Et moi je dis Vive les ponts !

 

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Alors qu'il essaie de comprendre et d'analyser les deux gravures figurant sur un vieux volume des Trois contes de Gustave Flaubert, un ouvrage datant des années 1920, Jules Kostelos est importuné dans ses rêveries par l'appel du commissaire Jeton, lequel lui demande de retrouver son vélo qui lui a été volé. Il vérifiait en compagnie de l'inspecteur Charbovari le pont Flaubert, car les bâtiments prévus pour une nouvelle manifestation de l'Armada vont arriver sous peu.

botesinni.jpgCharbovari plait aux femmes et il a même monté une troupe théâtrale afin de pouvoir côtoyer des actrices en toute impunité. Il doit mettre en scène pour le 14 juillet de cette année 2017 un gigantesque spectacle qui allie pyrotechnie, musique et prestation aquatique, spectacle qui s'intitule Le Don Juan ou la chute du pont. Ce ne serait qu'anecdotique si cet opéra féérique n'avait pas été composé par Gustave Flaubert et un certain Giovanni Bottesini. Bottesini, dit le Paganini de la contrebasse, Kostelos connait car lorsqu'il vivait dans l'Est, il avait découvert son univers musical en chinant avec un ami chez des disquaires.

Une heureuse rêverie prend Kostelos dans ses bras et il revisite sa rencontre avec Salammbô, son amie. Si Salammbô est le titre d'une œuvre de Flaubert parue en 1862, Salammbô est également la conservatrice du TGMO, Très Grande Médiathèque de l'Ouest, un édifice construit entre 2015 et 2016. Heureuse cité rouennaise qui possède un tel monument dédié aux livres. Et Salammbô est très érudite, ce qui est aux yeux de Kostelos le petit plus mettant en valeur sa beauté naturelle de Martiniquaise native d'un bourg nommé le Lorrain, ce qui les rapproche un peu plus puisque Kostelos est de la région de Sarreguemines.

Alors notre détective amateur de littérature se promet bien de dénouer cette intrigue. Non pas le vol du vélo, incident qui passe au second plan, mais l'origine de cet opéra cosigné Flaubert et Bottesini dont nulle part il n'existe trace.

Il tente de remonter la piste (non cyclable) de cet opéra et grâce Pauline Viardot-Garcia 1à Salammbô il fait la connaissance, avec quelques décennies de retard, de Pauline Viardot, cantatrice et compositrice, de sa sœur dite La Malibran, effectue quelques excursions par la pensée en Corse sur les traces de Flaubert lui-même cheminant sur les pas de Napoléon, au Mexique embarquant aux côtés de Bottesini.

La foule commence à se presser sur les quais attendant de pouvoir investir les navires qui viennent de tous horizons. Kostelos se rend à la TGMO et compulse les fichiers d'ordinateur à la recherche d'un ouvrage pouvant lui fournir quelques éléments de réponses à ses recherches. Astulf, le magasinier qui fait également office de bibliothécaire, lui affirme que son ancêtre, R.G. Astulf a honteusement été plagié par Flaubert. Madame Bovary, L'Education sentimentale, La Tentation de Saint Antoine, Bouvard et Pécuchet, ne sont que des pillages des textes de Rémy-George Astulf, né en 1630 à Lintayrneth en Vlaçkessadoni et mort à Rouen le 12 décembre 1721.

Pendant ce temps Charles Hockolmess, le chat noir, rêvasse près du chapeau melon qui lui sert de couche et de couvre-chef, songeant aux différents ponts qui ont enjambé la Seine à Rouen, à leur construction, leurs difficultés à rester sur leur pieds, leur historique, leurs avatars.

 

FlaubertSalammboPierre Thiry nous offre une aimable causerie littéraire propice pour se baguenauder dans les chemins pavés de romans, d'essais et de compositions musicales, ponctuées de biographies, le tout sous l'égide tutélaire et littéraire de Gustave Flaubert. Ah si au collège, nos professeurs de français nous avaient entretenu de cette façon de l'œuvre de l'écrivain normand, nul doute que notre attention eut été plus vive et nos lectures moins dissipées !

Evidemment le lecteur ne manquera pas de remarquer quelques affabulations, quelques clin d'œil par ci par là, ne serait que ce Rémy-Georges qui nous renvoie George Rémi plus connu sous le nom d'Hergé. Et à l'heure d'internet et des liseuses, tablettes et autres supports informatiques, la création d'une Très Grande Bibliothèque est un vœu pieux qui ne pourra rester qu'une utopie sauf si le livre est considéré comme un aliment indispensable de la culture et de l'esprit, comme le pain l'est pour les nourritures terrestres. Mais l'on sait combien ces deux aliments sont décriés, le pain par des médicastres et des diététiciens anorexiques et le livre par des individus qui ne veulent pas que l'esprit soit ouvert à toute forme d'intelligence et de réflexion. L'on se souvient du tollé provoqué lorsque Louis Hachette eut cette idée merveilleuse du Roman dit de gare (voir à ce propos mon article sur l'Origine du roman de gare).

On y retrouve au détour d'un paragraphe, outre de nombreuses références littéraires ou historiques, parfois redondantes ou répétitives comme celle concernant la prise de la forteresse de Malakoff à Sébastopol le 8 septembre 1855 qui est citée dans un paragraphe et une note de renvoi dans la même page (118), on y retrouve donc un contrebassiste célèbre du nom de Charlie Mingus via le truchement de son livre autobiographique Moins qu'un chien dont je vous invite à compulser ma notice sur ce blog.

Un roman sérieux bourré d'humour !


Pierre THIRY : Le mystère du pont Gustave-Flaubert. Editions Books on Demand. Parution Octobre 2012. 312 pages. 22,00€.

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  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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