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24 janvier 2014 5 24 /01 /janvier /2014 17:29

Y-a-t-il un traducteur dans la salle ?

 

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Doit-on chroniquer en bien un livre qu'un auteur vous a dédicacé ?

La courtoisie aidant, je serais tenté de dire oui. Mais si on réfléchit bien, la flatterie est un produit hypocrite et la notule s'en ressent. Ne pas en parler serait le plus simple. Oui mais, les goûts des uns n'étant pas forcément ceux des autres, et qui aime ou déteste un roman n'a pas forcément raison. Un roman est bon pour les uns et complètement nul pour les autres. Alors soyons réaliste, franc et avant de dire si j'ai pris du plaisir avec ce roman ancré dans notre époque, étudions l'histoire.

Le Narrateur possède un curriculum vitae plus impressionnant que celui d'un patron du CAC 40, et pourtant ceux-ci accumulent les satisfécits qu'ils se décernent sur le dos des petites gens. Consultons son palmarès :

Condamnations pour vandalisme, baston, vol avec violence, outrage à agent, baston, stup, encore stup, agression, rébellion, vandalisme, baston.

Après avoir purgé une peine de quatre mois de prison, il retrouve ses potos (l'on sent l'influence de l'écriture rapide liée à l'envoi de messages électroniques, car normalement l'on écrit Poteau, en référence à ce bout de bois qui sert à s'appuyer dessus, lequel est un copain sur lequel on peut compter. Théoriquement !), lesquels potos lui proposent de fêter l'événement. La sortie en boîte, ce qui est un non-sens parce que en général on y entre, est déclinée. Le narrateur préfère une petite virée au Bois de Boulogne. Il veut se refaire en proposant de la drogue, du foin amélioré et autres produits toxiques aux prostituées et éventuellement à leurs clients.

Aussitôt la virée s'élance, deux voitures occupées par Souleymane, Makita, Youssouf, Vamp, Miki, Ahmé ou encore Farid, une escapade sur les chapeaux de roues. Mais le coin du Bois que Le Narrateur et ses comparses ont élu comme base est envahi par des Brésiliennes. Enfin, plutôt des Brésiliens, des travestis, des transsexuels. Et le Brésil n'est pas la seule nation représentée. Bien éméchés par les diverses boissons alcoolisées qu'ils ont ingurgitées, et qu'ils continuent de boire en abondance, ils agressent verbalement et physiquement les résident(e)s. Leurs neurones sont atteints par l'éthylisme et la drogue et ils ne se contrôlent plus. Ségrégation, ostracisme, pointe de racisme, ils portent ces sentiments malsains comme un étendard. Pourtant ils se méfient de la maréchaussée qui rôde et à la moindre alerte se cachent dans les buissons et les chemins environnants. Pourtant ils arrivent à alpaguer quelques clients en manque, des prostituées aussi. Il faut être réaliste et pragmatique. Même s'ils se montrent comme des êtres abjects, ils pensent aussi à leurs portefeuilles. Et ils vont faire la connaissance de Paola...

J'ai arrêté à ce moment ma lecture, incapable de continuer, aussi je vous livre le reliquat de la quatrième de couverture : Le business fait florès jusqu'au jour où Paola, un trans brésilien, véritable star du Bois, est assassiné. La police quadrille tout le secteur. Mauvais pour les affaires. D'autant que ce meurtre n'est que le premier d'une longue série des plus violentes.

 

Verdict :

Sur le fond, nous lisons une banale histoire de drogue, de violence, de prostituées et de meurtres déjà surabondamment exploitée par le passé. Seule la forme est nouvelle dans l'emploi d'un langage issu de Nord, du Sud, de l'Ouest ou de l'Est, sans oublier l'argomuche parigot, dans un amalgame complexe d'idiomes, d'un pot-pourri de néologismes, de verlan, d'argot manouche le tout assaisonné par le rebeu (le beurre en verlan ?). Là encore l'argot fut une forme d'écriture dans les années cinquante qui mit en avant des auteurs comme Simonin et Bastiani. Mais ces deux romanciers, s'ils écrivaient en langue verte, sans emprunter à d'autres formes qui aujourd'hui sont l'apanage, parait-il, des marginaux des cités, ont eu l'élégance et la courtoisie de placer en fin de volume un lexique ou un glossaire.

En mon âme et conscience, je peux vous avouer que si je n'ai pas aimé, ce qui ne veut pas dire que ce roman est mauvais, car tout est subjectif, des lecteurs âgés entre vingt et cinquante ans s'en délecteront peut-être, retrouvant un quotidien et un vocabulaire auquel je ne suis pas habitué.

Mais si je vous proposais un petit exemple :

Souleymane à l'avant finit de rouler un djockoss. Il ne tise pas Souleymane, c'est haram. Mais il se rattrape comme il faut sur le bédo. Il éclate son splif et fait tomber une boulette sur le siège. Le Rabza le grille en force et s'énerve : "Putain mais fais belek, cousin ! T'es un bouffon ou quoi mon gars ? Elle est à mon daron, la gova, pas à moi !"

 

Et oui, il faut s'adapter, lire et relire et enfin assimiler ce dont il s'agit. On comprend, avec un petit effort, ce que l'auteur veut écrire. Mais s'il ne s'agissait que d'un paragraphe, ce serait un moindre mal. Non, le lecteur déboussolé (moi) n'a pas réussi à garder son attention durant cent-quatre-vingts pages. Et s'il ne s'agissait que de l'écriture, cela pourrait encore passer, quoique, mais je n'adhère pas à ces énergumènes qui se conduisent en voyous arrogants et malsains.

Nous n'avons pas les mêmes valeurs !

Ce qui ne m'empêche pas de vous signaler que Johann Zarca possède un site que vous pouvez consulter gratuitement :

Le mec de l'underground.


Johann ZARCA : Le Boss de Boulogne. Editions Don Quichotte. Parution le 16 janvier 2014. 180 pages. 16,00€.

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23 janvier 2014 4 23 /01 /janvier /2014 08:42

Quand c'est fini, ça recommence ?

 

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Cela fait sept ou huit ans que Maxime, le fils de Thiphaine et Sylvain est mort, écrasé sur la terrasse en chutant de la fenêtre de sa chambre. Depuis Thiphaine et son mari, qui ont adopté Milo, le fils de leurs plus proches voisins, ont déménagé, le gamin ayant hérité de la maison de ses parents. Ils ont se sont donc installés dans la maison jumelle de celle qui était la leur, ce qui ne manque pas de raviver parfois les souvenirs liés à ce drame.

Une nouvelle voisine aménage et Tiphaine, tout autant que Milo, est intéressée par le mouvement provoqué dans la rue par le déchargement des cartons et des meubles. Si Tiphaine fixe plus ses regards sur Nora, la mère, Milo est subjugué par Inès, la fille de treize ans. Nora et Alexis sont séparés, et n'ont la garde de ses gamins qu'une semaine sur deux, mais un autre enfant est présent. Un garçon nommé Nassim, qui a l'âge qu'avait Maxime lorsqu'il est décédé. D'ailleurs Tiphaine a cru comprendre Maxime lorsque le garçon s'est présenté alors qu'il regardait par la haie.

Le couple Tiphaine et Sylvain s'est délité progressivement depuis l'accident. Ils ont obtenu d'être les tuteurs de Milo, mais celui-ci pense que s'il aime quelqu'un, s'il s'attache à un être cela ne peut que nuire à cette personne. Pourtant il est attiré par Inès, un sentiment réciproque et la jeune fille tente de l'appâter en communicant par les réseaux sociaux et son portable.

Nora trouve un emploi à mi-temps comme assistante maternelle, mais la défection d'une collègue malade l'oblige à changer ses horaires de travail. Elle va s'occuper de la garderie en fin de classe et elle ne peut plus aller chercher ses enfants. Pour Inès ce n'est pas trop grave, mais elle s'inquiète pour Nassim. Elle sollicite son amie Mathilde mais elle-même doit satisfaire à quelques occupations aussi elle se retourne vers Tiphaine, laquelle accepte volontiers.

Un jour, alors que Sylvain et Nora discutent ensembles, Alexis, le mari de Nora dont c'était la semaine de garde, arrive en compagnie de Nassim et d'Inès. C'est un homme qui n'accepte pas d'être séparé de sa femme et comme de plus il est jaloux et ombrageux, il se pose des questions. D'ailleurs, ces deux maisons jumelles, il les reconnait. Avocat, il a traité une affaire huit ans auparavant et son client s'est pendu. Il en fait part à Nora, puis rentré à son cabinet, il se rend compte qu'il s'est trompé de numéro. Ce n'est pas la maison de Nora qui est devenue la maison du pendu, mais celle qui est accotée à la sienne. Mais ce qu'il ne comprend pas, en vérifiant les noms sur la boite aux lettres, c'est que le nom de Milo est associé à ceux de Tiphaine et Sylvain.

Tout les éléments du drame sont mis en place. Il ne reste plus qu'à Barbara Abel à allumer la mèche et déclencher cette tragédie.

 

Ce qui suit va peut-être vous interloquer : je vous conseille de ne pas lire le prologue. Un prologue permet de situer les personnages et l'action de l'œuvre et sert en général de préface ou d'introduction à ce qui s'est déroulé antérieurement. Or ici ce n'est pas le cas.

Le futur lecteur qui préfère s'imprégner de l'ambiance et de l'atmosphère d'un roman et qui au lieu de se fier à la quatrième de couverture, en lisant les premières pages, va être harponner par ce prologue. D'emblée il entre de plein fouet dans une scène d'angoisse et ce prologue terminé lorsqu'il entame le premier chapitre, toute la montée d'adrénaline qu'il a ressentie retombe comme un soufflé, le ressort se casse. Et en réalité ce prologue est à placer entre le chapitre 53 et le chapitre 54, soit quasiment à la fin de l'histoire. Ceci n'est qu'une mise en garde gratuite, vous faites comme vous voulez, mais je vous aurai prévenu.

Les allusions sont comme des rayons laser qui détectent la mauvaise conscience et la font sortir de son trou plus sûrement qu'une carotte devant le terrier d'un lapin.

Et ce sont bien les allusions puis l'interprétation qui en est faite qui servent de détonateur. Le lecteur ne peut s'empêcher de penser que les personnages agissent parfois en dépit du bon sens. Il voudrait leur dire, mais non, c'est pas comme ça qu'il faut faire, tu te conduis comme un(e) imbécile, tu cours à la catastrophe. Mais rien n'y fait. Ceux-ci ont décidé de prendre à leur compte cette maxime des Shadocks : Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué !

Dans ce roman l'angoisse et le suspense montent en puissance, insidieusement, au fur et à mesure que Barbara Abel dispose ses personnages, les nouveaux et certains de ceux qui ont joué un rôle prépondérant dans Avant la haine, et développe l'intrigue. Tout l'art de jouer avec le lecteur dans un rythme lancinant, fascinant et incidemment de le laisser légèrement sur sa faim, car l'épilogue suppose une suite à cette histoire. Après la haine et Après la fin, pourquoi pas Après les débuts ?


Barbara ABEL : Après la fin. Editions Fleuve Noir. Parution le 14 novembre 2013. 334 pages. 18,50€.

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22 janvier 2014 3 22 /01 /janvier /2014 14:53

Il ne faut pas se leurrer. Arrivé à un certain âge, pour ne pas dire un âge certain, l'être humain "voit" son acuité visuelle, tout comme d'autres organes sur lesquels je ne m'étendrai pas plus, décliner. J'en sais quelque chose. Et lire un livre imprimé en petits caractères devient rapidement un parcours du combattant, recherche de lunettes adéquates et chères, de loupes grossissantes mais encombrantes, ou autres objets qui rapidement à l'usage ne satisfont pas le liseur impénitent.

Créées en 1998 les éditions Libra Diffusio ont pensé à nous qui ne pouvons plus, ou dans des conditions laborieuses, satisfaire à notre plaisir quotidien qu'avec difficulté.

 

 

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Je leur laisse la parole :

Libra Diffusio, maison d’édition en gros caractères, a pour vocation depuis sa création en 1998, de redonner le goût de la lecture aux personnes malvoyantes ou ayant besoin d’un meilleur confort visuel, en leur proposant un large choix de best-sellers (romans, terroirs, policiers, sagas historiques...) par des auteurs reconnus (Patricia Cornwell, Marie-Bernadette Dupuy, Irène Frain, Jean-Christophe Grangé, Katherine Pancol, Jean Teulé, Nicolas Vanier, Delphine de Vigan…)

À ce jour, elle a publié plus de 650 titres.

Depuis plusieurs années, Libra Diffusio travaille en étroite collaboration avec les bibliothèques, médiathèques, maisons de retraite ainsi que les professionnels de santé (ophtalmologues et orthoptistes) dans un objectif de sensibilisation à la basse vision.

Ainsi, ses ouvrages sont spécialement adaptés, avec un papier ivoiré antireflets, pour une lecture plus confortable.

 

Je précise que cette maison d'édition propose les ouvrages imprimés en différentes grosseurs :

Dans un souci de répondre à votre demande, les Éditions Libra Diffusio vous proposeront à partir du mois de janvier 2014 des livres en corps 19.

Testez les différentes tailles de caractères entre le corps 12 (taille classique), le corps 16 (pour un meilleur confort de lecture) et le corps 19 (pour un confort encore plus grand).

·         Corps 12

·         Corps 16

·         Corps 19

 

Un petit tour sur leur site vous permettra de consulter leur catalogue, et si vous n'êtes pas concernés, ce que je vous souhaite, vous possédez sûrement un membre de votre famille, un ou une amie qui saura apprécier ces ouvrages en toute plénitude et décontraction.

 

Et n'oubliez pas, l'important c'est de lire !

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22 janvier 2014 3 22 /01 /janvier /2014 09:17

Sur les chapeaux de roues... !

 

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A quelques jours du départ des 24 heures du Mans, l’effervescence est à son comble dans les stands des différentes écuries engagées. Tout autant chez Bentley dont c’est le retour, que chez Audi ou les sans grades qui recherchent les places d’honneur comme chez Amoncar.

Pierrot Tracy, journaliste à Automobile International, réputé pour son éthylisme, repense en cette année 2001, à ce qui c’est déroulé vingt ans auparavant. Un accident qui s’est terminé tragiquement.

Bouboule, cuisinier de l’écurie Amoncar, croit reconnaître en ce journaliste le frère d’un pilote. Tracy nie toute attache fraternelle mais il pensait qu’en vingt ans il avait changé physiquement. Assez pour déjouer toute identification. Il n’a qu’une solution avant que Bouboule à la langue bien pendue, parle autour de lui de cette coïncidence. Le tuer. Puis il enlève Emilie, attachée de presse et fille du patron de l’écurie, et la cache dans son camping-car.

En réalité il n’a qu’une obsession, faire perdre toute crédibilité à Morris Malagut, le premier pilote d’Amoncar, contre lequel il voue une rancune tenace. Malagut n’est qu’un fier à bras, qui revient sur le circuit, apportant, selon ses dires, des sponsors. Mais ce n’est pas un coureur exemplaire. D’autres évènements, non imputables à Tracy, se jouent en coulisse, et les policiers chargés de l’enquête y perdent le peu de latin qu’ils connaissent.

 

Off course est un roman de fiction certes mais ancré dans un cadre réel et dans lequel se côtoient protagonistes fictifs et personnages connus. Menée à un rythme haletant cette intrigue sur fond de vengeance mène le lecteur de surprise en surprise, durant les vingt quatre heures de la course. Le décor et les à-côtés de ce cirque automobile en fournissent un charme supplémentaire qui ne laissera pas insensible ni le lecteur accro des courses ponctuées d’ennuis mécaniques, ni l’amateur de suspense.

 

Voir ma présentation des éditions Libra Diffusio


Renaud WAGENAAR : Off course, Traque aux 24 heures du Mans. Editions Libra Diffusio. Parution janvier 2004. 248 pages. 10,00€.

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21 janvier 2014 2 21 /01 /janvier /2014 08:52

Gaboriau n'avait pas mis tous ses œufs littéraires dans le même panier, même si Lecoq reste le roi de la basse-cour.

 

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Si le nom d'Emile Gaboriau reste attaché comme le créateur du roman judiciaire et le romancier ayant influencé Sir Arthur Conan Doyle dans la conception d'un personnage qui occultera l'œuvre de l'écrivain britannique, Sherlock Holmes, il serait injuste de cantonner le natif de Saujon (Charente-Maritime) dans des ouvrages souvent réédités et dont le personnage principal est l'inspecteur Lecoq. C'est ce que s'attachent à démontrer dans ce numéro double et copieux les différents contributeurs, en présentant l'écrivain et en analysant son œuvre. Car Emile Gaboriau n'est pas simplement le rédacteur de L'affaire Lerouge, du Crime d'Orcival, de Monsieur Lecoq, du Dossier 113 ou encore du Petit vieux des Batignolles, mais d'un ensemble de romans qui forment une peinture sociale de son époque.

Je ne résiste pas au plaisir de vous livrer quelques extraits empruntés à l'introduction de ce dossier signée par Thierry Chevrier.

Le dossier consacré à ce pilier de la littérature policière et de la littérature populaire que fut Emile Gaboriau entend approfondir la connaissance de l'auteur, et lui rendre sa variété, souvent occultée par les éléments saillants de sa carrière.

Après un premier article où je situe les trois grandes phases de l'œuvre du romancier saintongeais, et j'explique comment elles se sont enchaînées historiquement, Louis-Pierre Coradin propose un portrait nuancé du personnage, évoquant des détails biographiques grâce à des documents issus des archives familiales, qui permettent de retracer finement son parcours...

Le dernier article de Pierre-Louis Coradin éclaire ce que Gaboriau rêvait d'être (et a été, même si la postérité ne l'a pas retenu) : un peintre social, capable de donner une idée fine et nuancée de son époque et de ses travers, rien moins qu'un "autre Balzac". Ce texte resitue Gaboriau dans son siècle au milieu des événements qu'il connut, sur le plan technique que culturel, et étudie les éléments critiques contenus dans quatre de ses romans à tendance plus engagée...

...il (Ulrich Schulz-Buschhaus) s'appuie sur Le crime d'Orcival, modèle de ce qu'il appelle le "feuilleton policier" mais aussi véritable roman social dont il décompose la structure, montrant combien sa logique échappe à la critique habituelle du "laisser-aller" teinté d'improvisation du romancier pressé qui écrirait au jour le jour....

 

rocambole1-gaboriau.jpgGaboriau, sa vie, son œuvre, et plus encore. Ce copieux dossier qui ne pouvait entrer dans un numéro simple du Rocambole démontre que le romancier, s'il fallait le préciser, était plus que le père de l'enquêteur puis inspecteur Lecoq. Quelles furent les débuts dans la vie littéraire de celui qui, bien avant les romanciers américains, effectua une multitude de petits boulots afin de subsister et se consacrer à sa passion de romancier, dédaignant l'étude notariale paternelle en préférant s'exiler à Paris. Ses débuts en demi-teinte, puis la reconnaissance du public grâce à la parution en feuilleton, en deux temps, la première fois dans Le Pays qui passa inaperçu et la seconde fois dans Le Soleil dont Eugène Chavette (Aimé de son concierge) était le rédacteur en chef, de L'affaire Lerouge.

Heureusement les différents contributeurs de ce numéro du Rocambole nous rappellent, et la bibliographie est là pour le démontrer, que d'autres ouvrages méritent qu'on s'attardent dessus, tant par la qualité que par le contexte social qu'ils décrivent. Je ne prendrai pour exemples que La Clique dorée et La Vie infernale que l'éditeur malouin Pascal Galodé a eu l'heureuse initiative de rééditer alors que ces textes n'avaient pas été réimprimés depuis des décennies (et depuis disponibles en Epub et autres versions numériques). Et Pascal Galodé n'entend pas en rester là en publiant, prochainement j'espère, La Marquise Brinvilliers, le premier roman de Gaboriau, sous le titre Le Diable de la Bastille et La Dégringolade qui date de 1871, jamais reparu depuis le XIXème siècle. Ce n'est pas peu dire que voilà un véritable travail d'éditeur que de dénicher des perles rares en en permettant l'accessibilité à un lectorat qui ne soit pas restreint.

Le dossier sur Gaboriau n'eut pas été complet sans la recension des adaptations de l'œuvre de Gaboriau au théâtre, au cinéma, à la radio ou encore à la télévision. Mais un autre article retiendra l'attention des bédéphiles, c'est Gaboriau en planches ou son œuvre illustrée et mise en bandes dessinées. On y retrouve les noms de Godefroy Durand, son premier illustrateur, d'Henri Lanos, de Paul de Sémant, de Guy Marcireau pour une bande dessinée parue en feuilleton dans Le Parisien dans les années 1960, de Jacques Caron ou encore Florent Bory dans des projets d'adaptation. Et sans oublier une nouvelle Les deux gazetiers (1867) ainsi qu'un pastiche : Le dossier 114 par Abel Valabrègue, et les continuateurs dont Fortuné de Boisgobey qui écrivit La Vieillesse de Monsieur Lecoq en 1877, quatre ans après le décès de Gaboriau. Gaboriau s'est éteint de maladie le 29 septembre 1873, il n'avait que quarante et un ans.

Ce nouveau numéro du Rocambole indispensable à tout amateur de littérature populaire, de littérature tout court, réserve d'autres surprises aux curieux et aux passionnés de la vie littéraire du XIXème siècle et ils se rendront compte que cette œuvre n'est pas désuète mais au contraire prend toute sa force et sa signification encore aujourd'hui, à l'instar de l'œuvre de romanciers qui ne sont pas tombés dans les oubliettes tels Balzac, Flaubert, Hugo ou Dumas.

Des écrivains tels que Paul de Kock, aujourd'hui oublié, dontpaul-de-kock.jpg Daniel Compère pose la question de savoir s'il était un romancier populaire, ont droit à des articles intéressants. Et dans celui justement consacré à Paul de Kock, il est amusant de lire qu'un critique littéraire fustigeait ces romanciers qui écrivaient pour vivre. Il s'agissait de Sainte-Beuve (et je m'en voudrai d'ajouter, comme un lycéen qui dans une copie en planchant sur un texte de ce littérateur affirma : Cette sainte avait raison) dont l'article paru dans La Revue des deux mondes en 1839 sous le titre La littérature industrielle. Autres auteurs bénéficiant d'un article : Michel Morphy, inoubliable créateur de Mignon, Léon Sazie et Gustave Le Rouge.

Sans oublier quelques rubriques concernant des autographes dénichés ça et là, des lettes de romanciers éclairant un peu mieux leur vie quotidienne et littéraire et l'annonce de parutions de revues et d'ouvrages spécialisés ou encore de rééditions d'auteurs majeurs ou méconnus du XIXème siècle, début du XXème.

Une véritable mine d'informations propre à contenter tout un chacun qui s'intéresse de près ou d'un peu plus loin à la littérature dite populaire des décennies passées.

Et, appliquant le principe du qui aime bien châtie bien, je n'ai pu m'empêcher de relever sous la plume d'un chroniqueur dans une notule consacrée à une étude publiée par Volum édition : Malgré la présence de nombreuses coquilles récurrentes, j'ai pensé à ce court film L'arroseur arrosé de Louis Lumière. En effet, nul n'est parfait, de nombreuses coquilles émaillent certains articles de ce numéro double ce qui est fort dommageable.


Pour tout savoir sur la revue le Rocambole, c'est ici


Revue le Rocambole N°64/65 : Enquêtes sur Gaboriau. Parution Janvier 2014. 352 pages. 27,00€.

L'abonnement pour quatre numéros (ou trois dont un double) est de 48,00€.

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20 janvier 2014 1 20 /01 /janvier /2014 12:00

 Bon anniversaire à Jim Nisbet né le 20 janvier 1947.

 

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Viré de la police pour une quelconque bavure, une bricole, Martin Windrow s'est reconverti comme détective privé. Ce n'est pas le premier, ce ne sera pas le dernier. Pour l'heure Windrow relève de blessures, aussi il se contente d'un petit boulot pas trop difficile, pas trop fatigant, porter par exemple la convocation de comparution devant le tribunal et les papiers du divorce à un certain Herbert Trimble.

Mais lorsqu'il arrive chez celui-ci c'est premièrement pour trouver porte close et puis ensuite tomber sur les gars de la Criminelle qui enquêtent sur le décès plus que suspect de la voisine de Trimble.

Ce pourrait être un suicide mais il s'agit plus vraisemblablement d'un meurtre. Tout accuse Trimble d'être le coupable. Une trace de sang à l'intérieur de son appartement mais surtout une phrase dactylographiée sur une feuille qui dépasse de la machine à écrire : J'ai toujours voulu

écorcher vif une femme, l'impliquent. Comme début on ne fait guère mieux !

Windrow ne croit guère à la culpabilité de Trimble. Consciencieux il va annoncer la nouvelle à l'ex-épouse de Trimble mais non seulement il risque se faire violer par celle-ci mais de plus il fait la connaissance d'un homme qu'il pense être Trimble et qui manie avec désinvolture et dangerosité un canne-épée. Rien que ceci lui donnerait envie de faire sa propre enquête, mais qu'un homosexuel lui propose deux cents dollars pour le faire le conforte dans sa décision. Alors pourquoi se gêner, même s'il marche sur les brisées de ses anciens collègues.

 

Jim Nisbet, dans ce premier roman traduit en France, nous propose de découvrir un détective privé qui commence mal son entrée en littérature puisqu'il relève de blessures et est à peine guéri. Des petits bobos, côtes cassées et points de suture à l'abdomen et aux fesses par exemple, qui n'entament en rien son courage. Un bon premier roman qui en appelait d'autres, ce que fit d'ailleurs François Guérif, le directeur de cette collection.

Un roman qui ne force pas trop sur les doses d'hémoglobine, de violence et de sexe, et qui se lit d'une traite avec plaisir. Un nouvel auteur qui a conquis depuis de nombreux lecteurs, et la collection compte désormais une douzaine de romans à découvrir pour ceux qui ne l'ont pas encore lu.


Jim NISBET : Les damnés ne meurent jamais. Traduction de Freddy Michalsky. Collection Rivages Noir N° 84. Parution Février 1990. Editions Rivages. 192 pages. 7,65€.

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19 janvier 2014 7 19 /01 /janvier /2014 08:51

Vous les hommes...

 

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Responsable du service de recherche clinique de neurologie au Royal Edimburg Hôpital, le docteur Scott Kinross s’est plus particulièrement focalisé sur l’étude des maladies neuro-dégénératives comme la maladie d’Alzheimer. Sa collègue Jenni Cooper travaille sur les calculs statistiques de prévision de basculement et elle pense être parvenue à déterminer un indice fiable approchant les 90%. Et ce soir là elle appelle en urgence Scott, une de leurs patientes étant supposée basculer dans la démence dans un laps de temps assez proche. Le pronostic établi par Jenni est malheureusement fiable et Scott ne peut que constater le basculement fatal. La vieille dame qui ne souffrait que de troubles de la mémoire s’est transformée en malade agressif.

Dans divers endroits de la planète des phénomènes étranges se concrétisant sous forme d’assassinats en série se produisent en cascades. En Sibérie des ouvriers employés dans une mine de lithium deviennent en peu de temps des meurtriers, se tuant les uns les autres sans raison. Seuls deux employés sont toujours vivants, gravement blessés et leur esprit quasiment irrécupérable, et Eileen, une jeune Australienne qui n’était descendue sous terre que depuis peu, a réussi à échapper aux forcenés. Mais elle est traumatisée et ne peut répondre aux questions du docteur Scott qui s’est rendu sur place. Dans le recoin où elle s’était réfugiée figurait une inscription tracée en lettres de sang : Nous étions les hommes ainsi que l’empreinte d’une main. En Alaska un phénomène similaire se produit, dans une école d’électronique, et une trentaine d’élèves s’entretuent. Scott est alerté par un psychiatre de Washington et le transfert d’un survivant est organisé. Le jeune homme est atteint de démence. Une infirmière parvient à canaliser ses émotions. Entre le malade et sa soignante s’établissent des liens plus qu’amicaux, seulement tout se gâte lors d’une expérience. Les policiers qui assistent à l’entrevue entre le malade et son infirmière interprètent mal le geste effectué par le dément et l’abattent.

Scott est sollicité par Greenholm, un vieux monsieur richissime, afin qu’il soigne sa femme. L’homme utilise un stratagème sournois mais il parvient à ses fins. En échange il offre son aide financière et logistique afin que les travaux réalisés par Jenni et Scott puissent se concrétiser sous forme de brevets. Or ces dossiers, explosifs, sont âprement convoités par des associations, des personnes peu scrupuleuses, car leurs travaux et surtout les conclusions auxquelles Scott et Jenni ont abouti, vont à l’encontre de leurs intérêts. Pour certains le progrès est doit être un but mercantile, quelles qu’en soient les conséquences sur l’humanité. Et pour arriver à leurs fins ils n’hésitent pas à employer la manière forte. Heureusement Scott et Jenni vont pouvoir compter sur Greenholm et son bras droit et garde du corps et accessoirement par une cellule de recherche composée de Jésuites.

 

Nous-hommes.jpgGilles Legardinier pose avec lucidité et humanisme le problème des intérêts dans la recherche médicale. Problème divergeant selon qu’il est abordé d’une manière réductrice et rétrograde, financière ou tout simplement dans le but de soulager des malades et leurs familles. Les attitudes, les intérêts, les options diffèrent selon les caractères humanistes, égoïstes, égocentriques, mercantile des diverses parties en présence. Et si Gilles Legardinier nous entraîne dans une fiction, il ne faut pas oublier que parallèlement les semenciers et les laboratoires pharmaceutiques n’hésitent pas à mettre en avant des pratiques fallacieuses. La maladie d’Alzheimer est une des priorités médicales actuellement, et tous les ravages qu’elle provoque ne sont pas encore bien définis. Tout comme sa genèse et son évolution et surtout quels sont les facteurs déclenchant. D’autres problèmes, d’autres pistes sont abordés par Gilles Legardinier, mais si c’est fondamental, il existe autre chose dans ce roman : le ressort principal réside dans l’espoir. En filigrane l’espérance d’un monde meilleur. Une utopie ? Peut-être, sûrement, car le progrès est toujours source d’envies de bénéfices exorbitants. Si le début et l’épilogue du roman sont particulièrement spectaculaires, le corps du récit joue surtout sur l’émotion même si parfois il m’a paru manquer de punch, de traîner en longueur. Je ne voudrais pas clore cette note sur une note négative, car ce roman ne le mérite pas. Au contraire, il mériterait un coup de cœur, dans le sens sentimental évidemment et non dans le sens organique.


Gilles LEGARDINIER : Nous étions les hommes. (Première édition : collection Thriller, éditions Fleuve Noir; février 2011). Réédition Editions Pocket. Parution 9 janvier 2014. 468 pages. 7,60€.

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18 janvier 2014 6 18 /01 /janvier /2014 14:18

Bon anniversaire à Franz-Olivier Giesbert, né le 18 janvier 1949.


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Quatre truands Marseillais abattus à quelques semaines d’intervalle, en des endroits différents, et appartenant au gang du Rascous, voilà de quoi intriguer la commissaire Marie Sastre. Le Rascous est l’un des gros pontes de la pègre et les soupçons pèsent sur Charly, autre truand local, travaillant un peu en franc-tireur.

Dix huit mois auparavant, huit hommes du Rascous, avaient monté une embuscade. Charly, malgré vingt deux balles dans tout le corps s’en était sorti miraculeusement. Depuis il vit sur un bateau et n’a gardé que quelques fidèles. Martin, ami d’enfance et trésorier de l’OM, et Mickey et Pat, deux lieutenants en qui il a toute confiance. Une autre piste est évoquée, celle du Pistachier, concurrent direct du Rascous, enfermé depuis des années ,aux Baumettes, mais toujours influent. Charly, traqué doit changer plusieurs fois de lieu de résidence.

Deux autres affidés du Rascous sont descendus, dans des conditions quasiment identiques, mais Charly est hors de cause. Ses animaux, puis Mickey sont mis hors jeu. Aidé de Pat, Charly contacte Aurélio le Finisseur et lui démontre que ses arrangements avec le Rascous ne tiennent pas. Aurélio se fait gruger, ce qui ne plaît guère au jeune truand en devenir. Le Rascous fait enlever Anatole, le fils de Charly, mais Boumian, devenu bras droit du truand facilite l’évasion du gamin.

 

Roman basé sur la guerre des gangs, un de plus, L’Immortel vaut surtout par ses doses d’humour et d’invraisemblance et qui pourtant puisent certains fait dans la réalité.

Franz-Olivier_Giesbert.jpgLe lecteur ne peut s’empêcher de ressentir une certaine sympathie envers Charly, malgré ses méfaits, peut-être parce que ses adversaires sont encore plus corrompus, plus malsains, plus vils. Le Rascous s’enorgueillit de posséder dans sa manche de relations qui se nichent à la Chambre des Députés et même dans quelques ministères clefs, relations qui l’abandonneront vite lorsqu’il sera grillé.

La morale reste sauve, en façade. Plus que le récit, classique, c’est la magie des mots, du parler marseillais, qui opère. Des mots que l’on décrypte, car le lexique est absent, et qui sentent bon la fragrance provençale.

Un film réalisé par Richard Berry a été adapté de ce roman. Il est sorti le 24 mars 2010 et avait comme interprètes principaux : Marina Foïs, Claude Gensac, Gabriella Wright, Jean Réno, Kad Mérad, Jean-Pierre Daroussin, Richard Berry et Venantino Venantini dans les rôles principaux.


Franz-Olivier  GIESBERT : L’Immortel. (première édition Flammarion 2007). Réédition J’ai Lu Policier N°8565. Février 2008. 320 pages. 6,80€.

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18 janvier 2014 6 18 /01 /janvier /2014 07:32

La sardine à l'huile, c'est plus difficile mais c'est bien plus beau que la sardine à l'eau...

 

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La sardine est à Douarnenez ce que sont les Bêtises à Cambrai, la Bergamote à Nancy et les Tomates à Marmande.

A la différence près que ces petites bêtes se présentent par millions en mer un jour et que le lendemain elles ont disparu comme par enchantement. Peut-être noyées.

Les premiers à ressentir cette défection sont bien sûr les pêcheurs qui comptent sur la manne maritime pour nourrir la famille. Ensuite les ouvrières des conserveries car pas de poisson, pas de travail. Et lorsqu'il y en trop de sardines, jamais assez pour les patrons, comme les ouvrières sont payées à l'heure au lieu du mille de sardines depuis les grèves de 1905, il ne faut pas traînailler, la contremaîtresse est là pour activer le mouvement.

Dolorès Marquez est fille de pêcheur. Son père espagnol d'origine, Diego, s'est échoué sur la côte et s'est pris dans les filets des yeux de la belle Marie. Ils se sont mariés et n'ont eu que Dolorès comme enfant. Mais quelle enfant. Rousse au teint mat, un anachronisme qui n'est pas rédhibitoire pour ses consoeurs. Car Diégo a réussi à faire embaucher sa fille chez Monsieur Guéret où elle est employée au tri lors de la réception des poissons, une place située tout en bas de l'échelle des ouvrières, en compagnie de gamines plus jeunes qu'elle. Sa beauté farouche attire l'attention de La Murène, la contremaîtresse, ce qui ne manque pas de déclencher l'ironie et les sarcasmes chez ses collègues. La Murène est, à tort ou à raison, soupçonnée de préférer les femmes aux hommes.

cario4.pngEn sortant de l'usine, Dolorès remarque la Clopine, surnommée ainsi à cause de son pied-bot. La vieille femme avait eu le tort d'être à la pointe des grèves de 1905, et elle avait été licenciée, son nom écrit à l'encre rouge sur les carnets d'embauche des usiniers. Une amitié bourrue s'établit entre la vieille femme et la jeune fille. Des rumeurs de grève commencent à s'étendre et la Clopine n'est pas la dernière à prôner la révolte. Dolorès a l'esprit vif, la répartie facile, ne se laisse pas monter sur les pieds, et cela parfois joue en sa défaveur. Mais elle est jeune, insouciante et elle remarque que Joseph, surnommé Glazig à cause de ses yeux bleus, la regarde avec justement des yeux énamourés. Elle n'est pas insensible à ce gamin plus jeune qu'elle. Elle va quand même avoir bientôt dix-sept ans.

A l'usine, c'est la course contre la montre, et les pêcheurs cario2.jpgsont tributaires des déplacements de bancs de poissons. Diego rêve de pouvoir aller comme certains de ses compères aller à la pêche à la langouste verte au large de la Mauritanie. Outre le fait qu'il serait parti durant de longues semaines, il lui manque les fonds nécessaires pour s'équiper pour une telle expédition. Et un jour alors qu'il allait aborder au quai avec ses marins, une chaloupe effectue une mauvaise manœuvre, et il se retrouve la main gauche coincée entre le plat-bord et la bordure de l'appontement. Il est handicapé et cela va dégénéré. Dolorès elle est importunée par la Murène qui l'incite à la voir chez elle, mais là encore de cette rencontre va découler un incident préjudiciable.

Puis elle aura l'opportunité de devenir demoiselle de compagnie de Guéret dont la demeure est un véritable château. Elle pensait surtout pouvoir aider ses parents, mais elle est considérée comme une pestiférée par les autres ouvrières de l'usine, par la majorité même des habitants de la cité portuaire qui considèrent sa décision comme une trahison. Là encore les rumeurs vont bon train (être colporteur de ragots est un métier facile qui ne demande pas de diplôme) et on l'accuse de coucher avec le patron, un quinquagénaire. Ophélie, une vraie petite chipie, ne manque pas de l'asticoter à propos de certains événements douloureux dont Dolorès serait responsable.

cario1.jpgDans ce docu-roman, c'est toute une époque qui nous est restituée sous nos yeux pleins de compassion. Le dur labeur des sardinières, jusqu'à seize heures de travail parfois, les pieds chaussés de sabot leur coupant la peau, les glissades sur les viscères des sardines, les doigts coupés en étêtant les poissons, les éclaboussures de la friture défigurant parfois les visages, sous l'œil vindicatif et les accès de colère de la contremaîtresse toujours à critiquer négativement ses ouvrières qui ne font pas attention. Le tri sélectif des poissons par des gamines de douze ans, l'école n'étant pas une priorité, effectués avec virtuosité afin de ne pas meurtrir la chair est une opération délicate, tout autant que l'étêtage ou la friture, mais les grades ne sont pas les mêmes et la paie, lâchée au compte-gouttes, arrive à peine à garnir les assiettes. Pourtant, des instants de joie sont préservés par les ouvrières elles-mêmes qui organisent de temps en temps des danses entre deux vacations, afin de se détendre. Quant au sertissage des boites de conserves, les soudeurs-sertisseurs sont remplacés par des machines qui possèdent l'avantage d'aller plus vite et de ne pas revendiquer.

Entre l'été 1923 et le début de l'année 1925, on assiste à la montée en colère des ouvrières, les Penn-sardin ou Têtes de sardines appelées ainsi à cause de leur coiffe, aux grondements de révolte, et l'on découvre quelle fut la vie quotidienne de ce petit peuple courageux et exploité. Douarnenez est la deuxième ville française à élire un maire communiste, Sébastien Velly, après Saint-Junien, et naturellement, les bourgeois, l'Eglise et le commissaire de police Le Gleut qui préfère fricoter aux côtés des puissants que des pauvres, crient haro sur les meneurs. Ils prédisent que tout se terminera comme cela a commencé, une bulle qui éclate au moindre accrochage. Le rôle des syndicats prend alors toute sa signification, surtout lorsque la grève fermera les usines. Les patrons sont décrits comme des êtres fiers, dédaigneux de la basse classe, se sentant investis par leur richesse comme les maîtres du monde. Pourtant la grève générale aura bien lieu, tandis que les usiniers se réunissent devant une table abondamment chargée de victuailles. C'étaient eux qui nourrissaient les ouvrières, et non pas celles-ci contribuaient à leurs richesses. Un déni de la réalité, un mépris affiché envers celles qu'ils considéraient sans l'avouer comme leurs esclaves. Et des briseurs de grève seront embauchés auprès des syndicats jaunes et de la droite fascisante, semant le trouble. Des coups de feu seront même tirés sur le nouveau maire Daniel Le Flanchec. Quatre-vingt-dix ans ont passé, la leçon n'a pas été retenue et les patrons du CAC 40 continuent de pressurer leurs employés, exerçant le chantage de la délocalisation. Le travail est moins dur certes, mais l'esprit est le même.

L'usine était un univers qu'elles exécraient, et rares étaient celles qui éprouvaient un vrai plaisir à s'y rendre. Les ouvrières n'avaient aucun moyen légal de se défendre, puisque la législation du travail accordait aux patrons des conserveries alimentaires la dérogation de faire travailler jusqu'à quarante-huit heures d'affilée. Deux jours sans dormir : on n'imposait pas labeur plus inhumain aux "forçats" de Zola.

Et effectivement, le lecteur est plongé au cœur de la triste réalité et Zola ne pouvait pas ne pas être évoqué. Daniel Cario, au travers d'un roman historico-social mêle fiction, le personnage de Dolorès et ceux qui l'entourent, ses premiers émois et son émancipation, et réalité avec les personnages de Velly, Le Flanchec, Charles Tillon, le commissaire Le Gleut, des usiniers comme Béziers, le briseur de grève professionnel Léon Raynier et quelques autres. Et le lecteur ne restera pas insensible à cette page d'histoire, bretonne certes, mais dont de nombreuses régions sous des formes et des corporations différentes ont connu les mêmes combats.


Daniel CARIO : Les Coiffes rouges. Collection Terres de France. Editions Presses de la Cité. 444 pages. 20,00€.

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17 janvier 2014 5 17 /01 /janvier /2014 08:32

Comme disait ma grand-mère, Si ma tante en avait, je l'appellerais mon oncle !...

 

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Et avec des si, les histoires les plus belles n'auraient plus aucun intérêt. Par exemple, si le père de Benji n'était pas mort dans un combat en Afghanistan, il est probable que le gamin serait resté à Annecy avec ses parents. Mais voilà, son militaire de père victime des talibans l'a laissé seul avec sa mère, et il a mal tourné. Benji a été interpellé devant son collège à Annecy pour trafic de marijuana, il a bénéficié de la mansuétude des policiers grâce à son statut de pupille de la nation et de l'influence de quelques personnes haut placées.

Il aurait pu continuer une carrière de petit délinquant, dans ce domaine point n'est besoin de posséder de diplômes, si René, un ami de son père, militaire lui-aussi, n'avait pas proposé de passer quelques jours sur son bateau à Port Camargue. Benji et sa mère n'ont pas eu à réfléchir longtemps. Ils acceptèrent afin de fuir les miasmes nauséabonds de la petite criminalité que Benji côtoyait à Annecy et enthousiasmé par le soleil et la mer, Benji a compris alors qu'il avait trouvé sa voie : l'eau. La mer, qu'on voit danser le long des golfes clairs, l'appelait telle une sirène et il n'a pas pu y résister.

Sa mère, a compris l'attrait de son fils pour la mer, et elle s'est installée à Sète, trouvant un poste d'infirmière tandis que Benji était inscrit à l'école maritime. Comme il doit effectuer un stage embarqué de quatre semaines, sa mère se résout à faire appel à son frère Gontran qu'une vieille fâcherie familiale avait détourné de ses pensées, lequel est le propriétaire capitaine d'un petit chalutier à Port-Vendres.

La Belle Maria, le navire en question n'a vraiment pas belle allure, un bâtiment des années cinquante complètement déglingué. Et la réception de Pierre, l'officier motoriste, et de son oncle Gontran n'est pas des plus chaleureux. Seul Yacoub, l'homme à tout faire, un Mauritanien, l'accueille avec un sourire éclatant. Ils partagent la même cabine, un placard exigu, puis ils s'attellent aux travaux d'entretien des filets de pêche. Benji met en pratique ce qu'il a appris au collège maritime, et passe son examen haut la main dans la confection des nœuds marins sous l'œil bienveillant de Yacoub. Après un repas frugal, c'est l'heure de se coucher et pour la première l'ado réalise qu'il est seul.

Durant la nuit ils appareillent afin de se rendre sur les lieux de pêche. Benji évite de poser trop de questions indiscrètes, pourtant il est étonné qu'un tel rafiot soit équipé d'une GPS et d'un sondeur en 3 D. Et s'il doit se familiariser avec la timonerie, le pont, les chaluts, il se demande pourquoi la salle des machine est soigneusement cadenassée. Le travail ne manque pas à bord, la relève des filets, le tri puis l'étripage des poissons, dans le froid, le vent.

Benji fait la connaissance de Cheikha, la fille de Yacoub, venue en France poursuivre ses études, tandis que le reste de la famille est au pays. Il fait sa connaissance et est ébloui, mais ce n'est pas le temps de batifoler, le travail avant tout. Toutefois des faits insignifiants, des incidents alertent Benji qui se demande bien ce que son oncle et Pierre, toujours aussi désagréables, peuvent bien trafiquer. D'autant que Pierre et son oncle ne respectent pas les consignes de sécurité imposées, malgré la tempête qui sévit, et ils se rendent sur des lieux sur lesquels ils ne devraient pas se trouver. Et bien évidemment le drame se produit.

 

On suit les aventures de Benji avec ce plaisir juvénile qu'on ressentait en découvrant les romans de Jack London ou de Rudyard Kipling. Cela m'a fait penser à Capitaines Courageux, tout en sachant que l'histoire est totalement différente. Non, c'est le rapport entre un adolescent et la mer, les conditions difficiles des pêcheurs, ce goût de l'aventure qui suinte tout au long du récit qui prend le lecteur dans ses filets, sans toutefois lui donner le mal de mer. Les rapports entre les deux adolescents, Cheikha et Benji, apportent un vent de fraîcheur dans une histoire qui pourrait être glauque, éclaboussée de paquets de mer et de traces de gas-oil.

Pas d'esbroufe dans ce roman mais un voyage qui sans être au long cours dépayse. Et le personnage de Yacoub, le Mauritanien éloigné loin de son pays, s'avère être l'un des rares personnages, à part nos deux loupiots, sympathiques. Comme quoi, la couleur de peau ne reflète pas la noirceur de l'âme de certains protagonistes.

L'auteur est un enfant de la mer et il nous fait partager son univers avec enthousiasme entre deux vagues déferlantes. Et comme chantait Renaud, Ce n'est pas l'homme qui prend la mer, c'est la mer qui prend l'homme...

 

Du même auteur lire : La paix plus que la vérité; Le glaive de justice et De Barcelona à Montségur.

Dans la même collection, lire Hacking de Jeanne Desaubry.


Gildas GIRODEAU : Tempête sur la Belle Maria. Collection Jasmin Noir. Editions du Jasmin. 92 pages. 9,90€.

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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