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8 février 2017 3 08 /02 /février /2017 13:28

Le fils du forçat força. C'est fort ça !

Alexandre DUMAS : Le fils du forçat.

Les méchants sentiments ressemblent aux mauvaises herbes des champs; un brin de racine suffit pour les perpétuer.

Mais monsieur Coumbes, ancien maître-portefaix, comme la plupart des gens, ne se rend pas compte qu'il cultive de mauvais sentiments, à défaut de son jardin.

Pourtant il pensait avoir effectué une bonne action lorsqu'il avait sauvé des griffes de son mari la belle Millette, une Arlésienne, et son fils Marius. C'était au début des années 1830 et il travaillait sur le port de Marseille comme portefaix. Travailleur, économe, célibataire, propriétaire de deux arpents de terre à Montredon, monsieur Coumbes vivait dans un petit immeuble qui abritait également Millette, son fils, et son mari Pierre Manas. Celui-ci, homme violent et alcoolique dépensait dans les troquets le peu d'argent qu'il gagnait, en compagnie de ses copains de comptoir. Il battait sa femme partant du principe que si lui ne savait pas pourquoi, elle, elle le savait. Et un jour, pris de boisson, par amusement éthylique et pour épater un de ses camarades, il entreprit de pendre sa femme.

Monsieur Coumbes, entendant les cris de Millette, lui sauve in extremis la vie au péril de la sienne car Manas n'entend pas que un individu quelqu'il soit lui obère son plaisir du moment.

Les voisins alertés s'en mêlent et Manas, toujours forcené, est emmené en prison. Millette est recueillie par monsieur Coumbes qui l'embauche pour les soins du ménage et la préparation des repas. Le jeune Marius est déclaré comme son filleul. Les semaines, les mois, les années passent.

Monsieur Coumbes fructifie son pécule, le jeune Marius grandit et Millette est toujours attachée comme servante. Pas plus car monsieur Coumbes professe à l'encontre de la gent féminine une certaine méfiance. D'ailleurs il ne verse aucun gages à Millette. Il est déjà assez bon comme ça, pense-t-il, puisqu'il procure le logement et la nourriture, à elle et à son fils.

Au bout de quelques années, la cagnotte amassée est assez conséquente pour que monsieur Coumbes puisse prendre sa retraite et s'installer définitivement dans son petit cabanon à Montredon. Pas le style cabane de jardin, mais une vraie maison, simple mais accueillante avec un bout de terrain ingrat autour et surtout la vue sur la mer. Et pas que la vue. Il peut aller pêcher tous les poissons de roche qui entrent dans la composition de la bouillabaisse, sa spécialité.

Le seul regret de monsieur Coumbes réside que malgré tous les soins qu'il apporte à cultiver ses plantations, celle-ci végètent, dépérissent, en légumes ingrats incapables de lui fournir la moindre subsistance ou en fleurs susceptibles de lui réjouir la vue. Pourtant il s'en donne de la peine monsieur Coumbes, ajoutant de la terre et entretenant ses parterres. Mais rien d'y fait.

Jusqu'au jour où un voisin s'installe sur le lopin contigu et fait construire un chalet. Et son jardin est comme un petit Eden. De quoi alimenter la jalousie de monsieur Coumbes. Si ce n'était que cela. Ce grand jeune homme invite des amis, farceurs comme lui, et déguisés en vampires ou quelque chose d'approchant, ils amènent de nuit une jeune femme afin de lui faire subir d'horribles supplices. Du moins c'est ce que monsieur Coumbes pense dans sa grande naïveté alimentée par la jalousie et l'orgueil.

Ce n'est qu'un malentendu, monsieur Coumbes l'apprendra un peu plus tard, mais le mal est fait. Il a assisté à une grande farce et la jeune femme n'est autre que la sœur du voisin. Une sœur charmante dont s'éprendra Marius lorsqu'il la rencontrera sur le port. Mais monsieur Coumbes ressasse un vif ressentiment. Les événements vont se précipiter lorsqu'un personnage perdu de vue depuis vingt ans reviendra sur scène, dans les calanques de la Madrague, non loin de Montredon.

 

Le fils du forçat est un roman intimiste, dans lequel gravitent peu de personnages et où Dumas déploie tout son savoir-faire narratif. Mais il oscille également entre romantisme et naturalisme avec un fond de roman criminel. Car tentative de meurtre et meurtre sont au rendez-vous..

Ce qui était à l'époque la grande banlieue de Marseille est aujourd'hui intégrée dans le VIIIe arrondissement de la cité phocéenne. La nature avait gardé ses droits, et la Pointe rouge, Montredon, la Madrague, possédaient ce charme sauvage qui n'est plus de nos jours leur apanage. Si la nature est y décrite avec précision, les efforts horticoles de monsieur Coumbes le sont également lorsqu'il se mue en jardinier. Mais un jardinier déçu. D'autant plus que son voisin réussit là où il n'essuie que des échecs.

Tout est axé sur monsieur Coumbes, son égoïsme, son orgueil, la relation ambigüe qu'il entretient avec Marius, son filleul qui l'appelle Papa, et dont il ne dévoile pas l'origine. Ne lui parlant pas de son véritable père qui a été envoyé en prison pour des faits de violence puis deviendra forçat durant deux décennies pour récidive.

Loin des romans historiques et de cape et d'épée qui ont forgé sa réputation Alexandre Dumas s'immisce dans un autre genre littéraire, enrichissant sa palette de la description d'un monde ouvrier et petit bourgeois.

Publié pour la première fois en 1859, ce roman est également titré Monsieur Coumbes, ou Histoire d’un cabanon et d’un chalet, ce qui est tout de même bon à savoir lorsque l'on veut posséder l'œuvre complète de cet auteur immortel.

Alexandre DUMAS : Le fils du forçat. Une tragédie marseillaise. Collection L'Aube Poche. Editions de l'Aube. Parution le 15 septembre 2016. 296 pages. 11,80€.

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6 février 2017 1 06 /02 /février /2017 06:44

Disparu, tu as disparu
Au coin de ta rue.
Je t´ai jamais revu...

 

Anne-Solen KERBRAT : Evaporé.

S'il me fallait comparer ce roman à une œuvre picturale, nul doute que j'associerai le nom de l'auteur à celui de Seurat mais également à celui de Turner.

Les personnages, les actions, les impressions ressenties sont placés comme de petits points sur la page blanche, puis tout est entouré d'un flou artistique propice à laisser libre court aux interprétations, réelles ou erronées, du lecteur.

Tout commence lorsqu'Astrid, revenue à Rennes après un long séjour au Canada aperçoit Pierre, son beau-frère, sortant d'une agence immobilière. Un fait peu banal qui l'incite à se garer à la première place libre et à se rendre dans la boutique dont elle connait la gérante. La conversation s'engage entre les deux femmes et Astrid apprend, à son grand étonnement qu'elle sait dissimuler, que l'homme voulait vendre sa maison. Une magnifique demeure en dehors de Rennes et comprenant pas moins de sept chambres sans compter le parc arboré. Evidemment c'est un peu cher pour elle, mais au moins elle possède le renseignement. Elle va toutefois se rendre sur place en compagnie de son amie agent immobilier, ce qui lui permet de visualiser les lieux.

Pierre, courtier en assurances, est agacé lorsqu'Astrid lui annonce qu'elle sait qu'il veut vendre sa maison. Elle suppute que Romane, sa sœur, ignore cette cachoterie et donc exige que son beau-frère lui remette la moitié de l'argent provenant de la vente du bien, ainsi que du double des clés. Peu après la demeure est retirée de la vente à l'agence mais figure dans un site de vente entre particuliers. Plutôt bizarre comme démarche. Astrid se rend à nouveau sur place et une homme est présent, examinant lui aussi cette maison bourgeoise.

Un peu plus tard.

Romane est inquiète. Son mari Pierre, en déplacement à Bruxelles pour finaliser la signature d'un contrat d'assurances auprès d'une grosse boîte, n'a pas donné signe de vie depuis plusieurs jours. Il devait prendre le train pour la Belgique le lundi matin, et depuis plus rien. Silence total. Alors elle fait part de ses appréhensions auprès du commandant Perrot et de son ami et adjoint Lefèvre, qui sont provisoirement à Rennes en remplacement de deux collègues en congés de maladie.

Ils acceptent de s'occuper de cette disparition inquiétante aux yeux de la jeune femme, plus pour lui faire plaisir que par conviction. Les premières informations recueillies auprès de l'associé de Pierre, qui détient la majorité des parts, et des collègues, comptable et secrétaire, du disparu ne les avancent guère. Pierre aurait téléphoné pour dire qu'il était malade, mais nulle trace de son arrivée à Bruxelles n'est enregistrée. Alors parti avec une jeunette, comme cela arrive parfois, pourquoi pas pensent les policiers qui vont toutefois demander à visionner les enregistrements des vidéos de la gare.

Un autre personnage s'inquiète de ne pas avoir de nouvelles de Pierre depuis plusieurs jours. Il s'agit de son ami Alexis, propriétaire d'un magasin d'objets de décorations.

Peu à peu tout se met en place, et Perrot et Lefèvre se rendent compte que la supposition d'un départ en compagnie d'une jeunette peut être effacée et qu'il faut éventuellement se tourner vers l'hypothèse d'un enlèvement. Or les renseignements qu'ils récoltent à droite et à gauche manquent souvent de précision ou se contredisent. A moins que, Pierre étant sous pression car les chiffres qu'il récoltait n'étaient pas à la hauteur des attentes de son associé et se trouvant sous le coup d'un licenciement ait préféré se fondre dans le paysage.

L'épilogue clôt le récit comme il a commencé, avec des personnages qui réapparaissent après avoir disparu de la circulation, et je ne parle pas forcément de Pierre, comme en pointillé et en léger flou. Ce final donne l'impression d'avoir été bâclé, mais je ne peux en dire plus sans déflorer le sujet.

Les personnages, des seconds drôles mais dont la présence s'avère primordiale, sont dessinés par petites touches, comme en pointillés, avant que les principaux protagoniste entrent en scène. D'abord Romane, puis Lefèvre et Perrot, Alexis l'ami de Pierre, Max l'associé et ses deux collaboratrices. Le tout dans un flou artistique entretenant le suspense. Sans oublier cette figure qui apparait de temps à autre.

Le tout est bien amené, malgré quelques petites faiblesses que l'on pardonnera, car l'énigme persiste, même si, à condition de ne pas lire en diagonale, des pistes et des indications sont placées ça et là comme un jeu de piste.

Anne-Solen KERBRAT : Evaporé. Série Perrot et Lefèvre N°9. Editions du Palémon. Parution le 7 octobre 2016. 320 pages. 10,00€.

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3 février 2017 5 03 /02 /février /2017 06:00

Le roman policier, ou roman criminel, était à peine né que déjà il était pastiché et parodié.

Paul FEVAL : La fabrique de crimes.

S’il faut en croire l’auteur dans sa préface, chaque chapitre de ce court roman contiendra soixante-treize assassinats ! Evidemment, ceci n’est qu’une accroche propre à méduser, surprendre et estomaquer le futur lecteur. Car il ne faut pas oublier que les romans en ce XIXème siècle paraissaient en priorité en feuilletons, et Paul Féval savait que pour appâter le lecteur, le début se doit d’être assez mystérieux et surprenant. Aussi, l’écriture de la préface n’est pas confiée à un spécialiste, un confrère ou un critique littéraire, mais il se charge lui-même de la rédiger, annonçant la couleur :

Nous aurions pu, imitant de très loin l’immortel père de Don Quichotte, railler les goûts de notre temps, mais ayant beaucoup étudié cette intéressante déviation du caractère national, nous préférons les flatter.

C’est pourquoi, plein de confiance, nous proclamons dès le début de cette œuvre extraordinaire, qu’on n’ira pas plus loin désormais dans la voie du crime à bon marché.

 

Nous savons tous que les records sont faits pour être battus, et le bon Paul Féval s’il vivait aujourd’hui verrait ses cheveux se dresser sur sa tête s’il lisait certaines productions. Pourtant, toujours dans sa préface, ne seront pas comptés les vols, viols, substitutions d’enfants, faux en écriture privée ou authentique, détournements de mineures, effractions, escalades, abus de confiance, bris de serrures, fraudes, escroqueries, captations, vente à faux poids, ni même les attentats à la pudeur, ces différents crimes et délits se trouvant semés à pleines mais dans cette œuvre sans précédent, saisissante, repoussante, renversante, étourdissante, incisive, convulsive, véritable, incroyable, effroyable, monumentale, sépulcrale, audacieuse, furieuse et monstrueuse, en un mot Contre nature, après laquelle, rien n’étant plus possible, pas même la Putréfaction avancée, il faudra, Tirer l’échelle !

 

Mais avant d’aller plus loin dans cette mini étude, je vous propose de découvrir l’intrigue dans ces grandes lignes.

Dans la rue de Sévigné, trois hommes guettent dans la nuit la bâtisse qui leur fait face. Ce sont les trois Pieuvres mâles de l’impasse Guéménée. Ils ont pour crie de ralliement Messa, Sali, Lina, et pour mission de tuer les clients du docteur Fandango. L’un d’eux tient sous le bras un cercueil d’enfant. Un guetteur surveille les alentours, placé sur la Maison du Repris de Justice. Ils ont pour ennemis Castor, Pollux et Mustapha. Ce dernier met le feu à une voiture qui sert à transporter les vidanges des fosses dites d’aisance et derrière laquelle sont cachés les trois malandrins. Sous l’effet de la déflagration, les trois hommes sont propulsés dans les airs, mais le nombre des victimes de l’explosion se monte à soixante-treize. Le docteur Fandango s’est donné pour but de venger la mort d’une aristocrate infidèle, homicidée par son mari le comte de Rudelane-Carthagène. Les épisodes se suivent dans un rythme infernal, tous plus farfelus, baroques, insolites et épiques les uns que les autres. Tout autant dans la forme que dans le fond, dans l’ambiance, le décor, les faits et gestes des divers protagonistes.

Ce malfaiteur imita le cri de la pieuvre femelle, appelant ses petits dans les profondeurs de l’Océan. Avouez que ceci nous change agréablement de l’ululement de la chouette ou du hurlement du loup, habituellement utilisés par les guetteurs et par trop communs. Et puis dans les rues nocturnes parisiennes, au moins cela se confond avec les bruits divers qui peuvent se produire selon les circonstances.

Paul Féval ironise sur les feuilletonistes qui produisent à la chaîne, lui-même en tête. Derrière eux venait le nouveau mari de la jeune Grecque Olinda. Nous ne sommes pas parfaitement sûrs du nom que nous lui avons donné, ce doit être Faustin de Boistord ou quelque chose d’analogue. Il est vrai que parfois les auteurs se mélangeaient les crayons dans l’attribution des patronymes de leurs personnages, rectifiant après coup sous les injonctions des lecteurs fidèles, intransigeants et attentifs.

Le sensationnel est décrit comme s’il s’agissait de scènes ordinaires, mais qui relèvent du Grand Guignol : Bien entendu, les malheureuses ouvrières, composant l’atelier des Piqueuses de bottines réunies, avaient été foulées aux pieds et écrasées dès le premier moment ; elles étaient maintenant enfouies sous les cadavres à une très grande profondeur, car le résidu de la bataille s’élevait jusqu’au plafond et les nouveaux venus, pour s’entr’égorger, étaient obligés de se tenir à plat ventre… Le sang suintait comme la cuvée dans le pressoir.

Tout cela est décrit avec un humour féroce, débridé et en lisant ce livre, le lecteur ne pourra s’empêcher de penser aux facétieux Pierre Dac et Francis Blanche dans leur saga consacrée à Furax ou à Cami pour les aventures de Loufock-Holmès, ainsi qu’à Fantômas de Pierre Souvestre et Marcel Allain. A la différence près que Paul Féval fut un précurseur, et ces auteurs se sont peut-être inspirés, ou influencés, par cette Fabrique de crimes. Nous sommes bien loin de l’esprit du Bossu et autres œuvres genre Les Mystères de Londres, Alizia Pauli, Châteaupauvre, ou encore Les Habits Noirs, Les Couteaux d’or ou La Vampire. Quoi que…

Collection Labyrinthes. 160 pages. Volume offert pour l'achat de trois ouvrages dans la collection Labyrinthes. Parution juin 2012.

Collection Labyrinthes. 160 pages. Volume offert pour l'achat de trois ouvrages dans la collection Labyrinthes. Parution juin 2012.

Editions SKA. version numérique. 3,99€.

Editions SKA. version numérique. 3,99€.

Paul FEVAL : La fabrique de crimes. Collection Aube Poche Littérature. Editions de l'Aube. Parution 2 février 2017. 160 pages. 10,50€.

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2 février 2017 4 02 /02 /février /2017 06:55

Allez hop, tout le monde à la campagne !

Frédéric REVEREND : La drolatique histoire de Gilbert Petit-Rivaud.

C'est ce que pourraient chanter les nombreux voyageurs qui s'entassent dans les wagons en cette année 1906.

Parmi ces migrants d'un jour, le jeune Gilbert Petit-Rivaud qui a abandonné son emploi d'archiviste pour devenir peintre. Et il n'a en tête qu'une idée, rencontrer Claude Monet à Giverny. Pour passer le temps agréablement il croque ses voisins de compartiment sur un carnet à dessin.

Le train stoppe à toutes les gares et l'annonce de celle d'Andrésy une femme habillée de mauve s'écrit Raoul et s'évanouit. Enfin l'équipée se termine et nombreux ceux qui descendent à Giverny désirant rencontrer le Maître, mais celui-ci ne reçoit pas. Il est à sa peinture.

Alors que Gilbert se promène dans le village, il est abordé par un individu, qui se nomme Chasseauboeuf, qui semble fort bien le connaître alors que c'est la première fois que Gilbert le voit. Un farfelu sans aucun doute, mais au moins il a des mots qui ne peuvent qu'entretenir l'égo de notre jeune ami puisqu'il affirme qu'il a du talent.

Pour être artiste, Gilbert n'en est pas moins prévoyant et il a retenu une chambre chez les dames Suzé, la mère et la fille, veuves toutes deux et fort aimables. Le lieu charmant, où il pourra travailler en toute quiétude s'appelle le Trou Normand. De sa plus belle plume, il calligraphie à merveille, il écrit un mot au Maître, lui demandant de bien vouloir avoir l'amabilité de le recevoir, et il joint à sa missive quelques-uns de ses dessins, quémandant son avis.

Gilbert, en attendant de rencontrer Claude Monet, fait la connaissance de ses voisins, de peintres qui gîtent chez madame Baudy qui tient un café-restaurant fort fréquenté, de Trapp l'archéologue suisse qui prétend que l'origine du monde se trouve à La Roche-Guyon et le sauve d'une situation périlleuse, de Krlkw l'ingénieur qui s'efforce de faire fonctionner avec l'aide de quelques étudiants une draisienne à vapeur, les demoiselles Soulages surnommées Maman Biche et Maman Crème par Muk leur jeune protégé qui voue une véritable passion pour la fée verte, l'absinthe, ou encore Butler, le gendre de Monet. Mais le parfum de la dame en mauve le poursuit, puisque Lady Blossom, tel est son nom, l'invite chez elle afin qu'il fixe son portrait sur une toile, même plus que son portrait puisqu'elle se présente nue sur un divan.

Mais un incident va accaparer son attention. Un cadavre sans tête au milieu des nymphéas dans un ru pourrait être l'objet d'une peinture impressionniste, mais il s'agit d'une macabre découverte qui va mettre en émoi la paroisse dirigée par l'énergique abbé Toussaint. Un commissaire de police s'empare de l'enquête, en compagnie d'un docteur venu effectuer les premières constatations, et Gilbert Petit-Rivaud qui attend toujours une réponse de Monet, va se mêler de la partie.

Et comme on lui a offert obligeamment un vélo, il se met à parcourir la région, jusqu'à Montfermeil et même un peu plus loin, relevant sur son chemin des pièces de vêtement jetées comme un Petit Poucet aurait pu le faire pour marquer son chemin. Il va même se trouver au milieu de clones de Napoléon, s'encanailler légèrement au Chabanais (maison de plaisirs parisienne fort en vogue à l'époque et fréquentée par de nombreuses personnalités, mais fermée en 1946, ce qui fait que je ne l'ai jamais connue).

 

En lisant ce roman, je n'ai pu m'empêcher de penser que Frédéric Révérend possédait une filiation spirituelle avec P.G. Wodehouse et Jacques Tati. Tout en gardant sa propre personnalité, facétieuse, farfelue et pourtant rigoureuse.

S'il évoque des artistes ayant réellement existé, ce sont les héros de fiction dont il se nourrit. Par petites touches comme lorsque Gilbert avait attendu la seconde séance avec pour seul viatique le parfum de la dame en mauve, une certaine dame Raquin, ou alors de façon prégnante, comme Raoul Andrésy alias Arsène Lupin, ou les descendants des Thénardier. Mais il serait désobligeant d'oublier les personnages politiques de l'époque, dont un espèce de tigre avec des grosses moustaches retombantes.

On suit avec Gilbert Petit-Rivaud dans ses déambulations dans la commune de Giverny et ses environs, puis dans ses promenades à vélocipède jusqu'à Paris avec un regard amusé. Car il se démène ce peintre qui veut absolument rencontrer Monet, et il engrange de nombreuses esquisses. Il pratique le style Impressionniste mais pour autant ne se laisse pas impressionner, et de ce roman on garde forcément une bonne impression.

Frédéric REVEREND : La drolatique histoire de Gilbert Petit-Rivaud. Editions Lajouanie. Parution le 7 octobre 2016. 240 pages. 18,00€.

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1 février 2017 3 01 /02 /février /2017 06:48

Une histoire sans peur et sans reproche !

Eric FOUASSIER : Bayard et le crime d’Amboise.

Pierre de Terrail, chevalier Bayard, est l’un des héros de l’Histoire de France qui a fait rêver les jeunes têtes blondes et les autres. Souvenez-vous, le célèbre chevalier Sans peur et sans reproche surnommé ainsi pour ses exploits en Italie notamment au pont du Garigliano.

Des faits d’arme qui avaient le don de réveiller des élèves somnolents après un déjeuner pas forcément copieux mais souvent indigeste pris en commun à la cantine scolaire. Mais avant cela, en 1494, le roi Charles VIII est encerclé à Fornoue par une coalition d’Italiens et d’Espagnols, et il ne doit la vie sauve qu’à une poignée de chevaliers emmenés par Bayard lequel n’a que dix-huit ans. Et si Bayard est à Amboise c’est sur l’impulsion du Chambellan Philippes de Commynes, grand diplomate, parfois en disgrâce mais qui sait rebondir sur ses pieds.

Ce jour du début d’avril 1498, se déroule en la cour du château d’Amboise, un grand tournoi de jeu de paume. Le comte de Lusignan, l’un des favoris, vient de se faire battre par un jeune chevalier inconnu, Pierre de Terrail dit Chevalier Bayard, devant les yeux ébaubis de damoiselle Héloïse Sanglar, la fille de l’apothicaire. Une belle jeunesse affligée d’un pied bot. Bayard hérite d’un trophée qui l’embarrasse, fort peu habitué aux honneurs. Il fait don de la cocarde qui lui échoit à cette fort mignonne personne qui n’a d’yeux que pour lui. Le lendemain, il va se confronter à Giacommo Nutti, vainqueur du duc de Nemours, donné pourtant comme favori. Giacommo Nutti est envoyé spécial du duc de Sforza, lequel aimerait s’allier au roi de France pour combattre ses ennemis. Mais ceci est une autre histoire que l’on peut découvrir au travers du roman de Mario Puzo : Le sang des Borgia.

La confrontation opposant Lusignan à Bayard a eu pour spectateurs Charles VIII ainsi que son épouse Anne de Bretagne et son conseiller Commynes qui conversent en le cabinet de travail du monarque. Anne de Bretagne et Commynes quittent le roi, empruntant pour se faire, un goulet menant aux escaliers descendants. Or ce couloir est plongé dans une pénombre qui va s’avérer funeste. A un moment Commynes trébuche et afin de garder l’équilibre s’accroche à la croix pectorale de la reine, croix qui choit à terre. Il se baisse afin de récupérer en tâtonnant le bijou et enfin ils peuvent joindre l’escalier. A ce moment ils entendent un grand cri. Stupeur les gagne et ils retournent sur leurs pas après un moment d’indécision.

Le roi gît là où ils se tenaient peu avant à la recherche de la croix. Nul doute que le front d’icelui a percuté violemment une poutre provoquant sa chute et son évanouissement. Anne appelle les gardes et de retour sur le lieu de l’accident elle apprend qu’elle est devenue veuve.

Un conseil est prévu afin de désigner le nouveau roi, car Charles VIII n’avait pas de descendant et Anne ne peut prétendre à régner. Le seul successeur de la proche parentèle ne peut être que le duc d’Orléans, mais pour cela, il faut qu’il obtienne l’aval du conseil, ce qui n’est pas encore acquis. A la sortie du conseil, Commynes est abordé par Bayard lequel lui révèle en catimini que le roi a été assassiné. Le conseiller ne peut que se rendre à l’avis du chevalier, lequel démontre que la petitesse du roi, petitesse physique s’entend, était incompatible avec la hauteur du couloir et de la poutre. Une réflexion qui sera confortée peu après lorsque le médecin requis constate que dans la plaie qui a peu saigné une écharde est fichée. Or nul morceau de bois est présent dans les parages.

En aucun cas cet accident ou meurtre ne peut être divulgué et annonce est faite que le roi est malade. Plus tard le décès sera déclaré consécutif à maladie foudroyante. La finale du tournoi de tenetz, autre nom du jeu de paume et ancêtre du tennis actuel, doit se dérouler dans des conditions normales. Nutti et Bayard s’affrontent dans la lice et première balle est lancée par l’envoyé milanais. Bayard reçoit en plein front l’esteuf mais sa solide constitution lui permet de se remettre rapidement sur pieds. En observant cet esteuf il constate que celui-ci n’est pas réglementaire mais contient des pierres et de la ferraille, ce qui formellement prohibé. Bayard gagne ce tournoi, ce qui augure de bons auspices sous les yeux énamourés de la belle Héloïse. Toutefois le décès du roi est problème qui trottine dans son cerveau meurtri. Il scrute avec attention le couloir fatal, cherchant à découvrir un passage secret, en vain. Sur les conseils de Commynes il se rend dans la bibliothèque du manoir du Clos Lucé, la résidence d’été de la reine nommé aussi manoir du Cloux, situé à quelques cinq cents verges (ou trois cents toises si l’appellation verge ne vous agrée pas) de la demeure royale.

Bayard se fiant à la sapience du conseiller se rend donc nuitamment en la bibliothèque royale afin de compulser les archives consacrées à la construction et aux aménagements du castel et plus particulièrement à l’étage où s’est déroulé le drame. Il ne trouve rien de spécial mais, alors qu’il a terminé son inspection, un inconnu lui cherche noise. Bayard est un valeureux bretteur et il parvient à échapper à son agresseur tout en remarquant que celui-ci est affligé d’une marque au cou, un angiome disgracieux. Il s’agit du Defeurreur, assassin appointé dont l’identité de l’employeur reste à découvrir.

 

C’est le début des ennuis pour Bayard et pour sa belle ainsi que pour le père d’icelle. Traquenards, tortures, envoûtements et autres guet-apens ponctuent cette aventure qui n’est bien évidemment qu’une fiction, issue d’une supposition, d’une hypothèse qui se veut imaginaire mais somme toute plausible, comme le signifie Eric Fouassier dans sa note historique.

La reconstitution de l’époque est plaisante et l’emploi de mots désuets, obsolètes, fort bien venu. Il ne s’agit pas d’un récit didactique sur cette période qui s’inscrit entre la fin languissante du Moyen-âge et les débuts timides de la Renaissance.

Le lecteur assiste en spectateur à un tournant de l’histoire, un incident de parcours qui comme bien d’autres possède son mystère et que les chroniqueurs de l’époque ne pouvaient relater, soit parce qu’ils n’étaient pas témoins, soit parce que ceux qui étaient présents ne pouvaient narrer la vérité par diplomatie ou confrontés au devoir de réserve.

 

Première édition : Pascal Galodé éditeurs. Parution janvier 2012.

Première édition : Pascal Galodé éditeurs. Parution janvier 2012.

A lire également d'Eric Fouassier :

Eric FOUASSIER : Bayard et le crime d’Amboise. Collection Le Masque Poche. Editions du Masque. Parution le 1er février 2017. 350 pages. 7,90€.

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30 janvier 2017 1 30 /01 /janvier /2017 06:47

Le boulanger a-t-il été roulé dans la farine ?

Hervé HUGUEN : L'étrange absence de monsieur B.

Comme souvent, tout part d'une coïncidence, d'une rencontre inattendue et inopinée, voire accidentelle.

L'hiver sévit et à cause d'une voiture qui va trop vite et d'une plaque de verglas, une femme glisse et commotionnée elle est portée dans le café proche où Guillemet, le journaliste, attend une amie qui se fait désirer, même si ce n'est pas son prénom.

Cette femme qui reprend tout doucement ses esprits, grâce au verre de cognac obligeamment proposé par la bistrotière (ce qui est une erreur, pensez donc si un test d'alcoolémie était effectué, quel serait le résultat !), et Guillemet reconnait Charlotte Reyer, dont il a recueilli le témoignage lors du procès Kaltenberg.

Elle était la maîtresse d'un escroc qui avait défrayé la chronique à plusieurs reprises et venait de sortir depuis quelques semaines après avoir purgé trois années de prison. Guillemet, qui se dit que son rendez-vous galant est avorté, offre ses services pour ramener Charlotte chez elle à Arradon, à quelques kilomètres de Vannes où ils sont présentement.

Charlotte accepte, sa cheville étant momentanément hors course, et arrivée sur place, à moitié pompette, elle narre au journaliste une histoire qui au premier abord pourrait sembler insensée mais ne laisse pas Guillemet insensible. Elle n'a pas revu Kaltenberg depuis un mois, et elle s'en porte aussi bien, mais ce n'est pas ça qui la tracasse, à moins que ce soit lié, elle pense qu'elle a été victime d'un accident programmé. Peut-être parce qu'elle a assisté d'une imposte de l'étage à un étrange manège nocturne.

Deux individus poussant une brouette contenant le corps nu d'une personne, empruntant un passage longeant sa maison, et s'enfonçant dans la tourbière proche. Détail important les deux inconnus possédaient une pelle.

Dans le doute, Guillemet ne s'abstient pas et il en informe son ami le commissaire Nazer Baron qui se charge de cette enquête qui lui ne doute pas non plus de la véracité de cette histoire. Alors Nazer Baron se rend à Vannes et en compagnie d'un inspecteur de police local il entreprend des recherches. D'abord savoir ce qu'est devenu Kaltenberg, au cas où l'escroc serait impliqué dans une vengeance à l'encontre de son ancienne maîtresse, et à savoir si des disparitions inquiétantes ont été signalées dans la région.

Justement à Lorient un boulanger-pâtissier qui a réussi et monté une entreprise artisanale n'a plus donné signe de vie depuis une semaine. Monsieur Buisson s'est évaporé dans la nature. Or bizarrement, sa femme n'a pas la conscience tranquille. Elle fréquente un ami, que l'on pourrait qualifier de petit, si ce terme désuet est plus souvent réservé à des adolescents qu'à des quinquagénaires. De plus Buisson avait signé devant notaire la vente d'un immeuble, à perte, le couple étant en instance de divorce, ce qui évidemment ouvre de nombreuses perspectives au commissaire.

 

Un roman de facture classique qui s'apparente aux romans dits durs de Georges Simenon et à quelques Maigret. Le côté psychologique des personnages est assez fouillé, mais pas ennuyeux comme cela arrive parfois lorsque le psychique prend le pas sur l'action.

Pas de tension non plus entre les policiers, de Vannes et de Lorient, qui apportent leur aide et leur contribution à Nazer Baron avec efficacité même si parfois il arrive qu'une certaine indolence règne. Tout tourne autour de Buisson et de son absence, de cet argent qu'il a reçu mais dont il n'existe nulle trace. Des zones d'ombre s'élargissent autour du disparu, mais également sur son entourage. Tandis que l'énigme Kaltenberg persiste.

Un roman à l'intrigue qui semble simple, une fois qu'on a terminé le roman, mais qui réserve quelques bonnes surprises et des relances fort bien venues alors que le lecteur peut supposer que la narration s'enlise. Il n'en est rien, car tout est mis en place progressivement, avec justesse et assez de perfidie pour donner du relief.

Hervé HUGUEN : L'étrange absence de monsieur B. Série Nazer Baron N°10. Editions du Palémon. Parution le 23 septembre 2016. 272 pages. Version papier 10,00€. Version numérique 5,99€.

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28 janvier 2017 6 28 /01 /janvier /2017 13:59

Le jour se lève sur ma peine alors, le monde entier fait l'amour...

ou la mort, c'est selon !

Alexis AUBENQUE : Aurore de sang.

Dans quelques jours, Nimrod Russell pourra retirer sa plaque de détective privé et réintégrer le corps de police de White Forest. Une semaine à attendre et il fera à nouveau faire équipe avec Tracy Bradshaw. Ils s'entendaient bien ensemble, résolvant les affaires qui leur étaient confiées avec sérieux et compétence. Une complicité réduite uniquement à de l'amitié, c'est déjà beaucoup, pour ne pas dire le principal.

Pendant ce temps Tracy confie à son amie Holly, qui cumule les fonctions de restauratrice et de maîtresse de Nimrod, qu'elle ne veut pas changer de coéquipier. Pourtant la place reviendrait tout naturellement à Nimrod, mais Scott, avec qui elle travaille depuis trois ans, même s'il n'est pas aussi futé que son prédécesseur, n'a pas démérité. Et ce serait lui faire injure que de l'écarter au profit d'un revenant.

En parlant de revenant, justement l'ex-épouse de Nimrod débarque chez lui sans prévenir. Elle a besoin de lui. Si Nimrod et elle ont rompu, c'est parce qu'elle avait batifolé avec Paul Gibson et il n'avait pas apprécié ce coup de canif dans les draps. Depuis Judith s'est mariée avec le fameux Paul, ils ont eu un gamin, Adam, et puis ils ont divorcé. La logique des choses en quelque sorte. Sauf que Judith et Paul ont la garde partagée du petit Adam, et que Paul refuse de le restituer à sa mère et qu'il a disparu avec le gamin.

Après un premier contact houleux, Nimrod accepte d'aider la jeune femme dans ses recherches. Afin de s'imprégner de l'atmosphère de cette recherche et de mieux cerner le profil des différents protagonistes, Paul et Adam, car il connait déjà le caractère versatile, bipolaire, naïf, impétueux de Judith, il se plonge dans la série de photos que la mère possède dans son ordinateur. Et l'une d'elle, que Judith rechigne à montrer, accapare son attention. Elle représente Judith et Paul vêtus comme des affiliés à une secte.

Elle avoue avoir été membre de La Vérité Première, dont il n'a jamais entendu parler, mais s'en être détachée, tandis que Paul, qui l'avait entraînée, en fait toujours partie. Cette information ouvre des horizons à Nimrod dont il ne soupçonne pas les ravages auxquels il va être confronté.

 

Pendant ce temps Tracy est occupée avec Scott sur une scène de crime. Le corps d'un homme a été retrouvé dans les bois, à moitié déchiqueté par des bêtes. Le visage est méconnaissable et rien, pour le moment peut indiquer son identité. Après avoir effectué quelques prélèvements sur place et les avoir méticuleusement rangés dans des sachets plastiques, ils rentrent au commissariat. A environ un kilomètre de là vit dans une maison de maître un philanthrope. Il paraît que cela existe encore.

Au dehors une manifestation d'écologistes se déroule avec en tête Sam Dafoe, le leader activiste quinquagénaire qui vitupère contre l'arrivée massive de touristes, arrivée favorisée par les compagnies maritimes, qui dégradent l'écosystème de cette région. En effet, nous sommes le 25 août, et dans deux jours, les aurores boréales seront impressionnantes.

C'est dans cette ambiance de liesse et d'affrontements que Tracy et son coéquipier Scott d'une part, Nimrod d'autre part toujours accompagné de Judith qui loge chez lui, il n'a pu faire autrement, enquêtent chacun de leur côté. Jusqu'au moment où justement ces deux affaires se trouvent en interconnexion, et que Tracy, qui en premier lieu pense que Nimrod marche sur ses brisées, et l'ancien détective, réintégré plus tôt que prévu, vont être amenés à essayer de boucler les deux affaires conjointement.

Ce n'est pas à un épilogue auquel le lecteur est confronté mais à des scènes que l'on pourrait qualifier de choc.

 

Alexis Aubenque est-il un manipulateur de lecteur ou, comme bon nombre de romanciers l'affirment, se laisse-t-il déborder par ses personnages, telle est la question qui se pose après avoir lu ce roman qui ouvre de nouvelles perspectives et offre une machination complexe.

En joueur d'échecs, mais l'est-il ? Alexis Aubenque dispose sur l'échiquier de son récit les différents pions qui vont influer sur l'histoire. Il multiplie les combinaisons pour mieux contrer son adversaire, le lecteur en l'occurrence, et l'emmener dans des chemins qui paraissent balisés mais recèlent des pièges.

Si l'intrigue est complexe à souhait, ce sont surtout les pions, enfin les personnages qui forgent la solidité de l'histoire. Et l'imbrication entre les proches de Tracy et Nimrod ressemble à une toile de Pénélope (celle d'Ulysse, pas l'autre) construite patiemment, avec solidité, et pourtant recélant quelques accrocs.

Que ce soit pour Tracy ou Nimrod, la vie n'est pas toujours facile. Pourtant Tracy vit en famille avec un mari prévenant, Vernon, et un fils qui se rend chez la psychiatre de temps en temps. Nimrod est resté célibataire après le désastre de son couple, mais il est heureux en compagnie de Holly la restauratrice. Ils ne vivent pas en couple mais aiment se retrouver. Sauf quand des impondérables viennent perturber cette belle entente, comme l'inconstante Judith dont le jeu est particulièrement dangereux.

Mais Nimrod possède son chemin de croix en la personne de son père Seth, violent et alcoolique, responsable d'une enfance douloureuse qu'il a tenu à gommer. D'autres protagonistes interfèrent dans ce récit, souvent néfastes et donc ne comptez pas sur moi pour dévoiler leurs noms, cela risquerait de déflorer l'histoire. Mais un mot quand même pour dire qu'Abigail, la mère de Nimrod, se permet de se glisser de temps à autre entre les chapitres. Et c'est ainsi qu'on découvre peu à peu cette enfance dont Nimrod aimerait pouvoir se débarrasser à tout jamais, et de son père par la même occasion.

 

Alexis AUBENQUE : Aurore de sang. Collection La Bête noire. Editions Robert Laffont. Parution le 17 novembre 2016. 368 pages. 20,00€.

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24 janvier 2017 2 24 /01 /janvier /2017 10:08

Bon anniversaire à Jérôme Zolma, né le 24 janvier 1962.

ZOLMA : Adios Viracocha.

Votre mission, si vous l’acceptez, est de retrouver le meurtrier de mon frère !

C’est un peu ce genre de phrase qu’Hubert Renault tient à Lily Verdine, détective privée qui pensait que son client l’avait convoquée dans son bar favori pour une histoire d’adultère.

Célèbre dessinateur de bandes dessinées, Run alias Yves Renault, a été assassiné dix jours auparavant dans sa propriété près de Carcassonne. Il avait créé avec Jean-Michel Char, scénariste, un personnage, Pierron, hussard napoléonien, qui était un héros à l’égal des Tintin et Lucky Luke.

Puis pour une raison indéterminée Char avait rompu l’association et Run travaillait seul depuis des années, se retranchant durant des mois dans sa maison isolée des Corbières.

Cinq ans auparavant, il avait été victime d’un accident vasculaire cérébral et était resté à moitié paraplégique. Depuis il a sorti deux nouvelles aventures de Pierron. Mais ce que le public ignore, c’est que Thomas Carayol, l’homme affecté à l’entretien, doué pour le dessin, avait suppléé le dessinateur, handicapé. Or justement Thomas Carayol a disparu et évidemment il devient l’assassin présumé. Bref Hubert Renault demande à Lily de retrouver Thomas avant les policiers.

En compagnie de son Péruvien d’amant, Juan-Manko surnommé Viracocha, qui vient passer quelques jours en France, elle part vers les Corbières enquêter sur place. Se faisant passer pour une journaliste, elle rencontre le lieutenant de gendarmerie en charge de l’affaire ainsi que Shéhérazade, l’amie de Thomas, visite la propriété de Run sans y être invitée, interroge des proches de l’homme en fuite dont un de ses anciens patrons.

Thomas n’est guère prisé, sauf par son amie évidemment, car il ressort que le fuyard est un homme susceptible, qui se sert volontiers de ses poings pour affirmer ses droits. La présence de Lily n’est pas appréciée de tous et elle est agressée par deux encagoulés, et Viracocha est prié de regagner ses Andes natales suite à un conflit avec les forces de l’ordre, qui comme on le sait provoquent volontiers le désordre.

Elle essaie de remonter une filière qui l’emmène de la frontière espagnole jusqu’en Hongrie puis retour à Paris où elle sollicite le concours de Philippe, son cafetier préféré et ami, possesseur d’une Kalachnikov, une arme qui peut s’avérer utile.

Si Thomas est en fuite, d’autres personnes manquent à l’appel, dont Martin le fils de Run, et ce n’est pas forcément la faute aux intempéries qui ont sévi durant les jours qui ont précédé et suivi le meurtre du dessinateur de B.D. Des intempéries qui perturbent le bon déroulement de l’enquête, les gendarmes étant occupés à retrouver les disparitions provoquées par des éléments déchainés et éventuellement identifier les corps.

 

Adios Viracocha, dont l’explication du titre réside dans l’épilogue, démarre sur les chapeaux de roues, puis se calme, adoptant un régime de croisière, mais une croisière qui ne manque pas d’imprévus et de retournements de situation. Lily se montre égale à elle-même, toujours aussi combative, acerbe, insolente mais en même temps romantique, idéaliste. Lily, on ne peut pas mieux la définir qu’en citant ces vers de Georges Brassens :

Un' jolie fleur dans une peau d'vache,

Un' jolie vach' déguisée en fleur

Qui fait la belle et qui vous attache

Puis, qui vous mèn' par le bout du cœur.

 

Dès la première page, le lecteur est plongé dans une atmosphère dont il ne peut se dépêtrer, ce qui fait qu’il ne peut lâcher le livre jusqu’au mot fin, qui d’ailleurs n’est pas imprimé.

La figure de Juan-Manko est prégnante avec ses imperfections linguistiques, l’emploi volontiers d’argot, ce qui prouve qu’il a compris ce qu’est l’intégration, puisqu’il ne s’exprime pas de façon académique mais populaire. Et bizarrement cela lui nuira. Pourtant j’en connais qui n’hésitent pas à proférer « Casses-toi, pauv’… » (Vous pouvez compléter les points de suspension à votre gré et selon votre inspiration) et qui sont toujours là !

 

ZOLMA : Adios Viracocha. Polar Jigal. Editions Jigal. Parution 5 mai 2010. 208 pages. 16,23€.

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23 janvier 2017 1 23 /01 /janvier /2017 13:52

Le corbeau est le seul volatile qui se sert de ses plumes pour écrire...

MAURICE GOUIRAN : Le printemps des corbeaux.

Âgé de vingt ans, Louka, étudiant en informatique, a trouvé sa voie comme escroc. Il falsifie des bordereaux de dépôt de chèques bancaires, l'argent déposé étant transféré sur son compte. De plus ou moins grosses sommes, mais cela ne peut durer indéfiniment car il sait qu'un jour il sera découvert. Mais pour l'heure cela s'avère plus rentable que les petits boulots auxquels il s'adonne pour gagner son pain.

En ce mois de mai 1981, les élections présidentielles accaparent l'attention de tous sauf de celle de deux enquêteurs qui soupçonnent aussi bien le directeur de l'agence que les employés.

Louka vit à Marseille, chez sa grand-mère Mamété, et les hommes qui l'ont précédé ont tous connus des destins différents mais tragiques. Tous morts dans des conditions dramatiques. Son père, lors d'un braquage, son grand-père sous les bombardements américains au printemps 1944, son arrière grand-père pendant la guerre de 14/18. Tous dans la fleur de l'âge. Des destins contrariés auquel il espère bien ne pas être soumis.

Mai 1981. C'est le temps des révélations sur des personnes qui pensaient que leur passé peu glorieux avait été enfoui sous la poussière de l'histoire. C'était sans compter sur les fouineurs des journaux satiriques, et ainsi Louka découvre le passé houleux de Papon. L'homme devenu ministre du budget sous le gouvernement Barre traîne quelques casseroles derrière lui. Nommé Préfet de police par De Gaulle qui pourtant aurait dû se méfier, Papon s'était fait remarquer lors de la répression sanglante durant la manifestation du 17 octobre 1961 puis dans celle devenue célèbre et dite de Charonne en février 1962. Mais auparavant il avait été impliqué dans la déportation des juifs alors qu'il était secrétaire général de la préfecture à Bordeaux. Cette révélation publiée par le Canard Enchaîné entre les deux tours de la présidentielle de mai 1981 a peut-être influé sur le résultat. Peut-être.

Ce sont ces révélations qui donnent à réfléchir à Louka qui a décidé d'abandonner ses petites occupations de falsifications et de se tourner vers une autre entreprise qui pourrait se révéler plus rentable et moins risquée. Quoique. D'abord, suivant son Ouncle, qui ne fait pas partie de la famille mais fut un compagnon et un fidèle ami de son père, Louka participe à une partie de poker. L'apprentissage est relativement aisé, mais l'engrenage est vite pris, et les revers de fortune peuvent l'attendre aux détour des cartes. D'autant que l'Ouncle est en voyage à Paris et que son retour se fait attendre.

Ce n'est avec le poker que Louka espère se faire un matelas confortable de billets, mais avec une autre astuce qu'il met au point avec un employé qui travaille aux archives départementales. L'histoire de Papon lui a fournit une idée qu'il développe en cherchant ceux qui durant la guerre ont rédigé des lettres de délation et qu'il va faire chanter.

 

Délaissant pour un temps son personnage fétiche de journaliste enquêteur, Clovis Narigou, Maurice Gouiran nous décrit le parcours d'un petit escroc devenant maître-chanteur.

Louka n'est pas un personnage envers lequel le lecteur peut ressentir une certaine empathie. C'est un macho qui vit aux dépens de Mamété, chez qui il loge, et de ses petits trafics tout en fréquentant la Fac de Luminy. Il dort dans un petit studio aménagé au deuxième étage de la maison de Mamété, et pourvoit à ses besoins naturels charnels avec la voisine du dessous. Celle-ci trompe allègrement son mari peu soucieux de lui apporter le réconfort sexuel dont elle a besoin.

Mais Louka a aussi une petite amie, Lucie, dont les parents sont des bourgeois décadents. Ils ont profité de la fortune amassée par le grand-père de Lucie mais n'ont pas su fructifier l'héritage. La relation de leur fille avec Louka, issu du petit peuple ne plait guère mais heureusement Louka possède un allié en la personne du tonton de celle qu'il considère comme sa fiancée. L'homme est député, longtemps adjoint au maire, et pense à sa prochaine réélection aux législatives qui vont se dérouler après les présidentielles, mais il est du mauvais côté de la barrière électorale. Comme le précise Louka, qui narre son épopée, C'était un politique, donc un faux-cul.

Ce roman est le prétexte pour Maurice Gouiran de revenir sur deux périodes. Celle de 1981 avec le passage de témoin entre la Droite et la Gauche, rappelant certaines affaires qui avaient secoué non seulement le monde politique mais également l'opinion publique. L'affaire Papon ainsi que sur celle des diamants de Bokassa dans laquelle le président Giscard fut impliqué. C'est aussi l'occasion de revenir sur les dénonciations, les délations qui n'étaient pas anonymes, concernant les Juifs, et en règle générale les personnes qui déplaisaient à une population qui avait trouvé le moyen de se débarrasser de ceux leur faisaient de l'ombre, dont ils étaient jaloux ou simplement par discrimination religieuse.

 

MAURICE GOUIRAN : Le printemps des corbeaux. Collection Jigal Polar. Editions Jigal. Parution le 10 septembre 2016. 248 pages. 18,50€.

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22 janvier 2017 7 22 /01 /janvier /2017 06:31

Lorsqu'un auteur se laisse déborder

par son personnage...

Patrick S. VAST : Incarnatio.

C'est ce qui arrive à James Simmons, dont le personnage récurrent de tueur en série Alex Shade lui a apporté un joli matelas de dollars, mais qui lui encombre depuis quelques temps l'esprit.

Alex Shade, le tueur à la hache, qui depuis dix ans sévit pour le plus grand bonheur de ses milliers de lecteurs de par le monde. James Simmons s'est immiscé dans une tendance littéraire qui lui a apporté le confort financier, et il s'est même installé à Paris, les lecteurs français étant les plus entichés de sa production.

Mais depuis quelques semaines il croit voir le personnage d'Alex Shade un peu partout. Il se sent traqué, et depuis une quinzaine de jours il s'est installé sur la Côte d'Azur, non loin de Nice, avec sa femme. La cité est réputée pour être la plus sécurisée de France, et pourtant, il disparaît. Sa femme est inquiète et aussitôt prévient les policiers. Ceux-ci se réfèrent aux bandes vidéos enregistrées, enfin celles qui fonctionnaient ce soir-là, car pour une raison ou une autre, il existe des lacunes dans le système de surveillance.

Seulement un ou des émules d'Alex Shade, le tueur à la hache, se manifestent et décollent quelques têtes, histoire de faire parler d'eux et de se faire plaisir. Un homme est ainsi pris pour cible par les policiers qui l'abattent alors qu'il s'enfuit. Légitime défense selon le commissaire, illégitime démence serait plus adéquat. Et comme d'autres meurtres sont perpétrés à Nice, c'est un autre commissaire qui est en charge de ces nouvelles affaires qui défraient la chronique. Les prétendants à la hache s'invitent dans le bal macabre des décolleurs de têtes.

 

Sur le thème très porteur du tueur en série, ceux que les lecteurs branchés appellent Serial Killers pensant que ce vocable est un mot français, Patrick S. Vast entraîne son lecteur dans une aventure diabolique, habilement et méticuleusement construite, accumulant les impasses afin de mieux repartir sur des voies royales. L'épilogue est particulièrement bien amené, mais en réalité Incarnatio est un roman-prétexte à double lecture.

Patrick S. Vast ironise, par personnages interposés, sur les auteurs qui pondent des ouvrages de 600 pages sur des tueurs en série en les mettant en scène par volumes successifs, ne manquant pas de décrire sur 50 pages et plus leurs pratiques, et cela plusieurs fois dans le même volume.

Il pointe également l'engouement du lectorat, surtout féminin, qui s'avère malsain, le lecteur arrivant à s'identifier à ce héros, ou plutôt antihéros. Mais il est vrai que ceci ne date pas d'aujourd'hui, car Fantômas, le génie du mal connut un véritable triomphe dès sa sortie. Le méchant fait toujours rêver, et par exemple le magazine Détective et d'autres revues font leur marché dans les faits-divers les plus sanglants et les plus glauques.

Mais revenons à Incarnatio, et ce qui se cache sous la couverture. L'un des tueurs, présumé pour l'instant et peut-être est-ce lui le coupable, est un ancien vétéran d'Afghanistan qui a connu lors d'une opération militaire un traumatisme qui lui a fait perdre la tête. C'est une image, mais pour ses compagnons d'arme, ce fut une réalité. Et souvent, surtout aux Etats-Unis, sont souvent catalogués comme terroristes des individus tels que lui. Mais bon, ceci n'est pas notre propos.

Intéressons-nous au système perfectionné de vidéosurveillance, qui parait-il doit permettre aux forces de l'ordre d'appréhender les individus peu scrupuleux mais qui en fin de compte ne sont pas si performants que cela car les inévitables erreurs de disfonctionnement n'ont pas été pris en compte. Sans oublier que parfois il s'agit de leurres.

Et les conflits entre policiers sont également évoqués, l'un des commissaire se montrant complètement barjot, tandis que son homologue est un homme réfléchi. Or la hiérarchie ne fait pas toujours confiance à ceux qui sont pondérés, la culture du résultat à tout prix agissant sur le mental du citoyen lambda, j'allais écrire moyen mais cela eut été peut-être péjoratif.

Patrick S. Vast pratique l'autodérision, l'ironie au second degré et pour le prouver, rien de mieux que deux exemples parmi d'autres :

Un tueur en série, c'est souvent banal, ça ne présente rien de romanesque, pas de quoi produire la moindre littérature avec ce genre de type.

Ecoute, pour être franche, je n'ai rien retenu de ce livre. Un roman qui fait l'apologie d'un tueur en série, ça me flanque la gerbe, c'est de la littérature abominable ! Voilà comment je réagis à cela !

Si sur la quatrième de couverture sont référencés des auteurs de talents tels que Richard Matheson et Stephen King, et sans vouloir les déprécier, je pense que dans ce roman Patrick S. Vast possède une filiation avec Robert Bloch.

Patrick S. VAST : Incarnatio. Editions Fleur Sauvage. Parution le 14 novembre 2016. 208 pages. Broché 16,50€. Version numérique 6,99€.

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
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