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20 octobre 2012 6 20 /10 /octobre /2012 13:14

Comme disait ma grand-mère : Il ne faut pas confondre Témoins de Jéhovah et témoins de Gévéor. Au moins ces derniers ne refusent pas une transfusion par voie stomacale le sang du Seigneur contenu en bouteilles d’un litre.

 

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A quoi servent les prix littéraires ? A reconnaître la valeur littéraire d’un roman et celle de son auteur. Sans l’obtention du Grand Prix de Littérature Policière 2012, je ne suis pas sûr que je me sois penché sur cet ouvrage. Et c’eut été dommage.

Dès les premières pages de ce roman je me suis senti, comme Alice, aspiré par une force qui propulse de l’autre côté du conscient et projette l’esprit dans un vide abyssal tapissé de livres.

Ploc, ploc, ploc… Ahmed Taroudant qui rêvasse sur le balcon de son petit appartement du 19ème arrondissement parisien effectue subitement un retour à la réalité. Il pleut. Ploc ! Première goutte sur le visage. Ploc ! Deuxième goutte qui s’écrase sur la manche de sa gallabiyah blanche. Ploc ! Troisième goutte sur le bout de son nez. Force lui est de constater qu’il ne s’agit pas d’eau mais de sang. Levant les yeux Ahmed découvre un pied puis un corps. Celui de Laura, sa voisine du dessus. Il n’a pas besoin d’utiliser la clé que la jeune femme lui avait confiée pour soigner ses plantes lors de ses absences, elle est hôtesse de l’air, car la porte est entrouverte.

Ahmed est un grand lecteur de romans policiers. Il achète ses bouquins au kilo chez Monsieur Paul, un bouquiniste arménien du quartier. Un fois lus, il empile les romans contre les murs de son studio. Il a calculé, le poids est évalué à deux tonnes cinq. Tout ça pour dire qu’Ahmed sait ce qu’il ne faut pas faire : se déplacer jusqu’au corps sans laisser d’empreintes. A peine redescendu chez lui, les policiers, représentés par Rachel Kupferstein, une rousse flamboyante, et Jean Hamelot, un brun ténébreux, se pointent chez Laura, accompagnés de membres de la Scientifique. Un appel anonyme en provenance d’une cabine téléphonique située dans le 18ème arrondissement, les a prévenus de ce meurtre et du cadavre en exposition. Une sorte de mise en scène macabre les interloque : un rôti de porc cru trône sur la table et les fleurs des trois orchidées décapitées sont disposées en triangle sur la cuvette des W.C.


Ahmed se sent redevable envers Laura qu’il soupçonnait de l’aimer sans oser se déclarer. Alors il décide de retrouver son meurtrier, concomitamment à l’enquête des deux policiers. Grâce à la bignole de l’immeuble, les deux policiers peuvent baliser leurs recherches. Laura, outre Ahmed, avait trois amies : Bintou, Aïcha et Rebecca. Or Rebecca a disparu d’un seul coup, comme ça sans prévenir. Le patron d’un kebab que Jean fréquente régulièrement lui apprend qu’une nouvelle substance circule dans le quartier, des pilules qui ressemblent à de l’ecstasy mais en beaucoup plus fort. Bintou et Aïcha sont elles aussi des fidèles du kebab et une rencontre improvisée permet aux deux policiers d’apprendre de la part des deux jeunes filles que les parents de Laura sont Témoins de Jéhovah et qu’ils habitent à Niort. D’ailleurs Laura avait claqué la porte de chez elle à sa majorité. Elles parlent aussi de garçons trop religieux, que Jean connait plus ou moins. Moktar et Ruben, un salafiste et un hassid, et leurs frères Alpha et Mourad. Tous quatre s’étaient constitués en groupe de rap, les 75-Zorro-19. Si Moktar, Mourad et Alpha fréquentent régulièrement une salle de prière salafiste, Ruben quant à lui appartient à une nouvelle mouvance hassidique, groupe formé par des Juifs de Tiznit au Maroc, dissident d’un mouvement d’origine biélorusse et qui se sont donné leur propre chef religieux messianique à Brooklyn.


Ce roman dégage une ambiance personnelle proche de celles de Simenon, une journée étrange comme en apesanteur… et de Fred Vargas, sans que l’on puisse parler de véritable influence. Les personnages ne se fondent pas dans un moule, mais sont tous comme des modèles uniques. Ahmed par exemple, lecteur vorace, est en arrête-maladie depuis cinq ans et perçoit l’Allocation Adulte Handicapé depuis plus de trois ans. Il est atteint de dépression chronique depuis que veilleur de nuit dans un magasin de meubles il a été le témoin d’un meurtre. Il a même séjourné dans un hôpital psychiatrique où il a retrouvé l’un des habitants du quartier. Le commissaire Mercator, afin de mieux se concentrer sur les rapports oraux de ses adjoints, dessine sur du papier qu’il achète sur ses propres deniers des ronds, un cercle par feuille, toujours centré et de la même taille, à main levée. Seuls les policiers du 18ème ne dérogent pas vraiment à l’idée que l’on se fait des brebis galeuses. Quant aux autres protagonistes, ils sont aussi à découvrir.

Une communauté qui en englobe plusieurs, où Arabes Islamistes et Juifs vivent en bonne intelligence, jusqu’à un certain point. Car il est bien connu que si l’on ne veut pas se fâcher avec sa famille et ses amis il vaut mieux éviter de parler politique et religion. Et l’on s’aperçoit que les convictions religieuses affichées ne sont parfois que des façades qui permettent d’obtenir un statut et de jouer un rôle prépondérant dans la société.


Pour une chronique plus détaillée, vous pouvez vous rendre sur

Action-Suspense.

 

Karim MISKE : Arab Jazz. Editions Viviane Hamy ; collection Chemins nocturnes. 304 pages. 18€.

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20 octobre 2012 6 20 /10 /octobre /2012 08:20

Le cavalier en échec….


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Restauratrice de tableaux anciens, Julia en radiographiant La partie d'échecs, une huile sur bois datant de 1471 due au peintre flamand Peter Van Huys, découvre une inscription latine qui peut se traduire par Qui a tué le chevalier? Intriguée elle fait part de sa découverte à Menchu, la propriétaire d'une galerie, à Alvaro, son ex-amant professeur d'histoire de l'art ainsi qu'à César, antiquaire homosexuel, courtois et cultivé. Ce tableau représente deux hommes jouant aux échecs et debout en arrière plan une jeune femme lisant un livre. La phrase sibylline pourrait alors posséder une autre signification: Qui a pris le cavalier ?

Scène banale représentative des loisirs de la noblesse de l'époque mais qui chagrine César. L'un des joueurs est Roger d'Arras, son adversaire Fernand d'Ostenbourg et la jeune femme, Béatrice, épouse de ce dernier et peut-être amante du premier. Or Roger d'Arras était mort depuis deux ans lorsque Van Huys peignit ce tableau. L'inscription peut alors retrouver sa signification première. César demande à Munoz, joueur d'échecs amateur mais dont la technique du jeu est indéniable, de refaire la partie en cours, à l'envers, et de déterminer qui a joué en dernier et quelle pièce. Julia est obnubilée par ce tableau et extrapole reconstituant les faits et gestes de ces trois personnages. L'interconnexion entre l'histoire passée et le présent prend soudain une ampleur qu'elle ne soupçonnait pas.

 

Arturo Perez Reverte joue sur plusieurs tableaux, sans jeu de mots ou presque. Effets de miroirs et symboliques s'interfèrent et Julia qui s'est prise d'une certaine passion obsessionnelle pour le tableau qu'elle restaure en vient à imaginer les protagonistes dans leurs évolutions. En prenant le prétexte d'une trame policière, c'est à l'apologie de la culture auquel le lecteur est convié. La peinture certes, mais également la musique où là encore tout n'est que jeux de miroirs. Et comme le fait si bien remarquer Arturo Perez Reverte, les interférences entre le jeu d'échecs et la littérature policière sont nombreuses, alliant sport cérébral et aspect ludique. La lecture de ce roman achevé, nul doute que le lecteur réticent reviendra sur ses aprioris sur la littérature policière. Arturo Perez Reverte ouvre une nouvelle voie: le roman policier humaniste.


Arturo PEREZ REVERTE : Le tableau du maitre flamand. (Traduit de l'espagnol par Jean Pierre Quijano). (Réédition des éditions Jean Claude Lattes). Le Livre de Poche Policier/Thriller N° 7625 (1994, réimpression 2010). 352 pages. 6,10€.

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19 octobre 2012 5 19 /10 /octobre /2012 06:38

... et marchera !

 

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Dédié à José Giovanni, un Maître, ce livre est imprégné de l’atmosphère de celui qui de repris de justice devint scénariste, romancier, dialoguiste et réalisateur, empruntant à son expérience personnelle la trame de ses ouvrages. Aussi ne faut-il pas s’étonner de l’influence qu’a ressentie l’auteur de ce roman. Et naturellement l’intrigue se déroule dans les milieux des malfrats, à Nice plus précisément, avec des incursions en Italie et en Calabre.

Lorsqu’Isa, la vingtaine, découvre sa cousine Maria, morte, une seringue dans le bras, elle se garde bien de prévenir la police. Son premier coup de fil est destiné à Franco, le père de Maria, lui saura que faire. Complètement désemparé, Franco abandonne son bar, et se rend en voiture en Italie, afin de se vider le cerveau tout en se remplissant l’estomac de grappa. Il passe sa colère sur des Albanais qui ont spolié des amis d’enfance en Calabre puis au retour il organise un conseil réunissant la famille et quelques malfrats. Peut débuter alors la vengeance orchestrée par la famille Ranzotti.

Les trois truands convoqués sont rapidement blanchis, cependant Franco persiste dans son idée. Maria ne s’est pas suicidée mais est décédée d’une overdose, soit parce que la drogue était trop pure, soit parce qu’elle était mélangée à des substances toxiques. Remontant soigneusement le fil du temps, se renseignant auprès de qui elle aurait pu s’approvisionner l’après-midi précédant le décès, les membres du clan Ranzotti partent à la recherche du dealer supposé être à l’origine du drame. Et les armes n’ont pas le temps de rouiller. Tant pis pour les dégâts de la narine, ils n’avaient qu’à ne pas mettre leur nez là où il ne fallait pas.

Qu’ils soient petits loubards de banlieues ou jeunes millionnaires américains et russes, ils n’échappent pas à la vindicte du clan Ranzotti composé des frères de Franco, des fils et des neveux et de quelques séides qui exécutent sans mot dire. Mais attention aux bavures ! Il ne fait pas bon s’attaquer aux enfants, même s’il s’agit d’une erreur très regrettable. Car Lucas Murneau, qui a passé plus de vingt ans en Amérique du Sud et plus spécialement en Colombie revient à Nice, suite à un coup de nostalgie. Il veut voir sa fille, qu’il n’a pas connu et sa petite fille âgée aujourd’hui de trois ans. Surnommé Le Maudit ou encore La Muerte il a l’habitude de la viande froide, d’ailleurs c’est sa spécialité, mais il n’apprécie pas du tout la boucherie en gros, surtout lorsqu’il en est la victime collatérale.

 

Encore une histoire de gangsters, de truands comme en ont écrites des auteurs tels que Giovanni, Le Breton, Héléna, et bien d’autres. Mais Et la mort se lèvera ne laisse pas de place au fameux honneur des voyous comme l’ont chanté certains romanciers issus du milieu. Une histoire carrée, violente, qui ne cherche à disculper aucun des protagonistes, les rendre meilleurs qu’ils sont. Jacques-Olivier Bosco se refuse à tout sentimentalisme exagéré, à tout misérabilisme, à toute apologie, à toute fantaisie. Une écriture qui se lit comme l’on déclame du rap, du slam, une incantation à la vie, à la mort, à l’amour, avec dans le brouillard de petites lueurs de poésie qui s’allument comme les feux-follets dans les cimetières.


Jacques Olivier BOSCO : Et la mort se lèvera. Jigal Polar. Editions Jigal. 280 pages. 17,24€.

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18 octobre 2012 4 18 /10 /octobre /2012 15:00

Portes ouvertes pour soirée privée.

 

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Dormez en paix braves gens, Fessebouc s’occupe de tout ! Vous lancez une invitation à quatre ou cinq amis afin de participer à une petite fête, plus de cent individus se pressent au portillon. Et comme il fallait s’en douter - les jeunes sont indisciplinés ma brave dame, pensez donc, y’en avait même qui n’avaient pas quatorze ans, et puis l’alcool et la drogue qui circulaient ! – cette petite sauterie dégénère en poudrière.

Profitant d’un voyage de ses parents à bord d’un voilier dans les mers du Sud, Rachel, la fille du juge Ault, a donc convié quelques amis, plus les amis des amis, plus ceux qui ont cru qu’ils étaient invités. En guise de remerciements ceux-ci ont tout saccagé et les voisins ont dû se résoudre à demander à la police de rétablir l’ordre. D’habitude Craneswater, le quartier huppé de Portsmouth, est si tranquille !

Lorsque l’inspecteur Faraday arrive sur place vers 2h30 le dimanche matin, tout semble être rentré dans l’ordre. La plupart des participants sont arrêtés puis convoyés dans différentes geôles de la région, Portsmouth ne pouvant recueillir malgré la bonne volonté des autorités locales tout ce petit monde, et leurs téléphones portables confisqués. Seulement le couac réside en la découverte du corps de Rachel allongé près de la piscine du voisin. A ses côtés gît aussi Gareth Hughes, le petit ami de la jeune fille. Et il ne s’agit pas d’un accident ou d’un suicide. Gareth a le crâne éclaté comme un melon trop mûr et Rachel a été labourée à coups de couteau, l’arme blanche n’étant pas retrouvée sur place.

Le voisin des Ault n’est pas un inconnu des services de police, au contraire. Il s’agit de Bazza Mackenzie, qui après avoir été un baron de la drogue s’est reconverti comme un grand brasseur d’affaires ayant pignon sur rue. Revenant d’une soirée en compagnie de sa femme, il a voulu mettre fin, seul, à la pagaille, car il avait promis au juge de surveiller sa fille. Bazza récolte un coup de bouteille sur la tête, distribue avec générosité quelques horions et est poussé vers la sortie par Matt Berriman, l’ancien petit ami de Rachel, qui le protège. Bazza, vu ses antécédents et son crâne ensanglanté, est mené au commissariat de police. Mais il démontre, preuves à l’appui, à Faraday et ses hommes, qu’il n’est en rien en cause dans le meurtre de Rachel et de Gareth.

Matt Berriman et Rachel se connaissaient depuis de longues années, depuis l’école. Ils étaient tous deux nageurs émérites, ayant le même entraîneur, frappant à la porte de la sélection nationale de natation du bout des palmes, et ils s’aimaient. Seulement cette belle histoire a coulé du jour au lendemain et depuis Rachel s’affichait avec Gareth.

Les portables confisqués aux adolescents en goguette, du moins ceux qui ont pu être alpagués, révèlent des photos et des vidéos intéressantes sur le déroulement de cette soirée. La cave du juge a été pillée, un gamin fourguait de la drogue à moitié prix, une ado gothique au crâne rasé taguait les murs à l’aide d’une bombe de peinture noire et lacérait les tableaux de maître à l’aide d’un couteau, et autres joyeusetés propices à entretenir l’ambiance. Et encore, Faraday n’a pas tout vu. Les policiers visionnent les jours suivants des scènes torrides avec pour actrice principale Rachel dans des positions qui ne sont que mises en bouche préparatoires à d’autres relations. Et si cela ne suffisait pas, ceux qui ont réussi à s’échapper comme la gamine anonyme, mettent en ligne sur Internet des images édifiantes de cette soirée.

Bazza ne reste pas les deux pieds dans le même sabot. Après tout c’est chez lui que les deux corps ont été retrouvés et cela nuit fortement à son image de marque et à sa virginité toute neuve de truand reconverti. Aussi il demande à Paul Winter, ancien policier collègue de Faraday mis sur la touche et devenu homme de main de l’ancien malfrat, d’enquêter de son côté.

Entre Faraday, qui ne reste pas en cage, et Winter commence une sorte de course à qui trouvera le premier le coupable de ce double meurtre. Les moyens engagés ne sont pas les mêmes, leurs approches non plus. Ils tirent chacun un fil de l’écheveau sans connaître les résultats obtenus par l’autre partie, la main droite ignorant les avancées de la main gauche et inversement non proportionnel.


Cette enquête dure une semaine et nous propose rebondissements sur rebondissements. Le lecteur suit les tâtonnements et les avancées des deux protagonistes principaux délégués à la résolution de l’affaire, les points positifs se recoupant parfois, et les échanges de renseignements entre les deux hommes via des témoins ou de simples policiers collègues ou anciens collègues de l’un et de l’autre. S’instaure également un jeu du chat et de la souris entre deux conceptions, deux façons de procéder légales ou non, et surtout les ressentiments avoués ou non des uns envers les autres.

Le genre dit de procédure policière, dont les chantres furent Hillary Waugh et Ed McBain, est un genre aujourd’hui quelque peu désuet de la littérature policière et Graham Hurley le remet habilement et avec maestria au goût du jour. Mais en même temps il met en avant le rôle joué par les techniques modernes et les nouvelles façons de communiquer que ce soit les téléphones portables et leurs applications ou Internet, ainsi que les réseaux asociaux. L’auteur dénonce également le laxisme parental et la liberté trop grande accordée aux enfants, l’un découlant de l’autre.


On pourra juste regretter la photo de couverture qui n'est pas à la hauteur du texte.


Graham HURLEY : Une si jolie mort (No lovelier death – 2009. Traduit de l’anglais par Valérie Bourgeois). Editions du Masque. 464 pages. 22€.

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17 octobre 2012 3 17 /10 /octobre /2012 05:55

Le cas ravage du Caravage.

 

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L’arrivée au domaine de la Josselière est toujours un événement joyeux pour la famille de Rosmadec, et plus particulièrement pour Clémence qui va retrouver son ami le peintre Paul Gauguin. Artiste elle même, elle peint et sculpte, elle est à même d’apprécier la compagnie et les conseils avisés de son maître et de ses compagnons, Emile Bernard et quelques autres.

Mais ce retour à la demeure ancestrale est entaché d’un drame. Albertine, la jeune sœur de Clémence, et Hélène, la fille d’une servante, sont tellement heureuses, qu’elles décident de dormir ensemble afin de pouvoir papoter en toute liberté. Mais en pleine nuit, deux malfrats s’introduisent dans le château et dérobent un dessin du Caravage, découvert à Malte par le grand-père Rosmadec. Les deux jeunes filles entendent les deux malfrats et Hélène descend l’escalier afin de connaître l’origine du raffut. Les deux voleurs s’emparent de la gamine et poignardent mortellement Hector un vieux valet de la famille. Albertine tombe, s’empêtrant les pieds dans la rambarde. Lorsqu’elle revient à elle, elle est atteinte d’une forme d’aphasie. Seulement les deux cambrioleurs pensent s’être emparés de la descendante des Rosmadec et ils réclament en échange de sa liberté une forte somme d’argent.

Clémence et son ami Gildas tentent de retrouver la piste des ravisseurs en enquêtant dans les ports de la côte et jusque sur l’île de Groix, mais à chaque fois ceux-ci se sont déjà défilés. Heureusement Clémence qui possède un solide coup de crayon et ne se départit jamais de son carnet de croquis, dresse des portraits robots. En compagnie notamment de son oncle François, médecin, elle quitte la Josselière afin qu’Albertine puisse consulter à Paris le professeur Charcot, aliéniste réputé pour ses miracles dans le domaine médical, utilisant l’hypnotisme comme traitement.

Profitant de son séjour dans la capitale elle enquête dans les milieux de l’art, en compagnie de ses deux amis, Bouboule et Antoine, dont le lecteur a déjà fait la connaissance dans La Noyée du Pont des Invalides. Par Romain, un jeune homme qui travaille dans la salle des ventes de l’hôtel Drouot, elle apprend qu’un dessin du Caravage va être mis en vente, mais fait inhabituel chez le peintre, ce document est signé. Elle reconnaît l’esquisse qui a été dérobée et assiste donc aux enchères. Elle se renseigne sur le vendeur et l’acheteur. Un nouveau coup de théâtre se produit lorsqu’un jeune adolescent, Pierre, dont les parents sont des familiers de la famille Rosmadec, disparaît au cours d’un voyage qu’il effectuait en Bretagne, sur les traces de la randonnée effectuée par Flaubert et de Maxime du Camp en 1847.

 

Dans ce troisième volet Clémence se montre toujours aussi charmante, intrépide, hardie, persévérante, téméraire et obstinée. Elle n’hésite pas à effectuer de longs voyages, entre Douarnenez, Morlaix, Carhaix, Etretat en compagnie de Gilles le frère aîné de Pierre, afin de traquer les ravisseurs de celui-ci et d’Hélène, l’amie de sa sœur. Elle surmonte les embûches et fait des rencontres saisissantes, telle celle de Gustave de Maupassant, le père de Guy, et découvre les lieux où ont vécu Courbet, Maupassant fils, Corot, Degas et tant d’autres. Yves Josso propose une balade au pays de l’art pictural et littéraire, sans pourtant se montrer pédant. D’ailleurs, il est amusant de lire, via la réplique d’un de ses personnages cette répartie qui ne manque pas de sel : “ On se croirait dans un roman de Jules Verne quand l’auteur croit bon, pour épater son lecteur, de se lancer dans des explications techniques ou théoriques ! Personnellement je saute ces pages ennuyeuses, je les passe… ”. Et qui de nous, enfants, avons pu aller jusqu’au bout des déclinaisons des familles, espèces, groupes, sous-groupes et j’en oublie, des noms de poissons débités en litanie dans Vingt mille lieux sous les mers ? Les captifs de Cornouaille est un roman qui s’inscrit comme un pur bonheur de lecture dans la lignée des maîtres du populaire du XIXème siècle, la maîtrise de l’écriture en plus.

Du même auteur, dans la même collection :  Eté meurtrier à Pont-Aven et  La noyée du Pont des Invalides.


Yves JOSSO : Les captifs de Cornouaille. Collection Grands Détectives N° 4243. Editions 10/18. Juillet 2009. 8,10€.

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16 octobre 2012 2 16 /10 /octobre /2012 14:10

Il n’a pas pété les plombs, c’est en entier que le transfo interne a explosé !


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Être bardé de diplômes n’est pas gage de réussite professionnelle, Jean-Luc Gouézec peut en témoigner. Pourtant son avenir semblait flamboyant comme une aurore rayonnante au dessus d’un pic montagneux. Bientôt cela va se convertir comme un coucher de soleil baignant dans des eaux rougeoyantes, sanglantes.

Pour raconter objectivement la rencontre avec celui qui deviendra son amant puis le père de ses enfants, narrer la montée foudroyante puis la longe descente aux Enfers de Jean-Luc, il fallait la plume impartiale de Delphine qui a vécu et subi les événements, d’abord sans trop y croire puis a bien été obligée de se faire une raison du déraisonnable.

Si Jean-Luc est issu d’une famille bourgeoise, père proviseur, mère agrégée, Delphine est le rejeton de modestes employés municipaux. Cette différence de statut social n’entrave en rien leur amour. A peine sorti haut la main d’une école de commerce, Jean-Luc s’est vu proposer une situation mirifique, la création d’un centre d’appels téléphoniques, financée par un fonds de capital-risque, dont il serait le directeur promoteur. Le local est déjà loué, il ne lui reste plus qu’à peaufiner le projet : sélectionner avec rigueur et embaucher une vingtaine d’opérateurs, solliciter les subventions auprès des pouvoirs publics, démarcher des clients potentiels, faire tourner l’entreprise en dégageant un maximum de bénéfices. Alors, afin d’acquérir une assise plus conforme à ses ambitions, il propose le mariage à Delphine qui travaille dans un collège brestois, une cérémonie qui se déroule uniquement à la mairie et se développe en fête païenne, sous les regards réprobateurs de la famille Gouézec, puis il s’attelle à la tâche qui lui a été confiée.

Il se voyait déjà en haut de l’affiche sauf que celle-ci glisse inexorablement le long du mur pour se retrouver dans le caniveau. Son commanditaire n’était qu’un aigrefin qui s’est volatilisé avec les fonds recueillis, et Jean-Luc se retrouve boulette de papier jetée dans une corbeille. Le couple est obligé de déménager, de s’installer dans un quartier nettement moins huppé, de végéter. Heureusement Delphine a gardé son emploi. Mais le pigeon plumé reste au nid, démoralisé, désenchanté, découragé, désœuvré. Et pour remonter la pente il ne trouve rien de mieux que de se laisser aller, soignant sa déprime au cannabis, se rendant chez madame ANPE comme on se rend au cimetière en invité surprise. Et les petits boulots qu’on lui présente ne l’intéressent pas, madame ANPE et lui ne partagent pas les mêmes valeurs.

Les mois passent, Delphine pense à la séparation, au divorce, et dans le même temps estime que la venue d’un enfant au foyer permettrait à Jean-Luc de se stabiliser, de lui trouver un pôle d’attraction, de le remotiver. Et c’est dans cette ambiance délétère que nait le petit Maël. Tout n’est pas perdu, car les parents de Jean-Luc, qui possèdent de nombreuses relations influentes, travaillent en sous-main pour l’aider à rebondir. Pas tant pour lui, qui se montre odieux, mais pour leur belle-fille qu’ils estiment et leurs enfants. Ils lui fournissent la possibilité d’entrer dans une société de courtage basée à Vannes. Au départ Jean-Luc est réticent mais il se plie devant les arguments avancés. Seulement il possède sa fierté et au bout de quelques années, il ne supporte plus d’avoir un supérieur hiérarchique, surtout une femme. Et à nouveau cela se dégrade. Il implose lorsque, après avoir envoyé une demande de graphologie à la responsable de la rubrique du journal local, il reçoit cette réponse : Personnalité complexe et complexée. Inhibitions diverses et obsessionnelles, et leur contraire : surestimation de l’égo. Dénuée de sentiments positifs à l’égard d’autrui, une nature déplaisante, rigide et dominatrice. La personne devra s’amender si elle veut devenir plus fréquentable.

Alors il va écrire, écrire encore, envoyant ses récriminations du bas de l’échelle jusqu’au plus haut, et son cerveau va court-circuiter.

Hervé Jaouen, délaissant sa saga familiale qu’il reprendra peut-être un jour (Les filles de Roz-Kellen, Ceux de Ker Askol, Les sœurs Gwenann et Ceux de Menglazeg) revient aux fondamentaux, une critique sociale à travers un personnage qui disjoncte à cause de deux facteurs : sa propre faiblesse mentale, quoiqu’il se sente supérieur, et l’univers des dérives financières et sociétales. Hervé Jaouen se livre à un travail d’analyse qui ne porte pas sur un personnage abstrait, de fiction, mais bien sur une réalité quotidienne. Combien de fois avons-nous entendu aux infos parler de ses pères de famille qui poussés au bout du rouleau se livrent à un véritable massacre familial parce qu’ils n’en peuvent plus, broyés par l’implacable mécanique de la recherche de travail, imbus de leur supériorité, supposée, qu’ils possèderaient grâce à des diplômes obtenus haut la main et qui en fin de compte ne leur offrent pas plus de débouchés qu’un honorable Bac. Et tous ceux qui descendent inexorablement la pente et que l’on retrouve un jour SDF.

Une étude de mœurs, une peinture au couteau d’une frange de la société en déliquescence. Le Jaouen nouveau est arrivé, invitez-le chez vous.

 

Envie d'un autre avis ? chez Action-Suspense évidemment !


Hervé JAOUEN : Dans l’œil du schizo. Collection Terres de France ; éditions Presses de la Cité. 320 pages. 19,50€.

 

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16 octobre 2012 2 16 /10 /octobre /2012 08:02

Un modèle réduit…

 

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Quelques semaines après avoir résolu l’énigme de “ L’été meurtrier à Pont-Aven ”, (N° 4020, même collection) Clémence de Rosmadec a repris ses habitudes. Elle fréquente l’atelier de dessin de maître Cormon, en compagnie notamment de son ami Antoine, un trublion farceur qui fabrique des sifflets avec des noyaux d’abricot. Elle peint également dans son atelier de verre, situé au fond du jardin de la propriété familiale de Neuilly, un cadeau de son père architecte.

En ce jour de la fin octobre 1886, Clémence est furieuse et inquiète. Son modèle, Giovanna jeune fille d’origine italienne, ne s’est pas présentée comme convenu au rendez-vous habituel. Elle apprend par les journaux que celle-ci a été retrouvée noyée dans la Seine, après avoir été étranglée. Elle décide alors de se substituer à la police, le commissaire André Kerlutu, secrètement amoureux depuis sa jeunesse de Lysandre, la mère de Clémence, ayant d’autres chats à fouetter.

En compagnie d’Antoine et d’Erwan, le neveu de Kerlutu dont elle avait fait la connaissance à Pont-Aven et qu’elle a retrouvé étudiant assidûment ses cours de droit, elle s’intéresse d’abord à la vie intime de Giovanna, afin de mieux cerner la personnalité de la disparue. Giovanna avait été ramenée d’Italie par Luigi, un rabatteur pour maisons closes, et vivait dans un garni sordide où les filles transitent, sont éduquées, avant d’être disséminées dans les bordels. Le cocher qui avait découvert le corps, Bouboule, avait été inculpé comme présumé coupable mais il est relâché, et coïncidence, c’est un ami d’Antoine. Il a vu deux personnes sortir d’un fiacre et jeter le corps dans le fleuve. S’il n’a pas distingué les traits des individus, il peut toutefois préciser que des armoiries ornaient le véhicule.

Elle enquête aussi chez maître Cóllico, chez lequel Giovanna exerçait son métier de modèle. Curieux bonhomme que ce Cóllico, dont la femme, une grosse matrone prénommée Berthe, s’érige en régente au milieu des élèves formant la cour d’un artiste académique et sectaire. Mais une information vient jeter la confusion : Giovanna était enceinte de trois mois.

 

Cette nouvelle intrigue mettant en scène Clémence de Rosmadec n’est en réalité qu’un aimable prétexte pour Yves Josso de plonger le lecteur dans l’ambiance artistique de la fin du XIXème siècle. On retrouve au fil des pages, Gauguin, Emile Bernard, Van Gogh, Toulouse-Lautrec, Suzanne Valadon, Seurat, Signac, Berthe Morizot et bien d’autres ainsi que le poète Stéphane Mallarmé. On se promène de Montmartre et des environs du cimetière du même nom, à Vaugirard, en passant par le boulevard de Clichy, la place Maubert et le quartier de la Sorbonne et de l’Odéon, on découvre un Paris agreste, avec ses champs et ses gardeuses de chèvres, ses terrains en friche, comme celui où est installé l’atelier de Cóllico, l’univers des peintres en devenir, des rapins comme ils disent, leurs déboires et leurs joies, l’entraide qui les anime, eux qui ont du mal à subsister parce qu’ils refusent de stagner dans un art qui n’évolue pas. Ce qui n’empiète pas sur leur joie de vivre, souvent aidés en cela par l’absorption immodérée d’alcool blanc et de verte, comme était désignée l’absinthe. Quant à Clémence, elle se montre une femme libérée avant l’heure, son cœur et son corps ne pouvant se départager entre Gildas et Erwan.


Du même auteur, voir : Eté meurtrier à Pont-Aven.


Yves JOSSO : La noyée du pont des Invalides. 10/18, collection Grands Détectives N° 4021. Septembre 2007. 8,40€.

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15 octobre 2012 1 15 /10 /octobre /2012 15:08

Les annales des anneaux.


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En ce 18 juillet 1936, les rues de Barcelone connaissent une affluence et une effervescence inhabituelles.

Est-ce parce que des jeux olympiques parallèles à ceux de Berlin se tiendraient dans la capitale catalane, organisés par des sportifs protestataires et hostiles aux officiels organisés par Hitler et sa clique ? Il semblerait que oui, car de nombreux journalistes sportifs et d’athlètes se retrouvent dans les divers hôtels de la ville, sur les ramblas, dans les cafés. Toutes les nationalités sont représentées ou presque. Parmi les reporters, Albert Grosjean, qui est envoyé le journal Sport, retrouve avec plaisir certains de ses confrères,

Mais ce bouillonnement possède aussi une autre cause, moins pacifique que les affrontements entre athlètes dans un stade. Un coup d’état militaire est fomenté par des phalangistes, des généraux réactionnaires dont les soldats se sont emparés de casernes au Maroc et dans toute l’Espagne. Les journalistes sont consignés dans leurs hôtels dans le centre et sont priés de ne pas s’éloigner. La révolution est en marche.

Parmi ses confrères, Albert Grosjean retrouve son ami Ernest Sorman par hasard, mais celui-ci disparait non sans avoir laissé au concierge de l’hôtel où est affecté Grosjean une lettre et un paquet. Sorman souhaite que Grosjean remette un anneau, une alliance, à une femme qui lui est chère et qui pour l’heure est en Allemagne. Malgré son envie de participer à la révolution, ses idées politiques penchant vers le parti communiste, Grosjean retourne en France afin d’accomplir sa mission.

Il lui faut une couverture et Grosjean demande à son rédacteur de lui permettre de couvrir les jeux de Berlin. Or il était prévu de boycotter les jeux et l’idée qu’un journaliste de Sport couvre l’événement déplait fortement au responsable de l’hebdomadaire. Grosjean plaide sa cause en avançant un argument implacable : En n’y allant pas, nous laissons la presse réactionnaire écrire ce qu’elle veut. Nous encourageons une couverture unilatérale des jeux. Convaincu le patron de Sport lui annonce fièrement peu après qu’un rendez-vous avec un assistant de Pierre Cot, ministre de l’Air, un certain Jean Moulin, est programmé.

Grosjean va donc pouvoir se rendre à Berlin muni de deux missions. Remettre l’anneau à Anna Meyer, l’amie de Sorman, d’une part, ce qui lui semble relativement facile. Seulement Anna Meyer a fait l’objet d’une vive controverse entre les autorités allemandes et le Comité international olympique. Devenue un symbole, elle est hautement surveillée et il sera difficile de l’approcher, à première vue. Car il est fort étonné de voir la belle athlète juive s’afficher au bras du ministre de l’éducation du peuple et de la propagande.

L’autre mission confiée à Albert Grosjean par Pierre Cot et Jean Moulin relève de la taupe. La France s’est engagée à ne pas aider les Républicains espagnols, a ne pas livrer d’armes, à n’envoyer aucun militaire français. Une intervention trop marquée en faveur de la République espagnole et les radicaux nous lâchent… C’est la fin du Front populaire… De plus, l’Angleterre, principal alliée de la France, verrait d’un mauvais œil une ingérence ou action en faveur de la république espagnole. Cependant le gouvernement français suppose que les Allemands et les Italiens possèdent des plans secrets de livraison d’armes aux généraux de Burgos. Et Grosjean doit vérifier et éventuellement confirmer cette indication.

Et c’est ainsi que le voilà lancé dans le grand bain, simple journaliste au milieu des dignitaires nazis, Goebbels en tête, pataugeant parmi les athlètes dans la piscine ou courant derrière sur le stade, côtoyant agents doubles ou triples, femmes fatales et espionnes de haut-vol, dégoûté comme certains de ses confrères en entendant les propos racistes et antisémites à l’encontre de certaines personnes de leur entourage et des sportifs qui doivent participer aux épreuves, et assister aux tricheries organisées sous la bienveillance de la clique hitlérienne. Ici aussi, sous couvert d’idéal olympique, chacun défendait son médiocre drapeau et tous les coups étaient plus ou moins permis. Juges crapuleux vendus à l’Allemagne, hommes concourant dans les épreuves féminines, doping, sans parler des tensions raciales que dissimulaient timidement les bons usages olympiques.


Sous couvert de fiction, François Thomazeau nous invite à participer en spectateurs parfois révoltés à cette période trouble dont les points de fixation furent les Jeux de la honte, jeux qui n’étaient qu’un écran de fumée, et le putsch militaire espagnol, dans un roman document à fort relent d’espionnage. Les personnages fictifs et réels se fondent et cohabitent, afin de donner plus de force à certains événements. Les accidents par exemple perpétrés à l’encontre des généraux nationalistes José Sanjurjo et Emilio Mola, tous deux généraux nationalistes, décédés lors de voyages en avion. Le rôle de la France dans la diplomatie internationale mais surtout celui ambigu de la couronne britannique et d’autres nations. La fonction discrète de Jean Moulin lors de son passage comme chef de cabinet au ministère de l’Air du Front populaire, entre deux affectations dans des préfectures. Et bien d’autres personnages qui firent parler d’eux dans des circonstances plus ou moins honorables. Kim Philby, André-François Poncet, Edouard Corniglion-Molinier, Robert Perrier, Unity Valkyrie Mitford, le Major Hugh Pollard, Leni Riefenstahl, Simon Sabiani, sans oublier le “ héros” de Berlin, Jesse Owen.

Et il est à remarquer que l’esprit des Jeux de Berlin, esprit fort décrié car il s’agissait plus d’une propagande que d’une véritable manifestation sportive dans la lignée spirituelle de Pierre de Coubertin, cet esprit de compétition est encore et toujours un véritable marché soumis à la gloire de la finance. Le trafic d’influence laissant place à la tricherie est toujours de mise malgré les dénégations officielles. Dernier exemple en date, les petits arrangements entre amis dans le monde de la boxe amateur.

Les cris de singe lancés aujourd’hui dans les stades de football à l’encontre de joueurs de couleur, Jesse Owen lui aussi les a subi, et dans un endroit qui n’était pas choisi par hasard : le zoo de Berlin.


Quant à la déclaration de ce journaliste du Miroir du Monde, n’est-elle pas reprise, sous une autre forme guère plus élégante dans d’autres domaines sportifs : Un Woodruff, un Owens, un Johnson sont autant d’obstacles insurmontables pour la race blanche. Il faudra se décider un jour à les éliminer des compétitions qui seront alors réservées aux Blancs. Ce n’est pas là une attaque contre les Noirs qui sont, pour la plupart, de braves garçons dociles et de bons enfants. C’est une mesure d’égalité, simplement. Or, il apparait de plus en plus évident que l’atavisme animal des Noirs les avantage par trop dans leurs luttes musculaires contre les Blancs, dont les conditions de vie sont différentes depuis des générations.

Edifiant, non ?

 

Enfin, n’oubliez pas de demander à votre libraire deux marque-pages. L’un pour signaler l’endroit où vous arrêtez la lecture de ce roman document pédagogique, l’autre pour le placer au niveau du lexique auquel vous vous référerez immanquablement.


Voir également les avis de Black Novel et Action-Supense !


François THOMAZEAU : Les Anneaux de la honte. Collection Cœur Noir, éditions de l’Archipel. 262 pages. 18,95€.

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15 octobre 2012 1 15 /10 /octobre /2012 11:16

Gauguin, gros gain !

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En cette fin de juin 1886, Clémence de Rosmadec est contente et heureuse pour deux raisons. Non seulement elle revient passer ses vacances dans la demeure familiale auprès de sa grand-mère et où sa parentèle la rejoindra bientôt, mais elle a aperçu à Pont-Aven, Paul Gauguin dont elle sait qu’il est un peintre en devenir et qu’elle a croisé dans un cours de dessin à Paris.

Euphorique elle décide d’aller se baigner mais sa joie retombe vite lorsqu’elle découvre dans le bateau de Gildas, son ami d’enfance, le cadavre d’une jeune femme, Adèle, qui sert de modèle à Maxime Louval, un peintre installé à Pont-Aven. Adèle négociait accessoirement ses charmes au grand dam des autochtones. Rapidement Clémence fait part de sa découverte à sa grand-mère qui aussitôt demande aide à André Kerlutu, un ami de la famille et commissaire de police à Paris.

André procède aux premières constatations en compagnie de deux gendarmes locaux et de Clémence. La jeune morte aurait été étranglée et sous ses ongles de petits lambeaux de peau laissent à penser qu’elle aurait griffé son agresseur. Aussitôt les gendarmes présument que le meurtrier serait Gildas lui-même, hypothèse approuvée par le juge d’instruction, homme obtus et imbu de sa personne comme pourront le constater André puis Clémence. Mais Clémence, qui ressent envers Gildas une profonde affection, sinon plus, ne baisse pas les bras et toute la maisonnée, famille, employés de maison et fermiers, est soudée derrière elle ainsi qu’André et son neveu Erwan, lequel, amoureux de Clémence, ne ménage pas non plus son soutien.

Yves Josso, qui au début des années 1990 avait signé sous le pseudonyme de Vonnick de Rosmadec une série de dix titres mettant en scène Miss Flic, signe ici un roman à l’écriture plaisante, séduisante, ciselée, empruntant avec bonheur aux feuilletonistes du XIXème siècle le sens de l’intrigue et du style.

La description du monde des artistes peintres installés à Pont-Aven et qui en feront la réputation, celle des relations entre les divers membres de la famille Rosmadec, celle aussi du paysage et du monde marin de ce petit coin de Bretagne qui s’émancipe sous l’impulsion des artistes qui vivent sans préjugés instaurant une liberté de corps et d’esprit, est un véritable hommage à un mode de vie qui se voudrait calme et serein, en contradiction avec l’égoïsme et la frénésie modernes. La famille de Rosmadec détone parmi la petite noblesse provinciale. La grand-mère se délecte à la lecture de la Comtesse de Ségur, Alexis le père de Clémence est artiste et architecte, Lysandre la mère est pianiste, concertiste de renom, L’un des oncles est médecin et l’autre homme d’église, la tante vieille fille est la bonne gouvernante intraitable de son frère qui penche trop souvent vers la dive bouteille.

Clémence est artiste peintre quant à sa jeune sœur elle possède deux dons : une mémoire infaillible et celui de deviner presque les évènements, mature avant l’âge. Enfin le lecteur est invité à méditer cette réflexion exprimée par Clémence : “ Il n’est jamais bon pour l’ordre social de modifier les coutumes ”. Une déclaration qui pourrait être appliquée alors que la fièvre des réformes précipitées agite notre quotidien.

 

Yves JOSSO : Eté meurtrier à Pont-Aven. 10/18, collection Grands Détectives 4020. Septembre 2007. 416 pages. 7,70€.

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13 octobre 2012 6 13 /10 /octobre /2012 08:29

Comme disait ma grand-mère : il existe des romans policiers ruraux fort urbains !

 

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Il fait bon parfois se plonger ou se replonger dans une intrigue policière classique, retrouver le plaisir des énigmes savamment construites, afin de nous dépolluer les neurones des ambiances glauques des romans noirs qui ne traitent souvent que de mêmes thèmes déclinés avec violence.

Être invité par un mort est une situation peu banale, rare et déstabilisante. Et pourtant, c’est bien à ce genre de situation que Charles Khoems est confronté. Leur dernière relation épistolaire remonte à plus de sept ans et cela plus longtemps encore qu’ils ne se sont pas vus. Henri Maramont avait convié Charles à le rencontrer à la villa Mysosotis, impressionnante demeure de maître sise à Jaujac, Ardèche, afin d’obtenir son avis sur son dernier manuscrit, L’ENVERS DE DECOR.

Quand Charles Khoems sonne à la grille du manoir, il est reçu par Alexandre Maramont. Henri est décédé depuis une semaine. Aussitôt Khoems pense à un accident ou à une crise cardiaque. C’est beaucoup plus grave, comme s’il existait une échelle dans la gravité d’un décès. Henri a été assassiné.

Relatons les faits tels qu’ils sont parvenus au scripteur de cette chronique. Le soir du 12 juillet, à 22h33 exactement, la montre brisée du défunt faisant foi, Henri a été tué par une balle tirée de son propre revolver. En réalité deux coups de feu ont été tirés, la seconde balle ayant été retrouvée dans le haut du mur du bureau, au dessus de la fenêtre ouverte. L’orage grondait, condition climatique défavorable qui a occulté le bruit des déflagrations aux oreilles des occupants de la demeure. Le corps a été découvert le lendemain matin par Isabelle, l’employée de maison qui devait réveiller Henri, l’écrivain ayant un rendez-vous à Paris. Le mobile pourrait être un vol, un tableau de Gauguin ayant disparu. Seulement les enquêteurs sont perplexes et de fortes présomptions pèsent sur Béatrice, l’épouse du défunt et belle-sœur d’Alexandre.

Afin d’être le plus complet et objectif possible, il faut signaler les présences permanentes ou presque des différents protagonistes du récit. Vivent donc également au manoir, Mémère Augusta, la doyenne et octogénaire maîtresse des lieux, qui ne peut se déplacer qu’un fauteuil roulant, handicapée par un accident de cheval survenu trente ans auparavant. Véronique Albond, sa dame de compagnie, infirmière et lectrice ; Germain, homme toutes mains et époux d’Isabelle ; Lilian et Stéphanie, les enfants de Béatrice et Henri, Alexandre bien évidemment et Christian de Dabletache, le secrétaire d’Henri et authentique nobliau ruiné.

Charles Khoems est invité à rester quelques jours au domaine, et même engagé afin de résoudre l’énigme de ce meurtre, lorsqu’il révèle à Alexandre qu’il exerce la profession de détective privé. Charles Khoems, cela ne vous dit rien, pas même lorsqu’il allume sa pipe ?

Entre Béatrice et Henri, ce n’était plus les grandes amours depuis des années, d’ailleurs elle ne participe pas aux repas. Lilian et Stéphanie sont chacun des artistes. Lilian est un plasticien, peintre et sculpteur, et Stéphanie, qui lui sert de modèle, rêve d’être actrice. Henri et Alexandre collaboraient sous un pseudonyme commun pour l’écriture de romans de science-fiction, mais Henri continuait une carrière solo d’auteur de romans policiers et de pièces de théâtre. D’ailleurs Alexandre montre le manuscrit du dernier roman d’Henri, L’envers du décor. Bizarre, car dans sa missive, Henri avait indiqué L’envers de décor, en majuscule, à moins que ce ne soit qu’une faute de frappe. Les policiers sont représentés par le capitaine Eugène Gatto et son adjoint Jean-Paul Corniche, un personnage qui se montre très désagréable envers Charles Khoems, surtout lorsqu’il apprend sa profession de détective. Tout en fumant sa pipe, mais pas encombré d’une grosse loupe, Khoems commence ses recherches avec sérieux, sans à-priori, fouinant un peu partout, s’immisçant dans l’intimité des habitants. Mais il bénéficie d’une bonne table et fait honneurs aux mets qui lui sont servi, surtout aux différents vins qui proviennent d’une propriété sise dans le Bordelais et dont s’occupe Béatrice. Béatrice, toujours elle, point de focalisation de l’enquête. La veille au soir, Henri et elle avait partagé une bouteille de champagne, pour une petite fête intime, ce qui ne leur était pas arrivé depuis fort longtemps, et un tache de sang a été retrouvée au bas de la robe qu’elle portait pour l’occasion.

 

Ecrire un roman policier classique, avec une véritable enquête, une énigme à résoudre, n’est pas synonyme de détachement de l’auteur envers la réalité. Et cela ne l’empêche non plus d’exprimer sa vision sur le monde qui l’entoure. Ainsi, mais c’est un de ses personnages qui s’exprime, concernant les critiques littéraires : Monsieur Henri aimait à répéter qu’il fallait ignorer la critique parce que celle-ci, bonne ou mauvaise, n’avait jamais fait vendre un livre de plus ou de moins. Et il disait encore : « Soyons honnête ! On n’écrit jamais que pour son propre plaisir et, si possible, pour celui des autres ensuite ».

Madame Maramont mère, mémère Augusta pour les intimes, est une passionnée des livres, que lui lit volontiers la belle Véronique, livres qui se trouvent à profusion dans la demeure. Mais que dit-elle lorsqu’elle compare la lecture et la télévision ?

Comme disait Victor Hugo, un cerveau qui ne lit pas est un estomac qui ne mange pas ! De nos jours les gens lisent peu. Ils préfèrent regarder ce machin à balancer des programmes entiers de publicité entrecoupés de morceaux de films ou de bandes annonces. Une vraie calamité ! Tiens pourquoi ne passerait-on pas des réclames au beau milieu d’un discours du président de la république ?

L’humour subtil ne manque pas, j’aurais pu extraire un grand nombre de citations amusantes, de réflexions de bon sens, de petites phrases choc. Je me contenterai de celle-ci : Au restaurant, on vous demande systématiquement de quel côté vous désirez être placé : fumeur ou non fumeur ? C’est bien, mais on devrait demander également « côté braillard ou non braillard » ? Cela nous éviterait d’avoir à supporter de capricieux lardons qui n’arrêtent pas de geindre, de pleurnicher ou de crier, entre deux adultes du genre tête à claques à l’éducation plus que douteuse. Un peu plus loin : Mais le monde est ainsi fait : la moitié des gens semble prendre un malin plaisir à enquiquiner l’autre moitié qui doit, naturellement, se montrer tolérante.

Non, il n’y a pas que les auteurs de romans noirs qui ont quelque chose à dire ou à écrire !

Du même auteur lire :  Par le rêve et la ronce;  Le réveil des menhirs;  Ys, le monde englouti;   Qui veut tuer le roi Henri ?

 

Ainsi qu'un

portrait de l'auteur

 

Gabriel JAN : Meurtre à Jaujac. Une enquête de Charles Khoems. Editions E & R, La Bouquinerie. (2008 – 2012). 192 pages. 13€.

 

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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