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14 juillet 2012 6 14 /07 /juillet /2012 16:24

armentieres.jpg

Il arrive un moment dans notre existence ou il est indispensable de se retourner et de regarder en arrière notre parcours professionnel et familial. Et il suffit d’un déclic, d’un détail, d’une trouvaille pour que ce qui n’était qu’une envie à l’origine trouve son chemin, sa raison d’être. Un titre d’ouvrage qui trottine dans la tête depuis des années (alors que l’auteur déclare une fois le livre terminé, je me suis bien souvent trouvé à devoir chercher laborieusement le titre qui me manquait) et qui est une réminiscence des mésaventures que son père racontait mais que ses enfants n’écoutaient pas, ou si peu. La drôle de guerre devenait guerre à part entière, au moment de l’arrestation du maréchal des logis Paul Demouzon le 28 mai 1940 et le départ en captivité pour l’Allemagne puis l’Autriche. Il laissait à Lagny sur Marne sa fiancée qui avait dix neuf ans. Il en avait vingt sept. Ils se connaissaient depuis des années et le mariage était proche. Il n’a plus qu’à se faire rembourser les billets du voyage de noce projeté à Venise. La découverte d’un petit carnet publicitaire bleu sur lequel son père, chargé du ravitaillement, avait noté ses déplacements dans la région picarde, puis nordiste depuis le début de son enrôlement mi octobre 1939 et pendant ses années de captivité éveille la curiosité d’Alain Demouzon.

Un carnet retrouvé dans un carton dissimulé sous de vieilles photos qu’il décrypte avec minutie. Heureusement son père, en homme méthodique, avait consigné au dos des clichés les lieux, les dates et le nom de ses compagnons, les incorporés du 71ème RATTT, régiment d’artillerie tracté tout terrain. Tandis que sur le carnet figurent les déplacements de son régiment. Des copains, ceux qui restent, auxquels il rendra visite après guerre lors de déplacements en compagnie de ses enfants. Ainsi l’arrivée chez Titard, mon Titard comme il se plaisait à dire, le pâtissier qui proposa aux gamins de se servir en pâtisseries, offrande rapidement jugulée par le père : « pas plus de deux par personne », une restriction de plus. Ce petit carnet et les photos n’étaient que des étapes et afin de mieux comprendre ce périple Alain Demouzon s’est plongé dans les archives de guerre entreposées au Château de Vincennes. Cette plongée dans les années de guerre et d’après guerre ne sont qu’une étape dans ce récit et Suzanne, la mère prend aussi une place importante : en juillet 1936, à seize ans, elle obtient un brevet de capacité pour l’enseignement primaire. Elle apprendra à lire et à écrire aux tout petits.

En juin 1940 c’est la débâcle et la transhumance vers Bordeaux. De retour à Paris, elle va travailler dans une compagnie d’assurances. Mais elle n’a plus de nouvelles de sa meilleure amie de l’époque, Lilly, une Juive qui ne pensait qu’à s’amuser afin d’effacer les horreurs. Des dizaines d’années plus tard, Alain Demouzon, enfilant l’imper de ses détectives de romans, retrouvera les traces de celle-ci dans des circonstances qu’il narre avec sobriété. Mais l’auteur ne peut écrire cette saga familiale sans évoquer ses grands-parents maternels et paternels, d’origine rurale et du département de la Meuse, et avaient gardé de bonnes relations avec les Allemands chez lesquels ils avaient été placés en captivité durant la Grande Guerre. Il remonte même à celle de 70, celle qui vit le déplacement des frontières pour l’Alsace et la Lorraine.

Des moments de tendresse narrés avec lucidité, et pour gommer ou pour étayer ces souvenirs d’enfance et de pré-naissance, il fait recours à des documents, issus des archives déjà citées, à de courts extraits de livres, des citations empruntes à Marc Bloch, à Sartre, à Saint-Exupéry, à Roger Ikor, dont il connut les fils, et quelques autres, plus des acteurs de l’époque qui font de la figuration intelligente malgré leur notoriété comme Jean-Louis Barrault. Un livre souvenir qui fait du bien, qui permet à l’auteur de renouer avec un passé qu’il n’a pas vécu mais dont il a entendu les péripéties maintes fois narrées, mais écoutées d’une oreille distraite. Le besoin de retrouver des racines et de comprendre, d’analyser de petits faits, de reconstruire sans déformer les anecdotes.

Alain DEMOUZON : Les faubourgs d’Armentières. Récit. Editions Fayard.

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14 juillet 2012 6 14 /07 /juillet /2012 16:19

amourmelchior

Lors de l’inauguration d’une boutique par une amie, Le commissaire Melchior, en disponibilité, retrouve par hasard Florence, la femme d’un ancien collègue, Marc Yverneau.  Elle vient d’apprendre que la dépouille de son mari, dont elle était séparée, a été retrouvé. Il faisait partie des corps non identifiés suite à l’attentat du métro londonien. Florence demande à Melchior de l’aider dans ses démarches. A Londres le Superintendant Woodcock de Scotland Yard avait bien connu Yverneau, lequel avait procéder à un dépôt ADN afin d'alimenter la banque de données du Yard, alors en gestation. C’est ce qui avait permis l’identification du défunt. Selon le policier britannique, le décès d’Yverneau remonter à quelques jours avant l ‘attentat. De plus Melchior découvre calquée sur le mur du tunnel où a eu lieu le drame, l’empreinte à l’envers d’une carte d’identité. Il s’avère que la pièce était établie au nom d’Etienne Pétrini, lui-même ancien inspecteur à la même brigade qu’Yverneau et Melchior, à Chartres vingt ans auparavant. Des souvenirs que Melchior pensait avoir noyés remontent à la surface. Les trois enquêteurs avaient été impliqués plus ou moins dans l’affaire Arbogast, du nom de l’homme qui avait kidnappé la gamin de Pétrini. L’affaire n’avait été entièrement résolue car l’enfant n’avait pas été retrouvé. Le ravisseur avait été abattu, et quelques policiers avaient reçu des balles perdues. Un doigt de chance, quelques réminiscences qui reviennent par bribes, des détails qui se font jour alors qu’ils n’avaient pas été relevés lors de l’enquête, et Melchior se retrouve enfin sur la piste.


Ce nouveau roman d’Alain Demouzon est une fois de plus une réussite. Outre l’intrigue, qui mêle habilement passé et présent, ce sont les relations entre les divers protagonistes qui retiennent l’attention. Un roman placé sous le signe de la crise. D’abord la crise entre des policiers, pour la plupart des stagiaires, dont les liens relationnels oscillent entre indifférence, compétition, rivalité, ou amitié suspecte. Crise morale et affective de Melchior qui hésite entre quitter définitivement le service et prendre la retraite ou réintégrer son poste. Il envisage d’écrire un roman policier mais il n’arrive pas à concrétiser son projet. Il se lie d’amitié, et plus si affinité avec Florence, tout en doutant de la sincérité de la jeune femme, envisageant même une probable culpabilité de celle-ci. Crise sociale qui noircit l’épilogue en proposant ce que l’on appelle une fin ouverte. Plus quelques autres que le lecteur découvrira au fur et à mesure qu’il découvre le parcours chaotique de Melchior dans cette intrigue qui se révèle machiavélique. Enfin Demouzon semble parfois se confondre avec son personnage, se montrant quelque peu désabusé et caustique sur le statut d’écrivain et plus particulièrement sur celui d’auteur de romans policiers. Pour preuve cette citation extraite de la page 52 :

«  - J’ai essayé ça, aussi : jouer avec les mots, écrire, me raconter sur le papier mes propres aventures… J’ai laisser tomber. Je ne suis pas un héros.

 - Voyons donc ! Vous n’aviez qu’à torcher un polar.

 - Hon-hon ! C’est bien ce que je voulais ! Mais, il fallait prendre un ton, singer une attitude à la redresse que je n’arrivais pas à me trouver… Enfin, si ! Mais j’avais l’air de tricher, ça m’a paru faux, parler en serrant les dents, en crispant les mâchoires. Les codes du polar !… La vie telle que je la ressens, telle que j’essaie de l’attraper, de la questionner, je n’arrivais pas à en témoigner de cette façon-là, dans une mise en scène réglementée, une écriture contrainte et où toute tentative de liberté narrative fait de vous un délinquant. On transgresse les stéréotypes et alors, ce que vous avez gribouillé n’a plus rien à voir avec le divertissement programmé que les gens attendent. Je ne sais pas si je me fais comprendre… »


Quant au titre il est tout en ambiguïté : Un amour de Melchior, comme on dit Ce gamin, c’est un amour, ou alors Une amourette de Melchior ? Sur l’étal du libraire, cela ne me semble guère accrocheur, à moins de lire consciencieusement la quatrième de couverture.

Alain DEMOUZON: Un amour de Melchior. Fayard Noir.

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12 juillet 2012 4 12 /07 /juillet /2012 14:49

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Un petit fait insignifiant peut parfois déclencher de grandes catastrophes, c’est bien connu. La rencontre entre Pol R, artiste plasticien complètement givré, et Cédric Mangata, un policier tranquille en apparence, va provoquer une série d’incidents qui vont atteindre un sommet difficilement imaginable. Et pourtant…

Pol R, oui comme polaire ou Paul erre, trouve sa voie à huit ans en regardant des poulets congelés. Rien que de plus banal pourtant qu’un gallinacé sans tête dont le corps est mis en bière dans un congélateur. Pourtant c’est en l’examinant que son âme d’artiste s’éveille au monde et il réalise ses premières œuvres en plaçant des insectes dans des bacs à glaçons, au grand dam de ses parents. En grandissant son appétit artistique pour les insectes n’a pas décru, au contraire, il s’est passionné pour des animaux plus imposants et voire même pour des humains.

Depuis quelques semaines des cadavres sont retrouvés dans des congélateurs, et l’inspecteur Cédric Mangata est chargé de cette affaire toute chaude. Pour mieux comprendre, il se place la tête dans le compartiment congélation de son frigo, quitte à prendre froid. Or c’est en relevant la tête qu’il aperçoit une affiche concernant une exposition consacrée à l’art de l’âge glaciaire : Un monde gelé.

Comme justement ses neurones ne sont pas attaqués par le froid, aussitôt une corrélation s’effectue dans son cerveau et il décide de visiter le musée d’art moderne des Abattoirs, sis à Toulouse, en compagnie de son chef. Une visite pleine d’enseignements. Il convoque alors Pol R à son bureau. Ce qu’il ne sait pas c’est que l’artiste possède un don, celui d’hypnotiser ses victimes. Pol R oblige le policier à exécuter un salto arrière. Une figure impeccablement réalisée mais la chute est dure. Cédric Mangata se réceptionne la tête sur un radiateur et il tombe dans les pommes.

Bénéficiant d’un congé maladie, il ne se souvient plus de ce qui lui est arrivé et il se repose tranquillement chez lui. Une impulsion l’oblige à monter l’escalier du duplex où il vit avec sa compagne Delphine afin de s’inquiéter de ce que peut faire Milly seule dans sa chambre. Milly c’est la fille de sa compagne, et sans avoir des idées pédophiles, il est toutefois troublé par cette jeunette. Auparavant il s’arrête aux toilettes afin de procéder à une miction bienfaisante lorsqu’il est interrompu par des cris. Milly se tient sur la mezzanine, apeurée à la vue d’une araignée. Un faux mouvement et l’adolescente passe par-dessus la rambarde. Il descend rapidement l’escalier mais il ne peut rien faire. Milly est décédée.

Delphine entre à l’improviste et devant le spectacle qui se présente à elle, elle ne peut maitriser sa fureur : Cédric a remonté le débardeur sur la poitrine de Milly, ce qui prête déjà à confusion. Seulement dans sa précipitation, Cédric à omis de se rebraguetter et son organe reproducteur et urinaire est à l’air. Delphine ne veut pas écouter les quelques explications bafouillées par Cédric et elle s’empare d’une arme à feu. Hélas, en essayant de neutraliser sa compagne en furie, Cédric la tue. Et de deux ! Une cascade de morts vont parsemer cette histoire au cours de laquelle Cédric en devient l’inspirateur malheureux.

Jan Thirion, qui nous avait déjà offert des romans déjantés, nous propose cette fois un roman totalement débridé. Je m’explique : la plupart du temps, ses divers protagonistes sont asiatiques et évoluent soit au Vietnam ou dans l’ancienne Indochine ou ont un rapport avec ces pays. Mais ici point de références à l’Extrême Orient. Tout se déroule à Toulouse et nous avons droit à une visite virtuelle du Musée d’art Moderne et Contemporain pour une exposition inédite et forcément temporaire, sujette aux coupures néfastes de courant.

Jan Thirion nous ramène aux plus belles heures du Grand Guignol, mariant, références artistiques obligent, le rouge et le noir, couleurs chères à un certain Henri Beyle. Un roman jubilatoire, et l’on se demande avec appréhension, si, si ! comment va se terminer cette histoire et quel sera le sort de Cédric Mangata. Une histoire glaciale !

Jan THIRION : Du côté des Abattoirs. Collection Polar & Noir. Editions de l’Ecailler. 208 pages. 17€.

challenge régions

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11 juillet 2012 3 11 /07 /juillet /2012 14:17

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Imaginez ! Vous entrez dans une salle de cinéma alors que la séance est déjà commencée. Vous voyez défiler des personnages, des lieux, vous subissez des actions, et vous n’arrivez pas à relier le tout. Vous êtes un peu déboussolé, mais vous restez dans votre fauteuil, en vous disant, je vais sûrement y comprendre quelque chose si je m’accroche. Peu à peu l’ensemble va se lier et enfin je vais entrer dans cette histoire. Et c’est ce que j’ai fait, je me suis accroché, la magie n’a pas opéré.

D’abord le lieu. Nancy dont le quartier le plus connu est indubitablement la place Stanislas. Mais moins ses bas fonds. Là où se joue l’intrigue.

Loriane Ornec était policière puis un jour elle est passée de l’autre côté de la barrière, sous l’impulsion de son supérieur, le commissaire Fratier. Drôle de bonhomme que ce flic qui est lié à la pègre locale et s’adonne à un mélange de drogue cocaïne héroïne. Loriane pourrait le faire chuter or elle a disparu. Ce qu’elle avait probablement de mieux à faire car outre Fratier, Shadi Atassi lui aussi la recherche. Il en est amoureux, mais elle s’était attachée à Patrick Jade, au passé de tueur, dont la vue commence à baisser et qui représente une menace tout autant pour Fratier que pour Atassi. Entre Atassi et Fratier, ce n’est pas franchement le grand amour, et ils se le font savoir mais ils possèdent des intérêts communs. Et Atassi est décidé à sortir Loriane des griffes de Fratier et de la protéger.

Zoulou, au passé édifiant et de son vrai nom Alice Résilia, a connu bien des vicissitudes au Soudan puis a été rapatriée en catastrophe. Ancienne terroriste, elle avait été retournée par un organisme militaro-policier, Alliance Base, puis s’était reconvertie sous la pression dans le contre-terrorisme. Et Fratier a besoin d’elle pour supprimer Loriane.

Bien d’autres personnages grenouillent dans cet imbroglio : Le commissaire Style apporte son aide à Atassi tandis que les juges Clira et Lachaume viennent de mettre en examen Sarau considéré comme l’avocat de la mafia cubaine. Ils veulent poursuivre Fratier de corruption, soupçonné d’avoir éliminé le parrain local nancéien Albane.

Si vous aimez, contrairement à moi les romans déstructurés, un peu à l’emporte-pièce, ceci est pour vous. Certaines scènes, notamment celle de l’inspecteur se retrouvant sur un parking d’autoroute, sont digne de figurer dans un film.

Mais je suis resté un spectateur passif, ne réussissant pas à me passionner, à vibrer durant cette lecture. Un peu comme si j’avais assisté à un film d’art et d’essai, alors que je préfère les films considérés comme populaires et grand public. Un roman ambitieux certes, dont je reconnais la valeur intrinsèque et le travail de l’auteur, mais je suis imperméable à ce genre d’histoire.

Et je vous incite fortement à lire une analyse plus pertinente et plus élogieuse que la mienne, celle de Pierre sur Black Novel.

Thierry BRUN : La ligne de tir. Editions Le Passage. 240 pages. 18€.

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11 juillet 2012 3 11 /07 /juillet /2012 12:46

La mise en ligne sur le blog de Richard Polar, Noir et Blanc, m'a incité à ressortir de mon ancien blog cet article, ne serait-ce que pour les amateurs de nouvelles et aussi pour faire connaître un auteur et une maison d'édition discrets.

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« Peu à peu, par à-coups, il se mit à écrire des contes. Des histoires rapides et pleines d’images, comme des feux d’artifice, qui invitaient le lecteur à plonger, lui aussi, dans ses abysses personnels ».

Cette petite phrase extraite de Muse, l’une des neuf nouvelles composant ce recueil, pourrait s’appliquer à l’auteur, mais il ne faudrait pas faire l’amalgame entre le personnage décrit et Sire Cédric. « Avec surprise, même les lecteurs les plus conventionnels furent attirés par ces contes macabres et sensibles. Puis se mirent à dévorer tout ce qu’il faisait ». Souhaitons qu’il ne s’agisse pas uniquement d’un vœu pieux, mais que cela devienne réalité.

Dans ces nouvelles le talent de Sire Cédric est manifeste, et il manie le fantastique avec maestria. Evidemment des thèmes récurrents se retrouvent dans ses textes empreints de poésie et de sauvagerie. Le principal de ces thèmes, c’est le rêve et son corollaire, le cauchemar. Des rêves, le plus souvent éveillés, qui vont rapidement se transformer en cauchemars, d’abord durant le sommeil puis envahissant peu à peu la réalité. Le miroir qui propose une face supposée normale, et derrière l’emprise du mal, sous forme de vampires diaboliques. Le noir aspirant le blanc. La mort se délectant de la vie.

Sire-Cedric.JPGDans Muse, par exemple, la rencontre entre une jeune fille narcissique et un jeune homme qui se déteste va conduire les deux personnages à se nourrir l’un de l’autre, le jeune homme puisant dans leurs relations mouvementées le grain de ses histoires, devenant célèbre, mais pas pour autant heureux. C’est par le sang qu’ils accompliront leur destin.

Dans Cauchemar, un enfant qui a perdu sa mère est en butte aux tracasseries des autres enfants de l’orphelinat. Un des gamins mourra, comme d’autres personnes avant lui au contact de l’enfant et un policier chargé de résoudre les affaires tordues lui apportera sinon sa sympathie tout au moins sa compréhension. Mais les cauchemars rôdent.

Dans Visionnaires, deux enfants, encore, sont « plongés dans leur éternel cauchemar ». Eux aussi, inséparables puisque jumeaux, sont tenus à l’écart de leurs condisciples. Nés pendant une éclipse de soleil, ils connaitront les affres de l’enfer durant une éclipse de lune.

Cross-road, la première des nouvelles du recueil, est moins sanguinolente que les suivantes. Elle relève plus du conte de fées que d’histoires démoniaques dont Clive Barker et quelques autres auteurs sont les chantres. Deux garçons se rapprochent et deviennent amis car ils sont mis au ban de la classe et de la cour de récréation par les professeurs et les autres élèves. Pour leurs parents, les deux enfants entretiennent des idées bizarres, mais ils ne poussent pas plus loin leurs recherches d’explications. Un soir Christian découvre son lapin blanc mort dans sa cage. Il demande à Morgan de l’accompagner dans la forêt et les deux amis empruntent le chemin goudronné et s’engagent dans un sentier qui normalement n’existe pas. Avec la recommandation de Christian de ne jamais regarder en arrière, quoiqu’ils entendent, quoiqu’il se passe. Cette nouvelle qui se pose en introduction nous ramène à notre enfance, les autres nous plongent dans l’univers des adultes, un univers noir.

Le fantastique est le parent pauvre de la littérature populaire française. Sire Cédric s’érige en porte-drapeau de ce genre qui, s’il est suivi, devrait retrouver des couleurs.

SIRE Cédric : Dreamworld. Nouvelles. Le Pré au Clerc. 288 pages. 16,20€.

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9 juillet 2012 1 09 /07 /juillet /2012 17:59

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Adolescente Alex était une gamine insignifiante, pas franchement laide mais loin d’attirer les regards sauf peut-être à cause de sa maigreur, comme on regarde une bête curieuse mais dont on n’aurait pas envie de s’approprier. Puis d’un seul coup elle est devenue une jeune fille sur laquelle les hommes se retournent avec un petit air concupiscent. Elle est coquette et aime porter des perruques qu’elle choisit soigneusement. C’est en sortant d’un magasin où elle vient d’effectuer une nouvelle emplette qu’elle est abordée sur le chemin qui la conduit chez elle, par un homme qui la brutalise et la kidnappe à bord d’une fourgonnette.

L’individu ne se montre pas tendre envers elle, ce n’est pas un amoureux écola-balue-dans-sa-cage.jpgnduit, car après l’avoir dénudée, il ne la touche pas. Il se contente de l’enfermer dans une cage en bois, une sorte de fillette dont Louis XI utilisa à profusion dit la légende et notamment envers le cardinal de La Balue, lequel avait inventé son propre engin de torture. La cage est levée à l’aide d’une poulie et heureusement qu’Alex n’est pas sujette au mal de mer car un mouvement de tangage se produit lorsque l’enfermée bouge. Comme nourriture son ravisseur lui offre royalement des croquettes pour chiens. Et il la photographie. Au bout de quelques jours un nouveau supplice raffiné vient embellir ses journées. Âmes sensibles s’abstenir. Le tortionnaire s’avise à lâcher des rats qui viennent chatouiller les doigts de pieds d’Alex.

Un homme qui a vu le manège, c’est-à-dire l’enlèvement d’Alex, prévient les policiers et le commissaire Camille Verhoeven est chargé de l’enquête, malgré ses vitupérations. Quatre ou cinq ans auparavant il a perdu sa femme victime d’un enlèvement elle-aussi. Un épisode de sa vie qui reste douloureux. Longtemps il a végété avant d’essayer de se reconstruire et donc il n’apprécie pas que son ami le divisionnaire Le Guen lui confie cette mission. Seulement par manque d’effectif, Verhoeven est le seul à pouvoir prendre cette enquête, même si ce ne sera que provisoirement. Du moins c’est ce qu’affirme Le Guen. A contrecœur Verhoeven, assisté de ses deux adjoints et complices, Armand et Louis, aussi dissemblables l’un de l’autre que peuvent l’être par exemple des personnages de Dubout, Verhoeven donc se rend sur place et travaille au corps le témoin qui a tout vu mais placé trop loin n’a que peu d’informations à fournir. Juste l’emplacement. Le Dieu des policiers dans sa grande bonté a eu l’heureuse idée de placer une caméra-vidéo au dessus de la pharmacie où a eu lieu le kidnapping. Et grâce à l’enregistrement, après bien des recherches toutefois, le propriétaire de la camionnette utilisée est localisé. Trarieux, c’est son nom, dispose d’un petit logement dans un ancien hôpital de jour promis à la démolition. Le coupable est déniché mais il s’enfuit et se jette d’un pont enjambant le périphérique. Fin de parcours pour l’homme dont le portable est récupéré. Portable sur lequel figurent des photos de la jeune femme dans sa cage. L’affaire n’est pas close pour autant.

Après quelques épisodes qui constituent la recherche d’autres éléments concrets permettant de cerner le problème, les policiers découvre le cadavre de son fils dans le jardin du ravisseur défunté, assassiné à l’aide d’acide sulfurique. Quant à Alex, identité que le lecteur connait mais pas les policiers, lorsqu’ils arrivent sur le lieu de détention c’est pour se rendre compte que celle-ci a réussi à se faire la belle. Or de nouveaux cadavres viennent encombrer le bureau déjà chargé du commissaire Verhoeven. Des meurtres pratiqués selon la même procédure. Tous ont ingéré, malgré eux vraisemblablement, de l’acide sulfurique.

Découpé en trois parties qui se suivent dans une progression constante en narrant le parcours d’Alex, ou plus exactement les parcours, ce roman est un petit joyau de perversité. On peut, si on le désire, associer le talent de l’auteur à tel ou tel romancier ou cinéaste, spécialiste de l’angoisse, de l’horreur, de la terreur, mais Pierre Lemaitre possède son propre univers qui laisse le lecteur pantelant. L’intérêt est toujours soutenu, mais comme il faut parfois aménager quelques pauses afin de reprendre son souffle, Pierre Lemaitre ne se contente pas de décrire des scènes toutes plus sulfureuses (normal lorsqu’il est question d’acide sulfurique) les unes que les autres, mais également de présenter des personnages haut en couleurs. Louis est un homme riche, toujours habillé en gentleman, un intellectuel, un Pic de la Mirandole qui ne fait pas étalage de ses connaissances, de sa culture. Armand est un cas. Il s’arrange toujours pour taper ses jeunes collègues en cigarettes, stylos et dans les bars et autres lieux où il est amené à enquêter il s’empiffre de croissants, d’œufs durs, d’aliments divers et liquides propices à faciliter sa digestion, sans payer bien évidemment. Quant à Verhoeven, il est obnubilé par la perte de sa femme Irène et ne sait que faire de la collection de tableaux hérités de sa mère peintre reconnue. Il voudrait couper les ponts avec son passé, et il se demande ce qu’il fera de l’argent qu’il pourrait récolter de la vente aux enchères des peintures fort prisées. Enfin, il questionne ses témoins comme s’il participait à une partie de jeux d’échecs, menant ses interrogatoires avec l’art consommé de la manipulation.

Un roman que l’on ne peut lâcher avant la fin tant les scènes sont puissamment décrites alors que les émotions submergent le lecteur.

Pierre LEMAITRE : Alex. Le Livre de Poche Thriller N° 32580. 404 pages. 7,10€. (Réédition des éditions Albin Michel – 2011).

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9 juillet 2012 1 09 /07 /juillet /2012 13:02

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Le cerveau de Sophie est constitué de petits cubes, comme ceux avec lesquels jouent les bambins. Des cubes que l’on peut empiler afin de construire une pyramide, ou emboiter les uns dans les autres. Sauf que dans le cerveau de Sophie, elle a beau essayer de les placer dans un sens ou dans un autre, elle n’arrive à rien. Depuis quelques mois elle perd ses objets, des cadeaux destinés à un anniversaire, elle les retrouve ailleurs, là où elle n’aurait jamais pensé les déposer, ce qui amène des tensions dans son couple. Elle a des absences mentales, croit avoir provoqué la mort de sa belle-mère et de son mari handicapé suite à un accident. Elle n’a aucun souvenir de ses actes, pourtant elle avait consigné dans un carnet ses gestes, comme le lui avait préconisé un psy. Mais le carnet a disparu.

Une perturbation mentale qui lui joue des très mauvais tours, comme ce matin où elle se réveille et découvre dans son lit le petit Léo, ligoté et étranglé. Elle a été obligée de démissionner de son travail et a pris un emploi de nurse, gardant Léo, un enfant de six ans. Panique à bord. Elle n’a plus rien à se raccrocher, pas même à Valérie, sa meilleure copine à qui elle avait raconté par mails ses malheurs, les trop nombreux incidents qui émaillent sa vie, qui l’a délitent. Elle fuit, et afin de mettre tous les atouts dans sa manche, elle change de nom. Elle va même jusqu’à se remarier, trouvant dans une agence matrimoniale l’époux qui devrait pouvoir lui permettre de se reconstruire. Mais peut-on échapper à son destin lorsque celui-ci est non seulement écrit mais téléguidé, lorsque les cartes sont biseautées ?

Si les ombres d’Alfred Hitchcock et de Brian de Palma planent sur cette histoire particulièrement machiavélique, comme le signale la quatrième de couverture, je pencherai plutôt pour invoquer les références littéraires, par exemple William Irish, Boileau-Narcejac ou encore G.J. Arnaud. Une forme d’hommage au talent de Pierre Lemaitre à installer un climat d’angoisse et de psychose, une atmosphère diabolique, une sombre histoire de harcèlement et de vengeance puisée dans un quotidien constitué de peur, de crainte, de prémices de folie orchestrée savamment. Car Pierre Lemaitre ne se contente pas de relater les déboires de Sophie, oserais-je écrire les malheurs de Sophie, il met en scène deux personnages qui s’affrontent plus ou moins ouvertement, et dont les motivations sont issues d’un drame familial.

La deuxième partie, qui est constituée de notes écrites dans un agenda, éclaire en partie l’intrigue, mais l’épilogue est savamment agencé, orchestré, et ne laissera de glace aucun des lecteurs. Un roman qui a reçu de nombreux prix notamment au festival Sang d’encre de Vienne en 2009, prix qui sont largement justifiés. Et croyez-moi, il n’y a pas de faute d’orthographe dans le titre.

Pierre LEMAITRE : Robe de Marié. Le Livre de Poche Thriller N° 31638. 6,60€.

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8 juillet 2012 7 08 /07 /juillet /2012 15:45

femme-a-la-mort.gif

 

Vous connaissez ou avez entendu parler de La Rochelle ? Evidemment, se présentent à l’esprit et aux yeux des touristes, les deux tours majestueuses qui se dressent à l’entrée du vieux port. Bon nombre de nous, anciens élèves planchant sur les bancs de l’école lors des cours de l’histoire de France, se souviendront des épisodes opposant les Huguenots aux troupes de Richelieu. Et les amateurs de littérature populaire n’auront pas oublié cet épisode épique où d’Artagnan et ses trois compagnons mousquetaires dressent un pique-nique sous les murs de la forteresse. Plus près de nous La Rochelle fut le centre d’autres batailles, tout autant épiques et médiatiques, tels que les universités d’été du Parti Socialiste ainsi que la dernière législative dont vous connaissez les noms des adversaires politiques pourtant du même bord.

Le commissaire divisionnaire Jacques Verdier est à six mois de la retraite et il se refuse à partir sur un échec. Pas vraiment un échec, disons plutôt sur la résolution d’une affaire dont il n’est pas satisfait. Aussi il fait appel à son vieil ami Stanislas, ancien policier aujourd’hui devenu consultant, appellation sous laquelle se cachent diverses activités plus ou moins légales.

Angèle, la réceptionniste de l’hôtel du Palais de La Rochelle, est interrompue dans son travail de réfection de ses ongles lorsqu’elle sursaute en entendant un grand bruit venant de la chambre placée au dessus d’elle. Une armoire qui tombe pense-t-elle réalisant peu après qu’il s’agit d’un coup de feu. Déjà que quelque temps auparavant, des heures, des minutes ( ?), on ne remarque pas le temps passer lorsqu’on est autant accaparé par ce labeur minutieux de manucure, elle avait été dérangée pour secourir une cloche qui avait résonné sur le trottoir. Ce pochard n’avait même eu la courtoisie de la remercier. Raisonne-t-on dans ces cas-là ? Bref, je m’égare et revenons à notre belle Angèle qui se précipite à l’étage et frappe à l’huis. Point de bruit, point de réponse. Aussi elle appelle le commissariat qui se trouve non loin et dans les minutes qui suivent l’inspecteur divisionnaire Marchetti et ses hommes arrivent chaussés de leurs gros sabots. Marchetti ne finasse pas et enfonce la porte qui est fermée de l’intérieur. Les clients curieux regardent de leurs chambres les policiers entrer dans la pièce où git une jeune femme, un trou dans la tête, trou occasionné par une arme à feu. Marchetti tente d’ouvrir la fenêtre, triture à plusieurs reprises la crémone et devant ses efforts inopérants il déclare que le bois gonflé par l’humidité bloque l’ouverture. Conclusion immédiate et pas remise en cause, il s’agit d’un suicide.

Oui mais, voilà, Jacques Verdier est quelque peu circonspect et c’est pour cela qu’il fait appel à son ami Stan. Natasha, la défunte, est une Russe venue à La Rochelle pour une raison qui lui était personnelle. L’enquête a avorté car les autorités russes ont réclamé le corps immédiatement et l’ont rapatrié séance tenante, disons dans les vingt-quatre heures. Ce qui, du coup, a abrégé les constatations médico-légales qu’auraient dû effectuer le médecin légiste. Ceci ne rebute pas Stan qui empoigne son téléphone portable et contacte l’un de ses correspondants russes, son ami Vladimir, un parrain de la Mafia locale, auquel il a rendu service il y a déjà quelques temps.

Grâce à Vladimir, Stan peut s’entretenir avec le père de Natasha, lui aussi mafieux confirmé. Celui-ci lui révèle que la jeune femme avait eu un enfant avec un amant français et que le gamin était mort d’une maladie pernicieuse. Il aurait fallu pouvoir procéder à un don d’organe ou quelque chose comme ça. Elle aurait conçu l’enfant avec un peintre et pour seule indication, le père de Natasha transmet un cliché d’un tableau qu’elle possédait. Mais selon lui une autre piste pourrait être envisagée : la mafia russe aurait eu en tête de lui faire sa fête et s’en serait pris à Natasha.

Moins débridé, moins humoristique que le précédent roman de Samuel Sutra, Le pire du Milieu, quoique certaines scènes et tournures de phrases prêtent à sourire, La Femme à la mort s’inscrit comme un bon roman à la lecture agréable. Un vrai faux crime en chambre close, à la solution évidente lorsqu’on la connait et qui n’emprunte pas à une explication alambiquée, donne du piment à l’intrigue. En débutant la lecture on est tout de suite happé et on ne fait plus attention si tout est logique, si des incohérences se glissent ici ou là, si des situations sont abracadabrantesques, non, on se laisse aller et on se dépêche d’arriver au mot fin, qui d’ailleurs n’est pas inscrit. Comme lorsqu’on lisait avec délectation les premiers romans signés San-Antonio, par exemple. Cette nouvelle maison d’édition, chapeautée par les éditions SGDV, propose des polars régionaux, mais Samuel Sutra ne tombe pas dans le piège du Guide du Routard adapté pour envelopper une histoire. La Rochelle est présente, on peut suivre les protagonistes dans les rues de la cité, mais les habituels clichés nous sont épargnés. Les gourmets apprécieront la référence faite à Coutanceau, une table renommée et une référence gastronomique. Bon appétit. Et sans vouloir être un flagorneur, je pense que Samuel Sutra peut devenir un romancier reconnu, moins médiatique que certains mais plus sincère.

Samuel SUTRA : La Femme à la mort. Collection Régiopolice N°6. Editions Sirius. 256 pages. 7,50€.

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8 juillet 2012 7 08 /07 /juillet /2012 12:58

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Si toi tu te coupes avec une enveloppe, lui peut s’égorger avec le timbre. Lui, c’est Bruno, dit le Zébré, un vieux copain de cellule de Tonton. Son surnom, il le doit à toutes les années passées en tôle, à regarder le soleil à travers les barreaux. Tonton, c’est un vieux de la vieille, un truand patenté, dont le réseau sanguin transporte l’atavisme familial. Digne fils de ses parents, Aimé Du Çon alias Tonton, n’hésite pas à mettre les mains dans le cambouis et à organiser des affaires tordues susceptibles de gonfler son portefeuille. Et c’est grâce justement au Zébré qu’il sent l’odeur de l’argent flotter sous son nez. Donc, comme je l’ai dit, Le Zébré, fidèle hôte des prisons, peut-être parce qu’il apprécie la nourriture abondante et raffinée qui y est servie et assuré d’avoir un toit sur la tête lors des intempéries, Le Zébré a fait la connaissance du Belge qui lui a narré comment il a réussi à glaner quelques millions d’euros, cachés précautionneusement chez lui. Tonton, sachant que son ami, à peine sorti de geôle a trouvé le moyen d’y retourner, décide de s’accaparer de cette petite fortune qui lui tend les bras.

Il convoque l’arrière-ban de ses fidèles, Gérard, Pierre son neveu, pas très futé de l’avis de tous, et Mamour, un non-voyant qui traîne à ses basques un chien appelé Kiki. Pour leur expliquer ce qu’il envisage, Tonton est obligé de prendre des détours lexicaux mais il parvient quand même à leur inculquer les prémices de son idée. Tandis que ses comparses doivent se conformer à ses instructions précises, plus ou moins bien, il faut l’avouer, Tonton requiert les services d’un vieil ami, Le docteur Moreau-Défunt. Déguisé en Jules César, accompagné de ses fidèles Centurions Gérard and Co, Tonton est accepté dans la clinique Le Vilipende du psychiatre Branlant-Dudaume. Le pourquoi du comment me demanderez-vous à juste raison ? Tout simplement parce que le Belge, de son vrai nom Emile Von Stroumpf, serait interné dans l’établissement suite à une altercation avec un codétenu, lequel n’est autre que Le Zébré qui lui serait passé de vie à trépas.

Tout est soigneusement pensé, Tonton a fignolé son plan en gérant les moindres détails. D’ailleurs il précise : « Bon, les enfants, on synchronise nos montres, qu’on soit sûr d’être tous le même jour ».

De nombreux gags, je voulais dire de nombreux incidents, vont émailler les pérégrinations de nos lascars, avec quelques cadavres déposés ici et là comme les cailloux du Petit Poucet. Et un épilogue fin ouverte qui nous laisse présager que nos Branquignols vont revenir dans de nouvelles aventures.

Ce roman, sous-titré Tonton et ses chinoiseries, possède un humour dans la narration, dans la description des situations, dans les dialogues, qui pourrait rapprocher de San Antonio, première période, de Charles Exbrayat, mais surtout de Viard & Zacharias comme dans leur roman La bande à Bonape. Un humour qui sera peut-être dédaigné par les réfractaires à la lecture de ce genre de production, préférant les romans noirs, durs, violents et âpres. Ils ne savent pas ce qu’ils perdent, mais à chacun son choix que je ne peux que respecter.

Citation : Avoir l’air con, c’est à la portée du premier intello venu. Avoir l’air fou n’est pas forcément à la portée d’un sain d’esprit.

Voir le catalogue des éditions Terraciaë

Samuel SUTRA : Le pire du Milieu. Collection Sangria ; Editions Terriciaë. 232 pages. 13,00€.

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7 juillet 2012 6 07 /07 /juillet /2012 16:17

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Fils spirituel de Rouletabille, le personnage chéri (bibi) de Gaston Leroux, Raoul Signoret de Jean Contrucci honore la profession de journaliste-reporter au Petit Provençal de Marseille. Sa Bonne Mère à lui, ce pourrait être son oncle Baruteau, chef de la Sûreté phocéenne, qui, lorsqu’un événement criminel se produit, ne manque pas d’en informer son neveu unique et préféré afin de damner le pion aux autres pisse copies et confrères de Raoul, mais également de pouvoir compter sur ses facultés d’enquêteur, par maintes fois éprouvées. En ce début du mois d’avril 1907, Eugène Baruteau est d’une humeur de chien. Le président du conseil et ministre de l’Intérieur, Georges Clemenceau alias le Tigre, a promis d’augmenter les effectifs de police ainsi qu’une enveloppe supplémentaire à condition que les résultats soient probants, et que tous les planqués justifient leur rémunération. Ce qui n’est pas gagné d’avance, d’autant qu’une promesse, ce n’est qu’une promesse qui peut vite être enterrée. L’intrusion de Raoul Signoret dans son antre adoucit quelque peu ses propos d’autant qu’une affaire toute chaude vient d’être déposée sur son bureau.

Un jeune garçon, un peu benêt, se rendant de nuit au travail, a cru voir un fantôme acagnardé à un mur et deux hommes s’enfuir. Une version corroborée par des témoins mais il s’avère que le fantôme n’est que le cadavre d’un homme enveloppé dans une sorte de voile blanc. Mais ce n’est pas un cadavre normal. Son abdomen a été recousu, ses cheveux ont été rasés en partie et il porte des traces de scarifications. De plus l’autopsie décèle l’ablation d’une partie du foie. Une enquête rapide et quelques renseignements fournis par des prostituées permettent de mettre un nom sur cette dépouille. Il s’agirait d’un soi-disant guérisseur qui se fait appeler Cléophas, surnommé également l’Empirique. Il exerçait ses activités médicales selon un rite particulier, à l’aide de sang humain, le sien d’après les racontars, et des prélèvements pileux, et suivant ses patients il se montrait altruiste ou fortement intéressé par des dons de bijoux et autres babioles de valeur. Quelqu’un en définitive de guère recommandable ce qui n’empêche pas Raoul de s’interroger sur les motivations de l’assassin. D’autant que la mère maquerelle des prostituées en question et deux filles de joie se font trucider comme par hasard. Du pain sur la planche pour Raoul qui tombe de Charybde en Scylla ou plutôt de Massalia en Phrygie. Heureusement il trouve en Tino, un camarade d’enfance perdu de vue depuis des années devenu plombier-zingueur, ainsi qu’avec Néné le coiffeur, des assistants précieux pour mener à bien cette enquête.

Si l’histoire, inspirée d’un événement réel mais non élucidé, est prenante, ce sont les petits à-côtés qui en donnent la saveur. Si dans ses précédents ouvrages Jean Contrucci, par le biais de dialogues entre deux personnages d’opinions totalement différentes ce qui lui permet de rester en retrait tout en faisant un clin d’œil au lecteur, nous invitait à réfléchir sur les “ bienfaits ” de la colonisation ou la charité chrétienne, à savoir qui de l’athée, de l’agnostique ou du croyant limite bigot, du socialiste et de l’homme de droite, pratique le mieux la philanthropie.

Dans cet ouvrage Jean Contrucci aborde les thèmes de la ségrégation, de l’ostracisme, du racisme. Ainsi pages 164 et 165, Raoul dit à Thomas, jeune garçon d’origine allemande qu’il a recueilli et a été en butte aux malveillances notamment d’un enseignant : “ Si tu disais d’où tu viens, tu serais bientôt confronté à la malignité de ceux qui préfèrent rabaisser les autres  plutôt qu’avoir à prouver qu’ils sont meilleurs qu’eux. Il y aurait toujours quelqu’un pour te traiter de “ sale Boche ” en oubliant que son père, on lui disait peut-être “ sale Babi (Italien) ”, “ sale Bicot ” ou “ Arménien, tête de chien ”. Je ne veux pas que le garçon qui porte mon nom, et que je considère comme mon fils, soit malheureux à cause de ça. Il faut être plus intelligent qu’eux, mon Thomas. Ne pas entrer dans leur jeu, surtout, ils il ne demandent pas mieux. Tu leur donnerais des raisons de te haïr. Comme tu ne peux pas empêcher la sottise universelle de gangrener les têtes, il faut te protéger ”. Mais ce n’est pas le seul exemple que j’aurais pu extraire de ce roman qui se révèle humaniste sans tomber dans la leçon de morale exagérée et démagogique.

Jean CONTRUCCI : Le vampire de la rue des Pistoles. Le Livre de Poche, collection Policier/Thriller. 480 pages. 7,10€.

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