Si toi tu te coupes avec une enveloppe, lui peut s’égorger avec le timbre. Lui, c’est Bruno, dit le Zébré, un vieux copain de cellule de Tonton. Son surnom, il le doit à toutes les années passées en tôle, à regarder le soleil à travers les barreaux. Tonton, c’est un vieux de la vieille, un truand patenté, dont le réseau sanguin transporte l’atavisme familial. Digne fils de ses parents, Aimé Du Çon alias Tonton, n’hésite pas à mettre les mains dans le cambouis et à organiser des affaires tordues susceptibles de gonfler son portefeuille. Et c’est grâce justement au Zébré qu’il sent l’odeur de l’argent flotter sous son nez. Donc, comme je l’ai dit, Le Zébré, fidèle hôte des prisons, peut-être parce qu’il apprécie la nourriture abondante et raffinée qui y est servie et assuré d’avoir un toit sur la tête lors des intempéries, Le Zébré a fait la connaissance du Belge qui lui a narré comment il a réussi à glaner quelques millions d’euros, cachés précautionneusement chez lui. Tonton, sachant que son ami, à peine sorti de geôle a trouvé le moyen d’y retourner, décide de s’accaparer de cette petite fortune qui lui tend les bras.
Il convoque l’arrière-ban de ses fidèles, Gérard, Pierre son neveu, pas très futé de l’avis de tous, et Mamour, un non-voyant qui traîne à ses basques un chien appelé Kiki. Pour leur expliquer ce qu’il envisage, Tonton est obligé de prendre des détours lexicaux mais il parvient quand même à leur inculquer les prémices de son idée. Tandis que ses comparses doivent se conformer à ses instructions précises, plus ou moins bien, il faut l’avouer, Tonton requiert les services d’un vieil ami, Le docteur Moreau-Défunt. Déguisé en Jules César, accompagné de ses fidèles Centurions Gérard and Co, Tonton est accepté dans la clinique Le Vilipende du psychiatre Branlant-Dudaume. Le pourquoi du comment me demanderez-vous à juste raison ? Tout simplement parce que le Belge, de son vrai nom Emile Von Stroumpf, serait interné dans l’établissement suite à une altercation avec un codétenu, lequel n’est autre que Le Zébré qui lui serait passé de vie à trépas.
Tout est soigneusement pensé, Tonton a fignolé son plan en gérant les moindres détails. D’ailleurs il précise : « Bon, les enfants, on synchronise nos montres, qu’on soit sûr d’être tous le même jour ».
De nombreux gags, je voulais dire de nombreux incidents, vont émailler les pérégrinations de nos lascars, avec quelques cadavres déposés ici et là comme les cailloux du Petit Poucet. Et un épilogue fin ouverte qui nous laisse présager que nos Branquignols vont revenir dans de nouvelles aventures.
Ce roman, sous-titré Tonton et ses chinoiseries, possède un humour dans la narration, dans la description des situations, dans les dialogues, qui pourrait rapprocher de San Antonio, première période, de Charles Exbrayat, mais surtout de Viard & Zacharias comme dans leur roman La bande à Bonape. Un humour qui sera peut-être dédaigné par les réfractaires à la lecture de ce genre de production, préférant les romans noirs, durs, violents et âpres. Ils ne savent pas ce qu’ils perdent, mais à chacun son choix que je ne peux que respecter.
Citation : Avoir l’air con, c’est à la portée du premier intello venu. Avoir l’air fou n’est pas forcément à la portée d’un sain d’esprit.
Voir le catalogue des éditions Terraciaë
Samuel SUTRA : Le pire du Milieu. Collection Sangria ; Editions Terriciaë. 232 pages. 13,00€.