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7 juillet 2012 6 07 /07 /juillet /2012 12:44

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« Mais par chance, le célèbre Raoul Signoret, le chevalier Bayard du journalisme marseillais, pourfendeur d’injustice, pulvérisateur d’assassins impunis, terreur des criminels et des voyous, va fourrer son nez dans les secrets de l’affaire Natanson et nous rapporter, non seulement les preuves de notre impéritie, mais la solution de l’énigme qui n’est qu’un jeu d’enfant pour son esprit fulgurant ».

Ainsi s’exclame Eugène Baruteau, le chef de la police phocéenne, au cours d’un repas qui réunit sa petite famille dont son neveu unique et préféré Raoul Signoret du journal Le Petit Provençal. Il est vrai que Raoul, journaliste couvrant les affaires criminelles et judiciaires n’a pas son pareil pour mettre son nez dans des affaires délicates. Et pour une fois, il n’est pas allé quérir une nouvelle aventure, c’est l’aventure qui vient à lui sous la forme d’un jeune homme qui l’aborde à la sortie de la représentation d’un opéra de Berlioz. Se décrivant comme artiste peintre et écrivain, Guillaume Natanson, âgé de dix-neuf ans, a rompu avec sa famille. Son père a été assassiné dix ans auparavant, et sa mère s’est remariée, le délai de viduité expiré, avec Jacques Bernès le meilleur ami de son géniteur. Mais l’affaire est plus complexe qu’il y parait et c’est peut-être pour cela que Raoul Signoret s’y intéresse.

Hélène de Cazalis, la mère de Guillaume, s’était retrouvée enceinte alors qu’elle avait à peine seize ans, bien que fréquentant l’honorable institution des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny. Or une famille de notables ne peut accepter un tel accroc dans leur respectabilité et un mariage fut arrangé avec Louis Natanson, dont l’avenir comme avocat d’affaires était bien engagé. Louis Natanson avait été contacté par un certain Harry Brougham afin de déterminer les possibilités de l’ouverture d’une ligne de Steamers vers la mer Noire. Son cadavre avait été découvert dans un petit pied-à-terre qu’il louait sous une fausse identité près d’Allauch sur les indications épistolaires d’un nommé Harry Brighton qui écrit que Natanson, avec lequel il devait parler des modalités de cette entreprise, s’était tué accidentellement avec une arme qu’il manipulait. Les recherches effectuées ont conclu à la non existence officielle de ces deux hommes, Brougham et Brighton, et qu’il s’agirait d’un inconnu agissant sous des identités diverses et grimé pour l’occasion. Jacques Bernès durant le mariage fréquentait assidument la belle Hélène attisant le courroux non affiché, toujours le respect des convenances, de Natanson.

Guillaume est persuadé que Bernès est, sinon l’auteur d’un meurtre, du moins le commanditaire, à seule fin de pouvoir s’unir à Hélène. Eugène Baruteau et le juge Massot, aujourd’hui en retraite mais qui avait instruit l’affaire à l’époque, possèdent quelques documents dont Raoul prend connaissance avec étonnement. Et malgré son travail de reporter judiciaire, il doit se rendre quotidiennement à Toulon couvrir le procès Ullmo, un officier militaire français accusé de traitrise, il s’implique plus qu’il l’aurait cru. Raoul Signoret enquête donc afin de démêler le vrai du faux et le faux du vrai, et les rebondissements, fausses trappes, impasses ne manquent pas dans ce labyrinthe qui devrait déboucher sur la vérité, celle qu’aimerait voir afficher Guillaume : le forfait de Bernès envers son père.

Heureusement Cécile, la belle et douce épouse de Raoul Signoret, qui est infirmière de son état, n’a pas son esprit encombré par toutes ces complications et c’est un peu grâce à elle que Raoul pourra dénouer cette affaire. Malheureusement l’épilogue, qui pourtant se tient autour d’une bonne table chargée de mets typiquement marseillais, nous laisse quelque peu sur notre faim, car le lecteur n’en a jamais assez.

Jean Contrucci parsème son roman comme souvent, coïncidence ou pas, par des faits qui étrangement rejoignent les préoccupations d’aujourd’hui. Ainsi en cette début d’année 1908, Eugène Baruteau, le chef de la police marseillaise, est fort remonté contre ses supérieurs et plus particulièrement Clémenceau qui travaille sur le projet de constitution de brigades mobiles qui seront plus connues sous le nom de Brigades du Tigre. Et bien entendu Baruteau vitupère sur le travailler plus avec moins d’effectifs, les chiffres recensés par le ministère n’étant pas en adéquation avec ceux affectés sur le terrain. Une guerre des chiffres qui existent toujours et pendant ce temps on berne le petit peuple qui croit la voix de son maître, même si celui-ci l’ouvre pour ne rien dire ou se gargarise de déclarations intempestives et déplacées.

Jean CONTRUCCI : L’inconnu du Grand Hôtel. Série Les nouveaux mystères de Marseille. Le Livre de Poche Policier/Thriller. 6,60€.


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6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 15:15

Ce roman hors commerce vous est offert pour l'achat de deux ouvrages de la collection Labyrinthes des éditions du Masque.

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S’il faut en croire l’auteur dans sa préface, chaque chapitre de ce court roman contiendra soixante-treize assassinats ! Evidemment, ceci n’est qu’une accroche propre à méduser, surprendre et estomaquer le futur lecteur. Car il ne faut pas oublier que les romans en ce XIXème siècle paraissaient en priorité en feuilletons, et Paul Féval savait que pour appâter le lecteur, le début se doit d’être assez mystérieux et surprenant. Aussi, l’écriture de la préface n’est pas confiée à un spécialiste, un confrère ou un critique littéraire, mais il se charge lui-même de la rédiger, annonçant la couleur :

Nous aurions pu, imitant de très loin l’immortel père de Don Quichotte, railler les goûts de notre temps, mais ayant beaucoup étudié cette intéressante déviation du caractère national, nous préférons les flatter.

C’est pourquoi, plein de confiance, nous proclamons dès le début de cette œuvre extraordinaire, qu’on n’ira pas plus loin désormais dans la voie du crime à bon marché.

Nous savons tous que les records sont faits pour être battus, et le bon Paul Féval s’il vivait aujourd’hui verrait ses cheveux se dresser sur sa tête s’il lisait certaines productions. Pourtant, toujours dans sa préface, ne seront pas comptés les vols, viols, substitutions d’enfants, faux en écriture privée ou authentique, détournements de mineures, effractions, escalades, abus de confiance, bris de serrures, fraudes, escroqueries, captations, vente à faux poids, ni même les attentats à la pudeur, ces différents crimes et délits se trouvant semés à pleines mais dans cette œuvre sans précédent, saisissante, repoussante, renversante, étourdissante, incisive, convulsive, véritable, incroyable, effroyable, monumentale, sépulcrale, audacieuse, furieuse et monstrueuse, en un mot Contre nature, après laquelle, rien n’étant plus possible, pas même la Putréfaction avancée, il faudra, Tirer l’échelle !

Mais avant d’aller plus loin dans cette mini étude, je vous propose de découvrir l’intrigue dans ces grandes lignes.

Dans la rue de Sévigné, trois hommes guettent dans la nuit la bâtisse qui leur fait face. Ce sont les trois Pieuvres mâles de l’impasse Guéménée. Ils ont pour crie de ralliement Messa, Sali, Lina, et pour mission de tuer les clients du docteur Fandango. L’un d’eux tient sous le bras un cercueil d’enfant. Un guetteur surveille les alentours, placé sur la Maison du Repris de Justice. Ils ont pour ennemis Castor, Pollux et Mustapha. Ce dernier met le feu à une voiture qui sert à transporter les vidanges des fosses dites d’aisance et derrière laquelle sont cachés les trois malandrins. Sous l’effet de la déflagration, les trois hommes sont propulsés dans les airs, mais le nombre des victimes de l’explosion se monte à soixante-treize. Le docteur Fandango s’est donné pour but de venger la mort d’une aristocrate infidèle, homicidée par son mari le comte de Rudelane-Carthagène. Les épisodes se suivent dans un rythme infernal, tous plus farfelus, baroques, insolites et épiques les uns que les autres. Tout autant dans la forme que dans le fond, dans l’ambiance, le décor, les faits et gestes des divers protagonistes.

Ce malfaiteur imita le cri de la pieuvre femelle, appelant ses petits dans les profondeurs de l’Océan. Avouez que ceci nous change agréablement de l’ululement de la chouette ou du hurlement du loup, habituellement utilisés par les guetteurs et par trop communs. Et puis dans les rues nocturnes parisiennes, au moins cela se confond avec les bruits divers qui peuvent se produire selon les circonstances.

Paul Féval ironise sur les feuilletonistes qui produisent à la chaîne, lui-même en tête. Derrière eux venait le nouveau mari de la jeune Grecque Olinda. Nous ne sommes pas parfaitement sûrs du nom que nous lui avons donné, ce doit être Faustin de Boistord ou quelque chose d’analogue. Il est vrai que parfois les auteurs se mélangeaient les crayons dans l’attribution des patronymes de leurs personnages, rectifiant après coup sous les injonctions des lecteurs fidèles, intransigeants et attentifs.

Le sensationnel est décrit comme s’il s’agissait de scènes ordinaires, mais qui relèvent du Grand Guignol : Bien entendu, les malheureuses ouvrières, composant l’atelier des Piqueuses de bottines réunies, avaient été foulées aux pieds et écrasées dès le premier moment ; elles étaient maintenant enfouies sous les cadavres à une très grande profondeur, car le résidu de la bataille s’élevait jusqu’au plafond et les nouveaux venus, pour s’entr’égorger, étaient obligés de se tenir à plat ventre… Le sang suintait comme la cuvée dans le pressoir.

Tout cela est décrit avec un humour féroce, débridé et en lisant ce livre, le lecteur ne pourra s’empêcher de penser aux facétieux Pierre Dac et Francis Blanche dans leur saga consacrée à Furax ou à Cami pour les aventures de Loufock-Holmès, ainsi qu’à Fantômas de Pierre Souvestre et Marcel Allain. A la différence près que Paul Féval fut un précurseur, et ces auteurs se sont peut-être inspirés, ou influencés, par cette Fabrique de crimes. Nous sommes bien loin de l’esprit du Bossu et autres œuvres genre Les Mystères de Londres, Alizia Pauli, Châteaupauvre, ou encore Les Habits Noirs, Les Couteaux d’or ou La Vampire. Quoi que…

Ce roman est offert gracieusement pour l’achat de deux romans de la collection Labyrinthes et n’hésitez pas à le réclamer à votre libraire distrait s’il oublie de le glisser dans le sac contenant vos achats. Vous pouvez bien évidemment consulter le catalogue de la collection Labyrinthes des éditions du Masque et lire mes articles consacrés à quelques-uns des ouvrages proposés : Rubis sur l’ongle de Fortuné du Boisgobey, La franc-maçonnerie des femmes de Charles Monselet, Jaune sable de Viviane Moore, L’enlèvement de Louis XIV de Jean d’Aillon ou encore Les loups de la Terreur de Béatrice Nicodème.

Paul FEVAL : La fabrique de crimes. Collection Labyrinthes. 160 pages.

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5 juillet 2012 4 05 /07 /juillet /2012 12:34

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Béatrice Nicodème, qui est entre autre une spécialiste des aventures de Sherlock Holmes et a imaginé de nouvelles péripéties au jeune Wiggins, l’aide occasionnel du détective britannique, Béatrice Nicodème nous entraîne un peu plus de deux siècles en arrière, sous la Terreur, dans la forêt de Brocéliande qui connût les exploits de Merlin l’Enchanteur et de la Fée Viviane. En ce début d’année 1794, l’hiver est rude et les loups affamés n’hésitent pas à s’approcher des chaumières, égorgeant les moutons. La famine règne en Bretagne comme partout dans le pays. Et les Révolutionnaires sont assoiffés. De sang. Les têtes tombent, surtout celles des nobles, mais également de tous ceux qui déplaisent. La délation va bon train. Louis Josselin de Kerruis, un nobliau, est jugé en place publique de Rennes. Son crime, être parent d’émigré. Alors que sa fille Eléonore pense que son père va être condamné à la guillotine, celui-ci est libéré. Il doit débarrasser le pays des loups. Seulement Josselin est malade et Eléonore reprend la relève, à la tête de la meute de chiens. Elle court les bois, habillée en homme. Le Troadec chargé de surveiller le vieil homme s’aperçoit bientôt de la supercherie. Dans la campagne évoluent Romaric, un gamin que sa mère moleste, tandis que le père s’absente souvent, tandis que des charbonniers installés dans la forêt fabriquent le charbon de bois et que des chauffeurs, bandits de grands chemins, s’intéressent de près au supposé trésor des Kerruis, perturbant le voisinage. Et pour compléter cette galerie de personnages, le grand loup, qui rôde dans les taillis.

Béatrice Nicodème après avoir écrit de bons romans de suspense tels que L’inconnu de la terrasse (éditions de l’Instant), Terreur blanche (Ed. Denoël) ou encore Meurtres par écrits (Fleuve Noir) et s’être amusée à imaginer de nouvelles aventures à Sherlock Holmes dans Défi à Sherlock Holmes (Fleuve Noir), se lance elle aussi dans le roman historique. Avec un certain bonheur, car cette histoire ne manque ni de charme, ni de souffle, frôlant parfois le fantastique. L’on ne peut s’empêcher de penser à Dumas qui revient à la mode. Car si Béatrice Nicodème met en scène un épisode révolutionnaire particulièrement trouble, elle reste fidèle au principe du conteur. Point de pédagogie dans cette narration, ce qui n’est pas toujours le cas de certains universitaires qui écrivent des romans d’action mais, trop obnubilés par leur science pour déroger d’un iota, se montrent pontifiant.

Voir également mon portrait de Béatrice NICODEME ainsi que les fifférentes aventures de Wiggins publiées chez Syros : Wiggins et le perroquet muet, Wiggins et la ligne chocolat ainsi que Wiggins chez les Johnnies.

Béatrice NICODEME : Les loups de la Terreur. Coll. Labyrinthe N°36. 288 pages. 6,10€.

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5 juillet 2012 4 05 /07 /juillet /2012 12:20

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Le chevalier Galeran de Lesneven, de retour de Saint Jacques de Compostelle et poursuivant son périple parmi les belles provinces françaises, est convié par la reine Aliénor d’Aquitaine de mettre le holà dans des pratiques séculaires exercées sur les rives de la Gironde. Lors de tempêtes de nombreux navires font naufrage et une bande de pillards récupèrent la marchandise, au détriment de la vie des marins. Quittant le castel du sieur Jauffré Rudel, vicomte de Blaye de son état mais célèbre poète et troubadour qui doit partir pour les Croisades, Galeran rejoint les rives de l’estuaire en compagnie de Marcabru, autre troubadour, joyeux luron et bon vivant. Galeran rejoint la petite cité de Talmont, alors que se réunissent des pélerins et que l’animation est à son comble. Malgré les réticences de Galeran, Marcabru veut participer à l’enquête. Il se produit sur la place publique et se lie avec un adolescent subjugué par ses aventures. Il l’entraîne dans un bouge, le seul endroit du lieu où se restaurer et boire de la piquette, surtout fréquenté par les malandrins. Marcabru s’attarde à discuter avec l’aubergiste intrigué par ce client qu’il ne connaît pas, et laisse l’adolescent regagner ses pénates. Le lendemain le corps de son compagnon de beuverie est retrouvé égorgé, gisant dans un fossé. L’ombre du dragon, la Grande Goule, plane sur Talmont et fait frissonner les habitants de la région. Dans cette contrée vivant au rythme des marées d’étranges personnages habitent dans des cavernes et la peur alimente les récits de sorcellerie.

Viviane Moore excelle à reconstituer l’atmosphère et les décors dans lesquels elle fait évoluer son héros. Sur fond de sorcellerie, de magie (tempérée) et de naufrageurs, cette histoire nous entraîne sur les rives d’un fleuve qui attise la convoitise des contrebandiers du sel et autres marchandises qui à l’époque étaient de véritables trésors. Cette aventure est la cinquième du chevalier de Galeran, après Bleu Sang, Noir Roman, Rouge Sombre et Blanc Chemin.

Viviane Moore : Jaune sable. Collection Labyrinthes, éditions Le Masque. 284 pages. 7,70€.

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4 juillet 2012 3 04 /07 /juillet /2012 15:29

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Un dicton affirme : jamais deux sans trois et je viens de le vérifier. Partant d’un même postulat de base, la libération prématurée d’un protagoniste ayant bénéficié d’une réduction de peine alors qu’il avait été condamné pour meurtre ou viol, trois romanciers démontrent qu’un sujet analogue peut-être traité différemment. Après Le fossé d’Hervé Jaouen et Petits meurtres chez ces gens-là de Dulle Griet, voici donc une troisième intrigue ayant un détenu libéré parmi les personnages principaux.

Sortie aux aurores de ses rêves récurrents par un appel téléphonique, la commissaire de police Aïcha Sadia en remercierait presque son correspondant, l’un des hommes de son équipe le lieutenant Camorra. Lorsqu’elle arrive sur place, elle pourrait imaginer qu’elle se trouve sur un tournage de film, sauf que la scène du crime est bien réelle. Un corps dont la tête a été tranchée, le corps reposant sur un billot, posés près du cadavre un petit verre d’alcool et un mégot. Nul doute qu’il s’agit là d’une reconstitution à l’ancienne d’une exécution capitale. D’ailleurs, les papiers d’identité de l’individu sont retrouvés dans son pardessus déposé non loin, l’homme dont la tête a été décollée est un ancien prisonnier libéré depuis peu de temps. Un mois auparavant un autre ancien condamné a subi le même triste sort.

Ce que ne savent pas les enquêteurs, le lecteur est privilégié, c’est que deux jours avant la macabre découverte, une réunion s’était tenue dans l’appartement marseillais du bâtonnier Mallard. Assistaient à cette séance un ancien juge d’instruction, un avocat général, un procureur à la retraite et un commissaire de police. Ils ont décidé de se substituer à la justice puisque la peine de mort a été abolie.

Abdel Charif, condamné pour meurtre puis gracié, sort de prison et, comme les deux précédentes victimes, fait l’objet d’une tentative d’enlèvement. Mais il possède de la ressource et les hommes chargés de le retirer de la circulation sont peut-être trop confiants en eux. Il réussit à filer à l’anglaise, non sans laisser quelques marques physiques à l’encontre de ses ravisseurs malheureux. Mais lui est bien content et il va même jusqu’à demander à rencontrer la commissaire Sadia afin de lui narrer ses mésaventures.

Malgré sa répulsion, Aïcha Sadia accepte. Elle est persuadée qu’Abdel Charif est coupable malgré ses dénégations. Une vieille dame avait été, cela remonte à cinq ans, retrouvée pendue dans sa cave, les doigts coupés, puis dépiautée comme un lapin. Le meurtrier désirant sans conteste s’approprier le contenu de son coffre-fort. Abdel était employé comme jardinier saisonnier et les voisins sont persuadés l’avoir reconnu en l’homme qui s’éloignait de la demeure de la vieille dame. Seulement ils sont revenus sur leurs déclarations et d’autres éléments ont permis à l’avocat de faire libérer Abdel. L’homme propose à la commissaire de révéler quelques éléments d’information concernant son compagnon Sébastien, mystérieusement disparu six mois auparavant.

Sébastien dont elle se languit, et dont le corps n’a jamais été retrouvé. Seuls ses vêtements ont été récupérés sur la plage. Donc Abdel propose un marché avec Aïcha Sadia. D’abord elle lui fait enlever les menottes que ses agresseurs lui ont mises autour des poignets, et puis obtenir ensuite sa réhabilitation et il lui donnera des indications afin de retrouver Sébastien. A contrecœur elle accepte et première surprise, les menottes appartiennent à un policier de son équipe. Et lorsque les apprentis vengeurs, les adeptes nostalgiques de la peine de mort sont identifiés, l’action est relancée.

Parjures est un roman à l’intrigue machiavélique, qui pose de nombreuses questions. D’abord celle de la fiabilité des déclarations des témoins. Souvent à prendre avec des pincettes, à vérifier inlassablement. Sur la peine de mort également qui possède toujours des inconditionnels, qui déclarent que cela résoudra bien des problèmes et qui oublient qu’en place de Grèves, lors des exécutions publiques, les voleurs de bourses s’en donnaient à cœur joie en détroussant les badauds tout en sachant que s’ils étaient pris sur le fait ils encourraient des peines qui allaient des mains tranchées jusqu’à l’écartèlement et plus si affinité.

Gilles Vincent imagine une intrigue triple tirée au cordeau, finement ciselée, et jusque dans les dernières pages le suspense est ménagé. Lorsque le lecteur pense, légitimement, que l’histoire est terminée et que tout le reste ne sera que parlottes, eh bien non, des nouveaux faits surgissent, des retournements de situation remettent tout en cause, des péripéties nouvelles se déclenchent pour son plus grand plaisir. Parfois il faut savoir se mettre à la place de Saint Thomas qui parait-il ne croyait que ce qu’il voyait. Et même dans ce cas, il faut se demander si on ne regarde pas dans une glace déformante. Le lecteur est berné par une histoire qui ne laisse rien au hasard, aux personnages ambigus, aux dialogues et aux descriptions maîtrisés. Une nouvelle recrue de bon aloi et de qualité chez Jigal qui ne se repose pas sur ces lauriers. A signaler que ce roman qui fait partie de la sélection du Prix Michel Lebrun 2012.

Vous pouvez également lire les avis sur ce roman de Bibliofractale et Black Novel.


Gilles VINCENT : Parjures. Editions Jigal , collection Polar Jigal. 208 pages. 16,50€.

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3 juillet 2012 2 03 /07 /juillet /2012 13:21

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Dans quinze jours il sera libre après avoir résidé durant douze ans et cinq mois aux frais de l’Etat dans une prison. Normalement Xavier Langlois aurait dû végéter dix-huit dans une cellule, mais s’étant montré prisonnier modèle, il bénéficie d’une remise de peine. Et dans quinze jours sa fille Catherine, par qui tout est arrivé, fêtera ses vingt-cinq ans. Il lui écrit une longue lettre dans laquelle il remémore les événements qui l’ont conduit en geôle, il analyse son geste, mais surtout il s’accuse de tout ce qui est arrivé et fait acte de contrition.

Les Langlois avaient pour habitude de sortir le samedi soir et de confier leur fille Catherine à sa grand-mère maternelle, Mammie-Jeanne. Or un dimanche matin la grand-mère appelle afin de savoir si Catherine est rentrée chez eux. Elle est dans l’obligation d’avouer que non seulement la fillette n’est pas rentrée de la nuit, mais qu’elle avait l’habitude de sortir le soir. Mais précise-t-elle, c’est bien la première fois que Catherine découche. Affolé, énervé et en colère, Langlois se rend chez la vieille dame. Bien évidemment une dispute entre Langlois et sa femme éclate, la mère tentant de temporiser. Mais Langlois est comme fou.

Mammie-Jeanne admet laisser sa petite-fille sortir avec une camarade d’école qui venait passer le dimanche chez ses grands-parents, un peu plus loin dans la rue. Aussitôt Langlois se rend chez les deux petits vieux et demande à rencontrer Barbara. Une petit peste en apparence la gamine, délurée et n’ayant pas sa langue dans sa poche. Et puis il y a un truc qui chiffonne Langlois. Non point tant sa dégaine, ou la perle fichée dans une narine, mais bien la petite croix gammée tatouée sur le dos de sa main gauche.

Cela lui rappelle quelque chose. Un bouton qui n’arrivait pas à guérir sur la main de sa fille. Barbara lui balance le nom d’une autre copine, Estelle, qui habite dans une tour située dans la Zone. Un quartier que Langlois ne connait pas, qu’il n’a pas l’habitude de fréquenter. Langlois est vétérinaire et sa femme architecte d’intérieur, ils résident dans le quartier des riches mais pour autant il va à la recherche de sa fille dans cet endroit défavorisé. Grâce au gardien d’immeuble, qui travaille aussi en dehors, un homme affable et débonnaire, il localise l’appartement d’Estelle. Mais l’accueil qu’il reçoit auprès des parents de l’adolescente n’est pas franchement amical.

Le titre de ce roman d’Hervé Jaouen est à prendre à double sens : le fossé qui s’établit entre parents et adolescents à cause d’un manque de communication, mais également fossé social, contraste entre riches et défavorisés. Une étude de mœurs peaufinée avec un regard attendri sur ce père qui d’un seul coup se rend compte qu’il a négligé sa fille. Cette phrase qui lors du jugement l’a bouleversé : Il ne s’occupait plus de moi. Une déclaration qui lui fait mal, et il refuse d’associer les policiers à la recherche de sa fille. Pugnace, il endosse un rôle qui le plonge dans l’enfer.

Cette lettre que Langlois destine à sa fille constitue quasiment tout le roman. La fin, l’épilogue scindé en quatre autres courtes parties, est particulièrement poignant et inéluctable. Un roman qu’il était juste de rééditer démontrant qu’Hervé Jaouen est un auteur profondément attachant, jetant un regard plein d’acuité sur son époque, se montrant sensible aux malheurs des petites gens, même si ceux-ci sont favorisés financièrement. Des personnages auxquels chacun de nous pourrait s’identifier, car on ne sait jamais quelles seraient nos réactions si quelqu’un s’avisait de toucher à un cheveu de nos enfants.

A lire du même auteur : Flora des Embruns.

Hervé JAOUEN : Le fossé. Collection Les Petits romans noirs. Presses de la Cité. 162 pages. 9€.

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1 juillet 2012 7 01 /07 /juillet /2012 06:21

 La disparition soudaine des ouvrières de Serge Quadruppani m'a fait penser à un autre roman évoquant les hyménoptères. Aussi je ne résiste pas au plaisir de mettre en ligne cet article publié à l'origine sur Mystère Jazz.

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Voulez-vous valser, abeilles… ? pourrait chantonner Maxime, l’apiculteur qui commence à procéder à la transhumance de ses ruches. Une opération délicate à effectuer, les hyménoptères n’appréciant guère les déménagements. Parfois certaines d’entre elles, éprises de liberté, s’échappent mais elles rentrent rapidement au bercail. Mais Maxime doit veiller aussi aux prédateurs, les perce-oreilles, les varroas, les frelons asiatiques aussi, le nouveau péril jaune. C’est dans ce contexte que Paul réapparait, Paul son beau-fils, qu’il n’a pas vu depuis une dizaine d’années. Les deux hommes se retrouvent comme si de rien n’était et Paul va même jusqu’à proposer ses services. Mais ceci n’est que l’un des éléments de cette histoire, dans laquelle grouillent quelques personnages dont on ne sait quel diptère les a piqués.

Peut-être que tout ne serait pas arrivé si Viviane n’était pas tombée malade, sclérosée, et si elle n’avait pas incité son mari Michel, le maire du village, d’aller voir ailleurs afin de contenter sa libido. Alors il s’était empressé de faire la cour, tel un paon, à Martine qui apparemment n’en demandait pas plus.

Peut-être que tout ne serait pas arrivé si Martine, paniquée à cause des banques qui au lieu de jouer à l’écureuil, voire à la fourmi, ne s’était pas mises à jouer à la cigale, n’avait pas retiré les économies du ménage pour les mettre à l’abri dans une boite en plastique. Antonin son mari, maton à la retraite qui passe ses journées sur un banc près du cimetière, se prenant pour un lézard chauffé par le soleil regardant les habitants vaquer à leurs occupations, Antonin n’apprécie pas ce manque de confiance, d’autant que Martine ne veut pas lui préciser où elle a caché le magot. Ce qu’il ne sait pas c’est que Martine a décidé, telle la mante religieuse, de ne faire qu’une bouchée de son mari en requérant les services de Michel. Antonin n’est plus tout à fait l’étalon qu’elle a connu, même s’il n’a jamais été un chaud lapin, pas encore un bœuf mais quand même. Elle sait se montrer convaincante auprès de Michel grâce à quelques gâteries de son cru, lui insufflant l’idée d’utiliser son fusil de chasse. Coralie, la secrétaire de mairie, qui a entendu quelques bruits de succion et de déglutition derrière la porte, a décidé qu’elle aussi devrait participer à la fête et, pourquoi pas, s’approprier une partie du magot que Martine a proposé à son patron.

Rémi, l’idiot du village, qui comme une larve humaine vit dans un château d’eau désaffecté, joue les bousiers, après avoir déterré le cadavre de son ancienne compagne décédée. Il possède deux poules, une rouge et une noire qui a appelée Sten et Dahl. Quant à Loïk et Baptiste, deux anciens détenus, ils se promettent quelques joies en retrouvant Antonin, leur ancien maton. L’un d’eux est un fan de Status Quo, l’autre ne voit que par Caroline, son hérisson.

La tranquillité de ce petit village de l’Ariège est compromise par tous ces personnages qui s’agitent comme si le destin avait donné un coup de pied dans un nid de frelon. Et pour corser ce zoo, un ours se balade dans la nature tandis qu’une vache est retrouvée abattue d’un coup de fusil. Plus loin, se dresse une ancienne usine de Tungstène, dont les effets nocifs ont peut-être perturbé le mental de certains des villageois. Pascal Dessaint nous entraîne dans une atmosphère limite déjantée, qui emprunte à Siniac, Charles Williams ou encore à Jim Thompson, l’auteur de 1275 âmes, mais décrivant tout ce petit monde avec le regard acéré de l’épervier. Des scènes truculentes, d’autres émouvantes, émaillent ce roman qui aurait pu être dédié à Buffon.

Pascal DESSAINT : Le bal des frelons. Collection Rivages/Thriller. Editions Rivages. 16,50€

 

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30 juin 2012 6 30 /06 /juin /2012 16:07

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En ce 17 novembre 2011, cela fait cinq ans que Serge Swanze a perdu sa femme. Définitivement, malgré les souvenirs qui restent accrochés à sa mémoire. Renversée, écrasée par une voiture folle. Un accident selon les uns, mais lui pense qu’il s’agit d’un meurtre prémédité. Pourtant Blanche est toujours là, présente dans cet appartement qui lui appartenait et qu’il n’a pas voulu vendre par respect. Et puis, Serge, ancien inspecteur principal de police, ancien alcoolique, parle à Blanche, ou plutôt aux photos représentant Blanche. Blanche qui aimait la peinture alors que lui, trop obnubilé par son travail et par l’alcool, ne s’y intéressait pas. Comme un rituel, il se rend chez Le Père Faro, un bistro antique tenu par Stu, commissaire divisionnaire en retraite et qui a repris le bouge, histoire de s’occuper. Parce qu’à part Serge, les clients renâclent à pousser la porte de l’estaminet caché au fond d’un jardin bruxellois. Et chaque 17 novembre, son ami Stu lui propose des cafés serrés, très serrés, avec au début une pointe d’armagnac, puis le breuvage gascon empiète sur le café. Le lendemain Serge se réveille avec une gueule de bois et ne comprend pas puisqu’il a abandonné l’alcool depuis cinq ans.

Le même jour, Arnaud Vandenbroeck (que je me contenterai d’appeler Arnaud dorénavant, tout comme pour Serge, ceci n’est pas une partie de Scrabble) quitte la prison de Lantin, non loin de Liège. Il a passé quinze ans derrière les barreaux, accusé d’inceste sur sa fille âgée alors d’un peu moins de douze ans. Il a proclamé tant qu’il a pu son innocence, mais rien n’y a fait. Sa femme s’est acharnée, et la gamine a suivi les préceptes maternels. Il en a bavé en prison, ses codétenus et le directeur du centre pénitentiaire n’aiment pas les violeurs en général, les pédophiles en particulier et les pères incestueux encore moins. A sa sortie le directeur lui remet toutefois un colis qui lui est adressé. Il s’installe dans un bar et ouvre l’emballage qui contient une lettre de son avocat ainsi qu’une autre boite laquelle renferme une arme à feu. Factice l’arme, sinon l’objet aurait été détecté. Ainsi qu’une somme d’argent assez conséquente et les clés d’un appartement qui a été loué à son nom. Et une arme à feu, une vraie cette fois, l’attend dans un tiroir. Sympathique comme attention, mais Arnaud ne comprend pas trop ce regain d’intérêt soudain, et surtout qui est cet ami anonyme. Il a beau vitupérer par téléphone, son avocat ne peut rien lui dire de plus. Alors il regagne Bruxelles par le train mais à sa descente il se trompe de sortie, son esprit encore occupé par cet envoi mystérieux. Il débouche dans la rue d’Aerschot (précision pour les amateurs) qui est l’une des rues chaudes de la capitale belge. Dans des bars vitrines, des jeunes femmes font tout pour attirer dans leur couche un client éventuel. C’est ainsi qu’il capte le regard d’une prostituée. Un sourire et le voilà envoûté. Il franchit la porte et la jeune femme l’emmène dans la pièce réservée aux ébats (faut pas croire que cela se passe à la vue de tous, faut pas exagérer quand même) mais ce n’est pas de câlins améliorés dont il a envie, besoin. De parler, de la revoir. Elle se nomme Kristina, vient d’un pays de l’Est et possède déjà un homme dans la vie. Nikolaï, son fils de huit ans. Elle accepte un rendez-vous avec Arnaud, le samedi matin, dans un bar près de chez elle. Même si elle le prévient qu’elle ne sort jamais avec les clients. Une certaine empathie les rapproche.

Bossemans joue un double-jeu. Il est un élu actif s’occupant de la faune et la flore et ne s’intéresse pas aux querelles linguistiques, sauf si un chèque conséquent lui est glissé dans la main. La face cachée est son occupation de lobbyiste. Il établit des contacts entre des personnes influentes, entre édiles et entrepreneurs, ou entre des individus qui préfèrent garder secrètes les transactions.

Deux jours plus tard, alors que la veille Serge s’est recueilli sur la tombe de sa femme, une jeune femme pénètre dans le bar du Père Faro, chapeautée d’un Borsalino et portant un baggy (le genre de pantalon dont le fond descend jusqu’aux genoux et qui donne l’impression que la personne qui en est affublée a eu des problèmes intestinaux). Stupéfaction générale des deux hommes, Stu et Serge. Pourtant c’est bien Serge qu’elle désire rencontrer. Lilas Klaus est une jeune inspectrice, qui connait bien les antécédents de l’ancien policier et surtout sa renommée. Elle souhaite que celui-ci reprenne officieusement du service. C’est sa première grosse enquête criminelle et elle a besoin de l’aide de l’ancien flic. Le juge Lannoye vient d’être assassiné et sa hiérarchie lui a demandé de concentrer son enquête sur les milieux extrémistes flamingants, et plus particulièrement sur le parti N-VA qui revendique l’indépendance de la Flandre. Or cette piste ne la convainc pas. Et elle a raison. Le lecteur non plus ne sera pas convaincu par cette assertion puisqu’il sait déjà que Lannoye fut le juge qui condamna Arnaud pour viol et inceste malgré les dénégations de celui-ci. Mais d’autres meurtres seront perpétrés dont je vous tais les noms des défunts, mais sachez que tous ont joué un rôle plus ou moins important dans l’inculpation d’Arnaud.

Cette enquête scoubidou (Vous ne connaissez pas ? Normal, je viens d’inventer cette expression. Je vous explique : quatre personnages représentent les quatre fils d’un scoubidou, trois très colorés, presque fluo, Arnaud, Serge, Lilas, autour desquels sont entortillés d’autres petits fils, Kristina, Nikolaï, la femme d’Arnaud et sa fille, son ancien associé, et un plus transparent qui se confond parmi les autres, Bossemans. Leurs aventures vont se croiser tels les fils du scoubidou, pour à la fin constituer une intrigue carrée) cette enquête scoubidou donc a été imaginée par un auteur Bruxellois qui est le pseudonyme d’un romancier connu et primé nous affirme l’éditeur. Qui se cache derrière cet alias ? Personnellement je pense à Jean-Baptiste Baronian, qui a signé aussi des romans noirs sous le nom d’Alexandre Lous. D’ailleurs il utilisait ces deux noms lorsqu’il signait des articles pour Le Magazine Littéraire. Des chroniques policières sous celui de Lous, et des chroniques bibliophiles sous celui de Baronian. Or les références bibliophiliques sont légion dans ce roman. Mais comme je ne suis pas sûr de ce que j’avance, considérez que je n’ai rien écrit.

Donc, quoiqu’il en soit, l’auteur Dulle Griet (dont le nom provient d’une figure dulle-griet1.jpgfolklorique qui pourrait être traduite par Margot la Folle, un tableau de Peter Bruegel l’Ancien) en plus de cette énigme qui réserve bien des surprises, nous propose de visiter Bruxelles, loin des sentiers touristiques. Et il met l’accent sur les dissensions entre Wallons et Flamands, remontant l’histoire et narrant l’origine de cette brouille. Bien évidemment les tensions entre ces deux cultures sont décryptées et cela ne manque pas de saveur. Notamment en ce qui concerne la langue, les Flamands refusant plus ou moins de parler wallon, mais exigeant qu’un francophone parle couramment leur langue lorsqu’il s’installe chez eux. Des petites digressions nécessaires pour mieux comprendre l’état d’esprit de ces deux communautés qui se chamaillent alors que la Belgique est un des pays fondateurs de l’Union Européenne. Un non-sens. Mais Dulle Griet est un auteur de bon sens qui fait dire à l’un de ses protagonistes : On n’a plus le droit de critiquer la politique d’Israël sans être antisémite. Révoltez-vous contre les dérives de certains imams, vous êtes raciste. Et si vous avez le malheur de dire d’une femme qu’elle est idiote, vous passez pour un misogyne.

Dulle GRIET : Petits meurtres chez ces gens-là. Les Mystères de Bruxelles. Presses de la Cité. 394 pages. 20€.

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29 juin 2012 5 29 /06 /juin /2012 06:43

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Adepte du texte court dont il s’est fait une spécialité, Marc Villard est sujet aux TOC : Thèmes Obsessionnels Compulsifs. Parmi ces thèmes récurrents, Paris, mais pas n’importe quels quartiers. Un itinéraire qui part des Halles et de la Rambut’ (la rue Rambuteau), se prolonge gare de l’Est, Gare du Nord, Barbès puis se scinde en deux, une ligne remontant vers la porte de Clignancourt, l’autre vers la Porte de la Chapelle. Et tout au long de ce trajet le lecteur rencontre ce petit monde composé de prostituées, de revendeurs et de fournisseurs de drogue (ceux qui privilégient la langue anglo-saxonne disent les dealers), les flics pourris, les clubs de jazz (le New Morning principalement sis rue des Petites écuries ou le Duc des Lombards, non loin des Halles et du Châtelet), ou tout simplement le jazz afin d’illustrer musicalement le décor.

Petite mort sortie Rambuteau(1ère édition Editions Autrement), Le Chauffeur (1ère édition dans le collectif Paris Noir chez Asphalte), ou encore Branchés à la source, La bouche ouverte et Cinoche (tous trois inédits), ne dérogent pas à cette règle qui se nourrit de ses phantasmes.

Penchons nous sur Petite mort sortie Rambuteau.

Une deuxième victime vient d’être découverte, et il faut faire vite pour découvrir le meurtrier. A son tableau de chasse, il est pratiquement certain qu’une troisième sera recensée rapidement. Dan était sur place. Il est flic et carbure à la Dexedrine. Il pense bien un peu, parfois, à Brigitte, sa femme, et Lulu, son fils, mais son obsession, c’est Joss, une prostituée avec laquelle il essaie de décompresser. De décharger son spleen, sa hargne, sa haine. Une empreinte est relevée, conduisant à un casseur fiché mais qui n’avait jamais auparavant été suspecté de meurtre. Oscar est musicien de jazz, batteur au chômage. Il traîne aux Halles, à la recherche d’un improbable contrat, un remplacement qui le remettrait à flot. Il était talentueux, mais a sombré à cause de la dope, de l’alcool. Une nouvelle victime et les chemins de Dan et d’Oscar vont se croiser. Pour le meilleur et pour le pire.

Dans La bouche ouverte, parole est donnée à plusieurs personnages qui tour à tour narrent l’histoire, Sara la première. Sara, une Noire, cumule les emplois de prostituée, pour assurer sa subsistance, et de peintre, pour donner des couleurs à sa vie. Sa vie bascule le jour où elle reçoit une lettre du Congo lui annonçant que sa grand-mère est morte. Et bien évidemment des petits malins vont profiter de cette aubaine pour glisser de la coke dans le cercueil de l’aïeule, direction Paris. Et les emmerdes.

Branchés à la sourcemet en scène le jeune Julien, dix-sept ans, boxeur amateur dans une salle de boxe parisienne non loin de La Chapelle. Mauvaise journée pour l’ado. Alors qu’il était à l’école l’immeuble où il vit est la proie des flammes et sa mère, gravement brûlée, a été transportée à l’hôpital. Ensuite alors qu’il sort de l’hosto, il aperçoit dans un square un homme en train de perpétrer un meurtre. Le lendemain il apprend que sa prof de dessin s’est fait suriner de deux coups de couteau. Le drame qu’il a discerné la veille au soir. Et le voilà entraîné dans une sombre histoire à laquelle sont mêlés Fadela, sa copine, quelques flics et des grossistes de drogue.

Cinoche narre les rêves d’une jeune fille, Nicole, qui pensait accéder au monde du cinéma. Pour cela elle s’était vieillie, avait affirmée au producteur qu’elle était majeure. Seulement elle ne savait pas qu’elle mettait la main, le pied, et surtout les cuisses dans une usine de petits films pornos. Cela ne va pas lui porter chance à la gamine qui venait tout droit de Nantes et pensait se faire de l’argent de poche et peut-être connaître la gloire. Elle est retrouvée morte déposée dans la rue Saint-Denis. Mais l’affaire ne s’arrête pas là.

Avec Un ange passe à Memphis, Marc Villard nous emmène aux Etats-Unis et plus précisément à Atlanta, puis à Memphis et enfin à Fargo dans le Dakota du Nord. Quatre branquignols, manipulés comme il se doit mais pas par n’importe qui, par J. Edward, recherchent un supertireur afin de perpétrer un meurtre. La cible n’est autre que Martin Luther King. Quelques années plus tard, Alex Gordon, un journaliste noir de Fargo, enquête sur de mystérieuses affaires d’immobilier. Des gens abandonnent leurs maisons, par villages entiers. Pourquoi, c’est ce qu’il va s’attacher à trouver. Un scoop qui peut lancer sa carrière.

Les personnages de Marc Villard sont en général des losers, soit en français des paumés, des perdants, qui ne connaissent pas la rémission. L’auteur sait nous entraîner dans des affaires banales, des dérives, des meurtres et des histoires de drogues sans que nous ne soyons jamais déçus. Il capte l’attention, même si l’impression de déjà lu, le sentiment de connaitre ce genre de sujet maintes fois exploré, étreint le lecteur. Car Marc Villard sait décrire une ambiance, dépeindre ses personnages, mettre en scène des situations morbides, renouveler le genre. Comme s’il arpente jour et nuit les rues, s’intègre à la population locale, se fond dans le décor. Il possède sa griffe à nulle autre pareille et sait l’imposer.

A lire également de Marc Villard : I remember Clifford aux éditions Folies d'encre.

Marc VILLARD : Un ange passe à Memphis. Rivages/Noir N°872. Editions Rivages. 304 pages. 9,15€.

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27 juin 2012 3 27 /06 /juin /2012 12:27

 disparition

 

Peut-être avez-vous constaté comme moi que cette année, guère d’abeilles batifolent sur les fleurs. A cause du temps maussade ? A cause de fleurs en retard dans la floraison ? A cause d’un dérèglement de leur métabolisme ? A cause d’une raison inexpliquée ? Toutes les hypothèses peuvent être envisagées, même les pires.

Dans un couple, il faut toujours que l’un cède devant les caprices de l’autre, sous peine de conflits et de dissolution. La commissaire antimafia Simona Tavianello, qui préfère passer ses vacances au bord de la mer, plus précisément à Salina l’une des îles Eoliennes près de la Sicile, a accepté, pour une fois, de se plier selon aux désirs de son mari, le questeur (une sorte de commissaire principal) en retraite Marco Tavianello. Mais au lieu de se balader dans cette vallée du Piémont où ils résident, elle a imposé son envie d’aller acheter du miel chez l’apiculteur Giovanni Minoncelli. Seulement on poussant la porte du bâtiment, ils se trouvent confrontés à un cadavre gisant à terre.

L’adjudant de carabiniers Calabonda, surnommé Cacabonda à cause d’un journaliste ou d’un de ses hommes qui a mal compris l’énoncé de son nom ainsi qu’aux quelques boulettes qui entachent sa carrière, prend la direction des opérations. Près du corps une feuille blanche a été déposée avec inscrits au feutre ces quelques mots : Révolution des Abeilles. Pas grand-chose à se mettre sous la main sauf que, quelques heures plus tard, Caca… pardon Calabonda se met en contact avec Simona et Marco, qui discutent de l’affaire à une terrasse de café, pour leur demander comment il se fait que la balle tirée dans la tête du défunt provient de l’arme de service de la commissaire antimafia. Son arme de service qu’elle avait emmenée avec elle sur l’injonction de ses supérieurs. A la même terrasse, Giuseppe Felice, journaliste local, se demande comment aborder les deux vacanciers. Mais une timidité rédhibitoire le cloue sur sa chaise.

La victime n’est autre que l’ingénieur Bertolazzi, lequel était chargé pour le compte de la société Sacropiano de la commercialisation des produits de la firme, c'est-à-dire de semences OGM et de pesticides. Et bien évidemment il était la cible privilégiée de la colère des apiculteurs de la région. Depuis quelque temps les hyménoptères sont sujets au syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles domestiques. Elles partent sans crier gare et on ne les retrouve jamais. Pas de cadavres, ni dans la ruche, ni à proximité. Un phénomène inquiétant. Aussi penser que Minoncelli serait l’auteur du meurtre est présent à l’esprit de Calabonda, sauf qu’au moment du drame celui-ci était justement dans la propriété de Bertolazzi en train de manifester et de déployer des bannières en compagnie d’autres membres du collectif de protection des abeilles.

Une autre piste est envisagée car Bertolazzi était un homosexuel, ce qui en soi n’est pas problématique, mais il avait une vie sexuelle assez dense et pour l’heure son amant était un berger Albanais vivant non loin. Bien malgré elle Simona Tavianello est impliquée dans cette ruche bourdonnante Un autre homicide est enregistré près des ruches de Monticelli. Particularité de la victime : sa tête est à moitié défigurée par une attaque d’abeilles, l’autre a été emportée par une balle de gros calibre.

Ciuffani, un journaliste bien connu de Simona pour être proche du pouvoir, deux frères, l’un responsable de la Sacropiano et l’autre patron du journal local, s’invitent dans cet essaim déjà constitué de journalistes, de carabiniers, d’apiculteurs en colère et autres.

Serge Quadruppani se montre aussi pointilleux dans l’écriture de ses romans que dans ses traductions, notamment celles des romans d’Andrea Camilleri. Il ne se contente pas de narrer une histoire mais apporte de nombreux éléments afin d’affiner son propos. La disparition des ouvrières, des abeilles, est un problème de société dont pâtissent les apiculteurs. Et derrière cette profession, c’est tout un système voué aux produits chimiques qui est mis en cause. Mais la politique s’invite également dans cette histoire qui ne pouvait ignorer les remous du parti au pouvoir, la concussion, mais aussi Le Ligue du Nord.

Serge Quadruppani nous offre une autre vision du monde actuel, plus proche de la nature, pointant du doigt les dérives des laboratoires chimiques et de la finance. Evidemment, la vie des abeilles, ou plutôt la mort touche peu de monde, pour l’instant, mais si ceci n’est qu’un microcosme, cette brèche ouverte peut s’étendre de façon sournoise à tout un système écologique préjudiciable à l’être humain.

A lire du même auteur : SATURNE.

Serge QUADRUPPANI : La disparition soudaine des ouvrières. Moyen format. Le Masque (Septembre-2011). 224 pages. 17€.

 

 

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