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28 mai 2012 1 28 /05 /mai /2012 16:17

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Suivant des cours de comptabilité et de secrétariat le matin, la narratrice travaille l’après-midi et en soirée dans un club de la ville. Elle suit les préceptes de ses patrons, deux frères, et tient les comptes selon leurs indications. L’enregistrement des paris par exemple, une double comptabilité qui permet de ne pas tout déclarer et procéder à des mises clandestines. Elle n’a que vingt-deux ans mais est ambitieuse. Elle apprend vite et se fait remarquer par Gloria Denton, de deux décennies son aînée. Elle est subjuguée par ses jambes, par sa prestance, ses tenues vestimentaires, sa voiture. Et si les jambes sont superbes, le physique a tendance à se relâcher quelque peu.

Gloria Denton représente les grands patrons, et elle contrôle tout ce qui est illégal. Trafics en tout genre et blanchiment d’argent. Ses zones d’action se répartissent sur les champs de courses, les clubs et cercles de jeu de toute la région. Elle propose à celle qui deviendra sa jeune protégée de participer à quelques missions en lui précisant les consignes à respecter. Et voici notre héroïne plongée dans le grand bain. Elle parcourt la contrée à bord d’une voiture en essayant de ne pas se faire remarquer par les policiers. Dans le double fond du coffre du véhicule elle transporte des objets précieux, des bijoux provenant de casses, des sachets de drogue, des billets en grand nombre. Elle se rend sur des champs de courses en misant sur des chevaux qui ne peuvent rapporter gros, toujours placés, dans le but de blanchir de l’argent. Elle est abordée près des guichets par un personnage au début de sa carrière mais elle s’en sort avec les honneurs. Il s’agissait d’un test.

Un jour Gloria lui demande de prévenir ses patrons que notre héroïne ne pourra venir pour cause de maladie. Bien lui en prend car une bombe est balancée dans l’établissement. Résultat des courses, et pourtant ce n’était pas un pari, un des frères succombe et l’autre ne demande pas son reste en s’enfuyant. La jeune protégée déménage de chez son père et s’installe aux frais de la princesse dans un luxueux appartement. Elle progresse dans l’estime de cette femme aux longues jambes qui lui confie des missions de plus en plus risquées.

Seulement la protégée de Gloria remarque dans un casino un homme au sourire éblouissant. Il gagne, mais la chance ne tarde pas à tourner. Elle s’intéresse à lui et réciproquement. Vic Riordan est un joueur impénitent, qui joue beaucoup, pariant aux courses de chevaux, fréquentant les cercles de jeux et les casinos, mais s’il lui arrive de gagner, il perd beaucoup plus souvent. De grosses sommes. Et pour les beaux yeux de Vic, la « pouliche » de Gloria va enfreindre la règle et s’arranger pour lui permettre de régler ses dettes. Une erreur qui ne passera pas inaperçue.

Le lieu dans lequel se déroule cette histoire n’est jamais précisé, sauf que la ville est reliée à Saint-Louis (Missouri) et Denver (Colorado). Quant à la date, on peut la situer dans le milieu des années 1950 grâce à quelques indices dont les marques des automobiles, les tenues vestimentaires, les bas à couture et autres petits détails, des références au chanteur Bing Crosby lequel était au faîte de sa carrière ou au Petit César, célèbre gangster de la fin des années 20 immortalisé par le roman de William Riley Burnett puis le film de Mervyn LeRoy. Mais bien évidemment Megan Abbott peut très bien jouer avec le lecteur disposant ses indices en les mélangeant quelque peu, et les empruntant à deux ou trois décennies. De même l’âge du personnage de Gloria Denton est précisé avec ambiguïté. Dès la première page du récit il est écrit : j’avais beau être de deux décennies sa cadette… ce qui avoisinerait les quarante deux ans. Cependant d’autres passages laissent supposer que Gloria frôlerait plutôt les soixante ans, par la description du relâchement physique de son visage. Ce n’est pas le plus important, Megan Abbott laissant planer volontairement des zones d’ombre.

Gloria s’institue comme la manager de sa protégée, qu’elle a délibérément choisie, elle s’érige en Pygmalion, la convertissant sans peine, lui montrant les ficelles du métier, lui prodiguant conseils et astuces, la mettant en garde car elle-même risque de subir les conséquences d’un dérapage. Elle est le Geppetto d’une marionnette qu’elle façonne à son image, une sorte de Pinocchio dont elle veut tirer les ficelles. Et comme dans l’histoire de Carlo Collodi, le mensonge sera l’un des ressorts principaux de cette histoire.

Très peu de personnages évoluent dans ce roman maîtrisé de Megan Abbott, une histoire simple, remarquablement construite et qui renvoie aux maîtres du genre, dans lequel on assiste à l’ascension d’une femme côtoyant des malfrats et parrainée par une ancienne reine des night clubs. On y retrouve la patte de l’auteur bicéphale Wade Miller, de Jonathan Latimer, et quelques autres qui écrivirent les belles pages du roman noir américain des années 40 et 50 ou plus proche de nous Marvin H. Albert, auteur de romans sérieux, carrés, parfois semblables à des biographies. Ce deuxième roman tient toutes les promesses contenues dans Absente.

Megan ABBOTT : Adieu Gloria. (Queenpin – 2007 ; traduction de Nicolas Richard). Le Livre de Poche Policier 32587. (Réédition du Masque - 2011). 240 pages. 6,10€.

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28 mai 2012 1 28 /05 /mai /2012 13:07

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« Il commençait à en avoir marre de ces conversations où il ne parvenait à suivre que des murmures de sens ». Une phrase qui nous plonge dans l’univers de l’écriture de ce roman. Du moins dans les premières pages car les dialogues sont souvent décalés, comme si les personnages poursuivent leur idée sans écouter la réponse de leur vis-à-vis. En 1949 une jeune actrice, Jean Spangler, sort de chez elle après avoir embrassé sa jeune fille pour se rendre théoriquement sur un tournage nocturne. Elle ne donnera plus jamais signe de vie. Son sac à main sera retrouvé dans un parc non loin de son domicile. Une disparition incompréhensible. Et il semble qu’Hollywood soit sujet à ce genre de disparitions inexpliquées seulement la police se casse les dents, n’ayant aucun piste fiable lui permettant de s’orienter. Un billet a bien été retrouvé dans le réticule de Jean Spangler et l’énoncé énigmatique et quelque peu obscur « Kirk, je ne peux pas attendre davantage, je vais voir le docteur Scott. Ce sera bien mieux comme ça, pendant que ma mère est absente ». Le nom de Kirk Douglas est évoqué, vaguement annoncé, mais cela ne va pas plus loin.

Deux ans plus tard, Gil Hopkins, familièrement surnommé Hop, est amené à rouvrir le dossier. Hop, à l’époque de la disparition était journaliste pour le magazine Cinestar et était employé par une compagnie cinématographique, chargé de s’occuper de tout ce qui pourrait éventuellement nuire à la réputation des studios et de résoudre les problèmes dans l’intérêt de ses employeurs. Chargé depuis des relations presses, il reçoit dans son bureau une ancienne connaissance, Iolène, qui semble quelque peu apeurée et lui demande s’il se souvient de la disparition de Jean Spangler. Une nuit qu’il n’est pas prêt d’oublier, d’autant que lui-même était aux premières loges, ayant bourlingué en compagnie de Iolène, Jean et quelques autres dans différents bars de la ville. Avant que Jean s’éclipse pour ne plus jamais réapparaître. L’intrusion de Iolène, qui ne cesse de se remémorer cette nuit tragique, dans sa vie professionnelle va amener Hop à se replonger dans son passé, dans les coulisses du cinéma, à fréquenter de drôles de personnages, des acteurs qui ne sont pas si comiques que cela, du moins hors des studios, à ingurgiter force boissons alcoolisées, et à se poser moult questions qui restent sans réponses.

L’affaire Jean Spangler, tout comme celle du Dahlia Noir en 1947, a été évoquée par Steve Hodel dans un ouvrage publié en France en 2004. C’est donc à partir d’un fait divers réel que Megan Abbott a construit son roman mais en mettant en scène des personnages fictifs. Les duettistes Sutton et Merrell n’ont heureusement pas existé, dont on ne soit pas sûr qu’ils ne soient pas la transposition d’acteurs qui eux ont réellement sévi à Hollywood, les jeunes filles naïves qui débarquaient avec des étoiles pleins les yeux et se retrouvaient à végéter comme serveuses et plus si affinité, les malfrats, les bas fonds d’une cité qui rayonnait d’une aura magique, les coups bas et les coups durs enregistrés par une flopée de grossiums et de minables, représentent l’envers du décor, un envers sulfureux, un décor de pacotille enveloppé de dorures.

Et Megan Abbott délivre un épilogue convaincant à une affaire qui est restée en point de suspension. On aimerait y croire, et puis après tout, ce n’est qu’un roman. Mais un roman puissant, plus fiable que certaines résolutions d’affaires criminelles relatées dans les faits divers journalistiques. Après l’appréhension ressentie à la lecture des déclarations et appréciations de ses confrères, je confirme que Megan Abbott est un écrivain dont l’avenir semble bien engagé. Quant à la qualifier de nouvelle Reine du roman noir, on attendra ses prochains ouvrages pour en juger.

Mégan Abbott : Absente. Traduction de l’américain par Benjamin Legrand. Le Livre de Poche. (réédition des Editions Sonatine). Collection Policier/Thriller. 320 pages. 6,60€.

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26 mai 2012 6 26 /05 /mai /2012 08:07

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En cette fin d’année de l’an de grâce 1787 , les accidents et les décès consécutifs aux accidents provoqués la plupart du temps par le renversement de balles de foin tombées de chariots, dans le quartier du Marais à Paris sont légion. Et la mort du premier violon de l’orchestre dirigé par le chevalier de Saint-Georges, le Concert de la loge olympique, d’obédience maçonnique, arrange les affaires de Nicolas Lecoeur qui convoitait ce poste depuis quelque temps. Un autre événement va précipiter les enquêtes policières. Une bijoutière, la veuve Fournier, a été assassinée ainsi que son commis et ses hommes de confiance en sa boutique du quai des Orfèvres. La carriole qui devait transporter une petite cargaison d’or à son fils installé dans le Marais, s’est volatilisé. L’héritier est naturellement soupçonné mais aucune preuve ne peut être retenue contre lui, puisque justement il est l’héritier direct et n’a donc aucun intérêt immédiat à tuer et à voler sa mère. Le commissaire Davier confie l’affaire à l’un de ses adjoints particulièrement prometteur dans la profession, l’agent de police Malvy. Nicolas Lecoeur pendant ce temps fricote avec Marianne, une servante d’auberge, et las de vivre confiné dans une petite chambre chez ses parents ébénistes, est hébergé par Auguste Vestris, un danseur dont il avait fait la connaissance neuf ans auparavant et qu’il a retrouvé par hasard lors de l’un des concerts. Les accidents se succèdent et les manants n’en sont pas les seules victimes. Des personnes huppées aussi décèdent de la chute de balles de foin mal arrimées. Les témoignages n’affluent guère, obtenus auprès de témoins qui n’ont quasiment rien vu, ou des mouches (les indics) qui recueillent ragots plus ou moins fiables. Toutefois il semble qu’à chaque fois la carriole serait attelée d’un cheval gris pommelé. Et les caïmans ne seraient peut-être innocents. Les Caïmans, ce sont les malfrats de l’époque, ceux qui plus tard seront surnommés les Mohicans puis les Apaches.

Les romans policiers ayant pour trame l’histoire, et l’histoire de France plus particulièrement, font florès actuellement, obéissant à une mode du lectorat, et quasiment tous les auteurs se conforment à la même règle. Celles d’intégrer à l’intrigue des descriptions d’une époque attractive, souvent le XVIIème ou le XVIIIème siècle, privilégiant souvent le décor et insérant personnages fictifs et réels qui se côtoient sans se faire de l’ombre. Habilement Pierre-Alain Mesplède, tout en apportant un éclairage substantiel au cadre et à l’ambiance, ne faillit pas à cette tradition. Mais contrairement à certains qui privilégient les us et coutumes, le décor local, l’architecture, les imbrications politiques et les magouillages de salon, il préfère s’intéresser à la vie culturelle qui régentait alors la capitale. C’est ainsi qu’au détour des pages on rencontre le symphoniste Ignace Pleyel, dont la marque de pianos aura survécu à ses compositions, le capitaine Thomas Alexandre Davy de la Pailleterie, plus connu sous le nom d’Alexandre Dumas, père de l’auteur des Trois Mousquetaires et que Charles Geneviève Louise Auguste André Timothée de Beaumont alias chevalier d’Eon y est évoqué de même que Gluck et Haydn. L’intrigue devient presque secondaire, mais est néanmoins toujours présente avec un épilogue inattendu.

Pierre-Alain MESPLEDE : Les Caïmans du Marais. Collection Univers Policiers ; Editions Pascal Galodé. 224 pages. 18€.

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25 mai 2012 5 25 /05 /mai /2012 13:10

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Le bonheur ne tient qu’à un fil, dit-on parfois. Le fil du téléphone bien évidemment, sauf pour les monophobes qui ont leur portable greffé à l’oreille. Je parle du bon vieux téléphone qui trône sur le buffet du salon, sur le bureau, ou accroché au mur et sous lequel est disposée une chaise permettant de converser sans fatiguer des jambes variqueuses. Et Gilles Vidal rend à Charles Bourseul ce qui était indûment attribué à Graham Bell (et depuis 2002 à l’Italien Antonio Meuci, une longue controverse puisque Bell déposa son brevet deux heures avant Elisha Gray qui revendiquait lui aussi cette invention en 1874 et 1876). Mais cette spoliation envers Bourceul est le fruit du désintérêt de l’administration de la Poste et Télégraphe qui fut baptisée ensuite PTT (Postes Télégraphe Téléphone, PTT ne voulant pas dire comme certains aiment à le penser : Paie Ta Tournée, Petit Travail Tranquille ou autre Prends Ton Temps !). En effet son rapport n'est pas pris au sérieux par ses supérieurs. Il lui est renvoyé et son chef hiérarchique lui recommande de se consacrer entièrement à son emploi de télégraphiste. Il n'a d'ailleurs pas les moyens matériels de réaliser son invention. Il prend toutefois la précaution de publier une communication : « Transmission électrique de la parole » dans L'Illustration (26 août 1854). Depuis les chercheurs ne sont toujours pas mieux lotis, ceux-ci préférant s’installer à l’étranger afin de pouvoir réaliser leurs recherches en toute liberté financière, tandis que les étudiants étrangers sont priés de regagner leur pays et qu’une carte de séjour et de travail leur est refusée. Mais je digresse…

Puisque le téléphone vient d’être évoqué, parlons d’Albert Robida, dont le nom et l’œuvre sont moins connus de ceux de Jules Verne mais qui pourtant fut un visionnaire. Dessinateur prolifique, ce fut également un écrivain éclairé. Ainsi il imagina qu’un jour les pièces de théâtre pourraient être diffusées chez soi, retransmises sur une sorte de miroir accroché au mur du salon. Plus que la télévision, c’était l’écran plasma qu’il suggérait dans ce qu’il nommait le Téléphonoscope, article paru dans Le Vingtième siècle en 1883.

Mais les inventeurs furent parfois des originaux qui ne connurent la célébrité qu’à cause, on ne peut pas dire grâce, leur inconséquence. Ces merveilleux fous volants dans leurs drôles de machines entrouvrirent certes la porte à des inventions qui aujourd’hui n’ébahissent plus le public blasé. Parmi ceux-ci il faut citer Jean-François Boyvin de Bonnetot qui tenta, le 17 mars 1742, de rééditer l’exploit avorté d’Icare en se faisant fixer sur les bras et les jambes des sortes d’ailes qui devaient lui permettre de traverser la Seine en planant. Pari à moitié réussi. Un pari qui tourne au drame est bien celui tenté par Franz Reichelt qui se lance du premier étage de la Tour Eiffel, accroché à un embryon de parachute qu’il a confectionné, le 4 février 1912. Imaginez une réception à la Vil Coyote poursuivant Bip Bip et tombant du haut d’une falaise.

Heureusement certains d’entre eux ne subissent pas le même sort, les aviateurs Santos-Dumont, qui est à l’origine des dirigeables, Jules Védrines, qui le 13 janvier 1912 pulvérise le record de vitesse en avion, ou Charles Godefroy qui passa le 7 août 1919 entre les arches de l’Arc de Triomphe à Paris.

L’excentricité n’est pas l’apanage des savants, des chercheurs ou des adeptes des technologies nouvelles. Elle peut être le trait marquant d’individus, d’olibrius même, qui désirent se distinguer en actes ou en paroles. Comme cet étrange scientifique qui transporte dans sa diligence environ dix mille crânes afin de procéder à quelques expériences. Survolons rapidement ce cimetière ambulant et intéressons nous à Milord l’Arsouille, dont tout le monde a entendu au moins le nom. Cet Anglais né en 1805 à Paris, de son vrai nom Lord Henry Seymour-Conway, défraya la chronique par ses frasques. S’il est à l’origine du Jockey Club, il est surtout un fêtard (ancienne signification du mot arsouille qui veut dire également mauvais garçon et ivrogne). Dandy parmi les dandys et snobinard, il dépense sans compter, allant jusqu’à s’encanailler dans les lieux malfamés où se tiennent les combats de chiens.

Moins médiatique et agissant de façon moins rédhibitoire Aguigui Mouna, un personnage contemporain puisqu’il est décédé à Paris le 8 mai 1999. Ce natif de la Haute-Savoie, de son véritable patronyme André Dupont, il prendra l’alias moins banal d’Aguigui Mouna. Il parcourt la capitale en vélo, il aime s’intituler vélorutionnaire, arborant un béret constellé de badges de toutes provenances, des pancartes supportant des slogans, des aphorismes dont certains seront repris par des humoristes (Nous sommes tous égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres). S’ils font rire, ces aphorismes sont empreints de bons sens : On vit peu, mais on meurt longtemps, Les mass-médias rendent les masses médiocres, Les valeurs morales ne sont pas cotées en Bourse… Peut-on s’étonner qu’il fut ami avec Cavanna et nommé Chevalier des Arts et Lettres par Jack Lang ?

D’autres événements tragiques sont contés. Par exemple l’incendie du Bazar de la Charité qui fit cent vingt-quatre victimes, incendie qu’une voyante avait prédit peu auparavant. Véritable voyance ou charlatanisme ? Cela se discute, tout comme les personnages du Comte de Saint-Germain, de Michel Jacob le zouave guérisseur et de quelques autres.

On pourrait citer également la disparition des archives détenues par le directeur des Renseignements Généraux le 14 juin 1940 alors que l’armée allemande entre dans Paris ; de l’ilot de résistance mené par la Ligue Antisémite et son représentant Jules Guérin, lors du siège de ce qui fut surnommé le Fort Chabrol, sis dans la rue du même nom ; de l’assassinat de Paul Doumer, président de la République, lors de sa visite dans un salon littéraire (Est-ce pour cela que les salons de l’Agriculture sont plus courus par les hommes politiques que les salons du livre ?) ; de Serge de Lenz qui se réclamait d’Arsène Lupin… sans oublier Félix Faure mort en atteignant le septième ciel grâce aux gâteries prodiguées par madame Steinheil. Marguerite, Meg pour les intimes, qui ne pipa mot. Ou encore Thérèse Humbert qui inspira sûrement le banquier Bernard Madoff et les organismes de crédit à la consommation en instituant à grande échelle les prêts renouvelables (ou non), jetant sur la paille bon nombre de débiteurs et dont le coffre-fort ne recelait qu’un bouton de culotte.

Vingt-cinq historiettes, incroyables mais vraies, savoureuses ou tragiques, souvent méconnues, qui se lisent avec amusement, curiosité, intérêt, et que Gilles Vidal a dénichées en soulevant les jupes de l’Histoire.

Chacune d'elles est enrichie d'une illustration provenant souvent de journaux de l'époque.

Retrouvez mon article sur son précédent roman : Mémoire morte ainsi qu'un entretien avec l'auteur.

Gilles VIDAL : Histoires vraies à Paris. Collection Et soudain… Le Papillon Rouge éditeur. 288 pages. 20,50€.

N'hésitez pas à visiter le catalogue des éditions du Papillon Rouge

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23 mai 2012 3 23 /05 /mai /2012 17:02

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Ce n’est pas parce qu’il dormait que Carl Frot a rêvé. Il a perçu des craquements, des frôlements et il est persuadé que quelqu’un s’est introduit dans la maison. Guère rassuré, il se lève quand même et descend à la cuisine, à tâtons, glissant inopportunément sur un objet qui traînait. Il a le temps d’apercevoir une silhouette. Il chute lourdement, ce qui à pour conséquence de réveiller sa femme Diane. Il narre succinctement ce qui vient de lui arriver, dissimulant toutefois l’intrusion d’un personnage d’apparence frêle. Puis ils remontent se coucher et en profitent pour… mais ceci ne nous regarde pas. Ah si quand même, au cours des ébats, Carl a comme une vision, le visage de sa femme se déforme, prend une autre apparence.

Gérant d’une agence d’affacturage dans une cité portuaire, Carl doit le lendemain matin se rendre chez un client potentiel, directeur d’une cimenterie. Lorsqu’il arrive sur le lieu de son rendez-vous des policiers sont déjà en plein travail. Le cadavre, ou ce qu’il en reste, d’une jeune femme vient d’être découvert, à moitié déchiqueté par une machine. Le commissaire Franck Parisot est sur les dents. C’est le deuxième corps féminin ainsi retrouvé en trois semaines. La piste d’un serial killer n’est pas à négliger, d’autant qu’un individu nommé Antoine Merlin avait été soupçonné avant de s’évaporer dans la nature. Mais d’autres affaires attendent Franck Parisot, résolues plus ou moins dans la douleur, avec des cadavres à la clé.

La journée pour Carl non plus n’est pas terminée. Il retrouve coincé sous un balai d’essuie-glaces une feuille de papier sur laquelle est inscrite cette phrase énigmatique : MA VENGEANCE EST PERDUE S’IL IGNORE EN MOURANT QUE C’EST MOI QUI LE TUE. Dans le même temps Carl se sent épié, un regard qui lui vrille la nuque. Et alors que lui et Diane, laquelle vient de lui annoncer qu’elle est enceinte de deux mois, ce qui réjouit le couple, passent leurs temps à effectuer quelques emplettes en prévision de l’heureux événement, un individu s’est infiltré dans leur domicile. Les vêtements de Diane, du plus intime au plus épais, ont été lacérés, alors que le coffret à bijoux n’a pas attiré la convoitise de leur visiteur (visiteuse ?) indélicat. C’est le bouquet, et Carl détaille alors à Diane par le menu l’infiltration nocturne. Plus tard il reçoit à son bureau un petit colis contenant une poupée, vieillotte, amochée, cabossée, lacérée, l’expéditeur restant anonyme bien évidemment. Ils se décident à contacter le commissaire Franck Parisot.

Pendant ce temps Parisot et ses hommes ne sont pas restés inactifs. La piste gothique semble la seule probable. Les deux premières victimes étaient adeptes de ce mouvement tout comme Antoine Merlin, leur façon de vivre, de se vêtir, de décorer leurs chambres, de se connecter sur Internet le confirmant. Les deux premières à laquelle s’ajoute une troisième disparition. Une jeune fille dont le père est un peintre universellement reconnu. Parait-il. Et bien entendu le procureur s’attache à ses basques comme une colonie de morpions sur un pubis broussailleux.

Entre les affaires dont s’occupe Parisot et les tracas endurés par Carl Frot existe-t-il un lien ? Et si oui lequel ? Des éléments de réponse sont apportés à Parisot par Murielle, une psy qui travaille dans une clinique non loin de Gramont, ville dans laquelle se déroule cette histoire. Quant à Carl, il est aux quatre cents coups lorsqu’il apprend que Diane est à l’hôpital, accidentée après avoir été probablement poussée dans un escalator. Et que vient faire cette personne qui se surnomme Le Lémure dans cet imbroglio ?

Après la pluie qui se fait de plus en plus insistante, la tempête prend la relève et se conjuguent alors dans une sorte de cataclysme les quatre éléments : l’eau, l’air, la terre et le feu.

Un roman qui débute par des scènes d’action très puissantes qui s’enchainent les unes aux autres dans un rythme infernal jusqu’à l’épilogue où enfin le lecteur peut souffler. Tout comme chacun de nous, les protagonistes possèdent une fêlure, une fracture, ancienne ou récente, oubliée ou non, méconnue, qui influe sur leur vie quotidienne, leur moral, leurs agissements, parfois inconsciemment. L’auteur se permet quelquefois de digresser, mais sans appesantir le texte. Ainsi ces quelques lignes empreintes de bon sens, bon sens que ne possèdent pas toujours nos politiques, une réflexion pensée par Carl lors d’un incident dans un supermarché.

Il avait encore en tête ce qu’il avait lu il y avait quelque temps dans la presse, à savoir que le PDG du groupe qui détenait cette chaîne de supermarchés touchait un salaire colossal, des primes mirobolantes, sur les bénéfices et des stock-options honteuses, et qui, de surcroît, bien qu’il eut tout récemment été élevé en toute impunité au grade de chevalier de la Légion d’Honneur, résidait depuis deux ans à l’étranger, dans un ersatz de paradis fiscal, afin d’échapper au fisc.

Il ne me reste plus qu’à souhaiter que ce roman ne reste pas enfoui entre deux navets chez les libraires, mais mis en évidence et même recommandé par ceux-ci.

Vous pouvez également retrouver mon entretien avec Gilles Vidal

Gilles VIDAL : Mémoire morte. Collection Zone d’ombres ; éditions Asgard. 384 pages. 18€.

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22 mai 2012 2 22 /05 /mai /2012 08:45

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Essayez de vous imaginer dans la situation du seňor Machi, ancien industriel richissime qui s’est reconverti en réhabilitant un très prisé bar, restaurant, club de nuit. Une situation difficile que l’on ne rencontre pas tous les jours, j’en conviens, et fort heureusement.

Alors qu’au petit matin, après une fin de nuit passée en compagnie d’une jeune femme qui vient de lui procurer une petite gâterie dans son bureau à L’empire, son fief, Machi rentre chez lui après avoir téléphoné à sa femme Mirta de lui préparer son petit-déjeuner. Il est content Machi, la vie est belle, les femmes aussi, quelques lignes de coke de temps en temps, le viagra est efficace, les cigares qu’il déguste sont hors de prix et il conduit dans l’euphorie sa grosse BM à 200 000 dollars. De petits points noirs existent bien, mais il veut en faire abstraction ; sa fille qui fréquente un jeune homme qu’il n’apprécie pas, son fils Alan qui est plus attiré par les hommes que par les femmes.

Seulement, alors qu’il roule sur l’autoroute, il sent sa voiture effectuer une embardée. Il vient de crever. Aussitôt il appelle l’assistance dépannage mais celle-ci est longue à se mettre en route. Il examine sa roue endommagée et remarque que des crève-pneus se sont fichés dans la gomme. Des bricoles qu’il n’avait pas vues depuis les grèves des tisseurs de l’usine, en 74 ou 75. Le début de la paranoïa s’installe dans son esprit.

Comme il s’impatiente, il regarde dans le coffre de son véhicule. Stupéfait il aperçoit un corps recroquevillé. Pas moyen de le reconnaître, car la figure est semblable à une pastèque trop mûre écrabouillée sous les roues d’un camion. Il essaie de le dégager, mais cela lui est impossible. L’un des poignets est attaché par une paire de menottes. Roses et en fourrure les menottes, comme celles dont il se sert pour ses jeux érotiques. Il lui faut d’abord se débarrasser du cadavre encombrant, connaître l’identité de l’intrus et savoir qui a pu lui jouer un tour aussi pendable.

Première chose à faire : annuler l’assistance dépannage et changer lui-même sa roue ; ensuite se débarrasser du cadavre et éventuellement découvrir l’identité de celui qui s’est amusé avec ses affaires personnelles. Et cela ne va pas être de tout repos.

Tandis qu’il conduit, Machi pense. D’abord à Pereyra, son garde du corps, qu’il a surnommé Cloaque pour des raisons sur lesquelles je ne m’étendrai pas la place m’étant compté. Cloaque qu’il a sorti d’un sacré merdier et qui ne répond pas au téléphone. Ensuite à… Machi se fait arrêter par deux policiers et il lui faut démontrer qu’il possède des personnes influentes dans sa manche, les laisser lui confisquer son arme à feu qu’il range dans sa boite à gants, tiens il manque une balle remarque l’un des flics, et le délester de quelques billets qui trainaient dans son portefeuille, avant de reprendre son périple. Soulagé, Machi ! Les deux abrutis ne lui ont pas demandé d’ouvrir son coffre. Mais cela ne résout pas son problème, ses problèmes.

Il s’enfonce dans une banlieue déshéritée, achète quelques ustensiles pour couper les menottes, ensuite il cachera le cadavre, et puis il lui faudra acheter des vêtements pour changer les siens qui sont souillés. Et puis réfléchir : est-ce une des prostituées qu’il requiert de temps à autre pour son confort charnel, l’un de ses adversaires et concurrents, l’un de ses anciens employés de son usine de textile, les bolchos comme ils les appelait, un boxeur dont le match était perdu d’avance, un serveur qui avait oublié de venir un jour de repos alors qu’il possédait vingt ans de bons et loyaux services à L’Empire, sa femme…

Au départ, cette histoire ressemble à une grosse farce, genre comment se débarrasser d’un cadavre encombrant, version moderne du cadavre dans le placard. Mais bien vite on se rend compte que sous l’ironie sarcastique et amère se cachent des raisons plus profondes. Lorsque Machi se plonge dans ses souvenirs, comment il s’est élevé à la force des poignets et des trahisons, c’est toute une épopée qui est mise en scène. L’Argentine des années 70, les années de dictature militaire et policière, la chasse aux communistes, aux bolcheviques. A son beau-père qui le toise de haut, parce qu’il n’est qu’un parvenu. Parti de rien ou presque Micha s’est fait tout seul, comme on dit, mais à force de compromissions, de concussions, de traîtrises, en piétinant les autres. Ce qui est amusant, c’est que l’auteur prête cette intention à Federico ou Felipe, Micha ne sait plus très bien quel est le prénom du fiancé de sa fille, à Fe donc qui se veut poète et littérateur : il décida qu’un jour il écrirait un roman dont le señor Machi serait le protagoniste et dans lequel il lui arriverait des choses terribles. Comme si l’auteur avait décidé de régler quelques comptes personnels. Une caricature d’une certaine frange de l’Argentine, grinçante, féroce, mais qui peut refléter une certaine réalité.

Quant au titre, il trouve sa justification dans le roman, justification que je ne vous dévoile pas de peur de ne pas avoir le style haut.

Kike FERRARI : De loin on dirait des mouches. (Que de lojos parecem moscas – 2011 ; Traduction de l’espagnol/Argentine de Tania Campos). Editions Alvik/Moisson rouge. 192 pages. 12€.

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19 mai 2012 6 19 /05 /mai /2012 06:38

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Les avis, parfois dithyrambiques, concernant ce premier roman lus chez quelques amis blogueurs m’ont incité à acheter ce petit livre lors de sa réédition chez J’ai Lu. Mais je ne vous délivrerai mon verdict qu’après vous l’avoir présenté.

Abraham, qui préfère qu’on l’appelle tout simplement Abe, vit avec son père, cohabite plutôt. Ses parents sont nés en Afrique du Nord, mais lui est venu au monde à Paris, après de longues années d’efforts de la part de ses géniteurs. Et comme cela avait marché une fois, pourquoi ne pas recommencer. Abe avait cinq ans quand sa mère a accouché d’une petite fille, mais les deux éléments féminins de la famille sont décédés. Son père se contente de regarder la télévision, quelques mots parfois à son fils, et c’est tout.

Abe possède quelques amis qu’il a connu à l’école : Goran, Nathan, Trésor et Karim. Ils boivent des bières ou des boissons plus fortes, pas forcément toujours ensemble, et s’adonnent aux drogues, douces et dures. Et puis il y a Julia, étudiante à la Sorbonne, qu’il aime retrouver à la sortie des cours. Et plus si affinité, ce qui arrive souvent. Mais Abe ne se contente pas de se rendre dans le quartier de la Sorbonne pour rencontrer sa copine, il revend également de la drogue auprès d’étudiants qui ne demandent qu’à connaître le grand frisson.

C’est alors que Goran et Abe, prenant un rafraichissement dans un bar, remarquent un curieux manège. Un client entre et au lieu de consommer se dirige vers le fond de l’établissement gardé par une espèce de garde du corps et entre dans une pièce marquée Privé. Il s’avère que dans cette arrière-salle quelques hommes se retrouvent régulièrement pour jouer au Poker. Et qui dit Poker dit mise en jeu et gains à la clé pour les petits débrouillards.

Et les petits débrouillards, si c’étaient eux ? Aussitôt l’idée a germé dans la petite tête d’Abe, rafler l’argent et cela grâce aux copains. Il en parle à Goran et une expédition est envisagée. Juste quelques détails à régler, voler une voiture, se procurer des armes, des cagoules et le grand jour est arrivé. Enfin, le grand jour c’est excessif, c’est plutôt au petit matin qu’ils s’introduisent dans le bar et mènent à bien l’opération Pognon. Ils se montrent violents envers les joueurs, mais l’un d’eux leur promet des jours difficiles et des nuits d’insomnies.

Et c’est bien ce qui se produit. La petite bande s’éparpille, Abe se fâche avec Julia pour ce qu’il considère comme une traitrise de la part de son amie, il déménage et plonge dans la drogue. Il déambule aussi dans Paris.

Verdict, en mon âme et conscience, délivré dès les premières pages et même avant. Une petite rengaine me trottinait dans la tête. Il ne s’agissait pas d’une chanson mais d’un titre de livre : C’est beau une ville la nuit de Richard Bohringer, paru à la fin des années 1980 chez Denoël. Mais peu à peu, en tournant les pages, l’impression d’avoir déjà lu des dizaines de fois ce genre d’histoire était de plus en plus prégnante. De jeunes marlous organisant un braquage minable, et la drogue comme personnage principal, une descente aux enfers, l’alcool, autant de thèmes utilisés jusqu’à plus soif. On croit relire des romans écrits pas des auteurs comme Pierre Léon, Laurent Fétis, José-Louis Bocquet dans lesquels la drogue est presque comme un produit de consommation courante et obligée, objet d’une certaine complaisance.

Nous sommes loin du Paris de Léo Malet ou surtout d’Auguste Lebreton, dont les petites frappes adolescentes sont des personnages principaux. Par exemple dans Les Hauts murs, La loi des rues ou Les jeunes voyous. Paris est à peine esquissé, des quartiers nommés par leurs stations de métro : Belleville, Barbès, Jules Joffrin, Château Rouge, Château d’eau, Charonne…. Par exemple, en face du square Jules Joffrin, pourquoi ne pas avoir décrit en une ou deux lignes l’imposante mairie du XVIIIème arrondissement, l’ambiance de Barbès ou de Château rouge avec son monde cosmopolite. Une carence de description, un décor effacé, un manque d’âme. Les personnages ne sont même pas tant soit peu sympathiques, et il est à noter qu’Abe alterne les périodes de toxicomane dépendant à celles de revendeur presque normal. Bref, un roman banal qui à aucun moment ne m’a ému ou fait vibrer.

A lire les articles nettement plus élogieux de Pierre sur Black Novel ou de Bruno sur Passion Polar.

Jérémie GUEZ : Paris la nuit. Collection Policier N°9637, éditions J’ai Lu (réédition La Tengo – 2011). 128 pages. 4,70€.

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18 mai 2012 5 18 /05 /mai /2012 13:52

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Il est des fantômes difficiles à évacuer de la souvenance historique, et il est bon parfois de les titiller afin justement de ne pas les oublier, les occulter, les effacer, mais surtout ne pas laisser les faits, les événements se trouver déformés et si possible restituer la vérité. Ainsi Maurice Gouiran revient sur la guerre d’Espagne entre 1936 et 1939, en insérant sa reconstitution, puisée dans des documents dont il établit une liste conséquente en fin de volume, dans une intrigue qui se révèle double.

Plus belle la vie à Marseille ? Surement pas pour Manu, petit voyou à la dérive, qui vient de purger une peine de prison dont les séquelles le hantent la nuit. Il vivote seul, sa femme l’ayant quitté. Il reçoit une lettre, qui à l’origine était destinée à sa mère décédée, émanant de Paola, une petite cousine inconnue habitant en Espagne. Elle souhaitait rencontrer Elisa, la mère de Manu mais à défaut elle lui propose d’établir un test ADN afin de prouver sa filiation avec Ramon Espola, un Républicain qui a disparu lors de la guerre civile. Paola est journaliste et participe depuis quelques mois, en compagnie d’un archéologue, à l’ouverture des nombreux charniers qui ont ponctué cette page sombre de l’histoire ibérique. Le fils de Manu, Patrice, n’est pas mieux loti. Un certain King-Kong lui réclame 30.000€ suite à un détournement de drogue mais il ne possède pas le moindre fifrelin. Il n’a que trois jours pour régler sa dette. Sinon… Patrice demande bien à son père de l’aider, mais que peut faire Manu qui lui aussi est dans la mouise. Et sa mère Agnès, caissière dans un super marché, n’est guère mieux lotie. Ce tracas familial rapproche quelque peu Manu et Agnès qui se retrouvent à partager une pizza au Beau Bar où Clovis, ancien journaliste, possède ses habitudes. Léon, le tenancier, demande à Clovis si celui-ci pourrait aider Manu afin de résoudre ses problèmes. Au départ Clovis n’est guère partant pour prêter main forte à ce client qu’il connait vaguement, mais lorsque celui-ci déclare être le fils d’Elisa, il accepte. Lors d’une grève à la manufacture de tabac de la Belle de Mai à Marseille, Clovis avait eu l’occasion de rencontrer Elisa, de l’écouter parler des revendications des ouvrières et un peu de son arrivée à Marseille. Clovis qui subit une abstinence sexuelle à laquelle il n’est pas habitué, se souvient fort à propos qu’il connait à Madrid, Fabiola, une jeune femme qu’il aimerait retrouver. Mais auparavant il se rend chez Paul, le mari malheureux depuis la mort d’Elisa et qu’il a eu le plaisir de rencontrer lors de ses échanges verbaux avec l’Espagnole. Paul lui remet un petit journal intime dans lequel Elisa avait narré ses pérégrinations sur sa jeunesse de réfugiée espagnole ayant connu la Retirada à Argelès-sur-Mer, puis ses convictions communistes avant de déchirer sa carte de militante en 1953 et cela ouvre des horizons à Clovis qui décide de partir pour Madrid en compagnie de Patrice afin que celui-ci échappe à King-Kong et ses séides. Manu qui devait être à l’abri dans une cabane abandonnée nichée dans la garrigue au dessus de Marseille est pris à partie par quatre tueurs.

Au-delà de l’intrigue et des pérégrinations de Manu et de Patrice, c’est d’abord l’Espagne franquiste qui est mise en scène. De 1936 à 1939 avec les combats entre Républicains et Nationalistes, les débordements de tout bord, surtout nationalistes, les conflits à l’intérieur même du camp républicain entre anarchistes, communistes et affiliés au POUM, puis l’exode, la fameuse Retirada, jetant des milliers d’exilés sur la route bloqués ensuite par les autorités françaises derrière des barbelés sur la plage d’Argelès-sur-Mer, les désillusions des uns ou au contraire l’arrogance des autres, les vainqueurs franquistes, des soutiens militaires par Hitler et de Mussolini envers les Nationalistes, celui de Staline aux Républicains, puis les retournements de situation et les changements d’alliance, le camp de Karaganda dans le Kazakhstan, alors situé en Union Soviétique, jusqu’à la mort de Franco en 1975, et les hommages qui lui sont rendus tous les ans le 20 novembre ainsi qu’à José Antonio Primo de Rivera considéré comme l’un des martyrs du mouvement franquiste et passé par les armes le 20 novembre 1936. C’est un état des lieux, un constat implacable de la résurgence de ceux qui, nostalgiques et jeunes qui n’ont pas connu les dérives du nazisme et du franquisme, portent au pinacle et vénèrent des régimes totalitaires, dictatoriaux, racistes. Et l’on ne peut s’empêcher de comparer certains régimes politiques actuels, les rejets d’étrangers par exemple, avec ces pans tragiques de l’histoire.

De Maurice Gouiran vous pouvez retrouver sur ce blog : Sur nos cadavres, ils dansent le tango ainsi que Et l'été finira. Vous pouvez également lire un entretien avec l'auteur.

Maurice GOUIRAN : Franco est mort jeudi. Format poche. Editions Jigal. Réimpression. 400 pages. 9,50€.

Le site des éditions Jigal est ICI

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17 mai 2012 4 17 /05 /mai /2012 12:55

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Les Myriadines. Cet ancien château recyclé en maison de retraite, pardon en résidence pour seniors, abrite une clientèle aisée, très aisée même pour certains. Pourtant il ne faut pas croire que tous ceux qui vivent leurs dernières années sont issus de la bourgeoisie bon chic, bon genre. Par exemple Robert Vauquelin, dit Bob, est un ancien truand, qui ne mâche pas ses mots et se montre parfois assez virulent, violent envers ses compagnons et le personnel soignant. Maurice Dorson, un vieil acteur surnommé Has Been, Leufroy Nox, un ex-gourou, Gilbert Joussin, qui traîne derrière lui à tort ou à raison la sulfureuse réputation de cannibalisme, Henriette Dunoyer au rire crispant, héritière d’une longue lignée de viticulteurs dévoués au Champagne, Joséphine Pajon, veuve d’un riche industriel de la biscuiterie rémoise ou encore Maryse Bouchenel, qui connut son heure de gloire à la télévision en tripotant les boules du Loto. La sélection s’effectue par l’argent et donc n’est pas élu qui veut.

Pour s’occuper de tout ce petit monde parfois exigeant, règnent le directeur Paul Mangre et l’infirmière-chef Christine Ternot, mais au-dessus d’eux les décisions sont prises par le docteur Mallard qui, selon son apparence physique, n’aurait pas dépareillé parmi tous ses patients.

En ce mois d’août qui s’achève, Lise est employée comme aide-soignante aux Myriadines depuis trois semaines. Ce n’est pas par hasard qu’elle a réussi à se faire embaucher dans cette maison de retraite située dans la campagne rémoise. Elle doit accomplir une mission que lui a confiée son ami et amant Julien. Pour cela elle garde précieusement dans la chambre qu’elle loue chez des particuliers à quelques kilomètres de la résidence un Glock 17, précision destinée à l’attention des amateurs d’armes à feu. Et Tino, l’un des correspondants de Julien, lui remet une petite mallette qui devrait lui servir à remplir sa tâche. Parmi le personnel elle s’entend assez bien avec sa collègue Malika.

L’infirmière-chef a trouvé, en fouillant dans les affaires de Joussin, le supposé cannibale, un couteau de cuisine. Et Lise est chargée de cuisiner le voleur qui déclare se méfier de certains de ses compagnons. Un peu plus tard, alors qu’elle visite les caves du château, caves restaurées et recouvertes de carreaux de faïence, Lise est surprise par Malika qui se demande bien ce qu’elle fait là. Mais la surprise sera bientôt partagée par les deux femmes lorsqu’en ouvrant la porte de la pièce qui sert de morgue provisoire, grâce à un passe magnétique, elles trouvent un cadavre allongé sur un brancard. Celui de l’une des lingères. Détail morbide, celle-ci serait gravide.

Alors qu’elle pratique une séance de footing, afin de se vider le grenier qui renferme son cerveau, elle est suivie par un véhicule tout terrain. Lise panique, court tant qu’elle peut mais est toutefois rejointe. Deux hommes à bord, qui lui adressent un geste obscène puis repartent comme si elle n’existait plus.

Bientôt ce sera l’effervescence au château, car le bal annuel des Iguanes va bientôt se dérouler. Cette petite sauterie entre pensionnaires tire son nom d’une farce commise par l’un des petits vieux quelques années auparavant.

Ah les maisons de retraite et leurs mystères ! Une plongée réjouissante et frissonnante pour le lecteur, peut-être un peu moins pour ces résidents et ceux qui y travaillent. Brice Tarvel traite par la dérision et avec férocité cette vie promise aux « finissants » comme les surnomme Lise. Et les résidents qui pourtant ne sont plus des petits enfants, se conduisent comme des malappris insupportables malgré une certaine position dans la société et l’aisance financière dans laquelle ils baignent. Des sales gosses qui se croient tout permis. Quant au personnage énigmatique de Lise, quel est son but se demandera jusqu’au bout le lecteur impatient, même s’il se doute d’une partie de sa mission.

En attendant de découvrir la solution, je peux quand même, ma bonté me perdra, révéler qu’elle n’a pas eu ce que l’on peut qualifier d’une enfance heureuse. Elevée principalement par sa mère dans une caravane, elle s’est rebellée une fois contre son père. Peut-être la seule fois de sa vie où elle a tenu une aiguille à tricoter dans ses mains. Faut avouer que son géniteur avait bien cherché cette pique, lui qui a confondu pelote (de laine) et peloter.

Vous pouvez retrouver mon portrait de Brice Tarvel ici, Les dossiers secrets d'Harry Dickson signées Brice Tarvel ainsi que Destination cauchemar signé François Sarkel.

 N'hésitez pas à découvrir le catalogue des éditions Lokomodo

Brice TARVEL : Le bal des iguanes. Collection Zone d’ombres. Editions Lokomodo. 282 pages. 6,50€.

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16 mai 2012 3 16 /05 /mai /2012 07:06

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Tout comme son célèbre prédécesseur Sherlock Holmes, Harry Dickson est un personnage de roman immortel. Passent les années, passent les auteurs, Harry Dickxon, surnommé d’ailleurs à l’origine le Sherlock Holmes américain, ne vieillit pas, de même que son célèbre assistant et apprenti Tom Wills. Pugnace, il a résolu moult énigmes pour la plus grande joie de plusieurs générations de lecteurs. Après Jean Ray, non pas son créateur, mais l’écrivain qui a su adapter, réécrire, inventer, des histoires plus palpitantes les unes que les autres, après Gérard Dôle, voici Brice Tarvel qui reprend fièrement le flambeau dans la tradition populaire. Ce premier tome nous convie à la lecture de deux aventures : La main maléfique et L’héritage de Cagliostro. La première se déroule à Londres, haut lieu du brouillard et de la pluie, du mystère et de l'épouvante. Pour s’être montré par trop curieux, Ignatius Barn décède en tombant d’un arbre. Journaliste minable, il pensait tenir une information de premier choix. Il surveillait l’appartement de la jolie veuve Lady Elsie Ratchford dont le mari est mort aux Indes, sous ses yeux, car elle avait refusé les avances d’un prince non habitué à se voir refoulé. Elle est donc revenue en Angleterre, emmenant dans ses bagages une relique maritale. L’une des commères qui était habituée à déblatérer sur un banc, sis sous l’arbre porteur de journaliste en mal de copie, en compagnie de deux autres vieilles filles alerte le superintendant Goodfield. Harry Dickson qui était dans le bureau assiste à la relation des événements et poussé par la curiosité décide de se mêler à l’enquête. La seconde histoire se déroule en Bretagne, sur la côte de granit rose, en un petit port de pêche. Après son évasion de la Santé, un gangster surnommé Rigoustin s’y est réfugié d’après les informations recueillies, et comme ce sont eux qui avaient procédé à sa première interpellation, il n’y a aucune raison à ce qu’ils ne récidivent pas. Un étrange personnage réside dans le même hôtel que nos deux amis. Un individu peu causant, atrabilaire, exigeant, bref détestable. Pourtant Philoxène Barbubrane, tel est son nom, se révèlera fort précieux lorsque Tom Wills traversera un moment critique et vital.

Brice Tarvel, connu aussi des spécialistes du Fleuve Noir et de Rivière Blanche sous le pseudonyme de François Sarkel, a réussi à s’imprégner de l’atmosphère et des personnages de Jean Ray, se les ait approprié pour restituer une œuvre personnelle. Ni pastiche, ni parodie, c’est la continuité de la saga dicksonienne dans un style flamboyant, usant de mots désuets fleurant bon le vieux français, apportant une touche particulièrement imagée et humoristique, et se référant souvent à Dickens, un maître. Et comme ce livre est le tome 1, nous attendons avec impatience les suivants dans lesquels monstres horribles et créatures bizarres, singulières, se dressent devant le lecteur au détour des pages, tel le diable sortant de sa boîte. Un pur régal qui devrait attirer les jeunes lecteurs friands de frissons, les plus anciens prompts à s’enthousiasmer aux aventures extravagantes, aux nostalgiques des fascicules populaires, à tous ceux qui considèrent la littérature populaire comme génératrice de plaisir. Quant à la couverture de Christophe Alves, elle met tout de suite dans l’ambiance, dans une pureté de traits dignes de l’école belge.

Deux autres volumes sont parus que vous pouvez découvrir sur le site des éditions Malpertuis.


Brice TARVEL : Les dossiers secrets de Harry Dickson (tome 1). Collection Absinthes, éthers, opiums N°7. Editions Malpertuis. Préface de Richard D. Nolane. 128 pages. 10€.

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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