En hommage à Roland Wagner décédé le 5 aout et dont j'ai publié un portrait ici, je vous propose quelques lectures.
Un Ange s’est pendu. Collection N° 1614. Editions Fleuve Noir.
Elric, disquaire spécialisé sixties, présente à Richard, journaliste de rock intègre et redouté, un jeune homme nommé Vince. Mais Richard n’apprécie guère ce genre de rencontres. Il a l’impression d’être soudoyé ou qu’on lui force la main.
Au cours du repas qu’il prend en compagnie de son amie Suzie, d’Elric et de Vince, Richard étudie le jeune homme. L’appréciation qu’il en retire semble satisfaisante puisque la soirée s’éternise et, de verres en verres s’installe une certaine complicité. Elric ayant loupé son train vu l’heure tardive, tout le monde le raccompagne chez lui ; jusque là tout va bien. Mais lorsque Vince s’aperçoit qu’Elric a perdu son portefeuille dans la voiture et décide d’aller lui rapporter, les ennuis commencent.
D’abord Elric leur affirme avoir passé la nuit chez lui, puis les trois rescapés du quatuor font une étrange rencontre. Une espèce de clodo qui dit s’appeler Isaac et leur donne trois pièces d’argent frappées en une monnaie inconnue. Egarés ils se retrouvent dans une gare bizarre et tout ce qui les entoure semble sorti d’un univers inconnu.
Roland C. Wagner joue avec les univers parallèles, thème souvent abordé dans les romans de science-fiction et de Fantasy, depuis la saga du Monde de Narnia de C.S. Lewis, L’Univers en folie de Fredric Brown à L’avènement des chats quantiques de Frédéric Pohl en passant par Charisme de Michael Coney, thème riche en histoires et inépuisable source de paradoxe. Plus que l’utilisation par Roland C. Wagner de ce thème, ce sont l’exploitation, la théorie et les explications finales qui font le charme de ce roman, dans lequel l’auteur fait un clin d’œil avec la participation volontaire de deux personnages indissociables de la littérature populaire.
Lors de la présentation de ce roman en juin 1988, j’écrivais : Roland C. Wagner, un auteur à suivre et qui représente avec Michel Pagel, Alain Billy et quelques autres la nouvelle génération des bons auteurs du Fleuve Noir et des romans d’évasion en général. Aujourd’hui, Roland C. Wagner vient de nous tirer brutalement sa révérence, Michel Pagel écrit et traduit toujours, quant à Alain Billy, il a plus ou moins disparu des étals des libraires.
La balle du néant. Anticipation N°1988, Fleuve Noir.Réédition aux éditions de L'Atalante.
Tem, diminutif de Temple Sacré du Matin Calme, possède le don de passer inaperçu auprès de la plupart de ses concitoyens. Il est ce qu'on appelle un Transparent. Un Talent issu de ses parents, des millénaristes qui ont subi les effets de la mutation après la Grande Terreur de 2013. Un don parfois appréciable, surtout dans sa profession, puisqu'il est détective privé.
Or en 2063, l'humanité s'est assagie, et les morts violentes ne courent pas les rues. Ce qui le réduit à effectuer les petits boulots habituels dévolus aux privés, enquêtes et filatures dans des histoires de cocufiages. Eileen, une jeune femme apparemment insensible à sa "transparence" lui demande d'enquêter sur la mort de son frère, la police dépassée par les évènements ayant classé le dossier. Le voilà confronté à un problème insoluble de meurtre en chambre close, perpétré sur la personne d'un savant, dans sa chambre d'hôtel située en face du CERS où il travaillait sur la possibilité de faire baisser le coût du transport spatial.
Tem qui possède un ouvrage érudit, "222 Chambres Closes", lequel recense les plus beaux cas inventés en littérature, et qui professe à l'encontre de Nestor Burma, un privé né au siècle dernier de l'imagination d'un auteur de romans noirs, une admiration sans borne, accepte bien volontiers de se substituer aux forces de l'ordre.
Hommage non déguisé à Léo Malet dans un Paris qui n'a guère changé - seuls les individus et la mentalité ont subi des transformations - La balle du néant est un roman mi-polar, mi-SF, avec les ingrédients que peuvent comporter ces deux genres, même si la part belle est réservée à l'anticipation. D'ailleurs ce roman est le premier d'une série intitulée Les futurs mystères de Paris. Mais le lecteur pourra à juste titre se sentir frustré dans l'explication finale et la résolution de l'énigme du meurtre en chambre close puisque Roland C. Wagner utilise un artifice propre au domaine de la science fiction.
Les ravisseurs quantiques. Collection Anticipation N° 1998. Editions Fleuve Noir. Réédition aux éditions de l'Atalante.
Où l’on retrouve Tem, Temple Sacré du Matin Calme, le détective privé dont on a pu lire la précédente aventure dans La balle du néant qui se déroule à Paris en l’an de grâce 2063. Son talent de Transparent le dessert dans sa profession car les clients ne se pressent guère dans son officine.
Son ami Ramirez lui fournit le moyen de passer à l’action en lui présentant un couple dont la fille a disparu. Une enquête qui ne rapportera rien à Tem, puisqu’il lui est redevable d’un service. Mais ce couple d’Anonymes est si pitoyable qu’il ne peut refuser. Frédégonde, c’est l e prénom de la disparue, est tout le contraire de ses parents. Elle veut goûter à toutes les joies de la vie, quitte à s’y dérober au dernier moment lorsque le jeu ne l’intéresse plus.
C’est ainsi qu’elle a frayé avec les Vikings, puis les Crépusculaires, les Acidulés pour finir entre les tentacules des Copistes. Les sectes et autres groupuscules constitués en églises nouvelles abondent, profitant du désarroi des jeunes générations, prélevant leur dîme au passage. Tem va affronter dans un univers parallèle une résurgence uchronique du communisme stalinien et sera confronté à des changeformes.
Prenant pour prétexte l’un des thèmes récurrents de la littérature policière, la disparition prélude à un enlèvement, Roland C. Wagner se lance dans un délire fictionnesque mais néanmoins actuel, l’emprise des sectes en cette fin de siècle (je précise que cette chronique a été éc rite dans le milieu des années 90) sur des êtres à la recherche d’un fac-similé de bonheur, de croyance factice, de soutien ou d’assistance, de communion. La trame policière cède vite le pas à l’analyse du comportement humain, via l’anticipation.
Tekrock, éditions Fleuve Noir,collection Moyen Format. Réédition aux éditions de L'Atalante.
Tekrock est le cinquième épisode des aventures de Tem, alias Temple Sacré de l’Aube Radieuse (oui entre temps il a changé partiellement de nom), lequel possède le don, ou le talent, de passer inaperçu auprès de la plupart des quidams qu’il côtoie.
Lorsqu’il veut que son i nterlocuteur n’oublie pas sa présence, il arbore un borsalino vert fluo du meilleur goût. Alors que les médias suivent avec intérêt le procès d’Odon (voir les épisodes précédents) Tem est chargé de retrouver l’identité d’un amnésique qui aurait perdu la mémoire durant la Terreur, au cours d’événements ayant secoué la Terre entière. Son enquête va le mener dans la banlieue ouest de Paris, banlieue quasi désertique depuis l’apparition de phénomènes mystérieux. Heureusement Tem peut compter sur ses amis, notamment Eilen, et surtout Gloria.
Je m’en voudrais d’en dévoiler davantage pour qui ne connaît encore l’univers baroque et musical de Roland C. Wagner qui entraîne le lecteur dans une course folle, ponctuée par des articles relatant les avatars du procès d’Odon. Les thèmes de la science-fiction, du fantastique et du roman policier se marient avec bonheur, étonnant mariage à trois, dans ce roman TGV (très grande virtuosité).
Le pacte des esclavagistes. MACNO n° 14. Editions Baleine. Coécrit avec Rémi Gaillard.
Petit dernier pour la route, dans un registre différent, le 14ème volume de la série MACNO chez Baleine, signé Rémi Gallard & Roland C. Wagner. Pour ceux qui ne connaîtraient pas MACNO, sachez que l’action se passe en 2064, et que MACNO alias Magasin des Armes, Cycles et Narrations Obliques est une entité sans véritable identité, dont l’essence est puisée dans un ordinateur superpuissant et qui se comporte en redresseur de torts. Bon, je schématise, mais comme de toute façon c’est de la fiction, ce n’est pas la peine de s’étendre et de sodomiser les dyptères.
En cette année 2064 donc, une nouvelle vague hippie déferle sur la planète, célébration du Summer of love, et dont les membres sont les Mysthiques. Apparemment ils sont pacifiques comme leurs vénérables ancêtres, et seule la musique, les musiques, est leur arme. Mais dans ce cas pourquoi les sociologues, les chercheurs qui tentent de résoudre le mystère de leur résurgence, de comprendre le pourquoi de leur présence, de leur prolifération, meurent dans des conditions bizarres, assassinés par des Kontrats qui théoriquement ne ratent jamais leur cible et propagent la mort à l’aide d’aragnelles, sorte de petites araignées ?
Bonne question mais si vous souhaitez connaître la réponse je vous engage à lire ce roman écrit en duo, qui ne possède pas le souffle, la démence, la démesure, la poésie, le style jubilatoire wagnérien de la série des Futurs Mystères de Paris, mais énonce toutefois des vérités premières telle que la diatribe contre l’Organisation Mondiale du Commerce (de la fiction vous dis-je !). Les auteurs se sont fait plaisir, communions avec eux. Amen.
Vous pouvez retrouver la série des Futurs Mystères de Paris de Roland C. WAGNER aux éditions de l'Atalante.