Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
28 août 2012 2 28 /08 /août /2012 06:48

Promenade en Bretagne et dans le temps.

reveil-menhirs.jpg

Pour sortir des sentiers battus, Jean a décidé de partir non pas à la neige mais en Bretagne, à la découverte du Morbihan en compagnie de trois amis. Alors qu’ils déambulent paisiblement sous la pluie en cette veille de Noël, surgit un éclair bleuté. Jean se réveille quelques minutes plus tard, seul, au même endroit qu’il reconnaît grâce aux trois menhirs qui se dressent fièrement. Il se souvient seulement d’avoir eu un drôle de rêve, auquel il ne comprend rien.

Déboussolé, il part à la recherche de ses compagnons. Mais il est épuisé et recouvre ses esprits dans une cabane, trois jours plus tard. Jean n’est pas au bout de ses surprises. Ce n’est pas tant le fait que l’ermite lui parle en breton, mais que lui Jean comprenne cette langue et qu’il a été recueilli dans la forêt de Brocéliande, à cent kilomètres à vol d’oiseau de l’endroit où l’incident s’est déroulé. Puis il se rend compte qu’il n’est plus au 20ème siècle, mais en 1146, sous le règne de Conan III, duc de Bretagne.

Jean n’a qu’une idée en tête, rejoindre à tout prix ses amis. S’entame alors une longue pérégrination au cours de laquelle il devra affronter moult dangers. Les hommes du Duc sont à sa poursuite et il fera la connaissance d’Eon de l’Estoile, un moine réfractaire aux lois édictées par le prince et par l’église.

 

Impalpable-venus2Le Réveil des menhirs est tout autant un roman de chevalerie médiéval qu’un roman d’anticipation, l’épilogue nous le prouvera, avec une fracture temporelle qui nous plonge au cœur de la Bretagne profonde. Une agréable histoire pleine de rebondissements, comme dans les romans de cape et d’épée, empreinte d’aventures mystérieuses et d’un final époustouflant. Une réussite qui valait amplement une réédition, et en espérant que d’autres ouvrages de Gabriel Jan connaîtront le même sort. Je pense notamment à Ballet des ombres paru lui aussi au Fleuve Noir dans la collection Super Luxe, également en 1979.

 

 

A lire aussi mon  portrait de Gabriel Jan, ainsi que son dernier roman paru :  Par le rêve et par la ronce, chez Rivière Blanche.


Gabriel JAN : Le réveil des menhirs. Liv’Poche n°50, Liv’éditions.(Réédition d’Impalpable Vénus paru au Fleuve Noir dans la collection Anticipation N°906 en 1979). 9€.

challenge régions

Partager cet article
Repost0
27 août 2012 1 27 /08 /août /2012 13:02

Le canard au sang à la rouennaise !


nuit-d-encre.jpg

Très malade, d’ailleurs ses proches et ses ennemis pensent qu’il n’a plus que quelques mois à vivre, Paul-Henry Sternis revit lorsqu’il se rend dans son fief : le quotidien régional Normandie, qu’il dirige depuis plus de vingt-cinq ans avec opiniâtreté. Rien ne l’arrête, pas même un ascenseur en panne. Dans ce cas, Oscar son chauffeur, le prend dans ses bras et le monte jusqu’à son bureau où il rédige l’éditorial du jour.

Sans qu’il le sache, l’avenir s’assombrit, et pas seulement à cause de son cancer qui lui ronge les os. A la fin de la guerre, ce fils d’imprimeur avait repris les locaux d’un journal d’avant-guerre, disparu avec la Libération, avait créé Normandie avec ses fonds et ceux de quelques comparses, et avait réussi à force de pugnacité, à l’imposer comme le quotidien régional de référence.

Seulement les frères Gosselin, mandaté par Fondelais qui réside en Suisse, tentent de circonvenir quelques-uns des actionnaires en leur offrant une somme pharamineuse. Ainsi ils contactent des éléments faibles d’une partie des actionnaires, tels que Franck Grainville, surnommé Bayard lorsqu’il était chef du réseau Libération-Nord de la Normandie et un des premiers décorés nationaux de la médaille de la Résistance et qui après ses heures de gloire est devenu une épave, ou des boutiquiers comme Pétrel, le grainetier pétri de dettes ou Trimblot le boucher qui rêve d’ouvrir une seconde boutique. Comme refuser cent-cinquante mille francs de 1971 par action alors qu’en 1945 ils n’avaient déboursé que trois cents francs par part. La garde plus ou moins rapprochée de Sternis, mis au courant de ces démarches déloyales veulent faire front. Raoul Clairot, d’abord, qui n’est plus qu’un mort en sursis, lui aussi, ou Max Fortin, ou encore Madeleine Cahour, surnommée Castor lorsqu’elle aussi faisait partie de la Résistance.

Un bras de fer s’engage d’autant que Sternis a toujours déclaré qu’il ne tomberait jamais dans les travers d’un capitalisme à dividendes.

Ce roman, dont l’action se déroule à l’orée des années 1970, ne relate pas le travail de journalisme, mais de cette guerre de tranchées financière, alors que des personnages sulfureux tentaient, et réussissaient, une main mise sur les journaux de province, afin d’agrandi un empire au mépris de l’éthique. Les différents protagonistes sont issus soit des rangs de la Résistance, soit d’anciens collaborateurs plus ou moins blanchis. Et sous couvert de fiction, Philippe Huet met en scène Robert Hersant, sans jamais le nommer, et ses méthodes pour le moins douteuses.

Les conflits larvés, les rivalités et les rancœurs, les jalousies, remontent à la surface. Certains n’ont jamais accepté que Sternis soit le patron du journal, le considérant comme un usurpateur, alors que d’autres pensaient, espéraient pouvoir tenir en main cet organe médiatique. D’autant qu’entre Résistants et collaborateurs, rien n’a jamais été vraiment effacé. Une rétrospective sur un monde à part, le quatrième pouvoir, alors que les quotidiens se vendaient encore bien, n’enregistrant qu’un début de déclin qui ira en croissant. Depuis, bon nombre de titres ont disparu des kiosques, soit par les rachats, les fusions, soit par manque de lecteurs et donc de financement. Un roman, qui se veut également document, vu par l’œil exercé et impitoyable d’un ancien journaliste qui a connu ces bouleversements, ces manœuvres déloyales et délictueuses, qui sonnaient le glas des années bonheur.

La tranquillité provinciale n'est qu'un leurre.

A lire également l'avis de Claude Le Nocher sur son blog : Action-Suspense.

Voir mon portrait de Philippe Huet   et lire également Les démons du Comte ainsi que Le monde selon Hersant.

 

Philippe HUET : Nuit d’encre. Albin Michel. 240 pages. 16,50€.

challenge régions

Partager cet article
Repost0
23 août 2012 4 23 /08 /août /2012 15:23

Île et elle, une symbiose.

 marque-orage.jpg


Leur fille étant de santé fragile, les parents de Marwen ont décidé de s’installer sur l’île verte, au large de Quimper. Marwen, douze ans, est plus mature que le laisse présager son âge. Ses ennuis de santé lui ont forgé le caractère et surtout elle aime lire. Et puis, elle est en permanence, ou presque, en compagnie du Manac’h, une sorte d’ange gardien qui ne garde pas grand-chose, ne la protège de rien, qui se tient près d’elle sous forme d’enveloppe fantomatique. Au début ses parents ne voulaient pas croire en ce qu’ils pensaient être un délire, une affabulation, alors elle a cessé d’en parler. Seul son père a fait semblant d’accepter cette entité invisible aux yeux de tous, et il a offert à Marwen un carnet, qui se ferme avec un petit cadenas, afin qu’elle consigne ses pensées, ses réflexions, un peu un journal secret.

 

Sa mère est infirmière, originaire de l’île, et son père est médecin, ce qui a grandement soulagé les insulaires lors de son installation. Malgré la présence de sa petite sœur Anaïk, Marwen s’ennuie un peu. Et puis elle appréhende la rentrée scolaire. Elle ne connait personne. Heureusement, sa mère a la bonne idée de prendre à son service Marie-Louise qui raconte de si belles histoires pendant qu’elle effectue ses taches ménagères. Des légendes qui alimentent l’imaginaire de Marwen.

 

La rentrée scolaire s’effectue sous des auspices peu engageants. Marwen devient le souffre-douleur de Katel Le Coven, toujours accompagnée d’une petite cour de gamines prêtes à rire de ses bêtises. Alors Marwen se tourne vers sa nouvelle voisine de pupitre, Gaïd, une fille un peu simplette qui est la fille du boulanger. Mais surtout elle fait la connaissance de Gaël, le fils du cafetier, qui ne fréquente pas l’école et qu’elle voit de temps à autre en compagnie de James, le fils du châtelain, un adolescent handicapé par la polyo et qui se meut en chaise roulante. Entre Gaël, qui a perdu sa mère tout jeune et dont le corps n’a jamais été retrouvé, et Marwen s’établit une amitié qui réchauffe le cœur de la jeune fille.

 

Les prémices de l’orage s’amoncellent sur l’île. D’abord c’est l’annonce de la guerre entre la France et l’Allemagne. Les hommes du village sont mobilisés, dont le père de Marwen. Il part pour le front, participer à la drôle de guerre comme a été surnommé ce temps de latence avant l’invasion effective. Quant à Marie-Louise, elle gagne le continent, obligée de soigner une parente souffrante.

 

Marwen est attirée par la forêt proche et un jour elle voit un personnage inquiétant flanqué d’un chien qui lui fait peur. Et puis elle rencontre aussi Maïa, la rebouteuse, qui vit au fond de la forêt dans une clairière. Maïa est considéré comme une sorcière, et, parait-il, il veut mieux ne pas la fréquenter. Sur un banc en granit derrière lequel elle s’était cachée afin de ne pas se faire remarquer par Katel, elle a aperçu une étoile à six branches. Or la même étoile est gravée sur le linteau de la porte d’entrée de la chaumière de la sorcière. En repartant de chez Maïa elle se perd. Pourtant Maïa lui a bien dit de se fier à son instinct, à ce qu’elle appellera son don de double-vue. Elle est retrouvée mal en point et elle ne sait pas si elle a rêvé ou vécu ce qui est inscrit dans son esprit. Le cerf blanc notamment, et bien d’autres événements qui ne sont que les prémices d’une aventure dont elle sera l’héroïne. L’Elue comme lui répète Maïa.

 

C’est en janvier 1940 que le second souffle de l’orage va se manifester, alors que Gaël et Marwen se tiennent chacun de leur côté au bord de la fenêtre de leur chambre respective, les deux maisons n’étant séparées que par un passage étroit, et s’amusent comme ils en ont l’habitude. Une boule de feu traverse ce couloir, juste entre leurs deux mains qui se touchent. Une boule de feu qui ne sera pas sans conséquence.

 

Premier volet d’une trilogie dont les deux autres volumes sont prévus pour paraître dans quelques mois, La marque de l’orage est un roman plein de charme et nous plonge dans le merveilleux de notre enfance. Un roman inscrit dans une époque trouble, le début de la seconde Guerre mondiale, avec pour décor une île pleine de mystère engluée dans les légendes bretonnes et les superstitions. Véronique David-Martin joue avec les nerfs de ses lecteurs, incluant les passages fantastiques dans des scènes de tous les jours, recréant la vie d’un village dans une existence quotidienne qui est si proche et pourtant si loin. Les pleureuses par exemple, veillant une morte avant ses funérailles, l’école partagée entre deux classes distinctes, la mixité n’existant pas encore, les blouses grises, le couple d’instituteur, le mari directeur d’école et qui enseigne aux garçons, sa femme responsable des filles, et bien d’autres petits faits qui livrent une note réaliste à ce roman. Un roman prometteur, qui donne envie de lire la suite, car évidemment des zones d’ombres sont tapies, des personnages ont légèrement disparu de la circulation, et le secret des Maîtres de l’orage n’est pas totalement éventé. Et le temps va sembler long en attendant la parution des tomes 2 & 3 : Le Vertige du Rhombus et La voix de l’Egrégore.

Un roman dont les adultes et les adolescents se délecteront car tous, grands et petits, y trouveront leur compte, à condition d’apprécier le merveilleux, le fantastique, ainsi que le plaisir de recouvrer une âme d’enfant.


Véronique DAVID-MARTIN : La marque de l’orage. (Les maîtres de l’orage, tome 1). Editions Pascal Galodé. 360 Pages. 22,90€.

Partager cet article
Repost0
22 août 2012 3 22 /08 /août /2012 14:09

Avant de vous présenter le nouveau roman de Philippe Huet, pourquoi ne pas s'immerger dans l'un de ses précédents dont le Pays de Caux sert de décor ?

demons-du-conte.jpg

Délaissant les brumes et l’atmosphère portuaire du Havre, décor de ses précédents romans dont Quai de l’oubli, La nuit des docks ou Cargaison mortelle, Philippe Huet nous entraîne en compagnie du journaliste Gus Masurier dans le triangle des Bermudes normand, situé entre Le Havre, Rouen et Dieppe : le Pays de Caux, cher à Guy de Maupassant et à Maurice Leblanc.

 

Financier, politicard, bien introduit dans certains milieux et au-dessus de tout soupçon, le Comte de Bazincourt aime à revenir parfois dans son domaine du Pays de Caux où il est un seigneur incontesté. Alors le fait de le retrouver assassiné, la veille de Noël, sur le perron de sa demeure, est pour le moins étonnant. Les R.G., le procureur, le sous-préfet, les flics locaux puis ceux qui descendent de Paris pour prendre l’affaire en main, tout ce beau monde est sur les dents et n’apprécient guère l’intrusion de Masurier et de Panel, un journaliste localier, dans le paysage rural et criminel. Gus et son ami ne vont pas tarder à découvrir que sous ses habits de châtelain, de Bazincourt endossait aussi ceux d’un double pas très honnête. Mais les cadavres s’additionnent et un jeteur de sort s’amuse à s’immiscer dans le placard aux secrets.

 

Philippe Huet, après avoir été le chantre du Havre, vagabonde dans une région qui cache sous des dehors bonhommes, une profonde tradition de superstition. Nous sommes loin de la jovialité et de la naïveté affichée parfois dans certains films par les autochtones et dont Bourvil était le héraut. Et si Gus est si attachant dans son rôle de journaliste, c’est bien parce que Philippe Huet lui-même a exercé cette noble profession.

L’humanisme dont Gus fait preuve, son intégrité, sont les points forts de ceux qui veulent comprendre le pourquoi du comment et les journalistes sont peut-être les mieux à pouvoir le faire, à condition de ne pas être obnubilés ou d’avoir des à-priori édictés par des patrons de presse asservis par la politique. Sinon, direction le placard. La liberté de la presse existe encore, on le pense. Et comme je l’ai dit en préambule, l’ombre de Maupassant plane sur ce roman même si Philippe Huet ancre résolument le thème de ce roman dans l’époque actuelle.

Philippe HUET : Les démons du comte. Albin Michel. 276 pages. 14,70€. Mars 1999.

challenge régions

Partager cet article
Repost0
21 août 2012 2 21 /08 /août /2012 07:33

On publie vraiment n’importe quoi, je trouve qu’on ne devrait imprimer que des choses sérieuses dans les livres, il y a la télévision pour raconter des bêtises (page 11).

 jaguar-rouge.jpg


Photographe, le narrateur escalade la pyramide de Kukulcan avec bien des difficultés, assisté d’une jeune guide, Gabriella, afin d’effectuer quelques prises de vue pour un magazine archéologique. La soixantaine un peu poussive, il ressent une sensation d’oppression lors de la montée de la centaine de degrés qui doivent les conduire dans la salle du Jaguar. Il apprécie que sa compagne porte à sa place son lourd matériel photographique. Ainsi que l’admiration qu’elle semble lui vouer. Et il se laisserait bien tenter à la prendre dans ses bras, mais le travail avant tout. Il doit prendre des clichés du Jaguar rouge, une massive statue minérale, dont le dos plat a pu éventuellement servir de table de sacrifice dans les temps anciens des Aztèques. A nouveau il est sujet à cette oppression. Son malaise est peut-être dû à l’air vicié qui stagne, mais il n’a pas le temps d’analyser car pris d’angoisse et de vertige, puis il perd conscience.

 

Lorsqu’il retrouve ses esprits, il ne sait plus trop où il est. Il ne reconnait pas l’environnement dans lequel il déambule. Il veut s’arrêter mais son corps ne suit pas ses directives. Son corps n’est plus le sien. Il est vêtu d’un pagne et ses membres sont foncés, comme les Indiens. Il se rend alors compte que son esprit est prisonnier dans le cerveau d’un Aztèque qui rentre chez lui, retrouver sa femme et ses deux concubines. L’Autre, comme il appelle sa nouvelle enveloppe corporelle, va toutefois, sous l’impulsion de la pensée du narrateur, rendre hommage à l’une de ses concubines qu’il surnomme Fleur bleue, ce qui n’est pas du tout du goût des deux autres, respectivement Epouse et Fleur rouge. Fleur bleue était punie et n’aurait pas dû être traitée comme une favorite. Mais c’est la seule dérogation à sa conduite  que l’Autre accepte de perpétrer. Pour le reste, le narrateur a beau essayer d’influer sur son comportement, peine perdue. Peu à peu, le narrateur apprend que l’Autre s’appelle Quatlatoa et qu’il est le maître des javelots, sorte de général, auprès de Moctezuma, l’Empereur ou tlatoani des Aztèques. Le narrateur découvre avec effarement le mode de vie et surtout les croyances des Aztèques qui procèdent volontiers à des sacrifices humains pour honorer leurs dieux. Jusqu’au jour où, à cause de la foudre, Epouse décède mais surtout que le narrateur prend possession à part entière du cerveau de Quatlatoa.

 

Pendant ce temcortes.jpgps, sur la plage aux environs de Vera Cruz, Herńan Cortés s’apprête à entreprendre un périple jusqu’à Mexico-Tenochtitlan. Le but avoué est de convertir les différentes peuplades qui vivent dans les provinces environnantes. But officieux, s’accaparer l’or les objets précieux indiens au profit du roi d’Espagne, Charles Quint. Une jeune indienne, Malina, par haine de Moctezuma qui a capturé trop de membres de sa tribu pour les offrir aux dieux sanguinaires, s’allie à Cortés. Elle est appelée Marina, mais rapidement  elle est surnommée la Malinche. Elle se convertit au catholicisme et sert d’interprète à Cortés et sa troupe et devient l’amante de Cortés, uniquement.

 

De Vera Cruz jusqu’à Mexico le lecteur suit le parcours de Cortés et de sacortes-et-la-malinche.jpg troupe, de ses alliances houleuses avec les autochtones, de sa rivalité avec Velasquez le gouverneur de Cuba, de ses tribulations et des affrontements qui opposent les soldats armés de fusils et de canons, aux Aztèques qui eux n’ont que des arcs et des javelots pour se défendre. Mais les alliances peuvent renfermer des pièges, les roublardises, les duplicités des uns et des autres se cachent sous les présents, or, pierres et tissus précieux en échange de verroteries.

 

bernal.jpgGraphomane éclectique, Jacques Sadoul nous propose une incursion dans le Mexique au temps d’Hernán Cortés et de Moctezuma. Les chapitres alternent entre Mexicas et le point de vue de cette colonisation à travers les yeux du narrateur, et entre Castillans, avec la description de la longue marche évangélique et dominatrice de Cortés. Puis la rencontre entre les deux armées et ce qu’il advint. Jacques Sadoul puise évidemment son inspiration pour développer ce récit dans des ouvrages comme La vie quotidienne des Aztèques de Jacques Soustelle, mais aussi grâce à des témoignages d’époque dont celui de Bernal Diaz del Castillo, l’un des hommes de Cortés qui consigna dans des carnets ses impressions de voyage, les faits de guerre, les rapports houleux entre les deux autochtones et les colonisateurs qui seront également les spoliateurs. L’évangélisation amènera les Castillans puis leurs successeurs à détruire la plupart des temples édifiés en forme de pyramides au nom de la religion catholique, une fourberie en total désaccord avec le principe du respect des peuples et de la tolérance des croyances. Aimez-vous les uns les autres, disait-Il, et ils aimèrent surtout les richesses et le pouvoir.

 

Le fantastique n’est guère présent et ne sert que de tremplin entre aujourd’hui et hier. La transportation d’une époque à une autre et les efforts d’un homme qui connaissant l’histoire souhaiterait en changer le cours. Mais nous ne sommes pas dans une uchronie, et la relation de cet épisode respecte l’histoire.


Conquest of Mexico 1519-1521

 

Iconographie : Hernan Cortés; La Malinche; Bernal Diaz; route de Cortés de Vera Cruz à Mexico.


Jacques SADOUL : Le jaguar rouge. Hors collection, éditions Rivière Blanche. 332 pages. 20€.

Partager cet article
Repost0
20 août 2012 1 20 /08 /août /2012 09:16

J'irai revoir ma Normandie (air connu) ! 

 beatrice.jpg


En ce 26 Juin de l’an mil, Béatrice Quedreville, fille de Hrolfr le seigneur de Thuit-Ferrière près de Troarn en Pays d’Auge, est tout émoustillée. A quinze ans c’est une belle jeune fille, amoureuse de Robert Hautecour, un preux chevalier qu’elle a aperçu une fois et dont l’image est a jamais gravée dans son cœur et sa tête.

Or Robert Hautecour doit séjourner dans la résidence paternelle et c’est à cause de cela qu’elle est excitée comme une puce qui découvre qu’un nouveau chien vit dans le quartier. Mais Robert ne prête guère attention à la jeune fille ce qui l’offusque. Et lorsqu’une jeune fille a décidé de gérer son cœur, en général elle y parvient. Robert tombe si bien dans ses rets que quelque temps plus tard Béatrice est enceinte.

 

Elle est trop jeune pour s’en rendre compte et c’est sa nourrice qui l’informe de sa situation. Seulement Robert est parti en mission. Mandé par Richard II, il doit porter un manuscrit en Angleterre à destination du roi des Saxons. Durant son trajet qui lui fait traverser une grande partie de la Normandie, il se rend compte qu’il est suivi ; il est même dévalisé. Il parvient à passer en Angleterre mais il est arrêté et emprisonné par un seigneur local. Les étrangers sont mal vus.

 

Il restera en geôle durant des mois et pendant ce temps Béatrice se languit de son amant. Sa situation de future parturiente n’a pas l’heur de plaire à sa famille et principalement à son père qui entrevoyait une autre destinée à sa fille rebelle qui s’enfuit et accouche dans une masure. Seulement il lui faut partir, car les hommes de main de son père sont à sa recherche, et elle apprend que Robert a été envoyé en mission en Italie. Elle est persuadée que seul Robert peut devenir l’homme de sa vie et elle désire ardemment lui présenter son fils Hugues. Elle part le rejoindre, ou plutôt elle va essayer, car les embûches, nombreuses, vont se dresser sur les chemins des deux amants.

 

Entre haines familiales, conflits d’intérêts, trahisons, superstitions liées aux légendes ou à la religion, vengeances, aventures épiques et mésaventures, rendez-vous manqués, rien ne manque dans cet ouvrage dense, qui renoue avec le souffle des grands romans historiques.

 

Le Moyen-âge reste une période envoutante, secrète, mal connue, souvent décriée comme étant une période d’ignorance mais qui pourtant marque un tournant dans l’histoire de France, dans sa construction, sa mixité, l’intégration des différentes peuplades, l’emprise de la religion sur les consciences. Il est dommage que les notes, nombreuses, souvent liées à un parler désuet, soient reléguées en fin de volume au lieu d’être placées en bas de page, ce qui aurait évité au lecteur d’effectuer une gymnastique pas toujours évidente, surtout lorsque le plaisir de la lecture trouve son épanouissement dans le lit. A moins de posséder deux marque-pages.


A lire aussi du même auteur et chez le même éditeur : La vengeance de Mathilde (Les Conquérants, tome 2) et Mora ou le triomphe du batard (Les Conquérants, tome 3).

 

Michel RUFFIN : Béatrice l’insoumise. Les Conquérants 1. Collection Grand West Poche, Editions Pascal Galodé. (Réédition des Editions Alphée/Jean-Paul Bertrand. 2009). 576 pages. 10€.

challenge régions

Partager cet article
Repost0
17 août 2012 5 17 /08 /août /2012 12:20

nouveaute.jpg

Les petites histoires honteuses de la grande Histoire.

dernier-coup-de-theatre.jpg

Entre Romain Delorme et Marion Moderel s’était établi une complicité et une amitié amoureuse qui avaient remis la jeune fille sur les bons rails de la vie. L’adolescence de Marion avait été une véritable existence de patachon, et elle avait goûté à la drogue et aux plaisirs charnels, le sexe du partenaire étant indifférent. Débordements qui avaient amené à la mort accidentelle de son père. Par l’entremise de son oncle, Marion est embauchée comme pigiste spécialisée dans la rubrique culture, à la rédaction d’un journal dont l’antenne locale est sise à La Rochelle. Et c’est ainsi qu’elle fait la connaissance de Delorme, à la faveur d’un entretien pour le journal.

 

Delorme est auteur dramatique dont les deux premières pièces jouées dans des salles de la banlieue francilienne ont enregistré un succès auprès des spectateurs mais boudées par la critique. Sa troisième est un grand succès et il est devenu un auteur à l’avenir prometteur. C’est dans ce contexte qu’il rencontre Marion pour un entretien qui se termine par une fusion charnelle. Puis il repart vers la capitale non sans laisser ses coordonnées parisiennes à la jeune fille. Et c’est ainsi que Marion va s’installer dans la capitale et trouver peu après un travail auprès d’un hebdomadaire puis de fil en aiguille pour une chaine du câble. Avec Camille, une amie, elle veut réaliser un documentaire sur Delorme, mais il faut trouver du temps et de l’argent pour financer leur entreprise. Les pièces suivantes de Delorme ne sont que des bides (des pièces caustiques dans lesquelles il brocarde les partis politiques quels qu’ils soient) et il décide de couper les ponts puis de rejoindre la Riviera française, et retrouver les lieux de son enfance. Ils se retrouvent de temps à autre, ce n’est plus l’amour qui les relie mais une solide amitié. Quelques années plus tard, le 25 juin 2005 le corps de Romain Delorme est retrouvé sur le sable d’une petite plage. Il a été abattu d’une balle de revolver, et le suicide est à exclure.

 

Marion est obnubilé par son documentaire et elle prend un congé de maladie pour se rendre sur la Riviera, où elle va enquêter. Dans l’hôtel où elle se rend, afin d’assister aux obsèques de son ami, la réceptionniste lui remet une enveloppe qui lui est adressée. A l’intérieur de l’enveloppe, le carnet d’adresses de Romain, une carte postale avec au recto la reproduction d’un tableau de Nicolas de Staël lui signifiant que si elle veut réellement réaliser un film sur Romain elle doit retrouver la jeune file dont une photo est jointe. De même une réservation a été faite en son nom dans une pension. Alors elle s’attelle à la tâche, remontant le temps (l’enfance de Romain et les différentes aventures amoureuses ou autres qu’il a vécues) essayant de retrouver les personnes qui ont de près ou de loin connu Romain Delorme et surtout cette jeune fille, aux yeux verts, qui pourrait lui donner la clé de l’énigme, si énigme il y a. Pendant ce temps, la police enquête de son côté, mais ce n’est qu’anecdotique.

 

Ce roman est construit comme une ruche. La reine pourrait être Marion Moderel (au fait avez-vous remarqué que ce nom est l’anagramme de Romain Delorme ?), le bourdon Romain, et les abeilles, les petites ouvrières figurant les différents protagonistes qui gravitent dans cette histoire. Chacun d’eux vit dans une alvéole, mais parfois les parois sont poreuses, et selon les circonstances, ils se connaissent, se sont fréquentés, ont un point commun avec le défunt ou tout simplement ne l’ont que côtoyé.

 

Mais c’est surtout le prétexte pour Robert Deleuse de donner un coup de balai dans la fourmilière de l’Histoire qu’il dépoussière à grands coups de plumeau. Alors il établit une sorte de catalogue des affaires mises sous l’éteignoir, des fausses informations, des secrets honteux, que seuls ceux qui ont été (souvent à leur détriment) incriminés et ont subi. Cela va de la division Charlemagne aux différentes rafles de Juifs, des expatriés puis des dénaturalisés (Juifs originaires de pays étrangers ayant obtenus la naturalisation française) bien avant la trop célèbre rafle du Vel d’hiv en passant par ce ministre député de la Réunion (L’Amer Michel comme l’avait surnommé Le Canard enchaîné) qui a fait transféré des gamins de la périphérie des grandes villes de l’île (euphémisme pour désigner les bidonvilles) et les envoyer en familles d’accueil dans des département de la métropole (Creuse, Ariège…) où ils étaient la plupart du temps traités comme de jeunes esclaves par les paysans contents toutefois d’avoir à disposition des bras pour effectuer le travail de la terre, Clémenceau (dont l’ancien ministre et accessoirement philosophe Luc Ferry aurait préféré qu’un éloge lui soit rendu au lieu de celui destiné à son aïeul), les écoliers n’apprennent dans leurs manuels d’histoire qu’il fut surnommé le Père la Victoire, les recueils oubliant volontairement de préciser qu’il procéda aux exécutions de militaires rebelles durant la Grande Guerre ou qu’il commanda à l’armée de tirer sur les vignerons qui manifestaient, l’IRA et bien d’autres affaires qui ont secoué l’histoire de France (ou du monde).

 

Des personnages sont évoqués, dont l’identité est transparente, tel le maire Jacques Dauctor, (que ses opposants orthographiaient Dockor) et auquel on peut accoler le patronyme de Jacques Médecin dont l’appartenance politique houleuse et les nombreux délits commis l’obligèrent à quitter la France.

 

Mais tout ceci bien évidemment n’a pas été porté à la connaissance du plus grand nombre car Tu appréciais le journalisme, guère les journalistes dont le travail (tel qu’ils s’en vantaient) consistait avant tout à couvrirl’information, c’est-à-dire à obscurcir plus qu’à éclairer.

Un roman un peu fourre-tout dont les différents chapitres pourraient parfois ressembler à des documents, à des articles que des revues (courageuses) d’histoire pourraient publier. Cela en irritera certains, cela en fera réfléchir d’autres, selon que l’on aime connaître les dessous de certaines affaires politiques ou s’engoncer dans un confort sans vagues. Selon que l’on prenne ses divers témoignages pour argent comptant ou pour des rumeurs non fondées. Mais il existe un fond de vérité dans tout ce qu’écrit Robert Deleuse, seulement chacun sait que la mémoire peut se révéler capricieuse et certains faits se transformer au fil des ans, et des ajouts ou omissions de la part de ceux qui transportent ces récits enjoliver ou noircir le tableau.

 

Robert DELEUSE : Un dernier coup de théâtre. Editions du Cherche-Midi. 580 pages. 21€.

Partager cet article
Repost0
14 août 2012 2 14 /08 /août /2012 11:18

archives

La nostalgie des petites salles obscures de quartiers ?

 Excelsior.jpg

Passionné de cinéma, Philippe ne manque pas une occasion de se faire une toile, délaissant ses copains qui ne possèdent pas les mêmes goûts que lui. Le jour de ses quinze ans, alors qu'il visionne pour la troisième journée consécutive le même film, un homme s'installe près de lui. Il lui demande de surveiller les alentours à la sortie du cinéma. Philippe se croit plongé dans un roman, ou plutôt dans un film d'espionnage, d'autant que l'inconnu prétend s'appeler Mr Quilby.

 

Fox, ainsi a été baptisé Philippe par son nouvel et énigmatique ami, lui sert de guide, lui dénichant un hôtel sur les hauteurs de Nice, payant la chambre avec l'argent de son anniversaire. Le lendemain, ayant rejoint Quilby en catimini, c'est l'heure des confidences. Quilby et Irène vivaient un grand amour mais au fil du temps ce sentiment s'est délité. Du côté d'Irène. Car lui, il l'aime toujours. Jusqu'à avoir tué son amant en le poussant dans l'escalier. Et c'est pourquoi Mr Quilby est obligé de fuir, de vivre caché. Cela ne gêne pas Fox, au contraire. Il retrouve dans cette histoire et dans les propos de son compagnon un relent d'aventure cinématographique plus réel que dans les films dont il se délecte. Tout n'est pas vrai dans ce que Quilby lui raconte, il le sent. Mais peut-être est-ce encore plus terrible dans la réalité. Trois jours qui seront un intermède dans la vie de Fox mais dont il se souviendra toujours.

 

Avec pour décor Nice, au début des années soixante, en plein mois d'aout, ce roman de Michel Grisolia nous entraîne dans une aventure au cours de laquelle le cinéma tient une place quasi obsessionnelle. Fox se prend pour l'un des protagonistes de ces films dont il se délecte, et découvre une ville qu'il croyait connaître, passant une partie de la nuit dans un cimetière, jouant les rabibocheurs d'amours défuntes, se faisant le complice d'un personnage mystérieux. Mais en même temps il comprend "que le cinéma, qui sera toujours d'une certaine façon le culte des morts, le cinéma ne pouvait plus rien pour (lui)".

Dumême auteur voir Beaulieu, un soir de pluie ainsi qu'un portrait.

Michel GRISOLIA : L'Excelsior. Editions Flammarion (1995). 220 pages.

challenge régions

Partager cet article
Repost0
13 août 2012 1 13 /08 /août /2012 12:22

Après mon portrait de Michel Grisolia, une lecture.

beaulieu.jpg

 

Philippe Angelin est médecin de quartier, une vocation héréditaire. La cinquantaine blasée. Marié, deux enfants, une femme qui ne vit que par les invitations des uns et des autres, bourgeoise obsessionnelle. Lui, il aimerait parfois être tranquille, loin des réunions quasi obligées entre membres de la même confrérie, professionnelle ou snobinarde. Il est confiné dans un univers préfabriqué qui commence à l’étouffer.

 

Il suffit qu’un jeune homme fasse appel à lui pour que sa vie bascule. Gérard, le fils d’un confrère, un prothésiste décédé cinq ans auparavant, lui demande de secourir sa mère, gravement malade. Angelin propose de la conduire à l’hôpital mais Gérard ordonne que la malade soit soignée dans une clinique haut de gamme, celle dirigée par Jotterand. Angelin sait que la réputation du chirurgien est usurpée mais il se plie aux exigences de Gérard. Nicole, la patiente, était divorcée d’avec le père de Gérard. Peut-être est-ce pour cela qu’Angelin ne la reconnaît pas. Pourtant il devrait, selon le jeune homme.

 

Nicole décède, et évidemment la question se pose : fatalité ou meurtre par négligence ? Gérard harcèle Angelin. Il lui prétend que sa mère, de son vrai nom Andrée, n’avait jamais aimé que lui. Alors Angelin essaye de se souvenir mais le passé fuit. Il prend en filature Gérard et s’éprend d’Odile, la petite amie du jeune homme. Il s’installe seul dans une maison, loin de sa famille, afin de recomposer son passé.

 

On sent l’influence de George Simenon dans ce roman de Michel Grisolia, tout en nuance et intimiste. Une lente dérive d’un homme obligé de côtoyer les bourgeois et les notables de sa cité, Nice, mais qui ne s’y habitue pas alors que sa femme n’aspire qu’aux honneurs et aux représentations. Une lente décomposition de la cellule familiale et une reconstruction d’un passé qu’il avait enfouiparce que trop pénible. Simenon, oui Michel Grisolia l’avoue, ne serait-ce qu’à travers ces deux extraits : “…il s’évadait de ses cours en lisant Simenon ou des romans policiers anglais ” (page 132) ou encore par ce genre de petite phrase qui marque l’atmosphère : “ De menus évènements lui reviendraient en mémoire, plus tard, de cette journée sans histoire ” (page 140). Un roman intimiste prenant, sans grand esbroufe mais efficace.

Michel GRISOLIA. : Beaulieu, un soir de pluie. Editions Albin Michel (2005). 336 pages. 19,50€

Partager cet article
Repost0
11 août 2012 6 11 /08 /août /2012 13:02

En hommage à Roland Wagner décédé le 5 aout et dont j'ai publié un portrait ici, je vous propose quelques lectures.

wagnerbis.jpg

Un Ange s’est pendu. Collection N° 1614. Editions Fleuve Noir.

Elric, disquaire spécialisé sixties, présente à Richard, journaliste de rock intègre et wagner7.jpgredouté, un jeune homme nommé Vince. Mais Richard n’apprécie guère ce genre de rencontres. Il a l’impression d’être soudoyé ou qu’on lui force la main.

Au cours du repas qu’il prend en compagnie de son amie Suzie, d’Elric et de Vince, Richard étudie le jeune homme. L’appréciation qu’il en retire semble satisfaisante puisque la soirée s’éternise et, de verres en verres s’installe une certaine complicité. Elric ayant loupé son train vu l’heure tardive, tout le monde le raccompagne chez lui ; jusque là tout va bien. Mais lorsque Vince s’aperçoit qu’Elric a perdu son portefeuille dans la voiture et décide d’aller lui rapporter, les ennuis commencent.

 

D’abord Elric leur affirme avoir passé la nuit chez lui, puis les trois rescapés du quatuor font une étrange rencontre. Une espèce de clodo qui dit s’appeler Isaac et leur donne trois pièces d’argent frappées en une monnaie inconnue. Egarés ils se retrouvent dans une gare bizarre et tout ce qui les entoure semble sorti d’un univers inconnu.

 

Roland C. Wagner joue avec les univers parallèles, thème souvent abordé dans les romans de science-fiction et de Fantasy, depuis la saga du Monde de Narnia de C.S. Lewis, L’Univers en folie de Fredric Brown à L’avènement des chats quantiques de Frédéric Pohl en passant par Charisme de Michael Coney, thème riche en histoires et inépuisable source de paradoxe. Plus que l’utilisation par Roland C. Wagner de ce thème, ce sont l’exploitation, la théorie et les explications finales qui font le charme de ce roman, dans lequel l’auteur fait un clin d’œil avec la participation volontaire de deux personnages indissociables de la littérature populaire.

 

Lors de la présentation de ce roman en juin 1988, j’écrivais : Roland C. Wagner, un auteur à suivre et qui représente avec Michel Pagel, Alain Billy et quelques autres la nouvelle génération des bons auteurs du Fleuve Noir et des romans d’évasion en général. Aujourd’hui, Roland C. Wagner vient de nous tirer brutalement sa révérence, Michel Pagel écrit et traduit toujours, quant à Alain Billy, il a plus ou moins disparu des étals des libraires.


 

La balle du néant. Anticipation N°1988, Fleuve Noir.Réédition aux éditions de L'Atalante. 

wagner6Tem, diminutif de Temple Sacré du Matin Calme, possède le don de passer inaperçu auprès de la plupart de ses concitoyens. Il est ce qu'on appelle un Transparent. Un Talent issu de ses parents, des millénaristes qui ont subi les effets de la mutation après la Grande Terreur de 2013. Un don parfois appréciable, surtout dans sa profession, puisqu'il est détective privé.

 

Or en 2063, l'humanité s'est assagie, et les morts violentes ne courent pas les rues. Ce qui le réduit à effectuer les petits boulots habituels dévolus aux privés, enquêtes et filatures dans des histoires de cocufiages. Eileen, une jeune femme apparemment insensible à sa "transparence" lui demande d'enquêter sur la mort de son frère, la police dépassée par les évènements ayant classé le dossier. Le voilà confronté à un problème insoluble de meurtre en chambre close, perpétré sur la personne d'un savant, dans sa chambre d'hôtel située en face du CERS où il travaillait sur la possibilité de faire baisser le coût du transport spatial.

 

Tem qui possède un ouvrage érudit, "222 Chambres Closes", lequel recense wagner9-copie-1.jpg les plus beaux cas inventés en littérature, et qui professe à l'encontre de Nestor Burma, un privé né au siècle dernier de l'imagination d'un auteur de romans noirs, une admiration sans borne, accepte bien volontiers de se substituer aux forces de l'ordre.

 

Hommage non déguisé à Léo Malet dans un Paris qui n'a guère changé - seuls les individus et la mentalité ont subi des transformations - La balle du néant est un roman mi-polar, mi-SF, avec les ingrédients que peuvent comporter ces deux genres, même si la part belle est réservée à l'anticipation. D'ailleurs ce roman est le premier d'une série intitulée Les futurs mystères de Paris. Mais le lecteur pourra à juste titre se sentir frustré dans l'explication finale et la résolution de l'énigme du meurtre en chambre close puisque Roland C. Wagner utilise un artifice propre au domaine de la science fiction.


 

Les ravisseurs quantiques. Collection Anticipation N° 1998. Editions Fleuve Noir. Réédition aux éditions de l'Atalante.

wagner1.gifOù l’on retrouve Tem, Temple Sacré du Matin Calme, le détective privé dont on a pu lire la précédente aventure dans La balle du néant qui se déroule à Paris en l’an de grâce 2063. Son talent de Transparent le dessert dans sa profession car les clients ne se pressent guère dans son officine.

Son ami Ramirez lui fournit le moyen de passer à l’action en lui présentant un couple dont la fille a disparu. Une enquête qui ne rapportera rien à Tem, puisqu’il lui est redevable d’un service. Mais ce couple d’Anonymes est si pitoyable qu’il ne peut refuser. Frédégonde, c’est l e prénom de la disparue, est tout le contraire de ses parents. Elle veut goûter à toutes les joies de la vie, quitte à s’y dérober au dernier moment lorsque le jeu ne l’intéresse plus.  

C’est ainsi qu’elle a frayé avec les Vikings, puis les Crépusculaires, les Acidulés  wagner8.jpgpour finir entre les tentacules des Copistes. Les sectes et autres groupuscules constitués en églises nouvelles abondent, profitant du désarroi des jeunes générations, prélevant leur dîme au passage. Tem va affronter dans un univers parallèle une résurgence uchronique du communisme stalinien et sera confronté à des changeformes.

 

Prenant pour prétexte l’un des thèmes récurrents de la littérature policière, la disparition prélude à un enlèvement, Roland C. Wagner se lance dans un délire fictionnesque mais néanmoins actuel, l’emprise des sectes en cette fin de siècle (je précise que cette chronique a été éc rite dans le milieu des années 90) sur des êtres à la recherche d’un fac-similé de bonheur, de croyance factice, de soutien ou d’assistance, de communion. La trame policière cède vite le pas à l’analyse du comportement humain, via l’anticipation.


 

Tekrock, éditions Fleuve Noir,collection Moyen Format. Réédition aux éditions de L'Atalante.

wagner2.jpgTekrock est le cinquième épisode des aventures de Tem, alias Temple Sacré de l’Aube Radieuse (oui entre temps il a changé partiellement de nom), lequel possède le don, ou le talent, de passer inaperçu auprès de la plupart des quidams qu’il côtoie.

Lorsqu’il veut que son i nterlocuteur n’oublie pas sa présence, il arbore un borsalino vert fluo du meilleur goût. Alors que les médias suivent avec intérêt le procès d’Odon (voir les épisodes précédents) Tem est chargé de retrouver l’identité d’un amnésique qui aurait perdu la mémoire durant la Terreur, au cours d’événements ayant secoué la Terre entière. Son enquête va le mener dans la banlieue ouest de Paris, banlieuwagner3.jpge quasi désertique depuis l’apparition de phénomènes mystérieux. Heureusement Tem peut compter sur ses amis, notamment Eilen, et surtout Gloria.

 

Je m’en voudrais d’en dévoiler davantage pour qui ne connaît encore l’univers baroque et musical de Roland C. Wagner qui entraîne le lecteur dans une course folle, ponctuée par des articles relatant les avatars du procès d’Odon. Les thèmes de la science-fiction, du fantastique et du roman policier se marient avec bonheur, étonnant mariage à trois, dans ce roman TGV (très grande virtuosité).


 

Le pacte des esclavagistes. MACNO n° 14. Editions Baleine. Coécrit avec Rémi Gaillard.

wagner10Petit dernier pour la route, dans un registre différent, le 14ème volume de la série MACNO chez Baleine, signé Rémi Gallard & Roland C. Wagner. Pour ceux qui ne connaîtraient pas MACNO, sachez que l’action se passe en 2064, et que MACNO alias Magasin des Armes, Cycles et Narrations Obliques est une entité sans véritable identité, dont l’essence est puisée dans un ordinateur superpuissant et qui se comporte en redresseur de torts. Bon, je schématise, mais comme de toute façon c’est de la fiction, ce n’est pas la peine de s’étendre et de sodomiser les dyptères.

En cette année 2064 donc, une nouvelle vague hippie déferle sur la planète, célébration du Summer of love, et dont les membres sont les Mysthiques. Apparemment ils sont pacifiques comme leurs vénérables ancêtres, et seule la musique, les musiques, est leur arme. Mais dans ce cas pourquoi les sociologues, les chercheurs qui tentent de résoudre le mystère de leur résurgence, de comprendre le pourquoi de leur présence, de leur prolifération, meurent dans des conditions bizarres, assassinés par des Kontrats qui théoriquement ne ratent jamais leur cible et propagent la mort à l’aide d’aragnelles, sorte de petites araignées ?

Bonne question mais si vous souhaitez connaître la réponse je vous engage à lire ce roman écrit en duo, qui ne possède pas le souffle, la démence, la démesure, la poésie, le style jubilatoire wagnérien de la série des Futurs Mystères de Paris, mais énonce toutefois des vérités premières telle que la diatribe contre l’Organisation Mondiale du Commerce (de la fiction vous dis-je !). Les auteurs se sont fait plaisir, communions avec eux. Amen.

 

Vous pouvez retrouver la série des Futurs Mystères de Paris de Roland C. WAGNER aux éditions de l'Atalante.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
  • Contact

Recherche

Sites et bons coins remarquables