Avant de vous présenter le nouveau roman de Philippe Huet, pourquoi ne pas s'immerger dans l'un de ses précédents dont le Pays de Caux sert de décor ?
Délaissant les brumes et l’atmosphère portuaire du Havre, décor de ses précédents romans dont Quai de l’oubli, La nuit des docks ou Cargaison mortelle, Philippe Huet nous entraîne en compagnie du journaliste Gus Masurier dans le triangle des Bermudes normand, situé entre Le Havre, Rouen et Dieppe : le Pays de Caux, cher à Guy de Maupassant et à Maurice Leblanc.
Financier, politicard, bien introduit dans certains milieux et au-dessus de tout soupçon, le Comte de Bazincourt aime à revenir parfois dans son domaine du Pays de Caux où il est un seigneur incontesté. Alors le fait de le retrouver assassiné, la veille de Noël, sur le perron de sa demeure, est pour le moins étonnant. Les R.G., le procureur, le sous-préfet, les flics locaux puis ceux qui descendent de Paris pour prendre l’affaire en main, tout ce beau monde est sur les dents et n’apprécient guère l’intrusion de Masurier et de Panel, un journaliste localier, dans le paysage rural et criminel. Gus et son ami ne vont pas tarder à découvrir que sous ses habits de châtelain, de Bazincourt endossait aussi ceux d’un double pas très honnête. Mais les cadavres s’additionnent et un jeteur de sort s’amuse à s’immiscer dans le placard aux secrets.
Philippe Huet, après avoir été le chantre du Havre, vagabonde dans une région qui cache sous des dehors bonhommes, une profonde tradition de superstition. Nous sommes loin de la jovialité et de la naïveté affichée parfois dans certains films par les autochtones et dont Bourvil était le héraut. Et si Gus est si attachant dans son rôle de journaliste, c’est bien parce que Philippe Huet lui-même a exercé cette noble profession.
L’humanisme dont Gus fait preuve, son intégrité, sont les points forts de ceux qui veulent comprendre le pourquoi du comment et les journalistes sont peut-être les mieux à pouvoir le faire, à condition de ne pas être obnubilés ou d’avoir des à-priori édictés par des patrons de presse asservis par la politique. Sinon, direction le placard. La liberté de la presse existe encore, on le pense. Et comme je l’ai dit en préambule, l’ombre de Maupassant plane sur ce roman même si Philippe Huet ancre résolument le thème de ce roman dans l’époque actuelle.
Philippe HUET : Les démons du comte. Albin Michel. 276 pages. 14,70€. Mars 1999.