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9 mai 2016 1 09 /05 /mai /2016 12:32

La dernière collaboration entre Pierre Boileau et Thomas Narcejac.

BOILEAU-NARCEJAC : J'ai été un fantôme.

Christine est une jeune fille réservée, timide et sentimentale.

Peut-être est-ce pour cela qu'elle se marie avec Bernard Vauchelle, philatéliste de son état et qui pourrait être plus que largement son père.

Un mariage blanc en quelque sorte puisque le mari s'avère impuissant à accomplir ce que l'on nomme pudiquement le devoir conjugal.

Personnellement, je puis vous assurer que si tous les devoirs à remplir étaient aussi agréables que celui-ci, je ne rechignerais pas devant l'ampleur de la tâche.

Pauvre Christine qui s'étiole et finirait bien par devenir timbrée à force de manipuler les figurines postales.

Dominique, un bellâtre, artiste peintre de profession, n'a guère de mal à chavirer le cœur et le corps de Christine qui connait enfin les joies de l'épanouissement féminin et les douceurs des liaisons extraconjugales.

Hélas Dominique n'y a vu là qu'une aimable passade tandis que Christine, enfin révélée en tant que femme, pensait pouvoir faire durer cette relation accompagnée de joutes amoureuses.

Son amant envolé vers d'autres cieux, elle tente de se suicider, mais alors que son âme allait frapper à l'antichambre du Paradis, le portier lui enjoint de retourner sur Terre, lui signifiant son refus par cette petite phrase :

Plus tard, quand tu seras libre.

Après avoir connu le grand frisson de l'amour puis celui de la mort, là voilà de nouveau vivante, mais sa conception de la vie n'est plus la même qu'auparavant.

Elle se détache progressivement de son mari et effectue un pèlerinage hebdomadaire à Roissy afin de supprimer de son cœur et de son esprit le surgeon Dominique.

De retour de l'un de ces pèlerinages expiatoires, elle découvre sa mère victime d'un assassinat. A nouveau sa vie bascule.

 

J'ai été un fantôme est le dernier roman écrit en collaboration par Pierre Boileau et Thomas Narcejac.

En effet Pierre Boileau est décédé le 16 janvier 1989. Mais il n'a pas effectué une fausse sortie comme l'héroïne de ce roman. Un homme barbu ne lui a pas dit : Plus tard, quand tu seras libre.

Lui était libre et a regagné directement le Paradis des mauvais garçons de la littérature policière.

Avait-il un pressentiment en collaborant à l'écriture de ce roman ? Que ce serait le dernier ? Est-ce un héritage en forme de clin d'œil ?

Non, Pierre Boileau n'est pas tout à fait mort. Dans nos cœurs et nos esprits il vivra toujours en compagnie de son compère Narcejac, qui lui est décédé le 7 juin 1998, et nous prenons toujours autant de plaisir à lire et à relire les œuvres de ce duo infernal.

Première édition collection Sueurs Froides. Editions Denoël. Parution mai 1989. 206 pages.

Première édition collection Sueurs Froides. Editions Denoël. Parution mai 1989. 206 pages.

BOILEAU-NARCEJAC : J'ai été un fantôme.

Réédition collection Folio Policier N°104. Parution le 19 octobre 1999. 192 pages. 6,50€.

Version EPub 6,49€. Disponible 1er mai 2016.

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28 avril 2016 4 28 /04 /avril /2016 11:05

Pancho vit la révolution...

Marc VILLARD : Juarez 1911.

Seigneur... Et le cheval ?

Un vétérinaire, c'est le médecin des animaux, et il se préoccupe d'eux avant tout, d'où cette question primordiale.

Après la question traditionnelle, Qu'est-ce qu'il s'est passé ? après avoir écouté la réponse de Jim, le véto s'intéresse tout naturellement à l'équidé qui vient de se briser l'antérieur droit contre un rondin. Tout ça pour signifier qu'il ne peut rien.

Le père de Jim avait voulu débourrer une jeune pouliche mais il avait pris un coup de sabot en plein front. Fin de vie pour le père, et pour l'animal aussi car l'homme de l'art ne peut rien faire.

Un an plus tard.

Jim Parker a quitté la ferme familiale près de Durango, et on le retrouve installé à une table de poker de Cameron, à quelques kilomètres d'Albuquerque. Il détonne parmi les autres joueurs avec ses habits boueux de paysan. Seul son colt, bien en vue et prêt à servir, lui donne un air d'autorité et de mâle assurance.

Il se fait plumer, mais comment prouver qu'il est face à des tricheurs. Il ne possède plus un quart de dollar en poche. Alors il accepte la proposition d'un nommé Toni Hernandez, un américano-mexicain, qui veut bien lui prêter de l'argent mais avec une compensation à la clé.

 

En ce 7 mai 1911, les Mexicains sont en bisbille interne. Portofirio Diaz est sur la sellette, contesté par Madero, et le front nord est dirigé par Pancho Villa et Orozco. Ce n'est pas pour se mêler des affaires politiques qui se déroulent de l'autre côté de la frontière que Jim Parker doit se rendre à Juarez, mais pour laver l'honneur de Toni Hernandez.

C'est dans cette ambiance révolutionnaire que Jim Parker arrive à Juarez.

 

Le colonel Francisco Villa après la prise de Ciudad Juárez, photographie du 10 mai 1911.

Le colonel Francisco Villa après la prise de Ciudad Juárez, photographie du 10 mai 1911.

Délaissant le jazz et la musique en général, le temps d'une incursion historique, Marc Villard nous emmène à la frontière américano-mexicaine, du côté de Juarez, cette ville connue de jours sous le nom de Ciudad Juarez, pour son insécurité et ses cartels.

Un western guerrier doublé d'une aventure sentimentale, nouveau décor, nouvelle atmosphère, nouveau genre pour Marc Villard et ceci n'est pas pour déplaire les amoureux du roman d'aventures.

La révolution mexicaine associée aux noms de Pancho Vila, Zapata, Ciudad Juarez, des noms qui résonnent dans nos têtes nous renvoyant à des romans (ou des films) héroïques.

Marc Villard plonge un Américain fauché dans cette atmosphère avec pour compagnon l'œil du photographe qui suit les différents affrontements, John Forsythe. Une nouvelle voie à explorer pour Marc Villard qui, je l'espère, récidivera dans cette veine exotique.

 

Autres ouvrages de Marc Villard chez Ska éditions :

 

Marc VILLARD : Juarez 1911. Nouvelle numérique. Collection Noire sœur. Editions SKA. Parution Mars 2016. 1,49€.

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19 avril 2016 2 19 /04 /avril /2016 14:46

Un court roman mais un grand Bouquin !

Jérémy BOUQUIN : Echouée.

Avant elle s'appelait Suzanne Perdrix, mais depuis quatorze ans qu'elle végète sur une aire d'autoroute, elle est devenue Mona.

Elle a quarante-trois ans et Mona survit en effectuant de petits boulots auprès des routiers. C'est une manuelle, parfois un peu intellectuelle aussi. Elle aide les camionneurs à décharger, tout est fait main. Car elle possède sa dignité même si elle ingurgite bon nombre de bouteilles de whisky achetées à la supérette du parking. Mais ils sont habitués ses clients, et ils ont accepté le marché. Tout à la main, rien qu'à la main. La bouche elle la réserve pour leur raconter des histoires quand ils ont une petite défaillance. Mona est une esthète !

Il lui arrive également lors des coups de bourre (c'est une expression !) d'aider le patron de l'hôtel tout proche, faire les chambres et nettoyer les sols. Au noir bien évidemment. Elle a été acceptée par tous et s'est fait une copine, Myriam, serveuse au bar entre deux cours de droit.

Ce jour-là, alors qu'elle se repose, elle commence à lire le journal et tombe sur un article qui la déboussole. Thierry Paturel, chef de cabinet au ministère de l'Agriculture, vient de décéder. L'enterrement aura lieu le 6 décembre. Mais pour Mona, ce mort n'est qu'un salopard.

Paturel a été victime d'un accident de la circulation, pour Mona, c'est synonyme de délivrance. Le cri du cœur. Je suis libre s'exclame-t-elle. Fini la clandestinité, la fuite. Mais contrairement à la dernière phrase de la nécrologie, Mona assure que Paturel ne reposera pas en paix.

Son véhicule refusant de démarrer, ce qui est compréhensible depuis le temps qu'il fainéantise sur le parking, Mona accepte la proposition de Myriam de la conduire là où elle désire se rendre, près d'Orléans. Les croque-morts sont déjà sur place, et glissent le cercueil dans le fourgon. Pourtant l'enterrement ne doit se produire que le lendemain.

 

La vengeance est un plat qui se mange froid, réfrigéré même.

Ce pourrait une banale et classique histoire de vengeance féminine, comme on a pu en lire beaucoup, en littérature blanche ou noire, peu importe. Mais c'est le traitement de l'histoire qui diffère, même si la moralité est abandonnée en cours de route.

Mais de quelle moralité parle-t-on ? De quel côté se place la probité morale ? Ne cherchez pas la femme, comme il est dit dans les romans policiers, mais l'homme qui se sert de la femme comme d'une marchandise, puis la jette tel un mouchoir papier usagé. La dignité n'est pas forcément habillée d'un costume cravate, mais parfois d'une simple jupette et d'un débardeur échancré.

Jérémy BOUQUIN : Echouée. Nouvelle numérique. Collection Noire Sœur. Editions SKA. Parution avril 2016. 2,99€.

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18 avril 2016 1 18 /04 /avril /2016 15:06

Hommage à Pascal Marignac né le 18 avril 1945 qui a signé sous les pseudonymes de Kââ, Corsélien et Béhémoth.

KÂÂ : On a rempli les cercueils avec des abstractions.

Ne pas se fier au titre d’un roman devrait être la règle de base du lecteur, et s’il veut se rendre compte du sujet abordé par l’auteur, autant lire la quatrième de couverture. Lorsqu’elle existe.

Que penser d’un bouquin qui s’appellerait, par exemple, On a rempli des cercueils avec des abstractions ? Cela ressemblerait furieusement à un traité de philosophie, n’est-ce pas ? Et l’on pourrait imaginer que l’auteur qui signerait un tel ouvrage enseignerait cette matière dans un lycée. Breton, pourquoi pas ? Et pourtant Kââ s’est amusé à perturber le lecteur, en proposant un roman portant ce titre abscons. Qui plus est au Fleuve Noir, maison d’édition qui ne nous avait pas habitué à autant de sérieux, du moins en ce qui concerne les titres des ouvrages.

Disons-le tout de go, nous avons pris notre courage à deux mains, et le livre par la même occasion. Et le charme a opéré. Mais voyons plutôt le contenu.

 

Cadre supérieur, Rouvieux mène une double vie. Non, pas ce que vous pensez, mais il a tout de même une passion qui lui coûte cher. C’est un accroc du poker. Alors que sa femme Karine le croit à Londres, Rouvieux est tranquillement installé à taper le carton et surtout à se faire plumer. Les dettes s’accumulent et bientôt il faut penser à les éponger.

Des personnages peu scrupuleux, du moins il ne les voyait pas sous cet angle, lui proposent de convoyer une voiture de Suisse à Marseille. Il se sent piégé, mais il n’a pas le choix. Il ne peut refuser de rendre service.

Et, tout en conduisant, une question lui vrille l’esprit : que contient cette voiture qu’il passe en fraude ?

A cette question terre à terre et matérialiste, s’en greffe une seconde, cruciale. La mort ne le guette-t-il pas au bout du chemin ?

Mais il n’a pas envie de se faire dévorer comme les petits cochons, et il va bander (à l’époque du Viagra, c’est de circonstance !) son énergie afin de se tirer de ce guêpier.

 

Kââ, c’est un cas, et l’on ne peut même pas dire que ce roman est un encas, car il paraît que l’auteur est passionné de gastronomie intelligente. Au fait c’est quoi la gastronomie intelligente, que j’y goûte un peu et nourrisse mes petites cellules grises ?

 

 

K : On a rempli les cercueils avec des abstractions. Collection Les Noirs du Fleuve Noir N°33. Editions Fleuve Noir Noirs. Parution octobre 1997. 304 pages.

Existe en version numérique. 5,99€.

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9 avril 2016 6 09 /04 /avril /2016 13:37

Faites une économie d'un centime d'euro avec la version numérique !

BOILEAU-NARCEJAC : La main passe.

Pierre Marescot est avocat, mais il travaille en dilettante.

La fortune familiale est assez conséquente pour lui permettre d'effectuer son métier en pointillé. Mais il a suivi la tradition et comme son père, il a poursuivi des études de droit puis s'est engagé dans la carrière juridique.

Il est materné, couvé par une mère possessive et il se sent à l'étroit dans l'appartement-bureau qu'il partage avec elle.

Alors il se réfugie dans une garçonnière, appartement secret dont l'une des pièces recèle un étrange musée.

Dans une vitrine sont exposés, répertoriés, les fruits de ses rapines dans les grands magasins, principalement les Nouvelles galeries, proches de chez lui.

Pierre Marescot est kleptomane et est saisi par périodes d'un besoin irrépressible de subtiliser un objet au nez et à la barbe (c'est une image !) des vendeurs ou des vendeuses. Un jour il vole un couteau à l'étalage. Un couteau qui semblait le narguer, avec son manche en forme de crocodile. Lorsqu'il peut l'examiner à loisir, Pierre Marescot remarque sur la lame du couteau et sous le manche, du sang et des empreintes de doigts.

Revenant sur les lieux de son larcin, l'avocat est pris dans un tourbillon. La police est là. Une jeune fille a été assassinée à l'aide d'une arme blanche dans une cabine de Photomaton.

Marescot n'a de cesse de découvrir le coupable, qui s'avère être une femme. Une femme qui a agi sous l'emprise de la jalousie.

Ce qui intéresse Marescot, ce n'est pas le pourquoi ou le comment de cet acte, mais la personnalité profonde de la jeune femme pour qui il éprouve une certaine sympathie.

Il est fasciné et s'arrange même pour être désigné d'office comme son défenseur.

 

Boileau-Narcejac, en réalité le seul Narcejac depuis la disparition de son compère Boileau en janvier 1989, Boileau-Narcejac a écrit un roman psychologique sur une double hypnose dont le point de jonction est le fameux couteau.

Une espèce d'envoûtement, d'obsession qui oblige Marescot à voler dans les grands magasins, et la séduction de la femme assassin à travers l'objet dont elle s'est servie pour perpétrer son meurtre.

L'enquête policière est réduite à prétexte et ce sont les motivations, les impulsions de ce couple qui priment dans cette œuvre tout en subtilité.

Boileau-Narcejac n'a pas fini de nous étonner et à chacun de leurs ou de ses romans, réussit à nous entraîner dans un univers différent.

Une exploration qui perdure au travers d'une quarantaine d'ouvrages mais la sonde qui fouille l'âme humaine ramène à chaque fois une parcelle de sentiment, de comportement non encore élucidée.

Ce roman a fait l'objet d'un téléfilm français diffusé en 2012, réalisé par Thierry Petit, sur un scénario d'Antoine Lacomblez, avec Bruno Todeschini, Anne Azoulay, Marie-Christine Barrault et Natalia Dontcheva.

Première édition Collection Sueurs Froides. Editions Denoël. Parution avril 1991.

Première édition Collection Sueurs Froides. Editions Denoël. Parution avril 1991.

BOILEAU-NARCEJAC : La main passe. Collection Folio policier. Editions Folio. Parution 7 décembre 1999. 184 pages. 6,50€. Version numérique parution 1er février 2016. 6,49€.

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6 avril 2016 3 06 /04 /avril /2016 14:34

Il y a le ciel, le soleil et la mer...

Gaëtan BRIXTEL : Le pari.

Sauf qu'il fait nuit, que le ciel on ne le voit guère et que la mer on l'entend dans un ressac abrutissant.

Envisager un bain de minuit dans la mer de la Manche un mois de juin pluvieux et venteux, ce pourrait être une gageure. Pourtant c'est bien ce qu'ont décidé Anne et Vincent dans les dunes de Barneville sur les côtes du Cotentin. Peut-être espèrent-ils que les eaux soient réchauffées par la proximité de la Centrale de Flamanville toute proche.

Ils sont jeunes, ils sont beaux, surtout elle car lui est du genre malingre. Il a osé l'aborder la dernière journée de la Terminale, elle a accepté une séance de cinéma, de se revoir. Et les voilà affrontant le vent, elle agile comme un cabri, lui frissonnant, de froid et d'appréhension, se posant les questions existentielles propres à tout adolescent : comment embrasser une fille.

Un pari stupide, Vincent en est conscient, mais comment se rétracter et ne pas passer pour un idiot, un couard, voire plus.

Anne le tarabuste, lui promettant de l'embrasser s'ils se jettent tous deux à l'eau. Se jeter à l'eau, faut bien le faire un jour, mais pas dans une eau à douze degrés.

Mais Anne est persuasive, et Vincent se rend rapidement compte que la métaphore du sexe et de l'escargot n'est pas si galvaudée que ça. Et Anne qui lui demande d'enlever son slip, seul vêtement qu'il porte depuis qu'il a laissé son tee-shirt sur le sable, et qu'il aura le droit de lui enlever son maillot s'il la rattrape à la nage. Suffit de lui laisser dix secondes de battement.

 

C´est l´amour à la plage

Et mes yeux dans tes yeux...

Ah ses jeunes, qui se perdent dans le sourire d'une jolie fille. Il avait eu du courage Vincent d'oser aborder Anne, alors qu'elle venait de discuter avec Geoffrey, le beau gosse de l'établissement. Y'en a vraiment qui ne doutent de rien. Et si justement ce courage était payé en retour ?

Un épisode de la vie d'un adolescent pas encore aguerri aux subtilités de la nature féminine, et une jeune fille qui sait allier marivaudage et canulars.

Mais ce conte moderne est très sage par rapport à ce que certains imaginent et n'est qu'une extrapolation amusante, pas pour tout le monde je le concède, des farces normandes à la sauce du vingt-et-unième siècle.

Gaëtan Brixtel, un jeune qui nous parle d'aujourd'hui et peut-être d'une expérience personnelle, ce que je ne lui souhaite pas.

 

Gaëtan BRIXTEL : Le pari. Nouvelle. Collection Noire sœur. Editions SKA. Parution avril 2016. 1,49€.

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29 mars 2016 2 29 /03 /mars /2016 12:40

Aime les diptères, surtout en vol...

Patrick ERIS : Le seigneur des mouches.

Il... Ne... Se... Souvient... De... Rien.

Comme un mantra ces six mots défilent en boucle dans son esprit encore engourdi.

Il ne reconnait pas la chambre d'où il émerge péniblement. Une chambre d'enfant avec les accessoires et les gravures adéquates, vieillies. Il est habillé d'un pantalon de sport qu'il n'a jamais possédé, à sa connaissance. Il est égratigné, amoché, badigeonné de mercurochrome sur tout le corps, plaies contrastant avec ses bleus.

Que fait-il-là dans cette tenue, dans cette chambre ?

Il... Ne... Se... Souvient... De... Rien.

Un accident qui l'aurait rendu amnésique ? Une amnésie passagère ou, pis encore, définitive ? La terreur, l'angoisse montent en lui comme un mascaret impossible d'endiguer.

Et il fait si chaud.

Il se lève, marche péniblement. Les dalles froides qu'il foule hors de la chambre lui rafraîchissent les pieds. Et ce bruit continuel de mouche, non de mouches, qui se fait entendre, un bourdonnement incessant.

Il est dans une ferme, mais personne à l'horizon, juste un chien allongé à l'ombre. Une vieille camionnette. Un vieil homme qui court poursuivi par un essaim qui grésille. C'est alors que le voile qui enserrait ses souvenirs se déchire.

Tout commence alors qu'il est recruté par des Chercheurs de Têtes pour une entreprise en plein développement et son bureau se trouve dans une tour de la Défense. Un bel avenir lui est promis, mais auparavant il doit sacrifier à une forme d'intronisation.

 

Parabole ou fable des temps modernes, Le Seigneur des mouches montre l'envers du décor dans la course au succès des jeunes loups, des cadres qui veulent à tout prix réussir dans une entreprise propre sur elle, en apparence. Une course mortelle pour parvenir au sommet, quel que soit le prix à payer, et s'il le faut être prêt à marcher sur les autres, à les écraser, à tuer même, afin de démontrer ses possibilités et son engagement. Et signer un pacte avec le diable si besoin est.

Cette nouvelle résolument noire et frayant avec le fantastique, genre que Patrick Eris maîtrise parfaitement, est ancrée dans cet arrivisme à tout crin, où tout est bon pour parvenir à supplanter les autres, à être considéré comme la crème de la crème, le cadre productif dont on ne peut se passer. Mais tout est vain, et il ne faut pas oublier que Les cimetières sont pleins de gens irremplaçables, qui ont tous été remplacés d'après Georges Clemenceau.

Présentation de la collection Noir de suiTe

Patrick ERIS : Le seigneur des mouches. Collection Noire de SuiTe. Editions SKA. Nouvelle numérique. Parution mars 2016. 109 pages. 2,99€.

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22 mars 2016 2 22 /03 /mars /2016 10:56

Méfiez-vous des contrefaçons !

Jan THIRION : Sex toy.

Derrière un roman policier, ou tout autre genre de la littérature dite populaire, se cache un écrivain qui regarde le monde tel qu’il est et l’intègre dans ses intrigues sans vraiment le déformer, juste en apportant sa sensibilité et ses phantasmes. Comme le fabuliste animalier mettait en scène ses contemporains, dénonçant leurs travers avec humour, et clôturait sa démonstration par une morale élégante, Jan Thirion avec Sextoy made in China, titre évocateur qui devrait se passer de commentaires, nous propose de nous plonger dans un épisode qui bizarrement colle à l’actualité.

Alors que Hu Jintao, le président de la République Populaire de Chine, est en visite officielle en France, les rues et les places de la capitale ont été décorées en son honneur. Ce n’est pas toujours de très bon goût, mais les Parisiens, et les Français en général, sont volontiers farceurs et frondeurs. Fayrouz Jasmin, journaliste d’investigation à Trustinfo, site d’informations sur le web, est réveillée brutalement, au sortir d’une nuit amoureuse, par son patron qui lui demande d’aller illico presto rue de la Butte aux Cailles, un attentat supposé venant de se produire. Les autres médias n’en ont pas encore parlé, et Lucas, son patron, est tout guilleret à l’idée de les griller.

Enfourchant son vieux scooter, Fayrouz se rend sur place et retrouve le commissaire Naseau, lequel manque parfois de nez, car il n’a pas flairé des indices laissés sur place par une des victimes. L’une d’elles n’est autre que Marie, la fille adoptive pour les uns, naturelle pour les autres, du ministre Ledamier, et qui joue aux dames. Marie était en compagnie d’une partenaire et l’objet du délit est un olibos en matière synthétique, fluo et vibrant. Fayrous se renseigne auprès d’un commerçant qui lui remet des clés qu’aurait perdues la jeune fille, clés qui justement mettent en marche une petite moto et permettent de découvrir à l’intérieur de la malle arrière un prospectus émanant d’une boutique vendant des articles de compensation à la libido des femmes en manque de satisfaction charnelle. Ni une, ni deux, Fayrous emprunte l’engin à deux roues et afin de ne pas éveiller la suspicion du marchand de succédanés sexuels achète un article du même acabit. Mais elle se fait enlever par quatre trublions masqués qui s’interpellent à l’aide de noms d’animaux.

Les rues que doit emprunter le cortège présidentiel sont très animées, surveillées par moult policiers, et l’ambiance se révèle plutôt électrique. C’est dans ce gentil foutoir qu’évoluent la belle Fayrouz et quelques protagonistes aux agissements pour le moins surprenant. Notamment le brave commissaire Naseau, qui semblait bien esquinté physiquement lorsque Fazyrouz l’a abordé rue de la Butte aux Cailles, ou encore Coralie, une autre journaliste de Trustinfo qui ne manque pas de battant, un inspecteur de l’IGS, une vieille dame qui joue à la Guerre des Etoiles avec les dildos que vend son fils, et les fameux agresseurs qui fomentent quelque chose de pas très net.

 

Jan Thirion nous entraîne dans une intrigue complètement débridée, et qui aurait pu se dérouler lors du séjour de Hu Jintao. Mais ça vous ne le saurez jamais. La réaction de quelques parisiens adeptes du lancer d’objets manufacturés en Asie, elle, ne s’est pas produite, mais je suis persuadé que bon nombre de personnes y ont pensé sans mettre leur idée en pratique.

Première édition : Sextoy made in China.Collection Forcément Noir, éditions Krakoen. Parution septembre 2010.

Première édition : Sextoy made in China.Collection Forcément Noir, éditions Krakoen. Parution septembre 2010.

Jan THIRION : Sextoy. Réédition Collection Noire Sœur. Editions SKA. 2,99€.

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20 mars 2016 7 20 /03 /mars /2016 08:45

Faites l'amour et pas la guerre ou l'art de s'envoyer en l'air !

Jan THIRION : La grande déculottée.

Cela commence à bien faire. Ils étaient partis pour trois semaines, maximum, et les mois s'éternisent.

Les hommes du front en ont marre et ils se prennent la tête. A l'arrière, les autres, les civils, eux aussi en ont marre. Ah, si c'étaient eux qui étaient là-bas, du côté de Souain, dans les tranchées, sûr que ce serait tranché depuis longtemps.

Marcaillou, vingt-six ans et quatre mois. Dans la fleur de l'âge comme ses compagnons d'infortune. Ceux qui restent, les valides. Mais une rumeur enfle, un espoir fleurit, il paraitrait qu'elle s'approche. Elle était là-bas, il n'y a pas si longtemps, et puis là pas plus tard que... Mais si, là voilà, trois véhicules verts s'arrêtent, des hommes en descendent, au garde-à-vous, cela prêterait à rire.

Les pioupious n'ont même pas eu le temps de se décrotter les vêtements et les godillots. Ils ne sont pas présentables et pourtant ils sont tous là, à présenter armes à la capitaine Pubis. Mon Dieu, qu'elle est belle, pensent-ils tous, certains avec d'autres mots mais tous avec admiration.

Elle passe en revue les hommes alignés devant elle dans la tranchée bombardée. Parfois des éclaboussures de terre voltigent, mais ce n'est rien. Tous sont obnubilés par sa beauté, et son courage. Elle doit remplir une mission, choisir un adjoint.

Marcaillou, contre toute attente, et à sa grande surprise, est désigné comme celui qui va remplir l'office auprès de la capitaine Pubis. Quoi, il ne sait pas, entre les rumeurs et le réel, c'est plus qu'une tranchée, c'est un gouffre. Alors il suit ceux qui accompagnaient la capitaine vers une destination inconnue, traversant le camp où tous les pioupious sont en train de ranger, nettoyer, démonter, armes et véhicules.

Dans une guitoune un bac d'eau l'attend. Il doit procéder à des ablutions qui ne sont pas du luxe. Puis il est invité à se rendre sous une autre tente, celle de la Capitaine pubis, où l'attend un repas fin (pour l'époque, car roboratif et chaud) et le lit de la capitaine.

Mais quel est le dessein de la Capitaine Pubis en choisissant un jeune mâle fougueux et en manque ?

Il est temps maintenant de s'intéresser au parcours de Célestine Pubis, parcours amoureux entamé par des plaisirs solitaires non dénués de conséquences. Car ses transports amoureux, seule ou en compagnie, se traduisent toujours par des manifestations étranges et sismiques. Et la locution coup de foudre prend ici toute sa signification sous la plume de Jan Thirion. Alors pourquoi ne pas utiliser ses dons orgasmiques pour la Patrie ?

 

Jamais trivial, tout est en pudeur et en retenue (si l'on peut dire !), La grande déculottée est un conte grivois, moral, tournant la guerre en dérision, ce qui n'est pas dérisoire, usant d'un humour caustique, d'une ironie mordante, prônant une guerre en dentelle, avec parfois des accents oniriques.

Ce qui pourrait être une bluette est en réalité un réquisitoire contre la guerre et toutes les vicissitudes qu'elle engendre. Ode à l'amour, charnel, et surtout à l'encontre des soldats qui ont l'honneur de se trouver au premier rang des combats, sans compensation, alors qu'à l'arrière les militaires en chausson se prélassent dans les divans des belles respectueuses.

Jan Thirion nous propose une utopie qui malheureusement ne jamais se réalisera. On ne pourra que le regretter. Ce serait trop beau si un jour cela pouvait se réaliser. Et s'il revisite la Grande Guerre, Verdun, Amiens et autres endroits où le courage des soldats était à la hauteur de l'incompétence de leurs chefs, c'est bien pour leur rendre hommage, mais également au rôle parfois méconnu de certaines femmes qui savaient remonter dans l'ombre le moral des troupes.

 

Vous pouvez faire votre marché, sur le site des éditions SKA. La visite est gratuite, pas comme au Salon du Livre de Paris.

 

Jan THIRION : La grande déculottée. Novella numérique. Collection Culissime. Edition Ska. Parution mars 2016. 227 pages. 3,99€.

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15 mars 2016 2 15 /03 /mars /2016 10:41
Orages, oh des espoirs !
Michel PAGEL : Orages en terre de France.

Et si la révolution de 1789 avait avorté, les guides de la France étant tenues par l’église et les représentants de la religion Catholique ?

Et si la Guerre de Cent ans n’avait jamais cesser d’exister, l’antagonisme franco-britannique perdurant depuis l’an mil ?

Extrapolant sur ces deux hypothèses, Michel Pagel narre quatre pages d’histoire, imaginant notre pays, de l’an de grâce 1991 à l’an de grâce 1995, sous la domination d’évêques, d’archevêques prenant leurs ordres et leurs consignes auprès du Vatican.

Le Roi de France, régnant dans un régime constitutionnel, fait figure de pantin. Les provinces, toujours divisées en comtés, passent successivement de la domination anglaise à l’occupation française, et vice-versa, ce qui engendre moult conflits permanents entre parents et enfants. Selon leur lieu de naissance, sol annexé par l’un ou l’autre de ces deux pays, ils vivent, réagissent en opprimés, en révoltés ou, au contraire, se conduisent en loyalistes.

Les séquelles de l’Inquisition exercent leur oppression sur la population, constituant dans certains domaines scientifiques un frein puissant. L’obscurantisme est lié à de nombreux préceptes et l’application à la lettre des commandements de Dieu, et leur déviance inéluctable, empêchent le développement des moyens de communication. “ Tu ne voleras point ” prends une signification absurde jusqu’au jour où la science est reconnue comme un progrès vital pour les belligérants.

Dans d’autres domaines, au contraire, la technologie est performante et toujours profitable aux stratégies militaires.

 

Dans ce recueil de quatre nouvelles uchroniques se déroulant dans le Comté de Toulouse, le Comté du Bas-Poitou, l’Île de France et le Comté d’Anjou, le fil conducteur est issu d’une rivalité toujours latente, d’une rancune tenace : Jeanne d’Arc et Napoléon servent de référence encore aujourd’hui dans nos récriminations quotidiennes et épidermiques.

Ce roman est la réédition d’un ouvrage paru en 1991 dans la défunte collection Anticipation du Fleuve Noir sous le numéro 1851, version revue et corrigée en 1998 dans la collection SF métal.

Ce qui à l’époque pouvait passer pour d’aimables fabliaux prend aujourd’hui une consistance nouvelle, alors que l’on nous parle de plus en plus d’intégration, de droit du sang et droit du sol, de sans-papiers, d’identité nationale et tout le tintouin.

Michel Pagel qui alterne romans humoristiques et récits plus sérieux, plus graves dans la teneur et le propos, possède plusieurs cordes à son arc. Il construit petit à petit une œuvre solide, et s’inscrit, non seulement comme une valeur sûre de la jeune S.F. française (à l'époque de la première édition de ce roman) mais comme un romancier tout court.

Première édition Collection Anticipation N°1851. Parution décembre 1991.

Première édition Collection Anticipation N°1851. Parution décembre 1991.

Réédition Collection S.F. métal, N°48. Fleuve Noir. Parution mars 1998.

Réédition Collection S.F. métal, N°48. Fleuve Noir. Parution mars 1998.

Michel PAGEL : Orages en terre de France. Réédition version numérique. Editions Les moutons électriques. Parution le 5 septembre 2014. 6,99€.

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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