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2 février 2015 1 02 /02 /février /2015 16:39

La monstrueuse parade se fait du Freak !

Fabrice BOURLAND : Hollywood Monsters.

Une simple affiche de cinéma peut, sinon changer le cours du destin, offrir une troisième possibilité dans le choix du lieu de vacances envisagées.

Se remettant difficilement d'une entorse à la cheville, provoquée par une chute lors d'une précédente aventure, Andrew Singleton se demande en ce 11 novembre 1938, s'il va se rendre, en compagnie de son ami James Trelawney, à Biarritz ou à Cannes. Finalement ce sera à Los Angeles et ses environs, à La Mecque du cinéma (on a encore le droit d'associer le nom de ce lieu de recueillement et de prières à celui d'une production de divertissements ?). Et tout ça parce que Trelawney a aperçu une affiche représentant Janet Gaynor dans Une étoile est née.

Les bagages sont rapidement bouclés et après un voyage maritime puis aérien, ils retrouvent au bout de quelques jours leur ami et ancien condisciple Stuart Latham Dauncey. Après avoir vainement tenté de se faire un nom comme acteur, mais végétant dans des rôles de figurant, prenant quand même un peu de galon dans ce dur métier, Stuart a eu l'opportunité de devenir journaliste. Ses articles humoristiques et corrosifs lui valent désormais d'être reconnu comme un éditorialiste passionné et apprécié de la profession cinématographique et surtout des lecteurs.

James et Andrew visitent à bord d'un véhicule de location les environs de Los Angeles, se promenant sur les contreforts de Santa Monica, Venice et autres endroits réputés. Et c'est ainsi qu'un soir de brouillard, alors qu'ils se sont trompés de route, ils manquent écraser un individu bizarre, recouvert de poils, à l'attitude et l'allure lycanthropiques. Avant de s'enfoncer dans les fourrés vers le lac Malibu, il jette un regard noir et agressif aux deux amis. Du moins c'est ce que Andrew perçoit. Ils sont persuadés avoir eu devant un loup-garou.

Peut-être n'est-ce qu'un personnage destiné à figurer dans l'un des nombres films de monstres qui sont alors en tournage et qui ont la côte auprès des spectateurs. Alors qu'ils s'entretiennent sur les événements qui se déroulent en Europe, l'hégémonie hitlérienne et la montée de plus en plus prégnante du nazisme, un entrefilet dans un journal attire l'attention d'Andrew. L'article évoque le mouvement eugéniste californien, une organisation implantée à Pasadena, et qui promeut l'amélioration de l'espèce humaine en favorisant la stérilisation contrainte concernant ceux qui sont considérés comme tarés, dingues et autres idiots. Andrew passe son temps à la Los Angeles Public Library, explorant les légendes du folklore indigène, remarquant un homme très discret qui dévore des ouvrages thématiques sur la toxicologie et la médecine légale.

Mais un autre événement survient, à la plus grande joie de Stuart qui déclare ne s'être jamais autant amusé, mais qui n'en est pas moins tragique. Une jeune femme a été sauvagement égorgée (dixit le journaliste) la veille sur Mulholland Highway, près du lac Malibu. Quasiment au même endroit et à la même heure de leur nez-à-nez avec la bête humaine. Stuart tient ces informations de première main, et il ajoute que le cadavre aurait été découvert près d'un cottage et qu'une voiture semblait abandonnée. Une piste qui les emmène à l'Angels Club, établissement dans lequel travaillait la morte. L'Angels Club est une boîte de nuit très particulière comme vont s'en rendre compte nos enquêteurs. Ils sont reçus par une jeune femme charmante dont la particularité est de posséder une extension caudale dissimulée sous sa robe. Des sœurs siamoises, puis des frères, s'exhibent sur scène et d'autres monstres selon la terminologie de l'époque n'ont trouvé que ce genre d'endroits pour sinon exister, du moins vivre. Une anomalie apparait lors de l'autopsie de l'assassinée : elle possédait trois seins, ce qui peut flatter la main d'un honnête homme mais est toutefois lourd à porter.

Et c'est ainsi qu'Andrew, James et Stuart vont évoluer dans un monde parallèle, celui des défavorisés par la nature, à l'Angels Club et en d'autres endroits, jusque dans le désert Mojave, aidés par justement des personnages dont les difformités ne font rire que les imbéciles. Par exemple deux nains vont les aider dans leurs démarches et les tirer parfois du pétrin. Des nabots (il est bon de signaler que de nos jours en langage politiquement correct on ne dit plus nain mais individu à verticalité réduite !) qui veulent monter une association permettant une reconnaissance de leur statut, notamment pour leurs amis jouant dans le film le Magicien d'Oz, et les sortir du ghetto dans lesquels ils sont enfermés, celui de l'exhibition de phénomènes de foire.

Fabrice BOURLAND : Hollywood Monsters. Fabrice BOURLAND : Hollywood Monsters.

Fabrice Bourland dans ce roman s'amuse véritablement et les cinéphiles avertis et nostalgiques seront comblés. Mais toutes ces références cinématographiques, même s'ils sont un hommage au cinéma américain d'avant-guerre, ne servent qu'à planter le décor, les "monstres" étant les personnages principaux de cette histoire dont le prolongement s'inscrit dans une démarche pseudo-scientifique.

Fabrice Bourland évoque avec pudeur et réalisme cette période trouble qui traite de la perfection de l'être humain, sous des prétextes fallacieux et qui ouvre les portes de nombreux laboratoires gérés par ceux que l'on appelle les savants fous. Si la promulgation en Californie le 26 avril 1909, de la loi officialisant les vasectomies chez l'homme et les ligatures de trompes chez la femme, il ne faut pas non plus oublier que des recherches scientifiques ont également été effectuées dans des camps par les nazis durant la seconde guerre mondiale et que ces prises de position sont avancées de façon récurrente, sont les prémices de la manipulation génétique.

Fabrice Bourland touche à un domaine sensible sans ostentation, sans violence, sans persifflage, avec l'humanisme d'un observateur qui ne peut rien changer mais n'en pense pas moins. Un roman de divertissement, certes, mais qui donne à réfléchir également, même si, à notre simple niveau, nous ne pouvons pas faire grand chose pour annihiler les prétentions de certains scientifiques qui sont plus monstrueux, moralement, que ceux qui sont justement catalogués comme monstres ou erreurs de la nature.

 

Insérer une histoire dans une période assez récente, demande de la part de l'auteur rigueur et documentation afin d'étayer ses propos et les situations qu'il décrit. Fabrice Bourland fait renaitre ce cinéma de la fin des années trente, avec le déclin annoncé des films d'horreur et celui naissant du film noir adapté d'œuvres de Raymond Chandler et de Dashiell Hammett. Mais il le fait sans forfanterie avec une jubilation communicative. Deux romans, qui ont marqué leur époque mais restent toujours des références pour diverses raisons, sont cités et résumés, tout au long du récit : Le Vagabond des étoiles de Jack London et L'homme qui rit de Victor Hugo, et ce n'est pas un choix anodin.

Un autre avis ? Vous le trouverez chez Action-Suspense :

Deux ouvrages de Fabrice Bourland sont présenté ici :

Fabrice BOURLAND : Hollywood Monsters. Collection Grands Détectives N°4674. Editions 10/18. Parution le 15 janvier 2015. 336 pages. 7,50€.

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2 février 2015 1 02 /02 /février /2015 09:24
Richard WORMSER : Bons baisers, à mardi !

Hommage à Richard Wormser né le 2 février 1908.

Richard WORMSER : Bons baisers, à mardi !

Retraité de l'armée, reconverti dans la police municipale, Andrew Bastian est prié par Sid Bartlett, le maître de Navajo Vista, de convoyer son fils Ralph jusqu'à une clinique spécialisée du Kansas.

Ralph, âgé de dix-sept ans, est considéré par son père comme un dingue, en proie à des accès de violence. Bartlett juge que le mieux serait de l'enfermer dans un asile doré loin du domicile paternel. Cependant Bastian qui effectue le voyage en compagnie d'Olga Beaumont, jeune psychologue, se rend rapidement compte que si Ralph est un adolescent émotif pouvant se mettre dans de terribles colères, il est également intelligent, curieux, instruit, à la mémoire exceptionnelle.

Dès le début de leur périple, à bord de la Cadillac de Bartlett, Bastian a l'impression d'être suivi par une Buick marron ayant à son bord au moins un homme et une femme. A peine arrivés dans l'Arizona, les premiers ennuis se traduisent par une défaillance de la barre d'accouplement de la voiture. Mais il est impossible de prime abord de déterminer s'il s'agit d'un défaut matériel ou d'un sabotage. Le garagiste chez qui ils s'arrêtent ne peut réparer immédiatement le véhicule.

Grâce à l'obligeance de celui-ci qui leur prête son auto personnelle, Bastian, Olga et Ralph rejoignent la ville la plus proche en compagnie d'Elisabeth, la fille du mécanicien, et s'installent dans un motel. Au cours de la soirée, Peggy Sue Cuero, une jeune indienne, est agressée lors d'une surprise-partie à laquelle participaient Elisabeth et Ralph qu'elle avait entraînés.

Ralph s'accuse auprès de Bastian d'être l'agresseur cependant il ne peut donner de plus amples renseignements, s'étant évanoui. Bastian n'est pas convaincu par la version des événements relaté par Ralph, d'autant que l'adolescent n'a pas les mains écorchées par la bagarre. Interrogé par les flics locaux, dont le père de l'agressée, et les policiers de la route, Bastian décide de travestir la vérité. Un peu plus tard Bastian repêche un ivrogne tombé dans la piscine du motel et qui s'avère être l'un de ses poursuivants. Les deux autres, l'homme et la femme, s'occupent agréablement dans la chambre, cocufiant allègrement le noctambule. Cependant ils n'ont pas le profil de truands lancés sur la trace de Ralph. Le lendemain, Bastian ayant récupéré la Cadillac reprend la route en compagnie de la psychologue et de leur protégé.

Ralph leur reproche de ne pouvoir profiter du paysage. Bastian décidé à lui faire plaisir visite la Forêt pétrifiée et le Monument national. Par l'un des gardiens il apprend que la Buick marron rôde toujours dans les parages avec un passager supplémentaire.

 

Débutant sur le mode humoristique, cette road-story sombre peu à peu dans la gravité. Le personnage de Ralph est émouvant. Adolescent perturbé par le manque d'affection maternelle et déçu par ses rencontres avec sa génitrice, il est désireux de tout apprendre, assoiffé de connaissances, curieux de tout, à la mémoire phénoménale. Considéré comme dérangé mentalement ce n'est qu'un être en proie au doute, ne connaissant de la vie que ce qu'il a appris dans les livres et manquant d'expérience.

Ce livre plaisant manque cependant de profondeur dans l'étude des mœurs et de la psychologie indienne, mais il est vrai que depuis Tony Hillerman est passé par là pour combler cette lacune. Cependant l'on ne ressent pas les effets pervers d'un antagonisme entre Blancs et Indiens et la supériorité affichée d'une communauté sur une autre, trop souvent mis en exergue dans des westerns complaisants.

 

Citation :

La plus grande des cinq mille maisons de notre ville est celle de Bartlett. Ce n'est pas le fait du hasard, Sidney Bartlett l'a voulu ainsi en faisant construire les quatre mille neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuf autres.

 

Richard WORMSER : Bons baisers, à mardi ! (Drive east on 66 - 1961. Traduction de André Bénat) Série Noire N°796. Parution juillet 1963. 256 pages.

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1 février 2015 7 01 /02 /février /2015 14:59

Au bal masqué, oh éh oh éh...

Brice TARVEL : Le bal des iguanes.

Les Myriadines. Cet ancien château recyclé en maison de retraite, pardon en résidence pour seniors, abrite une clientèle aisée, très aisée même pour certains. Pourtant il ne faut pas croire que tous ceux qui vivent leurs dernières années sont issus de la bourgeoisie bon chic, bon genre. Par exemple Robert Vauquelin, dit Bob, est un ancien truand, qui ne mâche pas ses mots et se montre parfois assez virulent, violent envers ses compagnons et le personnel soignant. Maurice Dorson, un vieil acteur surnommé Has Been, Leufroy Nox, un ex-gourou, Gilbert Joussin, qui traîne derrière lui à tort ou à raison la sulfureuse réputation de cannibalisme, Henriette Dunoyer au rire crispant, héritière d’une longue lignée de viticulteurs dévoués au Champagne, Joséphine Pajon, veuve d’un riche industriel de la biscuiterie rémoise ou encore Maryse Bouchenel, qui connut son heure de gloire à la télévision en tripotant les boules du Loto. La sélection s’effectue par l’argent et donc n’est pas élu qui veut.

Pour s’occuper de tout ce petit monde parfois exigeant, règnent le directeur Paul Mangre et l’infirmière-chef Christine Ternot, mais au-dessus d’eux les décisions sont prises par le docteur Mallard qui, selon son apparence physique, n’aurait pas dépareillé parmi tous ses patients.

En ce mois d’août qui s’achève, Lise est employée comme aide-soignante aux Myriadines depuis trois semaines. Ce n’est pas par hasard qu’elle a réussi à se faire embaucher dans cette maison de retraite située dans la campagne rémoise. Elle doit accomplir une mission que lui a confiée son ami et amant Julien. Pour cela elle garde précieusement dans la chambre qu’elle loue chez des particuliers à quelques kilomètres de la résidence un Glock 17, précision destinée à l’attention des amateurs d’armes à feu. Et Tino, l’un des correspondants de Julien, lui remet une petite mallette qui devrait lui servir à remplir sa tâche. Parmi le personnel elle s’entend assez bien avec sa collègue Malika.

L’infirmière-chef a trouvé, en fouillant dans les affaires de Joussin, le supposé cannibale, un couteau de cuisine. Et Lise est chargée de cuisiner le voleur qui déclare se méfier de certains de ses compagnons. Un peu plus tard, alors qu’elle visite les caves du château, caves restaurées et recouvertes de carreaux de faïence, Lise est surprise par Malika qui se demande bien ce qu’elle fait là. Mais la surprise sera bientôt partagée par les deux femmes lorsqu’en ouvrant la porte de la pièce qui sert de morgue provisoire, grâce à un passe magnétique, elles trouvent un cadavre allongé sur un brancard. Celui de l’une des lingères. Détail morbide, celle-ci serait gravide.

Alors qu’elle pratique une séance de footing, afin de se vider le grenier qui renferme son cerveau, elle est suivie par un véhicule tout terrain. Lise panique, court tant qu’elle peut mais est toutefois rejointe. Deux hommes à bord, qui lui adressent un geste obscène puis repartent comme si elle n’existait plus.

Bientôt ce sera l’effervescence au château, car le bal annuel des Iguanes va bientôt se dérouler. Cette petite sauterie entre pensionnaires tire son nom d’une farce commise par l’un des petits vieux quelques années auparavant.

 

Ah les maisons de retraite et leurs mystères ! Une plongée réjouissante et frissonnante pour le lecteur, peut-être un peu moins pour ces résidents et ceux qui y travaillent. Brice Tarvel traite par la dérision et avec férocité cette vie promise aux « finissants » comme les surnomme Lise. Et les résidents qui pourtant ne sont plus des petits enfants, se conduisent comme des malappris insupportables malgré une certaine position dans la société et l’aisance financière dans laquelle ils baignent. Des sales gosses qui se croient tout permis. Quant au personnage énigmatique de Lise, quel est son but se demandera jusqu’au bout le lecteur impatient, même s’il se doute d’une partie de sa mission.

En attendant de découvrir la solution, je peux quand même, ma bonté me perdra, révéler qu’elle n’a pas eu ce que l’on peut qualifier d’une enfance heureuse. Elevée principalement par sa mère dans une caravane, elle s’est rebellée une fois contre son père. Peut-être la seule fois de sa vie où elle a tenu une aiguille à tricoter dans ses mains. Faut avouer que son géniteur avait bien cherché cette pique, lui qui a confondu pelote (de laine) et peloter.

Brice TARVEL : Le bal des iguanes.

Brice TARVEL : Le bal des iguanes. (Première édition Collection Zone d’ombres. Editions Lokomodo. Avril 2012). Réédition Editions Lune écarlate. Parution le 30 janvier 2015. 238 pages. 19,50€.

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1 février 2015 7 01 /02 /février /2015 10:41

Cela vaut bien un tour d'écrou...

Day KEENE : Vice sans fin.

Détective privé à Los Angeles, Johnny Aloha, d'origine irlando-hawaïenne, prend ses premières vacances depuis bien longtemps.

Avant de s'embarquer pour son île natale, il est convié par la police de San-Francisco d'identifier le corps de Harry Lee, un dangereux malfrat chinois. Dans le cimetière où doit avoir lieu l'enterrement, puis à son hôtel, une jeune fille tente de lui mettre le grappin dessus. Aloha ne veut ni reculer ni annuler ses vacances, mais Gwen Cordovan réussit néanmoins à lui faire changer d'avis. Moins par ses arguments physiques et financiers, que parce qu'elle est la fille de Hope Starr, une femme qu'il a bien connu à la fin de la guerre. Obsédée sexuelle, Hope Starr en est à son cinquième ou sixième remariage, le dernier en date de ses maris étant le colonel Hare.

Hope a disparu, laissant des dettes derrière elle, et Gwen s'inquiète non seulement pour la santé de sa mère mais également pour son héritage qu'elle doit toucher à sa majorité. Un anniversaire qu'elle va fêter dans trois semaines environ.

De retour à Los Angeles, Aloha remonte la filière dans les différents hôtels où Hope a assouvi sa libido en compagnie d'un lieutenant de marine, Stan Michaels. Au cours de ses investigations, le détective est tabassé et dévalisé. Il oscille entre deux éventualités. Soit l'on en veut à sa vie à cause de Hope, soit des hommes de main de feu Harry Lee ne lui pardonnent pas son rôle dans l'arrestation et la mort de leur patron.

Dans le dernier hôtel miteux ayant abrité les amours des amants en fuite, Aloha met la main sur un bout de papier sur lequel est inscrite l'adresse du militaire. Sur le port, dans les entrepôts appartenant à la famille Michaels, il débouche en pleine fête. Hope et son petit ami doivent se marier le soir même. Une nouvelle que n'apprécient guère Gwen et le colonel Hare.

En compagnie de Gwen, Aloha se rend à Big Bear, station de ski où doit avoir lieu la cérémonie. Ils loue une chambre dans le même hôtel que les futurs époux. Le réceptionniste note la ressemblance entre la cliente rousse et la jeune fille blonde.

Le détective trouve le cadavre de Michaels tué par balles et ne fait qu'entrevoir la silhouette d'une personne qu'il pense être Hope. Celle-ci s'enfuit à bord de sa voiture, oubliant dans sa précipitation un manteau de fourrure. Aloha prévient la police et passe la nuit au poste. Le lendemain, remis en liberté, il échange ses impressions avec le lieutenant Anderson, de la police locale, tandis que Gwen retourne à Los Angeles en compagnie de ses avocats.

De retour chez lui Aloha s'apprête à recevoir Gwen, mais c'est un Chinois corpulent qui sonne à sa porte. Suite à un geste suspect de la part du visiteur, le Chinois est rapidement maîtrisé et Gwen peut enfin être reçue dignement. La jeune fille impatiente se déshabille rapidement et s'occupe de Johnny lorsque retentit un coup de feu. Le détective découvre sur son lit Hope Starr mortellement blessée. Il la trouve vieillie et ressemblant peu à sa fille. Elle tente de prononcer quelques mots mais Gwen, accablée par le chagrin l'empêche.

 

Johnny Aloha, détective privé hawaïen est le seul héros que Day Keene utilisera deux fois, l'autre roman étant Change pas de disque (SN 671). Si l'on retrouve dans ce roman les thèmes chers à l'auteur, misogynie et spectre de la guerre (Seconde guerre mondiale et Corée), on fait connaissance d'un personnage qui évolue dans un contexte différent des autres romans de Day Keene. Cette histoire oscille la plupart du temps dans un univers à la Carter Brown : astuces, humour, situations loufoques, érotisme bon enfant... en totale contradiction avec les précédentes œuvres keeniennes. Comme si Day Keene s'était offert une récréation.

Quant aux mœurs sexuelles de la fin des années 50, elles semblent bien mièvres de nos jours, même si les jeunes filles osaient aborder cette question taboue. Ainsi, peut-on lire, et sourire, devant la naïveté de cette réflexion émise par la secrétaire de Johnny Alohha : Me voilà arrivée à l'âge de dix-neuf piges, bientôt vingt, et toujours pucelle ! A Hollywood ! Si c'est pas une honte ! Je n'ose même pas le dire à ma meilleure amie.

 

Curiosité :

A la fin du roman, figure un lexique avec divers termes hawaïens, parmi lesquels Aloha qui signifie Bienvenue, Salut, Adieu, au choix.

La devise de l'agence Aloha : Avons du sang, sommes prêts à saigner !

 

Day KEENE : Vice sans fin. (Johnny Aloha - 1959. Titre américain : Dead in bed. Traduction de Paul Lavigne). Série Noire N°539. Parution décembre 1959. 192 pages.

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31 janvier 2015 6 31 /01 /janvier /2015 10:58
Curt CANNON : Faites donner le Cannon

Un Cannon de quoi ? De rouge ?

Curt CANNON : Faites donner le Cannon

A la suite du départ de sa femme et de la confiscation par la police de sa licence de détective privé, Curt Cannon est devenu clochard. Depuis cinq ans il erre dans la Bowery.

C'est là que le retrouve l'un de ses anciens condisciples d'école, Johnny Bridges. Bridges, devenu tailleur, tient un magasin de pressing en compagne de son associé Dom Archese. Depuis quelque temps des prélèvements sont effectués dans la caisse, et Bridges soupçonne soit Archese, soit Ryan leur commis, de se procurer illicitement de l'argent de poche. Cannon accepte avec réticence d'enquêter sur les larcins.

Les deux hommes découvrent dans l'arrière-boutique Archese blessé mortellement de deux balles de revolver, tenant à la main un morceau de craie. Sur le mur, derrière le cadavre, sont dessinées une flèche et les initiales J.B. L'arme que possédait Bridges a disparu du tiroir où elle était rangée en permanence. Cannon, se fiant aux dénégations de Bridges quant à sa culpabilité, décide de traquer l'assassin. Il conseille au tailleur de téléphoner à la police et de passer sous silence sa collaboration.

Cannon débute son enquête en rendant visite à la veuve, Christine Archese. Laraine, la jeune sœur de celle-ci, arrive sur les entrefaites et console son aînée. Curt lui propose d'aller boire un verre. De la conversation qui s'ensuit, il apprend que Christine et Dom ne vivaient plus ensemble depuis des mois, le ménage allant à vau-l'eau à cause de la jalousie maladive du mort. Laraine, qui désire devenir chanteuse doit se rendre à une répétition et convie Cannon à l'accompagner.

Coïncidence, l'orchestre est dirigé par Ryan. Curt reconduit chez elle la belle et blonde jeune femme, qui lui rappelle sa femme Toni, et lui évite de se faire agresser dans l'escalier par un voyou. Curt est devenu un ivrogne mais ses reflexes sont encore vifs. En récompense il a le droit d'utiliser le téléphone, le rasoir et le lit de Laraine. Le lendemain, il rend visite à Denis Knowles, le détective privé soi-disant embauché par Archese pour surveiller sa femme. Un détective dont les méthodes ne reflètent pas toujours la déontologie professionnelle, et que Cannon connait fort bien pour l'avoir côtoyé et même tabassé dans le temps. D'ailleurs le nez cassé de Knowles peut attester de leur inimitié.

Cannon va de surprise en surprise. Primo, ce n'est pas Archese qui a requis les services de Knowles mais Bridges, ensuite Fran West, une jeune employée de Knowles lui révèle qu'Archese et Laraine se rencontraient au moins deux fois par semaine. Cannon est "invité" à se rendre au commissariat du quartier.

 

Sous le nom de Curt Cannon, auteur-narrateur, se cache Ed McBain. Nous sommes loin dans ce roman des aventures du 87ème, alors balbutiantes puisque seulement cinq roman étaient consacrés à Steve Carella et ses collègues. Pourtant il a peut-être écrit ce livre pour se débarrasser d'une série qu'il sera amené à continuer d'écrire sous la pression de son éditeur et de ses lecteurs. A moins qu'Ed McBain se trouvait dans une période de dépersonnalisation, de recherche d'identité et de style. Le côté italophone est abandonné. Il n'est même pas évoqué, à part peut-être le nom d'Archese, tout jouant sur le ressort de l'immigration britannique et plus particulièrement irlandaise. D'ailleurs Da Ponce, le flic chargé de surveiller Cannon, d'origine portoricaine, est un grand blond aux yeux clairs.

Tous les ingrédients nécessaires à l'écriture d'un roman noir sont utilisés : le détective alcoolique, abandonné par sa femme, ses démêlés avec la police qui le soupçonne même de meurtre, la jeune femme blonde arriviste, affamée de la vie et qui pour parvenir à ses fins n'hésite pas à employer tous les moyens, légaux ou non, à sa disposition.

 

Curiosité:

Page 161, l'aphorisme La musique adoucit les mœurs, est expliqué par Ryan d'une façon qui ne manque pas de logique. Selon lui, un musicien ne peut être à l'origine ou impliqué dans une bagarre, car il gagne sa vie avec ses mains ou ses lèvres. Et comment jouer de la guitare, du piano de la trompette lorsque les mains sont écorchées, amochée, et les lèvres fendues ! Une sentence qu'aurait dû mettre en pratique Chet Baker, le célèbre trompettiste de jazz, puisqu'une mâchoire fracturée et de nombreuses dents cassées suite à un tabassage par des dealers l'obligèrent à mettre sa carrière en pointillé de 1966 à 1973.

 

Citation :

Quelle est la femme qui a besoin de faire un testament ? Il n'y a pas d'homme qui survive à sa femme.

Curt CANNON : Faites donner le Cannon

Curt CANNON : Faites donner le Cannon (I am Cannon for ire - 1958. Traduction de G. Sollacaro). Série Noire N°524. Parution octobre 1959. 192 pages. Réédition Collection Carré Noir N°455. Parution décembre 1982. 256 pages.

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30 janvier 2015 5 30 /01 /janvier /2015 09:28
Lawrence BLOCK : Balade entre les tombes.

Un roman mi-fric, mi-raison...

Lawrence BLOCK : Balade entre les tombes.

On ne devrait jamais marchander, surtout lorsqu'il s'agit de la vie d'un être humain. Trafiquant en gros de drogue à Brooklyn, Kenan Khoury va en faire l'amère expérience.

Sa jeune femme Francine, qui a l'habitude d'effectuer elle-même ses emplettes alors qu'ils pourraient se faire livrer, est enlevée par deux ou trois hommes qui l'embarquent à bord d'une camionnette. Les ravisseurs, racistes, exigent un million de dollars. Seulement une telle somme, en billets de banque bien évidemment car il n'est pas question de signer un chèque, ne se trouve pas dans les heures mêmes, surtout en fin de semaine. Dans son coffre-fort Kenan possède quelques réserves mais cela ne fait pas le compte. Son frère Peter, mis au courant et qui n'exerce que la modeste profession de livreur, ne peut pas l'aider financièrement. Alors quand les kidnappeurs apprennent qu'ils ne pourront percevoir qu'à peine la moitié de la somme demandée, il acceptent, mais il omettent de préciser que s'ils rendent l'épouse à son légitime mari, ce sera en morceaux.

En effet Kenan et Peter découvrent dans le coffre d'un véhicule, au rendez-vous fixé, des sacs-poubelles contenant Francine détaillée comme un morceau de puzzle. Kenan Khoury est dans tous ses états, on le comprend, mais il n'est nullement question d'avertir la police. Peter pense à une connaissance qu'il rencontre parfois dans un local des Alcooliques Anonymes, Matt Scudder. Lui-seul peut s'investir dans la délicate mission de retrouver les malfaisants.

La première des choses à faire, c'est de refaire le parcours effectué par Francine mors de son enlèvement, d'interroger les commerçants et d'éventuels témoins. Ensuite Matt recherche si d'autres affaires similaires se sont déjà produites. Puis il s'intéresse aussi à la provenance des appels téléphoniques provenant des ravisseurs. Ces communications émanaient de cabines téléphoniques, mais il est difficile d'en trouver trace, la Compagnie du Téléphone ayant ôté les plaques sur lesquelles est apposé le numéro d'appel de ces postes. Alors il a recours à d'anciennes connaissances, dont Durkin dont il fut le collègue lorsqu'il était encore flic, ou à des personnes qui lui sont recommandées, dont TJ un adolescent adepte de la musique rapeuse et qui aimerait imposer son nom sur scène ou sur disque. TJ lui souffle l'idée de contacter les Kong, en réalité Jimmy Hong, d'origine chinoise, et David King, d'origine juive. Les Kong sont spécialisés dans le piratage informatique et téléphonique. Leur aide se révélera précieuse pour éplucher les numéros d'appels téléphoniques et situer les kidnappeurs.

Enfin la belle Elaine, dont il est un peu le talon d'Achille, va s'investir dans l'enquête avec volonté et pragmatisme, car seule une femme peut réaliser ce qu'elle va entreprendre. Si d'autres cas d'enlèvements ont été signalés, il se pourrait que les ravisseurs n'aient pas fini leur petit manège.

 

Matt Scudder qui traîne derrière lui son passé de dipsomane se rend quasi quotidiennement dans les réunions d'Alcooliques Anonymes, ce qui l'aide à surmonter ses envies. C'est ainsi qu'il a connu Peter Khoury lequel en plus d'être un intempérant s'adonne également à la drogue. Il essaie de s'en sortir, mais replonge souvent, à son grand regret. Elaine est toujours là, ou presque, pour épauler Matt. Tandis qu'il vit à l'hôtel, Elaine réside dans un petit appartement mais ils se retrouvent souvent chez l'un ou chez l'autre. Car Elaine se ménage quelques heures de liberté afin de s'adonner à son travail de gagneuse en chambre. Ce qui ne gêne nullement les deux amants, la tolérance étant primordiale de même que la confiance.

A quelques heures près, Matt n'aurait pas hérité de cette affaire complexe, car il prévoyait de partir en Irlande retrouver son meilleur ami pour quelques jours.

Un roman enlevé (!) dont les dialogues vifs rebondissent comme lors d'échanges dans une partie de tennis de table. A noter qu'en deux décennies les progrès technologiques ont été fulgurant, et il serait difficile aujourd'hui de trouver des cabines téléphoniques à pièces, le portable devenant le moyen de communication privilégié.

 

Toutefois quelques négligences dans la traduction auraient pu et dû être évitées lors de cette réédition. Par exemple page 75 : Le seul chameau que j'ai jamais vu, c'était sur les paquets de Camel, explique Khoury, qui est d'origine libanaise tandis que Francine était elle d'origine pakistanaise. Or l'animal représenté sur les paquets de cigarettes n'est pas un chameau, mais un dromadaire !

Ou encore : J'étais en voiture avec une copine et il y a un connard en Honda Civic qui lui a arraché son pare-brise, puis qui s'est tiré carrément. Quel manque de civisme effectivement, mais j'aurais mieux compris s'il s'était agit d'un pare-choc ou d'un rétroviseur. D'autres petites erreurs se sont glissées de ci-delà, mais je vous laisse le plaisir de les relever.

 

Ce roman a connu une première parution aux édition du Rocher en 1994 , sous le titre La balade entre les tombes et a été réédité dans la collection Points Seuil N°105, en 1995. Il bénéficie d'une nouvelle édition à la Série Noire, éditeur emblématique de Lawrence Block, grâce à son adaptation cinématographique. Le film au titre éponyme a été réalisé par Scott Frank avec pour interprètes principaux : Liam Neeson, Dan Stevens, Boyd Holbrook... et est sorti en France le 15 octobre 2014. La couverture de la Série Noire reprend l'affiche du film.

Lawrence BLOCK : Balade entre les tombes. Lawrence BLOCK : Balade entre les tombes.

Lawrence BLOCK : Balade entre les tombes. (A walk among the tombstones - 1992. Traduction de Mona de Pracontal). Réédition Série Noire 9 octobre 2014. 384 pages. 22,00€.

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29 janvier 2015 4 29 /01 /janvier /2015 13:23

L’amiante religieuse ! explication dans le texte.

Jussi ADLER OLSEN : Délivrance

Lancer une bouteille à la mer peut être un moyen efficace de lancer un SOS, mais c’est une façon de procéder aléatoire.

Franchement, il y en a qui mérite des coups de pieds là où je pense (façon de parler). Par exemple ce policier écossais auquel un pêcheur a remis une bouteille qu’il a ramassée dans on filet. Il l’a déposée négligemment sur le rebord d’une fenêtre de son bureau, en plein soleil dans son bureau puis il l’a oubliée. Quelques années plus tard, alors que le brave et jovial représentant de l’ordre est décédé, elle est retrouvée par une spécialiste en cybercriminalité. Intriguée la jeune femme brise le flacon et récupère la feuille de papier qu’il contenait. Le message, selon elle, a été écrit avec du sang, et serait rédigé en islandais. Après expertise, il s’avère qu’il s’agit d’un texte rédigé en danois.

Feuille de papier et débris de verre atterrissent dans les bureaux du département V de la Police de Copenhague dirigé par Carl Mørk. Après quinze jours d’absence, celui rentre dans ses locaux, du moins il tente, car le sous-sol est vide et quasiment bouché. D’après un inspecteur du travail, il faut condamner le sous-sol à cause d’un problème d’amiante. Et Carl est très mécontent. Ses archives sont suspendues dans un couloir et il exige de réintégrer ses locaux. Il obtient en partie gain de cause. Il va pouvoir s’attaquer directement aux affaires en suspens (comme l’amiante dans l’air) c'est-à-dire le contenu de la bouteille et une épidémie d’incendies dans des entreprises apparemment florissantes. Assad, son assistant syrien, qui ne comprend pas toujours les mots employés par son supérieur, a mis le doigt sur une anomalie. En effet un cadavre a été retrouvé dans les décombres, cadavre dont l’auriculaire possède une marque de bague. Or en 1995, une entreprise avait connu des déboires similaires et un cadavre, calciné lui aussi portait le même genre de marque.

Rose, son autre assistante, essaie de déchiffrer le message mais de nombreuses lettres sont effacées. Toutefois la date inscrite est plus ou moins précise. Février 1996. Elle établit des agrandissements afin de pouvoir compléter le puzzle. Seulement elle a décidé de prendre quelques jours de repos et c’est sa sœur jumelle Yrsa qui la remplace. Aussi fofolle, peut-être plus, ce qui ne l’empêche pas de passer des heures sur ce manuscrit sauvé des eaux. Celui-ci délivre peu à peu ses secrets, et Carl est amené à se déplacer jusqu’en Suède à la recherche d’un certain Poul Holt, signataire de la missive. Carl retrouve Tryggve le frère de Poul mais va aussi plonger dans l’enfer des sectes.

Il, ou plutôt appelons-le Lui, ce sera plus facile, Lui voyage beaucoup et souvent, laissant au foyer sa femme et son fils Benjamin. Il ne passe pas son temps à courir le guilledou, quoiqu’il s’adonne volontiers à épancher les besoins charnels de quelques veuves, il surveille aussi les familles œuvrant dans des sectes, comme Les Témoins de Jéhovah, les Quakers, la Cosmologie de Martinus, les Pentecôtistes, la maison du Christ, les Evangélistes et bien d’autres.

En ce moment il ne quitte pas des yeux une famille disciple de la Moderkirken, l’Eglise de la Saint mère de Dieu. Le père, la mère et les Saints Esprits, surtout Magdalena, douze ans et son frère Samuel. Lui a été élevé dans cette ambiance, avec un père qui n’acceptait aucune déviance aux règles. Pourtant avec sa sœur Eva, il avait ses petits moments de bonheur. Ils étaient proches mais surtout il ne fallait pas le montrer aux autres. Il avait appris à rire en regardant les enfants dans la cour, lorsqu’il avait vu un film de Charlie Chaplin. Et sous son lit il cachait des illustrés ou des magazines interdits à cause de leur futilité. Et lorsque son père le pasteur l’a surpris dans une imitation de Charlot, et découvert ses petites revues sous le lit, Lui a été récompensé à coups de ceinture. Une révolte familiale, un père qui décède et le revoilà avec un beau-père de la même engeance.

Un livre qui comporte quelques scènes ou dialogues humoristiques, de situations frôlant le loufoque dans une ambiance résolument tragique. Des personnages de policiers qui frisent le ridicule et sont pourtant très attachants, se montrant très consciencieux dans leur mission malgré l’apparence de dilettantisme dont ils font preuve parfois dans leurs activités.

De nombreuses digressions parsèment ce roman, mais elles lui confèrent un charme certain, lui donnant un ton enlevé et n’appesantissant pas l’intrigue. Par exemple les efforts déployés par Carl dans son travail, à supporter ses assistants, ses beau-fils, à gérer le conflit avec son ex-femme Vigga, à essayer de soulager Hardy, son ex-coéquipier atteint de tétraplégie suite à un accident du travail, à observer sans vouloir y croire aux quelques réactions positives d’un corps qui ne veut plus se mouvoir, à séduire Mona, la psychologue policière. Il offre même à l’un de ses beaux-fils un petit pactole si celui-ci trouve un amant à sa mère afin que celle-ci les laisse tranquille, alors qu’elle désire réintégrer le domicile conjugal et faire main basse sur la maison.

On suit Lui dans ses démarches à la recherche d’une famille afin de perpétrer son envie de vengeance et se faire par la même occasion beaucoup d’argent. Le lecteur partage les affres de Mia, la femme de Lui, qui est placée sous la coupe d’un manipulateur, et qui en découvre dans des cartons rangés dans un débarras, des coupures et des journaux auxquelles elle n’aurait pas dû accéder. Et comme Lui rentre toujours à l’improviste, elle manque se faire surprendre en compagnie d’un ami, qui comme dans un vaudeville parvient à s’échapper par une porte dérobée. Lui exerce une vengeance, fructueuse, car sa jeunesse a été résolument placée sous la coupe d’un père autoritaire, et dont la mère suivait en tous points des principes religieux intégristes, intolérants, dogmatiques. Le genre de doctrines qui perturbent profondément des enfants qui désireraient vivre tout simplement. Et c’est bien le fanatisme religieux qui est au cœur de ce roman.

Et il ne faut pas oublier l’enquête sur les incendies, et l’attitude parfois loufoque des assistants ou assistants intérimaires de Carl.

Je pensais m’ennuyer en lisant ce roman épais de quelques six-cent-soixante pages, et ce fut le contraire. Peut-être justement à cause ou grâce à ces digressions qui enveloppent l’intrigue, lui offrant une chaleur humaine non dénuée d’humour, parfois caustique.

L’histoire se déroule en 2009 et au Danemark. Pourtant, parfois on pourrait penser se trouver en France. Pour preuve cette citation : Avec ce stupide système de contrôle continu et les stupides réformes de l’Education nationale, il fallait vraiment qu’il aille en cours et qu’il fasse au moins semblant d’apprendre quelque chose (Page 108).

 

Le seul reproche que je pourrais émettre : à défaut d’un GPS, l’éditeur aurait dû inclure une carte géographique afin que le lecteur qui ne voyage que par romans interposés puisse se retrouver dans les déplacements effectués par les protagonistes.

Jussi ADLER OLSEN : Délivrance

Jussi ADLER OLSEN : Délivrance (Flaskepost fra P – 2009 ; traduit du danois par Caroline Berg). Première parution Editions Albin Michel janvier 2013. Réédition Le Livre de Poche Policier/Thriller. Parution le 2 janvier 2015. 744 pages. 8,60€.

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29 janvier 2015 4 29 /01 /janvier /2015 08:20
Gerald KERSH : Les forbans de la nuit.

Avant l'Ange Blanc et le Bourreau de Béthune, il y eut l'Etrangleur Noir !

Gerald KERSH : Les forbans de la nuit.

Se faisant passer pour un compositeur de chansons, Harry Fabian, petit proxénète miteux, recherche 200 £ pour monter une combine qu'il pense juteuse : organiser des combats de catch.

Il contacte Joe Figler qui accepte l'association en participant pour moitié. En écoutant une conversation entre Zoe, sa gagneuse, et un client, Arnold Simpson, Fabian décide d'exercer auprès de celui-ci un chantage éhonté qui lui rapporte 110 £. Enfin il contacte l'Etrangleur Noir, lui proposant de mirifiques avantages, dont une robe de chambre rouge en soie portant son nom.

L'Etrangleur accepte de résilier son contrat avec Bielinsky et d'entrer dans l'écurie Fabian. Vi, danseuse-entraineuse dans un cabaret et qui brûle la chandelle par les deux bouts, convainc sa copine Helen, dactylo au chômage, de travailler dans la même boîte qu'elle. Phil Nosseros, patron du Silver Fox, engage la jeune femme ainsi qu'un nommé Adam comme garçon de salle.

Fabian, accompagné de Figler et de l'Etrangleur Noir, passe sa soirée dans le cabaret où, prodigue, il claque la moitié de son argent, ayant confié, non sans réticence, l'autre partie à son associé plus prévoyant.

Le lendemain il se fait sermonner par Zoe et tente un nouveau chantage, rapidement avorté, auprès de Simpson. Un mois plus tard l'entreprise Fabian Sport commence à prendre allure. Ali, un ancien catcheur septuagénaire est embauché en qualité d'entraîneur. Entre Helen et Adam s'ébauche une idylle mais en même temps s'élèvent quelques divergences. Tandis qu'elle voudrait continuer son nouveau métier et monter sa propre boîte, Adam n'aspire qu'à exercer l'art de la sculpture. Bientôt c'est la brouille et Helen décide de tenter sa chance auprès de Fabian.

Les fêtes du couronnement approchent. Les policiers raflent les prostituées qui évoluent dans Londres.

 

Les forbans de la nuit décrit l'ascension et la déchéance d'un petit marlou, maquereau sans envergure, vivant d'arnaques. Quelques scènes fortes jalonnent ce roman. D'abord Figler, en partant de zéro, arrive à dégotter 100 £ en achetant des marchandises et en les revendant à perte, recréant le système du crédit. Ensuite quelques pages pleines de réalisme dans lesquelles Nosseros enseigne à Helen, sa nouvelle recrue, comment pressurer le client au maximum. Enfin le match de catch organisé par Fabian entre Ali, le catcheur septuagénaire ventripotent et Kration, le jeune lutteur cypriote.

Un roman de mœurs, sans meurtre, sans coup de feu, qui par bien des côtés n'a pas vieilli, les arnaques étant toujours perpétrées de la même façon.

 

Curiosités :

Le couronnement dont il est fait référence dans le roman est celui de George VI en 1937, qui succéda à son frère Edouard VIII, obligé d'abdiquer car s'étant marié avec une riche veuve américaine.

Gerald Kersh, à moins que ce soit les traducteurs, a une propension parfois irritante à utiliser les comparaisons, les métaphores, dans ses descriptions de personnages, de situation...

Ainsi : Son visage blafard, trop large d'en haut, trop étroit du menton, faisait penser à un coin de bucheron. Ou encore : Les rames de métro giclaient des tunnels comme de la pâte dentifrice hors d'un tube.

 

Nota :

Ce roman a bénéficié d'une première traduction en 1954 aux éditions Denoël sous le même titre. Il a été adapté au cinéma par Jules Dassin en 1950, avec notamment Richard Widmark et Gene Tierney puis par Irwin Winkler en 1992.

 

Citation :

La meilleure consolation de la créature humaine dégradée, c'est d'en voir d'autres plongées dans le même bourbier. Plus elle tombe bas, plus elle aspire au nivellement.

Gerald KERSH : Les forbans de la nuit.

Gerald KERSH : Les forbans de la nuit. (Night and the city - 1938. Traduction de S. Henry et R. Amblard). Série Noire N°480. Parution 1959. Réimpression 25 mars 1993. 256 pages. Réédition collection Carré Noir N°84. Parution octobre 1972.

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28 janvier 2015 3 28 /01 /janvier /2015 13:18

Bon appétit bien sûr !

Sam MILLAR : Le cannibale de Crumlin Road.

S'il y a bien quelque chose qui énerve Karl Kane, détective privé installé à Belfast, c'est d'être dérangé le samedi pour une affaire, alors qu'il a d'autres occupations de prévues, par exemple étudier sur quel tocard il va pouvoir miser afin de se renflouer.

Pourtant ce matin là, il ne peut se défiler, Naomi, sa secrétaire et maîtresse, ce qui n'est pas forcément incompatible, lui impose d'écouter les doléances de Géraldine Ferris une gamine de Dublin. Elle ne paraît que treize ou quatorze ans mais en a dix-sept. Ce n'est pas son âge qui est en compte mais la disparition inexpliquée de sa jeune sœur, Martina, qui vit théoriquement dans un foyer. Théoriquement car Martina est réputée comme fugueuse, pourtant au fond d'elle-même Géraldine est persuadée qu'il est arrivé quelque chose à sa sœur.

Comme Kane ne peut rien refuser à Naomi, il va débuter ses recherches en se rendant au foyer, où il est accueilli d'abord par un vigile puis par la directrice. Mais l'impression qui en ressort est qu'il vient de franchir les portes d'une prison. Seule la bonne qui leur a servi la rituelle tasse de thé se montre plus sympathique que sa patronne. Elle glisse dans la main de Kane un bout de papier sur lequel elle a écrit à la hâte quelques infos. Muni de ces précieux renseignements, Kane rencontre dans une église en ruines des sans-abris, lieu que fréquentait lors de ses fugues l'adolescente.

Depuis quelques mois un déséquilibré kidnappe des jeunes filles ou des adolescentes et leur corps est retrouvé en partie. En effet des organes manquent à l'appel, le foie et les reins. C'est ce que lui apprend Tom Wicks, un policier dirigé par Wilson, son ex-beau-frère, avec qui il entretient un contentieux pas prêt de se diluer. Naomie possède une amie Irvana qui aime les hommes. Jusque là, rien que de très normal. Sauf qu'Irvana est un transsexuel fier de son opération. Lors d'une conversation, Irvana raconte à Naomie et Kane un pan de sa jeunesse. Les photos des mortes éventrées ont ravivé des souvenirs pénibles. Elle pense connaître le coupable, Bobby, le fils d'un chirurgien-chef à la Royal Victoria Hospital, un gamin avec qui elle était obligé de jouer, son père étant le garde-chasse du toubib et désirant garder sa place. Le gamin vicieux et détraqué prenait avec un Polaroïd des photos de sa mère, nue. Or trois ans auparavant, elle a retrouvé Bobby sur son chemin et il l'a traitée de tous les noms, la poignardant, l'avilissant et lui promettant toutes sortes de réjouissances mortifères. Peu après Irvana disparait et Kane et Naomie se sentent directement impliqués dans cette affaire.

 

Il fut un temps, dans les années 80 et 90, où la mode voulait que le détective soit atteint d'un problème physique. En mettant en scène un personnage manchot, aveugle, ou autre, il fallait que l'auteur se démarque de ses confrères afin d'imposer une stature, une posture à son héros. Aujourd'hui on pourra ajouter Karl Kane à cette panoplie car il souffre d'hémorroïdes et ne se prive pas d'en parler et de se pommader. L'occasion pour l'auteur de parler d'un mal dont il souffre ?

Kane est ironique, caustique, sarcastique, ce qui engendre un peu d'humour décontractant, facilitant la digestion de certaines scènes, dans ce récit par ailleurs dur, âpre, violent, glauque, scatologique mais non dénué d'humanisme. S'il se montre dans ses relations avec Naomie plutôt conciliant, celles avec ses beau-frère sont houleuses et d'ailleurs ils s'évitent. Alors Kane est obligé pour obtenir des informations et des renseignement de s'adresser à Tom Wicks, en catimini, ou pour l'aider dans certaines circonstances en marge de la loi à d'autres personnes plus ou moins en délicatesse avec la justice. Kane a écrit un manuscrit et il essaie de le placer. Pour cela il s'adresse à l'un de ses anciens condisciples, auteur de best-sellers, lui demandant de le lire et de le proposer à son éditeur. Ce qui nous vaut quelques pages fort amusantes et réalistes.

 

Le lecteur est trimballé sur les montagnes russes des sentiments contradictoires, ressentant une impression de malaise, entre attrait pour une histoire de détective à l'ancienne, cherchant à payer son loyer car l'argent ne rentre pas beaucoup dans la cagnotte du couple, et les horreurs, souvent complaisantes, décrites par Sam Millar. Un roman au goût amer, et l'on aimerait que cela reste une fiction, mais l'être humain est ainsi fait qu'il lui faut se montrer odieux, à cause d'un psychisme délabré. Un ouvrage qui entre plus dans la catégorie gore que dans celui du roman noir, d'autant que l'on assiste, par chapitres interposés, aux méfaits du ravisseur qui ne ravit pas forcément ses victimes. Quant à certaines pratiques exercées sur des volatiles, tout comme le fait ce dégénéré sur ces victimes, elles méritent réflexion lors de la consommation du produit destiné souvent à être placé sur les tables pendant certaines fêtes.

Sam MILLAR : Le cannibale de Crumlin Road. (The Dark Place - 2010. Traduction de Patrick Raynal). Parution le 8 janvier 2015. 302 pages. 21,50€.

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28 janvier 2015 3 28 /01 /janvier /2015 09:10
Christian POSLANIEC : Punch au sang

Bon anniversaire à Christian Poslaniec, né le 28 janvier 1944.

Christian POSLANIEC : Punch au sang

Quittant Rennes sous la neige, Patrice Bergof entame une tournée de conférence sur la communication en Guyane. Dans l'avion qui l'emmène à Cayenne, il fait connaissance de Julie Belgaza. Elle est arrêtée à la descente d'avion par des membres d'une milice privée à la solde d'un exportateur, Lefébure, qui a la mainmise sur une société de transports et le commerce local.

Le lendemain Bergof apprend que la jeune femme s'est suicidée en se jetant du haut de la tour Dreyfus à Kourou. Il feuillette un petit carnet qu'elle lui a confié. Grâce à l'amabilité d'un commerçant en informatique, Antoine Friand, avec qui il sympathise, il décortique le texte qui ressemble à une suite de poèmes. Quelques mots reviennent assez souvent : singe, enfant, révolte, imiter. Son carnet a été photocopié, et Marie-Claudette, la serveuse de l'hôtel, avoue l'avoir fait à la demande de sa patronne, Mme Cervinis, responsable d'une boite d'intérim.

Entre Bergof et Marie-Claudette, les relations sont plus qu'amicale, et elle le rejoint dans la case que lui a loué Friand. Au cours d'une balade dans le cimetière, Bergof découvre des tombes d'enfant. Sur l'une d'elle figure le nom de Christophe Belgaza. François, un ami policier, à qui il a écrit, lui téléphone pour lui apprendre que la missive a été ouverte, et qu'en métropole il est sur une affaire qui pourrait recouper les avatars de Bergof en Guyane. Le conférencier poursuit néanmoins sa tournée et remarque parmi le public la présence constante d'un des hommes de Lefébure.

Il apprend par Antoine Friand que tous les actes de décès ont été signés par un certain docteur Gamin. Bergof contacte Catherine Plet, une jeune femme qui a assisté à la première de ses réunions et il lui demande de l'héberger, lui racontant ses soupçons. Soupçons partagés par Catherine qui a enquêté de son côté. Friand est retrouvé noyé dans l'ancien port de Cayenne, soi-disant après avoir ingurgité une trop grande quantité d'alcool. Catherine organise leur départ vers le Surinam.

En cours de route ils retrouvent François qui est en mission en Guyane. Un trafic de drogue a été découvert, le transit étant effectué dans des cercueils contenant des cadavres de singe en lieu et place de ceux d'enfants dont les actes de décès, faux, étaient signés principalement par le docteur Gamin. Il ne fait aucun doute que les enfants ont fait l'objet d'un trafic d'adoption. Lefébure semble être hors de cause, ce commerce étant à mettre à l'actif de quelques uns de ses employés ou cadres. Bergof regagne Paris en compagnie de deux hommes liés à ce trafic. A leur arrivée à Villacoublay ils sont accueillis par des salves d'armes à feu. Les deux inculpés décèdent et Bergof en est quitte pour la peur. Il se réfugie chez une de ses connaissances qui lui prête son appartement.

 

Prenant pour base un sujet sensible et épineux, Christian Poslaniec joue entre humour et gravité. Il utilise quelques digressions ayant pour thème la sémiologie, l'analyse psychologique ou les problèmes de la communication, qui s'avèrent du plus bel effet. Elles ont pour but de décompresser le lecteur avant de relancer l'action.

De même que les courtes excursions dans la gastronomie locale. Mais ces amusements ne cachent pas le problème de l'adoption, évoqué avec pudeur, et qui pose cette question primordiale : Ces enfants qui ont disparu depuis si longtemps, est-ce qu'il faut les rendre à leurs parents ?

La relation entre Bergof et Catherine est chaste et pour cause, la jeune femme n'aime que ses consœurs. Pourtant cela ne les empêche pas de coucher ensemble, dans le même lit, sans qu'il se passe quelque chose. Au grand désappointement, caché, du narrateur. Il goûtera toutefois au fruit défendu, ou plutôt à son représentant, par un plat d'anaconda amoureusement préparé par les autochtones.

 

Citation :

Avec les intellos faut causer comme eux, sinon y comprennent que dalle !

 

Christian POSLANIEC : Punch au sang. Série Noire N°2075. Parution janvier 1987. 256 pages. 5,55€.

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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