Ce n'est pas en changeant le numéro (ou chiffre) des différentes Républiques qui se sont succédées au cours des décennies, que les affaires d'Etat ont été supprimées.
Et ces affaires d'Etat sont plus nombreuses que l'on pourrait imaginer, qu'elles éclaboussent le haut de la pyramide ou dégoulinent jusqu'à immerger la base dans de sombres et tortueuses manipulations, machinations, prévarications, corruptions, et pires, assassinats et meurtres.
Patrick Caujolle, à qui l'on doit déjà notamment chez le même éditeur Les Casses du siècle, a rassemblé vingt récits afin de nous montrer les différentes facettes de ces crimes de sang qui ont défrayé la chronique plus ou moins récemment et dont, selon son âge, le lecteur se souviendra ou pas.
Par exemple qui sait que Paul Doumer, dont on connait le nom grâce à des plaques de rue, fut assassiné en 1932, le 6 mai exactement, lors de l'inauguration du Salon des écrivains combattants. Claude Farrère vient d'obtenir le Prix Goncourt. Paul Doumer décèdera dans la nuit et aussitôt les suppositions vont bon train, les rumeurs les plus folles s'échangent dans la foule. Le meurtrier, Pavel Gorguloff, est de nationalité russe, âgé de quarante et un ans, et est le fondateur d'un parti antibolchévique dont il est le seul membre. Mais l'affaire se politise et les journalistes et certains écrivains se divisent sur les motivations réelles de l'assassin, pensant que cet attentat serait une manœuvre tendant à précipiter la guerre contre l'URSS, comme il est écrit dans l'Humanité du 11 mai.
Si ce meurtre est commis contre la plus haute autorité de l'Etat et que son auteur est immédiatement identifié et arrêté, d'autres crimes de sang ont été perpétrés contre des ministres ou des députés, sans que tout soit véritablement résolu. En effet bon nombre d'affaires vont secouer la Cinquième république, pour ne citer que les affaires les plus proches de nous, et sans que soit réellement défini l'aspect du décès. Assassinat ou suicide, selon ce que les partis politiques mis en cause le décrètent afin de taire les jalousies et manœuvres politicardes mises en place.
Et bizarrement, les trois affaires les plus célèbres se sont succédées durant le septennat de Valéry Giscard D'Estaing et ont fourni bien des controverses selon les affinités partisanes de tel ou tel parti ou média, proche du pouvoir ou au contraire en divergence totale d'opinions.
Il suffit de citer les noms de Robert Boulin, de Joseph Fontanet ou encore Louis de Broglie. Trois affaires qui ont longtemps défrayé la chronique et connaissent de temps à autres des résurgences médiatiques sur fond de manipulation politico-financières. A noter que le parti politique s'appelait les Républicains Indépendants. Aujourd'hui, il existe Les Républicains, mais sont-ils indépendants ?
Patrick Caujolle a étudié attentivement les éléments des dossiers, les a épluchés, analysés, ne se contentant pas de recopier ou de s'inspirer d'articles journalistiques, et avançant des thèses non dénuées de fondement ou des pistes intéressantes et probantes.
Bien d'autres affaires sont ainsi narrées, nous renvoyant à un passé plus ou moins proche, tombées parfois dans les oubliettes de l'histoire mais qui ressurgissent grâce à des événements qui les remettent en lumière comme l'assassinat de Jean Zay, par la milice dans l'Allier le 20 juin 1944, et dont le corps a été transféré récemment au Panthéon. Or si le nom de Jean Zay n'était pas inconnu de tous, son action sociale est tombée dans les oubliettes. On peut mettre par exemple à son actif :
Pendant ses quarante-quatre mois au gouvernement de front populaire, Jean Zay a institué, au titre de l’Éducation nationale : les trois degrés d’enseignement, l’unification des programmes, le prolongation de l’obligation scolaire à quatorze ans, les classes d’orientation, les activités dirigées, les enseignements interdisciplinaires, la reconnaissance de l’apprentissage, le sport à l’école, les œuvres universitaires ; et au titre des Beaux-arts : le CNRS, le musée national des arts et traditions populaires, le musée d’Art moderne, la Réunion des théâtres lyriques nationaux, le festival de Cannes (source Wikipédia).
Bref cet ouvrage de Patrick Caujolle, jamais ennuyeux car écrit simplement, sans fioritures ni inclination partisane, avec pour seul but d'établir la vérité et d'informer les jeunes générations, ou remémorer aux plus anciens des affaires sensibles, offre un prolongement que n'ont pas toujours eu la possibilité d'étayer les journaux des différentes époques pendant lesquelles elle se sont déroulées. C'est l'impartialité qui prime, même si pour certains, cela va à l'encontre de leurs opinions.
Juste pour vous appâter quelques titres de chapitres qui montrent la diversité des affaires traitées, résolues ou non :
Darlan, l'homme à abattre; Traquenard dans le tortillard pour le préfet Barrême; Le député, la belle-fille et la cheminée; Pour la peau de Philippe Henriot; La mort de Yann d'Arc (Yann Piat); Georges Mandel, un ministre à éliminer, Les Cagoulards contre Fantomarx; L'assassinat du préfet Erignac...
Chaque chapitre est précédé d'une photographie mettant en scène le personnage relatif à l'article ou un lieu significatif.