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25 juin 2014 3 25 /06 /juin /2014 09:56

N'oublie jamais, jamais, jamais, jamais...

 

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Bien décidé à être le premier handicapé unijambiste à participer à la prochaine édition de l'Ultra-Trail du Mont-Blanc, Jamal Salaoui s'entraine en parcourant les dénivelés des falaises d'Yport. Quelques jours de vacances pour lui changer les idées et l'éloigner des problèmes de travail. Employé à la maintenance des bâtiments dans un institut pour enfants à la dérive, il a été soupçonné d'avoir eu des relations vénéneuses avec une gamine. Alors ces quelques jours de détente avec sa prothèse en carbone ne peuvent que lui être salutaires. Il s'est installé dans l'hôtel restaurant la Sirène et parcourt allègrement les kilomètres dans la nature.

Sa vie va basculer le 19 février 2014, sur un chemin douanier lorsqu'il entrevoit un foulard rouge en cachemire suspendu à la clôture d'un champ. yport.jpgIl l'empoche avec précaution, car il s'agit d'un morceau d'étoffe onéreux, pensant le remettre au patron de la Sirène en rentrant, mais peu après il aperçoit une jeune femme se tenant au bord de la falaise. Elle fait face au vide. Cent mètres plus bas, ce sont les galets. Il l'interpelle doucement, elle se retourne dos au vide. Elle est belle malgré sa robe déchirée, elle lui demande de ne pas l'approcher et lorsqu'il lui tend l'écharpe afin qu'elle s'y accroche, elle se laisse basculer. Le temps qu'il dégringole par un chemin escarpé et il se retrouve devant un corps sans vie. Deux personnes qui flânaient sur la plage sont déjà présents. Un homme et un femme qui ont tout vu, ou presque. L'homme a entendu la jeune femme crier puis tomber. La femme emprunte le coupe-vent de Jamal pour le déposer sur le haut du corps du cadavre. Il a juste le temps d'apercevoir l'écharpe rouge enroulée autour du cou.

Les gendarmes de Fécamp sont alertés et arrivent peu après représentés par le capitaine Piroz et un subalterne. Evidemment Jamal est convoqué pour déposer, donner sa version de l'accident, mais les soupçons de meurtre ne tardent pas à s'immiscer dans la tête du gendarme, d'autant que le témoignage des deux promeneurs n'est guère en sa faveur. Mais Jamal se pose de nombreuses questions dont celle primordiale concernant le foulard. Comment le morceau de tissu a-t-il pu s'enrouler autour du cou de la défunte dans le court laps de temps qui s'est écoulé entre le saut du haut de la falaise et sa réception fatale. De plus elle est démunie de sous-vêtements, ses habits sont secs alors que sa peau salée incite à penser qu'elle a pris un bain, ce qui était courageux de sa part un 19 février. D'autres faits sont troublants, aussi bien pour Jamal que pour le capitaine Piroz.

yport-copie-1.jpgDe retour à l'auberge, l'hôtelier lui remet une enveloppe marron, dont le contenu, une vingtaine de feuillets et une coupure du journal local intriguent et déconcertent Jamal. Un accident similaire s'est produit au même endroit dix ans auparavant. Ce que la justice nommera l'affaire Morgane Avril, un viol suivit d'un meurtre. Or cette enveloppe a été postée de Fécamp la veille, comme si l'expéditeur s'attendait à ce qu'un tel drame se produise à nouveau.

Convoqué l'après-midi même à la gendarmerie, où il est reçu par le seul capitaine Piroz. La trépassée se nommait Magali Verron, née au Québec. Du moins c'est ce qui est inscrit sur le dossier posé sur le bureau du capitaine Piroz. Et le gendarme ne cache pas qu'il soupçonne fortement Jamal d'avoir poussé la victime mais pour l'heure il ne possède pas la moindre preuve et il est obligé de le relâcher, non sans avoir procédé à un prélèvement de sperme (je vous rassure tout de suite, Jamal s'est débrouillé seul pour déposer quelques spermatozoïdes qui ne demandaient rien à personne dans un flacon adéquat). Il fait la connaissance d'une jeune femme, Mona, qui désire obtenir une autorisation afin d'emporter des galets dans un but scientifique. Entre Jamal et Mona le courant passe, et il l'invite à dîner le soir à la Sirène, où elle a pris une chambre, et bien évidement la jeune femme lui fait passer une bonne nuit.

D'autres enveloppes parviennent à Jamal par des voies détournées, concernant l'affaire Morgane Avril mais également un autre meurtre perpétré dans les mêmes conditions, quelques mois après le premier mais cette fois à Isigny-sur-Mer dans le Calvados. Jamal patauge à la lecture des documents, et Mona lui propose d'enquêter en sa compagnie. Mais les pistes qui leur sont suggérées ne sont que sables mouvants. Jamal s'étonne même que les journaux locaux ne se soient pas emparés de ce fait-divers, mais le capitaine Piroz lui signifie qu'ils n'ont pas été informés afin que l'enquête se poursuive sans vagues. Toutefois il apprend qu'une association créée à l'instigation des parents et amis des défuntes œuvre toujours afin de traquer le coupable. Le nom de cette association est N'oublier jamais, d'où le titre du roman.

Jamal consigne dans un cahier ces événements, ceux qui luisaintmarcouf.jpg sont arrivés, ceux qui les ont précédés dix ans auparavant, ses recherches, ses espoirs, ses doutes, son incompréhension. Et lorsque le mot Fin est apposé page 462, ce n'est pas fini pour autant. Et les rebondissements font des ricochets comme une balle de squash dans un court vitré, pour obtenir un dénouement en escalier qui se rétrécit au fur et à mesure de la progression. Yport, Fécamp, Isigny-sur-Mer, Les îles Saint-Marcouf sont quelques-uns des lieux visités et qui seront peut-être à votre programme touristique estival.

 

Ce roman constitue une construction en trompe-l'œil terriblement efficace et imparable par sa logique, avec la précision méticuleuse d'une horloge... normande. Et Michel Bussi en prestidigitateur talentueux démontre qu'il ne faut jamais se fier aux apparences, même si celles-ci semblent inattaquables ou irréfutables.

Au début le lecteur habitué aux intrigues de Michel Bussi sait que tout ne sera pas linéaire, et celui qui découvre l'auteur se demandera bien à quoi il peut s'attendre, tant Michel Bussi se montre machiavélique. Dès les dernières lignes du prologue le ton est donné :

La dernière chose qu'il vit fut l'écharpe de cachemire rouge flotter entre les doigts de la fille. L'instant d'après elle bascula dans le vide.

La vie de Jamal aussi, mais cela, il ne le savait pas encore.

Au fur et à mesure de la lecture, on pense que Michel Bussi trompe son lecteur, qu'il entre dans le domaine du fantastique, mais rien n'est laissé au hasard. Tout s'emboîte minutieusement sans qu'on puisse le prendre en défaut, sans que l'on puisse lui reprocher de quelconques ellipses, de se conduire en illusionniste car en se remémorant certains phrases, certaines actions, certains événements, on ne peut que constater que tout ou presque est sous nos yeux. A part quelques détails, mais il faut bien ménager le suspense, et en cela Michel Bussi est un maître hors pair.

 

De Michel Bussi voir également : Ne lâche pas ma main.


Michel BUSSI : N'oublier jamais. Editions Presses de la Cité. Parution le 7 mai 2014. 504 pages. 21,90€.

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24 juin 2014 2 24 /06 /juin /2014 10:05

La main de Dieu et le pied du Diable ?

 

el diez


Alors que l'Argentine vient de se qualifier pour le tour suivant de la coupe du monde de football, grâce à un certain Messie (mais si !) prénommé Lionel, Marc Villard préfère se plonger dans des souvenirs liés à la Main de Dieu, qui je le rappelle au cas ou mais vous vous en souvenez certainement, a permis à l'Argentine de prendre sa revanche sur l'Angleterre le 22 juin 1986, plus pacifiquement que dans l'affaire des Malouines.

En 5 juillet 1984 pour Naples la pieuse et la mafieuse, c'est jour de liesse. Les tifosis napolitain se sont déplacés en masse pour investir le stade San Paolo, et soixante-dix mille gorges en délire scandent le nom de Diego Armando Maradona.

Devant sa télévision, Claudio Belluci est subjugué. D'abord parce qu'il est un amoureux du football, ensuite parce qu'il se rend compte qu'il est la copie conforme de Maradona. Et tandis que sa fille Laura, douze ans, qu'il élève seul, dresse un autel à la gloire de l'Argentin, Claudio ressort son ballon et se met à jongler. A peine quarante ans, des kilos superflus, il va lui falloir s'entraîner sérieusement s'il veut concurrencer l'idole.

Il travaille dans une usine de saucisses, et dans son quartier il commence à se forger une petite réputation. Il veut même que ses collègues le prénomment Diégo, ce qui les fait sourire, mais ils acceptent de bonne grâce. Même les dealers du quartier lui font un prix lorsqu'il rentre chez lui, lui effectuant une petite ristourne sur le droit de passage.

Les mois passent, Maradona prend de plus en plus d'importance dans son club et Claudio/Diégo est sur la balance dans son usine de saucisses. Les frites et le pop-corn concurrencent sérieusement le produit local. Laura sa fille grandit, mais pas forcément en sagesse. Pourtant cela part d'un bon sentiment puisqu'elle veut aider son père financièrement. Alors elle se propose de transporter des petits paquets afin de garnir l'étal en plein air, mais sous le manteau, à des revendeurs de drogue qui ne manquent pas de chalands.

 

Avec ce regard qui le porte plus à s'intéresser aux petites gens, aux cabossés de la vie, aux meurtris de l'existence, ces italiens d'en bas pour parodier un premier ministre français qui s'exprimait avec dédain de la petite classe, Marc Villard nous plonge dans cette cité qui, à tort ou à raison, n'a pas toujours bonne presse, malgré son côté touristique.

Il établit en parallèle quelques années dans la vie de deux personnages, d'une part l'étoile footballistique adulée mais dont le comportement sur et hors du terrain ne fut pas toujours exemplaire, et d'autre part un travailleur pauvre élevant seul sa fille, qui tente de joindre les deux bouts mais connaitra de nombreux avatars. Deux visages, deux faces d'une médaille dont l'une brille au soleil mais finit par se ternir et l'autre plongée dans l'ombre n'aura jamais le plaisir d'un choper un rayon. Deux destins qui se terminent en eau de boudin, noir. Les prolétaires démunis enrichissent toujours les gloires éphémères du ballon rond

Comme à son habitude, Marc Villard nous emmène dans les dédales d'un quartier miséreux d'une ville sur laquelle règne le soleil mais que les touristes ne visitent pas sauf s'ils se sont perdus, remuant du bout de la plume les détritus afin d'en extirper la pépite, mettant en scène des individus qui ne sont pas gâtés et que l'on aimerait aider à sortir du pétrin ou de la fange. Pour une fois la petite musique qui rythme le texte n'est pas le jazz mais une romance napolitaine réaliste. Quant à Maradona, il ne représente pas forcément le gros de la troupe, quoi que.

 

De Marc Villard, lire également : Dégage !; I remember Clifford; Un ange passe à Memphis; J'aurais voulu être un type bien; Kebab Palace; Retour au Magenta.

 

Marc VILLARD : El Diez. Nouvelle. Collection Noire Sœur. Editions SKA. 0,99€.

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24 juin 2014 2 24 /06 /juin /2014 08:49

Bon anniversaire à Lawrence Block né le 24 juin 1938.

 

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A la suite d'une bavure, une balle qui ricoche sur un mur et tue une petite fille, Matt Scudder a quitté la police et s'est reconverti en privé dilettante. Il accepte par-ci par-là de petites affaires qui lui permettent d'envoyer un mandat à sa femme et de payer ses boissons alcoolisées. Un jour La Toupie, un petit truand que Matt a connu de nombreuses années auparavant et qui doit son surnom à son habitude de faire tournoyer une pièce d'un dollar, lui remet une enveloppe cachetée. Matt ne doit l'ouvrir que si La Toupie ne lui donne pas régulièrement de ses nouvelles, ce qui se produit au bout de quelques semaines. Ce que Matt pensait s'avère exact : La Toupie exerçait un chantage envers quelques personnes. Un riche homme d'affaires dont la fille a tué un gamin lors d'un accident de voiture et qui n'a pas été inquiétée grâce à l'argent de papa. Une jeune femme qui avant son riche mariage avait tourné dans des films porno. Un politicien pédophile qui brigue la place de gouverneur. L'une de ces trois victimes est l'auteur du meurtre de la Toupie, et Matt, qui a donné sa parole au truand, prend cette enquête au sérieux, malgré les menaces qu'il reçoit.

 

block1.jpgCe deuxième roman de la série de Matt Scudder, qui date de 1976 et était resté inédit en France, peut être considéré comme le pilote d'une série qui ira en se bonifiant au fil des ans. Lawrence Block plante le personnage, le fait évoluer dans une enquête classique, banale presque. Pourtant l'on retrouve déjà ce qui rend Scudder attachant. Son humanisme et cette conscience qui le taraude pour un crime dont il n'est pas vraiment responsable. Les autres volumes de la série sont plus denses, plus fouillés, plus travaillés, mais Lawrence Block avec cet ouvrage pose la première pierre d'une saga riche et vivante, jamais décevante.

 

 A lire également de Lawrence Block :  Le Blues du libraire;  Les lettres mauves;  L'amour du métier; Le voleur qui aimait Mondrian; Le Blues des alcoolos.


Lawrence BLOCK : Tuons et créons, c'est l'heure. (Réédition de Coll. Seuil Policiers, Editions du Seuil). Editions Points N° 432. Parution octobre 1997. 208 pages. 6,10€.

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23 juin 2014 1 23 /06 /juin /2014 06:59

Si vous cherchez un peu de fraîcheur, voici un endroit idéal !

 

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Après avoir été policière durant deux ans, Diane Beaufort s’est tourné vers le journalisme. D’abord reporter sans frontière puis, ne supportant plus la vue de cadavres et des ravages des guerres, elle s’est lancé dans l’écriture d’articles dans des magazines féminins. Plus particulièrement des papiers sur la psychologie du couple et les relations parents-enfants. Mais elle a eu besoin de changer d’air ce qui ne l’empêche pas de tenir un carnet de bord. Car son ambition est de rédiger un roman, et afin de couper les ponts, elle prend un congé sabbatique puis elle part se ressourcer en Ecosse. Depuis très longtemps elle vit avec un souvenir douloureux, la perte de son bébé. D’ailleurs elle est suivie par un psychiatre, Harrison, qui est devenu un ami. Elle est célibataire et cet état lui convient fort bien. A cinquante-cinq ans elle est encore séduisante, aventureuse, curieuse, avide de mouvements.

Elle s’installe dans un hôtel des Highlands, au calme pense-t-elle. Par les journaux, elle apprend qu’une jeune femme a été retrouvée égorgée. Peu après c’est au tour de Julianne, une des serveuses de l’hôtel, qui est retrouvée dans le même état. Ses vacances ne s’annoncent pas aussi paisibles qu’elle l’envisageait. Ce qui ne l’empêche pas de sympathiser avec deux Québécois, comme elle, et au cours d’une conversation, elle apprend que ce sont deux jeunes mariés, originaires de Chicoutimi, demeurant donc non loin de chez elle.

Jérémie Boislevent et sa femme Sarah sont en voyage de noces. Sarah aurait préféré Venise ou Paris, mais comme ce sont ses parents qui leur ont offert le voyage, ils n’ont pas osé refuser. Une promenade est envisagée, afin de découvrir le château de Highstone, qui est érigé fièrement sur les hauteurs et qui date du Moyen-âge. Il est toujours habité. Une visite conseillée par la mère de Sarah. Ils sont reçus par William Mac Doorn, l’héritier du Lord, et Conrad Whitness, le secrétaire et guide occasionnel. Puis par Lord Mac Doorn, le propriétaire, et sa femme. Un petit historique du château leur est conté. Un baron français, le seigneur de Hautefaille, aurait été enfermé dans les cachots au XIIIe siècle, pour avoir fauté avec la châtelaine alors que son mari était parti guerroyer. Mais Sarah ne se sent pas bien, elle ressent comme des malaises puis des hallucinations. La vision d’une femme tenant dans ses bras un bébé. La rentrée à l’hôtel est précipitée.

Sarah se confie à Diane. Non, elle n’est pas enceinte comme le supposait la journaliste, au contraire car elle ne veut pas d’enfant pour le moment. Et, deux mois auparavant, une stagiaire de l’agence de voyages dans laquelle elle travaillait, lui a fait des révélations. Non point des prédictions, mais des secrets sur ses vies antérieures. Une scène notamment se déroulant au Moyen-âge. Elle aurait été une noble ayant eu un enfant adultérin et aurait été enfermée dans un cachot par son mari. Un peu l’histoire que Lord Mac Doorn leur a racontée.

D’autres jeunes femmes sont égorgées et l’inspecteur Doris ne parvient pas à découvrir le moindre indice. Le tueur en série ne laisse aucune trace d’ADN ou autre. Toute fois il porte ses soupçons sur William Mac Doorn. Diane est fortement surprise, et tout un chacun le serait à moins, quand Sarah, qui depuis sa première visite à Highstone est sur les nerfs, avoue à sa nouvelle amie qu’Aileen Mac Doorn la châtelaine est sa mère biologique.

 

hautefaille2.jpgLes péripéties ne manquent pas dans ce roman où le mot suspense prend toute sa valeur. L’intrigue navigue entre Ecosse et Canada et Sarah connaitra de nombreuses frayeurs. Le couple qu’elle forme avec Jérémie risque d’éclater à plusieurs reprises, mais Diane veille. D’ailleurs, afin que le couple puisse vivre sereinement, elle les invite dans un chalet qu’elle loue, non loin de chez les parents respectifs de Sarah et Jérémie.

Marie-Bernadette Dupuy joue avec les nerfs du lecteur, accumulant les incidents, les rebondissements et les meurtres qui sont enregistrés aussi bien en Ecosse qu’au Canada. Car le tueur semble bien être avoir franchi l’océan.


Malgré quelques ficelles parfois un peu grosses, mais qui sont effacées aussitôt par les événements, ce roman est magistralement construit, accumulant les scènes d’angoisse, les retournements de situation et les révélations, même si parfois le lecteur se doute de ce qui va suivre, ou peut être légèrement énervé par l’attitude et les dialogues un peu simplets entre Jérémie et Sarah. Le roman idéal pour l’été.


Marie-Bernadette DUPUY : Le cachot de Hautefaille. (réédition de JCL.  éditions – 2009 et Editions de L’Archipel juin 2013). Réédition Archipoche Parution le 4juin 2014. 300 pages. 7,65€.

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21 juin 2014 6 21 /06 /juin /2014 12:28

Cent micro-fictions !

Cent micro-frictions !

Cent micro-frissons !

 

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Alors que certains romanciers s'échinent à pondre des pavés, parfois indigestes, de cinq, six, sept cents pages, voire plus, s'engluant dans une histoire dont on se demande s'ils vont arriver à retomber sur leurs pieds, sans perdre en route un de leurs personnages, Jan Thirion adopte la démarche inverse. Tout est écrit en peu de mot et il devient l'un des chantres du minimalisme

Il nous propose de déguster un trou normand salvateur entre deux plats bourratifs.

Jan Thirion s'est imposé une contrainte. Ecrire un texte en mille signes. Et il a multiplié ces petites tranches de vie, ces instants pris sur le vif en cent vignettes colorées ou en noir et blanc. Un kaléidoscope d'images qui défilent sous nos yeux comme peut le ressentir un mourant qui revient à la vie et a revu son existence en quelques secondes avant de franchir la barrière. Mais celle-ci était trop haute et il s'est contenté de rester du bon côté. Ce qui ne l'a pas empêché de se remémorer des scènes qu'il pensait enfouies dans les limbes de sa mémoire. A nos actes manqués...

 

Afin de donner plus de poids, de véracité, de crédibilité, de complicité entre l'auteur et le lecteur, ces textes sont écrits à la première personne. La narration d'un vécu transposé, d'une rencontre dans un lieu public, d'une scène de la vie courante, d'une immixtion dans l'intimité des personnages ordinaires ou presque. Peut-être vous-même les avez-vous rencontrés lors de vos déplacements, dans un restaurant, sur le parking d'un centre commercial. Les avez-vous côtoyés, perdus dans leurs pensées revanchardes ou moroses, se précipitant pour on ne sait quelle raison.

Ainsi dans Un mauvais médecin, qu'est-ce qui pousse cette femme à hanter les centres commerciaux de sa ville ? Dans Un mariage réussi Un octogénaire danse le rock lors d'un mariage, quitte à dégringoler et réveiller son arthrose ou son arthrite, il ne sait plus trop. Mais qu'est-ce qui le pousse à vouloir épater les jeunes ? Une libraire, qui se dépêche de ranger dans les présentoirs la presse pour jeunes, car sa fille qui va accoucher la réclame, est braquée par un individu cagoulé. Mais elle pense reconnaitre le malandrin. Tel est le thème de Braquage à petite échelle. Mais qu'est-ce qui a donné l'idée à cette jeune fille d'enfiler un chandail en laine trop long et de s'approcher du feu où bout du lait dans une casserole. C'est vraiment Un accident domestique.

thirion2-copie-1Ce ne sont que quelques exemples, mais la palette scripturale de Jan Thirion est nettement plus complexe, élaborée, diversifiée, qu'elle pourrait laisser croire. Puiser dans le quotidien semble banal et en relever les traits saillants ne sont pas donnés à tout le monde. Et ces textes sont comme des billets d'humeur et d'humour noir qui pimentent des scènes supposées insignifiantes et qui prennent toute leur saveur sous la plume d'un décortiqueur malicieux.

Le lecteur assidu ne manquera pas de reconnaître certaines histoires, qui ont été retravaillées, légèrement remaniées et enrichies comme par exemple dans De la revanche dans l'air dont une version plus longue figure dans Dix rounds.

Jan Thirion utilise ses armes favorites : la dérision dans le dérisoire, l'humour dans le pathétique, le petit grain de folie au service d'une histoire banale.


A commander sur le site de  SKA librairie.


Jan THIRION : Tout moi. Editions du Horsain. parution 20 juin 2014. 112 pages. 10,00€.

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20 juin 2014 5 20 /06 /juin /2014 07:55

Un épisode méconnu de la Première guerre mondiale !

 

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Tout comme la France fit appel lors de la Première Guerre mondiale, dite la Grande Guerre, à un contingent militaire en provenance de ses colonies, Sénégal, Maghreb, Madagascar… la Grande Bretagne puisa des réserves dans les territoires des Dominions, l’Australie en tête. Un total de 331 814 Australiens ont été envoyés en Europe, mais parce que les milices existantes n'avaient pas le droit de servir outre-mer, un groupement expéditionnaire de volontaires, l'Australian Imperial Force (AIF) fut créé à partir du 15 août 1914.

 

Sur le pont du bateau qui le ramène en Australie en ce début d’année 1919, Quinn Walker, un engagé volontaire qui a participé aux batailles de Gallipoli en Turquie, et en France, à Bullecourt notamment, Quinn songe. Il a été sérieusement blessé à la mâchoire (d’où le surnom de Gueules cassées), ses poumons sont mal en point à cause des gaz inhalés et il souffre de surdité. Il ressasse ses souvenirs d’avant son départ pour le front ainsi que ses faits d’armes, se souvenant des compagnons tombant près de lui. Il jette à la mer la médaille militaire qui lui a été remise pour sa bravoure, mais qu’en a-t-il à faire de cette breloque ?

S’il s’est retrouvé enrôlé dans les bataillons militaires, c’est à cause d’une vilaine histoire familiale qui s’était déroulé dix ans auparavant, le 5 juillet 1909. Sa petite sœur Sarah, alors que l’orage grondait sur Flint, en Nouvelle Galles du Sud (au Sud-est de l’Australie) a été assassinée à coups de couteau. Son père, Nathaniel Walker, et son oncle, Robert Dalton, qui s’inquiétaient de la disparition des deux enfants était partis à leur recherche. Les deux hommes ont retrouvés Sarah et Quinn l’un près de l’autre, Sarah morte et Quinn tenant une arme rougie par le sang de la fillette. Quinn a tenté d’expliquer qu’il n’y était pour rien, puis il s’est enfui dans la nature. Plus personne n’a eu de nouvelles de lui pendant des années. En 1916, Mary, la mère, a reçu des autorités militaires un télégramme annonçant que Quinn avait disparu au combat et qu’il était présumé mort.

Ce meurtre est comme un chancre dans sa mémoire. Il revient au pays, essayant de passer inaperçu engoncé dans ses habits de militaire. Alors qu’il s’approche du bourg, un vieil homme, considéré un peu comme l’idiot du village, le reconnaît mais Quinn lui fait promettre de ne rien dire. Et il en profite pour lui barboter son fusil qui lui sert à chasser les lapins. Il lui demande également des nouvelles du village, de sa famille.

Quinn se cache dans les bois, se nourrissant de bric et de broc, dormant dans des feuillis, étant à l’affût du moindre bruit. Revoir sa mère, une idée qui le tenaille depuis dix ans. Il se rend à la ferme familiale, lorsque son père s’en éloigne, afin de retrouver pour quelques moments sa mère. Celle-ci est couchée, atteinte de phtisie, mais les rumeurs alimentées par les superstitions affirment que la peste noire sévit dans le pays.

Au début elle ne veut pas reconnaître sa fils, persuadée qu’il est décédé en terre française. Mais celui-ci parvient à prouver qu’il est bien en vie, qu’il n’est pas un fantôme, et lui jure qu’il est pour rien dans le meurtre de sa sœur. Ce qui rassérène sa mère, secret qu’elle garde pour elle, car Nathaniel, le père est toujours colère contre son fils. Quinn lui rendre visite régulièrement, l’aider à prendre ses cachets, à boire son verre d’eau, ce qui soulage quelque peu la souffrante.

Les bruits qu’il entend dans les bois l’inquiètent jusqu’au jour où une gamine se plante devant lui. C’est une petite sauvageonne très mûre pour son âge, agressive et en même temps qui recherche une protection. Elle est orpheline, vit d’expédients, elle assurera d’ailleurs leur subsistance, sachant qui il est mais connaissant bien d’autres secrets. Il en est tout étonné mais Sadie possède plus d’un tour dans son sac. Elle l’encourage, lui fait quelques révélations, tout en restant sur ses gardes. Il leur faut se méfier, car un traqueur est à sa recherche et ils se réfugient dans une masure.


affliges2.jpgCe roman, articulé comme un roman policier de suspense, est également un récit émouvant basé sur le souvenir, la mémoire, mais également sur le désir de comprendre ce qu’il s’est réellement déroulé et le besoin de vengeance envers les véritables meurtriers dont Quinn connait l’un d’eux. Entre souvenances de sa sœur Sarah, de leur complicité, leur grand frère restant en dehors de leurs jeux, de leur connivence qui était mal vue et mal interprétée par les autres membres de la famille, surtout Nathaniel le père et Robert l’oncle, mais également par les villageois. Sarah n’avait que trois ou quatre ans de moins que Quinn, et pourtant elle s’érigeait comme une petite bonne femme dominatrice.


Les épisodes de la guerre en Europe remontent très souvent à la surface, Quinn ne peut s’en débarrasser. Mais d’autres événements ont ponctué son quotidien d’engagé volontaire. Ainsi un de ses compagnons d’arme l’a conduit à Londres chez une femme recevant dans son salon des amateurs de spiritisme, trois jeunes filles invoquant les esprits. Il n’aura pas l’occasion de voir Conan Doyle, qui est pourtant un habitué, mais une des gamines lui remet en catimini un message.

 

Roman de la douleur, de la rédemption, cette histoire hantera vos esprits comme hante dans l’esprit de Quinn la mort de sa sœur.

 

Chris WOMERSLEY : Les affligés. (Bereft – 2010. Traduction de l’australien par Valérie Malfoy). Première édition : Collection Les Grandes Traductions. Editions Albin Michel mai 2012. Réédition J'ai lu. Parution le 7 mai 2014. 318 pages. 7,60€.

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19 juin 2014 4 19 /06 /juin /2014 12:15

Dès la première page, le ton est donné : « Mais comme on est dans un polar sérieux, je ne vais pas m’abaisser à écrire toutes ses répliques en petit rosbif. Faites juste un léger effort d’imagination ».

 

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C’est un peu comme du…. Continuons.

Virginia Valmain, célèbre détective de la région Nord, basée à Dunkerque, a une pile de dossiers et d’affaires à traiter, mais elle se laisse séduire non pas par la cliente dont le fondement a du mal à être absorbé par un fauteuil en cuir et qui lui fait face, mais de la demande de recherche qu’elle lui propose. Que le mari de madame Slatter ait disparu, vu la dégaine de sa conjointe serait un acte pardonnable, sauf que le dit époux est camionneur, qu’il transportait de la farine destinée à l’alimentation du bétail, qu’il n’a pas donné de ses nouvelles depuis six mois, et surtout que la dernière fois où il a été aperçu c’est à Saint Folquin.

 Or il semblerait que ce patelin, et ses environs, serait le nouveau triangle des Bermudes du Nord, dans lequel se seraient volatilisées quatre autres personnes, deux Français dont une femme, un Belge et un Allemand. Du pain béni pour la réputation de Virginia selon Mère-Grand, alias la tante de notre détective et dont Lao-Tseu partage le point de vue.

Attardons nous quelque peu sur ces deux nouveaux personnages qui entrent dans le décor. Mère-Grand, c’est 1,60 m à peine, pour près de 100 kg dont 15 au moins de nibards, deux sacs à farine en guise de poitrine, la petite cinquantaine bien marquée sur le visage, et dont la consommation d’alcool avoisine la demi bouteille de Bourbon. Si vous ne me croyez pas, lisez le livre, c’est Virginia qui décrit sa tante en ces termes. Et encore, je n’ai pas tout dit, ou écrit. Quant à Lao-Tseu, de son vrai nom Sidi Coulibaly, géant noir d’origine malienne, il doit son surnom à sa propension à citer le philosophe chinois, capable de mémoriser tout ce qu’il lit et limite autiste. Des personnages à la Dubout, et la galerie en comporte bien d’autres sur lesquels je fais l’impasse, sinon vous échapperiez au charme de la lecture. Je poursuis.

Voilà donc Virginia en pleine enquête à Saint Folquin, accompagnée d’un troisième larron, Curly, ainsi appelé à cause de la ressemble de son appareil supposé reproductif qui n’est guère plus conséquent que ce gâteau apéritif. Le village est envahi par des touristes voyeurs venus s’imprégner de l’atmosphère trouble de la bourgade et ils retrouvent avec un plaisir mitigé Adam Bathany, un policier qui a déjà goûté aux faveurs de Virginia. Les relations entre notre quatuor d’enquêteurs et certains villageois soulèvent des vagues. Les membres des familles des disparus, que rien ne raccorde entre eux, ne sont pas forcément perturbés par les disparitions, sauf lorsque leur vie privée et familiale subit des désagréments.

 

C’est un peu comme du…, écrivais-je en début de présentation de cette chronique. Je suppose que vous avez deviné que je parlais de San-Antonio, mais première époque. Calembours, interpellations au lecteur, notes en bas de pages, descriptions caricaturales des personnages, un humour omniprésent, tels sont les ingrédients qui composent ce roman agréable à lire, que dis-je à déguster. J’ai relevé pour le plaisir quelques sentences édictées par Lao-Tseu : « Les paroles sincères ne sont pas élégantes ; les paroles élégantes ne sont pas sincères » ou encore « Ceux qui savent ne parlent pas, ceux qui parlent ne savent pas ». Des pensées que bien des hommes politiques, et d’autres, devraient mettre en application.

J’allais oublier de préciser que Maxime Gillio, spécialiste de l’œuvre de Frédéric Dard, est membre de l’association Les Amis de San Antonio, et qu’il est (ou était, je ne sais plus) le rédacteur en chef de la revue Le Monde de San Antonio. Il n’a pas écrit une parodie, ou un pastiche, mais plutôt une forme d’hommage. Dernière précision : la détective narratrice se nomme Valmain, comme Frédéric Valmain, auteur de romans policiers qui signait également James Carter, et dont certains affirment qu’il ne s’agirait que d’un des multiples pseudo de Frédéric Dard. Mais ceci est une autre histoire.


Virginia VALMAIN & Maxime GILLIO : Les disparus de l’A16 (Qui a peur de Virginia V.) Polars en Nord N°55, Editions Ravet-Anceau. Parution novembre 2009. 224 pages. 9,00€.

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18 juin 2014 3 18 /06 /juin /2014 15:32

Deux nouvelles par l'auteur de Même pas morte !

 

langanay


La nouvelle, l'autre facette du romancier, celle qui démontre que l'on peut toucher à tous les genres avec talent.

Le premier de ces textes, intitulé Les derniers romantiques, est un concentré d'humour macabre et dont le sujet pourrait paraître scabreux mais qui n'est que le reflet d'une époque à laquelle sont confrontés deux types contradictoires de personnages voués à la vindicte d'individus obtus.

Christelle est une étudiante en lettres qui sous le coup d'une menace d'expulsion a répondu à une petite annonce. Et elle s'est retrouvée dans le monde du porno, à passer quelques castings et tourner dans trois films. De la figuration intelligente, peu de texte à réciter et quelques apparitions en tenue légère. Elle consigne dans son agenda ses faits et gestes, ses découvertes et ses impressions. Du matériau qu'elle emmagasine puisqu'elle se destine au journalisme. Alors elle note, tandis qu'elle est à la terrasse d'un café, la proximité d'un jeune homme qui semble la regarder bizarrement. Il s'agit de Serge, Serguei pour les intimes de la pellicule, une pointure dans la profession. Ils sont attirés l'un par l'autre, mais on ne mélange pas la vie privée et la vie professionnelle. Alors s'ils couchent ensemble pour les besoins d'un tournage, ils se réservent pour plus tard. Mais Serge tourne également dans des films gays, même si ce n'est pas toujours joyeux, et certaines de ses prestations ont eu un grand succès sur le net. A la fin d'un tournage en costume, lui en curé elle en bonne sœur, des rôles de compositions, ils décident de se promener ainsi attifés. Pas vraiment la bonne idée.

 

La seconde de ces nouvelles, Nuits de noce, est un petit bijou d'humour à la Maupassant.

Madeleine ne compte plus les nuits de noce auxquelles elle a assisté. Mais jamais à la sienne. Ce soir là elle a été invitée au mariage de Camille, sa copine qu'elle connait depuis l'adolescence et peut-être même avant. Elle ne sont plus aussi intimes qu'avant, liées non plus, mais c'est sympa de la part de Camille d'avoir pensé à elle. Camille qui se marie avec Albéric, le rejeton d'un escroc qui a fui les ennuis judiciaires et fiscaux. Albéric qui doit tout à son oncle Pierre, lequel ne lâche les subsides qu'avec un élastique, son emploi, son mariage, son gâteau de noce, une pièce montée en forme de Ferrari. Pas Lolo, l'actrice porno, ni Laurence, la journaliste, mais l'écurie de courses automobiles, les bolides pour rupins. En réalité Albéric n'a rien, et il lui faudra faire ses preuves avant de pouvoir accéder au pactole de l'oncle Pierre qui a su faire fructifier les bénéfices de ses labos de cosmétiques.

Comme de bien entendu, il ya les invités, dont on ne sait d'où ils sortent, et il vaut peut-être mieux ne pas le savoir, la famille, les collègues d'Albéric, le gratin pas gratiné. Et Madeleine supporte, le groupe de greluches qui doivent animer musicalement la soirée, la bécasse qui déclare fêter ses noces de cire, en réalité elle n'est pas mariée et ne vit avec son mec que depuis un an ou deux, mais faut bien se faire remarquer, le voisin qui lui tripatouille le genou comme si c'était un haut lieu érogène...

Le manège d'Albéric l'interloque quelque peu. Il n'arrive pas à rester sur sa chaise. Il s'en va, il revient loupant deux ou trois plats, mais cela n'a pas l'air d'indisposer Camille, exécute deux ou trois tours de piste afin de bien montrer que c'est lui le marié. Et il ne compte plus les petits digestifs qu'il s'enfile. Camille, elle, reste stoïque. Madeleine voudrait bien parler avec Camille sur la terrasse, ou partir mais ce n'est pas l'heure, à moins qu'en montant à l'étage... Madeleine n'a jamais su dire non, elle a cumulé les petits amis, sans arriver à en harponner un. Alors pourquoi résister aux envies de son voisin qui la suit à l'étage ?

Il ne faut jamais se fier dans la vie aux apparences, ni aux appâts rances non plus, la vie vous réserve de drôles de surprises, et croire que l'on est maître de son destin est un leurre. Peut-on tout au plus influer sur celui des autres, et par ricochet en bénéficier. Le jeu du chat et de la souris, le chat est à la noce, ou le sera, quand à la souris, elle sourit, mais sait-elle pourquoi ?

Anouck Langanay confirme avec ses deux nouvelles tout le talent décelé dans son roman Même pas morte ! jouant avec brio sur les situations, les personnages, les sentiments, oscillant entre humour noir et dérision, ironie et sarcasme, révélant l'esprit pervers de protagonistes à qui l'on donnerait le Bon Dieu sans confession, sous forme d'hosties ou de dragées.

 

A commander sur le site de SKA librairie

 

Anouk LANGANEY : Chocs en retour. Nouvelles. Collection Noire sœur. Editions SKA. 0,99€.

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17 juin 2014 2 17 /06 /juin /2014 15:15

Elles passeront peut-être en première partie des Bluebells Girls du Lido dans le rôle des Vamps !

 

poubelles-girls-jeanne-desauby.jpg


Madame Paule Emploi n'est pas une maquerelle, et pourtant chez elle, c'est le bordel. Il faut prendre un ticket et faire le pied de grue pour ressortir sans avoir obtenu quoi que ce soit.

Elisabeth, séparée de son mari, élève seule son gamin de quatorze ans, et traîne le Diable par la queue, on dirait que cela lui fait plaisir à celui-là. Elle vivote de petits boulots, technicienne de surface dans un établissement scolaire, femme de ménage dans une boulangerie. La différence entre les appellations réside dans les lieux où sont effectués les travaux. Et la plupart du temps elle bosse au noir. Tout le monde y trouve son content ou presque.

Ce jour là elle piétine derrière une grosse femme affublée d'un turban et de boucles d'oreilles en véritable imitation de toc. Elle n'a pas sa langue dans sa poche, la grosse, elle vitupère contre la pauvre guichetière qui elle au moins n'est pas si pauvre puisqu'elle a une place d'assurée (sociale), car les formalités auxquelles elle est astreinte doivent se faire par téléphone, mais comment faire quand on est pauvre et que justement on ne peut pas se payer de téléphone ! Ce n'est pas son problème à la guichetière, mais bien celui de madame Paule Emploi qui hypocrite élimine insidieusement des statistiques les demandeurs d'emploi qui ne satisfont pas à ses exigences. Je suis hors sujet donc je reviens à Elisabeth qui ressort du bâtiment la tête en vrac.

Sur un banc elle aperçoit la grosse qui attend à une station de bus et lui propose de la déposer quelque part, car les pauvres sont en plus tributaires des transports en commun. Paloma, puisque c'est ainsi que se prénomme la gente personne aux formes rebondies, a trouvé refuge dans le hall de la gare. Et comme ce sont les plus pauvres qui s'intéressent à plus pauvres qu'eux, Elisabeth quelques jours plus tard s'inquiète de Paloma et lui offre un lieu de séjour qui n'est pas à elle. Elle s'occupait du ménage d'un vieux monsieur, aujourd'hui atteint d'Alzheimer et résident dans une maison supposée spécialisée, qui possède une vieille caravane stationnée dans un jardin à la sortie de la ville. Ce n'est pas le luxe, et ce n'est pas Armand, le vieux monsieur, qui s'offusquera de cette location gratuite.

Les deux amies, le malheur ça rapproche, se confient, avec plus ou moins de franchise mais ce n'est pas le passé le plus important, c'est bien l'avenir. Et l'avenir tient en cette question : comment survivre ?

Lorsqu'Elisabeth rend visite à Paloma dans sa caravane, celle-ci (Paloma, pas la caravane) a tout lavé, récuré, nettoyé, traquant la poussière et les petites bêtes qui se nichent dans des endroits improbables. Comme les armes d'ailleurs. En effet sous l'évier dans un recoin aménagé, Paloma a découvert des fusils et de vieux articles de journaux relatifs à des braquages. Monsieur Armand avait une double vie. Et comme Elisabeth possède toujours la clé de la maison de monsieur Armand, les deux amies se rendent chez lui, et commencent à fouiller un peu partout et ailleurs. Elles découvrent une cache qui contient des sacs de billets. Aussitôt retour à la case Départ, sans passer par la case Prison, mais quelle n'est point leur déconvenue quand elles s'aperçoivent que les billets de banque, comme les boites de haricots, possèdent une date de péremption. Alors germe dans la tête de Paloma l'idée de se servir dans une banque afin de régler les factures. En attendant elles vont se faire la main avec la caisse de la boulangerie où travaille quelques heures Elisabeth.

A l'autre bout de la ville, dans le quartier des rupins, Blanche ne supporte plus son mari, avocat dans un cabinet réputé, ses incartades, sa présence. Elle est juriste financière et n'est donc pas dépendante de la paie maritale. Elle déprime et décide de se séparer de son mari, enfin séparer c'est un euphémisme. Elle veut tout simplement s'en débarrasser, le tuer. Alors elle réfléchit en se demandant quelle serait la solution la plus efficace et la moins préjudiciable à son intégrité vis à vis de la justice.

 

Jeanne-Desaubry2.jpgLa révoltée et la résignéepourrait être le sous-titre de cette histoire qui démontre que les failles de la société peuvent conduire à la délinquance. Faire croire que tout est mis en œuvre pour aider les chômeurs et les demandeurs d'emploi dans leurs recherches n'est qu'un leurre. Laisser une mère élever seule son gamin préadolescent et ayant donc des besoins ne serait-ce que pour suivre dignement des études, alors que les fautes en incombent à un mari qui n'assume pas son rôle de père, équivaut à lancer une bouée dégonflée à un noyé ne sachant pas nager. Sans oublier les préjugés qui peuvent traverser les idées d'un adolescent en construction et l'esprit obtus d'un homme qui se conduit en phallocrate. Et si j'emploie ce mot de phallocrate, au lieu de sexiste, macho et autres, c'est à dessein car Françoise d'Eaubonne en serait à l'origine. Et il y a du Françoise d'Eaubonne en Jeanne Desaubry. Peut-être n'avez-vous pas lu de romans ou des essais signés par cette grande figure militante féministe, mais vous en avez peut-être appréciés certains publiés sous pseudonymes dont celui de Nadine de Longueval.

Jeanne Desaubry, avec tendresse, humour, mais également cet esprit de révolte qui voudrait faire évoluer la société et mettre à bas certaines injustices, nous entraîne dans le sillage de ces deux femmes qui blessées par la société veulent sortir de ce marigot. Paloma est une femme déterminée et va déteindre sur Elisabeth. Elisabeth, Princesse comme l'appelle affectueusement son amie, va peu à peu s'affirmer, mais non pas sans dégâts. Et je verrai bien Michèle Bernier et Sandrine Kiberlain interpréter les rôles de ces deux femmes au cinéma ou à la télévision.


Jeanne DESAUBRY : Poubelle's girls. Editions Lajouanie.

Parution le 6 juin 2014. 240 Pages. 14,95€.

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16 juin 2014 1 16 /06 /juin /2014 13:54

Vous avez aimé le film ? vous lirez le livre !

Vous ne connaissez pas le film ? Découvrez le roman !

 

la-piscine.jpg


Qui de l'œuf ou de la poule... Eternelle question. Le tournage de ce film débuta le 19 août 1968 pour se finir vers la mi-octobre de la même année et il est sorti sur les écrans en janvier 1969. Le roman lui est paru en 1969 aux éditions Raoul Solar sous le même titre avec comme nom d'auteur le même que celui qui écrivit le scénario : Jean-Emmanuel Conil. Qui connaissait à l'époque ce scénariste romancier ? Dire personne serait peut-être faire injure à ce romancier qui possédait déjà à son actif une centaine de romans. Mais il est vrai qu'il était plus connu sous son nom d'emprunt d'Alain Page, un des auteurs phares des éditions Fleuve Noir, dans les collection L'Aventurier (14 titres), Espionnage La-Piscine.jpgavec son personnage récurrent de Calonne (40 titres), et Spécial Police (39 titres), et ce jusqu'en 1972. Sans oublier 4 romans d'espionnage aux éditions de l'Arabesque à la fin des années 50 sous l'alias d'Alain Ray. Donc Jean-Emmanuel Conil, signant sous son véritable patronyme, souhaitait peut-être changer d'image de marque, de tourner la page, de se distancier du Fleuve Noir afin d'entamer une nouvelle carrière, mais ce ne sera qu'un coup d'épée dans l'eau. Le nom d'Alain Page lui colle trop à la peau. D'autres romans suivront chez divers éditeurs, dont le célèbre Tchao Pantin, que Claude Berry adaptera au cinéma en 1983. Et ces deux romans, La Piscine et Tchao Pantin, ont totalement occulté l'œuvre d'Alain Page, à son grand regret. Comme il me l'a expliqué dans un entretien que vous pouvez retrouver ici.

Tous les ingrédients sont là pour se croire plongé dans un vaudeville mais c'est un drame qui se joue. Deux couples évoluent dans cette histoire, deux hommes et deux femmes. Mais il existe toutefois une différence.

Riche, jeune et beau, Jean-Claude rêvasse au bord de la piscine de piscine.jpgsa propriété située sur les hauteurs de Saint-Tropez. Sa fortune, il l'a obtenue en héritage et il la gère en dilettante. Depuis trois ans il vit avec Marianne, sa compagne, sa concubine, sa maîtresse. A Saint-Tropez, tout le monde appelle Marianne madame Leroy, mais à Paris chacun possède son appartement. Prélassement donc auprès de la piscine, avec verre d'alcool et glaçons à portée de main et cigarette sur cigarette, afin de tuer le temps. Marianne arrive, sensuelle, les deux amants se jaugent puis entament ce qui pourrait être une sieste crapuleuse sous le soleil, accompagnée du chant des oiseaux et du crissement des cigales.

Marianne lui annonce que Harry va bientôt arriver, accompagné de sa fille. Jean-Claude se souvient bien de Pénélope, une adolescente en bouton, d'acné. Une gamine falote. Soudain des coups de klaxon déchirent l'air et les séparent alors que les travaux d'approche allaient se concrétiser. C'est Harry qui arrive, débordant d'énergie comme à son habitude accompagnée d'une sublime jeune fille.

La-Piscine-31604_3.jpgHarry c'est un vieux copain, un peu fauché, beaucoup désinvolte, séducteur impénitent qui change de maîtresses, toujours des jeunes filles, plus vite qu'il change de draps. Harry, c'est aussi l'ex de Marianne, son amant avant de faire la connaissance de Jean-Claude. Leur séparation n'a pas entamé leur amitié, d'ailleurs c'est Marianne qui a invité Harry.

Si Jean-Claude n'apprécie guère cette intrusion dans une intimité distendue, il est subjugué par cette jeune fille qui a perdu ses boutons et ne demande qu'à éclore. Car il s'agit bien de Pénélope, qui ne voit son père que deux ou trois fois dans l'année, qui se dresse devant lui. Le drame couve sous la chaleur du soleil, l'atmosphère est étouffante, les verres les bienvenus. Et la fleur de Pénélope va se faner au contact de Jean-Claude.

Harry est un fêtard, et c'est en rentrant légèrement éméché une nuit d'un club chic du port, qu'il va apprendre que sa fille, qu'il délaisse il faut en convenir, n'est plus une jeune fille. Comme une provocation de Jean-Claude. Et de faux mouvements en vrai plongeon dans la piscine, en interprétations de gestes erronés, Harry va boire le bouillon, son dernier verre.

Un policier en provenance de Draguignan est chargé de recueillir les témoignages, sil y en a, afin de déterminer s'il s'agit d'un suicide, d'un accident, d'un meurtre.

Dans ce roman psychologique qui joue plus sur les impressions, les dialogues, les non-dits, la lassitude peut-être de Jean-Claude, la jalousie, l'envie, les pensées secrètes des uns et des autres, la découverte de sentiments qui s'étaient délités, les scènes d'action sont rares. Tout repose sur la confrontation, l'affrontement de ces personnages qui jouent avec le feu. La seule note humoristique réside en ce personnage de policier qui possède un faux air d'un Columbo français. Il est vêtu d'un costume gris, élimé, tourne autour du pot, se sent comme un chien mouillé dans un jeu de quille. La ressemblance avec son homologue américain va jusqu'à copier ses tics.

Lévêque hésite, commence à s'éloigner. Il s'arrête soudain, paraît réfléchir, fait demi-tour.

- J'oubliais... M. Lannier n'avait rien dans ses poches.

Ceux qui ont vu le film et s'en souviennent, trouverons certaines divergences avec le roman, ou inversement. Dans sa préface Alain Page s'en explique ainsi :

Les adaptations cinématographiques de romans ou de scénarios subissent parfois des traitement linéaires, voire simplificateurs de la part de certains adaptateurs. Le lecteur sera peut-être surpris des quelques différences entre le livre et son adaptation.

Ceci n'est pas nouveau, et c'est bien pourquoi la lecture de ce roman peut se révéler un complément indispensable aux cinéphiles, et une découverte pour les autres.

 

La Piscine, film de Jacques Deray, réunissait Romy Schneider, Alain Delon, Maurice Ronet, Jane Birkin et Paul Crauchet. Scénario d'Jean-Emmanuel Conil. Adaptation et dialogues de Jacques Deray et Jean-Claude Carrière.


Alain PAGE : La Piscine. Cahier de 8 pages de photos extraites du film. Collection Un roman, un film culte. Editions Archipoche. Parution le 11 juin 2014. 256 pages. 12,00€.

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