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29 août 2016 1 29 /08 /août /2016 13:05

Le coma, c'est le burkini de la vie...

Frédéric DARD : Coma.

Tout le monde sait que Frédéric Dard et San Antonio ne sont qu'un seul et même auteur.

Souligner la différence de style, d'écriture, de sujets, de thèmes abordés, n'est qu'énoncer une lapalissade mainte fois évoquée, étudiée par des spécialistes autrement plus à même de le faire que moi-même.

Pourtant, à chaque relecture d'un de ces bons vieux romans des années 50 ou 60,je ne peux m'empêcher de regretter que Frédéric Dard n'ait pas continué dans cette veine. L'auteur de romans noirs s'est effacé derrière son double, derrière les histoires truculentes, gauloises, voire légèrement triviales signées San Antonio.

Frédéric Dard, c'est avant tout le roman noir, le roman de suspense dans lequel la psychologie des personnages est poussée à l'extrême, avec parfois une pointe de non-sens, et au fil des rééditions c'est la découverte d'un auteur qui ne s'est pas totalement exprimé, vampirisé par le commissaire chéri de ses dames.

Pourtant ces œuvres atteignent une densité d'évocation, une sensibilité à fleur de peau, qui font que sa production littéraire ne peut être cantonnée dans le domaine restreint du roman policier.

Il faut lire, ou relire, des œuvres telles que La Crève, Le sang est plus épais que l'eau, Les Salauds vont en enfer, Délivrez-nous du mal...

 

Coma est un véritable drame dans lequel le narrateur, scénariste de cinéma venu en repérage à Hambourg, s'engluera.

Dans le train qui le mène à Hambourg, Jean Lecoeur fait la connaissance d'une belle jeune femme prénommée Gertrud qui lui montre la photo de sa sœur défigurée.

Victime de sa galanterie, et d'un début de passion pour la belle inconnue, il tombe du train, une chute amortie par la neige, et se réveille les deux jambes dans le plâtre.

Minna, la sœur défigurée, tombe amoureuse de Jean, tandis que celui-ci se consume pour Gertrud.

Ce pourrait n'être qu'un banal roman d'amour à la Delly, mais c'est sans compter sur l'art narratif machiavélique de Frédéric Dard.

 

Première édition Collection Spécial Police n°185. Editions Fleuve Noir. Parution 1959.

Première édition Collection Spécial Police n°185. Editions Fleuve Noir. Parution 1959.

Réédition Fleuve Noir collection Dard. 1977.

Réédition Fleuve Noir collection Dard. 1977.

Réédition Pocket avril 1990.

Réédition Pocket avril 1990.

Frédéric DARD : Coma. Collection Pocket Noir. Editions Pocket. Parution 25 février 2016. 6,30€. 224 pages.

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19 mars 2016 6 19 /03 /mars /2016 11:13

La mer sans arrêt, roulait ses galets...

Stanislas PETROSKY : L'amante d'Etretat.

Noyer son chagrin dans l'alcool occasionne des retours de bâtons et des crises de foie. Surtout lorsque l'intempérance est liée à des prises de médicaments en surnombre.

Isabelle, vingt ans, découvre une fois de plus sa mère dans les vignes du Seigneur, et la vendange est quasi prête. Aline Mergis est hospitalisée en urgence, et comme les toubibs l'avaient annoncé, elle ne passe pas la nuit.

Il est vrai qu'Aline Mergis n'avait pas une vie heureuse. Son mari ne dédaignait pas les bouteilles et lui tapait dessus à tout de bras. A force de taquiner le flacon il était passé sous un train. Aline aurait pu être délivrée d'un mari brutal, au contraire elle était tombée en dépression. Elle l'aimait malgré tout. Isabelle avait connu cet épisode, consignant durant son adolescence dans un cahier les brutalités paternelles, la déchéance de sa mère.

Isabelle est encore étudiante et elle est démunie. Financièrement et moralement. Pourtant elle accepte la proposition de l'ordonnateur des pompes funèbres, préparer le corps de sa mère par un thanatopracteur. Sa vocation est toute trouvée. Finies les études de comptabilité, elle va devenir elle aussi thanatopracteuse. Et elle demande d'effectuer un stage de découverte en compagnie de Frédéric, le fils de l'ordonnateur, et de fil en aiguille, les deux jeunes gens s'aperçoivent qu'ils se plaisent et plus si affinités.

Et Frédéric et Isabelle se complètent si bien qu'ils travaillent ensemble, comme thanatopracteurs, qu'ils se marient, qu'ils... n'ont pas encore d'enfants. Ils décident d'acheter une maison à Etretat, loin du lieu de travail au Havre, mais loin également des parents de Frédéric qui pensaient à un meilleur parti pour leur fils.

Seulement Frédéric est un adepte assidu de la planche à voile, et il sacrifie volontiers à sa passion, même lorsque le temps n'y est pas favorable. Et un jour Frédéric oublie de rentrer, emporté par le vent, les embruns, les vagues, une sirène peut-être... Le corps n'est pas retrouvé, seules quelques reliques viennent s'échouer sur la plage. Isabelle tombe elle aussi en dépression, et ce ne sont pas les parents de Frédéric qui vont l'aider à remonter la pente sur laquelle elle se laisse doucement glisser.

Elle aménage dans leur jardinet un jardin du souvenir, un peu façon jardin japonais, avec des bambous qui la protègent des regards des voisins, et elle passe son temps dans ce petit enclos où elle dort.

 

L'Amante d'Etretat pourrait être une charmante et misérabiliste bluette à la Delly, un roman à l'eau de rose trempé dans le formol. C'est sans compter sur l'esprit machiavélique de Stanislas Petrovski qui nous offre un épilogue à double détente et un beau portrait de femme.

Isabelle n'a pas eu une enfance heureuse, mais elle ne se plaint pas. Son carnet intime lui sert d'exutoire durant de longues années. Pourtant elle trouve enfin le bonheur, avec Frédéric, même si cette rencontre est fortuite. Sans le décès de sa mère, surtout dans ce genre de circonstances, peut-être que la vie aurait été autre. Mais ce qui est frappant chez Isabelle, c'est cet amour fusionnel qu'elle ressent envers Frédéric. Surtout lorsqu'il est parti, noyé, que son corps n'est pas retrouvé, et qu'elle importune tous les jours la gendarmerie afin de savoir s'il y a du neuf.

Elle entreprend une longue descente aux enfers afin que l'image de Frédéric perdure, entretenue par ce jardin du souvenir qu'elle protège avec cet amour porté au paroxysme. Elle frôle la folie mais comme dans toute histoire d'amour, il y aura un élément déclencheur. Dans quel sens ? Les histoires d'amour finissent mal en général, comme chantaient les Rita Mitsouko, mais il peut y avoir des exceptions. Ou non.

Stanislas Petrosky entrouvre une autre facette de son talent, tout en sensibilité mais pas en sensiblerie ni en mièvrerie.

 

Stanislas PETROSKY : L'amante d'Etretat. Collection Parabellum. Editions L'Atelier Mosesu. Parution le 27 février 2016. 124 pages. 8,00€. Version numérique : 5,99€.

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18 mars 2016 5 18 /03 /mars /2016 09:30

Une idée comme une autre. Pour certains, c'était en 2 CV, en 4 L ou en Ami 8...

CHEFDEVILLLE : L'amour en super 8.

Parfois, un livre, une fois lu et refermé, laisse pantois, dubitatif et perplexe. Pour de multiples raisons. C'est ce qui m'arrive avec cet Amour en super 8, car je me demande toujours s'il s'agit d'un roman ou d'une autobiographie.

Car franchement, certaines scènes, certains épisodes, certains personnages relèvent de la pure fiction. Impossible de s'imaginer que tout ce qui est décrit ce soit réellement déroulé.

Dans le même temps, la force d'écriture, de persuasion dans la description de certaines scènes, certains épisodes, certains personnages, obligent le lecteur à se demander si tout cela n'est pas tiré d'expériences personnelles de la part de l'auteur, qui d'ailleurs, il ne s'en cache pas, se met directement dans la peau du personnage principal. Chefdeville se montre convaincant dans ses démêlés et l'on prend à plaindre l'auteur d'avoir subi autant d'avanies (et framboise).

 

Panique à bord : Chef vient de procéder à une miction rouge. Sûr qu'il couve quelques chose, on ne pisse pas du sang pour rien. Réflexion faite et après un séjour à l'hosto, trois jours de coma éthylique, il s'avère que c'est moins grave que ce qu'il augurait. Il aurait dû se douter qu'après avoir mangé un saladier de betteraves rouges, une réaction physiologique se serait produite, influent sur la couleur de ses urines. Plus grave, Chef est atteint d'amnésie passagère. Son intempérance liée à une consommation excessive de cachets lui joue des tours de mémoire.

Chef est un ancien photographe qui connu son heure de gloire. Aujourd'hui il est dans le creux de la vague à cause d'un mascaret d'alcool. Il se connecte souvent sur des sites comme Nozana, hébergeur de photos sur lequel il met ses clichés en vente, ou encore Assbuck, site d'amis qui se pressent sur son mur. Il avait sorti un livre également, une compilation de photos d'écrivains ratées, ou photos ratées d'écrivain, qui lui avait valu un joli succès. Un incident de parcours, et il est devenu dipsomane, lui occasionnant des pertes passagères de mémoire.

Trop de Assbuck tue le social et le meilleur des réseaux c'est encore celui des bars. Au bistrot 12 où il a ses habitudes, il consomme. Mais après il faut régler l'addition. C'est ainsi qu'en cherchant dans son portefeuille, dans une toute petite poche, il découvre un billet, tiens il ne se rappelait l'avoir mis là, et une photo. Un photomaton, plus exactement. Il ne connait la jeune femme ni des lèvres, ni des dents, mais c'est comme s'il venait de recevoir une décharge électrique. Deux indications : 2005 et Ruby's. Avec ça il ne va pas aller loin, et pourtant il ne sait pas quel long chemin il va parcourir à cause, ou grâce à ce cliché.

Le professeur Cary pourtant l'a prévenu, si Chef continue à s'imbiber ainsi, il ne pourra plus rien contre le delirium tremens (ferait mieux de préciser très épais !) qui guette son client surchargé en Gamma GT. Sans compter sur le syndrome de Korsakoff qui justement à tendance à tout lui faire oublier.

Sauf le rendez-vous que Chef a avec une huile du Ministère de la Culture (si, ça existe !) et qui pourrait déboucher sur une relance de sa carrière. La rencontre doit avoir lieu à la Panacée, un musée d'art contemporain situé dans l'ancienne fac de pharmacie montpelliéraine. L'homme lui commande officiellement un documentaire en hommage à Nicéphore Niepce, l'inventeur de la photographie. La pellicule commence à défiler dans la tête de Chef qui entrevoit déjà des possibilités, un tournage en Super 8, comme au bon vieux temps.

Invité à une expo parisienne par son ami Slo, Chef fait la connaissance d''une charmante jeune femme, Ombeline, dont il tombe amoureux tout de suite, et même aussitôt, et qu'il engage pour finaliser son projet. Et ils redescendent sur Montpellier, car le travail dont est chargé Chef n'attend pas. Parallèlement et concomitamment, Chef décide d'enquêter sur l'origine du Photomaton, car cette photo, ou plutôt celle qui figure dessus, le poursuit. C'est ainsi qu'il se rend au Ryby's une vieille boîte de nuit, un ancien cabaret, aujourd'hui fermé. Il s'infiltre toutefois à l'intérieur de l'établissement et découvre une mallette en piteux état qui renferme des négatifs, eux aussi en piteux états. Il les restaure tant bien que mal et il a alors l'idée de s'en servir.

 

Chefdeville court derrière une chimère... Ses souvenirs sont noyés dans l'ombre, comme les jeunes filles de David Hamilton étaient exposées dans un flou artistique, et il est difficile de démêler le vrai du faux dans cette intrigue qui se développe peu à peu et prend consistance comme un polaroïd sépia. De temps à autre des bribes de souvenirs remontent à la surface, mais souvent ce sont des bulles nauséabondes. Pourtant il y a eu des bons moments. Avec ses filles notamment. Mais l'alcool, qui paraît-il conserve, a dilué ses relations et ses souvenirs.

C'est le plus personnel, à mon avis, des romans de Serguei Chefdeville, alias Serguei Dounovetz, qui avec ces deux noms, entretient une image double du narrateur, un jeu de miroir non seulement avec le lecteur mais également avec lui-même.

 

- Je me méfie des buveurs d'eau. Ce sont des gens coincés qui n'aiment pas la vie. Ou alors des sportifs, ce qui est pire.
- Et ceux qui n'en boivent jamais. Ils grillent leur vie et celle de leur proche.
- Discours de moraliste maurrassien. Je bois plus d'eau que toi, Riton.
- Oui, mais jamais sans pastis.
- C'est pour lui donner du goût. J'honore l'eau.

CHEFDEVILLLE : L'amour en super 8. Editions Le Dilettante. Parution le 9 mars 2016. 288 pages. 17,50€. Version numérique : 8,49€.

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  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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