Une idée comme une autre. Pour certains, c'était en 2 CV, en 4 L ou en Ami 8...
Parfois, un livre, une fois lu et refermé, laisse pantois, dubitatif et perplexe. Pour de multiples raisons. C'est ce qui m'arrive avec cet Amour en super 8, car je me demande toujours s'il s'agit d'un roman ou d'une autobiographie.
Car franchement, certaines scènes, certains épisodes, certains personnages relèvent de la pure fiction. Impossible de s'imaginer que tout ce qui est décrit ce soit réellement déroulé.
Dans le même temps, la force d'écriture, de persuasion dans la description de certaines scènes, certains épisodes, certains personnages, obligent le lecteur à se demander si tout cela n'est pas tiré d'expériences personnelles de la part de l'auteur, qui d'ailleurs, il ne s'en cache pas, se met directement dans la peau du personnage principal. Chefdeville se montre convaincant dans ses démêlés et l'on prend à plaindre l'auteur d'avoir subi autant d'avanies (et framboise).
Panique à bord : Chef vient de procéder à une miction rouge. Sûr qu'il couve quelques chose, on ne pisse pas du sang pour rien. Réflexion faite et après un séjour à l'hosto, trois jours de coma éthylique, il s'avère que c'est moins grave que ce qu'il augurait. Il aurait dû se douter qu'après avoir mangé un saladier de betteraves rouges, une réaction physiologique se serait produite, influent sur la couleur de ses urines. Plus grave, Chef est atteint d'amnésie passagère. Son intempérance liée à une consommation excessive de cachets lui joue des tours de mémoire.
Chef est un ancien photographe qui connu son heure de gloire. Aujourd'hui il est dans le creux de la vague à cause d'un mascaret d'alcool. Il se connecte souvent sur des sites comme Nozana, hébergeur de photos sur lequel il met ses clichés en vente, ou encore Assbuck, site d'amis qui se pressent sur son mur. Il avait sorti un livre également, une compilation de photos d'écrivains ratées, ou photos ratées d'écrivain, qui lui avait valu un joli succès. Un incident de parcours, et il est devenu dipsomane, lui occasionnant des pertes passagères de mémoire.
Trop de Assbuck tue le social et le meilleur des réseaux c'est encore celui des bars. Au bistrot 12 où il a ses habitudes, il consomme. Mais après il faut régler l'addition. C'est ainsi qu'en cherchant dans son portefeuille, dans une toute petite poche, il découvre un billet, tiens il ne se rappelait l'avoir mis là, et une photo. Un photomaton, plus exactement. Il ne connait la jeune femme ni des lèvres, ni des dents, mais c'est comme s'il venait de recevoir une décharge électrique. Deux indications : 2005 et Ruby's. Avec ça il ne va pas aller loin, et pourtant il ne sait pas quel long chemin il va parcourir à cause, ou grâce à ce cliché.
Le professeur Cary pourtant l'a prévenu, si Chef continue à s'imbiber ainsi, il ne pourra plus rien contre le delirium tremens (ferait mieux de préciser très épais !) qui guette son client surchargé en Gamma GT. Sans compter sur le syndrome de Korsakoff qui justement à tendance à tout lui faire oublier.
Sauf le rendez-vous que Chef a avec une huile du Ministère de la Culture (si, ça existe !) et qui pourrait déboucher sur une relance de sa carrière. La rencontre doit avoir lieu à la Panacée, un musée d'art contemporain situé dans l'ancienne fac de pharmacie montpelliéraine. L'homme lui commande officiellement un documentaire en hommage à Nicéphore Niepce, l'inventeur de la photographie. La pellicule commence à défiler dans la tête de Chef qui entrevoit déjà des possibilités, un tournage en Super 8, comme au bon vieux temps.
Invité à une expo parisienne par son ami Slo, Chef fait la connaissance d''une charmante jeune femme, Ombeline, dont il tombe amoureux tout de suite, et même aussitôt, et qu'il engage pour finaliser son projet. Et ils redescendent sur Montpellier, car le travail dont est chargé Chef n'attend pas. Parallèlement et concomitamment, Chef décide d'enquêter sur l'origine du Photomaton, car cette photo, ou plutôt celle qui figure dessus, le poursuit. C'est ainsi qu'il se rend au Ryby's une vieille boîte de nuit, un ancien cabaret, aujourd'hui fermé. Il s'infiltre toutefois à l'intérieur de l'établissement et découvre une mallette en piteux état qui renferme des négatifs, eux aussi en piteux états. Il les restaure tant bien que mal et il a alors l'idée de s'en servir.
Chefdeville court derrière une chimère... Ses souvenirs sont noyés dans l'ombre, comme les jeunes filles de David Hamilton étaient exposées dans un flou artistique, et il est difficile de démêler le vrai du faux dans cette intrigue qui se développe peu à peu et prend consistance comme un polaroïd sépia. De temps à autre des bribes de souvenirs remontent à la surface, mais souvent ce sont des bulles nauséabondes. Pourtant il y a eu des bons moments. Avec ses filles notamment. Mais l'alcool, qui paraît-il conserve, a dilué ses relations et ses souvenirs.
C'est le plus personnel, à mon avis, des romans de Serguei Chefdeville, alias Serguei Dounovetz, qui avec ces deux noms, entretient une image double du narrateur, un jeu de miroir non seulement avec le lecteur mais également avec lui-même.
- Je me méfie des buveurs d'eau. Ce sont des gens coincés qui n'aiment pas la vie. Ou alors des sportifs, ce qui est pire.
- Et ceux qui n'en boivent jamais. Ils grillent leur vie et celle de leur proche.
- Discours de moraliste maurrassien. Je bois plus d'eau que toi, Riton.
- Oui, mais jamais sans pastis.
- C'est pour lui donner du goût. J'honore l'eau.
CHEFDEVILLE : Je me voyais déjà... - Les Lectures de l'Oncle Paul
La vie est un long chemin difficultueux, semé d'embûches de toutes sortes, et parfois il est bon de s'arrêter sur l'un des bancs placés le long de la berme afin de s'y reposer et de regarder, n...
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Avec la mort en libre-service... L'univers littéraire de Serguei Dounovetz est noir et ne possède aucune rémission. Ou presque. Les protagonistes subissent les aléas de la vie, ou les provoquen...
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CHEFDEVILLLE : L'amour en super 8. Editions Le Dilettante. Parution le 9 mars 2016. 288 pages. 17,50€. Version numérique : 8,49€.