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30 juin 2020 2 30 /06 /juin /2020 04:31

Satan m’habite ?

Sheridan LE FANU : Le baron hanté

Supposons que nous ne sommes que tous les deux, vous le lecteur, et moi le scripteur. Fermez les yeux.

Imaginez un petit village, entouré de bois et de montagnes. Dans ce village, une auberge accueillante. Dans la cheminée crépite un feu de bois guilleret. Trois ou quatre personnes devisent calmement.

Il paraîtrait que Sir Bale Mardyke reviendrait au pays, après de longues années d’absence.

Sur le lac plane une étrange légende : celle de la femme noyée. Mais au fait, la femme noyée, n’était-elle pas de la même famille que Philipp Feltram, secrétaire de Sir Bale ? Et ne serait-ce point un ancêtre de Sir Bale qui serait à l’origine de la noyade de la jeune femme ? Une rumeur, une légende.

Et le lac, omniprésent dans toutes les conversations. Et le lac immuable, aux profondeurs insondables. Certains auraient même vu une main sortir des ondes et happer le voyageur imprudent.

Racontars que tout ça. N’empêche que Philipp Feltram, ce compagnon triste et réservé de Sir Bale, s’est aventuré sur le lac et qu’il est mort noyé. Le docteur constate même la rigidité cadavérique.

Un lac, ce n’est jamais qu’un miroir, un reflet. Où est l’original, où est le reflet.

 

Shéridan Le Fanu est surtout connu en France grâce à Carmilla, son œuvre le plus souvent citée. D’autres livres ont pourtant traversé le Channel, comme Le fantôme de Madame Crowl, un recueil de nouvelles. Ou encore L’Oncle Silas.

Des romans ou nouvelles dans lesquels l’angoisse côtoie la terreur feutrée. A conseiller à tous ceux pour qui angoisse n’exclut pas poésie, à tous ceux qui aiment frissonner, mais qui n’apprécient pas forcément l’étalage sanguinolent de mauvais goût.

Autre édition : Le Hobereau maudit. Traduction de Jean-Louis Degaudenzi. Editions NEO. Parution novembre 1987.

Autre édition : Le Hobereau maudit. Traduction de Jean-Louis Degaudenzi. Editions NEO. Parution novembre 1987.

Sheridan LE FANU : Le baron hanté (The Haunted Baronet – 1870. Traduction de Alain Le Berre) Collection Terre étrangère. Editions Hatier. Parution septembre 1990. 248 pages.

ISBN : 2-218-02764-X

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21 septembre 2019 6 21 /09 /septembre /2019 04:56

Ou Ivre de sang ?

Clive BARKER : Livre de sang

Qu’ils sont bien loin les contes de notre enfance, avec leurs elfes, leurs sorcières, leurs magiciens, leurs animaux fantastiques, leurs châteaux hantés, leurs fantômes…

De nos jours, de plus en plus, la littérature fantastique est axée sur la terreur, l’épouvante, le sang et la violence. Signe des temps peut-être, où justement la violence et le sang se retrouvent quotidiennement dans les rues, les stades, les supermarchés, les endroits publics.

Finie la poésie d’un Peter Pan jouant de la flûte ou livrant un combat homérique au Capitaine Crochet, fini les mondes parallèles de Prince Caspian.

Maintenant, c’est l’horreur, l’horreur au quotidien que se plaisent à nous décrire les nouveaux maîtres du fantastique.

Témoin ce recueil de nouvelles de Clive Barker paru dans la collection Spécial Fantastique que venaient de créer les Editions Albin Michel.

Horreur morbide et sanguinaire, la première de ces nouvelles, Le train de l’abattoir, en est l’exemple parfait : boucher singulier officiant dans le métro new-yorkais et qui se perpétue dans La Truie : prisons de délinquants adolescents dont le pôle d’attraction est une ferme, ou encore dans Dans les collines, les cités, duel grandiose entre deux cités.

Peu d’humour dans ces récits sauf peut-être dans Jack et le Cacophone, combat entre un homme et un démon qui aspire à s’élever dans la classe sociale démoniaque.

Mais les spectres (indispensables !) ne sont pas oubliés et Les feux de la rampe nous en présente des échantillons qui savent se tenir en scène.

 

Ce livre est à déguster nouvelle après nouvelle, à petites doses afin d’en sentir pleinement tous les frissons distillés par Clive Barker.

 

Sommaire :

1 - Le Livre de sang (The Book of Blood), pages 9 à 29.

2 - Le Train de l'abattoir (The Midnight Meat Train), pages 31 à 74.

3 - Jack et le Cacophone (The Yattering and Jack), pages 75 à 109.

4 - La Truie (Pig Blood Blues), pages 111 à 160.

5 - Les Feux de la rampe (Sex, Death and Starshine), pages 161 à 221.

6 - Dans les Collines, les Cités (In the Hills, the Cities), pages 223 à 270.

 

Clive BARKER : Livre de sang (Clive Barker's Book of blood. volume 1. 1984. Traduction de Jean-Daniel Brèque). Collection Spécial Fantastique. Editions Albin Michel. Parution septembre 1987. 276 pages.

Nombreuses rééditions, notamment chez J’Ai Lu.

ISBN : 2-226-03136-7

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15 mars 2019 5 15 /03 /mars /2019 13:56

Appartements luxueux disponibles dans une maison de retraite tranquille, sans vis-à-vis,

avec vue directe sur la mort….

BERMA : Un festin de rats.

La maison de retraite Les Ormes n’accueille que des pensionnaires plus qu’aisés, mais les prestations le justifient amplement. Repas soignés, personnel aux petits soins, que demander de plus !

Louise Beaupréau, l’une des pensionnaires, aime se rendre dans le château voisin qui est inhabité. Et elle nourrit quelques rats grâce aux morceaux de bourguignon qu’elle achète chez les bouchers du village. Mais ceux-ci commencent à se poser des questions car il est de notoriété publique qu’on ne crève pas de faim aux Ormes.

Elle a donné des petits noms à ces mammifères rongeurs omnivores, Arthur, Jérôme, Romain… qui apprécient ces bienfaits prodigués sans compter. Ils viennent même, pour les plus courageux, s’installer sur ses genoux, comme le ferait un chat.

Cette intrusion dans une propriété privée intrigue Mathilde, une autre résidente, et mauvaise langue attitrée. Louise n’apprécie pas du tout cette incursion dans sa petite vie tranquille et elle se débarrasse de Louise en lui faisant subir quelques sévices et offrant son corps à ses petits protégés. Faut bien qu’ils mangent, quand même !

Mais sous les sourires et les aimables propos du directeur des Ormes, Christian Varoujan, se cache une personne avide de se constituer une cagnotte. Sa femme Monique est dans la confidence, de même que le toubib attitré de l’établissement qui signe sans barguigner les actes de décès des pensionnaires, avec l’aval d’une parentèle qui n’attend qu’un arrêt du cœur pour s’approprier un héritage qui ne tombe pas assez vite dans leur escarcelle.

Les arrangements avec la vie des pensionnaires que préconise Christian Varoujan ne sont pas sans intriguer Louise Beaupréau qui se demande comment il se fait que de nombreux résidents disparaissent ainsi, malgré les explications données par le directeur toujours affable. Et débute alors une enquête avec cadavres à l’appui pour le plus grand bonheur de petits rats qui ne sont pas de l’Opéra.

 

Plus connu sous le pseudonyme d’Eric Verteuil, Berma n’a pas eu de mal à choisir son alias. Il s’agit tout simplement de la contraction des noms de cet auteur bicéphale : Alain BERnier et Roger MAridat.

Entre humour et torture, avec nombreux épisodes sanglants aux mises en scènes dignes du Grand Guignol, ce roman est un divertissement, et donc ne doit pas être pris à la lettre, même si cela arrangerait bien de nombreux EHPAD et familles. Une façon comme une autre de désengorger des établissements qui bien souvent ne se plient qu’à une logique comptable sans s’inquiéter réellement du bien-être de leurs résidents.

Une accumulation d’horreurs qui pourraient à la longue devenir pesants, voire pénibles pour les âmes sensibles, mais heureusement les auteurs se sont imités dans le nombre de pages. A lire sans idée préconçue en se disant qu’il y a bien pire.

 

Et pour tout connaître, ou presque sur Berma – Eric Verteuil :

 

BERMA : Un festin de rats. Collection Maniac N°2. Editions Patrick Siry. Parution septembre 1988. 160 pages.

ISBN : 2-7391-0009-4.

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21 février 2019 4 21 /02 /février /2019 05:31

Ah, les joies d’une sieste, non crapuleuse… !

Jean-Pierre ANDREVON : Ce qu’il y avait derrière l’horizon…

Lorsque Jo se réveille de sa sieste vespérale en cette fin d’après-midi d’un dimanche tranquille, auprès d’une rivière, alors que sa canne à pêche et surtout l’hameçon accroché au bout de la ligne attendent un poisson suicidaire, il pense avoir passé un après-midi calme et paisible, comme bien d’autres.

Pourtant le retour vers la grande ville ne se déroule pas exactement comme d’habitude. Aucun bruit ne trouble la sérénité du paysage. Il ne rencontre aucune âme qui vive, aucune voiture.

Silence et solitude semblent s’être donné la main. Cela ne l’inquiète guère, juste un certain trouble l’habite. Quelques trous de mémoire également. Comme des absences.

Mais chez lui, l’horreur l’attend. D’abord son fils qui inexplicablement tente de l’électrocuter, puis sa jeune fille, encore un bébé, qui le mord cruellement, puis sa femme qui elle aussi veut attenter à sa vie.

Mais la terreur ne fait que commencer et tout bascule comme s’il était entré dans un monde parallèle.

Le héros se débat contre des entités qu’il ne peut maîtriser. Il ne doit son salut que dans la fuite. C’est l’incompréhension la plus totale qui le guide.

 

Débutant de façon fort bucolique, l’angoisse s’installe très vite dans ce roman de Jean-Pierre Andrevon.

Malheureusement, l’épilogue ne concrétise pas tous les espoirs, toutes les promesses du début et le lecteur ressort légèrement frustré de cette histoire.

 

Réédition : Collection Anticipation N°1836. Editions Fleuve Noir. Parution septembre 1991. 192 pages.

Réédition : Collection Anticipation N°1836. Editions Fleuve Noir. Parution septembre 1991. 192 pages.

Réédition L’Atelier de Presse. L’Atelier du Futur. Parution 2008.

Réédition L’Atelier de Presse. L’Atelier du Futur. Parution 2008.

Jean-Pierre ANDREVON : Ce qu’il y avait derrière l’horizon… Collection Science Fiction n°2. Editions Patrick Siry. Parution septembre 1988. 160 pages.

Réédition : Collection Anticipation N°1836. Editions Fleuve Noir. Parution septembre 1991. 192 pages.

Réédition L’Atelier de Presse. L’Atelier du Futur. Parution 2008.

ISBN : 2-7391-0001-9

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10 janvier 2019 4 10 /01 /janvier /2019 05:02

Ceci n’est pas pour les végans… !

Serge BRUSSOLO : Les écorcheurs.

Les caisses du royaume sont vides et pour les renflouer, il n’y a qu’une solution : aller chercher les trésors où ils se trouvent, c’est-à-dire au fond de l’océan.

Un vieux navire est spécialement affrété mais ce bâtiment traîne derrière lui une réputation peu flatteuse. De plus son château arrière est construit de bric et de broc. Ses sculptures proviennent d’un théâtre désaffecté Grand Guignol pour pervers, ou encore d’une église dédiée à Saint Goom l’Irradié.

En guise de figure de proue est clouée une caricature monstrueuse, un gorille de métal ancien automate. L’on ne peut pas dire que soient réunies les conditions idéales d’une calme croisière.

Pourtant un jeune adolescent épris d’aventures et de liberté n’est pas découragé, et il embarque sur cette nef dont l’équipage n’est qu’un ramassis de malandrins, et dont le capitaine apparemment ne connait rien à la navigation.

Seul le quartier-maître possède l’autorité nécessaire et les notions de navigation indispensables à un voyage sans problèmes. Sans problèmes ai-je écrit ? C’est sans compter avec les éléments incontrôlables qui hantent le navire.

Et vogue la galère parmi l’horreur, l’angoisse et l’épouvante.

 

Dans un entretien accordé au magazine L’écran fantastique, Serge Brussolo avoue que son adolescence a été bercée par les romans d’aventures. Repris par son démon, il a décidé d’écrire, je cite :

Une SF folle, qui utilise de bonnes idées délirantes avant de les rationaliser dans une espèce de logique absurde afin d’en faire quelque chose de crédible. J’utilise une SF où tout s’interpénètre : le surréalisme, le fantastique et le roman policier.

Fin de citation.

En lisant Les écorcheurs, j’ai eu l’impression parfois de retrouver Pierre Mac Orlan et Jean Ray dans certains de leurs écrits. Je ne sais pas s’ils influencèrent Serge Brussolo, mais quoiqu’il en soit, le délire littéraire qui habite cet auteur en fait l’un des grands Angoisseurs français.

Serge BRUSSOLO : Les écorcheurs. Collection Science-fiction N°1. Patrick Siry éditeur. Parution septembre 1988. 160 pages.

ISBN : 2-7391-0000-0

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4 janvier 2019 5 04 /01 /janvier /2019 05:14

Cela devient de plus en plus difficile à trouver !
Pas les jeunes filles, mais les sourires fragiles !

Pierre PELOT : Une jeune fille au sourire fragile.

Afin d’écrire en toute tranquillité un scénario et parce que son ménage bat de l’aile, Kate a décidé de s’exiler provisoirement dans un petit village vosgien.

Adieu les turbulences, les trépidations de la vie parisienne. Bonjour la quiétude, le calme.

La jeune femme qui l’accueille à sa descente de train et qui lui loue un appartement au fond d’une impasse a un comportement quelque peu bizarre. Mais peut-être n’est-ce dû qu’à des soucis ? Certaines manifestations entretiennent sensation, cette impression de malaise, de bizarrerie.

Un trousseau de clés déposé au bas de l’escalier, des traces de boue sur les marches de l’escalier menant à l’étage supérieur, un appartement qui semble attendre une improbable occupante.

Kate peu à peu va vivre une aventure incroyable au contact de sa logeuse.

 

Pierre Pelot est fidèle à ses thèmes et à sa région : les Vosges. Dans une ambiance déroutante, insidieusement le fantastique, l’angoisse, l’horreur s’installent, chassant la banalité du quotidien, alors que la pluie ne cesse de tomber.

Entre les deux femmes pourrait naître une troublante amitié mais l’ombre d’une sœur défunte plane sur leurs relations.

Pierre Pelot tisse son histoire comme une araignée sa toile, sans précipitation, avec naturel, avec talent. Un fantastique presque banal dont les artifices sont exclus. Comme un rêve dont on a du mal à se débarrasser et qui s’accroche tout au long de la journée dans un esprit enfiévré.

Un rêve ou un cauchemar !

Collection Présence du Fantastique N°20. Denoël. Parution mai 1991.

Collection Présence du Fantastique N°20. Denoël. Parution mai 1991.

Ce roman a été réédité dans la collection Présence du Fantastique dans une version remaniée et améliorée en mai 1991.

Pierre PELOT : Une jeune fille au sourire fragile. Collection Science-fiction N°6. Editions Patrick Siry. Parution septembre 1988. 160 pages.

Réédition : Collection Présence du Fantastique N°20. Denoël. Parution mai 1991. 224 pages.

ISBN : 2-7391-0005-1

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21 décembre 2018 5 21 /12 /décembre /2018 05:30

Un titre Célinien...

BEHEMOTH : Voyage au bout du jour.

Depuis la mort de sa femme, Philippe, expert-comptable dans une grosse société, est complètement désemparé.

A tel point que son patron lui enjoint d'aller se reposer quelques jours aux frais de la princesse.

Alors il vadrouille, mais ne prend aucun plaisir à son périple breton qui le mène jusqu'à Brest. Là, dans un café crasseux, minable, il fait la connaissance de Liane, la serveuse, une jeune fille désabusée, genre souillon attendant le Prince Charmant.

C'est l'escapade sur l'île d'Ouessant où ils recherchent leur second souffle et l'oubli. Et ce qui aurait pu être une lune de miel agréable se transforme en cauchemar.

Des pieuvres géantes sèment l'horreur, l'angoisse; l'épouvante.

Mais d'où viennent ces monstres marins ?

Et ce yacht noir qui croise au large, n'est-il pas une émanation de l'enfer ?

Des questions angoissantes, certes, mais des réponses encore plus terrifiantes.

 

Sous le pseudonyme de Béhémoth, l'auteur n'en est pas à son coup de maître. En effet il s'est fait connaître au Fleuve Noir sous les pseudos de Kââ et de Corsélien, mais son passage dans une jeune maison d'édition concurrente l'a obligé de changer d'alias.

C'est un auteur déroutant, irritant, à l'écriture et aux narrations en dents de scie. On ressort de ce livre un peu frustré en ayant l'impression d'être passé à côté d'un chef-d'œuvre de la littérature d'épouvante.

Il joue avec les nerfs, selon le principe de la douche écossaise, mais cela est peut-être dû à sa condition d'enseignant puisqu'il est professeur de philosophie politique.

Peut-être a-t-il rédigé rapidement cet opus, pressé par Patrick Siry qui montait sa maison d'édition après avoir quitté le Fleuve Noir, ou s'être fait débarqué, rameutant autour de lui quelques pointures de cet emblématique éditeur populaire. Ainsi que Gourdon, ce fabuleux dessinateur qui a tant œuvré pour le Fleuve Noir, lui apportant ses lettres de noblesse.

Ce roman a été réédité dans le volume 2 titré Corps et liens sous les noms de KAA/CORSELIEN chez Rivière blanche :

BEHEMOTH : Voyage au bout du jour. Collection Maniac N°3. Editions Patrick Siry. Parution septembre 1988. 160 pages.

ISBN : 2-7391-0010-8

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4 juillet 2017 2 04 /07 /juillet /2017 08:55

Corsélien : Encore, c'est bien !

CORSELIEN : Corps et liens. Tome 1.

Si la collection Angoisse n'avait pas été sabordée en 1974, nul doute que Pascal Marignac, alias Kââ, alias Corsélien, y eut trouvé refuge sans aucun problème et aucune contestation possible, car ses textes sont plus angoissants que Gore, même si pour ne pas déroger à la collection qui a accueilli ses romans il fallait quelques traces de sang et des cadavres démembrés.

Plaçant la plupart du temps ses intrigues dans la campagne profonde, ses textes n'étaient pas dépourvus de l'aspect bucolique que la ruralité mystérieuse engendre, mais ils s'imprégnaient de ce reliquat de superstition qui alimente les contes cruels anciens dans lesquels les animaux tenaient une place prépondérante, sans oublier l'horreur inhérente à ce genre littéraire. Car les contes de Perrault et confrères n'étaient pas si gentillets que ceux que les enfants sont habitués à lire. Ce sont des textes souvent édulcorés sans pourtant être niais.

 

Dans L'état des plaies, Daniel Riche, le directeur de la collection Gore, débutait sa préface ainsi :

Préface en forme de clin d'œil élitiste et cryptique

L'horreur peut-elle produire du beau ? Une poétique de l'effroi est-elle concevable ? Le Mal, l'Atroce, l'Abject sont-ils radicalement étrangers à "l'humaine condition" ? Forment-ils cette part de nous que la culture a reléguée à jamais dans les latrines de l'inconscient pour donner à l'âme l'illusion d'exister ?

Ou bien... ou bien quoi ?

La Bête indomptée, vorace et carnassière, n'attend-elle qu'un signe pour se manifester ? Est-ce le langage qui l'a rende muette ? Suffit-il de nous taire pour l'entendre à nouveau ?

Lisez ce livre au style âpre et désenchanté. On y parle de la Bête. Et l'on exhibe l'homme, sensuel et cruel, animal et trivial.

Et il termine sa préface par une citation de Lautréamont, extraite des Chants de Maldoror, chant premier :

Plût au ciel que le lecteur, enhardi et devenu monumentalement féroce comme ce qu'il lit, trouve, sans se désorienter, son chemin abrupt et sauvage à travers les marécages désolés de ces pages sombres et pleines de poison.

 

Ce brave Isidore Ducasse savait-il qu'un jour les textes de Corsélien seraient publiés avec ce que l'on pourrait appeler une prémonition ? Une affabulation du scripteur de cette chronique, qui a beau jeu de vouloir placer une concordance entre ce poète prisé par les Surréalistes et trois romans publiés d'abord dans une petite collection souvent décriée, et qui peuvent devenir des classiques au fil du temps, comme le sont les romans d'horreur et de terreur de Jean Ray et de Robert Bloch, sans oublier Rabelais et son Gargantua qui mangeait les pèlerins en salade.

La Bête évoquée par Daniel Riche, c'est bien sûr le spectre de cette fameuse Bête du Gévaudan qui se retrouve propulsé dans l'imaginaire de Corsélien, lorgnant entre légendes et réalité, dans L'état des plaies, mais c'est également le Grawli ou Graoully, symbole de la ville de Metz, Bête monstrueuse évoquée dans Retour du bal, à Dalstein.

 

Dans une collection déjantée, destinée à des adolescents friands de scènes fortes et élevés au Massacre à la tronçonneuse, les romans de Corsélien (et de quelques autres auteurs dont Gilles Bergal alias Gibert Gallerne ou Nécrorian alias Jean Mazarin dont les romans sont réédités chez Rivière Blanche)) s'élevaient au dessus d'un lot parfois poussif, souvent intéressant, ou franchement amusant comme les romans d'Eric Verteuil. Et il est juste et bon de rééditer ces textes qui ne se sont pas flétris avec le temps.

L'état des plaies. Angoisse N°48.

L'état des plaies. Angoisse N°48.

Bruit crissant du rasoir sur les os. N°61. Grand prix du roman gore du Festival d'Avoriaz 1988.

Bruit crissant du rasoir sur les os. N°61. Grand prix du roman gore du Festival d'Avoriaz 1988.

Retour au bal, à Dalstein. N°82.

Retour au bal, à Dalstein. N°82.

Plus une préface de Artikel Unbekannt, une présentation des trois romans par David Didelot, une interview de Corsélien et une nouvelle de Schweinhund.

 

Vous pouvez retrouver un excellent article de huit pages, signé Artikel Unbekannt, présentant des ouvrages de Kââ/Corsélien dans un numéro spécial de La Tête en Noir :

CORSELIEN : Corps et liens. Tome 1. Collection Noire N°89. Editions Rivière Blanche. Parution août 2016. 392 pages. 25,00€.

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22 avril 2016 5 22 /04 /avril /2016 13:34

L'enfer du miroir !

Eric VERTEUIL : Les horreurs de Sophie.

Les Malheurs de Sophie, film réalisé par Christophe Honoré avec dans les rôles principaux, Anaïs Demoustier, Golshifteh Farahani, Muriel Robin, est en salle depuis peu. C'est indubitablement un hommage à l'œuvre de la Comtesse de Ségur. Mais à la fin des années 1980, un duo d'auteurs se cachant sous le pseudonyme d'Eric Verteuil, avait proposé une parodie de ce roman que chacun de nous a lu avec béatitude durant notre enfance.

Les horreurs de Sophie est une joyeuse déformation, voire déviance de ce classique qui n'a rien perdu cette vêprée de sa fraîcheur.

 

Je m'appelle Sophie de Réan, j'ai vingt ans, je suis riche et belle. En fait, je suis très riche et très belle ! Mes yeux sont d'un gris étrange, mes lèvres bien dessinées laissent apparaître des dents éblouissantes qui me donnent envie de sourire même quand les plaisanteries de mes interlocuteurs me pousseraient plutôt à faire la moue.

Dans la vie j'ai tout ce que je veux et les gens heureux n'ayant pas d'histoire on peut se demander la raison pour laquelle j'écris ces souvenirs. La réponse est simple, j'ai une manie… enfin une passion et j'ai besoin d'en parler.

Il ne s'agit ni de musique, ni de peinture, ni de théâtre mais de quelque chose de plus rare, de plus précieux, de plus raffiné. Je prends du plaisir à punir mes semblables, j'aime leur faire du mal… en un mot, j'adore les torturer !

 

Ainsi débute ce roman dû un auteur bicéphale déguisé en mauvais petit diable qui s'est spécialisé dans la parodie et les titres approximatifs empruntés à des classiques de la littérature française, dont L'affaire du collier d'Irène, La veuve voyeuse, Le drame de chez Maxime, Abus roi ou encore A la recherche des corps perdus...

Sophie de Réan, une fillette charmante qui aime les animaux, les protège et n'a pas trouvé mieux que de se défouler en appliquant certains principes de la torture aux êtres considérés comme inférieurs, c'est-à-dire les manants, par elle et sa famille, ainsi qu'à tous ceux qui en général se mettent en travers de sa route.

Qui se douterait que cette gamine belle et sage, pétrie de bonnes intentions, à l'ingénuité touchante, parée de toutes les qualités, s'amuse comme une petite folle en dépeçant, mutilant, torturant des hommes, des femmes, des enfants, sous couvert de charité.

Elle déborde d'imagination, cette bougresse au grand cœur.

 

Un roman à lire comme un aimable divertissement, en se souvenant que les contes pour enfants sont parfois issus de contes pour grandes personnes et souvent ont été expurgés de leur caractère violent et amoral, comme par exemple Le Petit Chaperon Rouge.

Mais comme les médicaments, ce genre d'ouvrage est réservé aux enfants de plus de quinze ans, et sans dépasser la dose prescrite. Après il risque d'y avoir saturation ou accoutumance et cela risque d'influer sur le mental. D'ailleurs la collection Gore ne proposait que deux titres par mois, tandis que dans la même période la collection Anticipation s'enrichissait de six titres mensuels.

A signaler cette dédicace :

Avec notre admiration pour la Comtesse de Ségur qui, femme d'esprit, doit, dans l'autre monde, se divertir de notre vision Gore de ses héros (E.V.).

et cette épigraphe :

Je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées
La valeur n'attend pas le nombre des années
(Pierre Corneille).

 

Eric VERTEUIL : Les horreurs de Sophie. Collection Gore N°87. Editions Fleuve Noir. Parution mars 1989. 160 pages

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24 mars 2016 4 24 /03 /mars /2016 15:13

Un boulanger roulé dans la farine, du grain à moudre pour les médias.

Laurent MANTESE : Pont-Saint-Esprit. Les cercles de l'enfer.

En ce milieu du mois d'août 1951, Jacques, le narrateur, est de retour dans son village natal après une absence de trois ans, absence due à la poursuite de ses études à Lille.

Il réintègre sa chambre sous les toits, retrouvant avec plaisir les lieux et sa mère qui vit seule depuis le décès de son mari. Rien n'a changé ou presque.

A vingt-quatre ans, Jacques est encore célibataire, mais il a aperçu une ancienne condisciple, Julie, qu'il a connue sur les bancs de l'école et qui s'est muée en adorable jeune fille. Mais l'heure n'est guère au marivaudage car en ce 17 août la vie et la mort vont bousculer les habitudes des Spiripontains.

Des phénomènes étranges envahissent le corps et l'esprit de certains des habitants de la petite cité. Ils ressentent des troubles du comportement, sont atteints d'hallucinations, d'hystérie.

Se rendant dans un café, afin de boire un verre de lait et tenter de voir Julie, il peut constater certaines de ces manifestations sur des clients. L'un d'eux se plaint de dérangements intestinaux, l'autre regarde tout à coup le plafond et se conduit comme s'il venait de découvrir une bête monstrueuse, et son visage devient exsangue. Un gamin dans la rue est plié en deux et grimace affreusement. Ce sont les premiers symptômes qui vont bientôt prendre pour victimes quelques trois cents personnes. Certaines en décèderont dans de terribles souffrances. Et les animaux ne sont pas épargnés.

Le narrateur lui-même ressent certains troubles, mais sa jeunesse alliée au fait qu'il n'est à Pont-Saint-Esprit que depuis peu, font qu'il se remet assez vite, non sans en garder des séquelles. Tout comme la plupart des autres malades atteints de cette épidémie d'origine inconnue. Mais il sera dénombré toutefois environ une dizaine de morts.

Jacques assiste nuitamment de la fenêtre de sa chambre à de mystérieuses allées et venues, des hommes en noir décharnés, qui s'activent dans le cimetière voisin. Il croit les revoir les jours suivants, mais ne sont-ce que des visions provoquées par la maladie ?

Si le boulanger ne fut pas accusé de vive voix, il fut toutefois soupçonné d'être à l'origine de cette étrange épidémie. Tous ceux qui ont été atteints de cette forme d'intoxication s'approvisionnaient chez lui.

Inspiré par une affaire véridique, mais mettant en scène quelques protagonistes fictifs, Laurent Mantese a écrit un roman relevant du fantastique et de l'angoisse dans un contexte historique. Son personnage principal narre cet épisode, soixante ans après son déroulement, mais il se contente de relater ce qu'il a vu, entendu, constaté, ressentit, sans jeter l'opprobre sur qui que ce soit. Et avec le recul, les questions n'ont toujours pas eu de réponses. Un texte fort et émouvant complété par Jean-Pierre Favard dans son article : Pont-Saint-Esprit, autour de l'affaire du pain maudit.

En effet si Laurent Mantese traite ce sujet avec l'âme d'un poète torturé, Jean-Pierre Favard reconstitue cette affaire d'un point de vue historique. De nombreuses supputations ont été lancées, présence de mercure, rappel d'épidémies dans les siècles passés dont la fameuse Grande Peste, mais rien n'est définitif.

Et de temps à autre, Pont-Saint-Esprit est évoqué dans les médias au travers d'articles, recensés en fin de l'ouvrage, s'appuyant sur des recherches et des hypothèses. De nombreuses pistes furent explorées, mais certaines rapidement enterrées. Et comme le précise Jean-Pierre Favard, mais si cette piste fut rapidement abandonnée, c'est peut-être aussi, on peut l'imaginer, parce qu'elle constituait un risque majeur pour des intérêts économiques de tout premier plan.

Et l'on peut se poser moult questions notamment sur les agissements de certains ensemenciers, de laboratoires phytosanitaires et de décisions prises à Bruxelles. Mais chut, c'est top secret, et il y a trop d'argent en jeu pour vouloir remuer la vase.

 

Dans la même collection :

Laurent MANTESE : Pont-Saint-Esprit. Les cercles de l'enfer. Collection LoKhaLe N°2. Editions La Clef d'Argent. Parution 13 octobre 2015. 112 pages. 6,00€.

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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