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18 décembre 2014 4 18 /12 /décembre /2014 14:18

La malbouffe américaine n'est réservée qu'aux touristes étrangers, ou presque...

Nausica ZABALLOS: Mythes et gastronomie de l'Ouest américain : sur la route !

Cet ouvrage est né en partie à cause d'une constatation de l'auteur alors qu'elle est attablée dans un restaurant de la route 66 à Flagstaff dans le nord de l'Arizona.

Un car de touristes français sillonnant la région se gare sur le parking et alors qu'au menu sont affichés des plats traditionnels et familiaux hérités d'une culture mexicaine et navajo, c'est plat unique réservé par le voyagiste pour tous ces affamés : hamburger frites. Et tous de s'extasier sur ce plat typique américain. Malheureusement ces dévoreurs d'un sandwich né en Allemagne, d'où le nom de Hamburger provenant de la ville de Hambourg, sont passés à côté d'une véritable gastronomie telle que l'auteur a pu la déguster au cours de son périple et qu'elle nous offre dans ce livre.

Mais il ne faut pas croire que Nausica Zaballos ne s'intéresse qu'à la cuisine locale, ce serait réducteur (même si la propension à prendre du poids est manifeste vu la richesse des recettes) elle nous propose de partager son excursion loin des chemins battus et de découvrir les états de l'ouest états-uniens. Une promenade touristique certes, mais également ethnologique, géographique, géopolitique, historique, artistique, culturelle, fourmillant d'anecdotes savoureuses, intéressantes, instructives, didactiques, enrichissantes, le tout illustré par des photos signées de l'auteur.

Ainsi dans le chapitre 4 consacré au Nevada pluriethnique, un petit encart nous donne la signification du mot Bonanza et immédiatement l'on pense à la célèbre série télévisée éponyme dans laquelle Michael Landon jouait le rôle d'un des trois fils. Une série qui fut un véritable filon, diffusée durant quatorze saisons sur la chaine NBC, et dont le titre se trouvait alors justifié, Bonanza étant une expression utilisée par les mineurs pour désigner une veine riche en minerai.

Le départ s'effectue de Las Vegas, la capitale du jeu, mais sous les ors de la cité que se cache-t-il vraiment ? Nausica Zaballos nous narre l'expansion historique de cette cité qui vit du tourisme, des mines d'argent ainsi que de l'industrie de l'armement militaire, trois industries qui ont marqué le Nevada et ses alentours. Les propriétaires de casinos perpètrent une petite guerre pacifique (?) en faisant preuve de créativité et en proposant aux chalands toujours plus d'activités ludiques et gustatives. Dans ce chapitre, tout comme dans la totalité du livre, de nombreux encadrés complètent et diversifient le texte principal. Ainsi un articulet est consacré aux précurseurs de la magie, ceux qui ont inspiré David Copperfield, cet illusionniste aux shows démesurés. Un autre décrit le chuck-wagon, moyen de transport fort utile dans la Prairie et qui servait à l'intendance. Enfin, référence est faite à Billy The Kid, lequel fit beaucoup pour la renommée de Las Vegas, petite ville du Nouveau-Mexique (A ce propos : lecture conseillée du roman de Laurent Whale : Goodbye Billy). Et pour ne pas rester sur sa faim le lecteur pourra déguster quelques recettes fournies par l'auteur : Crevettes en chemise, Foie de veau au bacon, Boulettes de bœuf à la sauce tomate maison, Travers de porc à la sauce Bourbon. Nous sommes loin des hamburgers qui sont aux Etats-Unis ce que la Pizza est à l'Italie, c'est-à-dire réducteurs de la représentation de la gastronomie locale.

Si Las Vegas est la capitale des mariages éclairs, il fallait bien une contrepartie. Non loin de là se trouve Reno, la capitale des divorces éclairs. Ou presque, puisqu'il faut toutefois répondre à l'obligation de justifier une résidence dans cette cité depuis au moins six mois. Le temps peut-être pour réfléchir aux conséquences. Surtout pour les épouses de magnats, lasses de cohabiter avec un mari volage mais qui ne pourraient plus bénéficier de ses largesses financières. Et Nausica Zaballos nous invite à confectionner le Gâteau blanc qui a été servi au mariage de Lisa-Marie Beaulieu et d'Elvis Presley et à le déguster tout en côtoyant les couples célèbres qui se sont unis à Las Vegas.

Le chapitre suivant est intitulé Mafieux mythiques et casinos fantômes. Et justement on y retrouve le fantôme de Frank Sinatra, figure, et voix, incontournable de Las Vegas. Mais il n'est pas le seul à avoir imprégné de sa présence la cité des mariages.

Nausica ZABALLOS: Mythes et gastronomie de l'Ouest américain : sur la route !

Enfourchons maintenant un fougueux étalon qui va nous emmener dans le Nevada pluriethnique, à la découverte de Atomic désert qui est situé à quelques kilomètres de Las Vegas, ou encore au barrage Hoover, sur la route 66, jusqu'à Flagstaff puis continuons en empruntant la 89 qui mène jusqu'au parc de Yellowstone, célèbre pour ses fumerolles et ses geysers. (Profitons-en pour lire Piègés dans le Yellowstone et Au bout de la route l'enfer de C.J. Box). Mais la promenade n'est pas terminée, loin s'en faut et comme il faut bien se restaurer, dégustons des beignets d'oignons, un gâteau de viande au cheddar et, pourquoi pas, des galettes au maïs bleu.

Nos héros mythiques, ceux qui ont bercés notre jeunesse, lorsqu'on lisait des bandes dessinées petits formats, souvent des westerns, et qui avaient pour noms Buck Jones, Hopalong Cassidy ou encore Kit Carson n'ont pas toujours vécus la vie aventureuse et pleine de panache qui les auréolaient. Si Hopalong Cassidy était un héros de fiction, Kit Carson lui a réellement existé, tout comme Davy Crockett, et les Indiens Navajo en gardent un mauvais souvenir, puisqu'il fut à l'origine de leur internement à Fort Sumner.

Ce voyage n'est pas terminé, loin de là, mais vous n'avez plus besoin de moi pour vous tenir la main et vous servir de guide. Le livre de Nausica Zaballos vous tend ses pages et vous pourrez découvrir Buffalo Bill, John Wayne, pionnières et filles de joie, les femmes dans l'Ouest américain et bien d'autres choses encore. Je vous invite à vous le procurer, soit parce que vous avez envie de vous rendre à Las Vegas, pour des raisons qui ne me regardent pas, et ses environs, soit tout simplement pour voyager par procuration. De nombreuses illustrations enrichissent l'ouvrage, des clichés pris par l'auteur tout au long de son périple qui la mène de Las Vegas jusqu'à Monument Valley.

Nausica ZABALLOS: Mythes et gastronomie de l'Ouest américain : sur la route !

De Nausica Zaballos découvrez également Crimes et procès sensationnels à Los Angeles.

Nausica ZABALLOS: Mythes et gastronomie de l'Ouest américain : sur la route ! Le Square éditeur. Collection Parole publique. Préface d'Yvonne de Sike. Parution le 6 octobre 2014. 160 pages. 15,00€

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18 décembre 2014 4 18 /12 /décembre /2014 09:19

Bon anniversaire à Janine Oriano, née le 18 décembre 1932, plus connue sous le nom de Janine Boissard.

Janine ORIANO : O.K. LEON !

Installé depuis peu dans son appartement, Léon reçoit des colis alimentaires de luxe de la part d'un mystérieux donateur. L'intérieur des papiers d'emballage est couvert de graffitis en forme de rébus qu'il ne peut déchiffrer.

Auprès de Berthe sa fiancée, qui passe trop de temps avec son cousin Gaston, et de la mère de celle-ci, il attribue ces dons à un oncle d'Amérique qu'il a perdu de vue depuis une vingtaine d'années et dont le seul cadeau qui lui reste est l'œil de verre du grand Buggy. Le dernier colis contient quatre mitraillettes, sur la crosse desquelles sont gravées des initiales dont les siennes. Ce qui ne l'empêche pas de continuer à faire du porte à porte, en compagnie de la Dussèche, une vieille fille en forme de planche à pain amoureuse de lui, et de tenter de placer des livres reliés.

Deux malabars du nom d'Okay et de Biffetons débarquent chez lui et l'appellent Patron, se mettant à son service. Ils le conduisent auprès du Caïd, un vieillard qui expire dans ses bras avant de pouvoir lui confier un secret. L'Aristo, un troisième larron, se joint au duo, attendant que Léon retrouve un coffret rempli de dollars.

Ils obéissent aux moindres désirs ou ordres de Léon, qui ne pense qu'à son futur mariage. Un dénommé la Violette s'introduit chez lui et réclame le magot. Le trio l'en débarrasse vite fait, bien fait. Dans un bar où il a ses habitudes, il comprend en voyant un gros bras que la méprise provient de l'œil de verre qu'il exhibe n'importe où. L'homme vient des USA, spécialement chargé de déchiffrer le rébus. Léon lui donne rendez-vous chez la Dussèche qui l'aide à séquestrer le truand dans sa cave dont l'aménagement date de la Seconde Guerre Mondiale, engins de torture y compris.

Jaloux Léon propose à ses sbires de forcer le coffre-fort de Gaston, le cousin trop empressé de sa fiancée qu'il a surpris rentrant chez lui un volumineux paquet à la main. Le lendemain, Léon se rend chez Gaston : Berthe n'a pas donné signe de vie depuis 48 heures. Il reçoit un message signé du Furet, ami de La Violette, et se rend à l'adresse indiquée. Il retrouve sa fiancée sous l'emprise d'un somnifère et du Furet. Il négocie la liberté de sa promise contre le trio de choc et l'identité du gus chargé de déchiffrer le rébus.

Il l'emmène chez la Dussèche et après avoir fait parler le prisonnier le Furet est harponné par l'Aristo and Co. Les trois hommes et Léon sont en possession d'éléments énigmatiques: deux noms, Irène et Saint Quentin et deux numéros, 14 et 5. Ils se débarrassent en douceur de la Dussèche puis Léon court délivrer sa fiancée. Ensuite il se rend à Saint Quentin, dans le Calvados, où après bien des avatars il apprend que tous les ans le 5 avril, une procession est organisée en l'honneur de Sainte Irène, la patronne de la commune.

Janine ORIANO : O.K. LEON !

Quiproquos et méprises ponctuent cette histoire digne d'une comédie policière de boulevard et dans laquelle l'action prime sur la description. Comme dans un célèbre magasin parisien, à chaque instant il s'y passe quelque chose. Il ne faut pas chercher de messages dans ce roman, simplement le plaisir de céder à la bonne humeur communicative et ambiante qui s'en dégage malgré les avatars de son héros et ses problèmes post-maritaux.

Janine Oriano ne se montre pas excessivement féministe, au contraire. Ses personnages, Berthe et la future belle-mère, sont empreints de duplicité et de cupidité, défauts éminemment communs aux deux sexes. Quant au héros, il fait partie de cette cohorte de personnages falots qui se subliment à un moment critique de leur existence et se découvrent un trésor intérieur de rouerie et de courage, capables alors de renverser le monde à leur profit. Janine Oriano possède le sens de l'intrigue et sait raconter une histoire.

Ce roman a été adapté au cinéma par Claude Vital en 1973 sous le titre de OK. patron

 

Citation: Il me regardait maintenant comme on regarde un mec qui retire sa chemise dans la rue, la partage en deux et offre la meilleure moitié à Boussac.

Janine ORIANO : O.K. LEON ! Série Noire N°1531, éditions Gallimard. Première parution octobre 1972. Réédition Carré Noir N° 441. 1982.

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17 décembre 2014 3 17 /12 /décembre /2014 10:51

Le psy analyse les bas-fonds.

Pierre MAGNE : A Freud ! Sales et Méchant.

La Seconde Guerre Mondiale, tout comme la guerre d’Algérie, est pour les Français un sujet inépuisable et parfois tabou.

Il ne faut pas déterrer les cadavres qui égratignent encore les cœurs et les esprits, le feu qui couve sous la cendre ne demandant souvent qu’à s’embraser. Pourtant comme une dent qui agace, on ne peut que chatouiller la mémoire et l’exacerber.

D’ailleurs de récents incidents sur Internet le prouvent, la vente d’objets nazis ou la prolifération de livres négationnistes interdits à la vente publique et qui sont proposés sur le Web. Ce n’est pas forcément déflorer le sujet du roman de Pierre Magne A Freud ! Sales et méchants.

Gabriel noie sa tristesse d’une dispute avec Chéryl dans un bar du 17eme arrondissement. Un bar dans lequel officie un serveur, Marcel, objet des railleries de clients matinaux, des déménageurs dont les bras sont ornés de tatouages marins. Comme dit Gérard, le patron du Pied de porc à la Sainte Scolasse, “ Toi, la merde, tu la renifles toujours où y’en a pas ” et d’ajouter “  en plus tu la trouves ”.

C’est comme ça que bêtement, Gabriel se trouve embringué dans une histoire de déménageurs soi-disant suicidés, puis franchement assassinés, de jeune fille qui lui fait du rentre dedans et auquel il répond présent, de naufrage de cargo remontant à 1982 et autres vilenies.

C’est comme soulever le coin du tapis et découvrir toute la poussière accumulées depuis des années par une femme de ménage peu consciencieuse ou pressée de cacher les balayures. Sauf que, une fois de plus, les détritus s’accompagnent de morts d’hommes.

Le Poulpe possède toujours son aura, malgré près de cent cinquante aventures qui lui tombent sur les épaules souvent au risque de sa vie. Ecrites par des romanciers confirmés ou en devenir. Et parfois à l’instar de ce roman comme un placage, comme une histoire déjà écrite et réactualisée avec le Poulpe pour personnage principal afin d’être éditée. Non pas que la trame ou l’écriture soient insignifiantes, ou décalées, au contraire, mais avec cette impression de réajustement, d’insertion, de placage de personnage à la place d’un autre.

Un bon Poulpe qui se laisse déguster avec plaisir et qui s’inscrit dans la bonne moyenne.

 

Pierre MAGNE : A Freud ! Sales et Méchant. Le Poulpe N° 205. Editions Baleine. Parution novembre 2000. 154 pages. 8,00€.

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16 décembre 2014 2 16 /12 /décembre /2014 15:34

Qui aurait pu penser que la dipsomanie d'un chef mafieux russe allait conduire à l'enlèvement de cinq gamins ?

Jacques-Olivier BOSCO : Quand les anges tombent.

Dans l'avion qui vole vers Paris, un passager pris de boisson et furieux parce que sa petite amie lui a signifié qu'elle allait le quitter aussitôt arrivés, s'engouffre dans la cabine de pilotage. S'ensuit une bagarre au cours de laquelle pilote et copilote sont mortellement blessés et les commandes de l'appareil bousculées. L'avion livré à lui-même s'écrase.

Dans la prison d'Eiffenseim, Vigo Vasquez dit le Noir, ronge son frein dans une cellule en quartier d'isolement après avoir séjourné dans le quartier disciplinaire. Soudain un bruit de réacteur transperce la nuit, l'espace et les murs.

Trois mois plus tard, cinq enfants sont enlevés dans la même journée. Il s'agit d'Enzo, douze ans, le fils d'Elvio Vittali un cheminot alcoolique, de Camille, huit ans, la fille du juge Tranchant, de Salomé douze ans aussi, la fille de Nathalie Ruiz et de son ancien compagnon Mateo Rizzi, un truand, d'Elisabeth dite Choupette, quatre ans, la fille du commandant Lauterbach, et de Maxime, dix ans, le fils du préfet Rollin, ancien directeur de la Police Judiciaire et actuellement directeur de cabinet du Préfet de Police.

Tous les cinq se retrouvent enfermés dans la même pièce, logés à la même enseigne, et les caractères des uns et des autres se montrent sous leur vrai jour. Particulièrement Maxime, digne fils de son père, qui se montre arrogant, égoïste, ne pensant qu'à sa petite personne.

Les cinq parents, Rollin, Lauterbach, Tranchant, Nathalie Ruiz et Vittali reçoivent chacun un message du ravisseur. Ils se retrouvent tous dans le bureau de Rollin qui lui a été le destinataire d'un DVD. Le juge Rollin est un personnage peu abordable et agréable à fréquenter. Le dru Rollin est un homme infatué et il n'accepte aucune ouverture de la part des autres parents à vouloir s'immiscer dans l'enquête. Ce qui ne les empêchera pas de chercher chacun de leur côté et de faire leur mea culpa. Il a gravi les échelons en piétinant les autres, et il continue à se conduire ainsi, pensant déjà à un futur poste ministériel. Il a eu sous ses ordres le commandant Lauterbach, qui a des problèmes de cachet, mais ce ne sont pas ses émoluments qui sont en cause. Un accident familial qui l'a fortement perturbé quatre ans auparavant.

Sur le DVD le ravisseur s'adresse à tous et ils ne sont pas peu surpris d'être confrontés à Vigo le Noir. Il a réussi à s'échapper trois mois auparavant de la centrale lors du crash de l'avion, dans des circonstances rocambolesques. Il avait été jugé pour des meurtres d'enfants dans des piscines trois ans auparavant mais il a toujours nié les faits. Or Rollin and Co ont tous participé à des degrés divers à son inculpation. Ce n'est pas tant d'avoir été accusé et envoyé en tôle que Vigo leur reproche, mais que l'enquête ait été manipulée, truquée et que le résultat leur a été profitable.

Ils doivent avouer leur forfaiture et faire amende honorable sinon... La vie des gamins est en jeu. Ils ont deux jours pour réfléchir.

Seulement Rollin, Lauterbech, Nathalie Ruiz et son ancien compagnon Matéo Rizzi le truand, et Vittali, tous sont bien décidés à combattre, chacun de leur côté ou parfois en s'alliant, malgré l'interdiction de Rollin qui veut gérer seul la situation. Et pendant ce temps, les cinq gamins regroupés dans la même pièce, cogitent. Si Maxime se montre insupportable, que Camille s'occupe de Choupette, Enzo et Salomé échafaudent un plan devant leur permettre de s'évader.

 

Au début le lecteur se prend une gifle bientôt suivie d'une grande claque violemment assénée, afin de lui remettre les idées en place. Et comme cela ne suffit pas, un grand bac d'eau froide lui est balancé en travers de la gueule. Mais c'est mal connaître la résistance du lecteur qui en redemande et une grosse vague se profile à l'horizon, une déferlante qui nettoie tout sur son passage annonciatrice d'un mascaret bousculant les protagonistes de ce roman et le lecteur. Enfin un maelstrom entraîne tout ce petit monde dans un gouffre dont ils auront du mal à s'extirper.

 

Cette intrigue en appelle d'autres, ou plutôt se greffent le passé, les explications, les motivations, les déficiences, les mensonges, les mystifications, les magouilles dont tous les protagonistes sont coupables et tout s'enchaine inexorablement dans des éclaircissements qui montrent leurs caractères et leurs faiblesses. Personne n'est épargné et parfois l'auteur se complait dans un certain misérabilisme digne des romans feuilletons du XIXe siècle. De même l'emploi de certains clichés nous ramènent au temps des truands à la José Giovanni ou à Auguste Le Breton, dont le nom est cité dans ce roman. Par exemple la mère de famille délaissée qui s'amourache d'un truand. Et dernier petit coup de griffe, quand on aime bien on châtie bien parait-il, je voudrais signaler toutefois qu'à Deauville, ce n'est pas l'Atlantique qui vient lécher les côtes mais la mer de la Manche.

 

Il est amusant de noter que comme souvent en avertissement il est précisé que toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existés serait purement fortuite, un personnage, un ancien flic à la retraite qui va être amené à conduire sa propre enquête se nomme René Burma... et d'autres protagonistes, possédant la fonction de juge sont à peine évoqués, les dossiers passant de mains en main. Ce ne sont pas des personnages de fiction mais bien des individus dont les patronymes ne sont pas inconnus des écumeurs de blogs : à savoir Lenocher, Joël Jégouzo, Laherrère, ou encore un certain Maugendre. D'autres clins d'œil sont également adressés, dont à un dénommé Villard qui fait une apparition furtive. Mais je me demande si le nom du commandant Lauterbach est un hommage à la femme de Patrick Raynal, je veux dire Arlette Lauterbach, traductrice de l'italien et coauteur avec son époux du Livre de cuisine de la Série Noire et du Livre des alcools de la Série Noire. On ne peut rêver meilleure compagnie.

 

Jacques-Olivier BOSCO : Quand les anges tombent. Collection Polar Jigal; éditions Jigal. Parution le 15 septembre 2014. 328 pages. 19,00€.

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16 décembre 2014 2 16 /12 /décembre /2014 09:07

Bon anniversaire à Bill Albert né le 16 décembre 1942.

Bill ALBERT: Et Rodriguez, alors ?

David Rodriguez, Américain d'origine mexicano-juive, pompiste qui aimerait devenir journaliste, débarque à Lima dans le but d'écrire une série d'articles afin d'obtenir ses galons de reporter.

Une rencontre fortuite, de longues jambes bronzées, un sourire doux, un regard vert, une caresse sur la main, il ne lui en faut pas plus pour l'inciter à accourir au rendez-vous que lui a fixé à Piura, au cœur du Pérou, Anna. Le voilà bientôt pris en tenaille entre Carrillo, le représentant local de la Junte Militaire qui désire lui montrer les aménagements de la révolution agraire, entre les guérilleros menés par un certain Vasquez ou encore les Brigades de la mort.

Hempal, un journaliste, déguste même dans l'épaule une balle qui lui était destinée. Christa, la compagne d'Hempal lui en veut, ce qui ne l'empêche pas coucher avec lui. Rodriguez s'enfuit, aidé par Anna et passe la nuit avec elle dans un taudis, en tout bien tout honneur. Au petit matin la jeune femme a disparu et Rodriguez est invité par des soldats à les suivre. Carrillo lui propose de visiter une coopérative agricole afin de lui démontrer les avantages de la Réforme. Vasquez et ses hommes investissent la place. Carrillo est abandonné dans le désert et Rodriguez prié de se joindre à la petite troupe.

A la faveur d'un dérangement intestinal il fausse compagnie à ce beau monde. Il arrive à Catacaos, après avoir échappé aux recherches militaires, et se réfugie chez un prêtre dont il a fait la connaissance à bord de l'avion le menant de Lima à Piura. Hempal et Christa les rejoignent et Rodriguez apprend qu'il est recherché, accusé d'avoir tué Carrillo dont le corps a été découvert dans une rizière. Rodriguez et Christa trouvent asile dans un hameau, tandis que le prêtre et Hempal tombent entre les mains des soldats lancés à sa poursuite. Les bruits courent que Hempal serait mort. Rodriguez cherche à joindre Vasquez afin de passer en Equateur.

Les soldats approchent et les deux jeunes gens sont obligés de fuir à nouveau. Ils ont pour guides deux envoyés de Vasquez. Après de multiples avatars, dont la traversée d'un ancien cimetière pré-inca, le passage sur une passerelle de bois, la disparition de leurs guides, ils arrivent enfin dans le refuge de Vasquez et retrouvent Anna. La réputation de Rodriguez, en tant qu'envoyé de la CIA et meurtrier de Carrillo, les a précédés. Vasquez qui était le cousin de Carrillo semble en vouloir à Rodriguez et le retour au bercail des deux guides détend légèrement l'atmosphère.

 

Ce roman picaresque bourré d'humour et de références cinématographiques, d'ailleurs Rodriguez se fait son cinéma personnel, traite d'un sujet beaucoup plus grave qu'il y parait : la condition des paysans péruviens face à la Junte militaire en place. L'on pourra regretter une fin, en queue de poisson pour certains, ouverte pour d'autres, d'un roman dont le héros est le petit-fils d'un révolutionnaire zapatiste et d'un Russe trotskyste. L'on pourra regretter également l'abandon en cours de route de certains personnages, à moins qu'une suite soit prévue à ce roman. Mais on ne le saura pas ce roman étant le seul de Bill Albert à avoir été traduit en France.

Citation : Comme ils ne se supportaient pas, les deux hommes étaient inséparables.

 

Bill ALBERT: Et Rodriguez, alors ? (And what about Rodriguez ? 1990) traduit de l'américain par Daniel Lemoine. Série Noire N°2281 Parution octobre 1991. 314 pages.

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15 décembre 2014 1 15 /12 /décembre /2014 08:50

La Magicienne d’Amoz.

Claude AMOZ : L'ancien crime.

Révélée à Vienne en 1997 en obtenant le Grand Prix du roman policier Sang d’Encre pour Le Caveau, Claude Amoz a connu la consécration en 1999 avec deux romans : Celui qui est présenté dans cette chronique et Dans la tourbe paru chez Hors Commerce dans la collection Hors Noir.

 

Une annonce paraissant dans le journal Libération intrigue un avocat, un commissaire de police et un historien d’origine juive qui, chacun de leur côté, pensent avoir déchiffré le message signé Judith. Judith, nom de guerre biblique emprunté par une jeune fille qui recherche son grand-père évanoui dans la nature. Comme si ses parents, sa grand-mère avaient tiré un trait sur son existence, ce qu’ils ont d’ailleurs fait, elle s’en rendra vite compte. Elle reçoit des réponses et parmi celles de farfelus et d’obsédés sexuels émane enfin celle du disparu. Seulement lorsqu’elle arrive à Paris, personne n’est là pour l’attendre à la gare comme promis. Un rendez-vous manqué. Alors elle se décide à se rendre sur place chez celui dont elle désire ardemment faire enfin la connaissance. Elle ne trouve en face d’elle qu’un cadavre et ses recherches dans les journaux de l’époque de la Libération lui font découvrir un passé inquiétant concernant son grand-père.

Claude Amoz est empreinte d’obsessions qu’elle extirpe au fil de ses romans avec une sensibilité toute particulière. Les réminiscences de l’Occupation, de la Collaboration, les fêlures de l’âme, un tournoiement de souvenirs qui s’effilochent sans pour autant disparaître, forment la trame de livres qui oscillent, pas vraiment noirs, pas vraiment blancs, grisailles d’un quotidien oppressant, quêtes d’un passé en filigrane. Une période trouble que tentent d’expliquer des historiens et que d’autres grattent, recherchant avec une certaine jubilation le pus qui pourrait encore stagner. C’est facile de jouer les censeurs dans une bibliothèque.

Et comme tout ce termine par une citation : Les monstres les plus inquiétants sont ceux qu’on n’ose pas regarder en face.

 

Claude AMOZ : L'ancien crime. Rivages/Noir N°321. Editions Rivages. Première parution mars 1999. 256 pages. 8,65€.

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14 décembre 2014 7 14 /12 /décembre /2014 13:19

L'escarpin de Cendrillon ?

Claude IZNER Le carrefour des Ecrasés.

Novembre 1891. Au carrefour situé entre le Faubourg Poissonnière et la rue Montmartre, surnommé le Carrefour des Ecrasés, gît le cadavre d’une jeune femme dont le visage a été vitriolé. Détail troublant, elle ne porte pas de chaussures.

Peu après Grégoire Mercier, un berger “ en chambre ”, apporte un escarpin rouge qu’il a découvert sur le lieu de l’accident à Victor Legris, libraire et détective amateur, escarpin dont la semelle est constituée d’un carton portant l’en-tête de la librairie. Victor est intrigué et comme primo il possède un esprit aventureux et curieux, et que secundo son associé Kenji, à la vue de ce soulier, prend un fiacre sans donner d’explications, il ne peut s’empêcher de se lancer dans une nouvelle enquête, avec l’aide de son commis Joseph.

Lequel a entendu l’adresse donnée au cocher, un institut pour jeunes filles huppées. C’est là que réside la filleule de Kenji, la mystérieuse Iris. Elle avait prêté ses chaussures à une condisciple, Elisa, qui devait se rendre théoriquement chez sa mère chanteuse “ d’andalouseries ”, mais officieusement devait retrouver son galant, un nommé Gaston. Elle ne sait pas où celui-ci demeure, seulement que de son appartement on entend hurler les loups.

Victor et Joseph vont se partager le travail de recherche, une virée qui les emmènera du Jardin des Plantes à un quartier du XIIIème arrondissement, ruelle des Reculettes, où vit Mercier, le fameux berger en chambre, ses chèvres occupant un appartement au cinquième étage d’un immeuble, en passant par le Moulin Rouge jusqu’au Chat noir, côtoyant les artistes de l’époque, poètes, chanteurs, musiciens, peintres.

 

Une plongée réjouissante dans le Paris de 1891, reconstitué avec minutie et vivacité, relatant par exemple les différentes prestations des artistes se produisant au théâtre de l’Eldorado, boulevard de Strasbourg, les lazzis lancés à leur encontre, la devise du pétomane “ seul artiste ne payant pas de droits d’auteur ”, la gloire naissante du Moulin Rouge, celle déjà établie du Chat noir, les tâtonnements de Tasha, l’amante de Victor, qui cherche son style pictural, et bien d’autres images dont justement les essais de Victor à la photographie. Une série dont les débuts étaient prometteurs et qui s’affirme comme un vrai petit régal.

Claude IZNER Le carrefour des Ecrasés. Collection Grands Détectives n° 3580, éditions 10/18. Première parution 6 novembre 2003. 288 pages. 7,50€.

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13 décembre 2014 6 13 /12 /décembre /2014 10:36

Les morts sûrs du passé !

Lisa GARDNER : Les morsures du passé.

Le plus court chemin vers ma culotte passe par mon estomac ! C’est ce que déclare le commandant D.D. Warren qui partage un repas au restaurant avec Alex Wilson, personnage dont je reparlerai un peu plus tard.

L’enquêtrice D.D. Warren approche à grands pas de la quarantaine, elle est toujours célibataire, mange gloutonnement sans que cela influe sur sa charge pondérale grâce à un métabolisme performant. Un appétit de sumo et une taille mannequin. Manger était sa passion. Surtout que son travail au sein de la brigade criminelle de Boston ne lui laissait guère de temps pour le sexe. Et tandis qu’elle se restaure en compagnie de Chip, comptable au département de médecine légale, avec en vue une éventuelle soirée à deux sous la couette. Une fois de plus le destin qui se nomme téléphone contrarie ses projets.

Dorchester, banlieue de Boston, une petite ville pas pire que les autres en matière de criminalité, et pourtant dans une banlieue pavillonnaire cinq cadavres sont retrouvés, couchés côte à côte dans la véranda, la mère et les trois enfants, deux garçons et entre eux la fille. Assassinés à coups de couteau. Le père s’est tiré une balle dans la tête et s’est raté. Peut-être pourra-t-il apporter quelques explications, mais pour l’instant il est sur le billard. Et décède sans sortir du coma. Assistée de Phil et de Neil, ses fidèles collègues, Warren commence à supputer nombre d’hypothèses dont aucune ne se révèle convaincante.

La famille Harrington, une famille recomposée, vivait dans une villa deux étages que Patrick, le père, retapait en vue d’en louer une partie. Endetté par l’achat immobilier, il se trouvait au chômage depuis quelques temps, et la situation financière risquait d’être critique sous peu. Une théorie probable, le père perdant les plombs et effaçant sa famille, mais des incohérences apparaissent lors de l’examen post-mortem. D’autres faits mènent à une autre supposition, comme le cas d’Ozzie, le petit dernier de la famille. C’était un gamin turbulent, hyperactif, violent parfois, suivi selon une voisine par une espèce de chaman, un certain Andrew Lightfoot. Et si Ozzie était le coupable ? Mais là encore des invraisemblances perturbent leurs déductions.

Entre en scène Alex Wilson, professeur à l’école de police, qui a baroudé avant d’enseigner et qui a envie de se replonger dans l’ambiance et suivre une enquête sur le terrain. Il est beau, élégant, affable, tout pour plaire et… Inutile de s’attarder car une nouvelle cascade meurtrière est signalée.

Une autre famille, qui vit à Cambridge, mais le décor est totalement différent. L’intérieur est sale, répugnant, et ce ne sont pas les six corps, quatre enfants, la mère et le père, enfin le dernier compagnon, qui vont redonner du lustre à la maison. Morts dans des conditions similaires sauf le petit dernier qui a été étouffé par un oreiller. De plus l’homme traficotait de la drogue mais ce n’est pas l’objet des meurtres. Les ballots de cannabis sont toujours entreposés dans la réserve.

Des tueries similaires, des parcours et des problèmes neurologiques affectant l’un des enfants conduisent D.D. Warren et ses acolytes, Alex Wilson en tête (il est devenu inséparable), dans une unité de soin pédopsychiatrique où travaille Danielle, trente-quatre ans. Vingt-cinq ans auparavant sa famille a été décimée et tous les ans, à la même époque ses démons se réveillent et la perturbent. C’est pour bientôt.

Mais D.D. Warren and c° rencontrent également Lightfoot, le sorcier rebouteux guérisseur, ancien trader dans une banque et qui s’étant découvert des dons particuliers a repris le nom de son grand-père.

En incrustation de l’enquête le lecteur peut suivre l’histoire de Danielle mais également celle de Victoria dont le jeune garçon Evan est atteint lui aussi de folie meurtrière. Il n’a que huit ans, peut se montrer câlin et subir des sautes d’humeur incompréhensibles qui ont fait éclater le couple et dissoudre la famille. Il est attiré par les couteaux. Victoria est restée avec Evan et ses problèmes, le père est parti emmenant leur fille Chelsea pour la protéger.

Lisa GARDNER : Les morsures du passé.

Si la forme, la structure de ce roman consiste en une enquête policière avec recherche d’un ou d’une coupable, coupable que les lecteurs penseront avoir démasqué avant l’épilogue, c’est bien le fond qui donne toute sa valeur au récit. Ceux qui vivent avec des enfants souffrant d’hyperactivité, de troubles d’intégration sensorielle, d’autisme, de troubles psychiatriques quels qu’ils soient, ceux qui connaissent ou sont à même de côtoyer de tels enfants caractériels dans leur entourage proche ou lointain, ne seront pas choqués par les descriptions, qui ne sont pas complaisantes, de la part de Lisa Gardner. Ils savent que les parents sont prêts à tout pour soigner leur progéniture, de ne pas les dévaloriser, à leur trouver des solutions : pédopsychiatres, éducateurs, structures adaptées, médicaments et même se faire aider par des charlatans. Seule la foi sauve, souvent sans résultat significatif.

Les autres, éloignés de ce genre de rapports, ne pourront que se demander si l’auteure n’a pas forgé une histoire abracadabrante, misérabiliste, voyeuriste, à dessein pour faire pleurer Margot dans les chaumières. Pourtant, cela existe et les faits de débordements sont de plus en plus d’actualité. Ainsi les bagarres à répétition dans les cours d’école, les agressions entre élèves ou d’enseignants, les parents battus, et ceci déclenchés pour des futilités en apparence. Des gamins inconnus des services de police comme on dit et dont on découvre qu’ils sont atteints d’un mal psychotique. Et ces personnes, la bouche en cœur, vous déclareront que c’est de la faute des parents, que s’ils avaient mieux élevés leurs enfants, cela ne se serait surement pas passé comme ça, des déclarations fracassantes de la part d’individus qui n’y connaissent rien mais ont des solutions toutes faites pour régler tous les problèmes.

Lisa Gardner n’a pas écrit un roman facile, et il s’agit plus d’un engagement envers une famille qui a connu ce genre de déboires que de jouer avec le pathos à l’encontre de ses lecteurs. Emouvant, perturbant, dérangeant, mais passionnant et instructif.

 

Lisa GARDNER : Les morsures du passé (Live to tell – 2010. Traduction de Cécile Deniard). Première édition collection Spécial Suspense ; Albin Michel. 2012. Réédition Le Livre de Poche Polcier/Thriller. Parution le 8 octobre 2014. 576 pages. 7,90€.

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12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 17:08

Pour faire peau nette, comme disait un ami palefrenier !

François DARNAUDET : Le retour du Taxidermiste.

Ce recueil comprend deux titres dont un inédit. Le premier roman, Le Taxidermiste, écrit en collaboration avec Thierry Daurel, a été publié en avril 1985 chez Corps 9, autant dire qu'il était devenu introuvable. Le second roman, Le Club des cinq fous, aucune analogie avec le Club des Cinq d'Enyd Blyton, tout juste un clin d'œil, est dû à la seule plume de François Darnaudet et devait être publié au Fleuve Noir dans une collection disparue entre temps. Et mon tout donne ce Retour du Taxidermiste, deux textes fantastico-policiers.

Commençons par le début, cela facilitera la suite :

Le Taxidermiste.

Pour se faire la main, le narrateur, on saura plus tard qu'il se nomme Jacques Marioton, attrape un chat puis l'empaille. Faut bien un début à tout. Il se rend régulièrement à la bibliothèque du Ve arrondissement de Paris, où il retrouve ses compagnons, et compulse des ouvrages sur la taxidermie. Hector Balsinfer, retraité, passe son temps à dormir sur un recueil des journaux du Figaro, année 1933, excellent somnifère qui ne délabre pas l'estomac comme les cachets et autres potions dites magiques; Albert Cziffram ancien prof de maths qui a tapé sur un inspecteur d'académie, ce qui n'était pas la solution; Ali m'Gari qui pour un rien pousse des cris, au grand dam des bibliothécaires.

A cause d'une bavure, le narrateur, l'autre qui répond au nom de Charles Jabert, a été obligé de changer de métier. Ancien inspecteur de police il est devenu représentant en matériel électronique. Ce soir là il est content, il va retrouver Hélène qui doit l'attendre chez lui. Elle a décidé de partager son appartement, au moins il n'aura plus les pieds froids le soir dans son lit. Seulement Hélène n'est pas là. Le lendemain il apprend par la télévision qu'Hélène a été retrouvée chez elle, dans un piteux état. Pourtant l'empailleur avait bien travaillé, le boulot était fignolé.

Le naturaliste, à l'origine de la mort d'Hélène, ne s'arrête pas en si bon chemin et d'autres jeunes femmes sont ainsi découvertes au gré de ses maux de tête. Car les névralgies sont fréquentes, de plus il arbore un œil de verre, c'est peut-être pour cela qu'il regarde les représentantes du sexe féminin de travers.

Le chemin du taxidermiste et du policier vont se croiser, et ce ne sera pas le fruit du hasard.

Dans ce premier roman, les deux auteurs s'amusent avec le genre gore alors naissant, le premier roman de la collection Gore du Fleuve Noir parait justement en 1985, initié par des films qui connurent un certain retentissement comme Massacre à la tronçonneuse. Ils ne se cantonnent pas dans un style rigide mais multiplient les délires, en se renvoyant peut-être la balle lors de la rédaction. En effet dans certains passages, des mots ou des locutions sont sciemment répétés, comme un mantra, tel ce détecteur de métaux ferreux et non ferreux qui apparait au moins cinq fois dans la même page. Le quartier de l'Odéon est au cœur du sujet même si d'autres lieux comme le quartier Montparnasse sont largement évoqués. Et le Panthéon, Cluny, endroits symboliques du Ve arrondissement parisien ont marqué François Darnaudet, puisque l'un de ces romans publiés plus tard se nommera justement Les Dieux de Cluny. Enfin il faut signaler que toutes les têtes de chapitre font référence à des films, le premier cité étant Drôle de drame.

François DARNAUDET : Le retour du Taxidermiste.

Le Club des cinq fous

Nous retrouvons dans une chapelle de l'église Saint Sulpice quelques protagonistes ayant évolué dans Le Taxidermiste. Mais pas tous. Marioton n'est plus. Albert Cziffram non plus. Inexplicablement il a disparu. Ne restent que Ali M'Gari, éternel étudiant en sociologie et Hector Balsinfer qui se sert toujours des reliures du Figaro en guise de somnifère. A ces deux inamovibles rescapés de la confrérie Théorème de la Nuit se sont joints pour former l'association Triste Planète les sieurs Inocybe de Patouillard, religieux agressif qui siège justement en l'église Saint Sulpice, Gérard Touzbarre, ancien ingénieur des Travaux publics et collectionneur invétéré et enfin Francisco Cervantoche, ancien auteur-acteur et metteur en scène de ses propres pièces destinées à quelques résidents d'un asile dans lequel il a vécu et actuellement vendeur chez Presciences, une boutique qui fourni de tout à l'intention des chercheurs naturalistes.

En lisant un ouvrage consacré à la réincarnation par la taxidermie, ils se sont mis en tête de ressusciter le Grand Maître Marioton en procédant à des expériences sur des sujets vivants. Il leur faut respecter certaines règles que tous n'ont pas exactement assimilées et surtout qu'ils détournent en pensant bien faire, leur esprit naviguant en dehors de toute logique. Ali M'Gari, dont ce n'est pas le véritable patronyme, s'est institué Premier Président de Triste Planète, en l'absence de Cziffram, et il ne fait pas l'unanimité. Ils ont entamé leur démarche par l'invocation du Bedouk, sans effet réel, donc il leur faut trouver un autre exorcisme. En attendant à la fin de leurs réunions, ils passent leurs nerfs sur un pauvre chanoine étripé et gisant dans un confessionnal et M'Gary donne pour se défouler des coups de pied à un clochard rencogné au porche du monument religieux.

Le premier à s'y coller est Gérard Touzbarre qui est inspiré par la visite du musée Orfila. Et ce sera sa servante-maîtresse Gudule qui est l'heureuse élue de cette expérience. Il garde la tête afin de réaliser un moulage de cire et se débarrasse du corps. L'inspecteur principal Malvy est chargé par son patron le commissaire Daurel (clin d'œil à son comparse) de résoudre cette énigme.

Mais cette tentative avorte et il faut renouveler ce procédé d'une autre manière s'ils veulent parvenir à leur but.

Dans ce second opus consacré au Club des cinq fous, qui à l'origine n'étaient que quatre mais avec l'inflation... ce second opus donc est plus gravement et sérieusement jubilatoire que le premier. François Darnaudet est seul aux commandes mais il emprunte toutefois quelques rites stylistiques puisé dans le premier ouvrage. Ainsi en parlant d'une jeune femme, future victime, le mot provocant est employé au moins une quinzaine de fois afin de la décrire physiquement, vestimentairement, sans que cela choque ou provoque l'ire du lecteur. Une répétition amusante qui sied bien au contexte.

François Darnaudet est plus inventif et créatif dans la démesure et il s'ébroue dans les descriptions comme le ferait un thanatopracteur devant une assemblée de carabins. L'histoire, tout comme les protagoniste, est complètement décalée et déjantée. Si le gore prédomine, l'humour en pied-de-nez est omniprésent décontractant les mâchoires et l'estomac noué. Et le final est fort bien amené, laissant place toutefois à un possible retour des Cinq fous qui enregistrent l'arrivée d'une nouvelle recrue. Mais voilà, le mot fin est suivi d'un ? Alors, suite ou pas suite ?

Ce recueil est augmenté d'une bibliographie exhaustives des œuvres de fiction établie par Alain Sprauel.

François DARNAUDET : Le retour du Taxidermiste. François DARNAUDET : Le retour du Taxidermiste.

Vous pouvez consulter le portrait de François Darnaudet en cliquant sur le lien ci-dessous, c'est gratuit !

François DARNAUDET : Le retour du Taxidermiste. Collection Blanche N°2046. Editions Rivière Blanche. 210 pages. 17,00€.

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12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 10:52

Les années passent, les mentalités ne changent pas...

Sylvie ROUCH : Décembre blanc.

Alors que certains auteurs s’échinent à pondre 500, 600, voire 700 pages, à croire qu’ils sont payés comme les feuilletonistes du XIXème siècle à la ligne, Sylvie Rouch, en 220 pages, écrit sans fioritures, sans graisse superflue, et donne l’illusion de raconter une histoire de longue haleine. Sylvie Rouch est une minimaliste et elle le revendique en tant qu’excellente nouvelliste. Malheureusement elle est trop rare.

Un groupuscule, inconnu des services anti-terroristes et qui s’intitule les Brigades d’Allah, agresse en plein Paris des femmes d’origine musulmane en les vitriolant. Ces islamistes radicaux, qui circulent en moto, accusent les imans formés sur le territoire de pactiser avec l’Occident et l’ennemi Juif. Le commandant Simon Bedecker, son équipe, ainsi que sa collègue Edwige Lamarche surnommée GI Jane sont sur la brèche mais pour l’heure ils pataugent dans la semoule. Rien à se mettre sous la dent, pas le moindre petit début d’indice.

En ce mois de décembre, la neige recouvre Paris, c’est joli, sauf pour les SDF. Une nouvelle victime est à ajouter aux deux précédentes déjà recensées. Il s’agit de Tania Achaoui, journaliste d’investigation pour Bakélite, un journal qui combat le machisme. A la tête de Bakélite, Black élite comme l’a graffité un plaisantin en dessous de la plaque ornant l’entrée, Réjane Anderson une universitaire que rien ne démonte. Bedecker et ses hommes sont toutefois dubitatifs. Selon les témoins les vitrioleurs conduisaient une moto de marque concurrente et la composition du produit est sensiblement différente que celui utilisé dans les cas précédents.

Tandis que Réjane Anderson est contactée par une mystérieuse madame Fougère qui lui remet un tract islamophobe, Bedecker s’attache à remonter le parcours de Jamel, le jeune frère de Tania, qui possède un casier judiciaire trop conséquent pour être honnête. Et de toute façon aucune piste n’est à négliger car Fehlman, le nouveau directeur du service qui se montre volontiers cynique, exige des résultats. Rapidement. Et bien évidemment il martèle des propos tenus en haut lieu, sans essayer de démêler le vrai du faux, axant sa priorité sur l’arrestation de présumés terroristes qui fomenteraient des attentats aveugles. Pour lui les coupables sont tout désignés, il n’y a plus qu’à les arrêter.

 

Si Sylvie Rouch propose une énigme à double détente intéressante et habilement construite, elle s’attache surtout aux personnages, sur leurs relations, professionnelles ou familiales, leur donnant une véritable épaisseur en peu de mots. Des policiers perturbés dans leur vie privée, ou qui se révèlent machistes, une journaliste féministe mais pas obtuse, et d’autres qui grenouillent profitant de la phobie actuelle. Une étude de caractères qui s’intègre dans l’actualité et il est difficile de ne pas penser à l’affaire des Roms, à leur expulsion saluée par une grande majorité de Français qui pourtant se déclarent non racistes.

Mais on pourrait évoquer d’autres affaires qui aliment les médias, et dont le ministre de l’Intérieur et ses collègues du gouvernement se font des gorges chaudes. Et que dire des petits coups de griffes portés ça et là comme les mésaventures des automobilistes de l’A84 bloqués par la neige alors que la Francilienne bénéficie des faveurs présidentielles. Ce roman a été publié en 2010, mais rien n'a changé dans les esprits et les déclarations publiques quelle que soit l'appartenance politique de ceux qui nous gouvernent.

Sylvie Rouch truffe son roman de quelques références discographiques de Gossip à Bob Dylan en passant par Joe Cocker, Youssou N’Dour et Neneh Cherry et quelques autres, ce qui démontre son éclectisme musical.

Sylvie Rouch, pour la petite histoire, fut à l’origine avec quelques comparses dont moi-même à l’origine du festival Les Visiteurs du Noir de Granville qui se déroulait fin janvier, et elle en fut l’une des chevilles ouvrières efficaces. Enfin elle a obtenu le prix Jean Follain, le premier du nom, décerné par l’association Lire à Saint-Lô en 1993 pour Le canard à trois pattes publié aux éditions de la Bartavelle ainsi que le Prix Polar dans la ville 2006 de Saint Quentin en Yvelines pour Corps-morts édité par Après la lune.

Sylvie ROUCH : Décembre blanc.

Sylvie ROUCH : Décembre blanc. Edition Pascal Galodé. Parution octobre 2010. 224 pages. 17,90€.

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