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21 décembre 2013 6 21 /12 /décembre /2013 07:54

L'Enfer du décor !

 

orphee.jpg


Sans le tourisme, la France, dont l'économie est déjà au plus bas, serait exsangue. Donc il faut les bichonner, ces Allemands, ces Hollandais, ces Américains, ces Japonais, ces Chinois... et je m'arrête là car la liste est si longue que ma chronique ne serait plus qu'un insipide recensement de nationalités.

Lorsque Jacky Le Sauge, du cabinet de veille économique Le Sauge & Le Sauge, est contacté par mail par un américain, William Baxter, pour signer un contrat, il n'hésite guère. Son cabinet n'est pas si florissant qu'il peut se permettre de refuser une offre. Rendez-vous est pris entre les deux hommes. William Baxter représente l'association Orphée.org dont le but est d'accompagner les familles des défunts en respectant les convictions et les croyances de ses membres. Le but unique de notre organisation est de transcender le deuil sur la base du mythe d'Orphée. Le financement s'effectue par des dons volontaires sachant que l'égalité existe dans la mort, et qu'il n'est plus question de riches ou de pauvres, mais de personnes à réconforter et en prenant en charge le travail de deuil.

orphee_delacroix.jpgJacky est quelque peu largué, mais il accepte toutefois la mission qui lui est confiée. Cinq principaux contributeurs se sont envolés, évaporés dans la nature, après avoir transité par Paris et pris le chemin de la Bretagne, haut lieu exerçant un magnétisme, une forme d'attraction se référant au mythe d'Orphée. Cinq Chinois dont il faut retrouver la trace. Il demande un temps de réflexion, le lendemain étant un 1er novembre, tout un symbole, puis assiste dans le salon d'un hôtel à la réunion d'un groupe de paroles, sur le modèle des Alcooliques Anonymes.

Orphée.org a été créé par Antoni Teixidor, fils d'un ouvrier catalan exilé en France en 1939. Revenu à Gérone, de simple chauffeur routier il monte une entreprise de transports florissante, Teixidor perd sa femme et sa fille unique dans un accident automobile. Il connait alors une expérience spirituelle qui va l'amener à créer un site spécialement dédié aux personnes affligées par la disparition d'un ou plusieurs êtres chers. Il édicte ses règles dont la première est Nous avons fait le deuil de notre deuil. Et impose ce leitmotiv : Rien n'a changé, ils sont à nos côtés.

Jacky rentre chez lui à la Crossardière, près de Laval, dans la demeure familiale. Son père, Jean, est membre d'un groupe de réflexion, Edith, sa mère a de nombreuses occupations dont des cours de chants. Jacky n'est pas enfant unique, il possède un frère, Côme, son double. Vrais jumeaux, monozygotes et mono-amniotiques, Jacky et Côme ont très tôt été différenciés par leurs parents. Edith apportant sa touche à l'apparence extérieure et Jean celle de l'existentiel. Et bien entendu, Côme et Jacky ont été façonnés de telle manière que l'un, Jacky grand, fort, et pas bête, a suivi des études de lettres modernes, tandis que Côme, rachitique, limite autiste, besognait sur les lettres classiques. Tant et si bien que Côme a été placé dans un institut spécialisé, vivant dans sa bulle. Mais entre les deux frangins, qui se ressemblent toutefois malgré les efforts de leurs géniteurs et par la volonté de Côme qui voulait absolument s'identifier à son frère, entretiennent des liens très forts d'affection.

C'est ainsi que Jacky rend visite à Côme dans son lieu mont-brasparts.JPGd'hébergement thérapeutique, et lui narre la mission à lui confiée. Côme alors entreprend d'éclairer son double en lui administrant un cours magistral sur le mythe d'Orphée, ce héros de la mythologie grecque et les différentes versions qui lui ont été collées à la peau, dont celle de Virgile qui provoque une violente diatribe de la part de Côme.

Jacky reçoit un message pour le moins abscons Cherchez toujours à l'envers de ce qui vous sera montré (sans accents dans la version originale, ce qui l'amène à penser qu'il émane d'un clavier qwerty) et bien évidemment émanant d'un anonyme qui tient à le rester.

800px-Le_lac_Reservoir_de_Saint-Michel_et_le_mont_Saint-Mi.JPGSelon l'équation que 1 et 1 égale 1, Jacky, aidé de Côme et de ses compétences mythologiques et de son envie de suppléer son frère, va enquêter dans des endroits chargés en mystères, en mysticisme, des endroits considérés comme des portes menant en Enfer comme le Mont Saint-Michel de Brasparts dans les monts d'Arrée en Bretagne, ou le château de Montségur, haut lieu du catharisme, car d'autres disparitions sont à déplorer. Enquête en Espagne, sur les lieux de l'accident survenu aux proches de Teixidor et rencontre avec un historien spécialiste des Cathares. Mais cette enquête ne sera pas de tout repos et les rencontres improbables et déstabilisantes seront nombreuses.

 

Entre roman policier, des enquêtes sur des disparitions énigmatiques, roman initiatique à la mythologie et surtout à cet apologue sur Orphée et la mort, Orphée.org nous entraîne également sur les problèmes de la gémellité et les désirs des parents soit de ne faire qu'un de leurs deux enfants avec le risque de les associer en les transformant en siamois, soit de les dissocier complètement avec les inconvénients de l'amalgame inconscient et la perte d'identité de l'un des deux enfants. Côme se cherche et se voit dans un prisme où se reflète Jacky, mais l'image qu'il en obtient est déformée, le perturbant et l'obligeant à se recroqueviller mentalement.

Renaud Marhic, use de phrases courtes, des phrases chocs et incisives, entremêlant des pensées, des idées, des réflexions dans des parenthèses qui amènent le lecteur à s'identifier parfois au protagoniste, ce qui transcende l'effet miroir flouté. Le côté fantastique dont use, sans abuser, Renaud Marhic dans la plupart de ses romans, est ici gommé et ce sont plutôt les obsessions liées à la mort qui prévalent et en un certain sens le côté mercantile qui prend de plus en plus de place, sans l'avouer. Le travail de deuil par exemple cher aux psychologues, donnée inconnue il y a encore quelques décennies, les vivants sachant s'affranchir d'une mémoire encombrante par des occupations diverses sans avoir recours à des palliatifs. Mais les solutions envisagées par Renaud Marhic, via Orphée.org, à moins qu'elles existent déjà on ne sait jamais, ne manquent pas de technologies ni d'un certain décorum, on n'arrête pas le progrès et les délires.

 

A lire également ma chronqiue sur  L'attaque du Pizz' Raptor, un roman pour jeunes adolescents.

 

Renaud MARHIC : Orphée.org. Collection Polar & Grimoire. Editions Terre de brume. 224 pages.14,00€.

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19 décembre 2013 4 19 /12 /décembre /2013 16:57

Bouquiniste, un métier à la page !

 

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La Vieille Bourse, monument situé dans l'ancien Lille, est un lieu incontournable pour les touristes, pvieille_bourse.JPGour son architecture, et pour les Lillois, surtout ceux qui sont attirés par les livres, anciens ou modernes. Dans son enceinte, ce bâtiment recèle une sorte de cloître où tous les après-midis, quelque soit le temps, des bouquinistes tiennent leurs stand, à l'instar de ceux qui sont installés sur les quais de Paris. Cartes postales, gravures anciennes et autres vieux papiers, sont proposés. C'est également le lieu de rendez-vous des amateurs du jeu d'échecs.

Dans cette enceinte se balade régulièrement Emile Martineau, honnête avocat à la retraite. Il connait la plupart des boutiquiers, dont Joseph Guisle, son ami et doyen des lieux, ou encore Jef, dit le Belge, Hélène, l'opulente rousse presque septuagénaire mais dont les appâts ne trahissent pas l'âge, et Babette, la plus jeune, qui oscille entre trente et quarante ans, et qui, si elle officie dans l'ancien collectionne aussi les amants.

Cet après-midi là, en ce mois d'octobre pluvieux, peu de déballeurs,VIEILLE-BOURSE.jpg mais une effervescence règne autour des étalages de l'un des quatre vendeurs. Un carton a été jeté à terre et les bouquins gisent. Un incident pour les uns mais pour Jef, c'est la violation de son petit territoire. Ce carton n'a pas dégringolé tout seul, et comme la plupart des véritables bouquinistes, amoureux de leurs trésors, qu'il s'agisse d'ouvrages reliés ou de livres de poche, c'est le forfait qui en lui-même est déplorable, lamentable et désolant. Aucun petit voleur n'aurait pu s'amuser à commettre ce gâchis, de plus la journée vient tout juste de commencer et ce n'est pas encore l'affluence des chalands. Or seuls les vendeurs possèdent les clés des portes massives qui permettent d'entrer dans cet enclos et Hélène arrivée la première comme à son habitude n'a rien remarqué.

Quelques jours plus tard, c'est un autre stand, celui de Paul, qui est ainsi chamboulé. Les cadenas ont été fracassés, des livres ouverts et déchirés, des tiroirs et des cartons vidés. Des lots de livres récemment achetés par Jef et Paul lors d'une vente aux enchères, lors de la vente publique de la bibliothèque d'un collectionneur, la succession d'Hubert la Roquette. Jef et Paul avaient acquis en plusieurs fois des lots proposés aux enchères. Le commissariat est prévenu, et l'inspecteur Thuilliez, un habitué de l'endroit et passionné d'échecs arrive sur les lieux.

vieille-bourse.JPGLes suspicions ne tardent pas à se porter sur les uns et les autres, mais bientôt c'est sur Babette que tous les regards se tournent. Façon de parler car elle disparait, ne donnant plus de ses nouvelles. L'effraction d'une bouquinerie, hors des murs de la Vielle Bourse est à déplorer et naturellement c'est sur Babette que les soupçons se portent. Et si elle avait découvert quelque chose dans un des ouvrages de la succession Roquette ? La piste est envisagée surtout lorsqu'une jeune fille raconte que la disparue était à la recherche d'un Marocain. Une méprise homonymique qui perdurera quelque temps et entrainera les protagonistes, dont Emile Martineau qui décide de jouer les enquêteurs en marge de la police. Une autre piste est elle aussi à explorer, celle d'un ex-libris, selon un amateur de vieux livres qui avait ses entrées auprès d'Hubert la Roquette et surtout de sa bibliothèque.

Babette n'est pas la fautive, à moins qu'un de ses amants, avec lequel elle aurait perpétré ses forfaits, l'ait tout simplement retirée du circuit, car elle est retrouvée nue, morte sur un des stands quelques après. Un pigeon ensanglanté a été déposé sur son corps. Une hypothèse ésotériste est alors envisagée.

Martineau et sa femme Madeleine vivent en horaires décalés, c'est dans leur tempérament. Pourtant ils se rencontrent dans la journée et discutent. Cette affaire passionne Madeleine qui a lu tout Agatha Christie et écrit pour son plaisir des romans, non édités, de véritables sagas fleuves. Elle avance des hypothèses qui ne sont pas si farfelues que cela, Emile et ses amis, Joseph, Jef, Hélène par exemple qui échangent des suppositions en sa présence, peuvent s'en rendre compte. Pour le commissaire, le patron de Thuilliez, l'enquête n'avance pas assez rapidement, d'autres affaires requièrent leur concours.

 

Ce roman, à l'intrigue bien menée et qui réserve quelques belles surprises, souterraines, est surtout axé sur l'univers des bouquinistes, l'auteur lui-même en est un, et le décor prestigieux de cette Vieille Bourse lui donne une saveur particulière. Bernard Guérin a longtemps pratiqué dans l'enceinte de ce monument et il en connait parfaitement les arcanes. Il en décrit l'atmosphère, l'ambiance, sans que pour autant cela empiète sur l'intrigue qui ne propose pas de scènes inutiles, violence, sexe, comme bien souvent des auteurs se croient obligés d'en truffer leurs romans, ce qui nuit au bon déroulement de l'histoire et des mystères qu'elle recèle. La référence à Agatha Christie est judicieuse, et malgré les à-priori de certains jugeant sa production désuète (ce qui est faux), ce roman s'intègre parfaitement dans cet univers christien. En espérant que l'auteur pourra renouveler l'expérience de l'écriture, et je gage, puisqu'il est adepte du jeu d'échec, que ce n'en sera pas un.


Bernard GUERIN : Le secret de la Vieille Bourse. Collection Polars en nord. Editions Ravet-Anceau. Parution novembre 2013. 160 pages. 9,00€.

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18 décembre 2013 3 18 /12 /décembre /2013 15:48

Bon anniversaire à Janine Boissard, alias Janine Oriano, née le 18 décembre 1937.

 

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Une jeune femme aborde Yves-Marie Préjean dans une rue de la capitale, l'appelle Baptiste et lui remémore quelques bons moments passés ensemble à Saint-Malo, ville d'où tous deux sont originaires. Malgré toute sa bonne volonté, Baptiste (prénommons-le ainsi pour la commodité du récit) ne se souvient de rien pour la bonne raison qu'il ne connait pas celle qui s'est présentée à lui comme Sandrine. Au début cette méprise l'amuse, puis il doit rejoindre sa femme Madeleine, personne empâtée par les ans, qui lui reproche sa condition de gagne-petit. Toutefois, le lendemain Baptiste va au rendez-vous proposé par la belle Sandrine et insidieusement l'engrenage se met en route.

A la boutique où il travaille comme disquaire, ses collègues, Mériot le Don Juan et Polly, ainsi que le patron, s'étonnent de le voir si bien sapé. Sandrine l'aguiche et le fait même monter chez elle. Mais elle le repousse alors que les hostilités amoureuses allaient débuter.

Baptiste est intrigué par le manège d'un homme qu'il croise près de chez Sandrine, s'engouffrant dans un hôtel proche. Il le revoit à la boutique. Un soir que Madeleine mange chez sa mère, Sandrine l'entraîne au restaurant. Ils se font tirer le portrait par un photographe ambulant puis ils vont chez elle. Ils boivent et Baptiste s'endort. Lorsqu'il se réveille le lendemain matin, Sandrine est morte, étranglée par un lacet appartenant à Baptiste. Celui-ci rentre chez lui, déboussolé, sans prévenir la police, puis, dégrisé, se promet de venger la morte et de sauver sa peau par la même occasion. Il récupère chez la morte le ticket du photographe mais la boutique n'existe plus depuis belle lurette. Il suit l'homme qui l'avait tant intrigué jusqu'à son hôtel pour apprendre que c'est un détective privé.

Il l'assomme et répond à un appel téléphonique destiné au privé. Le correspondant donne rendez-vous au Clairon, sorte de club privé. Là il rencontre un personnage falot qui lui raconte que Sandrine lui avait monté le même bateau et le faisait chanter depuis à l'aide de photos compromettantes. C'est lui qui a engagé le privé et il doit remettre l'argent sous enveloppe dans un bar, le Tournesol. Baptiste met dans la confidence son cousin Alfred, le loufiat du bar-restaurant où il mange tous les midis.

Narré à la première personne, B comme Baptiste se lit facilement mais pêche par un épilogue téléphoné. L'on connait le nom du meurtrier cinquante pages avant la fin et le reste n'est plus qu'une grosse ficelle qu'il suffit de dérouler. Baptiste, on le serait à moins, a paniqué et son tort a été de se méfier du détective, qui lui aurait appris la combine dès sa première rencontre, lui évitant toutes sortes d'ennuis. Sauf peut-être avec les policiers qui en général ne s'embarrassent pas de fioritures. Le début est assez humoristique, employant un argot bon enfant. Ensuite le ton se montre plus noir sans pour autant prétendre au chef d'œuvre.

Bon roman d'une débutante qui allait connaître la consécration littéraire sous le nom de Janine Boissard. Malheureusement, dans les salons et festivals littéraires auxquels elle participe, Janine Boissard n'apprécie pas que quelqu'un se présente à elle pour se faire dédicacer un des trois romans qu'elle a signé à la Série Noire, prétextant que c'étaient des œuvres de jeunesse.

 

Curiosité. Le manuscrit étant arrivé à la Série Noire sous le pseudonyme de J. Oriano, tout le staff, Marcel Duhamel en tête, pensait avoir déniché un nouvel auteur masculin. Une mystification involontaire entretenue par le ton de la narration. La méprise fut dissipée lors de la signature du contrat.

 

Citation : Toujours pareil avec les femmes; soyez fidèle pendant dix ans, elles s'endorment sur leurs lauriers.


J. ORIANO : B comme Baptiste. Collection Série Noire N° 1391. Editions Gallimard. 258 pages. Janvier 1971.

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17 décembre 2013 2 17 /12 /décembre /2013 16:52

Voyage chez les monstres !

 

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Collioure Trap.

collioure.jpgEn compagnie de quelques amis, Francis Darnet (alias transparent de François Darnaudet) joue régulièrement à un jeu de rôle, Donjons et Dragons, dans son appartement. Tout ce petit monde se prête avec conviction au jeu, perdant allègrement des vies, se battant contre des Jonglômes venimeux, des guerriers à têtes de loups, des morts-vivants, des rescapés d’un naufrage sur la plage de Collioure, ou plutôt Cotlliure en catalan. Peu à peu, un autre jeu s'immisce, celui de L'appel de Cthulhu, inspiré de la créature imaginée par Lovecraft.

Mais parfois la fiction empiète sur la réalité et le monde virtuel s’impose, devenant dangereux pour ses adeptes réunis dans un banal immeuble parisien. Une habile mise en abîme pour un roman qui n'a pas perdu de sa force.

Collioure Trap, a paru au Fleuve Noir dans la collection Gore en 1989 sous le numéro 103. L’intrigue est savamment agencée en véritable trompe l’œil. Virtuel et réel se fondent en une combinaison enchevêtrée de fureur et de calme, les temps de repos n’étant attribués au lecteur, et aux joueurs, que pour mieux embraser l’action échevelée.

 

Dans Andernos Trap, qui portait le numéro 115 de la collection Gore,andernos.jpg non plus au Fleuve Noir mais chez Vaugirard, en 1990, la symbolique est différente et non plus ludique. Implicitement et sous-couvert de zombies, François Darnaudet dénonce la défiguration, par des promoteurs immobiliers voraces, de la station balnéaire.

Lorsqu'on est au volant d'un véhicule, la moindre des choses est de s'occuper de sa conduite et ne pas laisser sa main droite batifoler sous la jupe de sa passagère. Benoît aurait du respecter ce principe, l'accident ne lui serait pas arrivé. Il percute une gamine en vélo mais lorsqu'elle se relève, apparemment indemne, il s'aperçoit que la joue sur laquelle elle est tombée est incrustée de gravillons. Pis, cette joue est déjà ravagée. Des policiers font irruption, comme s'ils attendaient l'incident, mais eux aussi ne sont pas nets. Benoît se rend bientôt compte que sa compagne et lui sont face à des morts-vivants, des zombies.

Les frères Phil et Julien Darnet ont prévu de se rejoindre à Andernos pour tirer quelques balles dans le jardin où est installé une base de ball-trap. Eux aussi vont bientôt devoir affronter des zombies. Kossok, l'un des rares survivants d'Andernos s'est retranché dans son bunker, tandis que Christopher Thevalley, le pharmacien de la petite cité qui a effectué des études de médecine indienne, chinoise et vaudou, dirige sa petite troupe de morts-vivants. Des entités vert fluorescent, des anciens résidents, qui ont colonisé la station balnéaire.

Ces deux textes sont suivis d'une nouvelle en trois chapitres Trappes Trap, qui met en scène des collectionneurs. Mais pas n'importe lesquels, ceux qui dans les années quatre-vingt achetaient, s'échangeaient des cartes téléphoniques à tirage limité. Une nouvelle en forme de boomerang, et là il n'est nullement question de zombies ou de monstres. A moins que les monstres soient les êtres humains eux-mêmes.

 

Depuis longtemps introuvables, ces deux romans méritaient une réédition et tous les amateurs de romans fantastiques, d'horreur, seront comblés. Et pour mieux comprendre ce phénomène, la postface de David Didelot, qui aurait pu être mise en introduction, est une lecture indispensable et intéressante revenant sur ces années 80 où le gore déferlait en France, en littérature et au cinéma. Les auteurs Américains comme Jack Ketchum, John Russo, Ray Garton, Shaun Hutson, Gary Brandner furent édités dans la collection Gore du Fleuve Noir, dans des versions parfois amputées, mais les Français, Darnaudet, Nécrorian (Jean Mazarin/Emmanuel Erre), G. J. Arnaud, Michel Honaker et bien d'autres se révélèrent à leur hauteur, même si parfois on peut relever quelques petites imperfections dont les auteurs, Darnaudet le premier, l'avouent volontiers. Mais dans le cas de François Darnaudet, il faisait ses premiers pas en littérature, et a dû effectuer quelques coupes dans ses textes initiaux afin de répondre à la pagination exigée.

Evidemment cette collection rebuta quelques lecteurs, mais les autres dévorèrent ces romans avec un plaisir jouissif, se replongeant avec délectation dans leurs lectures juvéniles dans des versions non édulcorées. Cendrillon, par exemple, dont de nombreuses versions issues de contes oraux furent adaptées par Charles Perrault et les frères Grimm. Dans des versions complètes les deux demies-sœurs de Cendrillon se rognent les talons et se coupent le gros orteil afin de pouvoir enfiler le soulier de vair. Etonnant, non !


François DARNAUDET & Catherine RABIER : Zombies gore. Collection Noire N° 57. Editions Rivière Blanche. 240 pages. 17,00€.

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16 décembre 2013 1 16 /12 /décembre /2013 16:58

L'information dépend de l'intégrité morale du journaliste !

 

puissants.jpg


Pour la première fois depuis sa création officielle en 1917, le prix Pulitzer va être remis à deux journalistes étrangers. Un événement digne de son centenaire. En effet en ce début de mois d'avril 2017, Pierre Moince, grand reporter à Liberté Soir et son confrère et ami Julian Strummer du Bristol Morning News, vont se voir décerner ce prestigieux prix, un hommage qui récompense un reportage divulgué en juin 2016 et qui secoua la planète entière. Moince est déjà arrivé à l'hôtel qui lui est alloué et il attend la venue de Julian Strummer. Il lui téléphone, sachant que même s'il est minuit à Bristol, son ami répondra, étant encore dans les locaux du journal.

Julian Strummer est abattu car sa liaison avec Ashlee, la secrétaire de rédaction, bat plus que de l'aile. Remontent les souvenirs de leur rencontre, puis de leur premier baiser, de leur première liaison charnelle. Ashlee est mariée, mère de famille, et il leur fallait jouer avec leur emploi du temps pour satisfaire leur libido. Leur liaison a connu des hauts et des bas, mais il semble bien qu'Ashlee a décidé de rompre définitivement. Pourtant ils s'aiment.

C'est comme ça, à cause et grâce à une femme que l'aventure commence. Julian Strummer part en 2015 en Equateur effectuer une série de reportages pour le supplément du quotidien, et dans un village il remarque dans un bar un homme qui boit seul, et marmonne. Strummer parvient à distinguer des mots, qui n'ont apparemment aucun sens mais prononcés en anglais. la fibre journalistique est chevillée au corps et à l'esprit de Strummer, et il sent que cet homme, prénommé Juan, possède un lourd passé. D'autant qu'en sortant du bar Juan expectore des trucs noirâtres. Strummer parvient au bout de quelques jours à s'attirer les bonnes grâces de Juan qui explique en partie pourquoi il est ainsi malade des bronches. Strummer recueille des bribes de confidences de Juan et en échange il lui promet de l'emmener consulter un toubib.

Juan, qui se nomme en réalité John Woodcock, est un ancien membre des Forces Spéciales britanniques. Après une adolescence mouvementée, connu des petits boulots, il s'est engagé dans les paras à vingt-trois ans. Après six ans de paras, il postule en 2007 pour entrer dans le Special Forces Support Group, une unité d'élite nouvellement créée. Bien noté, pour une fois, il intègre le SFSG et effectue quelques mission en Irak. Ces confidences s'arrêtent là, et il ne veut pas s'expliquer sur cette phrase prononcée le soir où Julian l'a vu pour la première fois : Ces négros qui sont morts pour rien. A l'hôpital de Quito, John est reçu par le docteur Joselita Cobos qui procède à de nombreux examens. Le résultat n'est guère encourageant : ses poumons recèlent des traces de trichlorophénoxyacétique (retenez ce nom, ça peut servir au Scrabble !), un produit chimique utilisé comme herbicide, déjà employé dans la composition du fameux agent Orange. Ce n'est pas tout car des traces de cobalt 60, radionucléide qui compose la plupart des déchets radioactifs sont également décelés.

John, abattu, livre alors ses confidences en entier que Strummer enregistre. En 2011 il a été accusé, en compagnie d'autres membres de cette Force Spéciale, de tortures sur des prisonniers afghans. Les autorités militaires ont étouffé l'affaire et début 2012, proposition lui a été faite de se racheter et d'effacer son dossier militaire. C'est ainsi qu'un billet d'avion lui a été fourni pour Maidiguri au Nigéria avec un faux passeport, puis réceptionné par un certain capitaine Hawkins. Avec huit autres militaires comme lui envoyés en mission spéciale, ils ont embarqué à bord de 4X4 neufs et déposés à Diffa, au Tchad, sous la houlette de Hawkins et d'un capitaine français nommé Chauveau. Leur but était de liquider un groupe d'Al Qaïda, femmes et enfants y compris, et afin de ne pas laisser de traces, de les gazer avec un produit ultra-puissant. C'est ainsi qu'ils se sont retrouvés sur place, tout de noir vêtus, et ont procédé à cette mission. Lors de la vérification, une femme a arraché le masque de John et il a ingéré une bouffée de ce gaz. D'autres militaires sont arrivés et ont abattu le commando, sous les yeux de Hawkins et Chauveau. John qui s'était caché a survécu; et il a déserté. Après de longues pérégrinations il est arrivé dans un petit bourg en Equateur où il s'est recyclé en éleveur de chèvres.

Pour Strummer, c'est une véritable bombe que vient de lui confier John. Aussitôt il avertit son ami français Pierre Moince et tous deux vont enquêter, aussi bien en France qu'en Grande-Bretagne sur les tenants et aboutissants de cette affaire terrible, chacun de son côté, confrontant leurs notes, leurs résultats.

 

Trois niveaux de lecture sont proposés par ce roman qui aborde plusieurs sujets sensibles tout en gardant une ligne de conduite rectiligne, celle d'un reportage comme savent le faire certains journalistes.

Outre l'hypocrisie de la Grande Muette (aussi bien française que britannique mais qui est une règle dans tous les pays) qui se traduit par l'ordre donné de faire parler les prisonniers par tous les moyens que l'on jugerait appropriés, une injonction qui ne dit pas le mot torture mais le sous-entend tout en laissant les hauts-gradés se laver les mains en se défaussant sur des guerriers qui ont mal interprété leurs directives, l'auteur pointe du doigt quelques dérives.

Le premier niveau de lecture est cette collusion Franco-britannique lors des différentes étapes de la colonisation de l'Afrique Noire, en se partageant les territoires, les découpant à leur bonne volonté, faisant fi des différentes ethnies, brassant les populations, et l'on se rend compte de nos jours des dégâts que cela occasionne encore. Dans ce roman il s'agit de nomades Peuls. Nous, les Peuls, sommes de nationalités différentes, parce qu'il faut bien avoir des papiers. Mais en fait, nous ne sommes rien pour personne. Les papiers n'existent que pour mieux nous contrôler. Mais si on veut faire valoir des droits, tout le monde se rejette et se renvoie la balle.

Le deuxième réside dans cette collusion entre services militaires et laboratoires phytosanitaires. Avec à la clé la finance qui est la maîtresse du monde. Et Bruno Jacquin nous délivre un passage savoureux qui se déroule au Lichtenstein, qui n'est plus considéré théoriquement comme un paradis fiscal, mais continue de servir de boîtes aux lettres pour des sociétés écrans en détournant habilement la convention. Mais il s'agit également de dénoncer l'ultralibéralisme britannique qui oblige, par exemple, une femme de soixante et onze ans de travailler encore, parce que sa retraite est trop mince pour vivre dignement et qu'elle n'a pas les moyens de se soigner.

Enfin troisième niveau ou volet, le rôle d'un journaliste intègre, non assujetti ou inféodé à un pouvoir politique, à une ligne directrice d'un quotidien. Or la plupart du temps, lorsqu'un ténor politique s'exprime, le lendemain, l'on sait d'avance quels seront les analyses ou avis des journalistes selon la position politique du journal dans lequel ils travaillent. Pour les uns, ce sera une excellente déclaration, pour les autres un écran de fumée supplémentaire. Les uns seront élogieux, les autres vindicatifs.

Et pour enrober le tout, une histoire d'amour ambigüe et contrariée. Cherchez la femme, phrase attribué à Alexandre Dumas dans son roman Les Mohicans de Paris, était un leitmotiv des romans policiers de l'âge d'or. Ici point besoin de la chercher, puisqu'elle est omniprésente et le déclencheur de cette intrigue qui damne le pion à bien des romans noirs américains. Point n'est besoin d'aller chercher Outre-Atlantique des ouvrages sérieux et parfois ils se nichent chez des petits éditeurs (formulation qui n'est pas péjorative de ma part mais désigne des éditeurs qui ne possèdent guère de moyens), quoi que puissent en penser les chroniqueurs qui déclarent ne lire que du roman noir, et peu de production française.


A lire également l'avis de Claude Le Nocher sur Action-Suspense.


Bruno JACQUIN : Le jardin des Puissants. Collection Sang d'encre. Editions Les 2 encres. 264 pages. 19,00€.

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14 décembre 2013 6 14 /12 /décembre /2013 15:59

Pour faire le portrait d'un drôle d'oiseau


Peindre d'abord une couverture
avec un immeuble et des hommes en noir
et prendre un pinceau
ou un couteau
vous étalez des couleurs
noires, bleues, jaunes
sur une palette
et vous commencez
le portrait d'un auteur
vous laissez aller
votre imagination
vous demandez
à un ami d'écrire
un texte noir ou humoristique
quelque chose de joli
quelque chose de simple
quelque chose de beau
quelque chose d'utile
placer ensuite la toile contre un panneau
dans un studio
dans un salon littéraire
ou dans un endroit calme
se cacher derrière
sans rien dire
sans bouger...
 

Alors vous arrachez tout doucement
une ligne, une phrase
et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau.

 

sadaune1


Ce texte, librement inspiré du poème de Jacques Prévert, Pour faire le portrait d'un oiseau, colle parfaitement à ce nouvel ouvrage de Roland Sadaune. Artiste-peintre, il capte une attitude, un regard, un sourire, une expression et surgit devant nos yeux ébaubis le portrait en buste d'un romancier qui a su noircir des pages pour éclairer nos nuits blanches.

Roland Sadaune n'est pas un égoïste, il partage, et il a demandé à une poignée d'amis de participer avec lui à l'aventure de cet ouvrage en écrivant un texte pouvant mettre en valeur les portraits qu'il a déjà réalisés. C'est ainsi que Stéphanie Delestré (éditrice et auteur), Jeanne Desaubry (auteure et directrice de collection), Pierre Faverolle (blogueur), Gilles Guillon (éditeur), Pascal Kneuss (blogueur), Claude Le Nocher (blogueur), Francis Mizio (Auteur), Sylvie S. (artiste et lectrice), Jean-Louis Touchant (auteur et ancien président de l'association 813), Julien Védrenne (webmestre) et votre serviteur, ont apporté quelques touches encyclopédiques, humoristiques, biographiques, graves, sérieuses, intimes, selon leur humeur, leur sensibilité, leurs connaissances des écrivains auxquels ils se sont attachés à dépeindre un trait de sa personnalité. Lister tous ces romanciers serait fastidieux, ne délivrer quel quelques noms serait réducteur. De plus qui placer en avant sans léser les autres ? Et le plaisir de la découverte n'en sera que plus jouissive.

Trente-sept romanciers doublement portraiturés, par l'image et par l'écrit, un double hommage à des écrivains, pas vains, qui savent ce qu'est la vie, car comme les peintres, ces artistes maudits, ils ont connu et connaissent encore parfois la galère pour vivoter du métier qu'ils ont choisi. Ecrivain est un métier, quoiqu'on puisse penser, exigeant, peu rémunérateur, sauf pour certains, mais oh combien exaltant. Contrairement à tous ces auteurs qui ne sont pas paresseux de imagination à telle enseigne qu'ils vous racontent comment se porte leur nombril. Certains, à la verve bouillonnante, n'hésitent pas à glisser du nombrils à l'étage inférieur (Claude Mesplède dans sa préface) nos auteurs s'obligent à triturer leurs méninges afin de passionner leurs lecteurs dans des histoires débridées, des enquêtes passionnantes.

sadauneMais revenons à l'objet de cet article, ce beau livre de Roland Sadaune. Car il est beau, magnifique même pourrais-je écrire si je voulais employer un superlatif, avec ses pages glacées, sa couverture cartonnée, ses reproductions couleurs. Et sous cet emballage engageant, se nichent quelques trésors. Par exemple une mini-BD, et des nouvelles, noires bien sûr, car c'est dans son tempérament à Roland Sadaune, un côté sombre qu'il entretient savamment, une marque de fabrique. Et d'autres ajouts indispensables pour mieux connaitre ce maître de cérémonie.

Un ouvrage qui tombe à pic pour Noël, même pour ceux qui font l'impasse sur cette fête synonyme de gabegie. Car à l'achat, votre portefeuilles ne ressentira pratiquement pas les effets d'une dépense onéreuse et vous vous ferez plaisir, car on n'est jamais mieux servi que par soi-même.


De Roland Sadaune lire également :  Dernière séance.

 

 

Roland SADAUNE : Facteurs d'ombres. Collection Portraits Polar. Val d'Oise éditions. 166 pages. 20,00€.

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13 décembre 2013 5 13 /12 /décembre /2013 10:16

rhombus.jpg


En ce début de nuit de mars 1942, la voiture conduite par Frère Jean, le précepteur de James et d'Anne, avance péniblement sur les chemins étroits des Côtes du Nord afin de rejoindre l'Île Verte, dite aussi Enez Disrann ou encore l'île des Disparitions. Dehors le brouillard est épais, ce qui n'arrange pas Frère Jean et les ornières nombreuses font cahoter le véhicule. Soudain une ombre géante se dresse devant le capot. Les passagers ont cru voir un homme aux ailes déployées. Effectivement, Frère Jean récupère un corps sur la route et il l'engouffre à l'arrière de l'auto, près d'Anne, puis le recouvre de sacs et de couvertures. Ils repartent cahin-caha, et un grand oiseau blanc sort de la brume et s'envole derrière eux.

Le voyage n'est pas terminé car avant de pouvoir débarquer sur l'Île Verte il leur faut franchir de nombreux obstacles. Ils sont arrêtés aux barrages dressés par l'occupant, des soldats allemands suspicieux. Sur le port ils sont à nouveau soumis aux mêmes tracas. Vérification des papiers, et des bagages. Entre temps Frère Jean a glissé le corps dans la malle placée dans le coffre, jetant les affaires inutiles dans un fossé ou sur Anne. Heureusement sur le port ils trouvent de l'aide en la personne du docteur Goulaouenn qui connait quelques représentants de la soldatesque teutonne. Ce qui d'ailleurs perturbe la jeune Anne qui traduit aussitôt ces familiarités par le mot collaboration.

Car il faut pouvoir transporter la malle sur le navire qui effectue la liaison avec l'île Verte et elle est trop lourde pour être soulevée par une seule personne. Anne tombe évanouie fort à propos, et comme James, handicapé par une poliomyélite juvénile, traîne la jambe et se déplace difficilement avec ses béquilles, deux soldats montent à bord l'encombrant objet après avoir essayé de l'ouvrir. En vain. Heureusement car l'adolescent qui se trouve à l'intérieur et qui sera nommé Mattéo puisque démuni de papiers, est un gitan et donc en péril.

brehat.jpgArrivés au manoir de Tréharec, Frère Jean et les jeunes gens sont accueillis par la grand-mère, qui préfère James à Anne, laquelle se sent délaissée. Anne écrit de nombreuses lettres à son amie Claire restée à Paris, mais elle ne reçoit aucune réponse à ses missives. Au début elle pratique une certaine réserve à l'encontre de Marwen, la fille du docteur Goulaouenn mais peu à peu les deux adolescentes sympathisent puis ressentent une profonde amitié l'une pour l'autre. Des événements les rapprochent, par exemple des disparitions d'enfants qui sont signalées, souvent des gamins étant simplet d'esprit. Autre point que n'apprécie pas Anne, c'est le fait que des soldats allemands, des SS soient cantonnés dans l'ancien fort situé au nord de l'ile et ce avec la bénédiction de sa grand-mère. Des orages accompagnés d'éclairs éclatent souvent, localement, comme si cela se référait à une légende, à des superstitions locales. D'autres personnages vont bientôt graviter dans l'entourage d'Anne et de Marwen, dont Tal, présenté comme un druide, et Sally, l'Anglaise qui leur donne des cours. Mattéo disparait lui aussi au grand dam des deux adolescentes.

 

Soixante-dix ans plus tard, en août 2012 au manoir de Tréharec, Arnaud s'ennuie. Il a quinze ans et n'est pas à l'aise parmi toutes les femmes et leur marmaille qui résident dans la grande demeure à l'instigation de sa mère, un peu fofolle, qui se fait appeler Poppy et qu'en secret il a surnommé la Gitane. Il s'est réfugié dans le grenier et il lit avidement un vieux cahier, sorte de journal intime écrit quelques décennies auparavant et découvert par hasard. Il se promène également dans les environs et au cours d'une de ses balades sur les bords de mer, il met le pied sur un objet enfoui dans la tangue. Une espèce de toupie en bois mais lorsqu'il met le doigt sur la pointe, il ressent une décharge électrique. Puis il aperçoit dans la brume une petite fille, comme une sorte de fantôme, ainsi qu'un grand cerf blanc.

Un jeune Allemand, prénommé Siegfried s'installe dans un prébrehat2.jpg sous une tente et les deux garçons sympathisent. Sieg possède un secret qu'il dévoile peu à peu à Arnaud. Son grand-oncle procéderait à des expériences dans les ruines du fort, qui doit être vendu ainsi que les terrains l'entoure doivent être vendus, ce qui chagrine profondément Arnaud. Les deux garçons décident d'effectuer des recherches, et grâce à Pamela, la secrétaire de mairie qui fait aussi office de bibliothécaire, ils peuvent consulter de vieux documents dont des lettres échangées au début du siècle dernier entre un arrière grand-oncle de Sieg et un savant du nom de Telsa. Des rumeurs courent sur des travaux effectués dans le fort, dont des expériences liées à l'extraction de gaz de schiste. Des orages soudains et violents se déclenchent localement, surtout près de la forêt. Tout en dévorant le cahier de Marwen et des lettres rédigées par Anne et destinées à son amie Claire, Arnaud et Sieg continuent leur enquête mais ils vont bientôt se trouver en butte à des événements qui dépassent leur entendement. Des rêves, des maux de tête, des évanouissements inopinés assaillent les deux adolescents dans des circonstances mal définies, pour eux. La découverte d'une étoile à six branches, un double triskell, leur permettra de se dépêtrer des nombreuses embûches qui les attendent. Mais cela ne suffit pas pour annihiler les dangers qui se dressent devant eux.

 

triskell.jpgL'histoire se répète, se chevauche, à soixante-dix ans d'écart. Mais l'auteure, plus perverse que moi, à habilement mêlé comme un gigantesque mille-feuilles, les événements, passant allègrement de 1942 à 2012, chapitre par chapitre, et on se rend compte à la fin que ce huis-clos insulaire possède une convergence même si tout en apparence devrait dissocier cette double intrigue. Les leçons du passé n'avaient servi à rien pour empêcher l'histoire la plus sombre de se répéter. Or même si ce n'est qu'un roman, on ne peut que constater, en dehors de cette intrigue, que certains événement décriés à vive voix aujourd'hui par des démagogues n'ont pas été assimilés et pris en compte. L'histoire des Juifs déportés, des Gitans et des homosexuels traqués, pourchassés, enfermés, mis à mort par les SS, toutes exactions qui attisent la colère d'Anne, perdure encore aujourd'hui, même si certains politiques, certains médias, affirment la bouche en cœur que ce n'est pas la même chose.

Tous les ingrédients sont réunis pour satisfaire le lecteur exigeant,triskell2.jpg pour peu qu'il apprécie le fantastique, l'aventure, l'approche historique, l'amitié adolescente, les savants fous ou plutôt utopistes puisqu'ils travaillent à un engin qui devrait être bénéfique mais se trouve détourné de sa fonction première, l'onirisme, le frisson, les maléfices, les lettres retrouvées, les secrets enfuis, les talismans, les promenades nocturnes, les apparitions fantomatiques, un vieux fort et ses souterrains labyrinthiques et bien d'autres éléments.

J'ai eu l'impression à certains moments, je vous rassure, c'était fugitif car l'auteure n'a pas besoin d'emprunter à ses confrères, même s'ils ne sont plus de ce monde, une ambiance et une atmosphère, j'ai donc eu l'impression de m'immerger dans un romans de C.S. Lewis, façon Narnia et plus principalement Prince Caspian, mais dans la version édulcorée lue il ya soixante ans environ dans la collection Idéal-Bibliothèque, ce qui je l'avoue ne nous rajeunit pas.

Quant à l'Île Verte, ce pourrait être une transposition de l'île de Bréhat.


 A lire également le premier volet des Maîtres de l'orage   : La marque de l'orage. 


Véronique DAVID-MARTIN : Le vertige du rhombus (Les Maîtres de l'orage 2). Editions Pascal Galodé. Parution le10 mai 2013. 534 pages. 24,90€.

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12 décembre 2013 4 12 /12 /décembre /2013 09:18

Une page d'histoire provinciale !

 

chouans-touraine.jpg


Le 23 septembre 1800, une troupe de six cavaliers, à l’uniforme disparate ressemblant vaguement à celui des hussards, investissent le domaine Beauvais, sis sur la commune d’Azay-sur-Cher en Touraine.

Après un pillage en règle au cours duquel ils font main basse sur l’argenterie et les bijoux, ainsi qu’une conséquente somme d’argent, ils prennent en otage le sénateur Clément de Ris et s’enfoncent dans la forêt. Comme si un enlèvement ne leur suffisait pas ils emmènent également le docteur Petit qui rendait visite à ses patients. Les serviteurs du château sont désemparés et madame de Ris, languissante et malade, ne sait à quelques saints se vouer malgré le réconfort que tente de lui prodiguer son amie madame Bruley.

Les gendarmes enquêtent mais les pistes font défaut ainsi que le mobile de ce rapt. Madame de Ris, désespérant de revoir son mari vivant, s’aperçoit qu’un coffre secret a été ouvert et que les papiers qu’il contenait ont disparu. Comme elle n’était pas au courant des affaires de son mari elle ne connait donc pas la valeur de ces documents. Tout le monde accuse les Chouans d’être à l’origine de cet enlèvement, des Chouans ayant peut-être à leur tête Cadoudal récemment revenu d’Angleterre où il était exilé.

Bonaparte, le Premier Consul, fulmine, et Fouché, son ministre de l’Intérieur toujours aussi diabolique, est sommé d’obtenir de rapides résultats. Pendant ce temps, Monsieur de Ris, enfermé dans une cave, est relativement bien traité, tandis que le docteur Petit est relâché sans explications. Les ravisseurs exigent le paiement d’une rançon conséquente. L’enquête piétine malgré les efforts des gendarmes, de Savary venu sur le terrain, et des hommes de Fouché dispersés aux alentours. Les Chouans, hostiles au régime bonapartiste, sont montrés du doigt. Mais ceux-ci, ennemis de la République et du Consulat, sont-ils réellement à l’origine de cet enlèvement et de tous les maux qu’on leur impute ?

Cette affaire a inspiré à Balzac son roman Une ténébreuse affaire, œuvre considérée par certains comme le premier roman policier français.

Giova Selly ne se perd pas en fioritures et elle nous propose un livre alerte et rondement mené. Cette collection des Drames de l’histoire n’aura connu que peu de numéros et aura été rapidement abandonnée. Dommage car outre Giova Selly pour deux ouvrages, d’autres auteurs de renom ont signé des romans intéressants, levant un coin du voile sur de petites affaires de l’Histoire. Ainsi Jean Anglade, Claude Pasteur, Eric le Nabour et quelques autres.

Voir également le portrait de  Giova Selly ici.


Giova SELLY : Chouans de Touraine. Collection les Drames de l’Histoire N°7, éditions Fleuve Noir. Septembre 1992.

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11 décembre 2013 3 11 /12 /décembre /2013 14:35

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Giova Selly est née à Lyon le 15 septembre 1934 et se nomme en réalité Giova Lavalle. Après une maîtrise de philo et d’ethnologie tâte au théâtre lyrique, au cabaret, à la télévision, au cinéma puis s’éloigne de la carrière de chanteuse pour écrire.

Elle accumule les nouvelles sentimentales dans les magazines (plus de 1000 pour Bonnes soirées, Nous Deux ou encore Confidences, soit pour des textes inédits soit pour du rewriting sous son nom de Giova Lavalle, et les pseudos possibles de Laurence Edmée ou Véronica Baldi) et aborde les romans historiques, parce qu’elle adore l’histoire et s’y sens plus libre dans la construction de l’histoire, et policiers, aimant tout aussi bien le polar, le roman noir ou encore le suspens, parce qu’elle aime tout ce qui est humour et psychologie.

Poussée par son mari quand elle a quitté le théâtre, elle s’est tournée vers l’historique (Chère Elise) et comme elle était éditée au Fleuve Noir, l’envie lui est venue tout naturellement de se porter vers le roman policier, entre 1976 et 1984. Elle se tourne lors de la disparition de la collection Spécial Police vers ses premières amours, les romans historiques et les romans sentimentaux. Ainsi en collaboration avec Robert Morcet elle signe deux ouvrages chez Ergo Press ; rédige les scénarii de films de formation, le texte de la visite/spectacle du château de Duras ainsi que des articles de tourisme, de courts ouvrages sur des sujets variés comme Les Clippers, l’astrologie chinoise, les fruits, des guides, sur Londres et San Francisco, sur minitel des textes sur les champignons et cosigne des documents comme Prostitution ; portes ouvertes chez Carrousel-Fleuve Noir (1986) avec Claude Godfryd, ou Mal du dos, la solution avec E. Lemoine, kinésithérapeute.

Chez Albin Michel elle signe Youssouf le cavalier du désert , en 1990, un recueil de nouvelles (Suspens, 1995 chez Regards et lectures) et depuis le début des années 2000 des romans sentimentaux pour adolescents dans la collection “ Toi + moi = cœur ” chez Pocket jeunesse (Gaufres, manèges et pommes d’amour, 2001 ; L’amour sans trucage, 2002 ; Welcome, l’amour, 2003 ; Confidences d’un été, 2004).

Maintenant elle est directrice artistique du Théacanto à Paris et écrit et met en scène des pièces de théâtre et des comédies musicales : Du swing en coulisse, O.K on s’fait la Malle, Paris sur scène, notamment.

 

Bibliographie

 

Spécial Police:

1229 : Piège à la une ; 1418 : Trois cloches pour un joyeux Noël ; 1470 : En noir et en couleurs ; 1503 : Le Spectacle est à l'entracte ; 1515 : Des Morts sans importance ; 1548 : Attention la bête!; 1603 : La Chasse au petit salé ; 1771 : Cache-cadavre ; 1857 : Requiem pour un tricheur

Grands romans

Chère Elise, 1969 ; Un empereur pour Elise, 1970

Grands Succès

Les lauriers de la liberté, 1976 ; L’Oriental, 1977 ; Les dieux familiers, 1982 ; Le temps d’ailleurs, 1983 

Les drames de l’histoire

N° 7 : Chouans de Touraine (1992) ; N° 10 : La veuve de Belgrade (1993)

 

Autres publications : Yousouf, le cavalier du désert (Albin Michel – 1990, réédition revue de L’Oriental) ; Gaufres, manèges et pomme d’amour (Pocket jeunesse 2001, Pocket junior N° 702) ; L’amour sans trucage ((Pocket jeunesse 2002, Pocket junior N° 780) ; Welcome l’amour  (Pocket jeunesse 2003, Pocket junior N° 838) ; Confidences d’un été (Pocket jeunesse 2004, Pocket junior N° 1018) ; Rencontre au pays Kmer (J’ai Lu 2005, Escale romance 7521). en collaboration avec Robert Morcet : Balafres, 1986 ; Cavale, 1986 (Ergo press, collection Triangle noir).

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10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 08:24

Certaines personnes possèdent un patronyme prédestiné en adéquation avec leur existence.

 

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Ainsi Matt, qui se nomme Lecoeur, aime les femmes, toutes les femmes depuis son adolescence, mais principalement les belles et fines. Mais ce n'est pas tout, car tout jeune, alors qu'il n'avait que six ans, un médecin lui a découvert une malformation cardiaque.

En 1998, alors qu'il a environ vingt-cinq ans, Matt est réveillé par un bruit incongru. Du verre brisé. Mais ce ne sont pas les bouteilles qu'il a éclusées la veille au soir, des libations chez des copains, non, ce sont sûrement les fenêtres qui viennent d'exploser sous la chaleur. La maison de sa mère est en feu. Heureusement elle est à l'hôpital depuis deux jours. Le temps de reprendre ses esprits, et son katana, et il enjambe le rebord de la fenêtre de sa chambre. Deux étages avant d'arriver au sol. Pas le temps de s'occuper de son piano, auquel pourtant il tient tant, et de sa veste. Dans ce cas c'est plutôt à son portefeuille que vont ses pensées, car il contient une belle somme d'argent récoltée en revendant des produits illicites. Les pompiers sont en bas, et sa sœur Delphine, qui habite à deux ou trois rues de là, arrive et se propose avec réticence de l'héberger. Un peu à contrecœur, car dix ans les séparent et ils ne se sont jamais vraiment bien entendus. Avec sa mère non plus, mais ce n'est pas de sa faute. Comme si elle l'ignorait. Mais il n'en connaîtra la cause et les raisons que plus tard.

Il n'avait que quinze ans, en 1989, lorsqu'il a bu son premier kir, chez les Masson. Anne, leur fille pas farouche, l'a aguiché et il s'est permis au dehors dans la nuit quelques privautés qu'elle n'a pas refusées. Le lendemain lors d'un rendez-vous, il la mordille dans le cou et cela lui procure une jouissance inconnue et étrange.

En 2002, Matt est marié, presque. Il vit avec Elisa et ils travaillent dans la même boite. C'est elle qui l'a embauché au service informatique. Fini les petits vols à l'étalage et autres délits avec les fils Masson ou les fils Bonnard. Il travaille régulièrement et ce pourrait être pire. Sauf qu'ils sont tous deux jaloux. Il s'inquiète lorsqu'elle s'enferme dans la chambre pour répondre au téléphone. Quant à Elisa elle n'apprécie pas qu'il aille manger avec Emilie, une collègue qui n'a pas sa langue dans sa poche. Emilie lui narre ses soirées avec ses différents amants, décrit ses positions sexuelles, et l'affuble de petits mots doux qui parfois l'importune. Mais ce qu'il en sait pas, c'est qu'elle est devenue son ombre, surveillant ses faits et gestes le soir lorsqu'il sort. Car Matt qui s'est aménagé une pièce dans le grenier sort souvent le soir.

Matt rencontre des femmes, mais il s'évanouit souvent et lorsqu'il sort de cette léthargie, il ne se souvient plus de rien. De ce qu'il s'est passé avant de sombrer dans l'inconscience.

Depuis quelques années, un fois l'an environ, des jeunes femmes sont retrouvées, à moitié nues, avec des traces sur le cou comme si quelqu'un s'était amusé à les mordre. Et surtout elles sont mortes, un pieu fiché dans le cœur. Les journaux relatent ces affaires et peu à peu les relient, et le scripteur des articles se demande si un vampire ne sévirait pas dans la région dijonnaise.

 

Surtout ne croyez pas que j'ai défloré le sujet et livré l'épilogue, loin de là.

Le lecteur suit le parcours de ce jeune homme en effectuant de nombreux allers et retours dans le passé. Le temps passe, mais s'intercalent des événements s'étant déroulés quelques années auparavant, et à chaque fois le narrateur change, s'exprimant à la première personne et dont on ne connait le nom qu'au bout de quelques paragraphes. Ce qui oblige le lecteur à s'imprégner de l'histoire avec attention. Car parfois, c'est un peu confus, ce qui ajouterait un peu de charme à cette histoire, si le roman n'était pas aussi long. Le lecteur est avide d'arriver à la conclusion, et élagué d'au moins une centaine de pages, sinon plus, ce roman eut été encore passionnant. Le délayage nuit à la vivacité. Mais il est vrai qu'un romancier débutant a parfois tendance à trop vouloir en faire, s'attardant sur des détails. Et puis cela n'engage que moi, car étant bibliophage, j'aime passer rapidement d'un roman à un autre.

Je pense qu'il vaut mieux lire une version numérique que la version papier, comme celle que je possède, car la mise en page est plutôt chaotique. Mais il ne faut pas en vouloir à l'auteure ni à la maison d'édition qui est toute jeune car le principe est d'éditer en priorité des versions numériques et j'espère que ces petits défauts, que je souligne car il faut bien trouver quelque chose pour ne pas être accusé de flagornerie, que ces anomalies n'apparaissent pas dans les versions PDF ou autres.

Vous pouvez découvrir les édition Clément ainsi qu'une interview de Sandrine Daudeville à cette adresse.


Sandrine DAUDEVILLE : Dark, une ombre. Editions Clément. 622 pages. Format papier 18,98€. Version ePub ou PDF 7,59€.

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