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24 décembre 2014 3 24 /12 /décembre /2014 13:35

Bon anniversaire à Mary Higgins Clark, né le 24 décembre 1927.

Mary HIGGINS CLARK : Le fantôme de Lady MargaretMary HIGGINS CLARK : Le fantôme de Lady Margaret

Judith Chase, qui commence à se faire un nom comme historienne, explore le passé de Charles 1er d'Angleterre, de Cromwell, de Charles II. Une investigation passionnante.

Elle aime et est aimée de Stephen Hallett, ministre de l'Intérieur promis à un bel avenir politique. Bientôt les élections vont se dérouler en Grande-Bretagne et l'on chuchote qu'il pourrait remplacer Miss Maggy à la tête du parti et du gouvernement. Pour Judith, c'est presque l'euphorie. Seule ombre noire au tableau, le mystère de sa naissance.

Grâce au docteur Patel, elle pense pouvoir puiser dans sa mémoire, dans ses souvenirs, retrouver quelques lambeaux de sa petite enfance, et remonter le temps. Attention, souvenirs danger !

Un fantôme se glisse subrepticement dans l'esprit de Judith, l'envahit et l'habite. Judith oscille alors entre deux personnalités, un peu docteur Jekill et Mister Hyde.

Suspense et fantastique pour cette longe nouvelle qui donne son titre au recueil. Mais la palette de Mary Higgins Clark est nettement plus étendue que l'on pourrait le croire et son talent a pris toute sa dimension au travers de deux ou trois autres nouvelles.

Ainsi Terreur dans le campus, L'une pour l'autre, Un jour de chance. Surtout Un jour de chance. A lire cette histoire et son épilogue, j'ai eu l'impression de retrouver un grand monsieur de la littérature américaine, peut-être le plus grand spécialiste de la nouvelle de suspense, j'ai senti planer l'ombre de William Irish.

La même façon d'aborder un sujet, d'en exploiter toutes les subtilités, de faire monter le suspense en un crescendo parfois insoutenable jusqu'à la chute imprévisible.

Mary Higgins Clark est surtout connue pour La nuit du Renard, pour La clinique du docteur H., ou encore Dors ma jolie, des romans au suspense classique selon moi. Avec le fantôme de Lady Margaret, c'est une nouvelle facette qui nous est proposée, une facette ma foi dort agréable à lire.

Mary HIGGINS CLARK : Le fantôme de Lady MargaretMary HIGGINS CLARK : Le fantôme de Lady Margaret

Mary HIGGINS CLARK : Le fantôme de Lady Margaret. Collection Spécial Suspense. Editions Albin Michel. Première parution Septembre 1990. Réédition Le Livre de Poche 1993 et 2001.

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24 décembre 2014 3 24 /12 /décembre /2014 08:53

A ouvrir avec précaution, sinon, gare aux courants d'air !

Fabrice BOURLAND : Les portes du sommeil.

Depuis de nombreuses années la mort de Gérard de Nerval occupe l’esprit d’Andrew Singleton, détective privé.

Deux années se sont déroulées depuis l’affaire du Fantôme de Baker Street, l’officine tenue avec son ami James Trelawney n’a pas chômé et il profite d’un moment de relâche pour se rendre à Paris. Le poète est-il mort d’un suicide selon la thèse officielle de la police, ou d’un assassinat selon d’autres sources ?

Après un voyage au cours duquel il a assisté à un mirage représentant un château perché sur un piton, en compagnie d’une jeune femme qui semblait elle aussi être un illusion, il s’installe non loin de l’endroit où le corps de Nerval a été découvert. Le commissaire Fourier, qu’il a aidé à résoudre une affaire quelques mois auparavant, le hèle dans la rue, comme par hasard, et lui propose de s’associer dans une enquête délicate réactivée par un article paru dans un journal et signé des initiales J.L.

Le célèbre professeur de métaphysique, le marquis de Brindillac est décédé durant son sommeil. Son visage reflétait une peur intense. Un mois auparavant le poète Pierre Ducros, affilié aux Surréalistes, le mouvement d’André Breton, est mort de la même façon. Seule la thèse de la mort naturelle est retenue et pourtant le journaliste émet des doutes. Singleton et Fourier se rendent au château de Brindillac près d’Etampes afin d’étudier les lieux. Ils y retrouvent Jacques Lacroix, proche d’Amélie la fille du défunt, et qui n’est autre que le journaliste qui a relancé l’affaire. Les pièces dévolues au marquis étaient fermées et si crime il y a ce ne peut être qu’un meurtre en chambre close.

Brindillac était obsédé par les phénomènes oniriques, consignant ses rêves sur des carnets depuis des années. Son livre de chevet favori, Le comte de Gabalis, sous-titré Entretiens sur les sciences secrètes, de Montfaucon de Villars traite des entités élémentaires, les incubes et les succubes. Un étranger se serait entretenu avec le marquis la veille de sa mort. Un Autrichien ou Allemand du nom de Von Öberlin. Un autre inconnu au nom similaire s’était présenté chez Ducros. Trelawney rejoint Singleton à Paris et tous deux se lancent sur les traces de ce mystérieux personnage.

Singleton est lui aussi sujet à des rêves, au début plus ou moins lubriques. Singleton est toujours plongé dans les écrits de Nerval. Or André Breton lui rendait hommage dans un de ses manifestes. Grand lecteur Singleton s’intéresse alors aux Manifestes du pape du surréalisme qui lui aussi écrit sur les rêves. Une association d’idées pousse les deux amis qui se rendent au chevet de Breton et le réveillent à temps. Ils localisent l’endroit où Öberlin résidait mais, grâce à des papiers trouvés dans sa chambre d’hôtel, à des prédictions formulées par un extralucide lors d’une réunion privée, aux recherches effectuées par Lacroix et aux rêves de Singleton, les deux amis se rendent à Vienne en Autriche.

 

Ce nouvel opus des détectives de l’étrange ne déçoit pas, au contraire. Le rythme est plus soutenu, plus enlevé, et les références à l’antiquité ne manquent pas.

Fabrice Bourland sème ça et là des indices et le lecteur attentif ne manquera pas de les relever malgré le côté fantastique. L’histoire se déroule en 1934, et l’auteur s’il privilégie le Paris des Surréalistes, Breton en tête (Léo Malet aussi aurait pu figurer), campe en toile de fond de façon ténue, la montée du nazisme. Singleton, le narrateur, évoque des affaires résolues en compagnie de son ami et associé Trelawney. Et l’on souhaite qu’un jour nous aurons la narration de l’affaire de L’égorgeur à la montre cassée et autres histoires aux titres alléchants.

Fabrice BOURLAND : Les portes du sommeil. Grands Détectives 4091 éditions 10/18. Parution janvier 2008. 250 pages. 7,10€.
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23 décembre 2014 2 23 /12 /décembre /2014 16:36

Un ectoplasme roulé dans la farine ?

Fabrice BOURLAND : Le fantôme de Baker Street.

Natifs du Canada, James Trelawney et Andrew Singleton se sont installés depuis quelques mois à Londres, exerçant la profession de détectives privés. Alors qu’ils vivotent de petites enquêtes, ils reçoivent la visite de la veuve de Sir Arthur Conan Doyle. Le père de Singleton et le fameux écrivain se sont rencontrés par le passé à deux reprises, tous deux férus de spiritisme.

Lady Doyle leur apprend qu’au 221 Baker Street, là où son mari avait situé le domicile de Sherlock Holmes, adresse qui n’existait pas de son vivant, se déroulent d’étranges évènements. Elle leur révèle également que Doyle aurait écrit juste avant son décès, d’une soit disant crise cardiaque, un message énigmatique Le pensionnaire est dans la boîte, il faut qu’il y reste. Elle aurait entendu au moment du décès de son mari des voix dans la chambre. Enfin elle part en prophétisant des meurtres.

Effectivement des personnes ont été assassinées ; des prostituées, selon les méthodes employées par Jack l’éventreur quarante ans auparavant. Andrew et James se rendent au 221 Baker street dont le propriétaire est le major Hipwood. Son neveu adepte de spiritisme, le Dr Dryden, leur propose de les prendre en photo. Au développement les deux amis aperçoivent posant derrière eux une sorte d’ectoplasme ressemblant vaguement à Holmes. Singleton subodore un trucage.

Ils sont conviés à une séance de spiritisme pour le soir même. Malgré son scepticisme Singleton est troublé. Non seulement Holmes fait une apparition leur enjoignant de se rendre le lendemain à minuit dans un quartier mal famé, mais de plus il entend une voix qui semble provenir de sa mère, décédée alors qu’il n’avait que six mois. Certains lieux, certains meurtres, titillent l’esprit de Singleton. Grand lecteur il fait appel à ses souvenirs et se rend compte que ces évènements funestes font référence à des ouvrages de Stevenson, Oscar Wilde, Bram Stoker mais surtout à leurs créatures.

 

Le duo de détectives de l’étrange imaginé par Fabrice Bourland est éminemment sympathique et nous replonge dans ces merveilleux textes où le fantastique côtoie le vraisemblable. Le lecteur est subjugué, entraîné malgré lui alors qu’il sait pertinemment plonger dans un univers onirique. Il croise des personnages connus, issus de la littérature populaire, toujours présents dans son inconscient, et brusquement ils prennent forme devant lui, en lui.

On ne se débarrasse pas si facilement de ceux qui ont hanté nos esprits, éveillés ou non. Malgré quelques longueurs, ce premier opus mettant en scène le duo Singleton – Trelawney est réjouissant et nous promet d’autres belles aventures. Du moins si l’on se réfère au manuscrit de Singleton, car il s’agit bien d’un manuscrit retrouvé par une firme d’avocats Américains transmis à l’éditeur. Sherlock Holmes possédait son biographe en la personne de Watson, ici c’est le héros qui narre ses propres aventures.

 

Fabrice BOURLAND : Le fantôme de Baker Street. Grands Détectives 4090. Editions 10/18. Parution janvier 2008. 248 pages. 7,10€.
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23 décembre 2014 2 23 /12 /décembre /2014 10:37

Hommage, modeste, à Jean-François Vilar, décédé le 16 novembre.

Jean-François VILAR : Les exagérés.

Victor Bainville, photographe, voue au musée Grévin une véritable passion, un culte, qu'il entretient presque quotidiennement.

Il aime à se balader au milieu des figures de cire, à se retremper dans l'atmosphère des différentes scènes évoquées par des mannequins plus vrais que nature. Le moindre changement, le moindre manquement dans l'ordonnancement des tableaux lui saute immédiatement aux yeux.

Par exemple, ce matin-là, quelque chose le chiffonne. Un tout petit détail. Pas bien important, mais qui l'inquiète quand même quelque peu. Quelqu'un a dérobé la tête de la princesses de Lamballe, l'amie, la confidente de la reine Marie-Antoinette. Cent quatre-vingt-quatorze ans auparavant (ce roman a été publié en 1990), jour pour jour, la tête de la princesse était promenée au bout d'une pique dans Paris, en colère, et en proie à la Terreur.

Par un curieux effet du hasard, un cinéaste, Adrien Leck, décide de réaliser une nouvelle version du film La Princesse, consacré à cet événement, à cet épisode de la Révolution. Un film tourné trente ans auparavant, et interprété par l'inoubliable Anna Fried. Celle-ci, qui a décroché depuis, ne veut pas ce remake soit tourné. D'ailleurs elle proclame comme une prophétie que ce film ne verra jamais le jour. Nonobstant Adrien Leck débute le tournage mais les ennuis, les bâtons dans les roues, les incidents sont de plus en plus nombreux et violents.

Pour Victor Bainville c'est une excellente occasion de retrouver non seulement l'atmosphère de cette époque, mais aussi les lieux où ont habité les différents protagonistes de cette époque trouble, les lieux où se sont déroulés des événements marquants. Une sorte de pèlerinage effectué avec délectation. Mieux, Victor s'investit dans le personnage de Jacques-René Hébert, le fameux et virulent Père Duchesne.

Jean-François VILAR : Les exagérés.

Dans cet excellent roman, Jean-François Vilar rend son hommage à la Révolution Française. Mais un hommage bien particulier, dans lequel les interférences sont nombreuses et qui est un prétexte à découvrir une ville que peu de personnes connaissent vraiment. Seuls les véritables amoureux de Paris peuvent nous présenter, nous décrire la capitale de cette façon, nous en parler avec autant de passion, d'émotion, de chaleur, de lyrisme. Une visite guidée qui exclut l'ennui.

Victor Bainville un nouveau Nestor Burma, et Jean-François Vilar un nouveau Léo Malet ? A peine exagéré ! Mais Jean-François Vilar avait cette faculté et cette passion de regarder avec l'œil du photographe et des restituer ambiance et atmosphère.

Jean-François VILAR : Les exagérés.

On ne va pas au musée Grévin pour suivre l'actualité. On y va par innocence ou nostalgie. On y va pour vérifier un certain ordre conservé des images du monde

 

Jean-François VILAR : Les exagérés. Première édition Le Seuil Août 1990. Réédition Editions Points romans noirs. Parution 10 septembre 2008. 448 pages. 7,80€.

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22 décembre 2014 1 22 /12 /décembre /2014 08:40

Le Bouquiniste est un insecticide : il enquête dans une secte...

Guillaume BECHARD : La nonne à tout faire...

Bouquiniste à mi-temps à Rennes, Erwan Guillerm ne manque pas d'occupations. Il vit des moments tranquilles en compagnie de son amie Véfa, une châtelaine qui s'occupe avec quelques bénévoles d'une association qu'ils ont créée à l'intention des jeunes bretonnants.

Un soir, alors qu'il allait fermer boutique, un de ses clients l'aborde car sa fille a disparu. Le professeur Jean Le Guevrec est dans tous ses états. Flora était entrée comme novice dans un couvent à Saint-Brieuc, mais ne supportant la discipline de fer de l'établissement, elle était revenue au foyer familial. Quelques temps plus tard, ayant entendu parler d'apparitions à Locmaria, dans le Finistère, la mère et la fille s'étaient rendues sur place. La mère était revenue seule et le père quoiqu'athée avait accepté le choix de sa fille d'intégrer cette congrégation en marge de la religion. Mais depuis deux semaines, Rosa n'a pas donné de ses nouvelles, aussi bien par courrier que par téléphone.

Muni de la photo de Flora, Erwan Guillerm décide de se rendre à Locmaria en compagnie de Véfa, pour qui ce sera une occasion de se divertir. Ils ne pensaient certes pas rencontrer autant de monde à cette cérémonie devenue une attraction touristique et lucrative, et le bouquiniste se procure malgré leur prix onéreux quelques fascicules. Ce n'est pas tous les jours que l'on peut voir une femme déguisée, entourée de vestales habillées de bleu pâle s'adresser à la Vierge. Cinéma pense Véfa, quant au bouquiniste il est rapidement édifié en lisant la prose de la voyante. Un réquisitoire envers le Pape (Jean-Paul II à l'époque) considéré comme un suppôt des communistes tandis que les nouveaux prêtres sont présentés comme des pratiquants de la pédophilie et syndiqués à la CGT. Mais de Flora point. Quelques jours plus tard, le professeur agrégé, complètement désagrégé apporte une carte postale postée de la Roche-sur-Yon signée Flora. Ne vous inquiétez pas, je suis très heureuse, je vous embrasse tendrement. Et bien entendu, c'est l'effet contraire qui est ressenti par le père déboussolé. Quant à la mère elle est aussi est déboussolée, les neurones se bataillant dans un cerveau qui se fissure.

Il n'en faut pas plus à Erwan Guillerm pour demander de l'aide à son ami Arsène Le Bodiec, inspecteur de police à la retraite. Guillerm va enquêter du côté de Morlaix et ce qu'il apprend auprès de Rosa, la prêtresse aux acouphènes l'incite à se rendre à Paris. Véfa est étonnée d'apprendre que la présidente de cette congrégation est dirigée par sa propre cousine, de toute façon cela lui importe peu car entre les deux membres de cette famille c'est la guerre froide. A Paris Guillerm se renseigne auprès de son ancien patron, directeur d'un journal auquel il participait, puis d'un policier de la Mondaine, ancien nom de la Brigade des Mœurs. Flora se serait conduite comme une nouvelle Bécassine, à l'instar de ces nombreuses Bretonnes qui montaient à la capitale pour trouver du travail et étaient recrutées par des souteneurs indélicats profitant de leur naïveté. Pour son enquête, Guillerm fréquente, en tout bien tout honneur, un bar réputé pour la beauté et l'accueil de ses hôtesses et dans lequel Rosa la vierge aurait été employée.

Guillerm va effectuer de nombreux voyages entre Rennes, Morlaix et Paris, mais toujours point de Flora. Et le lecteur peut savourer en toute quiétude cette enquête qui s'éternise dans l'espace temps, non sans humour.

Une enquête classique avec comme héros un bouquiniste, c'est toujours sympathique à lire, d'autant que l'auteur s'attache plus à décrire les faits, les personnages, leurs caractéristiques, leurs points faibles, sans cette apologie de la violence ou du sexe que l'on retrouve trop souvent dans les romans modernes. Une écriture sobre et efficace pour une intrigue qui continue lorsque Flora est retrouvée. Mais dans quel état, je me garderai bien de le préciser.

Seul petit manque à mon avis et qui aurait apporté un plus, un regain d'intérêt, c'est le partage entre les chalands et le bouquiniste sur leurs préférences littéraires, comme on a pu lire certaines scènes dans la série des Pierre de Gondol par exemple. Un bouquiniste qui ne parle guère de livres, c'est dommageable.

 

Pour mémoire un roman dans lequel Pierre de Gondol enquête :

De Guillaume Béchard lire également :

Guillaume BECHARD : La nonne à tout faire... Editions Pascal Galodé. Parution le 19 juin 2014. 152 pages. 9,90€.

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21 décembre 2014 7 21 /12 /décembre /2014 14:27

Les coquillages et crustacés vides ne sont pas consignés...

Jean HENNEGÉ : Merci pour les fruits de mer.

Ivoire, défense de rire, plus communément appelé Ivy, est un écrivain indépendant, un pigiste, spécialisé dans la rédaction d’articles destinés à des suppléments hebdomadaires féminins d’un quotidien. Produits de beauté pseudo parapharmaceutiques et autres articles supposés rajeunir les femmes d’une quinzaine d’années en dix jours, des rubriques servant de support aux placards publicitaires qui le valent bien.

Ivy vit en solitaire, ou presque. Depuis trois ans un chat s’est imposé à lui, et comme l’auteur n’a guère d’imagination en dehors de la rédaction des textes pour lesquels il est appointé, il l’a appelé Il. Et Il passe la plupart de son temps sur les toits, allant et venant grâce à une ouverture de la salle de bain. Un matin, à peine éveillé, Ivy découvre avec stupeur un doigt dans son lavabo, un trophée qu’Il lui a apporté en gage de reconnaissance.

Au début Ivy est déboussolé, que faire de ce morceau d’os enrobé de muscles et de peau. Un beau doigt pourtant, bien propre, l’ongle net et bien taillé, celui d’un homme, déduction aisée à cause des poils qui parsèment une phalange. Ivy le place dans un pochon puis après moult réflexions décide de se rendre au commissariat le plus proche. Il est accueilli par le lieutenant de police Danielle Battaglini qui ne peut faire autrement que prendre sa déposition et le doigt orphelin. Alors évidemment Danielle, accompagnée de son adjoint, perquisitionne chez l’auteur, réquisitionnant son ordinateur, l’outil de travail, on ne sait jamais des fois que la main serait cachée à l’intérieur, et autres bricoles dont la carte sim du téléphone portable d’Ivy.

Seulement, Il ramène le lendemain le frère jumeau, ou presque, du doigt qu’Ivy s’empresse d’apporter à la policière. Le petit jeu initié par Il continue jusqu’à ce que les cinq doigts soient récupérés et que l’honneur d’Ivy soit sauf et que les soupçons qui pèsent sur lui soient dissipés. Fin du chapitre Complainte digitale.

Dans le chapitre suivant intitulé Bric-à-brac, nous retrouvons quelques mois plus tard Ivy et Danielle qui vivent ensemble, une fois chez l’un une fois chez l’autre, le chat devenu Boris les suivant dans leurs pérégrinations. Une jeune fille, une Anglaise, a disparu, probablement kidnappée, et l’auteur de ce rapt a laissé en évidence dans l’appartement un tiroir avec collé dessus un papier sur lequel est écrit : Où ? Quand ? Comment ? C’est là qu’Ivy va devoir démontrer ses talents d’observateur façon Sherlock Holmes en analysant le contenu du fourbi inhérent à tout tiroir servant de dépotoir. Et ainsi de suite durant cinq chapitres qui peuvent se lire indépendamment comme des nouvelles mais qui s’articuleraient l’une l’autre, reprenant des épisodes antérieurs.

Dans le quatrième chapitre au titre éponyme du roman, nous retrouvons Ivy en fin gourmet, en épicurien même, préparant avec amour un plat de coquillages et crustacés, qu’il va déguster en compagnie avec l’adjoint de Danielle chez celle-ci. Il va jusqu’à faire découvrir la cave que le père de celle-ci a constituée à son invité. Mais est-ce une bonne initiative ?

Le personnage créé par Jean Hennegé, qui narre à la première personne ses aventures ou mésaventures ne manque pas d’intérêt et est même franchement sympathique. Ce n’est pas ce qu’on pourrait appeler un loser ou un être exceptionnel, non tout simplement quelqu’un d’ordinaire pétri de bon sens.

Il nous fait part de ses réflexions, sur tout et rien, il ratiocine, il digresse, ses pensées vagabondent tout comme les nôtres, lorsque nous passons d’un sujet à un autre sans parfois qu’il y ait un rapport pour retourner à l’idée originelle. De petits incidents parsèment son quotidien et il ne peut s’empêcher de vitupérer contre les utilisateurs de téléphone portable qui dégoisent dans la rue à un interlocuteur invisible leur intimité, gênant par là-même les passants honnêtes, et qui se demandent pourquoi ceux-ci les regardent comme s’ils étaient des bêtes fauves lâchées en liberté. Ce sont ceux qui enquiquinent le monde qui se sentent agressés. Mais ce n’est pas le seul exemple de bon sens glissé entre ces pages.

Jean HENNEGÉ : Merci pour les fruits de mer.

Bonus de l'éditeur : Jean Hennegé, bibliothécaire de formation, administrateur culturel d'une association, diabétique, titulaire d'un permis B. Il signe ici son premier polar. Il vit et travaille dans l'Aude, au cœur du pays cathare.

 

Jean HENNEGÉ : Merci pour les fruits de mer. Pascal Galodé éditeurs. Parution le 24 mars 2011. 186 pages. 18,00€.

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21 décembre 2014 7 21 /12 /décembre /2014 08:24

Bon anniversaire à Lee Dunne, né le 21 décembre 1934.

Lee DUNNE : I.R.A.-cible.

Nommé à la tête de la section Cromwell, du Secret Intelligent Service, Anthony Valentine n'a pas l'intention de tergiverser comme Harry Cain, son prédécesseur, vis à vis des membres de l'IRA responsables des attentats londoniens. Mais à l'inverse de son collègue Scott, il ne veut pas non plus considérer les Irlandais comme des ennemis en puissance.

Un homme qui dit s'appeler Anthony Valentine organise l'évasion de Sonny Gunn, cambrioleur spécialiste en explosifs, et lui propose d'aller en Irlande apprendre aux Provos comment construire des bombes. En échange Gunn doit lui fournir tous renseignements sur les Irlandais infiltrés en Angleterre, leurs objectifs, leurs points de chute. Gunn, dont le séjour en prison commençait à peser et qui ne se voyait pas croupir quatorze ans en tôle, accepte, avec l'arrière pensée de cambrioler un coffre et s'évanouir dans la nature.

Il retrouve à Dublin l'un de ses anciens compagnons qui l'introduit dans les milieux de l'IRA. Seulement il commet une erreur qui s'avère fatale et son cadavre est jeté dans un marais. Steve Gunn, le jumeau de Sonny reçoit une lettre signée de son frère et déposée peu avant la mort de celui-ci, lettre contenant les noms des membres responsables de sa disparition. Steve, habitué à manier les armes de guerre et spécialiste du combat à main nue quitte son emploi de garde-forestier et part pour Dublin. Il décime peu à peu la tête de l'armée révolutionnaire en abattant un à un les membres consignés sur sa liste. Le chauffeur de sa première victime, blessé mais vivant a cru reconnaître Sonny Gunn. Les journaux publient la photo de celui-ci.

Tandis que les Irlandais remontent la piste jusqu'à celui qui a servi d'intermédiaire dans l'évasion de Sonny afin de connaître le nom de l'homme qui a voulu infiltrer l'armée Révolutionnaire, Dobson, responsable de la Brigade de Répression du Grand Banditisme, aimerait lui aussi savoir qui a organisé l'évasion de Sonny Gunn. Toutes les pistes convergent vers Valentine qui se défend d'un tel machiavélisme. Le premier ministre qui pensait pouvoir signer un protocole de paix avec le Sin Fein en vue des prochaines élections le somme de découvrir ce qui se trame derrière cet imbroglio. Valentine en épluchant le dossier de Sonny Gunn apprend que le cambrioleur possédait un frère jumeau et que celui-ci a récemment disparu de la circulation. Une piste qu'il ne néglige pas, sa tête à la section Cromwell étant en jeu.

 

Un roman un peu rocambolesque et à l'épilogue tiré par les cheveux au cours duquel le facteur temps joue un rôle primordial. Une véritable partie d'échecs comme le souligne le découpage du livre en trois parties: Ouverture Irlandaise, Gambit et Echec et Mat, et qui permet de souligner que le processus de paix, ou de guerre, ne dépend parfois que d'un incident isolé. Les raisons sociales et politiques de ce conflit ne sont pas abordées et seules les divergences internes dans chaque camp sont évoquées, les Britanniques espérant tirer les marrons du feu dans un règlement à l'amiable.

Lee DUNNE : I.R.A.-cible.

Citation: Quand on est en guerre avec des guérilleros, des terroristes, des révolutionnaires, on ne remporte pas la victoire en appliquant le règlement à la lettre. Le marquis de Queensburry serait sans défense dans un coupe-gorge.

 

Curiosité: Steve Gunn est un être non violent qui se déchaîne lorsqu'on attente à la vie d'un membre de sa famille. Cet antagonisme se reflète dans son comportement quotidien puisqu'il se balade et accomplit sa vengeance en promenant sa chatte dans la capuche de son duffle-coat.

 

Lee DUNNE : I.R.A.-cible. ( Ringleader - 1980 ) Traduit de l'américain par Michel Deutsch. Série Noire N°1823. Editions Gallimard. Parution 1981.

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20 décembre 2014 6 20 /12 /décembre /2014 16:47

Une théorie héliocentrique...

Henri LOEVENBRUCK : Le syndrome Copernic.

A 08h08, un 8 août, trois bombes explosent, détruisant une des tours de la Grande Arche de la Défense.

Atteint de schizophrénie paranoïde aiguë, Vigo Ravel se rend à son rendez-vous habituel avec son psychiatre, le docteur Guillaume, dont le cabinet est situé au 44e étage. Au moment de monter dans l’ascenseur, des voix se manifestent dans sa tête. Il souffre d’hallucinations auditives verbales et ce qu’il entend l’incite à prendre ses jambes à son cou. Unique rescapé de la catastrophe, il s’enfuit et se cloître chez lui.

Ses parents sont absents, en vacances, et hébété il tente de comprendre, anéanti devant le téléviseur. Il ne retourne pas travailler à la société Feuerberg, un emploi que lui avait procuré son psychiatre. En réalité il se rend compte qu’il vivait en marge de ses parents, et qu’il est atteint d’amnésie depuis des années. Il a 36 ans et ne sait rien de sa jeunesse, de son adolescence.

Il décide de jeter ses médicaments et retourne sur les lieux du drame, il se heurte à un mur. Le cabinet Mater et le docteur Guillaume n’existent pas. La tour est la propriété d’une société, la SEAM, d’armement laquelle est chapeautée par une autre société complexe la Dermod. Des hommes le pourchassent et lorsqu’il rentre chez lui, tout est dévalisé. Il se réfugie dans un hôtel puis décide de consulter une psychologue afin de savoir s’il est réellement malade de schizophrénie. Il fait la connaissance d’une jeune femme Agnès, atteinte d’une déprime passagère. Il reçoit un message énigmatique d’un dénommé SpHiNx, lui déclarant que non seulement il ne s’appelle pas Vigo Ravel et qu’il n’est pas malade, mais de plus il doit trouver le Protocole 88.

Les événements s’enchaînent. Prévenu par SpHiNx, une sorte de hacker, il quitte précipitamment son hôtel et se réfugie chez Agnès. La jeune femme est flic, ce qui lui permet de se procurer des informations précieuses, et vit mal sa séparation conjugale. et l’appartement de la jeune femme est perquisitionné. La société Feuerberg n’existe plus, ses parents ne sont pas ses parents. Ravel se met alors à accomplir des actes qu’il ne pensait pas pouvoir réaliser, comme conduire une voiture, se défendre au corps à corps, courir comme un dératé.

Un individu nommé Gérard Reynald, soupçonné d’être l’auteur de l’attentat est arrêté et Ravel tente de contacter son avocat. Celui-ci accepte de le rencontrer mais au lieu de rendez-vous c’est une tierce personne qui l’accueille dans un nouveau piège auquel Vigo échappe. Agnès doit partir et Vigo se retrouve seul avec cependant une piste. Un lieu de résidence de Reynald à Nice.

 

Le syndrome Copernic flirte entre thriller, politique-fiction et fantastique tant l’atmosphère induite dans ce roman par Henri Loevenbruck place le lecteur dans un état de tension, de peur, d’angoisse, autant par les avatars subis par le héros que par les faits décrits.

On se prend à se demander où réside la part d’imagination de l’auteur, où la réalité peut dépasser la fiction, la précéder, peut-être empiéter sur des machinations déjà existantes mais ignorées car dissimulées par des secrets monstrueux. Et le propre d’un roman réussi c’est justement ce pouvoir faire croire au lecteur que ce qu’il lit s’est réellement passé, va se dérouler, que toute la machine patiemment élaborée est prête à broyer inexorablement.

Heureusement Henri Loevenbruck nous délivre un épilogue qui se révèle moral, et peut entretenir des espoirs dans l’esprit d’entreprise de Robin des Bois modernes contre les agissements d’illuminés. Mais c’est parfois lorsqu’il est trop tard que l’on s’aperçoit des déviances. Henri Loevenbruck avait placé la barre très haut, il a réussi son pari avec brio. On retrouvera aussi dans ce roman une des passions de l’auteur, juste en filigrane, le loup. Le héros en effet arbore le tatouage d’un loup et son surnom dans une vie antérieure était Luppo, le loup.

Henri LOEVENBRUCK : Le syndrome Copernic. Première édition Flammarion 2007. Réédition J’ai Lu 8550. Parution 18 janvier 2008. 512 pages. 8,00€.

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20 décembre 2014 6 20 /12 /décembre /2014 13:23

Sur les traces de Simenon...

Dominique DELAHAYE : L'année des fers chauds.

Franchement, Gabriel Lecouvreur, plus connu sous le surnom du Poulpe, traverse une période en dents de scie avec sa copine Cheryl, coiffeuse de son état. Elle est une fois de plus signalée aux abonnés absents, afin de parfaire son éducation capillaire.

Elle est à Liège sur l'invitation d'un vague cousin qui lui a indiqué l'adresse d'un confrère qui dispose d'un stock de produits rétro (certains journalistes surtout dans les magazines féminins préfèrent employer des anglicismes oubliant qu'il existe l'équivalent en français de vintage). Cela dure un peu trop longtemps pense le Poulpe qui se dit qu'il ne faudrait pas pousser le bouchon trop loin.

Gabriel reçoit une enveloppe contenant une carte postale ainsi qu'une coupure de journal, attention tout à fait honorable de la part de sa maîtresse. Et outre les mots doux de rigueur, elle lui signale qu'un meurtre a été perpétré dans la cité wallonne et qu'éventuellement cela pourrait l'intéresser, connaissant son faible pour la bière.

Christian Fischer, l'homicidé, était un gars tranquille, marié, père de deux enfants, travaillant dans la sidérurgie. Mais son emploi précaire, débouchant sur un licenciement possible, l'avait amené à trouver d'autres occupations. Il faut bien rembourser les traites de la maison, et son entreprise métallurgique, Arcelor Mittal pour ne pas la nommer, préfère engranger les subventions et mettre les ouvriers à la porte. Donc, il s'était associé avec Lounès, un copain qui lui travaille dans les travaux publics et possède une camionnette, et les deux hommes ramassaient les encombrants, vidaient les greniers, revendaient, du gagne-petit. C'est ce que lui apprend Cheryl lorsqu'ils dînent ensemble avant qu'elle reparte pour Paris.

Gabriel assiste à l'enterrement de Fischer, une mise en bière au cours de laquelle il lie connaissance avec le fameux Lounès, mais il remarque un personnage qui assiste de loin aux funérailles. L'homme ne se cache pas mais ne cherche pas non plus à se faire remarquer, malgré ses cheveux longs et son keffieh.

En compagnie de Julien, un jeune dont il a fait la connaissance dans le train, lui payant son billet afin de ne pas mettre le contrôleur en rogne; de Christelle qu'il a rencontrée dans la rue et avec qui il a sympathisé parce qu'elle promenait son chien Buck, référence à Jack London, en toute décontraction étant spécialiste en art martial, ce qui refroidit les ardeurs des dragueurs; et après avoir rendu visite à la veuve de Fisher, notre Poulpe entame son enquête. Seul problème Lounès est devenu invisible. Une disparition inexplicable.

Les questions concernant le meurtrier fusent dans le crâne du Poulpe malgré les différentes bières qu'il ingurgite. Soit c'est son engagement syndical, cette fibre familiale que l'avait conduit à travailler dans les hauts fourneaux, comme son père et son grand-père auparavant, soit ce sont des brocanteurs qui n'appréciaient pas cette concurrence déloyale. Ou d'autres raisons qu'il lui faut découvrir. Muni d'une liste qu'avait établie Fischer, qui n'allait pas à la pêche pour rien, Lecouvreur sillonne Liège et surtout ses environs non sans se faire repérer.

Dans ce roman, sur lequel plane l'ombre de Simenon, le titre en lui-même est déjà une référence, Dominique Delahaye ne se contente pas de raconter une histoire belge. Simenon est toujours présent, ne serait-ce que par les romans évoqués, par les lieux dont la célèbre église de Saint-Pholien et surtout de son pendu, quelques anecdotes ou les bières enfilées avec plaisir. Le Poulpe parcourt la région avec en tête le Charretier de la Providence. De même l'eau est omniprésente, la pluie, la Meuse, les bateaux, un thème cher à Dominique Delahaye.

Mais les événements politiques et sociaux prennent une grande place dans ce récit. Par exemple la dialectique employée par des tribuns engagés dans des groupuscules dont la fonction première est la déstabilisation de l'opinion publique et des revendications ouvrières.

Cette semaine, on met le paquet sur les syndicats. L'idée, c'est de montrer aux jeunes que les syndicats sont surtout des officines politiques et qu'avec leurs revendications complètement irréalistes, ils contribuent à décourager la création d'entreprises et donc d'emploi en Belgique. Finalement, ce qu'il faut faire comprendre c'est leur responsabilité directe dans le développement du chômage. Il faut prendre l'exemple de la Grèce et montrer où mène cette dictature des syndicats !

Comme quoi un épisode du Poulpe n'est jamais futile et peut faire réfléchir, si l'on lit entre les lignes !

Dominique DELAHAYE : L'année des fers chauds. Le Poulpe N° 285. Editions Baleine. Parution Avril 2014. 184 pages. 9,50€.

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19 décembre 2014 5 19 /12 /décembre /2014 13:16

Âmes sensibles ? Ne pas s'abstenir...

Pierre SINIAC : Les âmes sensibles.

Pierre Siniac, le créateur de l'horrible Luj Inferman, le romancier des Morfalous, de Aime le Maudit, de Femmes blafardes et autres romans aussi jubilatoires que spécifiques, Pierre Siniac était un auteur sortant des sentiers battus. Avec ce recueil composé de cinq nouvelles il s'était replongé dans le domaine où il était devenu grand-maître, orfèvre en la matière, celui de la nouvelle, pour le plus grand plaisir de ceux qui considèrent ce genre périlleux plus difficile et plus intéressant, plus révélateur du talent d'un écrivain que le genre romanesque.

Les Âmes sensibles est donc un recueil de cinq nouvelles dans lesquelles le pathétique et la dérision, l'humour noir et le macabre, reflètent le caractère omniprésent de ses œuvres. Nul mieux que Jean-Pierre Deloux n'a su expliquer l'univers morbide, à l'humour explosif, de cet auteur à part, dans le numéro 14 de la revue Polar première formule. Cette croisée des destins lui permet de revenir sur certains de ses fils rouges favoris; ainsi peut-il, à loisir, tenter de nouvelles variations sur l'abjection, le dérisoire, la fatalité, l'enchainement des causes et des effets, la logique de ce qu'il est convenu d'appeler le hasard, l'absurde, et nous faire ricaner douloureusement à l'affligeant spectacle des vicissitudes humaines.

Le caractère désespéré et la cruauté du regard de l'auteur ne se sont point affaiblis au fil du temps. Dans Les âmes sensibles, nouvelle éponyme du recueil, Pierre Siniac met en avant la crédulité, la naïveté des spectateurs mais également leur versatilité. En 1850, les bourgeois comme le petit peuple se délectent au spectacle, aux représentations grandguignolesques sur le Boulevard du Crime, de pièces de théâtre mettant en scène des assassins pervers, meurtriers de petits enfants. Mais Lenôtre, comédien principal de ces drames, joue trop bien, de manière trop réaliste. Le poulailler s'enflamme, vitupère, le prend à partie, n'étant plus capable de faire la différence entre la réalité et la projection scénique.

Dans Le Supporter Pierre Siniac raconte à sa façon ce qui est devenu malheureusement une mode : les incidents sur les stades et les scènes de désolations qui s'ensuivent, dues à de prétendus supporters qui se vengent en cassant tout sur leur passage lorsque leur équipe a perdu. Mais Siniac ne se contente pas de jeter un regard désabusé devant cette violence, il l'enrobe dans une autre histoire, et c'est là qu'intervient son sens de la dérision.

Tout comme dans L'enfer vous remercie de votre visite, nouvelle dans laquelle le héros, un ex-ferrailleur reconverti dans les assurances, découvre parmi les squelettes disséminés sur le parcours d'un train fantôme d'une minable fête foraine, le visage ensanglanté de son ami qu'il a assassiné deux ans auparavant.

Un corbeau qui ne perd pas ses plumes est démonique à souhait. Alors qu'une petite ville de province dans les années trente vivote paisiblement, un corbeau sème sur la place du marché de petits faire-part de deuil, dénonçant les exactions, crimes et compromissions de ses concitoyens.

Enfin, dans Madame est servie, le lecteur apprendra qu'il ne faut pas toujours s'occuper de la vie de ses voisins et tenter de s'immiscer dans leur intimité.

Avec Les âmes sensibles, Pierre Siniac signait en 1991 son grand retour après quelques années sabbatiques éditoriales.

Pierre SINIAC : Les âmes sensibles. Collection Sueurs Froides, éditions Denoël. Parution octobre 1991. 224 pages.

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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