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23 janvier 2019 3 23 /01 /janvier /2019 05:15

Giova Selly ! Elle se lit même très bien !

Giova SELLY : L’amour sans trucage.

Ils se connaissent depuis la cinquième, c’est-à-dire une éternité, puisque maintenant ils sont en classe de troisième.

Mais voilà, il faut qu’une petite peste, Karine, s’infiltre entre Romain et Emilie. Cela n’empêche pas Romain de découvrir que l’amitié qui le porte vers Emilie s’est transformée en un sentiment plus affectueux, plus complice, plus amoureux.

Les jeunes adolescents, afin de participer au concours lancé par le principal, décident de filmer la construction de la salle des fêtes de la petite ville. Muni du caméscope de son père, Romain filme la grue en train d’évoluer dans le ciel avec ses charges de parpaings, les ouvriers montant aux échafaudages, les diverses manipulations permettant d’ériger les murs. Les ouvriers du bâtiment les ont adoptés et cela leur facilite l’entrée du chantier.

Parfois la tension monte entre Karine et Romain, et Emilie compte les points, les sujets de fâcheries, les altercations. Cela ne va pas bien loin, il faut que chacun y mette du sien.

Les parents d’Emilie ont décidé deux ans auparavant de devenir famille d’accueil, et ce soir-là, quand elle rentre à la maison, elle découvre qu’un nouveau pensionnaire est installé. Youric, un exilé, un expatrié d’origine yougoslave, de son âge environ, qui parle français mais ne s’exprime pas. Il est mutique, tout au moins très réservé dans ses propos.

Toutefois il s’intéresse aux travaux d’Emilie et de Romain, lors du montage d’une partie du petit film qu’ils viennent de tourner sur le chantier. Il s’intéresse également au caméscope de Romain, posant des questions qui ne sont pas dénuées d’intérêt. D’autant qu’un groupe concurrent d’une autre classe de troisième a décidé de réaliser un reportage sur le même thème, dans le même décor.

Mais Youric devient la pierre dans le jardin amoureux de Romain, quant à Emilie elle tombe sous le charme du jeune réfugié. Mais la pierre peut faire trébucher : le caméscope disparait et naturellement ils ne sont pas loin de penser que Youric l’a volé.

 

Les adultes qui n’ont jamais été jeunes, qui sont passés brutalement du statut de bébé à celui de majeur plus ou moins responsable n’apprécieront pas forcément ce court roman “ romantique ″ à sa juste valeur. Mais ceux qui au contraire ont connu lors de leur adolescence ce genre d’amourette ne pourront que revisiter cet émoi non sans nostalgie, et se demander peut-être ce qu’est devenue la petite amie qui les faisait tant transpirer du cœur.

Alors ce ne pourrait n’être qu’une histoire banale d’amours juvéniles entachées de jalousie, justifiée ou non, car aimer c’est bien mais la réciproque n’est pas toujours rendez-vous.

Non cette histoire va plus loin, car elle s’insère dans la grande Histoire par la petite porte. Celle qui met en scène la guerre entre ethnies qui composaient la Yougoslavie, pays il est vrai construit de bric et de broc, et les soubresauts qui ont amené à son démantèlement non sans ravages. Le petit plus qui apporte la touche d’humanisme indispensable dans une romance.

 

Giova SELLY : L’amour sans trucage. Collection Toi+Moi = Cœur N°16. Collection Pocket Junior N°780. Editions Pocket Jeunesse. Parution le 7 février 2002. 120 pages.

ISBN : 978-2266115193

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19 janvier 2019 6 19 /01 /janvier /2019 05:05

Dans un petit village des Ardennes, vers l’Aisne…

Brice TARVEL : La montre de Rimbaud.

On ne soulignera jamais assez l’impact que peut produire la lecture des journaux et des magazines sur l’esprit d’une jouvencelle, surtout à une époque où la télévision et la radio n’abrutissaient pas encore la réflexion des masses dites populaires.

Nous sommes en 1905, aux approches de Noël, dans un petit village enneigé des Ardennes. A Voncq plus précisément. Et Clémentine, qui porte le nom d’un fruit qu’elle n’a jamais goûté, a décidé de se prénommer dorénavant Gabrielle, en référence à Gabrielle Dorziat, une comédienne dont elle a découvert le portrait dans un des nombreux magazines qu’elle compulse le soir dans sa chambre en compagnie de sa sœur cadette Etiennette.

Elle caresse le soir, sous son oreiller, un oignon, une vieille montre qu’un unijambiste lui a donnée le 23 juillet 1891 alors qu’il attendait sa carriole en gare de Voncq. Elle n’avait que quatre ans et depuis cette reloque ne la quitte pas. Un nommé Rimbaud, qu’elle ne reverra jamais.

Elle a quitté l’école à treize ans, mais éprouve des difficultés pour lire, écrire et compter. Sa mère Adèle est une femme quelque peu effacée, soumise, comme les deux sœurs, à l’humeur vindicative, acariâtre, voire agressive de Baptiste, le père. Bon, d’accord, son crâne recèle un éclat d’obus depuis des années, et pour autant cela ne lui a pas mis du plomb dans la tête, peut-être dans les ailes. Il passe son temps à la pêche, occupation halieutique fort honorable toutefois puisque le poisson qu’il ramène sert à la consommation familiale.

Gabrielle, est chargée de recueillir les bouts de crin accrochés aux ronces artificielles et aux buissons épineux afin de fabriquer le fil de pêche paternel. Mais pas n’importe quelle sorte de crin. Uniquement en provenance d’équidés mâles, aussi pour les différencier, elle possède son truc, peu ragoûtant. Elle en profite pour caresser Chonchon, un vieux cheval de trait qui jouit d’une retraite bien méritée dans un lopin de terre près de l’Aisne qui passe non loin. C’est ainsi qu’un jour elle est abordée par un militaire, un lieutenant nommé François Sella, qui recherche des chevaux pour sa compagnie. Elle travaille également chez divers particuliers, garder un gamin, faire le ménage, et autres occupations qui lui permettent d’aider financièrement sa mère. Elle a un ami chapardeur affublé d’un sobriquet en concordance avec son aspect physique, Patte-de-mouche, qui à quinze ans aimerait bien être un peu plus qu’un copain.

Entre deux occupations, elle aime se promener dans les environs, et un jour qu’elle décide de se rendre dans le parc d’un château, elle est abordée par un godelureau qui pavane avec son fier destrier. Du moins c’est ce qu’elle ressent et elle accepte de suivre Antoine de Vagny, ainsi se présente-t-il, pour visiter les lieux. Les actuels propriétaires sont actuellement en villégiature et le jeune homme se conduit comme chez lui. Il offre un verre de porto à Gabrielle, puis deux, puis trois. Elle est dans les vaps et lorsqu’elle reprend ses esprits, c’est trop tard. Et un et deux et trois ne font pas zéro et elle hérite du ballon.

Elle cache comme elle peut sa condition mais au bout d’un certain temps, elle est bien obligée d’avouer sa future condition de parturiente primipare et de fille-mère.

 

Gabrielle Dorziat

Gabrielle Dorziat

La montre de Rimbaud aurait pu être un roman misérabiliste à la façon de Xavier de Montépin, de Charles Mérouvel, de Marcel Priollet, d’Hector Malot et quelques autres, un mélodrame comme ces romans étaient communément appelés à la fin du XIXe et début XXe siècle, mais Brice Tarvel apporte sa touche personnelle composée d’un mélange historique, de sociologie et d’étude rétrospective d’une époque, d’affection envers ses personnages (pas tous, faut pas pousser non plus !), d’onirisme et de poésie bucolique.

Si Brice Tarvel se sert des ingrédients et même des ficelles du roman populaire avec sa Clémentine devenue Gabrielle, le père qui boit de l’eau de vie de prune à cause d’une blessure handicapante, le beau militaire, le gandin dévoyé, la jeune mère qui ne regrette pas sa condition malgré les conséquences, les chipies du village qui marmonnent mais sont peut-être jalouses, le gamin qui devient marionnettiste, l’éleveuse de chevaux compréhensive et si gentille possédant un phonographe à cylindres ou encore le maquignon toujours prêt à aider, et quelques autres personnages qui évoluent à travers le récit dont Pimpernelle la sorcière, la femme mystérieuse portant un loup à la vénitienne ou encore le curé démuni de solution sauf de prières, sans oublier le Sibara, le croquemitaine épouvantail ardennais.

Et en toile de fond, omniprésent et pourtant décédé depuis des années, le poète maudit, Rimbaud qui a offert sa montre à Gabrielle, montre devenue un talisman qui ne la quitte guère.

Mais si Brice Tarvel exploite tout ceci, il reste néanmoins sobre, n’accumulant pas les clichés, les intégrant dans une vie quotidienne rurale début vingtième siècle. Ce qui prévaut, c’est cette écriture narrative qui ne verse jamais dans le pathos exagéré. Et en forme de morale, la misère, la pauvreté qui reste digne dans la déchéance, tandis que les nantis se montrent égaux à eux-mêmes, arrogants et méprisants. Ce qui n’a guère changé depuis des siècles et prévaut encore de nos jours.

Malgré le contexte décrit ci-dessus, c’est frais (d’accord il neige !), c’est reposant, c’est fluide, c’est comme si l’auteur avait découvert cette histoire dans un journal de faits-divers de l’époque et l’avait aménagée à sa façon. Mais de quelle façon !

Brice TARVEL : La montre de Rimbaud. Roman. Editions De Borée. Parution le 11 octobre 2018. 240 pages. 19,90€.

ISBN : 978-2812924460

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18 janvier 2019 5 18 /01 /janvier /2019 05:11

Mais elle ne se prénommait pas Marianne…

Sandra SCOPPETTONE : Vie et mort de Miss Faithfull

Drôle de destin que celui Starr Faithfull, une histoire qui se déroule aux Etats-Unis au début du siècle dernier.

Starr, une jeune femme de 31 ans, est retrouvée morte sur la plage de Long Beach, près de New York. La police est perplexe, oscillant entre la noyade, le suicide ou tout simplement un meurtre. Starr traîne derrière elle comme une casserole un passé plutôt chargé d’alcoolique, de jeune femme aimant la vie facile et les hommes. D’ailleurs un scandale avait attisé l’attention des journalistes, toujours à l’affût d’incidents croustillants : elle aurait eu une relation avec le maire de Boston.

Tels sont les faits présentés, brutalement, mais il faut frotter la couche de vernis pour s’apercevoir que sous la carapace résidait une âme simple, martyrisée par les aléas familiaux, et les bassesses engendrées par la prohibition, la soif de pouvoir, les aveuglements des parents.

Starr dévergondée et sainte nitouche, mal dans sa peau et assoiffée de liberté, retrouve sous la plume de Sandra Scoppettone une nouvelle vie, celle de la compréhension, de la tolérance. Une destinée décortiquée, avec simplicité mais méticulosité, dans une période trouble où les émigrés étaient acceptés sans plus, où il était dur de se faire une place au soleil, où il fallait se pousser des coudes pour jouir d’un peu de ciel bleu.

 

Sandra Scoppettone, qui a écrit ce roman à la fin des années 1970 sous le pseudo de Jack Early, creuse, pioche, déterre, avec en interlude les souvenirs d’un paraplégique qui se repasse le film d’une vie, sur son lit d’hôpital, à l’aube de sa mort en 1977.

Un livre poignant, en forme de biographie d’une Starr déchue, qui relève de la littérature tout simplement, sans que lui soit accolé un genre. Un roman comme aurait pu en écrire bon nombre d’auteurs américains qui aujourd’hui entrent dans la légende de la littérature blanche, servi par une traduction toute en finesse de Nathalie Mège.

 

Réédition Pocket Policier. Parution le 10 juin 2004. 534 pages.

Réédition Pocket Policier. Parution le 10 juin 2004. 534 pages.

Sandra SCOPPETTONE : Vie et mort de Miss Faithfull (Some Unknown Person – 1977. Traduction Nathalie Mège). Collection les Noirs. Moyen Format. Editions Fleuve Noir.

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16 janvier 2019 3 16 /01 /janvier /2019 05:48

Entre Daniel Defoe et Jules Verne,

une autre robinsonnade…

André LAURIE : L’héritier de Robinson.

Tel père, tel fils, affirme un dicton populaire. Cela ne se vérifie pas toujours. Alors que Benjamin Gloaguen est un admirateur passionné d’antiquités grecque et romaine et fervent archéologue, son fils Paul-Louis vient d’obtenir son diplôme d’ingénieur civil et s’intéresse à tout ce qui se rapporte aux nouvelles technologies. Et leurs conversations tournent autour de ces deux sujets, sans pour cela que leurs propos s’enveniment. Alors qu’ils discutent dans l’appartement parisien de Gloaguen père, leur valet de chambre leur remet une lettre en provenance de Calcutta.

La lecture de cette missive est édifiante. Le correspondant, un cabinet de solicitors, leur apprend le décès du colonel George Plantagenet Crusoë Robinson, commandant un régiment de fusiliers de sa Majesté Britannique en poste dans cette ville indienne. Y est joint le testament de ce brave militaire qui est, fut, le beau-frère de Gloaguen.

Il demande à l’archéologue de servir de tuteur à ses deux enfants, Florence et Chandos, leur mère étant décédée, décompose sa succession et avoue qu’il possède des motifs sérieux de croire que sa vie est en danger. La lettre est datée du 14 juin 1882, le testament du 19 mars de la même année. Selon toute vraisemblance, le colonel craignait pour sa vie et ce qu’il redoutait est arrivé.

L’archéologue est stupéfait et fort intéressé par la description de la succession, surtout des manuscrits, des notes sur l’architecture khmer et des dessins et photographies ramenées d’une exploration au Cambodge. Gloaguen est dans son élément et immédiatement il décide de partir, en compagnie de Paul-Louis pour Calcutta. Le voyage maritime se déroule normalement mais arrivés dans le port de Calcutta, ils assistent à un incident qui aurait pu être tragique.

En effet, un gamin d’une quinzaine d’années, qui s’avère être Chandos, rejoint le bateau en instance d’accostage à bord d’un canot. Seulement il est percuté par une embarcation qui s’enfuit sans s’occuper des dommages. Chandos est récupéré et c’est le début d’une succession d’incidents divers, toujours perpétrés par ce qui s’avèrera être le même personnage malfaisant.

Les deux adolescents, Florence, dix-huit ans, et Chandos, sont recueillis en attendant par la femme du major O’Molloy, le commandant par intérim du régiment de fusiliers, un alcoolique qui ne comprend pas pourquoi il est malade du foie. Khasji, l’ancien serviteur du colonel veille sur les enfants tout comme il veillait sur leur père, couchant sur le sol à l’entrée de leur chambre. En compagnie des solicitors, Gloaguen fouille dans le bureau du défunt, afin de récupérer les papiers et notes du colonel. Il découvre même une petite plaquette en or sur laquelle sont gravés des mots en Chaldéen qu’il ne lui reste plus qu’à déchiffrer.

Le colonel avait subi plusieurs incidents préjudiciables à sa santé et le dernier fut le bon (si je puis dire !) mais il semble que cette plaquette attise les convoitises. Si Khasji la regarde avec répugnance et terreur, il n’en va pas de même de celui qui a introduit de nuit un cobra dans la chambre de Florence. Aux cris poussés par celle-ci en découvrant le reptile, la maisonnée intervient rapidement. La jeune fille est sauve mais il n’en va pas de même pour le petit ouistiti familier de la maison.

Alors qu’il envisageait de prolonger son voyage en visitant les pays voisins, Cambodge, Cochinchine et autres, l’archéologue décide de rentrer en France par la voie maritime, mais le seul navire disponible immédiatement à l’embarquement est un cargo dont la destination est contraire à celle qu’il désirait. Qu’importe, que ce soit dans un sens ou dans un autre, comme la Terre est ronde, et que tous les chemins mènent à Rome, il y en aura bien un pour les conduire à Paris. Et la famille Gloaguen, les enfants Robinson et le couple O’Molloy partent vers de nouvelles aventures maritimes qui ne seront pas sans danger.

La traversée n’est pas de tout repos, car le malfaisant qui est difficile à repérer à cause des nombreux déguisements dont il use, est toujours sur leurs basques. Après bien des péripéties et un accident provoqué qui conduit à un naufrage, tout ce petit monde et quelques centaines d’hommes d’équipage dont le capitaine, échouent sur une île déserte mais qui auparavant fut habitée. En témoignent les nombreuses constructions qui s’érigent encore et les diverses plantes potagères et céréalières qui prolifèrent grâce au climat favorable à une agriculture bio. Comme leur navire a chaviré, il ne leur reste plus qu’à en construire un autre et c’est sous l’impulsion de Paul-Louis, et de ses connaissances d’ingénieur, que ce travail de longue haleine va être réalisé.

 

La suite constitue ce qui peut être considéré comme une seconde partie, une prolongation des premières aventures, mais un épisode à part et complémentaire. En effet Chandos est obnubilé par une idée fixe, celle d’être le descendant de Robinson Crusoë, le véritable naufragé dont l’histoire a été narrée par Daniel Defoe. Alexandre Selkirk n’étant qu’une affabulation. D’ailleurs, il s’appelle Robinson, et possède parmi ses prénoms celui de Crusoë, tout comme son père, son grand-père et tous ses ascendants.

Ce n’est qu’un des aspects de ce roman qui aborde les thèmes chers à Jules Verne. D’ailleurs il existe un cousinage littéraire certain entre les deux romanciers. En effet André Laurie avait vendu deux romans à l’éditeur Hetzel, L’héritage de Langevol qui deviendra sous la plus de Jules Verne Les 500 millions de la Bégum, et Le diamant bleu publié sous le titre L’étoile du Sud.

Mais contrairement à Jules Verne, André Laurie ne s’attarde pas dans de laborieuses et encyclopédiques descriptions géographiques ou autres, mais s’intéresse à l’aspect sociologique et à la psychologie des personnages. Il n’hésite pas à comparer l’éducation des jeunes filles en France et en Grande-Bretagne, octroyant des bons points à l’éducation anglaise plus performante et moins machiste. Mais il ne se montre pas non plus colonialiste, dénonçant en deux ou trois phrases le mépris affiché par les militaires et leurs familles envers la population autochtone.

André LAURIE : L’héritier de Robinson. Illustrations de Henri Faivre. Collection Bibliothèque de la Jeunesse. Editions Hachette. Parution 1933. 256 pages.

Première édition : Hetzel 1884.

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14 janvier 2019 1 14 /01 /janvier /2019 05:38

Quand Jean-Pierre Andrevon écrivait des nouvelles pour Charlie Hebdo !

Jean-Pierre ANDREVON : C’est tous les jours pareil.

En 1975, à la demande de Georges Wolinski, Jean-Pierre Andrevon a fourni pour Charlie Hebdo, auquel il collaborait depuis 1971, douze nouvelles. A l’origine il y en avait une vingtaine, mais peut-être le côté irrévérencieux de certains textes a fait que certaines ont été écartées par manque de place ou parce que le Professeur Choron, qui alors était aux manettes de ce magazine satirique, ne les avait pas appréciées.

L’on constatera que plus de quarante ans plus tard, elles n’ont pas perdu de leur virulence et que les hommes politiques sont toujours aussi méprisants et arrogants que dans les années 70, quoi que puissent en dire ou faire nos dirigeants.

Ces nouvelles et d’autres avaient été éditées par Lionel Hoebeke, dans la collection Changer de fiction au Dernier Terrain Vague, vingt-sept au total. Les années ont passé, et il était juste et nécessaire de les ressortir de l’oubli, de les retravailler, de leur insuffler un petit goût de jeunesse en les adaptant à notre époque, et, en compagnie de quelques inédits, les voilà qui s’offrent à vous, pour vous faire sourire tout en vous confortant dans votre idée du malaise actuel et de votre rejet d’une certaine forme, voire d’une forme certaine, de la politique. Je ne veux pas vous laisser croire que je pense que c’était mieux avant, mais au moins est-on tenter de dire que ce n’était pas pire.

 

Une colère lucide et désabusée, une violence traitée par la dérision, la causticité et l’ironie acerbe, animent Jean-Pierre Andrevon lorsqu’il rédige ces textes avec une plume trempée dans le vitriol. Quel que soit le thème traité, des thèmes qui, je me répète, sont toujours d’actualité et prennent encore plus de force au fur et à mesure que le temps passe.

Dans Le pet par exemple, pet n’étant pas dans l’esprit du scripteur cette flatulence parfois nauséabonde qui émane d’une digestion mal canalisée mais signifie faire le guet, nous sommes en présence d’un flic qui doit surveiller les abords d’une banque susceptible d’être braquée. Et à la moindre approche d’une personne, ou d’un groupe de personnes, qu’il juge suspect, ce policier n’hésite pas à user de son arme, au grand plaisir des badauds qui applaudissent. Mais à chaque fois il s’agit d’une bavure. Et lorsque la journée se termine et qu’enfin des hommes, habillés comme des actionnaires, pense-t-il, s’introduisent dans l’établissement, il ne réagit pas. L’heure de sa fin de service vient de sonner. Naturellement s’il encourt les blâmes de sa hiérarchie, ce ne sont pas pour les motifs décrits. Et la sanction sera à la hauteur financière de ses méprises. A noter que pour se fondre dans l’actualité, l’auteur précise que ce policier a prénommé l’un de ses enfants, le petit dernier, Emmanuel en l’honneur du président. Fayot !

Et puisque nous sommes dans le domaine policier, que penser de En attendant le client, dont le narrateur est un médecin exerçant son art aux urgences de la police. Des manifestants blessés, des cabossés par des exactions policières, une femme violée, lui sont amenés et à chaque fois son diagnostic est totalement délirant et à côté de la plaque. Tout ça avec la présence d’un journaliste de Libération. Un journal de gauche, donc une quantité négligeable. Il préfère voir l’un des gardiens de la paix présent dans le local compulser Le Figaro, un quotidien impartial. Evidemment. Mais le ton change complètement de registre lorsqu’on lui amène un policier blessé, le petit doigt luxé. Le pauvre. Une fiction, pensez-vous. Naturellement.

Changeons de registre avec La passe, qui, comme son titre l’indique met en scène une travailleuse du trottoir. Une respectueuse comme l’on dit lorsque l’on est bien éduqué. Mais ça, c’était avant la répression, alors que pourtant, cette brave dame n’oublie pas de pratiquer un prix majoré de la TVA, ce qui normalement alimente les caisses de l’Etat. Hypocrites.

Dans Le procès, nous assistons à la confrontation entre une juge d’un âge déjà avancé et d’une jeune femme qui a porté plainte pour viol. Ce monologue, narré à la façon de certains humoristes dont Pierre Palmade, démontre que même entre femmes la solidarité n’existe pas toujours, la juge accablant la jeune femme en lui signifiant :

J’ai les idées larges, et il m’arrive moi-même de goûter aux joies iodées de la mer pour ensuite livrer mon corps aux caresses du soleil. Mais j’ai de la pudeur, moi, mademoiselle. Je porte un maillot. Une pièce, s’il vous plait. Je n’aurais pas l’impudence de dilapider les secrets de mon intimité à toute la France. Alors, je vous le demande : ne comprenez-vous pas que la vision d’un corps féminin dénudé est un appel non équivoque à un acte charnel ?

Je pourrais aligner les exemples de ces textes qui égratignent, qui grattent, qui démangent, mais qui dans le même temps procurent un bien fou, à condition que le lecteur soit phase avec l’état d’esprit de l’auteur, des textes qui sont autant de dénonciations de problèmes sociologiques.

Toutefois, je vous en ai réservé deux petites dernières dont Bilan présidentiel, qui aurait pu convenir à quelques présidents dont en particulier un qui collectionnait les diamants et un autre qui appréciait la tête de veau. Mais ce bilan présidentiel semble n’avoir été écrit que pour l’actuel locataire de l’Elysée. S’adressant à ses concitoyens, celui-ci détaille le nombre de ses repas, de bouteilles vidées, d’animaux tués au cours de parties de chasses, de rapports sexuels… Je cite :

Mes fonctions sexuelles sont normales pour un homme comme moi dans la force de l’âge ; j’ai tiré soixante-seize coups dans l’année écoulée, le dernier en date pas plus tard qu’hier au soir dont treize dans le réceptacle conjugal. Avouez que concernant une union de vingt-trois ans, la moyenne est encore fort honorable.

Et il enfonce le clou, si je puis dire, en déclarant :

J’ajoute que les rumeurs faisant état d’une possible homosexualité sont sans fondement.

L’emploi du mot juste !

Enfin, dans La plume à gauche, Jean-Pierre Andrevon se met lui-même en scène. Comment ? Je vous laisse découvrir son texte.

 

Première édition : Le Dernier Terrain Vague. Parution 3e trimestre 1977. 160 pages.

Première édition : Le Dernier Terrain Vague. Parution 3e trimestre 1977. 160 pages.

Ces tranches de vie, ces réflexions non dénuées de bon sens, ces nouvelles sont regroupées en sections dont vous pouvez prendre connaissance ci-dessous :

 

Sommaire :

Le boulot.

Le pet

La passe

En attendant le client

La plume à gauche

Un peu de douceur

Culture bio

A l'école

Youkaïdi Youkaïda

 

Les arts.

Le réalisme

La galère

 

Loisirs et vacances.

L'ouverture

Au camp

Sur le périph'

 

L’empire de la science.

Sur le chantier

Maître de la Terre

La mécanique

Bricolo

L'éternité moins un jour

Entropie

 

L’armée.

Pas de malaise

Un week-end crevant

L'affaire du combat dans les garrigues

 

La politique.

Décrets et signatures

La Corse : une situation confuse

Bilan présidentiel

Ecrivez au journal, on vous répondra

 

Le Q.

Le petit doigt

Le procès

Quand faut s'y mettre

Simulation

Trois Ave et on n'en parle plus

Une grosse

 

La vie et rien d’autre.

Mal foutu

Ami des bêtes

La débrouille

Sympas et tout

Je n'ai pas vu les lumières se rallumer

 

Et ce volume se termine par des Précisions bibliographiques dont on peut très bien se passer, mais qui m’ont semblé indispensables.

Jean-Pierre ANDREVON : C’est tous les jours pareil. Nouvelles. Collection KholekTh N°37. Editions de La Clef d’Argent. Parution décembre 2018. 272 pages. 13,00€.

ISBN : 979-10-90662-51-3

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13 janvier 2019 7 13 /01 /janvier /2019 05:11

Il n'appartient qu'à la tête de réfléchir, mais tout le corps a de la mémoire.

Joseph Joubert (1754 – 1824)

Hervé HUGUEN : Châtiment pour mémoire.

Mourir à quatre-vingt-dix ans, c’est plus que dans la logique des statistiques. D’autant que l’homme découvert chez lui, une vieille ferme sise près de Roscoff, Auguste Morvan, veuf depuis quelques mois, était malade et n’avait plus grande espérance de vie.

Seulement, Francine, qui vient soulever la poussière tous les deux jours, découvre Auguste dans son fauteuil, la poitrine trouée d’une décharge de chevrotines, ce qui ne pardonne pas.

Aussitôt la brave dame alerte la gendarmerie et c’est l’adjudant Morgane Le Cerf, de Saint Pol de Léon, assistée de son adjoint Vachet qui procède aux premières constatations après s’être rendue sur le théâtre d’un épisode profanatoire peu banal dans un cimetière.

Pas de cadavre, cette fois, mais des inscriptions sur la tombe d’un couple d’octogénaires décédés à deux ans d’intervalle quelques années auparavant. Assassin, par deux fois, en lettres rouges sang et au singulier.

Il semble que ces deux faits, apparemment sans lien, auraient en point commun une vengeance. D’autant qu’une lettre a été déposée près du cadavre d’Auguste, qui ne l’est plus guère, une missive anonyme bien évidemment, composée à l’aide de mots entiers ou non découpés dans des journaux. Toutefois, la médecin légiste, en procédant à l’autopsie, ne s’attendait certes pas à une découverte qui change tout mais ne résout rien.

Si Auguste vivait seul, sans enfant, il n’en va pas de même du couple dont la tombe a été profanée. Et Morgane débute son enquête en interrogeant la fille du couple qui vit non loin. Naturellement celle-ci en tombe des nues. Le nom d’Auguste Morvan lui dit vaguement quelque chose. Elle se souvient que son père fréquentait parfois un Auguste, ancien agriculteur mais elle ne peut apporter guère plus de précisions.

Le commissaire Nazer Baron, qui vit au Croisic, est mandé au téléphone par son chef de la DIPJ de Rennes, qui lui-même a été contacté par le capitaine de gendarmerie de Saint-Pol-de-Léon. En effet sur la missive déposée près d’Auguste Morvan figurait l’inscription A l’attention du commissaire Baron. Le texte figurant sur la feuille est plutôt sibyllin : Plus la patience est grande, plus la vengeance est belle.

Il ne reste plus à Nazer Baron que de se rendre à Roscoff, et dans la région léonarde et collaborer avec Morgane Le Cerf pour rechercher le début d’un commencement de début de fragment d’embryon de pas grand-chose de morceau de fil qui pourrait le conduire à la résolution de cet énigmatique correspondant qui s’est inspiré d’un historien et écrivain malien, Massa Makan Diabaté, et de son ouvrage Le Boucher de Kouta, pour rédiger ces deux lignes.

Seulement Nazer Baron ne comprend pourquoi cette missive lui a été adressé car il ne connait, pas même de nom, la victime récente et le couple. Pourtant il sent que quelque chose le ramène à une affaire ancienne dont il ignore les tenants et les aboutissants et dont il l’un des morceaux du puzzle. Et il arrivera à attraper un bout du fil et à remonter le temps en interrogeant, en compagnie de Morgane, qui se révèle être sa bonne fée, des personnes ayant toutes plus ou moins connu les défunts. D’autant qu’une troisième victime est à déplorer, victime qui possédait un lien avec les deux précédents défunts.

 

Et c’est ainsi que le lecteur va retrouver un protagoniste aperçu fugitivement dans un ouvrage précédent d’Hervé Huguen : Le troisième des deux et qui semblait avoir été oublié par l’auteur dans la suite des enquêtes de ce commissaire aux allures de Maigret

Et tout comme Simenon, Hervé Huguen privilégie les aspects psychologiques et sociologiques dans les enquêtes qui sont confiées à son héros. Mais il y apporte un élément qui ne manquera pas d’intéresser les lecteurs, le côté historique plus ou moins proche. En effet, les racines du mal sont enfouies depuis soixante ans dans les limbes de la mémoire collective, mais le drame qui est à l’origine de ceux auxquels Nazer Baron se trouve confrontés ressurgit soudain sur une impulsion logique, voire nécessaire de comprendre.

Et comme le déclare si bien Morgane Le Cerf :

La haine est comme le hareng, mon capitaine, elle a besoin de mariner.

Contrairement à bon nombre de ses collègues et confrères, de fiction ou réels, le commissaire Nazer Baron se révèle être non seulement sympathique mais, à mon avis, qui provoque l’empathie, ce qui n’est guère courant à cette époque de violences au cours de laquelle ceux-ci ne se montrent pas à leur avantage.

 

Hervé HUGUEN : Châtiment pour mémoire. Série Nazer Baron N°14. Editions du Palémon. Parution le 28 septembre 2018. 256 pages. 10,00€.

ISBN : 978-2372605311

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12 janvier 2019 6 12 /01 /janvier /2019 05:28

Une pêche miraculeuse ?

Laurence  GOUGH: Mort à l’hameçon

Lors d’une partie de pêche en solitaire, l’inspecteur Willows découvre le cadavre d’une jeune fille dans un cours d’eau à l’ouest de Vancouver. Les renforts locaux déclinent rapidement l’identité de la morte, Naomi, qui s’est enfuie du domicile paternel un an auparavant. Elle arbore un tatouage et un photomaton est glissé dans la poche de son short représentant un adolescent supposé être son petit ami.

Félix Newton, milliardaire californien quelque peu barjot, confie le soin à Mannie, un tueur névropathe, de supprimer certaines personnes. Il s’acquitte de sa première mission –surveillé à son insu par Junior – en lardant de coups de couteau dans une camionnette aménagée en bordel ambulant un ado faisant le tapin. Claire Parker, l’équipière habituelle de Willows, découvre le cadavre en sortant d’un restaurant où Orwell aurait bien aimé la baratiner. Il s’agit du gamin représenté sur la photo. Des revues pornographiques trouvées dans le véhicule permettent de remonter les traces du tueur. La commerçante qui a vendu les magazines décrit Mannie, et les vêtements dont il s’était affublé pour perpétrer son forfait sont retrouvés près de la plage. Claire et Willows ont la confirmation auprès de prostituées que les deux adolescents vendaient leurs corps sans être sous la coupe d’un proxénète. Une contractuelle que courtise Orwell lui apprend qu’elle a été baratinée par un quidam – Junior en l’occurrence – spécialiste du pliage de papier, transformant le P.V. qu’elle lui avait mis en animal. Ce qui met la puce à l’oreille de Willows et Claire puisqu’un billet de 100 $ a été retrouvé soigneusement plié dans la fourgonnette. Félix est contrarié par la découverte du corps de Naomi et peu satisfait du travail de Mannie. Carly qui vit avec un ex-jockey fait partie de la liste à éliminer. Mannie s’introduit dans l’appartement du couple après avoir tué leur chien et un comparse afin de récupérer une cassette vidéo compromettant Félix. A son retour, Carly, est alertée par des traces de sang sur le palier et s’enfuit. Le père de Naomi se suicide, confessant dans une lettre le meurtre de sa pécheresse de fille. Par le double du P.V. Willows situe l’adresse de la propriétaire du véhicule. Il s’agit de Misha. Sa demeure est surveillée et Junior pris en filature. Il se rend chez Mannie, filé par les policiers. Arrivé sur place il tire sur les flics et est grièvement blessé. Mannie tente de s’enfuir et est rattrapé par Willows. Le policier l’abat croyant être menacé.

 

Le roman de Laurence Gough est intéressant mais incomplet puisque plusieurs pistes ne sont pas explorées et que des zones d’ombres subsistent à l’épilogue, même si des pistes sont évoquées, par exemple l’avenir que se réserve la peu scrupuleuse Misha. Mais que devient par exemple la fameuse cassette vidéo ? Et le récit est parfois encombré de trop de détails ou de marques publicitaires dont n’a rien à faire le lecteur francophone. Mais la traductrice doit-elle couper dans le vif, c’est un autre débat.

Laurence  GOUGH: Mort à l’hameçon (Death on a N°5 hook – 1988. Traduction de Laetitia Devaux). Collection les Noirs N°41. Editions Fleuve Noir. Parution le 01 mars 1998.

ISBN : 978-2265061774

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30 décembre 2018 7 30 /12 /décembre /2018 05:26

Si vous allez à San Francisco
Vous verrez des gens doux et gentils
Le long des rues de San Francisco
Parler de fleurs devenir vos amis…

Muriel MOURGUE : Mary Magee a disparu.

De nombreux groupes musicaux ont éclos dans les années 1960, souvent éphémères mais qui pourtant ont marqué leur époque et certains adolescents.

Ainsi Freeskin, composé de quatre membres, deux femmes et deux hommes, mais porté par la charismatique chanteuse Mary Magee, à la voix envoûtante et aux textes qui allaient droit au coeur. Un groupe qui n’a enregistré que deux disques et n’aura eu que deux ans d’existence.

Lara Walters, qui avait déniché la première galette dans la musicothèque de ses parents, des fous (en tout bien tout honneur) de musique, avait été subjuguée et n’avait plus eu de cesse de rechercher le second enregistrement ainsi que des coupures de presse concernant Freeskin. Un rêve réalisé grâce à un disquaire, ce qui l’a peut-être amenée à ouvrir un magasin de disques dans sa bonne ville de Nancy en compagnie d’une amie. Mais pas n’importe quelles galettes. Des vinyles rétro !

Le déclic se produit lorsque Lara découvre dans une puce londonienne un ouvrage relatif à cette époque californienne signé Vivienne Larivière, intitulé Patchouli Song, dont quelques pages sont consacrées à son idole. C’est peu. Aussi Lara décide d’écrire la biographie de Mary Magee et pour cela elle programme un voyage à San Francisco afin de rencontrer ceux qui ont connu la chanteuse.

Cinquante ans auparavant. Fin décembre 1967, Mary Magee s’est évaporée. Sa voiture a été retrouvée près de la plage, les clés dans le vide-poche. Pas de petit mot pour expliquer cette disparition soudaine. Départ précipité, mûrement réfléchi ? Enlèvement ? Accident ? Suicide ? La police a enquêté, sans résultat et au bout de quelques jours a conclu à un suicide ou une noyade. La maison de disques a embauché un détective privé, Dick Plino, mais il est décédé quelques semaines plus tard d’un accident de la circulation.

Lara veut connaître le fin mot de l’histoire et elle entreprend de rencontrer les membres de ce groupe et ceux qui gravitaient autour. Enfin, ce qu’il en reste. Et ce qu’elle arrive à recueillir se révèle être des informations parfois, et même souvent, divergentes, voire contradictoires. Fred Sarnik, l’impresario du groupe à l’époque, Karla, la bassiste et chanteuse elle aussi, Jackson, le guitariste, Melanko, l’homme à tout faire, Vivienne l’amie et auteur du roman Patchouli Song n’étaient pas forcément en bons termes, mais tous affirment que Mary était leur amie. Sauf Jeff le batteur qui est parti au bout du monde. Mais une amitié battue en brèche par les autres membres. Qui croire ?

Jessy, la fille de Plino le détective, lui offre même des pages extraites du carnet dans lequel son père avait consigné les éléments de son enquête avortée. De San Francisco à Monterey en passant par Los Angeles, Lara remonte la piste d’une chanteuse charismatique, une étoile dont la lueur est depuis longtemps éteinte ou presque, sauf pour certains.

Mais à la même époque sévissait un tueur surnommé au foulard rouge, s’en prenant à des jeunes femmes. Or Jeff, le batteur du groupe avait été accusé du meurtre d’une groupie du groupe, et principalement de Mary, car il était réputé pour suborner de nombreuses jeunes filles et les violenter. Le tueur au foulard rouge n’avait plus fait parler de lui depuis ce temps, mais il semble que l’histoire se renouvelle.

 

Lara réalise une sorte de pèlerinage sur les traces de son idole mais le lecteur effectue le même parcours musical et nostalgique. Tous ceux qui ont vécu cette période se souviendront des quelques personnalités marquantes ou des groupes qui sont évoqués, Janis Joplin, Jim Morrison ou Grateful Dead par exemple. Et d’autres noms émergent dans l’esprit du lecteur qui était un fan de cette musique dédiée à l’amour de son prochain. Peace and love. Canned Eat, The Byrds, Sonny & Cher, Jefferson Airplanes, The Mamas & the Papas, The Beach Boys et combien d’autres qui ont marqué leur génération ou se sont dissolus dans un anonymat complet au bout d’un, deux, ou trois disques. Dont Scott McKenzie et son unique succès San Francisco, repris en français par Johnny Halliday.

Mais ce roman ne se contente pas d’être une bouffée de fraîcheur et une brassée de fleurs, il ne faut pas oublier non plus qu’il s’agit de l’histoire dramatique d’une jeune chanteuse à qui l’avenir devait sourire.

Et Muriel Mourgue nous délivre un récit en deux parties distinctes, la première étant narrée par Lara Walters, la seconde étant rédigée à la troisième personne. Avec, en guise de conclusion, deux épilogues.

Un roman abouti, qui nous plonge dans un passé dont on se remémore certains épisodes engendrant la nostalgie et qui insensiblement nous fait croire que c’était mieux avant. Musicalement parlant, naturellement.

 

Le fiel coulait de sa bouche peinte en rouge carmin. Aussi suavement que miel.

 

Nous formons une sorte de tribu de survivants. Ici c’est notre quartier général. J’y viens faire un saut chaque jour. Nous sommes la tribu des dinosaures psychédéliques.

 

Muriel MOURGUE : Mary Magee a disparu. Collection Rouge. Ex Æquo éditions. Parution le 11 décembre 2018. 168 pages. 15,00€. Version numérique 3,99€.

ISBN : 978-2378734862

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29 décembre 2018 6 29 /12 /décembre /2018 05:53

Il parait que les blondes sont écervelées. Il parait !

Jean-Marc DEMETZ : Désoxy.

Pour la capitaine Anouck Furhman, et ses deux adjoints de la police criminelle de la région lilloise, cette affirmation pourrait bien se révéler exacte, mais pas dans le sens qui lui est octroyé par les humoristes, aussi bien masculins que féminins.

Le cadavre d’une jeune femme vient d’être retrouvé, décapité, puis d’autres représentantes du sexe féminin sont enlevées, et elles sont toutes blondes, avec des cheveux longs. Une enquête qui lui prend la tête, à la capitaine Furhman, d’autant qu’elle est agressée en rentrant chez elle par un individu en pardessus, portant sur le chef un chapeau qui lui mange le visage. Le temps qu’elle reprenne ses esprits et l’homme s’est carapaté. Elle découvre un papier glissé sous la porte de son appartement, lui posant cette question pour le moins sibylline :

Prélève-t-il les cerveaux ?

Suivent ensuite des consignes pour la réponse.

Le lendemain matin, elle narre sa déconvenue de la veille, le message, et surtout elle possède le couvre-chef de son agresseur. Un objet, qui pourrait être d’origine flamande, mais ce n’est pas sûr. Quoiqu’il en soit, ce chapeau bizarre dans sa forme est transmis à la Scientifique, avec l’espoir que les résultats d’analyse ne se fassent pas attendre trop longtemps. Mais selon toute vraisemblance ce chapeau n’est pas de première jeunesse, d’autant qu’il est reproduit sur un tableau de Rubens datant de 1624.

Les événements se catapultent. Une seconde victime, blonde aux cheveux longs, est enlevée sous les yeux de touristes, dans un parc des environs de Valenciennes. Ceux-ci peuvent donner une description approximative du ravisseur. Tandis qu’un cycliste découvre une tête dans un fossé. Il a du mal à se remettre de ses émotions, qui ne sont pas dues à un valdingue inopiné, mais bien à cause de sa découverte. Il y a de quoi, car le cerveau a été prélevé et le crâne appartenait à la première blonde.

Un portrait-robot est dressé selon les indications des promeneurs et du capitaine Furhman, mais il semblerait bien que ce soit deux hommes différents. Et bizarrement, Furhman est contacté par l’homme au chapeau à Bruges, dans un confessionnal. Ils communiquent mais en pure perte pour la capitaine, qui lorsqu’elle veut savoir qui se cache dans l’abri du confesseur, ne trouve qu’un appareil de transmission. Elle s’est fait avoir en beauté, ce qui n’est pas pour la mettre de bonne humeur. Toutefois elle ressort avec à la clé quelques renseignements, dont l’identité du ravisseur, qui s’est encore manifesté au Touquet. Quant à celui qui se confesse, il se présente comme l’Anonyme. Pas de Bruges, mais pas loin. Et il s’évanouit dans la nature non sans lui laisser un sac de sport contenant quelques objets et lui affirmant qu’il va chercher de son côté.

Les surprises ne manquent pas pour Furhman et ses deux acolytes qui se trouvent au cœur d’une affaire pour le moins ésotérique teintée de fantastique.

 

Le titre de ce roman, Desoxy, provient d’une substance connue sous le nom d’acide désoxyribonucléique, mais à quoi sert-elle ?

Une atmosphère teintée de fantastique ou de surnaturel pour une enquête policière rigoureuse et l’on retrouve dans ce roman des personnages qui évoluaient dans le précédent ouvrage de Jean-Marc Demetz, Chrysalide mais également dans Les Œufs de Lewarde.

Jean-Marc Demetz reprend le thème de l’Alchimiste, un thème qui lui tient à cœur sans nul doute car c’était déjà le fond de l’intrigue de ces deux précédents romans avec comme ingrédient l’élixir de vie, et le personnage de l’Anonyme d’Anvers, qui devrait connaître de nouvelles aventures puisqu’il s’agit du nom de la collection dont ce titre est issu.

Alors retrouverons-nous Anouk Ferhman, qui n’hésite pas à se mouiller dans des conditions dramatiques, et ses deux adjoints, qui ne sont pas épargnés, et l’Anonyme d’Anvers dans de nouvelles aventures, ensemble ou séparément ?

Un roman qui ne manque pas d’humour, volontaire ou non :

La flotte montait à gros bouillons et ça continuait à secouer sec.

 

Jean-Marc DEMETZ : Désoxy. Collection l’Anonyme d’Anvers N°1. Editions Les Presses du Midi. Parution le 27 novembre 2018. 148 pages. 16,00€.

ISBN : 978-2812710407

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27 décembre 2018 4 27 /12 /décembre /2018 05:05

J'aime les filles qu'on voit dans "Elle"
J'aime les filles des magazines

Michel AMELIN : Personne ne m’aime, j’aime personne.

Ah si les parents savaient combien peut souffrir un enfant qui pose comme mannequin pour des catalogues !

Virginie longtemps a servi de modèle mais depuis quelques mois c’est terminé. L’acné juvénile et les dents protégées par des rails de chemin de fer disgracieux ne sont pas compatibles avec les critères de beauté exigés par les grandes marques de vêtements pour enfants. Mais sa mère reste dans sa bulle de rêve, gardant précieusement tout ce qui est en rapport avec la courte mais fructueuse carrière de sa fille.

Virginie souffre, non pas de ne plus s’exhiber dans les pages des magazines, mais de la résurgence continuelle de son passé de petite fille modèle auprès de ses condisciples au collège. La jalousie anime garçons et filles et elle se calfeutre dans son mental se croyant la cible de toutes les moqueries. Elle se recroqueville, et rechigne à se rendre à l’école. Un vrai parcours du combattant lorsqu’elle sort de chez elle, sac à dos en bandoulière.

Elle est devenue la tête de turc de Suzanna, Manuel et Robin, les inséparables, et de quelques autres aussi sans oublier quelques enseignants qui ne se privent pas de l’humilier.

Ce matin là, elle est assise à côté de Suzanna qui, mielleuse, lui demande ce qui ne va pas, lui promettant d’être une tombe. Une tombe, cela ne parle pas n’est-ce pas, aussi Virginie peut lui confier ses problèmes, ses soucis, elle ne dira rien. Mais Virginie sait qu’aussitôt qu’elle aura le dos tourné, Suzanna s’empressera de faire partager ses secrets, ses révélations, à tout le monde. Alors elle trouve une parade en avouant que Tristan, qui officiellement est le petit ami de Suzanna, l’importune, la dérange, la harcèle. Naturellement, cela tourne en eau de boudin…

Ensuite c’est la prof de français, une véritable bombe que personne n’a encore jamais réussi à désamorcer, qui lui demande, suite à la lecture d’un poème de Baudelaire de donner son avis sur cette question fondamentale : Beauté extérieure ou beauté intérieure ?

Evidemment cela renvoie Virginie à son enfance, lorsqu’elle était photogénique et à aujourd’hui où elle ressemble plus à un sapin de Noël avec ses boutons sur la figure en guise de loupiotes et son appareil dentaire en forme de guirlande buccale. Le vilain petit canard transformé en cygne ou le contraire ?

Virginie ne se laisse pas démonter, mais la journée est longue, et rentrant chez elle, elle est animée d’une soif de revanche.

 

Michel Amelin regroupe en une journée les tracas, les soucis, les harcèlements, l’état d’esprit mesquin des adolescents, les brimades auxquels Virginie est confronté à longueur de journée. Et à la maison ce n’est guère mieux.

Il analyse les réactions, la force de caractère de ce qui se passe réellement en plusieurs semaines et il en fait un condensé afin de mieux imprégner l’esprit du lecteur. Alors naturellement cela semble irréaliste mais pourtant cela existe, par petites doses quotidiennes, et il faut une force de caractère à toute épreuve pour ne pas se laisser aller à des sentiments de destruction de soi. La révolte gronde, intérieurement, mais lorsqu’elle explose l’on ne sait quels dégâts cela peut occasionner.

Un beau texte tout en finesse, une description, une dissection, une introspection de ce qui anime les adolescents entre eux, mais également de l’origine de ces rejets de l’un par les autres. Certains d’entre les condisciples de Virginie lui reprochent d’être riche, ce qui n’est pas prouvé, pour avoir été une enfant modèle, une forme de jalousie, mais ils ne savent pas les souffrances qu’elle a dû endurer tout au long de sa prime jeunesse devant les appareils photos et l’exigence de sa mère. Exigence et fierté qui a conduit son père a déserté le domicile conjugal.

Michel AMELIN : Personne ne m’aime, j’aime personne. Collection Les romans de Julie N°7. Editions Milan. Parution le 24 avril 2001. 126 pages.

ISBN : 978-2745902986

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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