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9 mai 2018 3 09 /05 /mai /2018 06:59

Ange ou démon ?

Sylvie HUGUET : La noirceur du cristal.

Jeune, on n’a qu’une hâte : vieillir afin de profiter de la vie à pleines dents, de se sentir libre, ne plus dépendre des parents. Un leurre car l’on dépend toujours de quelqu’un ou de quelque chose.

Arrivé à l’âge des vétérans de la vie (j’ai horreur du mot senior qui n’est qu’une hypocrisie, senior étant réservé dans le monde du travail ou médical à des quadragénaires et des quinquagénaires), on se retourne sans cesse, quitte à attraper un torticolis, sur son passé avec nostalgie. En général.

C’est ainsi qu’en octobre 2028, Olivier, le narrateur, se souvient d’un épisode de sa vie durant l’été 1994 alors qu’il était en vacances avec son ami le commissaire Gilles Verneuil, décédé depuis peu, dans un petit village des Pyrénées.

Aude et son frère Tristan, ainsi que leurs parents, possèdent un centre équestre, et Gilles est attiré par les chevaux, lui qui est un cavalier accompli. Mais Olivier rechigne, ayant eu dans son enfance des problèmes avec ces animaux au caractère parfois ombrageux. Selon ceux qui les élèvent et les montent. Cette phobie, Olivier la doit en particulier à sa mère, pourtant Gilles parvient à lui faire surmonter sa répulsion. Gilles mais également Aude et Tristan qui lui promettent un cheval doux, facile à manier.

Aude est fiancée à Marc, un propriétaire voisin dont les terres seraient propices à agrandir le centre équestre. Malgré tout Gilles et Olivier sont parfois déroutés par l’attitude de la jeune fille qui se comporte en coquette. Quant à Tristan, marié avec Thérèse, il veille jalousement sur sa sœur.

Gilles et Olivier ne sont pas les seuls à fréquenter le centre et à effectuer des randonnées en compagnie d’Aude laquelle sait quel cheval réserver aux participants. Certains de ces touristes se montrent entreprenants auprès d’Aude. Des goujats qui se font remettre à leur place vertement, ou qui sont plus ou moins encouragés dans leurs démarches de Don Juan qui ne doutent de rien.

Gilles et Olivier observent ces tentatives, ce marivaudage avec amusement, d’autant qu’Aude et Tristan deviennent leurs amis. Mais le batifolage, plus ou moins encouragé au départ, se transforme souvent en propos acerbes et acrimonieux. Parfois ils se sentent gênés, comme des témoins qui ne seraient pas à leur place. Et un soir un drame survient. L’un des touristes indélicats est retrouvé blessé à mort sous les sabots du cheval que conduit habituellement Tristan, un animal qui ne connait que son maître.

Un autre accident se produit un peu plus tard, dans des conditions similaires et sans le témoignage de Marc, notamment, l’animal aurait été abattu. Mais Gilles et Olivier sont circonspects.

 

Les rapports entre Aude, qui parait nettement plus jeune qu’elle l’est réellement, et Tristan son frère, sont équivoques. Comme s’ils étaient des jumeaux siamois, de cœur et d’esprit. De même les relations maritales entre Tristan et Thérèse sont constituées de hauts et de bas. Cela dépend s’ils sont au lit ou non.

Gilles et Olivier, quant à eux, s’ils sont amis depuis quelques décennies suite à une affaire menée par l’ancien commissaire de police et concernant Olivier, ils se vouvoient toujours, par respect et courtoisie l’un envers l’autre. Des relations amicales qui ne sont entachées d’aucunes arrière-pensées.

 

Le lecteur découvre cette histoire par deux biais. La narration d’Olivier, qui est professeur et romancier, est entrecoupée par des passages extraits du journal de Tristan. Un journal qui révèle peu à peu le caractère du frère et de la sœur, dont les relations sont fusionnelles et ambigües. Mais également celles de Marc envers Aude et Tristan.

Un roman bucolique, animalier dans lequel on retrouve une passion pour la campagne secrète et les chevaux. Sans oublier les chiens. Et l’être humain qui n’est qu’un animal un peu plus évolué, parait-il, mais dont les sentiments se révèlent plus complexes.

Le style plaisant de Sylvie Huguet m’a fait penser parfois à celui d’anciens auteurs du début du XXe siècle, Anatole France, Hector Malot qui écrivit d’admirables romans d’étude sociale dont Les Millions honteux, ou encore Rosny Aîné, par exemple. Ils savaient camper des personnages, étudier leurs comportements, décrire les paysages et les actes des protagonistes, sans pour autant se montrer agressifs, vulgaires, dédaigneux de la langue française comme chez bien des écrivains de nos jours. Leur style était peut-être parfois un peu pompeux, voire précieux, de nos jours désuets, mais quel plaisir on ressent en les relisant, car au moins ils ne se moquaient pas de leurs lecteurs en peaufinant leurs phrases, leurs dialogues.

Sylvie Huguet fait partie de ces amoureux des lettres et de la belle phrase. Un véritable rafraîchissement pour l’esprit. Et pour autant, l’intrigue n’est pas dédaignée, au contraire.

 

Sylvie HUGUET : La noirceur du cristal. Collection Signé Polar. Editions La Main multiple. Parution 15 mars 2018. 122 pages. 15,00€.

ISBN : 978-2356960597

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7 mai 2018 1 07 /05 /mai /2018 08:14

Une chouette petite fissure !

Denis JULIN : La lézarde du hibou.

La vengeance est un plat qui se mange froid ! Le narrateur, qui tient à garder l’anonymat, après s’être montrer gentil toute sa vie, soit un peu plus de soixante ans, devient sous le coup d’une émotion que l’on va découvrir peu à peu, un loup. Fini le petit mouton taiseux, il va se débarrasser de quelques personnages qui lui ont pourri la vie depuis des décennies.

Pas la peine de couper les cheveux en quatre, sa première victime sera Marie-Ange, installée comme coiffeuse à Machecoul, petite commune de la Loire Atlantique. Il arrive en fin de soirée dans son échoppe après avoir pris un rendez-vous sous un faux nom. Elle a bien changé physiquement Marie-Ange qui toute jeune était démoniaque. Et elle est toujours aussi dévergondée, enfin, attirée par les mâles car elle devient toute frétillante lorsqu’il lui annonce qu’il est seul pour la soirée. C’est toi parvient-elle à prononcer lorsqu’elle le reconnait enfin aidée en cela par son visiteur du soir. Et oui, c’est lui, et il va lui laisser un gage de reconnaissance en plaçant une pièce de 1 franc de 1971 dans la coupelle destinée aux pourboires, après l’avoir trucidée en douceur par étouffement.

Il rentre chez lui à Nexon, petit village sis en Haute-Vienne, et retrouve avec plaisir sa femme Caroline, ce qui est réciproque même s’il elle ne s’exprime pas. Le seul problème, ce sont ses douleurs qu’il combat à coups de cachets et gélules.

Le lendemain, il reprend la route, à bord d’un autre véhicule. Il en possède plusieurs d’occasion mais il a la place pour les entreposer. Direction Vendôme où il rend visite, pas du tout amicale à Jérôme, celui qui le narguait naguère avec Marie-Ange. Et cette fois le meurtre qu’il perpétue est différent puisque l’homme se noie dans un véhicule destiné à la vente dans sa piscine. Aidé par quelques coups de feu dans le corps. Son geste accompli, le meurtrier rentre à nouveau chez lui, où l’attend la fidèle Caroline. Et il va ainsi continuer l’élimination de tous ceux qui à un moment ou un autre de sa vie l’ont pris pour un imbécile.

L’enquête vendômoise est confiée à Brunie, un jeune capitaine de la police judiciaire d’Orléans, qui découvre sur la margelle de la piscine une pièce de un franc, datée de 1971. Il est persuadé avoir à faire à un assassin qui signe ses forfaits mais il lui faut trouver la relation entre tous ces meurtres. Car évidemment, après avoir recherché parmi les affaires courantes des meurtres similaires, il se retrouve en charge d’une enquête qui le conduit de Machecoul à d’autres petites villes de la région, Nexon se révélant l’œil du cyclone, et même jusqu’à Arcachon.

A Aixe-sur-Vienne, où s’est produit le troisième meurtre, dans une maison de retraite, Brunie fait la connaissance de la charmante réceptionniste, Laetitia de son prénom. Tandis que Brunie ne se prénomme pas Carla mais Romain. Ce qui n’interfère pas dans l’histoire, mais il est bon parfois d’être précis.

Peu à peu Brunie, aidé par Laetitia, va remonter une piste toujours signée grâce à des pièces disposées auprès des cadavres mais dont les dates diffèrent.

 

Une enquête qui peut s’apparenter à un jeu de piste macabre, avec en toile de fond une histoire d’amour qui se profile, et une autre qui perdure depuis des décennies.

Ce jeu de piste, constitué de meurtres et de pièces de monnaie avec des dates différentes, le lecteur le suit en compagnie du meurtrier qui s’exprime à la première personne. Si l’on sait quelles sont les motivations de tueur qui ne s’attaque qu’à des individus qui lui ont pourri la vie à des moments donnés, il existe toutefois des trous dans ses explications. Notamment quel a été l’élément déclencheur qui de gentil mouton l’a transformé en prédateur.

Quant à Brunie, qui a de l’avenir, son histoire d’amour naissante ne le perturbe pas, au contraire car parfois Laetitia se montre intuitive. Peut-être trop.

Bref une intrigue machiavélique distillée par un auteur prometteur, qui scinde son récit entre deux personnages, dont seul le meurtrier s’exprime à la première personne. L’on sait que le meurtrier, s’il laisse ses pièces de monnaie sous forme d’indices, se fera prendre à la fin, lui-même l’avoue. Mais il s’est donné une mission qu’il compte bien mener jusqu’à son terme. Une histoire émouvante avec suspense et angoisse garantis.

Denis JULIN : La lézarde du hibou. Editions Pavillon noir. Parution le 11 avril 2018. 288 pages. 14,00€.

ISBN : 978-2367990316

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5 mai 2018 6 05 /05 /mai /2018 08:31

Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là…

David COULON : Je serai le dernier homme…

Afin d’éviter de se faire contrôler par la maréchaussée qui trouve toujours une bonne occasion pour défourailler leurs éthylotests, le narrateur emprunte ce qu’avec sa femme Mathilde il a surnommé l’autoroute des alcooliques. Un itinéraire qui lui évite les grandes nationales et rentrer chez lui dans un petit village situé entre Rouen et Le Havre, sans se faire importuner.

Or ce soir là, alors qu’il revient, alibi auprès de son épouse, d’un entretien d’embauche mais qui en réalité était une relation de débauche en compagnie de sa maîtresse, il entend comme un coup de pétard. Ce n’est pas un pneu qui vient d’éclater, il est rassuré, mais cela ressemble fort à des coups de feu.

Il sort de sa voiture et à ce moment là une jeune femme débouche d’un champ de blé et s’engouffre dans sa voiture, coté conducteur. Il l’en extrait violemment, la jeune femme tombe sur un caillou et c’est l’accident mortel. Le narrateur est bien embêté. Il tergiverse mais n’appelle pas la police ou les secours. Une erreur qui va l’entraîner dans des pérégrinations dramatiques.

Il met le cadavre dans son coffre, en attendant de trouver une solution, et au lieu de rentrer chez lui, il prend une chambre dans un hôtel franchisé. L’anonymat parfait.

Il était ouvrier dans une usine pétrochimique mais tous les employés ont reçu leur feuille de licenciement quelque temps auparavant. Sa femme est institutrice et pour l’heure c’est elle qui assure la pitance de leur gamine Emma. Il recherche bien un emploi, mais il se retrouve toujours avec des réponses négatives.

Avec ses indemnités, un chèque qu’il vient juste de recevoir, il met une option sur une vieille grange afin de pouvoir y cacher le corps, et il se met en tête de découvrir par qui et pourquoi cette femme nue avait été enlevée. Car d’autres disparitions sont à signaler dans la région, dont celle d’un adolescent qui a eu la main tranchée.

Commence alors un périple qui le rapproche peu à peu des ravisseurs, mais si Mathilde lui envoie des Je t’aime sur son téléphone lorsqu’il est absent, théoriquement pour la recherche d’un emploi alors qu’il copule avec Anna, ou se baguenaude sur les routes, il sent que son environnement familial se délite.

 

C’est l’histoire d’un mec, comme disait Coluche, qui accumule les fautes et les erreurs, car lui-même est fautif. Il se comporte comme un coupable alors qu’en réalité il est une victime. Mais il est vrai que se retrouver avec un cadavre sur les bras n’est pas une situation que l’on rencontre tous les jours.

David Coulon a choisi une voie et il la développe avec un machiavélisme diabolique. On ne voudrait vraiment pas être à la place du narrateur, et pourtant on voyage dans son esprit et on assiste à son enquête, à ses errements, à ses déceptions, à ses peurs, à son effroi. On a envie parfois de le morigéner comme un gamin, de lui dire d’arrêter de se comporter tel qu’il le fait, de s’ériger en adulte responsable, mais que pouvez-vous exiger d’un narrateur qui n’en fait qu’à sa tête !

Mais peut-être pourrait-on avancer au moins une explication, sinon plusieurs, à ce comportement. Si, une hypothèse, le narrateur n’avait pas été licencié comme ses autres collègues, aurait-il eu du temps pour aller batifoler avec Anne, et prétendre qu’il se rend à des entretiens d’embauches ? Et rentrer tard le soir, l’obligeant à un détour ? Ce n’est qu’une théorie et elle vaut ce qu’elle vaut, mais on peut toujours se poser les questions.

David Coulon assène ses phrases comme un boxeur ses coups sur un punching-ball et pourtant certains passages se révèlent poétiques, des vers libres. Des vers de poésie et non des vers, animaux invertébrés qui parait-il se nourrissent de cadavres. On navigue entre deux eaux, et peut-être est-ce du masochisme, on en redemande.

 

David COULON : Je serai le dernier homme… Roman policier mais pas que… Editions Lajouanie. Parution le 9 mars 2018. 300 pages. 18,00€.

ISBN : 978-2370470911

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10 avril 2018 2 10 /04 /avril /2018 07:54

Et la source est loin d’être tarie !

Hervé HUGUEN : La source du Mal.

Ne pas être présente à un rendez-vous, c’est manquer de courtoisie et de respect envers celui qui vous l’a proposé et à qui vous aviez confirmé votre présence.

Pourtant, il existe parfois des impondérables qui vous empêchent non seulement de se rendre au lieu déterminé, mais encore de prévenir la personne avec laquelle vous deviez passer la soirée.

Ainsi Jérôme Segui s’impatiente car Agathe, comme Madeleine dans la chanson de Jacques Brel, ne vient pas ce soir. Il est vingt heure dix, ils avaient rendez-vous pour visiter l’exposition Costaner puis dîner ensemble, mais toujours pas de nouvelles d’Agathe. Il lui téléphone, mais elle ne décroche pas. Il se rend chez elle, mais il trouve porte close. Toutefois, la voiture est devant chez elle. Il retourne à son lieu de départ, puis enfin rentre chez lui.

Il émet toutes sortes de suppositions, mais pas la bonne. Il décide de retourner chez Agathe mais cette fois son véhicule n’est plus là. La solution de cette défection, il l’apprendra plus tard. Agathe a été retrouvée dans son véhicule incendié dans une zone industrielle en friche près d’une ancienne conserverie. C’est un voisin qui alerté par les flammes a prévenu les policiers et les pompiers.

Tôt le lendemain matin, Baron et son adjoint Arneke prennent les rênes de l’enquête. Tout d’abord ils recueillent les premiers renseignements sur les lieux du drame, puis auprès des voisins d’Agathe et enfin auprès de ses proches grâce aux appels téléphoniques qu’elle a reçu avant son décès et sa crémation.

Questionnements auprès de Nadine, la collègue d’Agathe, de Thomas, l’ex petit ami d’Agathe qu’elle avait plaqué un an auparavant alors qu’ils étaient ensemble depuis cinq ans mais vivaient séparément, de Jérôme son nouveau petit ami depuis six mois puis quelques autres personnages susceptibles de leur fournir le moindre renseignement.

Agathe travaillait pour une assurance, spécialisée dans les placements d’argent et les assurances-vie, et il se pourrait que l’un de ses clients mécontents se soit rendu chez elle avec des intentions belliqueuses. Ses dossiers ont été fouillés, mis en vrac à terre chez elle, et pour l’heure il est impossible de déterminer si des papiers ont été subtilisés. Mais il ne faut pas négliger l’aspect sentimental de cette affaire, car Thomas possède un trou dans son emploi du temps de la soirée.

 

Du samedi 4 novembre jusqu’au lundi 6, Baron et Arneke, assistés de quelques membres du commissariat de Vannes, vont multiplier les rencontres, les interrogatoires, les déplacements, se rendant à Auray, Malestroit et même jusqu’à Saint-Malo, afin de débusquer la vérité, pratiquement sans dormir, fouiller dans le passé, vérifier les appels téléphoniques, les alibis, s’immiscer dans la vie privée.

Et déboucher sur une affaire provoquée puis résolue à cause d’une petite erreur. Agathe avait ce que l’on pourrait considérer comme une double vie. A première vue rien de bien répréhensible mais lorsque le mobile réside dans de vieux papiers, il ne faut s’étonner de rien. Surtout des remous, des soubresauts, des résultats mortifères.

Un bon roman de détection classique dans lequel Baron se prend pour Maigret, sans le vouloir, sans s’en rendre compte, un mimétisme reposant.

Quelque chose le rongeait, qu’il ne parvenait pas à définir vraiment. Le sentiment qu’un détail leur échappait, une connexion qui ne se faisait pas. Ils suivaient deux histoires parallèles, et le propre des parallèles est qu’elles ne se rencontrent jamais.

 

Baron ne répondit pas. Ses yeux ne cherchaient pas ceux de Lanne, il semblait ailleurs. Est-ce qu’il écoutait seulement ? Est-ce que cette conversation avait un sens pour lui ?

 

Oui, Nazer Baron est un homme comme un autre, pas un super-héros, mais quelqu’un qui réfléchit au lieu d’user de la force. Et avec l’âge, et les séquelles du métier, conjugués aux intempéries, il ressent des tensions dans la hanche, là où sa cicatrice se réveillait parfois quand l’humidité froide venait lui rappeler son ancienne blessure. Il avait renoncé à conduire. Mais ce n’est qu’un mauvais moment à passer, et il prend sur lui (et peut-être quelques antalgiques et analgésiques mais il le cache, un policier ne se drogue pas) afin de diminuer la douleur, et peu après il pourra reconduire. Mais parfois il mérite un carton jaune :

D’une pichenette, Baron envoya le mégot s’éteindre dans le caniveau et reprit sa progression lente.

J’en connais qui se sont pris une prune à 68 euros pour avoir laissé tomber un mégot sur le trottoir, sous le motif d’abandon de déchets sur la voie publique.

 

Hervé HUGUEN : La source du Mal. Série Nazer Baron N°13. Editions du Palémon. Parution le 2 mars 2018. 272 pages. 10,00€.

ISBN : 978-2372605175

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31 mars 2018 6 31 /03 /mars /2018 10:28

Et ce ne sont pas des larmes de crocodiles !

Guy RECHENMANN : Même le scorpion pleure.

C’était un p’tit gars, qui s’appelait Anselme, l’avait pas d’papa, l’avait pas d’maman…

Être né sous X, c’est un handicap, et Anselme Viloc, quadragénaire et inspecteur de police, ne s’y résout pas. Mais avoir été déclaré à l’état-civil être né sous X, pas de maman connue, et sous Y, pas de papa non plus, cela lui pollue de plus en plus l’esprit.

Des réminiscences qui s’accentuent lorsque son ami Augustin, pêcheur pendant soixante ans, soixante-seize ans au compteur, décède brusquement d’une rupture d’anévrisme. Une fin de non recevoir sur terre qui intrigue Anselme, car selon toutes vraisemblances Augustin était en excellente santé, et qu’il venait de vendre sa maison en viager. C’est donc qu’il supposait en récolter les fruits durant encore un nombre respectable d’années. Et ce qui indispose Anselme, ce n’est pas la présence du débit-rentier lors de l’inhumation, mais ce petit air de satisfaction qui éclaire sa face, ce petit sourire ironique qu’il arbore. Raphaël Tournebise, qu’il se nomme le faquin.

Anselme se souvient avoir prêté à Augustin quelques CD, notamment un de Didier Lockwood auquel il tient, aussi il se rend chez Augustin. Il en profite pour regarder les aîtres, et se rend compte que la pièce à vivre est quelque peu chamboulée. Augustin avait pour habitude de se reposer dans son fauteuil, près de la cheminée, Pompom, le chat rouquin confortablement installé sur ses genoux, et regarder la forêt non loin et la mer. Surgit alors le gominé, alias Raphaël.

Il en parle à son amie, la petite Lily, toujours de bon conseil, puis un dimanche soir, il va se restaurer à l’Escale, avec Sylvia sa compagne et Noémie, leur fille. C’est alors que David, le restaurateur, lui fait part qu’une mamie, trois mois auparavant, est décédée dans les mêmes conditions qu’Augustin. Rupture d’anévrisme peu après avoir mis sa maison en viager.

Des viagers, ce n’est guère courant, et des morts similaires non plus. Anselme est en vacances, il en profite pour enquêter sur ces décès suspects à ses yeux et en parle à son ami et collègue Jérémy ainsi qu’à son patron du commissariat de Castéja. L’heureux débirentier est un trentenaire, tout comme Tournebise et lorsqu’Anselme se rend sur place, il est fort étonné de voir que la bâtisse va être transformée. Par un architecte de la région parisienne, accoquiné avec un notaire de Neuilly.

Puis c’est un troisième décès qui lui est signalé. Son patron est d’accord pour lancer une procédure officielle, mais peu après le juge préfère classer l’affaire sans suite. Pas assez de preuves probantes. Que des coïncidences, selon lui.

Pour autant Anselme est toujours tourneboulé par son problème de recherche parentale et pour se vider l’esprit, il rencontre un thérapeute qui l’oblige à fouiller sa mémoire vive, à remonter le temps, à fouiller dans son passé, jusqu’à son enfance et même avant. Il rencontre également un sourcier qui le branche sur un radiesthésiste et un astrologue qui lui détaille son thème astral. Scorpion ascendant Gémeau. Pour Anselme ce serait plutôt j’ai mal. Un j’ai mal, des gémeaux. Et le Scorpion est en contradiction avec le Gémeau. L’un est bénéfique tandis que l’autre broie du noir.

 

Nouvelle enquête pour Anselme Viloc, le flic de papier comme il a été surnommé par son patron de commissaire, enquête dans le milieu des viagers, une pratique peu courante mise surtout en valeur par le film de Pierre Tchernia, Le viager justement, et par l’exemple de Jeanne Calment qui vendit à son notaire, lequel décéda bien avant la brave centenaire.

Et des imbrications mettent en cause quelques hauts personnages, dont un, ami du notaire de Neuilly, qui est à l’époque des faits, 1993, député-maire de cette ville siamoise au XVIe arrondissement parisien. Pas de nom, peut-être n’est-ce qu’une coïncidence.

Et l’enquête policière d’Anselme l’amène à rencontrer des personnages, tels que le sourcier, le radiesthésiste ou un géobiologue, lesquels vont lui inculquer les notions d’ondes positives ou négatives, de leur influence, des courants qui passent dans le sol, et bien d’autres choses encore, dont je n‘ai retenu que peu de choses, mais qu’il est préférable, par exemple, de mettre la tête de son lit dans le sens nord-sud, et que des points noirs existent dans certaines parties d’une maison qu’il ne faut pas construire en dépit du bons sens.

Parallèlement, d’ailleurs les parallèles font parties de cette notion d’ondes, parallèlement, on suit les problèmes personnels et familiaux d’Anselme, et surtout l’acharnement de Sylvia, sa femme, à suivre des cours d’ostréicultrice afin de pouvoir garder leur cabanon situé sur la baie d’Arcachon. Cabanon promis à la démolition si cette bâtisse n’est plus affectée à l’ostréiculture. Le fisc et autres étant de plus en plus restrictifs sur les biens personnels et leur utilisation.

Lily, la gamine de douze ans, véritable Pic de la Mirandole, va aider consciemment Anselme dans ses diverses recherches, et, plus étonnant, les chats, de préférence rouquins, vont également se trouver au cœur du problème. Pas uniquement Gédéon, le chat à trois pattes d’Anselme, mais d’autres, qui contrairement aux chiens, savent se débrouiller seuls et possèdent des esprits supérieurs. Mais ça, on le sait, la présence d’un chat dans une maison permet de se débarrasser d’entités malveillantes.

 

Roman de terroir sortant des sentiers battus, Même le scorpion pleure aborde des thèmes peu utilisés dans un roman policier ou même de littérature dite générale. L’influence des ondes magnétiques souterraines, bénéfiques ou non, les sourciers dont la capacité de découvrir des sources d’eau ou autres relevait autrefois de la sorcellerie et qui maintenant est une spécificité plus ou moins reconnue puisque la géobiologie possède même une école, de même que la recherche du thème astral, étudié scientifiquement bien sûr, procurent un souffle nouveau sur le roman dit policier tendance ésotérique.

Quant au commissaire Plaziat, c’est un hédoniste littéraire, aimant à placer dans ses conversations, ses observations, ses conseils vis-à-vis de ses interlocuteurs, des citations empruntées principalement à Victor Hugo mais aussi aux philosophes grecs de préférence.

 

Si le métier de flic était un couteau suisse, observation et patience seraient, à mon sens, les deux lames indispensables.

Guy RECHENMANN : Même le scorpion pleure. Collection Polar Cairn. Editions Cairn. Parution le 27 février 2018. 232 pages. 16,00€.

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29 mars 2018 4 29 /03 /mars /2018 08:33

Un roman cousu main…

Daniel CARIO : La légende du pilhaouer.

Le pilhaouer, en Bretagne, c’est l’équivalent du chiffonnier mais qui fait office également de temps à autre de colporteur.

Zacharie Le Kamm est membre de cette profession particulière qui demande beaucoup d’abnégation, pérégrinant du matin au soir par les villages et hameaux de la région de Loqueffret dans les monts d’Arrée. Car des pilhaouers, il en existe beaucoup, et chacun possède son domaine de prospection. Les chiffons sont ensuite recyclés, et les plus beaux, ceux de meilleures qualités, seront envoyés dans des papeteries.

Zacharie s’est marié jeune avec Clémence, mais ils n’ont pu avoir d’avoir d’enfant, aussi ils ont adopté Violaine à l’âge de cinq ans, la fille d’une voisine qui a connu bien des malheurs avant de sombrer dans la déchéance.

Violaine est une enfant renfermée, et à l’école, elle n’ose pas donner les bonnes réponses. La maîtresse d’école l’encourage, et elle aurait pu devenir institutrice ou infirmière, si une des élèves, qui elle possède ses parents, comme il arrive souvent lui fait découvrir son statut d’orpheline et d’enfant adoptée. Le ciel tombe sur la tête de Violaine et elle décide de quitter l’école primaire et ne pas aller plus loin dans ses études. Elle a seize ans (Je croyais qu’à cette époque, l’école était obligatoire jusqu’à treize ans sauf si le certificat d’études primaires avait été obtenu avant !). Quoi qu’il en soit, Violaine se trouve placée auprès d’une vieille dame qui n’a jamais été mariée afin de lui tenir compagnie.

Violaine va devoir repousser les avances d’un des frères mariés vivant auprès de la vieille dame, la famille possédant une réputation de profiteurs, d’amasser leur fortune sur le dos des petits fermiers et artisans de la région en rachetant à vil prix leurs maigres fermes et maisons, endettés qu’ils sont à cause des agissements de ces financiers véreux.

Et à vingt et un ans, elle va se marier avec le fils d’un notable fortuné de la région. Charles-Damien est un Don Juan de campagne, accumulant les conquêtes, mais Violaine s’est toujours refusée à lui. Pas avant le mariage, c’est un principe. Elle sait trop combien sa mère a été engrossée lors d’une soirée, amourachée d’un inconnu qui n’avait pas laissé son adresse.

En 1900 les filles mères étaient rejetées, et malheur à celles qui avaient fauté et n’avaient plus de prétendants. Mais Violaine n’est pas de cette trempe-là et le mariage se profile avec un beau parti, même si des deux côté l’on rechigne. Les parents de Charles-Damien d’un côté, et ceux de Violaine de l’autre. Des parents adoptifs, certes, mais parents quand même. Et pour célébrer l’union, Violaine portera en guise de vêtements de mariée un magnifique gilet et un manchoù, tous deux confectionnés par l’arrière-grand-père de Zacharie, un tailleur-brodeur de Pont-l’Abbé dans le milieu des années 1850.

Or cette parure bigouden, qui ne sied guère aux habitants des Monts d’Arrée, surtout les personnages riches et influents se piquant d’être des évolués et ne pas s’attarder à des fadaises bretonnes, cette parure s’est avérée maléfique par le passé. Et Clémence a peur, connaissant l’origine de ces deux pièces de vêtements. Mais Zacharie l’encourage, afin de respecter les traditions bretonnes, quant à Violaine, elle possède un caractère trempé, et n’a cure des réflexions et avis qui pourraient être émis par des personnes qui l’indiffèrent.

Lazarre Kerrec était un tailleur-brodeur installé à Pont-l’Abbé dans le pays bigouden, et il était renommé pour l’excellence de son travail. Mais lorsqu’il avait un petit moment à lui, surtout de nuit, il se mit en tête de broder un gilet et un manchoù (corsage) de toute beauté, cachant le fruit de son labeur à sa femme et ses enfants. Or sa femme, quelque peu curieuse, avait déniché les vêtements, mais n’en avait pas informé son mari, par crainte.

Or, lorsque sa petite-fille se marie, Marie-Josèphe, la femme du petit tailleur, n’a d’autre idée folle que de lui proposer d’enfiler l’ouvrage de son grand-père. Lazare est atterré lorsqu’il voit sa petite-fille ainsi attifée, mais il est trop tard. Le mal est fait, les malheurs commencent à s’accumuler sur cette famille comme les nuages porteurs d’orages. Lazare est obligé d’avouer à sa femme qu’il a passé un pacte avec le diable pour une si belle réalisation.

 

Si le corps du récit est quasiment consacré à Violaine, à ses malheurs, à ses pérégrinations, à ses espérances, ses désillusions, puis à son mariage, avorté, la genèse est bien cette parure destinée à personne, comme le chef d’œuvre des maîtres artisans dans le temps, un objet qui n’était qu’une réalisation pour prouver leur compétence, leur savoir-faire, un objet unique.

L’orgueil de Lazare Kerrec l’a poussé à broder un vêtement unique, qui ne devait pas être porté, peut-être même pas vu de ses concitoyens, de sa famille. Le pacte avec le diable, légende ou réalité, comme souvent dans ce cas, lorsque quelque chose est trop beau pour avoir été réalisé sans aide extérieure et démoniaque, est un thème qui revient souvent dans les romans de terroir.

Daniel Carrio remonte le temps, nous présentant d’abord Zacharie Le Kamm, âgé de quatre-vingt-dix ans, offrant cette parure au musée départemental breton, en cet hiver 1950. Puis, il nous décrit les différents personnages qui vont évoluer dans cette intrigue, s’attachant sur celui de Violaine, mais également sur les familles plus ou moins en vue, leurs antécédents familiaux, leurs comportements, leur moralité douteuse, des ramifications dans l’histoire, afin de mieux les cerner.

Si l’épilogue est prévisible, quoi que, c’est le regard des ruraux qui importe, tout au long du récit. Le statut actuellement de fille-mère n’est plus un objet d’opprobre, pourtant dans certains coins reculés de la ruralité, cela reste un tabou. Et comme le chantait Georges Brassens, les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux… Mais qui sont ces braves gens, et n’ont-ils rien à se reprocher eux-mêmes ?

C’est le roman de la tolérance, des petites gens, de la misère et de ceux qui savaient se contenter de ce qu’ils possédaient sans vouloir regarder dans le jardin des autres pour savoir si les légumes y sont plus beaux. C’est le roman également de la pugnacité lorsque Lazare se met en quête dans un contexte difficile.

 

La beauté est une notion très subjective, vous savez. Une femme n’est belle que pour l’homme qui sait la regarder.

Daniel CARIO : La légende du pilhaouer. Collection Terres de France. Editions Presses de la Cité. Parution le 15 mars 2018. 448 pages. 20,00€.

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20 mars 2018 2 20 /03 /mars /2018 10:25

Vous en connaissez sûrement des ours dans votre entourage, mais ce ne sont pas des dieux…

Philippe WARD : Artahe, le Dieu-ours.

Après avoir passé dix ans à Paris, Arnaud Costes profite d’un licenciement économique, économique pour la boîte mais pas forcément pour lui, pour revenir au pays. A Raynat, tout petit village des Pyrénées qui s’enfonce progressivement dans la léthargie d’une ruralité moribonde.

Il est né dans ce petit village, il y a vécu, élevé par ses grands-parents et par Berthe. Aujourd’hui seule Berthe, la vieille dame, est encore vivante, clouée dans un fauteuil roulant. Il retrouve également avec plaisir Cathy, une jeune femme qui avait été son amoureuse durant quelque temps. Mais les années ont passé, Cathy s’était mariée mais elle a perdu son mari et la vue dans un accident.

Un soir, alors qu’il réfléchit tout en griffonnant sur un bout de papier, il se rend compte qu’il vient de crayonner un ours. Il jette le papier au feu et quasiment aussitôt après il ressent une secousse. Un tremblement de terre qui a secoué le village, fissurant une partie de l’église. Dans l’édifice, un trou s’offre à sa vue et il aperçoit un plantigrade, mort, dont les os sont reliés.

Des ouvriers viennent dégager les ruines et essayer de réparer les dégâts mais une cloche s’effondre sur l’un des hommes. Une autre cloche est prête à tomber sur Arnaud mais un souffle lui fait dévier sa trajectoire et c’est un autre ouvrier qui s’en retrouve coiffé, pour son plus grand dommage.

Artahe. Artahe est revenu semble être le leitmotiv des habitants du village, pour le plus grand plaisir de certains, dont Berthe, mais également le déplaisir d’autres, dont les frères Cheyron. Chez Berthe justement il découvre une photo de Louis, son mari, en compagnie de deux ours. Normal, puisque, issu des gens du voyage, il était montreur d’ours et c’était installé dans le village après son mariage avec Berthe. Mais il n’avait guère été accepté par la petite communauté.

Les frères Cheyron ont a déploré la perte de brebis, égorgées par un ours. La chasse est lancée, malgré les injonctions du maire, et de quelques autres personnes, dont les attaches avec les plantigrades sont diverses mais réelles. Un préhistorien venu examiner les restes découverts dans le trou situé dans l’église, un thériologue suisse attiré par la présence supposée d’un ou des ours. Car cela fait bien longtemps que les plantigrades ont déserté cette région des Pyrénées. Et que les ours de cavernes relèvent de la préhistoire. Pourtant, Arnaud ressent comme une présence physique, en lui et près de lui.

Un homme est retrouvé, déchiqueté, et l’œuvre néfaste de l’ours est avérée. Artahe est dans toutes les conversations, et Arnaud se demande s’il n’est pas la proie d’une emprise exercée par Berthe qui défend ardemment l’ursidé. Le thériologue, le maire, la vieille Amélie, Cathy et quelques autres sont attirés eux aussi par le plantigrade, mais ne ressentent pas cet attrait malsain délivré par Berthe.

D’ailleurs le thériologue encouragé par le maire, éventuellement Cathy et Arnaud qui se sont trouvés des points communs sous la couette, pensent à implanter un parc régional dédié à l’Ours, d’autant qu’Arnaud a découvert des grottes dont les parois représentent des peintures rupestres sur lesquelles figurent des ours, uniquement des ours.

Ours des cavernes

Ours des cavernes

Dans ce roman qui est une ode à l’Ours, nous sommes loin de la représentation débonnaire de l’imagerie populaire des ours tels que peuvent nous les montrer les aventures de Petit Ours Brun, Winnie l’Ourson, Baloo l’ours qui accompagne Mowgli dans Le Livre de la Jungle de Rudyard Kipling, et quelques autres histoires destinées aux enfants.

Philippe Ward nous entraîne dans une histoire dont les protagonistes sont pour ou contre la présence des ours, chacun avec leurs motivations qui sont étayées. Mais le lecteur ne peut s’empêcher de ressentir une attirance envers le plantigrade malgré les méfaits occasionnés. Et pendant ce temps la neige tombe offrant une virginité sépulcrale.

Un peu comme les Raynatols qui vouent à Artahe, le Dieu-Ours, une dévotion qui confine à l’adoration. Et c’est bien ce fil rouge qui dirige les pas d’Arnaud, de Cathy et des autres. Et comme avec toutes les religions, il faut pour honorer ce dieu des sacrifices et des victimes expiatoires.

Avec en incrustation, des épisodes précédents montrant Artahé à travers les âges. Et afin de bien marquer qu’il s’agit d’une fiction, on découvre lors de ce qui pourrait être des nouvelles, le personnage de Jules de Grandin, un détective chasseur de fantômes et spécialiste du surnaturel créé par Seabury Quinn.

L’implantation d’un parc régional fait réagir et les arguments ne manquent pas, pour prôner ce nouvel espace dédié au tourisme, ou au contraire, démontrer que cette initiative serait contraire à une écologie raisonnée.

Partout on ne parle que de tourisme vert pour sauver nos campagnes. Certains disent que c’est l’avenir. Une nature domptée, calme, bien propre, de beaux chemins pour le VTT, de beaux ruisseaux bien sages pour le rafting et pas de cloches ou de coqs pour déranger le touriste quand il dort le matin. Voilà le grand projet qui va bousculer Raynat. Notre village va devenir le lieu touristique où l’ours sera la star. Mais des ours tranquilles à l’intérieur d’enclos. Moi je suis pour l’ours, mais libre et sauvage.

Je me moque de la politique, poursuivit le fermier. L’écologie, c’est ici qu’elle commence, pas dans le discours de nos représentants.

Ce roman, dont la première édition remonte à 1997, est toujours d’actualité. Peut-être encore plus de nos jours où l’écologie est devenue une entreprise génératrice de bénéfices, aux dépens des campagnes. Mais c’est aussi une légère diatribe envers les instances européennes.

Ne nous parlez pas des technocrates européens, le coupa une nouvelle fois André qui était resté debout, ne voulant pas laisser la parole au thériologue. Ils nous dictent un tas de lois depuis leurs bureaux, sans rien connaître de notre vie et ne cherchent pas à appréhender notre situation. Vous n’avez pas encore compris que la nature est sauvage, qu’elle ne connaît qu’une loi : celle de la survie.

L’auteur ne prend pas partie, il laisse chacun des protagonistes exprimer ses convictions, exposer ses certitudes, défendre ses vérités, selon les sentiments, les intérêts particuliers ou communautaires.

 

Ours brun

Ours brun

 

Dans une ambiance fantastique, ce roman est peut-être celui de Philippe Ward que je préfère avec Manhattan Marylin, signé Philippe Laguerre, et 16 rue du repos. Une histoire sensible dont le suspense va crescendo, quelques cadavres ponctuant le récit. Mais c’est aussi la découverte d’une région qui demande à être préservée, aux images sublimes, aux habitants qui ont les pieds sur terre, et qui se méfient, avec juste raison, de certains citadins qui aimeraient implanter leur vision sans justement connaître les mœurs et coutumes. De ceux qui voudraient randonner mais avec un tapis rouge sous les pieds, de peur d’érafler leurs chaussures de prix.

Pourtant que la montagne est belle chantait Jean Ferrat en parlant de l’Ardèche. Le décor de ce roman se situe en Ariège, mais ces paroles lui conviennent tout aussi bien.

 

Première édition : Editions Cylibris. Parution en 1997.

Première édition : Editions Cylibris. Parution en 1997.

Autre édition Collection Noire N°52. Editions Rivière Blanche. Parution juin 2013

Autre édition Collection Noire N°52. Editions Rivière Blanche. Parution juin 2013

Philippe WARD : Artahe, le Dieu-ours. Collection Polar Cairn. Editions Cairn. Parution le 27 février 2018. 284 pages. 17,00€.

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7 mars 2018 3 07 /03 /mars /2018 10:03

Une histoire qui ne se termine pas en queue

de poisson...

Hervé JAOUEN : Sainte Zélie de la palud.

A l’âge de douze ans, Paolig, qui signifie Petit Paul en breton, a refusé de continuer ses études. Tant pis pour l’instituteur et le certificat d’études. Il est assez grand maintenant pour aider sa mère, marchande de poisson itinérante.

Ils habitent dans un pennti situé dans la palud de Poulguen, un endroit désert et guère aménagé. Ils vivent de peu, et cela leur suffit. La mère, Zélie, s’approvisionne à la criée du Guilvinec, puis elle vend ses poissons dans les petits hameaux environs, tirant sa carriole, allant au devant de ses clientes, et n’oubliant pas de s’arrêter, souvent, trop souvent, dans les chapelles disséminées sur son chemin. Les chapelles, euphémisme pour désigner les bars, pas les poissons, où elle s’enfile moult boissons alcoolisées. Et le soir, elle rentre le plus souvent éméchée, pour ne pas dire plus.

Mais à douze ans, Paolig aide sa mère, la ramène et la couche, afin que le lendemain elle soit à peu près vaillante pour effectuer ses tournées. Et c’est ainsi que lui aussi goûte au gwin ru, le vin rouge, puis se met à fumer. Mais à force de consommer, elle se consume, et elle n’a que trente-cinq ans lorsqu’elle décède. Paolig n’a que seize ans, et l’avenir est comme les marais, le plus souvent plongé dans le brouillard.

Alors il effectue de petits boulots, aidant les uns et les autres, puis il s’engage, après tout ce n’est peut-être pas pour rien qu’un des élèves l’avait surnommé le fils de l’Amiral. Il avait ramassé dans son filet quelques sirènes, dont une qui semble s’y connaître en matière de fraie, lui montrant comment faire afin de le dessaler et surtout se dérober au moment crucial.

Au fil des années Paolig grandit, pas forcément en sagesse, et à la fin de la guerre, il est marin pêcheur, et surtout poivrot. Un accident de pêche va lui changer la vie et il va prendre une grande décision. Ne plus boire. Et il reprend la suite des mareyeurs, ceux qui approvisionnaient sa mère, partis à la retraite, et il se débrouille mieux que ses confrères, devenant un requin dans la profession.

Et puis, un jour, alors qu’il fait sa tournée pour démarcher des restaurateurs, il tombe en extase devant une jeune fille, Marie-Morgane, l’une des sœurs Gwenan, et c’est réciproque. Lui, le vieux loup de mer, est accroché à l’hameçon de l’amour, c’est le mariage, les affaires sont florissantes, Marie-Morgane mène la barque en s’occupant de la comptabilité, des factures, de tout ce travail de bureau peu exaltant aux yeux de Paulo, devenu le grand Paulo. Et ils ont une fille, Pauline, qui appâte les clients, mais dans un autre domaine, celui de la banque et des marchés boursiers.

 

Hervé Jaouen nous entraîne dans le septième volume de la saga des Scouarnec-Gwenan qui pourrait être une sorte de Rougon-Macquart de Zola ou des Jalna de Mazo de la Roche, saga ancrée dans une Bretagne qui évolue au fil des décennies.

La trame de ces romans est principalement située dans le pays bigouden, au sud du Finistère, et l’auteur nous fait voyager dans le temps, à la recherche d’un passé révolu. Le lecteur sent le goût salé du large sur sa langue rien qu’en lisant les descriptions de la vie quotidienne du début du vingtième siècle jusqu’à son crépuscule.

Dans une langue fleurie, usant de métaphores amusantes dans certaines situations, Hervé Jaouen ne joue pas dans le sensationnel, il met en scènes des personnages et des situations qui sont banals et pourtant pas insignifiants. Ainsi Zélie, pocharde, qui a eu un enfant qui ne connait pas son père, et pourtant ils vivent en osmose, sans regret du passé, et ne regardant pas l’avenir comme un but à atteindre. Les journées passent, au rythme des nuages dans le ciel, et la tempête ne sévit pas toujours sur la mer. Les chaussures à bascule des marins vont aussi très bien aux terriens, houle provoquée après quelques lampées de gwin ru et de lambic, ou encore de panaché, mélange moitié Saint-Raphaël (on honore les saints que l’on veut) moitié cognac (pas de chauvinisme avec les boissons alcoolisées, il faut que tout le monde vive de son travail).

Ce qui prédomine, c’est l’amour filial que porte Paolig envers sa mère, ne lui reprochant pas sa propension à la boisson, ou le lui déclarant avec gentillesse, la couchant lorsque la marée est trop forte. Malgré toutes les vicissitudes endurées, il restera près de sa mère qui jamais n’a porté la main sur lui.

Devenu adulte, patron mareyeur, malgré le peu d’instruction qu’il possède, il ne s’en laisse pas conter, et surtout compter, par des jeunots. Ainsi lorsqu’un jeune directeur d’Hypermarché lui propose un marché sur des tourteaux à la veille de Noël. Seulement les conditions dans lesquelles ce marché est passé ne plaisent guère au Grand Paulo, qui édicte ses conditions, démontrant que les diplômes obtenus dans une école de commerce ne valent rien devant l’expérience acquise sur le terrain.

Dans une autre vie, Hervé Jaouen a aussi travaillé dans le système bancaire, et il nous fait partager son expérience personnelle via Pauline, chargée des portefeuilles boursiers, des clients divisés en trois catégories, les « prudents », les « dynamiques » et les « agressifs ».

Un roman entre terre et mer, qui nous permet de constater l’évolution de la vie quotidienne des petites gens, et comme l’a écrit Michel Embareck :

Ce n’était pas mieux avant et les lendemains sont toujours pires que la veille.

 

Citations :

Une femme, c’est comme un bouquet de roses, faut oublier les épines et respirer son parfum.

Nous étions instituteurs. En d’autres termes, des soutiers de l’Education nationale.

De la lanterne du phare, seul le cynisme offre une vue panoramique sur la comédie humaine.

Et retrouvez les précédents romans de la saga des Scouarnec-Gwenan, romans qui se lisent séparément :

Les filles de Roz-Kelenn, Ceux de Ker-Askol, Les sœurs Gwenan, Ceux de Menglazeg, Gwaz-Ru et Eux autres, de Goarem-Treuz.

 

 

Hervé JAOUEN : Sainte Zélie de la palud. Collection Terres de France. Editions Presses de la Cité. Parution le 1er mars 2018. 400 pages. 20,00€.

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18 février 2018 7 18 /02 /février /2018 09:10

Avec de charmants habitants, de charmants

touristes, et de charmants cadavres !

Jean-Michel LECOCQ : Un charmant petit village.

Comme ils sont mignons tous les deux, sagement allongés sur leur lit les mains unies. Le couple Loret, Thierry et Mireille, la soixantaine, se sont suicidés. Empoisonnés à la colchicine. Leurs verres déposés soigneusement sur leurs tables de nuit.

Ils tenaient un gîte de trois chambres, mais selon certains, ils croulaient sous les dettes. C’est la femme de ménage qui les a découverts dans cette position si reposante. Ils s’étaient installés dans le village de Villecroze quelques années auparavant mais n’étaient guère aimés. Des querelles de voisinage principalement.

Donc les gendarmes de Draguignan et le procureur ont conclu à un suicide, mais le maire du village est sceptique aussi fait-il appel à un sien ami, Jouve, le directeur de la Police Judiciaire de Paris. Théo Payardelle, le commissaire électron libre, est prié par son chef d’aller enquêter sur place.

Dans le même temps, le rédacteur en chef du quotidien Le Mistral reçoit une lettre anonyme concluant dans le sens du maire, et Benoît Maucoulin journaliste qui assure les reportages et est en charge de l’hebdomadaire La Gazette, est lui aussi invité à se rendre sur place afin d’infirmer ou confirmer les allégations du corbeau.

Villecroze subit une concentration motos, ce qui ne plait guère aux villageois, de même qu’ils n’apprécient guère plus ceux qui se sont installés depuis quelques années dans cette bourgade du haut Var. Mais il faut bien vivre en bonne intelligence. Malgré certaines tensions.

Tandis que Maucoulin enquête de son côté, et peut-être plus particulièrement auprès de la jeune et belle hôtesse de l’office de tourisme, Payardelle, qui est présenté comme l’ami de Saint-Fons, le maire, et logeant chez lui, se promène dans le village, rencontrant sans parti pris la tenancière du Café Rock, qui n’est qu’une des pièces rapportées du village, la bibliothécaire, elle aussi venue d’ailleurs, du notaire Vialatte, ami réel du maire auquel il demande de rechercher la provenance des époux Loret, apparemment sans famille proche. Sans oublier un auteur de romans policiers d’origine belge, un jeune ébéniste qui avait fourni les époux Loret en meubles, également étranger au village.

Mais les lettres adressées par le corbeau, qui n’en est pas véritablement un puisqu’il ne dénonce personne en particulier, se contentant d’allusions, continuent d’arriver au journal, tandis qu’un meurtre, irréfutable celui-là est commis.

 

Parallèlement et en incrustation, le lecteur découvre une affaire qui s’est déroulée quinze ans auparavant, dans les Ardennes, celle dans laquelle un directeur d’école est accusé de posséder des images pornographiques dans son ordinateur. L’objet avait été fourni par la mairie et vérifié par un technicien informatique d’une entreprise privée. Il a beau clamer son innocence, rien n’y fait, les mauvaises langues ont le dessus, surtout celles qui ne savent rien mais connaissent tout, affirmant même qu’il s’agirait de photos pédopornographiques.

Jean-Michel LECOCQ : Un charmant petit village.

S’il fallait qualifier d’un seul mot ce roman, ce serait Elégance. Elégance de l’écriture, élégance de l’intrigue, élégance des personnages qui pourtant ne sont pas tous des anges. Mais même les démons sont traités avec une forme de respect par l’auteur qui ne sacrifie pas à une mode actuelle qui se traduit souvent par des vulgarités dans les propos, les dialogues, les faits, les événements, les jugements. Pas de scènes inutiles de sexe ou de violence. Bref un réel plaisir de lecture et non pas un pensum comme cela arrive si souvent.

Dans une ambiance quelque peu à la Agatha Christie, ce qui pour moi est un compliment, Jean-Michel Lecocq installe ses différents personnages et les fait évoluer dans une atmosphère légèrement délétère. Les gendarmes et le procureur, se drapant dans leurs certitudes, n’apprécient pas l’intrusion de Payardelle qui pourtant essaie de jouer au sous-marin, sans faire de vagues, mais ne se laissant pas abuser par de fausses évidences.

L’alliance entre le journaliste et le policier est l’illustration d’un rapprochement nécessaire entre deux pouvoirs, afin de pouvoir effectuer en bonne intelligence une enquête pernicieuse.

Le dernier mot sera laissé à Claire, la charmante hôtesse d’accueil de l’office de tourisme, qui déclare, en parlant des romans policiers de l’auteur Belge :

Trop violent, trop glauque, avait-elle déclaré en tordant sa bouche dans une moue de dégoût. Un esprit pervers selon moi. Un tordu.

Tous les auteurs de romans noirs et policiers, même si leurs romans sont glauques et violents, ne sont pas des pervers, enfin je le suppose. Mais l’on est en droit de se demander par quelle aberration ils narrent des actes plus ou moins de torture, sans que les descriptions apportent quoi que ce soit au récit, pour le seul plaisir des lecteurs friands de ce genre de mise en scène ou pour leur propre défoulement. Mais ceci est une autre question à laquelle je me garderai bien de répondre.

 

Jean-Michel LECOCQ : Un charmant petit village. Roman policier mais pas que… Editions Lajouanie. Parution le 8 décembre 2017. 288 pages. 18,00€.

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14 février 2018 3 14 /02 /février /2018 14:38

Comme disait le chauve, j’en ai les cheveux qui se dressent sur la tête !

Françoise LE MER : Famille, je t’haime.

La nouvelle mode capillaire masculine est de se raser entièrement la tête afin de cacher la tonsure moniale qui se profile. Ce n’est pas dans le but de sacrifier à un style, mais dans un besoin de justement éviter de se faire remarquer à tort que Kathleen a demandé à sa mère de lui raser les cheveux, mais parce qu’elle est atteinte d’alopécie. La pelade comme les bonnes âmes disaient, promptes à jeter l’anathème sur une maladie qui pouvait être considérée honteuse.

Pourtant elle est jeune Kathleen, vingt ans et étudiante en histoire, et à la réflexion, se pourrait-il que cela provienne d’une hérédité dans les gènes ? Pas impossible, il faut étudier. Katell, sa mère, illustratrice, lui avoue avoir connu ce même désagrément plus jeune, lorsqu’elle l’attendait, mais heureusement cela n’avait pas duré. Alors il reste en recours l’avis de la grand-mère Catherine, qui elle aussi a subi les mêmes affres, mais auparavant personne dans la famille n’avait été atteint de ce problème, du moins à sa connaissance. Katell et Katleen vivent à Locronan tandis que la grand-mère est installée à Douarnenez.

Le meilleur moyen pour cerner l’origine de ce problème est de consulter le toubib qui leur conseille de se rendre chez une psychothérapeute, plus précisément une psycho-généalogiste.

Rendez-vous donc est pris mais Catherine s’est chargée de remonter l’arbre généalogique, et elle le soumet à la psycho-généalogiste. C’est ainsi que la psycho établit un lien avec l’un de ses patients habitant Poulazec, petit village de la baie de Douarnenez d’où était originaire la mère de Catherine. Conseil leur est donné de se rendre sur place.

Marc, le patient atteint d’une maladie traumatisante, puisqu’il est impuissant, est séparé de sa femme Bérangère. Celle-ci l’aime encore, mais elle a des besoins à compenser. Il est restaurateur, d’objets anciens, de vieilles poupées de porcelaine, des ours en peluche. Il est associé avec deux autres réparateurs comme lui, chacun spécialisé dans leur domaine, vieux meubles par exemple.

Mais Marc, du moins sa famille, possède une autre particularité. Ils sont maire de père en fils. Actuellement, c’est son oncle qui est à la tête de la commune, auparavant son père l’a été aussi mais juste un mandat, et encore avant son grand-père, nonagénaire mais plein de vitalité et toute sa tête. Le grand-père, justement qui habite une belle demeure, dite le château et qu’il a racheté à deux sœurs, juste après la fin de la guerre. Une bâtisse qui avait été réquisitionnée par un officier Allemand durant la Seconde guerre mondiale.

Lorsqu’elles arrivent à Poulazec, Catherine, Katell et Kathleen découvrent cette bâtisse imposante, qui appartint à leur famille. Mais dans le village, elles sont accueillies comme si c’étaient des fantômes. Une vieille femme atteinte de sénilité, voire plus, reconnait Katell. D’ailleurs elle l’appelle par son prénom, pourtant la jeune femme, quadragénaire n’avait jamais vu cette nonagénaire, puisque c’est la première fois qu’elle se rend dans ce bourg. Mais d’autres personnes la toisent comme s’il s’agissait d’une apparition d’outre-tombe.

L’enquête sur le passé occupe les trois femmes, mais d’autres événements avec dommages collatéraux ou pas se déroulent, dans une atmosphère pas si sereine pour tous. Par exemple pour le curé de Poulazec qui est retrouvé le cul à l’air, flottant dans la mer, mort. Ou pour le voisin de Kathleen et Katell, un agriculteur qui a trouvé en Shannon une jolie femme venue de Nantes pour passer les nuits les pieds au chaud mais dont la famille devient encombrante. Et d’autres personnages secondaires animent ce roman, lui donnant une réelle consistance.

 

La quête de l’origine d’un traumatisme est entrouvrir la boîte de Pandore, et l‘on ne sait ce qu’il peut s’en échapper. Sûrement pas Marc, qui est impuissant devant son impuissance, ce qui ne veut pas dire qu’il est stérile, d’ailleurs il s’agit d’un débat stérile entre mâles imbus de leur mât de cocagne, mais également de Kathleen, qui en remontant l’arbre généalogique, découvre des secrets qui auraient dus être enfouis à jamais.

Car entre les trois femmes et Marc, puis le père de celui-ci, s’établit une sorte de complicité qui va ensoleiller leurs relations, car ce qu’ils découvrent est loin d’être rose. Ce serait même plutôt vert-de-gris.

Il y a toujours une cause psychologique à un traumatisme, mais il faut savoir la débusquer. Françoise Le Mer la traque avec machiavélisme, mais il n’est pas impossible de supposer que ceci s’est réellement déroulé, pas forcément en Bretagne, et que s’il fallait gratter dans l’origine de certaines familles, l’on gagnerait à coup sûr des gros lots.

Il est dommage que Kathleen, qui je le rappelle est étudiante en histoire, laisse passer une bévue émise par sa grand-mère ou d’autres personnages, bévue reprise par l’auteur et passée inaperçue par la correctrice. La ville de Douarnenez n’a pu être libérée de l’occupation allemande le 4 août 1945, l’armistice ayant été signé le 8 mais 1945. A moins qu’il s’agisse d’une coquille de l’imprimeur ce dont je doute. Ah, ma manie de cerner les petites erreurs de datation !

A part ce petit couac, qui sera rectifié je pense dans la version numérique et les rééditions papier, Famille je t’haime est un roman puissant, mais fallait-il en douter car Françoise Le Mer sait mettre en scène des personnages qui en apparence sont banals et construire savamment une intrigue forte avec des à-côtés en relation plus ou moins directs avec l’histoire principale.

 

Françoise LE MER : Famille, je t’haime. Editions du Palémon. Parution le 20 novembre 2017. 272 pages. 10,00€.

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