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13 mars 2013 3 13 /03 /mars /2013 16:47

Bon anniversaire à Didier Decoin qui a su se faire un prénom malgré un handicap patronymique.

 

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J’ai même rencontré un auteur heureux ! Lorsque pour la première fois j’ai pu réaliser un entretien avec Didier Decoin qui dédicaçait son roman en 1988 à Cherbourg, j’ai pu converser avec un auteur fier et heureux. Car son incursion dans le domaine du roman policier, littérature contestée mais si difficile à maîtriser pourtant, est une réussite. Presque. Peut-être certains puristes du genre auront une moue dubitative quant à l’épilogue, mais bien d’autres avant Didier Decoin, Agatha Christie la première, ont transgressé certaines règles. Et puis quoi, les indices disposés ici et là par Didier Decoin sont assez subtils mais néanmoins présents pour que les lecteurs puissent essayer de découvrir la solution qui ma foi est une assez jolie pirouette. Mais chut, ne dévoilons pas ce qui fait le charme et l’intérêt d’un roman lorsque celui-ci est habilement agencé.

Une brave dame, écrivain de son état, mélange d’Agatha Christie et de Barbara Cartland, est retrouvée morte sur la plage déserte d’une petite île au large de l’Ecosse. Mort naturelle ? Suicide ? Assassinat ? C’est la troisième conjecture qui vient tout de suite à l’esprit, aussi New Scotland Yard dépêche sur place l’inspecteur Sheen qui se prélassait à Venise.

Curieux homme que cet inspecteur qui semble morose, désabusé, tenace et pourtant aime la vie en vouant aux femmes, à la Femme, une espèce d’amour qui confine à l’adoration et le meurtrit souvent.

Naturellement le suspect, le coupable ne peut être que l’un des familiers de la vieille dame qui en fin de compte n’était pas si douce que ça. Pensez donc que cette vieille dame pour écrire Les aventures de Peggy, Peggy est l’héroïne de ses romans àdec.jpg qui il arrive bien des aventures, a embauché une jeune fille, Barbara, afin de tester les rudesses, les méchancetés, les tortures même auxquelles son héroïne peut être confrontées. Son fils, falot et mièvre, peut également être considéré comme suspect, de même que sa belle-fille. D’ailleurs n’est-ce pas le lot inhérent d’une bru d’être soupçonnée lorsque sa belle-mère décède dans des conditions douteuses ?

Mais ce ne sont pas les seuls à être incriminés. Par exemple le gardien de phare ou encore l’horloger… Tiens parlons-en de l’horloger, ou plutôt non…

Je vous laisse le soin de découvrir ce livre sur lequel planent les fantômes de Hurlevent, le brouillard, la pluie, le vent, la lande, la mer, la tempête, tout ce qui fait la rudesse mais aussi le charme du nord de l’Ecosse mais qui n’est qu’une transposition de la Hague, coin du bout du monde où vit Didier Decoin lorsque le temps lui permet de venir dans le Cotentin.


Didier DECOIN : Meurtre à l’anglaise. Mercure de France. 1988. Réédition Folio 2397. 256 pages. 7,50€.

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22 février 2013 5 22 /02 /février /2013 08:38

Bon anniversaire à Martin Winckler né le 22 février 1955.

 

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Mourir d’une complication de sa grossesse n’est guère banal pourtant c’est qui arrive à une jeune femme, qui a peur de faire une fausse couche, et est suivie par le docteur Charly Lhombre.

L’autopsie révèle qu’elle est décédée d’une complication rare, un placenta accreta, et dont le développement ne se produit pas, théoriquement, au cours des premiers mois. Or, Frédérique, la parturiente primipare, n’est pas la première à décéder de cette façon. D’autres cas ont été recensés au cours des précédentes semaines.

Jean Watteau, jeune juge d’instruction, est lui sur une affaire d’assassinat. Le professeur Seryex, spécialiste en pharmacologie, est mort dans un accident de voiture. Seulement il est retrouvé avec une balle dans la tête, ce qui est illogique et fait penser à un meurtre en local clos. Les deux affaires vont se croiser, s’imbriquer, avec moult documents à l’appui.

 

mort-in-vitro.jpgMartin Winckler sait de quoi il parle, et même de ce qu’il écrit. Ce qui donne le ton juste à ce roman, à la narration éclatée, même si l’on ne veut pas croire à tout ce qui est étalé. Pourtant de nombreuses éclaboussures médiatiques confirment ce que le lecteur pressentait.

Saint-argent priez pour nous et les autres on s’en fout. Bon ce n’est pas tout à fait comme ça mais ça y ressemble. Bien sûr l’auteur se réfère à la vieille histoire de la Thalidomide, mais il n’est pas interdit de penser, de supputer, de subodorer, d’extrapoler sur de semblables déviances. Et ce n’est pas fini. Sans vouloir polémiquer, on ne peut s’empêcher de se dire que l’être humain n’est plus que le maillon faible d’un troupeau au service de la rentabilité.

Et la morale là-dedans ? C’est qu’il faudra toujours des cobayes pour faire avancer la science et surtout gonfler son portefeuille.

 

 

Martin WINCKLER : Mort in vitro. Collection Polar Santé, coéditée par les éditions Fleuve Noir et la Mutualité Française, janvier 2003. Réédition Pocket mai 2004. 199 pages. 5,50€.

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17 février 2013 7 17 /02 /février /2013 17:51

Hommage à Ruth Rendell, suite et fin.

 

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En effet sous le nom de Barbara Vine se cachait Ruth Rendell ! 


L'unique passion de Jarvis, c'est le métro, le Tube londonien et aussi les quatre-vingt-dix-huit autres métropolitains disséminés de par le monde.

Il y consacre tout son temps libre, ne travaillant que pour payer ses voyages. Il prépare un ouvrage sur l'histoire du Tube, dans une maison dont les étages jouxtent une voie à ciel ouvert. C'était, au début du siècle, une école privée tenue par ses grands-parents, la Cambridge School, qui a périclité, provoquant le suicide du grand-père, se pendant à la corde d'une cloche. Jarvis loue les différentes pièces, d'abord à sa cousine Tina, nymphomane, et à ses deux enfants, Jasper et Bienvida.

D'autres locataires viennent grossir l'effectif au hasard des rencontres de Jarvis dans le métro. Tom, véritable homme-orchestre, qui joue en compagnie d'autres musiciens dans le métro, malgré les interdictions. Alice a abandonné son mari et sa petite fille d'un mois, parce qu'elle ne se sentait pas mère pour assumer cette vie; violoniste, elle joue avec Tom.

On fait de drôles de rencontres dans le métro. Un montreur d'ours par exemple qui trimbale en laisse son animal, s'amusant à faire peur aux voyageurs. Un faux ours en réalité, car il ne s'agit que d'une dépouille dans laquelle se dissimule un homme honteux de son bec-de-lièvre.

Jasper, jeune garçon déluré, fait volontiers l'école buissonnière et passe son temps en compagnie de ses camarades à se promener dans le métro, montant sur le toit des wagons défilant dans des tunnels étroits. Un jour, il tombe littéralement dans les bras d'Axel, le montreur d'ours. Celui-ci le questionne sur l'existence de stations fantômes et sur la façon d'y pénétrer. Jasper s'échappe mais Axel le relance jusque chez Jarvis où il est reçu par Alice. En conflit avec Tom, Alice est subjuguée par Axel à qui elle donne le double des clés de chez ses employeurs. Axel, lui, est avant tout intéressé par un conduit qui mène au cœur du métro.

 

Autour du métro, véritable héros de ce roman, gravitent outre les personnages principaux ci-dessus évoqués, d'étranges quidams ou de simples voyageurs, comme cette jeune fille qui meurt d'une crise cardiaque lors de son premier voyage dans une rame bondée. Jed dont l'animal de compagnie est un faucon, surveille les wagons. Cecilia, la mère de Tina, est atteinte d'hémiplégie lorsqu’un inconnu lui vole son sac à main.

Un véritable patchwork de personnages dans un roman qui relate brièvement l'histoire de la construction du métro londonien et de quelques-uns des incidents qui l'ont émaillé depuis près de cent cinquante ans. On se demande pourtant où Barbara Vine-Ruth Rendell veut nous entraîner dans ce parcours souterrain ou aérien: contrairement aux rames qui ralentissent en débouchant dans les stations, l'histoire s'accélère lorsqu'elle touche au but; le lecteur, lui, ne pourra s'empêcher de penser que le voyage a été un peu longuet.

 

Lire de Ruth Rendell : Fausse route.


Barbara VINE: Le tapis du roi Salomon (King Solomon's carpet, 1991 ; Trad. de l'anglais par François Rosso). Calmann-Lévy 1992. Le Livre de Poche 1994.

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17 février 2013 7 17 /02 /février /2013 14:30

Bon Anniversaire à Ruth Rendell, née le 17 février 1930 !

 

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A quinze ans, habitant un quartier déshérité de Londres, Guy se montait un petit pécule en revendant avec ses amis Danilo et Linus des drogues dites douces. On les surnommait les "Marchands de rêve". Léonara, elle, n'avait que onze ans. Pourtant de leur première rencontre naquit le coup de foudre et ils devinrent inséparables. Les années passèrent.

Guy et Léonara se voyaient, s'aimaient malgré l'opposition des parents de l'adolescente. A dix huit ans, Guy était riche, Léonara avait changé d'école. Ils se fréquentaient toujours. Anthony et Tessa, les parents de Léonara s'étaient séparés, remarés respectivement avec Susannah et Magnus. Les deux couples s'entendaient bien, surtout en ce qui concernait leur opprobre envers Guy.

A vingt neuf ans, Guy, fortune faite, est toujours amoureux de Léonara et la presse de l'épouser. Mais depuis quatre ans les sentiments de la jeune femme ont changé. De dealer de drogues dures, Guy s'est reconverti dans la vente de tableaux peints à la chaîne et est devenu propriétaire d'une agence de voyages. Léonara est plus distante et s'ils se rencontrent tous les samedis en un rituel immuable pour déjeuner ensemble, chaque fois en un lieu différent, ce n'est que par amitié. Pis, Léonara l'informe qu'elle va se marier dans quelques semaines avec Newton, un type dont il fait la connaissance et qu'il juge bien inférieur à lui-même.

Il ne comprend pas cette désaffection de la jeune femme à son égard, ce qui ne l'empêche pas de coucher avec Céleste, un mannequin amoureuse de lui. Il pense que l'attitude négative de Léonara est due à la mort de Corny, un drogué qui lui piaillait de quoi assouvir son manque. Réticent, Guy a pourtant cédé. La famille de Léonara a été informée de ce fait divers tragique, Guy en est persuadé. Il demande à Danilo de lancer un tueur sur l'un des membres de la famille de Léonara. Il se rétracte une première fois puis requiert un nouveau contrat, donnant au tueur sa carte avec ses coordonnées et la description approximative de la future victime.

fausse route2Ruth Rendell s'attache plus particulièrement à disséquer, à analyser les sentiments, les réactions de Guy, privilégiant l'étude psychologique des personnages à l'action elle-même. Un procédé qui stagne un peu le récit. D'autant que le passé de Guy et le fantôme de Corny remontent peu à peu, par petites touches. Lorsque tout est bien imbriqué, que l'intrigue proprement dite est posée, le roman décolle enfin, en un rythme qui va crescendo, avec un retournement de situation propre au machiavélisme dont fait preuve Ruth Rendell. Cette fausse route pourrait n'être qu'un succédané d'un roman de Barbara Cartland, si les personnages n'avaient autant de consistance et si l'histoire ne se déroulait de nos jours.


Ruth RENDELL : Fausse Route (Going wrong – 1990 ; Traduit de l'anglais par Marie Caroline Aubert). Editions Calmann Lévy, janvier 1993. Réédition Le Livre de Poche, avril 1995.

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14 février 2013 4 14 /02 /février /2013 10:19

Hommage à Dick Francis, décédé le 14 février 2010 aux iles Caïmans.

 

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Le jeu, comme le poker ou les paris des courses de chevaux, est comme une drogue, et il est souvent difficile, après y avoir goûté, de se débarrasser de cette pratique qui ne mène pas toujours à la fortune malgré les espoirs de ceux qui s’y adonnent.


Dick Francis connaît bien le milieu hippique, puisque lui-même a été jockey renommé. Aussi mettre en scène propriétaires de chevaux, entraîneurs, bookmakers et parieurs n’est qu’un jeu d’enfant pour lui. Dans Gare aux tocards, il soulève le coin du voile sur une pratique qui défie tous les paris. Steven Scott, le narrateur, a tout pour être heureux. Depuis sa plus tendre enfance il invente des jouets, pour la plus grande joie des enfants et pour la sienne puisqu’il assouvit une passion qui lui assure une confortable rentrée d’argent. Depuis quelques années il a investi dans des chevaux de course, avec bonheur, ses poulains ayant déjà gagné des courses. Sa dernière acquisition est sensée devenir un grand champion. Seulement il décide de se séparer de son entraîneur qui l’a filouté. Il ne peut apporter de preuves tangibles et son geste est mal vu de la société guindée du monde des courses. Les remarques désobligeantes ne le troublent guère mais il n’apprécie pas du tout que l’entraîneur félon s’obstine à garder dans son écurie son bien. Alors il va monter un stratagème pour récupérer son cheval, ce qui entraînera des désagréments pour tout le monde. On ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs mais il trouvera toutefois une agréable récompense sous les traits d’une jeune américaine.


Pas le temps de s’ennuyer avec ce roman d’un vieux routard qui œuvra longtemps dans la Série Noire avant d’émigrer chez Belfond avant de retrouver une nouvelle jeunesse chez 10/18, pas le temps de s’ennuyer donc dans ce roman dont l’action se déroule à la vitesse d’un cheval au galop. Documenté, mais pas didactique, Gare aux tocards est une fiction, évidemment, mais les pratiques qui sont dénoncées dans ce livre ne peuvent être issues entièrement de l’imagination de l’auteur.


Dick Francis, de son vrai nom Richard Stanley Francis, est né le 31 octobre 1920 à Lawrenny au Pays de Galles fut un auteur de romans policiers et de thrillers dont la majorité de ces romans se déroulait dans les milieux hippiques. Fils de jockey, il est pilote de chasse et de bombardiers durant la Seconde Guerre mondiale. Il devient jockey de steeple-chase à partir de 1948 et porte durant quatre ans les couleurs de la reine Mère. Il remporte plus de trois cent cinquante courses jusqu'en 1957. Suite à une sévère chute il abandonne son métier et se reconvertit dans l’écriture de romans policiers tout en étant chroniqueur hippique, poste qu’il occupe durant seize ans. En 1962, il fait paraître son premier roman policier qui obtient un grand succès et tous les ans durant 38 ans il rédigera un roman qui ont un rapport avec le monde hippique, ses personnages étant issus de milieux divers : artiste ou détective privé, marchand de vin ou pilote d’avion.


Dick FRANCIS : Gare aux tocards. Collection 10/18 N°3162. 208 pages. 6,10€.

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8 février 2013 5 08 /02 /février /2013 14:15

Hommage à Jules Verne, né le 8 février 1828 à Nantes.

 

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La venue d’un célèbre prédicateur en la vieille et petite église de Saint-Nicolas a drainé la foule vers l’édifice religieux. Mais cette communion spirituelle tourne rapidement au drame. Sous le poids des sonneurs de cloche, celle-ci s’effondre de son support, et une jeune fille ne doit son salut qu’à la présence d’esprit de Jules Deguay, un étudiant en droit qui ramène la jeune Anna chez ses parents.

Cet accident, comme le constateront Jules et son ami Michel, n’est en réalité que l’acte de malveillance d’un trio composé d’Abraxa, la sorcière, de Mord’homme, bandit de grands chemins, et de Pierre, un prêtre défroqué. Le trio infernal veille et lorsque la police enquête sur le terrain, tout est remis en ordre, laissant croire que cet accident est dû à la vétusté de l’installation.

A cette histoire s’imbrique celle, plus sociale, de Pierre et de sa famille, et nous raconte dans quelle condition il a été amené à fréquenter le séminaire et ce qu’il en advint.

Ce roman, écrit et malheureusement inachevé, par Jules Verne alors qu’il n’avait que dix-neuf ans, s’inscrit dans la plus pure tradition du roman noir anglais, dit également roman gothique, et qui eut ses fervents défenseurs tels les feuilletonistes du 19è siècle, Paul Féval en tête. On sent déjà le souffle littéraire qui anime Jules Verne, même si certaines faiblesses apparaissent ici et là. On ne peut réussir un chef d’œuvre d’emblée et Jules Verne l’a pressenti, abandonnant son roman en cours de route.

Cependant la puissance de description, la fascination qu’elles engendrent sont déjà présentes. Et à dix-neuf ans, Jules Verne, lui-même étudiant en droit tel son héros, jette sur ses contemporains et la société un regard critique. Ainsi il brocarde avec une ironie grinçante l’instruction, ou plutôt les institutions dans lesquelles était dispensé le savoir aux jeunes étudiants. La bonne réputation du séminaire de Nantes n’étant que la résultante du constat de nullité des autres établissements.

Le père d’Anna, monsieur Dorbeuil, n’échappe pas à la virulence de Jules Verne. Monsieur Dorbeuil, petit rentier sans envergure qui aspire à côtoyer l’aristocratie, à voir son nom orné d’une véritable particule et qui tient ses concitoyens moins fortunés pour quantité négligeable. Même Jules, pourtant le sauveteur de sa fille, trouve difficilement grâce à ses yeux, à cause de son origine modeste.

Cette œuvre de jeunesse dont le style débridé est un peu un anachronisme en rapport aux livres « sérieux » et empreints d’anticipation scientifique de l’auteur. Mais c’est un livre qui se lit avec une certaine jubilation et peut-être pour certains un peu de nostalgie.

Les illustrations sont signées Tardi, avis aux amateurs.


Jules VERNE : Un prêtre en 1839. Roman inédit et inachevé. Le Cherche-Midi. 1992.

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4 février 2013 1 04 /02 /février /2013 12:47

Oh mon bateau o o o …

 

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Qu’il est beau sur les flots et quelle belle croisière en perspective. Surtout quand on a gagné le billet d’embarquement en participant à un concours. C’est ce que pense Jeanne, qui a quitté Nice pour les fjords norvégiens. Seul problème, Jeanne souffre d’obsessions phobiques.

Par exemple elle a peur de tomber à l’eau, de sombrer dans les eaux glaciales arctiques, de côtoyer également les autres passagers, bref une vie de solitaire, elle qui s’est mariée quatre fois, et quatre fois veuve. Thomas, un jeune célibataire, est atteint lui aussi de phobie : il ne peut se regarder dans les miroirs. Il est affilié à un site de recherches sur le web et correspond avec Mathias ou Charlène, qu’il n’a jamais vus. Site particulier puisqu’il s’agit de retrouver des personnages célèbres soi-disant morts mais qui se seraient fondus dans la nature.

Ainsi il est persuadé retrouver en Jeanne, une Marilyn vieillie certes, mais Marilyn quand même. Il ne lui dévoile pas tout de suite sa conviction intime et visuelle, mais parvient à sympathiser avec la vieille dame, ce qui n’est pas une mince affaire. Bientôt le duo grossit et devient petit groupe. Raymond et sa femme Suzanne, qui a peur des araignées, Joost et Rosa, les Néerlandais, lui signant des romans policiers à succès sous le nom de Scott Vernon, ou encore Sandra la jeune, pétulante et fofolle actrice mariée à l’octogénaire Lewis, producteur de cinéma. Lequel producteur est atteint de crise cardiaque lorsqu’il aperçoit Jeanne allongée dans un transat. Pour Thomas, cela ne fait aucun doute : Lewis a reconnu lui aussi Marilyn.

Un couple, qu’ils surnomment les Jumeaux, les intrigue fortement : l’homme et la femme passent leur temps à photographier, tout et n’importe quoi. Cerise sur le gâteau, un homme semble les épier, réplique en plus épais du docteur Hill qui soigne Jeanne et Thomas dans une clinique de Nice. Coïncidence ou manipulation. Un petit bonhomme vêtu d’une veste à carreaux, surnommé dans le temps Le Magicien, célèbre pour ses interventions chirurgicales esthétiques, passe par dessus bord et se noie. La croisière vogue sous de mauvais auspices ou hospices, comme on voudra.

 

Un navire effectuant une croisière voilà le lieu idéal, et la situation idoine du lieu clos, pour mettre en scène une série de meurtres ou d’accidents avec des personnages atypiques, telle est la trame choisie par Brigitte Aubert pour explorer le thème de la phobie. Phobie dont semblent atteints les passagers, une dizaine sélectionnés parmi les quelques quatre cent cinquante qui voyagent, qui se retrouvent manipulés comme des marionnettes sous la férule de l’auteur. Au départ on marche dans la combine de l’auteur, ensuite on pense être plongé dans une grosse farce, surtout lorsque l’histoire se dégrossit, que les meurtres s’accumulent, que les coïncidences abondent, jusqu’à la chute qui devient un vrai délire. Sauf qu’il s’agit d’une fausse chute et qu’un épilogue revient tout mettre à plat.

On se dit alors… Bon, je ne veux pas aller plus loin sous peine de par trop déflorer le sujet et surtout le dénouement qui s’avère plutôt machiavélique.

Brigitte Aubert joue sur le registre du roman à effets multiples, comme si elle s’ingéniait à déjouer les genres, à les bafouer et pourtant elle écrit un roman, une fois de plus complètement différent de sa production précédente, contrairement aux auteurs qui trouvant un filon, l’exploite de plusieurs manières et à fond.

Elle y assène quelques petites phrases assassines que je vous livre en vrac : La science n’est exacte que lorsqu’elle doute ou encore Les seuls êtres malfaisants que je connaissance sont les humains et il en existe bien d’autres. Enfin pour terminer j’ajouterai que le roman est une construction à deux voix, jubilatoire, le mot est à la mode mais non point usurpé.

Voir du même auteur :  Les quatre fils du docteur March et  La mort des bois.


Brigitte AUBERT : Eloge de la phobie. Editions Points. Collection Point Policiers. 320 pages. 6,50€.

 

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2 février 2013 6 02 /02 /février /2013 08:13

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Jack London, l’auteur de Croc Blanc, de Jerry dans l’île, de Mickaël chien de cirque, livres qui ont fait les délices de notre enfance, Jack London, l’auteur des Vagabonds du rail, du Vagabond des étoiles, de l’Amour de la vie et surtout de Martin Eden, Jack London, rationaliste, humaniste, protestataire, révolté, poète, fut aussi un visionnaire, sans pour autant entrer dans l’extravagance des romans dus à la plume de Herbert George Wells ou de Jules Verne.

Il n’extrapole pas sur des inventions, il se contente de jeter un regard critique sur la société et d’anticiper le comportement du genre humain après une catastrophe. Cette catastrophe n’est qu’une maladie contagieuse, mortelle, aux effets spectaculaires et rapides. Michel Tournier, dans sa postface la compare au Sida, mais rien n’empêche de penser qu’il ne puisse s’agir d’une émanation nucléaire déclenchée et propagée accidentellement ou d’une arme biologique utilisée dans des conditions indéterminées et malencontreuses.

Cette maladie, appelée la Peste écarlate, frappe toutes les parties du globe, toutes les couches de la société, et rien ni personne n’est épargné. C’était en 2013 et seuls quelques survivants, réfractaires aux gènes mortels, réussissent à préserver un semblant de civilisation dans ce retour inexorable à la préhistoire.

Soixante ans plus tard, sur une plage californienne, grand-père raconte à ses petits-enfants l’arrivée de ce fléau, ses ravages, le comportement lâche ou héroïque de ses concitoyens face à ce mal inconnu. Il tente de transmettre son savoir, ses connaissances, mais les gamins ne comprennent pas tout ce que ce vieux professeur d’université essaye de leur enseigner et chahutent volontiers le vieillard. Ce qui ne les empêchent, ni les uns ni les autres, d’échafauder des projets pour l’avenir proche ou lointain. Et tandis que Grand-père aimerait que les jeunes tirent une morale pacifique de cette apocalypse, ceux-ci retombent dans les travers de l’humanité et se partagent déjà le monde en une trilogie dominatrice.

Récit d’anticipation, La peste écarlate est une parabole sur la fin du monde, mais ce n’est qu’un roman et une fois le livre lu et refermé, combien en ont tiré ou en tireront les enseignements, combien en déchiffreront les clés. Ce n’est pas lorsque le mal est fait qu’on en calcule les conséquences mais les vieux démons ne sont pas morts pour autant. La roue tourne inexorablement toujours dans le même sens. Sa révolution l’amène à son apogée pour mieux l’entraîner dans l’ornière.

Tous les jours, nous sommes confrontés à de telles distorsions scientifiques : médicaments exploités à des fins qui ne sont celles pour lesquelles ils étaient conçus, problème avec les ondes radioélectriques jugées sans risque mais dont la nuisance n’a pas été analysée, désherbants, pesticides et autres produits phytosanitaires utilisés sans réelless études objectives et impartiales, la liste est longue, je vous laisse le soin de la compléter.


Jack LONDON : La peste écarlate. Collection Babel poche N° 42. Editions Actes Sud. Postface de Michel Tournier. Traduction de Louis Postif. 128 pages. 6,60€.

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29 janvier 2013 2 29 /01 /janvier /2013 08:45

Il faut se méfier des journaux intimes !

 

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En effectuant quelques travaux de rangement dans la penderie de sa maîtresse, Jeanie, la jeune bonne de la famille March, découvre dans la doublure d'un manteau un journal intime. La teneur de ce cahier l'horrifie. L'un des quatre enfants, des quadruplés âgés de bientôt de dix-huit ans, avoue sadiquement avoir brûlé vive une fillette et y avoir pris du plaisir. Un forfait qu'il renouvelle à l'occasion en changeant de manière de procéder à l'élaboration de chacun de ses meurtres. S'il se met en scène dans ses mémoires, il a garde de se nommer. Est-il Jack, Starck, Clark ou Mark ?

Au fur et à mesure de sa lecture, Jeanie apprend qu'à l'origine les quatre garçons étaient des quintuplés, Zack ayant été noyé par son assassin de frère.

Le jeu du chat et de la souris s'engage entre Jeanie et le meurtrier inconnu, car celui-ci s'est rendu compte que quelqu'un lisait sa triste prose et qu'il s'agissait de Jeanie. Le seul recours de la pauvre fille est de démasquer le coupable, sachant pertinemment que personne ne voudra la croire sans preuve.

La famille March jouit d'une réputation d'honorabilité même si le docteur succombe parfois aux appâts faminins et si sa femme se cloître chez elle. Quant à Jeanie, elle sort de prison et possède la fâcheuse tendance à ingurgiter les alcools de son employeur.

Jeanie écrit elle aussi son journal afin de mettre au clair ses idées car dans son angoisse naissante elle est bien près de penser qu'elle est victime d'un dédoublement de la personnalité, se demandant si ce n'est point elle le tueur. L'assassin se met à la persécuter moralement et Jeanie pourtant en permanence sur le qui-vive ne peut percer son identité.

 

Brigitte Aubert, au travers de ces deux manuscrits qui s'imbriquent à la perfection, en complément l'un de l'autre, distille le suspense avec un art consommé, se révélant une digne émule de ses consœurs britanniques. L'angoisse et l'horreur montent progressivement en un crescendo haletant et la chute est fort bien amenée.

Publié pour la première fois en juin 1992, dans la collection Seuil Policiers, j’écrivais à l’époque : C’est le livre de l'été par une jeune femme qui pourrait devenir l'une des Reines du crime françaises. Cette prédiction ne s’est pas démentie et depuis Brigitte Aubert a toujours écrits des romans intéressants, jouant dans tous les registres, ou presque de la littérature policière.


Brigitte AUBERT : Les quatre fils du Docteur March. Editions Points, collection Thriller. 6,60€.

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26 janvier 2013 6 26 /01 /janvier /2013 13:18

Hommage à Jean-Claude Izzo qui a décidé de nous quitter le 26 janvier 2000. C’était son droit.

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Heureusement la collection Folio Policier nous permet de le retrouver dans sa célèbre trilogie marseillaise, avec son personnage de flic intègre et désabusé, parcourant les rues de la cité d’un regard affectueux et critique, comme un père surveillant sa progéniture sans l’oppresser. Dans Total Khéops, son premier opus, Jean-Claude Izzo nous présente son ami, son frère, son enfant :

Au départ, ils étaient trois amis. D'enfance. Qui se sont connus brutalement, à cause d'une fille. A l'arrivée il ne reste plus que Fabio, le flic. Et malgré le chemin différent qu'ils ont pris, l'un du côté de la loi, les deux autres vers les eaux fangeuses de la truanderie, reste l'amitié, même ci celle-ci est restée sous l'éteignoir durant quelques années. Le catalyseur s'appelle Lole, qui l'égérie de nos trois compères. Et c'est pour elle et pour Manu et Ugo que Fabio va s'atteler à une charge pour laquelle il n'est pas réellement conditionné.

Il ne fait pas partie de la gloriole des flics de la Crim. Ce n'est qu'un policier parmi tant d'autres, affecté à la Surveillance de Secteurs, et dont la mission est de faire régner l'ordre dans les banlieues. Et s'il est devenu fonctionnaire de police, c'est un peu à la suite d'un pari avec lui-même, d'une profession de foi. Avec Manu et Ugo, dans son adolescence, il pillait les tiroirs caisses des pharmaciens, une façon comme une autre de se faire de l'argent de poche, pour eux qui étaient démunis. A la suite d'une bavure, il s'était promis que si la victime s'en sortait, il se faisait curé, dans le cas contraire il devenait flic. Le potard s'en était sorti, paralysé. C'est comme ça que l'avenir s'impose à vous.

Parallèlement aux meurtres de ses copains d'enfance, à trois mois d'intervalle, la fille d'un ressortissant algérien, pour qui il entretient un estime certaine, disparaît. Elle est retrouvée assassinée, violée. Ce n'est plus une affaire de flic mais une vengeance personnelle qui le conduit.

Dans la cité phocéenne, qui n'est pas celle décrite par Pagnol, loin de là, même si les relents de pastis et les odeurs du port traquent toujours les touristes, un homme va s'ériger contre les enquêteurs officiels et les truands qui mènent la danse. La Canebière n'est plus ce qu'elle était et c'est du côté des banlieues, de la zone, du béton, de la mixité des races qu'il faut s'investir.

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Jean Claude Izzo nous offre des romans à l'atmosphère goodisienne. Un livre dans lequel l'enquête compte moins que la description des personnages qui y gravitent. Un témoignage sur l'évolution d'une cité qui n'est plus confinée à son port et à la sardine qui en a bouché l'entrée, mais à l'écoute de ceux qui au cours de leur migration espéraient y trouver un foyer et des jeunes veulent se faire entendre et reconnaître en tant qu'êtres humains.

Mon point faible étant la citation qui fait mouche, en voici une à se mettre sous la dent: “ Les claques, c'est les carambars du pauvre ”.

Ces romans ont été adaptés pour la télévision avec Delon dans le rôle de Montale.


Jean-Claude IZZO : Total Khéops, Chourmo et Soléa. La trilogie marseillaise. Folio Policier 420. Juin 2006. 11,50€.

 

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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