Avant de vous proposer une chronique sur le roman Ne tremble pas ! de Peter LEONARD, je vous invite à effectuer un petit voyage littéraire dans l’univers de son père, le grand Elmore.
Elmore LEONARD est né le 11 octobre 1925 à La Nouvelle-Orléans en Louisiane, mais il n’y vécu guère, sa famille étant atteinte du syndrome de la bougeotte. Ses parents s’installent à Détroit, dans le Michigan, alors qu’il est âgé de neuf ans. Une ville qui devient le décor de bon nombre de ses romans. Il débute comme rédacteur dans une agence publicitaire, puis il se tourne vers l’écriture de scénarii de films culturels et industriels ainsi que de films éducatifs pour L’Encyclopédie Britannique. A partir de 1965 il se consacre exclusivement à son métier d’écrivain, activité qu’il menait parallèlement aux autres en écrivant depuis 1950, d’abord avec des westerns dont Hombre qui décidera de son avenir professionnel et littéraire, les droits ayant été achetés par la 20Th Century Fox.
Les adaptations cinématographiques tirées de ses romans ou nouvelles sont nombreuses. Pour mémoire je citerai 3H10 pour Yuma de Delmer Daves en 1957, L’homme de l’Arizona de Budd Boetticher en 1957, Hombre de Martin Ritt en 1967, Valdez d’Edwin Sherin en 1971, Monsieur Majestick de Richer Fleisher en 1974, soit plus de vingt-cinq adaptations.
Elmore LEONARD a subi (sans que cela lui fasse mal) les influences littéraires de John Steinbeck, James Cain et principalement d’Ernest Hemingway, influence que l’on retrouve dans ses romans par un style clair, précis, percutant, aux dialogues réalistes, notamment dans La Loi de la cité dont la chronique suit.
Je veux toutefois préciser que les trois romans qui sont présentés dans cet article ont été l’objet de chroniques radiophoniques en 1988/1989, et que certains seront peut-être choqués sur des avis que je partage toujours. Il parait que seuls les imbéciles ne changent pas d’avis, donc j’assume cette imbécilité, mais je préfère être catalogué ainsi que comme un opportuniste, un versatile ou quelqu’un qui se laisse influencer pour se mettre au diapason de celui qui crie le plus fort.
Clément est un être ombrageux, coléreux, vindicatif. Habitué à vaincre, il n’aime pas rencontrer de résistance, de la part de qui que ce soit. C’est ainsi qu’il va tuer sauvagement les deux occupants d’une voiture sous un prétexte futile.
Le sergent Raymond Cruz, de la police judiciaire de Détroit, se fait une haute opinion de son rôle de défenseur de la justice. La chasse à l’homme s’organise, Raymond Cruz employant tous les moyens légaux ou à la limite de la légalité afin de prouver la participation de Clément, participation effective, dans ce double meurtre et divers assassinats antérieurs. Mais Clément déjoue tous les pièges, chausse-trappes ou embûches et cette chasse à l’homme se transforme en duel, en joute oratoire, en manipulations de toutes sortes.
C’est l’affrontement entre le bon et le méchant, le bien et le mal. Mais les délimitations sont parfois imprécises et selon les circonstances le bon peut devenir méchant, très méchant. La Loi de la cité s’inscrit comme l’un des meilleurs romans d’Elmore LEONARD qui pourtant en possède pas mal à son actif.
La loi de la cité d’Elmore LEONARD (traduction Fabienne Duvigneau). Collection Danger Haute-Tension aux presses de la Cité (1985). Réédition collection Rivages/Noir N° 652. Editions Rivages.
Elmore LEONARD a qui l’on doit d’excellents romans noirs tels que La loi de la cité ou La Brava, des westerns comme Hombre ou Valdez est arrivé, nous propose avec Bandits une histoire aussi passionnante que les autres, mais que j’estime plus touffue, plus dense, plus construite que les précédents tout en gardant des dialogues à l’emporte-pièces et des personnages hauts en couleurs, des marginaux de préférence. Une histoire qui égratigne au passage les Etats-Unis car plus que le développement du récit ce sont les à-côtés qui retiennent l’attention du lecteur, plus particulièrement l’implication des Américains au Nicaragua et le rôle des Sandinistes.
Jack Delaney travaille avec son beau-frère mais le métier qu’il exerce ne le passionne guère. Croque-mort dans une entreprise de pompes funèbres, c’est peut-être reposant mais stressant aussi à la longue. Et la vue des cadavres, faut pouvoir supporter. Mais s’il ne cherche pas par ailleurs, c’est qu’en réalité il ne le peut pas. Condamné à l’emprisonnement pour une durée pouvant aller jusqu’à vingt-cinq ans, il ne doit sa libération qu’à cette condition : bosser avec son beau-frère. Et tout ça pour une malheureuse histoire alors qu’il gagnait sa vie comme rat d’hôtel.
Chargé d’aller chercher le cadavre d’une jeune Nicaraguayenne dans un hôpital de lépreux, il va faire la connaissance d’une étrange religieuse, et s’apercevoir que la présumée défunte est tout ce qu’il y a de plus vivante. Heureusement parfois on peut trouver quelques compensations, sous forme de billets verts par exemple. Deux millions de Dollars, ce n’est pas négligeable n’est-ce pas ? Alors, aidé d’un ancien flic reconverti comme barman et d’un ancien braqueur de banques poursuivi par le démon de midi, Jack Delaney va essayer de s’approprier cette manne tout en se gardant d’un trio animé d’intentions pour le moins belliqueuses.
Bandits d’Elmore LEONARD (traduction Jacques Martinache), éditions Presses de la Cité (1988). Réédition collection Rivages/Noir N°674. Editions Rivages. 9,15€.
Etre inspecteur à la Brigade des explosifs de Détroit n’est pas toujours de tout repos. Et puis, quoiqu’on en dise, genre, ils connaissent bien leur boulot, ils sont payés pour ça, etc., la possibilité de se retrouver sur un petit nuage parce qu’on n’a pas calculé tous les risques inhérents à ce métier n’est guère réjouissante. Alors aller désamorcer quelques bâton de dynamite cachés dans le coussin d’un fauteuil sur lequel est assis un trafiquant de drogue ne tente plus vraiment Chris Mankowski. D’ailleurs Mankowski désire se faire muter dans une autre brigade, aux Crimes sexuels par exemple.
Sa première affaire pourtant est tout aussi explosive. Une jeune comédienne prétend avoir été violée par un richissime alcoolique. L’argent possède bien des pouvoirs et le richard en question ne reste pas longtemps sous les verrous. Un être manipulé qui ne pense qu’à manger, boire et quelques futilités supplémentaires. La philosophie des trois B. C’est un être au cerveau ramolli, comprimé, manipulé par un frère qui n’a perçu qu’une partie de l’héritage familial, et par son homme à tout faire, ex Panthère Noire, qui n’attend que le moment propice pour subtiliser une partie de la galette. Que deux gauchistes/terroristes sur le retour entrent dans la danse n’arrangent en rien les calculs des uns et des autres.
Humour noir, très noir même, pour ce roman où Elmore LEONARD se montre une fois de plus à son avantage. L’intrigue est solidement charpentée, bien construite. Et n’ayons pas peur des mots, je préfère Elmore LEONARD à, par exemple, James Ellroy, la nouvelle coqueluche de la littérature américaine (je précise que cette chronique date d’octobre 1989 et que depuis mon avis n’a pas changé !).
Les fantômes de Détroit d’Elmore LEONARD (traduction Jacques Martinache), éditions Presses de la Cité (1989). Réédition collection Rivages/Noirs N° 609, éditions Rivages. 9,15€.
Bonnes lectures !