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23 août 2017 3 23 /08 /août /2017 08:42

Mais ça, c'était avant. Maintenant c'est meurtre aux ampoules basse-consommation !

Gyles BRANDRETH : Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles

Tout comme Sherlock Holmes, dont la première aventure Une étude en rouge est parue deux ans auparavant, possédait son historiographe ami et confident en la personne du bon docteur Watson, Oscar Wilde est souvent accompagné de Robert Sherard, poète, romancier, écrivain et journaliste. Leur première rencontre ne prédisposait pourtant pas à ce qu'une amitié relie les deux hommes mais depuis ils se sont découvert une affinité sans faille.

Lorsque Wilde arrive en retard, ce qui n'est pas dans ses habitudes, ce soir-là à son club, l'Albemarle, c'est pour annoncer une bonne et une mauvaise nouvelles à son ami Robert Sherard, qui l'attendait stoïquement comme tout bon Anglais sait le faire lorsqu'il est inoccupé.

La bonne nouvelle, c’est qu’Oscar Wilde a rencontré l’après-midi même son éditeur et qu’il a fait la connaissance d’un médecin écossais installé à Southsea et romancier promis à un bel avenir, Arthur Conan Doyle. D’ailleurs le poète s’est entiché de Sherlock Holmes dont la première aventure, Une étude en rouge, a paru deux ans auparavant, en 1887.

La mauvaise nouvelle, c’est la découverte du cadavre d’un jeune homme dans un meublé où se rendait Wilde. Et il a eu la désagréable surprise de reconnaître en ce défunt assassiné un de ses amis, Billy Wood. Autour du corps étaient disposées des chandelles allumées, comme si le meurtre relevait d’un rituel.

Mais il est minuit, l’heure pour Oscar Wilde de rentrer chez lui, retrouver femme et enfants. Sherard lui est moins pressé, son épouse étant en voyage en France. Lorsqu’il sort du club, il aperçoit Wilde en compagnie d’une jeune femme au visage défiguré.

Le lendemain, 1er septembre 1889, les deux amis se retrouvent en compagnie d’Arthur Conan Doyle, et Wilde en profite pour démontrer qu’il possède des qualités d’observation et de déduction dont pourrait se targuer Sherlock Holmes, au grand ébahissement du médecin-écossais. Il narre sa découverte macabre de la veille, comment la porte de l’immeuble lui a été ouverte par une personne à laquelle il n’a guère prêté attention, puis s’est trouvé face au cadavre égorgé du jeune Billy Wood. Ils se rendent ensemble à l’endroit du drame, mais la pièce est vide, nettoyée, le parquet ciré fraîchement.

Wilde décide d’enquêter sur ce meurtre et de découvrir l’assassin et ses motivations. Conan Doyle et Sherard, qui possède un petit carnet qu’il trimballe en permanence, vont lui servir d’assistants. Heureusement Billy Wood lui avait fait quelques confidences, notamment qu’il était venu à Londres parce qu’il ne supportait plus l’ambiance familiale, en butte aux tracasseries et aux coups assenés par son oncle.

 

Wilde et Sherard se rendent à Broadstairs où il vivait et informent sa mère de la mauvaise nouvelle. Madame Wood, enceinte jeune, avait perdu son amant, gardien de phare, dans une noyade. Ils n’avaient pas eu le temps de se marier et le gamin n’avait pas connu son père. Le frère aîné du père à l’époque était au Canada, mais depuis il est rentré et impose sa loi dans Le Château, nom de la villa de madame Wood, un héritage de ses parents. Edward O’Donnell est un ivrogne au caractère belliqueux mais madame Wood est bien obligée de le supporter.

Munis de ces confessions, Wilde et Sherard regagnent la capitale pour continuer leur enquête. Une enquête en dents de scie, car le poète doit livrer à son éditeur un roman, Le portrait de Dorian Gray, et il est fort occupé. Quant à Sherard, il fait la connaissance d’une jeune femme dont il s’éprend, et comme sa femme est absente…

Seulement cette jeune femme n’est pas n’importe qui. Elle se nomme Veronica et est la fiancée de l’inspecteur Fraser du Yard. Fraser, qui, mit au courant du meurtre, n’engage pas de procédure n’ayant pas de cadavre à se mettre sous la main. C’est un ami de Doyle, qui a présenté le policier aux deux détectives en herbe.

Entre Veronica et Robert Sherard une amitié amoureuse s’établit sous les yeux de Fraser qui est occupé ailleurs. Et c’est dans cette atmosphère que Wilde et consorts vont résoudre cette énigme.

 

Un roman dont justement l’énigme se révèle classique, mais c’est tout ce qui entoure l’enquête qui importe. Sherard est le Watson de Wilde, lequel se pique de se montrer à la hauteur de Sherlock Holmes.

Personnages réels et de fiction se complètent ou s’affrontent, mais c’est surtout pour l’auteur, Gyles Brandreth, de montrer Oscar Wilde sous un jour différent de celui qui nous est présenté habituellement. Et si la fumée vous incommode, n’hésitez pas à ouvrir la fenêtre, car Oscar Wilde fume beaucoup de cigarettes mais pas la pipe. Et même s’il ne roule pas sur l’or, il n’hésite pas à inviter ses amis, à leur offrir des cadeaux, souvent des étuis à cigarettes avec leur nom gravé à l’intérieur, et à distribuer les pourboires avec munificence.

Les bons mots et les petites phrases ironiques ne manquent pas, pour preuves les quelques citations ci-dessous :

 

C’est une chose terrible que de voir son nom dans la presse, mais c’est plus terrible encore que de ne pas l’y voir.

Il n’y a pas de bon âge pour se marier, plaisanta Oscar. Le mariage est aussi démoralisant que les cigarettes, et bien plus coûteux.

Quand l’Angleterre sera une république, et que j’en serai l’empereur, cet animal – ma fidèle Rossinante – sera nommé sénateur. Il semble avoir toutes les qualités dont manquent nos législateurs actuels : travailleur, discret et conscient de ses limites !

Fumer une cigarette est l'exemple parfait d'un plaisir parfait, ne trouvez-vous pas ? C'est exquis tout en vous laissant sur votre faim.

Première parution 5 février 2009. 386 pages.

Première parution 5 février 2009. 386 pages.

Gyles BRANDRETH : Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles (Oscar Wilde and the Candlelight Murders – 2007. Traduction de Jean-Baptiste Dupin). Collection Grands détectives N°4194. Editions 10/18. Première parution 5 février 2009. 386 pages. Réimpression le 10 septembre 2013. 7,50€.

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21 août 2017 1 21 /08 /août /2017 09:33

L'orgueil, un péché capital que certains prônent par intérêt...

Lawrence SANDERS : Chevaliers d'orgueil

Divorcé, Daniel Blank est invité par ses amis et voisins Morton qui lui présentent une jeune femme, Célia Montfort, avec laquelle il se sent rapidement complice. Ils couchent ensemble et, pour lui prouver son amour, il tue à l’aide de son piolet de montagne un inconnu dans la rue. Puis il assassine une seconde fois.

Le capitaine Edward X. Delaney, responsable du secteur 251, doit théoriquement être chargé de l’enquête. Mais il est déchargé de cette affaire au profit de Broughton, premier commissaire adjoint, un homme fort ambitieux. Ce que n’approuvent pas ses supérieurs qui lui conseillent de prendre une disponibilité et de résoudre cette histoire le plus rapidement possible, afin de couper l’herbe sous les pieds de Broughton.

Delaney accepte mais il lui faut avancer à pas feutrés. Il requiert l’aide de Langley, spécialiste des armes et outils anciens en retraite, puis de Monica Gilbert, la veuve de la deuxième victime, ainsi que de Calvin Case, un alpiniste cloué dans son lit à la suite d’un accident de montagne.

Delaney confie à ses adjoints officieux le soin de répertorier les magasins de sport, d’éplucher leurs factures, d’établir des fiches, d’effectuer des recoupements. Pendant ce temps, Daniel qui se sent investi d’une mission de propreté continue son carnage. Une troisième, puis une quatrième victime trépassent sous ses coups de piolet.

Broughton, présomptueux et incapable d’organiser efficacement la chasse au tueur, s’embourbe et Delaney est officiellement chargé cette fois de mener l’enquête à bien.

Daniel est localisé et le policier s’introduit chez lui sans mandat de perquisition. Il découvre quelques preuves matérielles de ses crimes, malheureusement il ne peut s’en servir, son action étant illégale. Utilisant à bon escient et selon leurs capacités les hommes qui lui sont affectés, Delaney organise une surveillance permanente.

 

Premier roman de Lawrence Sanders consacré à sa série des « Péchés mortels », Chevaliers d’orgueil, comme son titre l’indique, met en scène trois personnages habités par le démon de l’orgueil, mais dont les motivations et les procédés diffèrent.

Aussi bien Delaney, Daniel que Broughton sont orgueilleux de nature. Delaney d’une manière terre à terre, prenant son rôle de policier et de justicier à cœur. Broughton, vaniteux et ambitieux, lorgnant du côté de la Maison Blanche, croyant pouvoir résoudre les problèmes de manière arbitraire et considérant les policiers sous ses ordres comme de la simple valetaille.

Daniel s’imposant dans sa société mais se sentant investi d’une mission quasi divine d’épuration, amalgamant passion et rejet d’une homosexualité sous jacente qui ne demande qu’à s’extérioriser. D’ailleurs, il couchera avec Tony, douze ans, le jeune frère de Célia, recherchant d’autres sensations et un besoin de justification de ses actes.

Malgré les six-cents pages du livre, on ne s’ennuie pas dans cette histoire qui parfois se recoupe, le projecteur étant braqué alternativement sur l’assassin et sur le policier.

 

Réédition : Le Livre de Poche Thriller n°7598. Parution 1993.

Réédition : Le Livre de Poche Thriller n°7598. Parution 1993.

Lawrence SANDERS : Chevaliers d'orgueil (The first deadly sin - 1973. Traduction de Gilles Berton). Hors collection. Editions du Masque. Parution septembre 1991.

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20 août 2017 7 20 /08 /août /2017 11:46

Quand l'arsenic devient de l'art scénique...

Jean FAILLER : Mary Lester et la mystérieuse affaire Bonnadieu.

Un cadavre découvert à Quimper et voilà le commandant Mary Lester encore sur la route, cette fois en direction de Dinard, en compagnie de son ami et adjoint le capitaine Fortin qui se remet doucement de ses émotions de l'affaire précédente.

L'homme serait mort d'une absorption d'arsenic, mais il n'avait rien à faire près de Quimper, gisant dans un fossé lorsqu'il fut retrouvé par les gendarmes. Il était originaire de Dinard, la Perle de la Côte d'Emeraude, station balnéaire fort prisée en son temps par Agatha Christie, Victor Hugo, et autres personnages célèbres dont je ne m'attarderai pas à vous en fournir une liste exhaustive, une enquête nous attend.

Il a été établi que ce jeune homme était le neveu d'un homme influent, Bonnadieu, qui fut directeur de cabinet au ministère de la Justice, et ce durant quelques vingt-cinq ans. Mais depuis un accident de la route, cinq ans auparavant, il est bloqué dans un fauteuil roulant. Et sa femme, Béatrice, est fortement soupçonnée d'avoir empoisonné Anthony Lemercier, le neveu décédé et adopté par le couple lorsque tout jeune il s'était retrouvé orphelin.

Il est vrai qu'Anthony n'était pas vraiment net et exerçait une forme de chantage auprès de ses parents adoptifs, leur pourrissant la vie, et dilapidant l'argent qu'il récoltait à gauche et à droite et surtout au centre. Les gendarmes de Dinard ayant retrouvé un bocal contenant de l'arsenic dans la cave de la villa Belle Epoque des Bonnadieu, ils ont immédiatement refilé le bébé à leurs collègues de Quimper où a été découvert le corps, et la juge d'instruction a confié la mission à Mary Lester d'aller chercher Béatrice Bonnadieu afin de l'interroger. La pauvre femme est dans un état mental déliquescent, ce qui se comprend, car une garde à vue laisse toujours des traces. Surtout lorsque l'on se déclare innocent.

 

Jean FAILLER : Mary Lester et la mystérieuse affaire Bonnadieu.

Retour à la case départ de l'affaire, c'est à dire Dinard, cette fois en compagnie du lieutenant Gertrude Le Quintrec, une forte femme qui ne s'en laisse pas ni conter ni compter, et cette fois Mary Lester se présente au commissaire Nazelier, chaudement recommandé par le sien de commissaire. Affable, cauteleux, Nazelier lui adjoint un de ses hommes, Bernoin, avec lequel elle partagera un bureau décrépit, pour ne pas dire insalubre. Un mauvais point pour Nazelier, suivi bientôt par un carton jaune. En effet il fréquente un peu trop, jusque sur les greens de golf, ou plutôt les links puisqu'il s'agit d'un terrain en bord de mer, un certain Antonio Morelli, homme d'affaires influent possédant de nombreux hôtels, restaurants et boites à Dinard et ses environs, mais pas très net.

Mary Lester en profite pour s'adonner à la dégustation de produits locaux, telles les fameuses huîtres de Cancale, tout autant pour les besoins de l'enquête que pour la satisfaction personnelle de ses papilles.

Et c'est dans ce contexte que Mary Lester et Gertrude sont amenées à enquêter, mettant à jour un curieux chantage dont était victime madame Bonnadieu, mais également soulevant un coin du voile sur une ancienne affaire qui avait décrié la chronique dans les années cinquante, le talc Baumol.

Jean FAILLER : Mary Lester et la mystérieuse affaire Bonnadieu.

Les aller-retour Dinard-Quimper sont fréquents, Mary Lester ayant besoin pour l'enquête de commissions rogatoires, délivrées par la juge Laurier en charge de l'affaire, et des compétences de Passepoil, l'informaticien du commissariat. Les affrontements entre les deux femmes ne manquent pas de saveur, la juge étant imbue de ses prérogatives et pète-sec.

Mary Lester se montre une redoutable rhétoricienne, aussi bien vis-à-vis de la juge Laurier qu'envers le commissaire Nazelier ou encore Maître Lessard, l'avocat et ami de la famille Bonnadieu, ce qui engendre des dialogues savoureux, dialogues au cours desquels l'auteur, Jean Failler, se montre quelquefois acerbe, ironique et mettant les pieds dans le plat, éclaboussant tout avec allégresse.

L'art de passer son humeur ou d'exprimer des vérités premières en laissant ses personnages dialoguer.

La connerie, c'est la chose la mieux partagée dans ce pays. D'ailleurs, elle gagne du terrain tous les jours. C'est même le seul terrain où les administrations sont en pointe.

Ou encore, concernant le bac :

Les examinateurs ne paraissent plus aussi exigeants qu'autrefois, quand ils éliminaient impitoyablement nos grands-parents pour cinq fautes dans une dictée de certificat d'études. Si vous voyiez les rapports que rédigent certains de ces bacheliers ces dernières couvées !

Sans être prétentieux, Jean Failler s'amuse à comparer la réalité, via les aventures de Mary Lester, à la fiction :

La brave cuisinière était férue des enquêtes que Mary lui racontait et elle n'hésitait pas à proclamer qu'elle préférait cent fois cela aux séries policières de la télévision.

Il est que Mary Lester, si elle a eu les faveurs d'un téléfilm et d'une courte série, mérite mieux.

Un roman de facture classique avec un joli tour de passe-passe que n'aurait pas désavoué Dame Agatha et qui se clôt avec une sorte de nostalgie et l'impression que de grands changements, voire des bouleversements, vont se produire au cours des prochains épisodes.

Jean FAILLER : Mary Lester et la mystérieuse affaire Bonnadieu. 2 volumes. Série Les enquêtes de Mary Lester N°46 et 47. Editions du Palémon. Parution le 22 avril 2017. 270 & 288 pages. 10,00€ chaque volume.

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14 août 2017 1 14 /08 /août /2017 09:44

Toute la musique que j'aime, elle vient de là elle vient du blues...

Doug ALLYN : Juke-box Cadillac.

Motown est le nom d’un célèbre label de disques de chanteurs de soul et de blues, mais c’est également le surnom de Détroit, la cité de l’automobile.

Si Tommy DeMeo est devenu un délinquant, peut-être est-ce la faute de sa mère. Peut-être en possédait-il les gènes aussi. Car son père, Bello, était le complice de Moishe Abrams, qui possède des juke-boxes et rackette pour le compte d’un capo de la Mafia dans le quartier noir de Motown. Son père est décédé alors qu’il était jeune. Il ne l’a pas connu et a été élevé par sa mère, qui récoltait les hommes, en pressait le jus mais ne savait pas les garder.

Le drame a éclaté lorsqu’il surprend l’adjoint du shérif, Wes McKinney, en train de tabasser sa mère. S’emparant d’une batte de base-ball, il lui fracasse le poignet alors que l’homme est en train de se rafraîchir, et peut-être raconter ses exploits dans un bar. Bénéfice net pour Tommy, qui n’a que seize ans, un an de prison. Mais ses codétenus apprécient la chair fraîche et de nouveau il doit se rebeller afin d’éviter de subir des outrages sexuels. Ce qui lui joue bien évidemment un mauvais tour.

A sa sortie de prison il part pour le Sud chez son grand-père fermier. Passionné par les véhicules automobiles, il cumule le travail à la ferme et un emploi chez un garagiste local. Mais il est mal vu par les autochtones et pour s’affirmer il entre dans un club de boxe où il apprend les rudiments du noble art. Ses poings lui servent souvent à se faire respecter, jusqu’au jour où son grand-père est victime d’un accident cardiaque. Le shérif local et le pasteur, qui est aussi banquier, lui démontrent que la ferme leur appartient pour la fallacieuse raison d’un arriéré d’impôts fonciers, et qu’il n’a plus qu’à dégager. Retour pour Tommy à la case départ, c’est-à-dire Détroit.

Il est engagé par Moishe Abrams pour l’aider à récolter les enveloppes que lui doivent commerçants et autres, seulement l’affaire tourne mal auprès d’un chanteur guitariste de blues dans le quartier noir, Maurice Walker surnommé Mojo. Mojo se défend à l’arme blanche, Tommy est légèrement blessé, Moishe plus sérieusement atteint tandis que Mojo est bon pour le cimetière qui ne sera autre qu’un marécage, son véhicule servant de linceul. Tandis que Moishe se remet lentement à l’hôpital, Tommy s’installe dans le bureau minable de son mentor et prend la relève en tant que facteur, mais au lieu de distribuer les enveloppes, il les récolte.

Il lui faut parfois user d’arguments frappants, et dans un bar où il attendu comme un chien dans un jeu de quilles il est obligé de défendre sa peau laissant sur le sol quelques cadavres. Et il sait que McKinney guette la moindre occasion de se venger. Il possède deux passions, les belles et grosses voitures américaines, et ses connaissances acquises dans le Sud lui permettent parfois d’en emprunter au nez et à la barbe de leurs propriétaires légitimes, ainsi que la musique. Pas n’importe quoi comme musique. S’il a une coiffure à la Elvis, c’est parce que c’est la mode, mais le blues le fait chavirer, lui petit blanc d’origine italienne. Et lorsque la possibilité lui est offerte de s’offrir le studio d’enregistrement de Mojo, qui à cause de son décès n’a pas pu régler sa dette, il nage dans le bonheur.

Et comme Moishe possède plus de trois cents juke-boxes disséminés dans divers bars et clubs, il accepte, après mûre réflexion, la proposition de Léo Brown.

La plupart des musiciens noirs sont dépendants des studios d’enregistrements officiels, mais il n’existe que de trop rares stations de radio qui diffusent leur musique. Aussi, puisque maintenant Tommy possède un studio, celui de Mojo qu’il a récupéré, il n’y a qu’à presser des vinyles et en inonder les juke-boxes, avec des programmations qui permettront, par des passages en boucle, de mettre en valeur la production de musiciens noirs. Enfin, il est subjugué par Martika, la belle secrétaire du studio, une jeune femme volontaire à la tête sur les épaules. Cette double passion musicale va-t-elle l’inciter à sortir de l’ornière dans laquelle il semble s’enfoncer irrémédiablement ? D’autant qu’il doit se plier aux exigences de l’employeur de Moishe, devenu le sien, et de ses hommes de main.

 

Ecrit parfois à coups de serpe, ce roman qui ressemble à une biographie, est placé sous le signe du blues et du soul. D’ailleurs y sont évoqués des musiciens et interprètes tels que Bo Didley, John Lee Hooker, Dinah Washington, les Shirelles, Sam Cooke, Lightning Slim et bien d’autres qui évoluèrent aussi dans le rock, celui des origines. Un roman qui me fait penser, par les thèmes traités, à Willy Mélodia d’Alfio Caruso ou à des auteurs de romans noirs comme Marvin H. Albert alias Tony Rome et Nick Quarry. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne possède pas sa propre atmosphère, au contraire. La plongée dans l’univers musical, auréolé du prestige de la Motown, la présence de musiciens qui ont fait la réputation du label, imprègnent ce roman qui se lit avec une petit pointe de nostalgie.

Un auteur que je découvre et que j’aurai plaisir à retrouver.

Enfin, petite précision, à ne pas confondre avec Cadillac Juke-box de James Lee Burke.

Doug ALLYN : Juke-box Cadillac. traduction de Fabienne Duvigneau. Collection Rivages/Thriller. Editions Rivages. Parution 13 octobre 2010. 400 pages. 22,00€.

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12 août 2017 6 12 /08 /août /2017 12:39

Ô mon île au soleil

Paradis entre terre et ciel...

Pascal MARTIN : Le Seigneur des Atolls.

Mai 1968. Alors que dans Paris volent des grenades lacrymogènes, noix de coco en réduction, dans l’archipel polynésien d’énormes champignons, vesces de loup trop mûrs, éclatent en dégageant une fumée noire et de vives lueurs. Chrétien, caméraman à l’ORTF, en déplacement au Liban afin de couvrir le voyage diplomatique en Iran de Pompidou, alors Premier Ministre, est rappelé par 3D, son chef des informations, Denis Desmond Doriant de son nom complet, afin de filmer les débordements des étudiants et des prolétaires en rébellion contre la politique du gouvernement. Et ce qu’il enregistre sur sa petite caméra le dégoute. Des CRS et des gardes mobiles qui prennent en nasse des étudiants, les forçant à se réfugier dans un square où les attendent des katangais, milice fasciste. Ou des étudiants, ou pseudo tels, qui tire délibérément avec une arme à feu chargée sur les policiers, ajustant froidement leurs cibles. Mais 3D ne peut diffuser les images, pas toutes du moins. Ecœuré Chrétien prend une mappemonde, la fait tourner, pointe le doigt dessus, puis s’envole pour la Polynésie. Destination l’îlot de Tureia, l’un des nombreux grains de beauté qui essaiment l’Océan.

Arrivé sur l’île de Tahiti, il s’enquiert d’un petit avion susceptible de l’emmener sur place. Mais les informations qu’il recueille ne sont guère encourageantes. L’île de Tureia serait habitée par des anthropophages dirigés par le général Arakino et les blancs, les popa’a, ne sont pas les bienvenus. Malgré toutes ces recommandations, Chrétien persiste dans son désir et finit par obtenir gain de cause. L’avion affrété depuis le petit aéroport d’Hao le dépose sur Tureia sans s’arrêter. Personne pour réceptionner Chrétien, sauf des chiens. Le village est désert. Lors de sa déambulation il remarque une cabane sur pilotis dans le lagon. Soudain une lueur embrase le ciel, la terre se met à tanguer. Les habitants de l’atoll prévenus par les autorités qu’une charge allait exploser s’étaient réfugiés sur une île voisine. Les premiers contacts entre Chrétien et Arakino sont houleux mais à force de persuasion les deux hommes se lient d’amitié.

Chrétien surnommé Upo (fêlé en Maori) est avide d’intégration. Il apprend le Maori, il se plie aux coutumes locales qu’il découvre et parcourt le nouveau domaine qui l’accueille. Domaine par ailleurs pas si accueillant que cela. Tureia est divisée en deux parties séparées par un ruisseau. Celle où vivent les insulaires, et de l’autre côté, une bande de terre, la presqu’île de Taravo, gardée par des légionnaires. Entre les deux des crabes carnivores, entassés les uns sur les autres et qui forment une véritable frontière. C’est Moto Guzzi, un coureur de nuit qui doit son pseudonyme au fait qu’il se déplace à bord d’une moto. Il est l’équivalent d’une estafette chargée d’assurer la liaison entre les deux communautés, qui leur fournit des renseignements, ceux qu’il juge nécessaire sans entrer dans les détails ou les secrets. Moto Guzzi n’est guère prolixe, néanmoins Upo apprend que l’homme, d’origine italienne, a tué ses père et mère ainsi que ses frère et sœur. Emprisonné il a échappé à la guillotine en acceptant de se prêter à des expériences nucléaires d’abord dans le Sahara puis dans l’archipel polynésien.

Pascal MARTIN : Le Seigneur des Atolls.

Upo prend de l’ascendant autant sur le général Arakino, appelé ainsi parce que son livre de chevet est un ouvrage contant les biographies de militaires français ayant joué un rôle prépondérant durant les différentes guerres engagées ou subies par la France. Upo apprend que la cabane est une ferme dans laquelle Motu élève des huitres perlières. Ces perles noires à la valeur inestimable, servent à l’achat des denrées alimentaires et autres, permettant aux Maoris de subsister. La livraison est effectuée par Joe, un commerçant louche de Hao qui livre les provisions par bateau. Maïna, une jeune fille, est retrouvée assassinée, égorgée. Près de son corps, gît l’harmonica de Moto Guzzi. Tout indique que le coureur de la nuit est le coupable, tout, sauf que la mise en scène est trop grosse selon Upo. Parallèlement Upo comprend que les îliens se font gruger et il se rend à Papeete et passe un contrat, non sans mal et sans horions auprès d’un Japonais qui s’avérera plus fiable que Joe. Désormais c’est lui qui règle les dépenses et il en profite pour acheter une petite caméra qui jouera un grand rôle quelques mois plus tard.

Il se marie selon les us et coutumes Maori avec Hina et est intronisé par Arakino le père adoptif de deux gamins de treize ans, Téva et Hiro. Des gamins débrouillards qui lui vouent une admiration sans borne et sans faille. Mais l’orage gronde au dessus de Turiea à cause d’un film pris par les deux enfants dans la presqu’île de Taravo, à l’insu des légionnaires et de leur chef un certain Albinos. Upo change une nouvelle fois de nom à l’initiative d’Arakino. Désormais il devient Foch, pour tout le monde. Comme le Maréchal. Seulement ce nouvel alias n’éloigne pas les nuages constitués par des paras et des hommes de la DST qui débarquent un beau ( ?) jour sur l’atoll. Sans oublier les nouvelles déflagrations des essais nucléaires.

Des images fortes se dégagent de ce roman : la culture des huîtres perlières et le prélèvement par Muto des perles, le combat d’Upo contre un requin blanc, la fuite de Foch et des deux enfants et d’Hina à bord d’une pahis (pirogue) construite avec le bois d’un arbre auprès duquel a été enterré le pito des enfants, leur combat dans les éléments déchainés lors du passage d’un typhon, et bien d’autres…

Ce nouveau roman de Pascal Martin permet de comprendre la série des Coureurs de la nuit (huit volumes qui se lisent indépendamment dont La traque des maîtres flamands, La Vallée des cobayes et L'ogre des Landes) et dévoile la genèse du maître de l’Œuvre, une organisation dont les membres sont des orphelins recrutés dans les prisons françaises. Et le lecteur découvre un homme à double facette. Sensible, humain, consensuel, froid, sec, dur, autoritaire, selon les circonstances, qui non seulement s’intègre parfaitement dans sa nouvelle condition, mais par certains côtés devient plus Maori que les natifs de l’archipel. Un condensé de Popa’a et de Polynésien, n’hésitant pas à affronter les militaires et le pouvoir politique, les faisant plier par le charme ou le chantage.

Difficile après avoir lu ce livre que l’on referme avec une pointe de regret qu’il soit déjà terminé, malgré ses cinq cent huit pages, de prendre dans la pile de romans en instance celui qui saura autant captiver. C’est assurément l’un des ouvrages de la rentrée, à ne pas négliger, d’autant qu’il offre aventures, exotisme réel et non surfait, humanisme et plongée historique. Pascal Martin a connu cette époque des essais nucléaires puisqu’en 1968 il s’est rendu à Tahiti avec sa famille. Son père, employé au Centre d’Energie Atomique, a été rapatrié un an plus tard, emportant dans ses bagages un cancer. Alors pour clore cette chronique, certains lecteurs pensant peut-être que Pascal Martin a par trop enjolivé quelques éléments de cette histoire, qui n’est qu’un roman, (quoi que !) j’emprunte cette citation de Foch, le patron des Coureurs de nuit : « Lorsque le vrai est faux, c’est que le faux est vrai ».

Pascal MARTIN : Le Seigneur des Atolls.

Pascal MARTIN : Le Seigneur des Atolls. Presses de la Cité. Parution 18 août 2011. 510 pages. 22,00€. Version numérique 15,99€.

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2 août 2017 3 02 /08 /août /2017 08:07

Où il est démontré qu'un bon vaudeville vaut mieux qu'un mauvais bœuf de campagne...

Jerry JOSNES : Flic flaque.

Les romanciers qui se cachent sous divers pseudonymes, cela ne manque pas en littérature. Par exemple Frédéric Dard/San-Antonio, Romain Gary/Emile Ajar, Agatha Christie/Mary Westmacott, la liste est trop longue pour la continuer, mais si vous avez d'autres noms, rien ne vous empêche de les ajouter dans votre Ford intérieure.

Et pourquoi se dissimulent-ils sous des noms d'emprunt, me demanderez-vous avec juste raison. Pour différentes raisons, le changement de style et donc pour ne pas perturber leurs lecteurs habituels, à cause de contrats d'exclusivité avec leur maison d'édition, ou encore plus rarement pour échapper au fisc.

Donc, sous le pseudonyme de Jerry Josnes, j'ai ri jaune comme me le souffle dans le creux de l'oreille l'auteur du livre, se tient à l'affût Gérard Boutet, son double, son jumeau, son siamois, son nègre qui sait. Et pourquoi Josnes, tout simplement parce que... Attendez, je vérifie sur mon Atlas, papier, et oh surprise, il s'agit du nom d'un village du Loir et Cher (Ma famille habite dans le Loir et Cher, Ces gens-là ne font pas de manières... comme le chantait Michel Delpech) et qui plus est le village natal de l'auteur. Au moins, on sait d'où il vient mais pas où il va. Mais penchons-nous, sans tomber, sur cette prose qui devrait vous ébouriffer, comme la mignonne que le héros, mais s'agit-il vraiment d'un héros, recueille un soir de pluie d'avril. Oui, je me dépêche, je ne veux pas vous laisser vous languir d'autant que la belle Babette, Babie pour les intimes, va prendre froid, mouillée comme elle est. Par la pluie ai-je besoin de préciser.

 

Parlez-moi de la pluie et non pas du beau temps,

Le beau temps me dégoûte et m' fait grincer les dents,

Le bel azur me met en rage,

Car le plus grand amour qui m' fut donné sur terr'

Je l' dois au mauvais temps, je l' dois à Jupiter,

Il me tomba d'un ciel d'orage.

C'est beau, c'est du Brassens, et c'est de circonstance, mais les conséquences ne seront pas celles évoquées dans la chanson. D'ailleurs le narrateur, Jeanjean de son prénom, gendarme de son statut professionnel, à Colombier-Sainte-Croix, nous plonge dans le bain dès les premières pages. Et depuis quelques mois il folâtre avec Babie mais cela ne lui suffit pas. Il est marié avec Letty, mais les rapports ne sont plus ce qu'ils étaient au début de leur mariage. Pas besoins de préciser quels rapports, vous êtes assez grands pour comprendre à demi mot.

Tandis qu'avec Babie, c'est nettement mieux. Babie il la connait depuis tout petit et même avant ou presque, car ils habitaient des maisons mitoyennes. Et arrivés à l'âge où ils auraient enfin pu se démontrer l'inclinaison qu'ils se portaient, Babie n'a pas voulu, car selon une croyance populaire, s'il l'avait embrassée, ne serait-ce qu'une fois, elle serait tombée enceinte. Ce qui ne l'a pas empêchée par la suite de fréquenter d'autres garçons et de jouer à touche-pipi, comme on disait dans la bonne société, mais ce ne sont que des on-dit que personnellement je n'ai pas vérifié.

Donc il rencontre Babie à la faveur d'une pluie d'orage. Il était à bord de l'estafette, et oui, ce fut sa fête, de la gendarmerie, et quelques mois plus tard, il manigance de tuer Paulo, le mari de Babie, garagiste de son état, qui préfère jouer aux boulons qu'au vice. Une envie qui a mûri sous son képi et une Juvaquatre remisée au fond d'un garage de la maréchaussée lui servira à perpétrer son forfait. Normalement Paulo devrait remettre en état le véhicule qui appartient tout de même à l'Etat, et Jeanjean peaufine son stratagème dont je ne vous dévoile pas les détails, mais sachez que l'on entre de plain-pied dans un vaudeville alambiqué et humoristique que Donald Westlake n'aurait pas désavoué, d'ailleurs il s'est servi d'une combinaison approchante, presque, pour écrire Un jumeau singulier. Et puisque nous sommes dans les comparaisons, nous pouvons affirmer que Day Keene, Bruno Fisher, Brett Halliday et James Hadley Chase, pour ne citer que les principaux, se seraient régaler à écrire ce genre d'aventures, même si eux-aussi parfois s'en sont approchés.

 

Jerry JOSNES : Flic flaque.

Je sens que je vous laisse sur votre faim, mais je peux toutefois vous préciser que l'histoire se déroule en 1972, mais écrite en 1976, et pour ceux qui avaient vingt ans à cette époque, ils ne seront pas dépaysés par certains événements décrits, certains personnages évoqués, et ou magazines de référencés.

Avec un humour proche de celui de San-Antonio, mais qui n'était pas uniquement la marque de fabrique du seul Frédéric Dard, d'autres autres auteurs avant lui écrivant dans ce style, et d'autres après lui prolongeant cette manière d'écrire, Cicéron Angledroit et Maxime Gillo, pour n'en citer que deux.

Un vaudeville plaisant, avec une brigade de gendarmerie tirée d'un film de la série des Gendarmes avec Louis de Funès et qui démontre que sous des airs parfois niais un gendarme peut en avoir sous le képi, à lire et à conseiller, mais pas à exécuter même si vous connaissez des problèmes familiaux et que vous êtes du bon côté de la loi.

 

Jerry JOSNES : Flic flaque. Collection Les Polars du terroir. Editions Marivole. Parution le 27 avril 2016. 224 pages. 20,00€.

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30 juillet 2017 7 30 /07 /juillet /2017 10:06

La cuisine, mais pas au beurre, car depuis Pierre Dac et Francis Blanche, l'on sait que le Sâr dîne à l'huile...

Pascal BASSET-CHERCOT : La Passion du Sâr.

Surtout connu pour la saga de l'inspecteur Déveure, le Boiteux, ainsi surnommé à cause de sa claudication due à un accident de service, Pascal Basset-Chercot s'éloigne parfois à contre courant de sa production littéraire policière avec des romans dont la psychologie est encore plus marquée.

Toine, mémoires d'un enfant laid par exemple en est la parfaite illustration. Un roman poignant dans lequel le personnage principal est un enfant maltraité, en proie à un acharnement quasi sadique, et qui comme tous les ingénus de son âge ne comprend pas cette constance dans la méchanceté dont il est l'objet.

Avec La passion du Sâr, Pascal Basset-Chercot emprunte une nouvelle voie de traverse, un petit chemin qui fleure l'initiatique, une récréation dans son univers noir. Pour une fois l'enfant n'est pas le personnage principal, même si la mort d'une gamine s'avère obsédante dans la quête des protagonistes qui gravitent dans ce roman où le spiritisme côtoie le suspense.

Jean Baptiste Grandier vient de s'échapper d'une clinique psychiatrique et si pour les uns ce n'est qu'un mage au pouvoir paranormaux incontestables, pour d'autres ce n'est qu'un assassin. Sophie Fallières dont le mari, lui même psychiatre dans cet établissement, est dans le coma suite à un accident provoqué par le mage - une collision bénigne pour tous les témoins qui ont assisté à l'incident - Sophie Fallières décide de retrouver ce personnage mystérieux qui a rejoint Lyon, son fief.

Mais Jeanba comme l'appelle ses anciens disciples, enfin ceux qui lui restent, connaît mieux que quiconque les traboules, passages et venelles de la cité qui se partage entre Saône et Rhône.

Mentor d'une confrérie, Jeanba apprend que celle-ci est sous l'influence d'un de ses disciples, échappant à son influence. Entre quête spirituelle et enquête initiatique, entre recherche d'identité et avidité de compréhension des évènements, la jeune femme, aidée d'un voyant et d'un policier, va remonter le temps et les évènements, croisant sur sa route un cordonnier, un prêtre et un antiquaire.

Alors que Lyon en liesse est prêt à accueillir le pape, le Sâr Jeanba va vivre sa passion qui se renouvelle tous les trente trois ans depuis des siècles. Avec La Passion du Sâr Pascal Basset-Chercot nous propose un livre envoûtant comme en écrivait Conan Doyle lorsqu'il découvrit le spiritisme.

 

Pascal BASSET-CHERCOT : La Passion du Sâr. Editions Calmann-Lévy. Parution 5 avril 1995. 240 pages. 19,50€. Version numérique 10,99€.

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29 juillet 2017 6 29 /07 /juillet /2017 12:45

Et son deuxième prénom, c'est Harmonie ?

Guillaume MORRISSETTE : L'affaire Mélodie Cormier

Alors que ses parents sont décédés accidentellement quelques mois auparavant, Marco Genest reçoit une lettre anonyme, déposée dans sa boîte aux lettres, lui promettant des révélations sur les circonstances de leur mort.

Cette missive était glissée dans un tube plastique contenant également quelques feuillets, comme des extraits d'une journal intime. Perturbé, Marco en informe aussitôt son amie Josée. Tous deux épluchent la lettre, recto, puis le journal, et enfin la lettre côté verso, comme l'expéditeur l'a demandé.

Ce journal, remontant à avril 2000, narre un épisode concernant un certain Cédric qui s'amuse à ennuyer ses voisins et plus particulièrement une vieille dame. L'expéditeur s'est employé à jouer les vengeurs masqués au grand dam du fameux Cédric. Et la missive se termine par une petite énigme permettant à Marco de découvrir un autre tube.

Josée et lui ne mettent guère de temps à la résoudre et ils sont en possession d'une nouvelle lettre et d'un extrait de journal datant de 2002, mettant en cause un prof et la façon dont le scripteur s'est vengé d'un éducateur qui abusait de son pouvoir sur ses élèves. Une nouvelle énigme est offerte à la sagacité de Marco, et à Josée par la même occasion, les mettant sur la piste d'un troisième tube. Pourtant une autre surprise attend Marco au fond du cylindre. La montre de son père y est coincée. Comment cet objet est-il tombé en possession de ce narrateur fier de ses exploits ?

Et ce jeu petit jeu de devinettes, qui a débuté un dimanche matin continue jusqu'au mardi soir, avec une révélation surprenante et qui devrait rester secrète au moins jusqu'au jeudi, toujours à la demande de ce personnage machiavélique.

 

Pendant ce temps, l'inspecteur-détective Héroux de la police municipale de Trois-Rivières dans la province du Québec, au Canada, est face à un problème d'enlèvement depuis le jeudi. Mélodie, une gamine de dix ans a disparu, alors que son père venait de la déposer devant son école. Mais Mélodie n'a jamais franchi le porche de l'établissement. Selon quelques témoins, le véhicule du père, un pick-up noir aurait été aperçu stationné non loin, puis quelqu'un affirme l'avoir vu sur la route avec une gamine apeurée dedans, mais jamais rien de probant. Sauf que le sac d'école de Mélodie est retrouvé dans le fond du véhicule, qu'un élastique à cheveux a été découvert sur le chemin, et d'autres petits faits accablent le père. Celui-ci avait prévu un alibi, mais il est bien vite obligé de dire la vérité concernant son emploi du temps, sans pour autant apporter une preuve quelconque.

Héroux a beau multiplier les démarches en compagnie de ses adjoints qui sont au four et au moulin, les résultats sont maigres, pour ne pas dire inexistants.

 

Les deux affaires, celle de Marco et l'enlèvement de Mélodie se trouvent imbriquées l'une dans l'autre avec des interconnexions inattendues et préjudiciables pour Marco. Une course contre la montre débute, Josée devenant auxiliaire de la police malgré son statut de témoin privé.

 

Guillaume Morrissette a construit un roman que l'on pourrait qualifier de ludique si l'enlèvement d'une gamine n'était pas au cœur de l'intrigue. Et justement cette histoire d'enlèvement pourrait paraître ordinaire, ce thème ayant été abordé des centaines de fois depuis la naissance du roman policier. Mais l'auteur ne se focalise pas sur ce rapt, car l'intérêt se place ailleurs. Il ne s'agit que d'un dommage collatéral, qui peut engendrer quelques conséquences, le but étant dans la manipulation exercée par la personne qui a procédé à l'enlèvement. Une méprise est à l'origine de l'affaire et pour en annihiler les conséquences ultérieures, seule la manipulation machiavélique est utilisée comme palliatif.

Un roman à l'intrigue angoissante, et pourtant le lecteur ne vibre pas comme à un enlèvement de gamin mais comme un joueur confronté à une devinette qui peut se révéler fatale, telle celle que posait le, ou la sphinx selon la mythologie grecque et qui fut résolue par Oedipe.

Première édition : Editions Guy Saint-Jean. Canada. Parution le 11 mars 2015.

Première édition : Editions Guy Saint-Jean. Canada. Parution le 11 mars 2015.

Guillaume MORRISSETTE : L'affaire Mélodie Cormier. Editions City. Parution le 29 mars 2017. 352 pages. 19,90€.

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28 juillet 2017 5 28 /07 /juillet /2017 13:10

Workan, son cousin et leurs chinoiseries.

Hugo BUAN : Opération porcelaine.

Irascible, bougon, bourru, sarcastique, ironique, voire même parfois de mauvaise foi, Workan, entre deux démêlés avec sa bientôt ex-épouse, sa kiné et un agent immobilier qui l'a grugé, est obligé de résoudre une affaire de tête sans corps disposée artistiquement sur un plateau.

Cette tête sans corps et son plateau chinois, œuvre d'art remontant à quelques siècles, période Ming, ou Qing, est de celle de monsieur Zhou, de son véritable patronyme Zhou Zhou. L'ensemble, esthétique il est vrai, a été retrouvé dans la baraque servant de guichet à un forain, le Speed Rabbit, un des manèges installés devant le musée. Ce brave homme était l'un des membres d'une délégation accompagnant une exposition d'œuvres d'art rarissimes devant être exposées à la Chapelle de l'Oratoire de Nantes.

Cet incident risque d'entacher les relations sino-françaises, et le commissaire nantais préfère appeler la direction de la police judiciaire de Rennes pour mener l'enquête. Workan est tout désigné pour se rendre sur place accompagné de Leila Mahir, son adjointe et maîtresse selon les circonstances. Une enquête qui demande du doigté de la part de Workan plus habitué à mettre les pieds dans le plat que de marcher sur des œufs. Pourtant il lui faudra faire preuve d'une bonne dose de patience et de diplomatie pour résoudre cet imbroglio.

Car Workan est mis en cause dans ce meurtre. Enfin pas lui, mais son petit-cousin Fletcher Nowski, avec qui il partage son nom de famille. Officiellement il se nomme Workanowski, mais afin de les départager et ne pas les confondre, le policier a préféré porter les deux premières syllabes de son patronyme, tandis que son petit-cousin, il y tient au petit, est devenu Nowski. Or Nowski a été filmé, en compagnie de trois gros bras cassés, par des caméras de vidéosurveillance, aux abords du musée.

Fletcher Nowski est bien connu des services de police, non pas à cause ou grâce à ses relations distendues avec Workan, mais parce qu'il est fiché en tant que délinquant notoire. Alors, Nowski tueur de chinois au coupe-coupe ? Ce n'est pas dans ses habitudes. Voleur, oui, assassin, non !

 

Workan rencontre les autres membres de la délégation chinoise, dont principalement Lian Wu, l'interprète féminine qui semble apeurée. D'autres Chinois, qui ne font pas partie de la délégation, s'invitent dans la danse, et Lian Wu met en cause une organisation secrète, enfin pas si secrète puisqu'elle a un nom, celle du Lotus Blanc. Mais alors que vient faire dans ce mix-mac Nowski et ses trois Pieds-Nickelés ?

 

Nuit de Chine, nuit câline, nuit d'amour... Ce sera pour une autre fois car Workan est confronté à un problème de résultat. Son petit-cousin, même s'il réfute la plupart du temps cette parenté, n'en fait qu'à sa tête. Ne voilà-t-il pas qu'il prend en otages les membres de la délégation chinoise, l'officielle, l'organisateur de l'exposition ainsi qu'une quarantaine de visiteurs. Et il est difficile de déroger à ses exigences, sinon, c'est vaisselle cassée, c'est la fessée, comme le chantait Pierre Perret.

 

On pourrait scinder ce roman en deux parties et un entracte, au cours duquel il ne se passe pas grand chose mais permet une pause respiratoire. La première partie ressemble un peu à une pièce radiophonique tellement ce sont les dialogues savoureux qui importent. La seconde partie est, elle, plus cinématographique, dont ne seraient pas exclus les dialogues mais avec action, réaction, effets spéciaux et coups de théâtre.

Un roman qui progresse peu à peu dans le côté humour décalé, voire déjanté, et on verrait bien à l'affiche des Gueules comme Jean Gabin, Lino Ventura ou Robert Lamoureux, Francis Blanche, Jean Lefèvre, Louis de Funès et quelques autres dont la réputation n'est plus à faire. Le tout sans contrefaçon. Et où l'on apprend à différencier la porcelaine chinoise des assiettes proposées par un célèbre fabricant de meuble suédois. Et si vous confondez toujours, vous êtes limogés !

Hugo BUAN : Opération porcelaine. Série Une enquête du commissaire Workan N°9. Editions du Palémon. Parution le 18 mai 2017. 280 pages. 10,00€.

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22 juillet 2017 6 22 /07 /juillet /2017 12:19

Parfois je préfère rester à la mienne de place !

Guy RECHENMANN : A la place de l'autre.

En ce 21 septembre 1992, passage de l'été à l'automne, Anselme Viloc qui promène Jipsy, épagneul bécassière en manque d'activité, est stupéfié à la vue d'une statue vivante représentant une jeune femme en position de yogi sur l'estran, près d'une casemate.

En cette fin d'après-midi, l'inconnue est seule sur la plage, mais ce n'est pas ce qui interloque l'inspecteur Anselme Viloc. Elle a les yeux dans le vide, comme absente, et marmonne en boucle, je sais où est mon fils, je sais où il est. Seul le chauffeur du car l'a vue la veille, mutique, pourtant elle n'avait pas l'air perdue. Mais personne ne peut indiquer qui elle est.

Une énigme pour Viloc qui se voit confier cette affaire par son supérieur hiérarchique puisqu'apparemment une disparition serait à déplorer. D'ailleurs c'est ce que pense le psychiatre à qui a été confiée la jeune femme dans l'unité neurologique de l'hôpital Pellegrin de Bordeaux. Et toujours cette incantation, Je sais où est mon fils... complétée par C'était le 21... Le 21 quoi ? Une anomalie puisque, selon le toubib, cette jeune femme dont on apprendra un peu plus tard le prénom, Marina, est vierge. Et elle parle de son fils ! Incompréhensible.

Anselme et Jérémy, son ami et collègue, ne possèdent que peu d'éléments pour débrouiller ce casse-tête qui se débloque grâce à une observation d'un bistrotier. Et si on utilisait les épingles à cheveux trouvées dans le sac de Marina, pieds dans l'eau, et de lui mettre des lunettes de soleil pour prendre une photo qui serait diffusée dans les journaux locaux ? Bingo, les cafetiers sont de bons conseils en général et le bailleur de Marina se manifeste.

Il s'agit d'un ancien boucher, copain avec le père de Marina parti vivre dans la région paloise avec sa seconde femme. Et c'est à la demande de celui-ci qu'il a hébergé dans une de ses propriétés la jeune femme. Une énigme de résolue, mais cela n'avance pas le schmilblick de l'enfant disparu. Lilly, la fille de la compagne de Jérémy, âgée de douze ans mais nettement plus mature que sa mère, avance l'hypothèse d'une réincarnation. Pourquoi pas !

 

L'inspecteur Anselme Viloc est un policier à l'ancienne, proche de Maigret, se montrant à l'instar de son prédécesseur à l'écoute, n'hésitant pas à côtoyer témoins et suspects, à discuter avec eux, à partager un verre. Un policier que l'on pourrait, non pas aimer, faut pas abuser quand même, mais apprécier pour cet humanisme qui se dégage de sa personne.

Il est le contraire des policiers actuels, formatés à ne pas sourire, un fer-à-cheval greffé sous le nez à la place de la bouche. Des policiers homéopathes qui soignent le mal par le mal, combattent la violence par la violence.

Donc Viloc, discute, cause, parle, bavarde, papote, et j'en passe, avec les cafetiers, du Cap-Ferret, d'Andernos, de Taussat, et d'ailleurs, côtoyant des personnages, des imbibés qui se montrant affables, diserts, ou peu réceptifs.

Heureusement, son patron, le commissaire Plaziat, apprécie sa façon de procéder, même s'il lui met la pression, lui accordant un sursis d'un mois pour résoudre cette affaire, mois renouvelable à la demande en fonction des résultats. Et en compagnie de Jérémy qui parfois se dérange sur le terrain, pour affiner des renseignements, Viloc épluche les mains courantes des années précédentes, puis remontant en arrière jusqu'à la période de la seconde guerre mondiale, à la recherche d'un fameux 21 septembre. Et cela devient délicat lorsqu'un bout de tissu dépassant légèrement du sable près de la casemate prouve qu'un enfant a été enterré quelques décennies auparavant. Avec ce morceau de chiffon, il tient une piste, mais c'est un chat qui l'aidera à résoudre cette énigme, un Sacré de Birmanie à trois pattes, le chat du boucher. Un chat mais également un dessinateur-médium qui met son don au service de la recherche. Car quelqu'un s'évertue à pratiquer la politique de la terre brûlée en éliminant quelques protagonistes.

 

Tout cela s'expliquera par la découverte de cahiers rédigés depuis des décennies, des cahiers familiaux qui remontent au début du XXe siècle. Et si une partie des événements prend sa naissance durant la Seconde Guerre mondiale, la genèse remonte dans un éclatement familial et dans des esprits perturbés pour des raisons que la raison ignore.

Un roman en deux parties, la première privilégiant les éléments d'enquête puis la seconde qui fournit des éléments de réponse au fur et à mesure que Viloc, policier poète-philosophe-archiviste, décortique les journaux, puis les carnets familiaux, démêlant les imbrications familiales jonchées de coïncidences. Coïncidences qui deviennent logiques lorsque le puzzle est reconstitué.

Ce roman a été distingué au Prix Polar de Cognac 2016 et a reçu le Prix Virtuel du Polar 2016 du site Rayon Polar grâce aux votes des lecteurs, amateurs avertis. Et une visite à ce site riche en chroniques littéraires et cinématographiques est vivement conseillée.

 

Une jeune femme ou une vieille dame ? A vous de jouer.

Une jeune femme ou une vieille dame ? A vous de jouer.

Guy RECHENMANN : A la place de l'autre. Editions Vents Salés. Parution le 13 mai 2016. 286 pages. 19,50€.

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