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13 août 2015 4 13 /08 /août /2015 12:24

Un musicien doit-il décéder tragiquement pour être

consacré ?

Franck MEDIONI (Sous la direction de) : Albert Ayler. Témoignages sur un Holy ghost.

Fin novembre 1970 disparaissait Albert Ayler à l’âge de 34 ans, son corps était retrouvé flottant dans l’East River.

Comme ces musiciens morts trop tôt, trop jeunes, tragiquement, ce saxophoniste novateur devenait une icône, un emblème auprès de nombreux amateurs (et professionnels) de ce genre musical. Le Jazz devenait orphelin.

Né le 13 juillet 1936 à Cleveland (Ohio), d’une père chanteur et musicien jouant aussi bien du saxophone que du violon, et d’une mère aux inclinations artistiques qui n’allèrent jamais bien loin, le jeune Albert plongea très tôt dans le chaudron musical. A l’âge de trois ans, là où les bambins s’endorment en écoutant des berceuses, il regardait derrière le poste de radio familial si son interprète préféré, Lionel Hampton, ne s’y cachait pas.

A quatre ans il tapait sur un petit tabouret, accompagnant Benny Goodman. A sept ans, son père enthousiaste lui interdit d’aller jouer au football avec ses petits copains afin de pouvoir s’initier à la musique et toute la jeunesse et l’adolescence du jeune Albert sera vouée à se perfectionner. C’est ce que déclarait Albert Ayler dans un entretien réalisé par Jacqueline et Daniel Caux à Saint Paul de Vence le 27 juillet 1970, soit quelques semaines avant sa disparition, et qui fut publié dans L’Art vivant en février 1971.

Je ne vais pas m’étendre plus longtemps sur les débuts d’Albert Ayler et sur cet entretien, vous laissant le plaisir de les découvrir, et penchons-nous plutôt sur le contenu principal de cet ouvrage magistral : les témoignages de ceux qui ont côtoyés, connus, joués avec ce saxophoniste qui a dérangé l’harmonie et la partition bien réglée des musiques de jazz, explorant de nouveaux chemins, de nouvelles voies (voix ?) non pas pour imposer son empreinte mais pour explorer toutes les possibilités de la musique dont il était devenu sinon un porte-parole au moins un porte-son, un innovateur dont s’inspirèrent quelques instrumentistes parfois décriés dans leurs recherches tel John Coltrane.

Et les critiques de l’époque (s’exprimant souvent de façon négative) oubliaient que même en musique classique, symphonique ou de chambre, une nouveauté détrônait une institution et que c’était cela qui faisait avancer le plaisir d’écouter des sonorités, des compositions, des arrangements nouveaux. Les dents grinçaient et quelques années plus tard, ces nouveautés étaient entrées dans les mœurs et ce qui était considéré auparavant comme des références devenait ringard. Mais cela n’est pas l’apanage de la musique et l’on pourrait en élargissant le sujet citer la peinture, la sculpture et tout autre forme d’art.

Franck MEDIONI (Sous la direction de) : Albert Ayler. Témoignages sur un Holy ghost.

Parmi les contributions et les témoignages rendus à Albert Ayler, figurent ceux de nombreux artistes, musiciens, littérateurs, chroniqueurs, musicologues, photographes et autres. Certains noms nous sont familiers, d’autres moins, et la table en fin de volume permet de savoir qui fait quoi.

 

Et au détour des pages on peut lire les participations de Louis Sclavis, Jacques Bisceglia, Sonny Rollins, Francis Marmande, Aldo Romano, Franck Médioni, Michel Portal, Michel Lebris, Joe Lovano, Steve Lacy, Philippe Buin, Joëlle Léandre, Lee Konitz, Jacques Réda, pour n’en citer que quelques uns parmi la centaine de contributeurs. Que ces appréciations tiennent en deux lignes (Sonny Rollins, Richard Davis, Oliver Lake) ou sur plusieurs pages (Francis Marmande), sous forme d’hommages, de coups de colère, de longs poèmes (Christain Tarting, Zeno Bianu, Sylvain Kassap, Bernard Chambaz et quelques autres…), des explications de texte et de musique (Alexandre Pierrepont, Philippe Carles et Jean-Louis Comolli), des dialogues (Daniel et Flavien Berger) sans oublier l’indispensable et riche iconographie.

 

La musique est emblème de protestation, de liberté, parfois de joie de vivre, parfois de mal être et si je devais mettre en exergue un de ces textes ce serait sans conteste celui de Richard Davis : « Albert Ayler fut certainement un géant dans sa musique au moment de la période de protestations des droits civiques. Ainsi, il a fait trembler les chaines du syndrome post-traumatique de l’esclavage ».

Et au lieu de lire, j’allais écrire bêtement, de la page 1 jusqu’à la fin, je vous propose de prendre la table, c'est-à-dire le sommaire, et après avoir dégusté la préface d’Archie Shepp et la note d’intention de Franck Médioni, de vous laisser aller en découvrant ces textes par ordre alphabétique d’entrée des acteurs de cet ouvrage : de Noël Akchoté, guitariste, jusqu’à Jason Weiss, écrivain, ce qui vous obligera à effectuer une petite gymnastique, j’en conviens, mais vous donnera la sensation de jouer votre propre partition.

Un livre remarquable qui a dû demander de longues heures, que dis-je, de semaines et même de mois, afin de réussir cette compilation, mais aussi d’abnégation et d’amour.

Franck MEDIONI (Sous la direction de) : Albert Ayler. Témoignages sur un Holy ghost. Préface d’Archie Shepp. Collection Attitudes. Editions Le Mot et le Reste. Parution 25 avril 2010. 332 pages. 26,00€.

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9 août 2015 7 09 /08 /août /2015 13:37

Bob Morane contre tout chacal

L'aventurier contre tout guerrier...

Henri VERNES : Mémoires.

Dans sa préface, le fin lettré qu'est Jean-Baptiste Baronian se réfère à la troisième des vingt-et une-dictées de Simenon, parue en 1976, et cite plus particulièrement cette phrase :

Au fond, les mémoires sont de faux portraits de soi tels qu'on veut les laisser à la postérité.

Et ces mémoires, écrites par Charles-Henri Dewisme, plus connu sous l'alias d'Henri Vernes, procurent à la fois un vif plaisir à découvrir la vie mouvementée du créateur de Bob Morane mais en même temps un sentiment de frustration, car il y manque la denrée essentielle : comment est né ce personnage qui défie le temps.

 

En effet une grande partie de l'ouvrage est consacrée à la jeunesse chaotique du jeune Charles-Henri. Il est élevé par ses grands-parents, sa mère ne pouvant s'occuper de lui, obligée de travailler. Ses parents ont divorcé très tôt et le jeune Henri (appelons-le ainsi car c'est sous ce prénom qu'il est le plus connu) se souvient surtout de ses grands-parents, de son oncle Nestor et sa tante Léontine, et de la petite chienne Dinah. Il nait à Ath, surnommée la Cité des Géants à cause de la Ducasse, sa mère s'étant réfugiée pour accoucher chez sa sœur Léontine, guerre oblige. Puis ils regagneront Tournai. De sa prime enfance, comme pour tout un chacun, le jeune Henri ne garde que quelques images, souvent renforcées par ce que sa famille lui a raconté. Toutefois un de ses souvenirs marquants est relatif à la réflexion du docteur de la famille.

Cela fait deux fois que je vois cet enfant boire en mangeant. Cela l'empêchera de digérer !

Né le 16 octobre 1918, Charles-Henri Dewisme aura bientôt cent ans. Et il se porte bien. Encore un préjugé de la médecine rétrograde...

 

Ce dont il se souvient le plus, c'est de son premier amour. Yvonne. Cinq ans comme lui. Et des femmes Henri en connaitra beaucoup. Celle qui le déniaisera, alors qu'il n'a que treize ans, ce sera Adèle, une amie de sa mère, âgée de trente trois ans et veuve très tôt. Et tout en fréquentant Adèle, il va au collège, chez les Jésuites, lui qui ne pratique pas la religion. Et bien entendu entre les pères et lui, ce n'est pas toujours l'entente cordiale. Il s'initie à la boxe, sa carrure imposante le prédestinant à un art martial, pensez donc, à quinze ans il mesure 1,80m pour 70 kilos ! Tout ceci ne l'empêche pas de lire. Dès son plus jeune âge, il engloutit les œuvres des auteurs de romans populaires, avec voracité (voir citation en bas d'article).

Après Adèle il y a eu d'autres, mais madame Lou comptera beaucoup dans sa vie. Nous sommes en 1937, il a dix-neuf ans et il n'hésite pas à tout quitter pour la rejoindre à Shanghai. Il embarque à Marseille à bord du Rousselle, muni de faux papiers, effectuant un long péripleShangaï, Canton, Hong-Kong, et au bout de trois mois il rentre au bercail. Madame Lou donnera peut-être naissance au personnage de Miss Ylang-Ylang.

Puis c'est la guerre. Il se marie en 1938 avec Gilberte, la fille d'un diamantaire anversois chez qui il travaille, mais divorce en 1941. Et entre dans un service de renseignements de la Résistance, recueillant et transmettant des informations à l'attention et l'intention des résistants basés à Londres. Et en 1943, alors qu'il fréquente les milieux littéraires, il fait la connaissance de Jean Ray, qu'il a lu tout jeune. Plus tard il le retrouvera, l'imposera chez Marabout et fréquentera également Michel de Ghelderode.

Il commence à écrire, son premier roman, La porte ouverte, parait en février 1944. D'autres suivront, et après un séjour de trois ans à Paris où il est correspondant pour une agence américaine et des journaux lillois, il revient en Belgique en 1949. Il collabore à des magazines jeunesse, dont Tintin, Mickey Magazine, Héroïc Jeunesse, et en juin 1953 il rencontre Jean-Jacques Schellens, le directeur des éditions Gérard et C° qui désire créer une collection de romans d'aventures pour la jeunesse. C'est le début de Marabout Junior et Les conquérants de l'Everest, numéro 10 de la collection signé Henri Vernes, sera le premier d'une longue série, plébiscité par les jeunes lecteurs.

Henri VERNES : Mémoires.

Henri Vernes voyage beaucoup, notamment dans les années 50 en Amérique Latine, ce qui lui permet d'engranger de la documentation géographique. Et il écrit, publiant sous divers pseudonymes, variant les genres tout en restant fidèle à Bob Morane.

Henri Vernes n'est guère tendre dans ses Mémoires envers ses confrères de Marabout Junior, et pourtant cette collection publia les premiers romans signés Pierre Pelot avec sa série des Dylan Stark. Il affirme avoir porté cette collection à bout de bras, ses romans s'arrachant comme des petits pains. Mais connaît également la désillusion lorsqu'il s'aperçoit que son éditeur, André Gérard, le fondateur de la maison d'édition et imprimeur à Verviers, ne déclare pas la totalité des ouvrages imprimés. Une arnaque et il n'est pas vain de penser que le chiffre annoncé des ventes des aventures de Bob Morane est en dessous de la réalité.

 

Autre auteur qu'il démolit avec verve : Hergé.

Un autre élément caractéristique de l'atmosphère régnant à ce tournant de l'histoire, est celui d'Hergé, l'auteur de Tintin. Reconnu collaborateur, inspiré par l'abbé Wallez, fasciste notoire, ami de Degrelle et de Jamin, complices actifs du nazisme, antisémite avéré, Hergé fut blanchi, en dépit de plusieurs arrestations motivées, grâce à l'intervention de résistants qui avaient besoin de lui pour des raisons commerciales. On fit de lui un génie, alors qu'il n'était qu'un dessinateur moyen dont l'humour, souvent, ne dépassait pas, en s'en inspirant, le Brigadier vous avez raison.

 

Intéressant mais frustrant, cet ouvrage n'aborde pas par exemple comment est né Bob Morane. A la demande de Jean-Jacques Schellens, on l'a vu, mais quel fut le déclencheur, comment et quand écrivait-il, prenait-il des notes, c'est tout un pan de sa biographie qui est occultée. D'ailleurs il est fort peu disert sur tout ce qui touche à la rédaction de ses romans, que ce soit pour les Bob Morane, que sous les pseudos de Jacques Colombo pour la série DON au Fleuve Noir, Jacques Seyr pour Marabout Junior, et quelques autres. Il s'étend plus largement sur ses conquêtes féminines et sur son activité durant la guerre, sur ses prises de position politiques dénonçant particulièrement les antisémites et les collaborateurs du régime nazi.

Henri VERNES : Mémoires.

Et moi je lisais... Je lisais encore... Je lisais toujours... J'en étais encore à Louis Boussenard, à Alexandre Dumas, à Paul d'Ivoi, à Arnould Galopin... J'aurais dû y rester. Quoiqu'on en pense la littérature dite populaire est plus près de la réalité que l'autre littérature, baptisée pompeusement grande littérature et qui n'est qu'une sophistication de la vie, la mise en boite des sentiments.

Pour en savoir plus sur son œuvre, il vaut mieux se pencher sur quelques ouvrages dont :

 

Stéphane Caulwaerts et Yann : Henri Vernes : à propos de 50 ans d'aventures. Les Éditions À Propos. 2003.

Jacques Dieu : Bob Morane et Henri Vernes. Glénat, 1990.

Daniel Fano : Henri Vernes & Bob Morane, une double vie d'aventures. éditions Le Castor Astral. coll. Escale des lettres. 2007.

Bernard Marle : Bob Morane et Henri Vernes : un double phénomène. IDE. 1995.

Francis Valéry : Bob Morane. Éditions... Car rien n'a d'importance, 1994.

Rémy Gallart & Francis Saint-Martin : Bob Morane, profession aventurier. Editions Encrage. 2007

 

Henri VERNES : Mémoires.

Henri VERNES : Mémoires. Editions Jourdan. Parution 14 janvier 2012. 496 pages. 22,90€.

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19 juin 2015 5 19 /06 /juin /2015 12:30

Elles sont îles...

Léopold TURGOT : Si loin des îles....

En ce temps là, les textos n'existaient pas, et pour communiquer en famille, le papier et le stylo étaient de mise.

Et quel plaisir pour la famille, proche ou séparée par l'Atlantique, de recevoir des nouvelles de personnes éloignées ou dont le destin est suspendu par la guerre.

Ainsi lorsqu'une missive écrite pendant la Seconde Guerre mondiale est redécouverte dans des affaires de famille, il est intéressant de retrouver trace de ceux qui aujourd'hui sont disparus. D'autant qu'il s'agit d'un témoignage poignant écrit, ou plutôt tapé à la machine, narrant les vicissitudes de l'expéditeur et de ses proches sur vingt-trois pages en petits caractères, les mots les uns à la suite des autres, sans interligne, et qu'il faut déchiffrer avec une règle à la main, ou presque.

Rédigé entre le 24 novembre 1940 et le 1er janvier 1945, l'expéditeur, Léopold Turgot, originaire de Saint-Pierre et Miquelon, narre les pérégrinations qui le conduisent, lui et sa famille, de Brest et l'arrivée des Allemands dans la ville portuaire jusqu'à la Libération du Huelgoat, et les conditions de vie durant l'occupation.

Une lettre qui aura beaucoup voyagé, de Brest à Saint-Pierre et Miquelon, retrouvée dans les papiers familiaux quelques trente années plus tard puis retransmise en Bretagne et atterrissant enfin au domicile d'Hervé Jaouen, apparenté par sa femme à l'expéditeur.

Léopold narre la vie quotidienne lors de son arrivée à Brest, les premières difficultés de ravitaillement tandis que les avions allemands bombardent la ville et qu'il a dû quitter Déolen le 17 juin 1940 au matin afin de rejoindre Saint-Pierre-Quilbignon en catastrophe, tous les tracas subit par de nombreuses familles en perdition. Pourtant Léopold Turgot ne se plaint pas. Il travaillait au Cable et il se retrouve sans emploi, vivant dans une ferme accueillante. Emmanuel (son frère) et moi sommes sans emploi, mais nous ne nous plaignons pas car il en est de plus malheureux que nous. Il faut boucher les fenêtres avec du carton, et pour pallier le manque de beurre (en Bretagne !) il ramasse des mûres pour les confitures.

Les mois passent, et le 23 mars 1941 Léopold écrit : Le gaz a fait sa réapparition à Brest. Mais ce n'est pas encore le cas dans les villages environnants, et il faut se débrouiller autrement. La solution reste le charbon pour la cuisson des aliments, une distribution de deux sacs de cinquante kilos. Ce n'est guère et il faut économiser. Avec le poussier au fond des sacs, j'ai moulé des pâtés dans de vieux journaux. Ils macèrent dans l'eau pendant quelque temps, et une fois secs nous donnent des petits briquettes qui permettent de faire durer le charbon.

En mai 1944, alors que le débarquement est proche, les Allemands sont sur les dents. Notre curé a été arrêté une deuxième fois et enfermé à Brest pendant un mois. A son retour, il nous a un peu décrit le régime des prisons allemandes. On ne peut pas se faire à l'idée qu'il existe encore de tels sauvages. Je ne puis pas vous raconter ici les actes de barbarie exercés sur les civils, cela n'en finirait plus.

Beaucoup de pudeur de la part du narrateur, tout comme ceux qui ont vécu cette période trouble, qui ne se vantaient pas, gardant pour eux la plupart du temps les misères endurées, sauf bien entendu les résistants de la dernière heure qui voulaient cacher leur collusion par des actes de bravoure fictifs et des histoires inventées de toute pièce.

 

Dans un long, tout est relatif, mais fort utile prologue, Hervé Jaouen nous présente les pérégrinations de cette missive et les tribulations des membres de sa famille par alliance. Famille qu'il a déjà eu le plaisir de mettre en scène dans L'Adieu aux îles. Et il fait œuvre pie en publiant ce texte, en permettant de découvrir le quotidien d'un homme et de sa famille pendant la guerre.

Un homme qui a rédigé ce texte destiné à ses proches avec pour seule ambition de décrire ce qu'il voyait, ressentait, sans emphase, sans vouloir se montrer historien, simplement un témoin.

De nombreuses photographies complètent ce témoignage, dont trente-trois dans un encart, qui montrent les représentants de la famille à Saint-Pierre et Miquelon, quelques ruines brestoises et l'arrivée des Américains. Un livre tout en pudeur à lire avec attendrissement, en pensant que vos parents, grands-parents, ou autres membres de votre famille, ont peut-être vécu les mêmes drames, les mêmes petites joies ou grandes douleurs, mais sans en parler ou avec réserve.

 

Léopold TURGOT : Si loin des îles.... De Brest bombardé à Huelgoat libéré. Présenté et édité par Hervé JAOUEN. Carnet central iconographique de seize pages. Editions Locus Solus. Parution 24 avril 2015. 96 pages. 13,00€.

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2 mai 2015 6 02 /05 /mai /2015 14:19

Temps glaciaires, un titre qui refroidit !

 

Le nouveau Fred Vargas, Temps Glaciaires, est sur les étals des libraires. Bizarrement il n'est guère chroniqué sur les blogs dits spécialisés. Parait que ce serait la faute à l'éditeur. Il est vrai que recevoir un prix est plus gratifiant pour l'éditeur, plus important aux yeux du lectorat, que d'envoyer des services de presse onéreux.

Ceci m'a amené à mettre en ligne un article paru dans la défunte revue Caïn N°27, éditions Baleine. Parution octobre 2001. 224 pages. 9,20€. Disponible chez l'éditeur.

Vous avez reçu un nouveau message !

Internet, paraît que c’est bien, genre le maxi micro qui rapproche les hommes (ce n’est qu’une généralité car je n’oublie pas les femmes lorsque j’écris les hommes, je ne suis pas misogyne, loin de là, quoique parfois, mais bon on n’est pas là pour parler de moi et de mes états d’âmes…), donc j’écrivais : Internet, avec le émail (en français courrier électronique, qui permet à deux personnes de correspondre, d’envoyer des fichiers, des photos de leur dernière prise majeure dans le lac ou de leur femme majeure dans le lit, et autres échanges instructifs) offre la faculté de passer par un groupe de discussion qui facilite les échanges d’idées, d’opinions, de point de vue, un peu sous couvert d’anonymat, sans recevoir sauf par écran interposé, de désagréables, pour ne pas dire plus, réflexions qui ne prêtent pas à conséquence (en général) mais fournissent aux scripteurs un moyen facile de se défouler sans passer par un ring de boxe, et autres désagréments qui laissent souvent des traces sur l’épiderme des participants (ouf, j’ai terminé ma phrase !). Donc je voulais simplement mentionner, sans paraître cauteleux (eh oui, je l’ai placé !) auprès de ceux qui lisent cette notule, que dans les groupes de discussion, on trouve de tout et de rien, c’est-à-dire des avis divergents sur tel ou tel sujet sans que le fond du problème soit réellement abordé et les opinions explicitées. En voici une preuve commentée humblement par le scripteur qui a désiré s’en tenir au simple rôle de voyeur d’écran.

 

La discussion débute par un adepte, appelons le X, qui après avoir lancé négligemment le pavé dans la mare, ne se manifestera plus. En réalité c’est une réponse à quelqu’un qui avait critiqué négativement un bouquin mais nous ne reviendrons pas à l’origine du monde et au big-bang, Michel Rocard ayant participé en son temps à cette explosion. Et puis le nombre de pages dédiées à ce dossier nous oblige à rester sobre (dans le texte bien entendu).

Or donc voici cette phrase qui lança le débat, petite pierre qui engendra pas mal de remous et de cercles sur la mare aux polars :

“ J’ai lu le Sylvain l’an dernier ou avant, je ne sais plus. J’ai trouvé ce roman carrément idiot. ”

 

La réponse fournie à cette question, qui n’était qu’une simple réflexion, ne se fait pas attendre et aussitôt nous voyons les cercles concentriques se former à vitesse grand V et se transformer en mascaret d’équinoxe. Désormais nous appellerons les interlocuteurs de cette discussion par les lettres A, B, C et suivantes afin de préserver leur anonymat.

 

Interlocuteur A :

Oui, je crois qu’il y a effectivement un problème avec les polars de Viviane Hamy, quand c’est pas des plagiats (Tabachnick) c’est de la grosse daube (Sylvain… et encore j’ai pas lu “ Vox ” mais je défie quiconque de dépasser la page 12 de son précédent “ Baka ” !) ou alors c’est chiantissime et totalement surfait (Vargas). V. Hamy est une excellent éditrice de littérature Blanche mais en noire… Allez, on va dire qu’elle doit être mal conseillée.

Notes du scripteur totalement impartial : La lecture de la première phrase de ce message m’induirait avec de l’erreur si je ne connaissais pas la maison d’édition. Les polars de Viviane Hamy, est-il écrit. Non, ce ne sont pas les polars de Viviane Hamy mais les polars édités par Viviane Hamy, ce qui est différent. Ensuite, examinons le jugement porté sur les ouvrages de Sylvain (Dominique de son prénom) qui, selon l’auteur de cette critique lapidaire, ne valent pas le déplacement. Pourquoi donc, dans ce cas, Viviane Hamy s’obstine-t-elle à publier des romans de cette gente dame (Dominique Sylvain est de sexe féminin) si les écrits en question sont illisibles et comment se fait il qu’il y ait encore des lecteurs, et inversement ? Ensuite, nous arrivons au cœur du sujet quoique dans ce cas de figure nous nous voyons plutôt confronté à notre corps défendant à un rejet exprimé par une partie anatomique de l’auteur que nous ne dévoilerons pas. Chiantissime, est-il écrit. De deux choses l’une : ou ce roman remplace les bénéfiques dragées Fuca et provoque une diarrhée pseudo littéraire, ou au contraire il faudrait entendre par là (par là je n’entends pas grand chose comme auraient dit les fameux duettistes Pierre Dac et Francis Blanche) que Fred Vargas rédige des ouvrages constipants. Remarquez avec quelle élégance le débat (merdique ?) est lancé.

 

Dorénavant nous nous contenterons d’indiquer les interventionnistes par la lette alphabétique qui leur a été attribuée par ordre chronologique.

 

B :

Plagiat ? De qui ?

Note intermédiaire. Le débat n’est pas encore réellement lancé, et nous tournons autour du pot, si je puis m’exprimer ainsi. Le débat s’avançant dans le temps et dans cette chronique, les intervenants devenant plus nombreux et explicites, les notes intermédiaires seront remplacées par des billets d’humeur modératrice à tendance plus ou moins philosophique, psychologique ou d’obédience pseudo-psychanalytique. Il faut bien gagner sa croûte et réaliser un reportage sur le vif comme si le lecteur se trouvait confronté à un problème hautement sociologique avec à la clé un médiateur intellectuellement débâtant d’une manière circonstanciée.

 

A :

“ Un été pourri ” de Tabachnick est presque intégralement pompé sur “ Le prochain sur la liste ” de Dan Greenburg (en Points Seuil Policiers). Et l’original est beaucoup mieux of course.

Le scripteur (moi-même en l’occurrence) commence à s’interroger : s’agirait-il d’un mauvaise traduction, de quand date le Greenburg, ne serait-ce pas un plagiat à l’envers, l’Américain ayant pompé la Française (n’y voyez dans cette question anodine aucune intervention extra littéraire et/ou à dominante sexuelle, ce qui n’entre d’ailleurs pas dans le propos de cette chronique) ? Mais de toute façon il ne s’agit que d’un aparté dans la discussion qui va véritablement démarrer sous peu.

 

C :

Bonjour, je n’ai pas d’avis sur Sylvain, ne sais pas si “ un été pourri ” est un plagiat. Par contre j’avais beaucoup aimé “ Le festin de l’araignée ” de Tabachnick. Et dire que Vargas c’est chiantissime et surfait ! ! Dis que tu n’aimes pas, que ça te gonfle, que c’est pas ton style. OK. Moi je trouve ça superbe, c’est un de mes auteurs de polar préféré en France, et comme je m’occupe à mes moments perdus d’une bibliothèque d’entreprise, je peux t’aaurer que mon avis est partagé par de très nombreux lecteurs, habitués au polar ou non. Peut-être n’est-ce pas assez noir, ni assez musclé pour plaire aux amateurs de polar pur et dur ; c’est recevable, mais c’est loin d’être chiantissime. Et le dernier écrit et dessiné à 4 mains avec Baudoin est un pur délice.

Tout à fait d’accord dans ton analyse cher correspondant C. Mais avant de la disséquer je voudrais te dire qu’il n’y a pas de moments perdus, et si effectivement tu avais des moments perdus, tu pourrais éventuellement les retrouver dans une officine spécialement dédiée aux objets trouvés, à moins que quelqu’un de peu scrupuleux se les soit accaparés et dans ce cas tu pourras dire définitivement adieu à tes moments qui ne seront pas perdus pour tout le monde. Mais revenons à nos moutons comme disait Jeanne d’Arc en filant sa quenouille et en rêvant du prince charmant aux quenouilles laineuses et soyeuses, mais je m’égare…

 

B

Vargas n’est certes pas une géante (A tous point de vue, hi hi) mais ses livres sont sans prétention et font passer un moment sympa. C’est déjà pas mal.

On sent l’intervenant qui se veut modérateur dans cette réponse tout en jouant sur les maux et les mots. Effectivement Fred Vargas n’est pas grande physiquement, mais ceci n’est qu’un appréciation personnelle en fonction de la taille de l’interlocuteur. Moi-même je ne suis pas grand mais comparé à mes petits-fils, je possède encore une autorité et une aura que nul ne contestera et d’ailleurs ceci n’entre pas en compte dans le sujet traité. Quant à dire qu’elle n’est pas grande en littérature, faut-il attendre la consécration mortuaire ou prendre en considération le nombre d’exemplaire vendus ? Je déborde et m’immisce dans un problème auquel je m’étais promis de ne pas participer.

 

D :

Quand j’ai lu “ L ’homme à l’envers ”, je me suis dit que c’était un polar qui flirtait avec le fantastique sans réussir à y plonger complètement. L’écriture, les personnages, les lieux tout est légèrement décalé, un brin mythique, un tantinet absurde. J’ai beaucoup aimé ce livre mais je l’ai aussi trouvé surfait et chiantissime (je vole des mots là). L’utilisation d’une narration à la polar est un tour de passe-passe, une coquetterie, un pis aller.... parce que ce n’est pas du roman policier. C’est du roman qui utilise les conventions du genre pour structurer son propos. C’est pas un crime. C’est pas un exploit non plus. C’est juste, légèrement, décevant. Ce que j’en dis...

N’en dis pas plus, nous avons tous compris que tu avais aimé, et qu’en même temps tu avais été déçu (par correction envers les auteurs des messages, le scripteur ne s’embarrassera pas des signatures au féminin). Tu exprimes un point de vue personnel bien structuré, poli, avec des appréciations douces-amères. On sent que tu veux ménager la chèvre et le chou, dire que tu n’as pas vraiment aimé le bouquin, mais que tu lui trouves cependant une qualité d’écriture certaine. Sous entendu, Fred Vargas, si elle s’était impliquée un peu moins dans le roman policier et plus dans la blanche aurait pu connaître la consécration, voire plus. Tiens peut-être comme Vautrin, Jean de son prénom, qui après avoir voyagé à la Série Noire puis chez Engrenage, a obtenu le Prix Goncourt (entaché de plagiat selon certains, donc je ne sais plus si c’est une bonne référence) ou encore Daniel Picouly pour ne citer que les exemples qui me viennent à l’esprit. Le côté fantastique, décalé, déjanté même, est effectivement présent dans ce roman, et pour preuve le titre du roman ne prête pas à confusion. Et derrière le “ c’est un peu décevant ”, ne se cache-t-il pas cette pensée profonde mais inavouée, dans le genre “ c’est beaucoup intéressant” ? Mais continuons notre exploration sans nous disperser.

 

E :

Ah ! Je ne suis pas le seul à ne pas aimer Vargas !

Réponse du psy de service. Cet internaute est arrivé en retard dans la discussion et n’apporte aucune précision complémentaire sur les raisons de son intérêt ou désintérêt (désintérêt dans le cas présent) concernant le cas étudié. En réalité, posant une question naïve qui est en réalité une exclamation, il se rend compte qu’il n’est pas le seul sur la planète Internet à ne pas aimer Fred Vargas, sans pour cela se montrer vindicatif, et presque en s’excusant.. Fallait-il pour autant oblitérer sa prestation, qui sans fournir d’avancées sociologiques évidentes, ne tombe pas dans le négationnisme primaire mais ose émettre une opinion qui sans être fondée et démontrée, ne se voile pas la face et se solidarise avec une opinion démontrée plus haut sans pour autant nier fondamentalement le pourquoi du comment. En réalité il se pose la question tout en fournissant la réponse : il n’est pas le seul à ne pas aimer, il constate mais ne dénigre pas pour autant les qualités littéraires des romans de l’auteur passé à la moulinette, et surtout il ne jette pas l’opprobre sur les uns ou les autres.

 

F :

Moi non plus je n’accroche pas trop avec Vargas. J’en ai essayé un, deux, trois, en espérant à chaque fois être mal tombé mais je crois que c’est juste que ça passe pas avec moi. J’arrive pas à croire aux personnages, je trouve ça froid. Bref  je ne rentre pas dedans.

La réponse, négative elle aussi, est plus explicite sans se montrer agressive. L’auteur de cette répartie avoue avoir essayé à moult reprises de se plonger dans l’univers personnel et particulier de Fred Vargas, mais ne pas s’y accrocher. C’est tout à son honneur, on ne s’accroche pas à un auteur, à un personnage, à moins d’être né sous le signe de la sangsue. De plus la dernière phrase est assez ambiguë pour ne pas cacher autre chose, un malaise profond, une personnalité latente qui ne demande qu’à s’extirper d’un corps encombrant. Qu’est-il écrit, “ Bref, je ne rentre pas dedans ”. Bref n’est-il pas la réaction frustrante énoncée sans ambages après un rapport auteur/lecteur qui se serait soldé par une éjaculation précoce et, poussons notre analyse, externe puisque le scripteur confesse ne pas rentrer dedans ? J’avoue ne pas comprendre toutefois la syntaxe car j’ai essayé mais ne suis point arrivé à rentrer dehors.

 

E :

Je n’ai pas réussi à terminer “ L’homme aux cercles bleus ” et “ Debout les morts ”, trop décalé, peu réaliste. AMHA. Par contre pour “ Debout les morts ” dont j’ai lu environ 100 pages, puis la fin, j’ai eu l’impression que l’aspect énigme n’était as mal trouvé, écrit par un G.J. Arnaud ou un expert en énigme cela aurait donné (AMHA) un très bon suspens ou un très bon roman d’énigme, enfin, un comme je les aime. Mais les goûts et les couleurs, hein…

Tout à fait cher ami correspondant, qui explicite ton choix, ton avis négatif sans pour cela vouloir conditionner les autres commentateurs de cette liste d’échange d’idées et d’opinions. Par deux fois tu t’exprimes modestement (pour les néophytes AHMA signifiant à mon humble avis), et développes ta désaffection envers un genre qui te nourrit intellectuellement. Passionné de romans dont l’énigme est reine et les chambres closes un lieu de prédilection, notre interlocuteur (je m’adresse à vous maintenant) avoue ne pas entrer dans l’univers décalé, peu réaliste des deux romans qu’il évoque. Ce qui à mon sens est contradictoire, car la résolution d’énigmes en chambre close se trouve justement, la plupart du temps, dans un univers décalé, peu réaliste, à la limite du fantastique. Mais on notera toutefois cette réflexion que, traité par un autre auteur, le sujet aurait pu donner naissance à un bon roman d’énigme ou de suspens. Hum, je suis dubitatif quant à cette assertion, ne mettant pas en cause cette allégation, mais chaque auteur écrit selon sa sensibilité et si l’on propose un même sujet (l’amour par exemple) à deux auteurs dont la sensibilité diverge, ils le traiteront avec une optique et un stylo diamétralement opposé, surtout s’ils ne sont pas du même sexe.

 

G :

Je suis un peu étonné par ton commentaire sur Vargas. Tu dis que tu trouves ses romans peu réalistes. Cela m’étonne, parce qu’il m’a semblé que tu es un fan de cambres closes qui sont en quelque sorte l’antithèse du roman REALISTE. Il y a là un paradoxe que j’aimerais que tu développes,. N’y vois aucune critique mais c’est un commentaire qui m’a semblé curieux ou peut-être je n’ai pas compris ce que tu as écrit. En ce moment je lis plein de choses sur la réception des œuvres policières par leurs lecteurs et je suis un eu obnubilé par le sujet.

Ah que voilà une remarque simple, limpide, pleine de bon sens, et qui va dans le sens que j’ai voulu développer précédemment. La réponse est formulée avec humilité, modestie, presque une componction moniale, soulignant toutefois le paradoxe existant dans la réponse précédente. Si j’avais su, j’aurais lu cette réponse avant de m’escrimer pendant quelques lignes et rechercher l’adéquation exacte et la formulation lapidaire susceptible de résumer en peu de mots le flot d’interrogations engendré par cette réaction à double sens. M’en suis-je bien sorti ?.

 

E :

La contradiction n’est qu’apparente. Quand je lis un roman de Paul Halter, au hasard ; je sais où je mets les pieds, ou un roman de Moselli. Ah Moselli ! J’accepte que son héros tombe à la mer dans une eau glacée, qu’il y passe la nuit (ou plus) à barboter, qu’au petit jour quand il n’en peut plus, qu’il va couler, tiens un bateau passe et le voit, ce n’est pas réaliste du tout, mais cela fait partie du jeu, quand je lis Moselli j’ai dix ans et accepte tout. Pour un roman de chambre close c’est pareil. Malgré tout, même si les situations sont improbables, l’auteur raconte d’une façon qui me paraît réaliste, et cela pourrait être vrai.

Par contre pour Vargas, je pense être dans un roman réaliste (peut-être que je me trompe) et donc le côté déjanté, un peu en dehors de la plaque de ses personnages, ne me convient pas, il y a un je ne sais quoi qui ne me fait pas adhérer à son univers. Car elle a un “ univers ”, une façon d’écrire qui lui est propre, AMHA. Et puis j’ai sauté au plafond quand elle avait écrit : il décida qu’il avait faim. J’en avais parlé ici même. Non ! on ne décide pas qu’on a faim ! on décide qu’on va aller boire un verre, au restaurant, au ciné, mais pas qu’on a faim ! Cette phrase m’est restée en mémoire ! C’est ce côté un peu surréaliste qui ne passe pas

J’ai réussi l’examen ?

Cher ami, j’espère que tu ne t’es pas fait mal et que le plafond ne se ressent pas de cet impact par quelques fissures de mauvais aloi. Voici une réponse longue mais qui au moins respecte le code de bonne conduite avec des explications sobres, détaillées, logiques et nullement agressives. La cacophonie enregistrée lors des premières interventions devient dialogue constructif, chacun des deux derniers participants apportant sa pierre à l’édifice littéraire et critique. Mais a-t-il réussi l’examen me demanderez-vous ? Nous le saurons dans un prochain épisode.

 

G :

Moi ça m’arrive très souvent de décider d’avoir faim ! ! ! et j’adore Vargas. Elle a son style à elle, je comprends très bien que beaucoup de gens n’aiment pas, mais son monde n’est pas éloigné du mien. Peut-être faut-il être zen pour apprécier ? En tout cas elle a le mérite de faire des polars très différents. A bientôt.

Nouvel intervention dans ce monde qui se partage quant aux qualités d’écriture et de style de Fred Vargas. Nous retiendrons dans cet envoi somme toute assez court, trois directions à explorer. D’abord le fait que cette personne décide d’avoir faim. C’est très bien et il est intéressant de savoir que ce locuteur ne veut pas se laisser mener par le bout du nez par un estomac qui n’en fait qu’à sa tête. Ensuite la question fondamentale est posée : faut-il être zen pour lire Vargas. A mon humble avis non, mais je m’immisce dans une conversation à laquelle je m’étais promis de ne pas prendre part. Enfin, il est écrit : elle a le mérite d’écrire des polars différents. Tout à fait, mais c’est le rôle d’un écrivain, d’un auteur, d’un romancier de ne pas écrire à l’identique de ses confrères ou consœurs. C’est même une obligation sinon cet auteur romancier écrivain ne risque-t-il point d’être accusé de plagiat ? Et vlan !

 

C :

Mais c’est vrai qu’il faut aimer les ambiances décalées, bizarres, pas forcément logiques.

Intervention d’un correspondant qui ne s’était pas manifesté depuis quelques messages. Cette phrase possède un double sens qui, A Mon Humble Avis, ne résout pas le problème puisque son ton sibyllin risque de perturber un peu plus les lecteurs des messages qui ne participent pas activement à cet échange de plus en plus feutré. Il faut aimer… : est-ce une injonction, une obligation de lire des romans décalés et tutti quanti, ou tout simplement un conseil, il faut aimer les ambiances… pour se plonger dans l’univers Vargasien ?

 

E :

C’est bien ce que je disais : c’est une question de longueur d’ondes ! D’équation personnelle, comme disait un personnage célèbre. Pour être très différents, sûr ils le sont ! Et il me semble que beaucoup apprécient, vu qu’elle a eu un grand prix de littérature policière ou un truc de ce genre.

Cher ami, d’abord ce n’est pas ce que tu disais, mais ce que tu écrivais. Mais bon nous ne te tiendrons pas rigueur d’une faute de syntaxe puisque via le Net, la correspondance presque en direct donne l’impression que nous nous parlons plus que nous écrivons. Je ne voudrais pas pinailler mais Vargas n’a pas reçu que le Grand Prix de littérature policière ou un truc de ce genre. Je ne vais toutefois pas recenser tout ces prix qu’elle a obtenu puisque d’autres rédacteurs dans cette revue le feront aussi bien que moi et cela risquerait de faire doublon. Mais j’apprécie que tu écrives qu’il s’agit d’équation personnelle. En effet chacun a le droit de lire ce qu’il lui plait et c’est bien pourquoi il existe autant d’auteurs de romans policiers sur le marché et qu’autant de genres sont proposés aux lecteurs. Un même lecteur peut aimer tout à la fois Mary Higgins Clark, Frédéric Dard/San Antonio (d’ailleurs l’emploi de pseudonymes explique le pourquoi du comment), Chandler, Pouy, Mizio et Vargas. Ce n’est pas incompatible et de plus cela démontre une curiosité littéraire non négligeable tant vis à vis des éditeurs que des auteurs.

 

G :

J’ai réussi l’examen ?

Je te rassure pas de diplômes à la clé. Merci d’avoir répondu : c’était détaillé et intéressant.

Cette phrase qui répond d’abord à une question ci-dessus posée, clôt le débat d’une manière frustrante mais en même temps polie. C’était détaillé et intéressant. Le débat manque toutefois de profondeur, certains ayant répondu plus longtemps que d’autres, avec moult détails, mais il est à noter que celui ou ceux qui ont allumé la mèche et provoqué cette explosion de messages se sont courageusement réfugiés dans un silence ostentatoire.

 

Le scripteur de cet article n’ayant plus grand chose à ajouter se retire sur la pointe des pieds et ne vous livrera pas ses conclusions personnelles quant à la lecture des romans de Fred Vargas. Il ne pourra que vous engager à apprécier un court ouvrage intitulé “ Petit traité de toutes vérités sur l’existence ” et qui s’il n’est pas policier est bourré de bon sens.

Je vous donne rendez-vous dans un prochain article, à définir par le rédac chef qui lui au moins n’est pas à court d’idée et sait vous relancer au bon moment lorsque vous sentez faiblir votre implication. Mais ceci n’était qu’une réflexion personnelle que vous n’étiez pas obligé de lire.

 

Cet échange de civilités s'est tenu sur le site de discussion Rompol du 2 avril au 5 avril 2001.

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20 juillet 2014 7 20 /07 /juillet /2014 15:45

La fascination selon Stéphane Bourgoin...

 

bourgoin.jpg


Mais qu'est-ce qui pousse Stéphane Bourgoin à s'intéresser aux Serial killers ? Une fascination indéfectible depuis plus de trente ans et qui perdure malgré cette annonce d'une version définitive d'un ouvrage qui a déjà connu quatre précédentes versions depuis la première publiée en 1993.

Dès 1979, Stéphane Bourgoin avait eu l'occasion de rencontrer soixante-dix sept tueurs, de sexe féminin ou masculin, dans des prisons américaines principalement mais également en Europe, Pays de l'Est ou Afrique du Sud grâce à ses relations avec diverses forces de police. On a les relations qu'on veut, ceci ne nous regarde pas. De fil en aiguille, ce magnétisme qui le poussait à rencontrer ces meurtriers s'est étendu aux agents du FBI à Quantico, où se situe l'académie du FBI, que des profilers de toutes nationalités et des psychologues, des rencontres qui se sont traduites ensuite par des conférences, des documentaires, des manifestations diverses et bien entendu la trame de nombreux ouvrages comme Le Cannibale de Milwaukee, L'Etrangleur de Boston, L'Ogre de Santa Cruz, et bien d'autres.

Afin de mieux appréhender ce copieux volume, qui pèse pas mois de 1 kilo 668 grammes, j'ai vérifié, je pense que la déclinaison des premiers chapitres vous en dira plus sur le contenu de cet ouvrage :

1 - Du crime en général et des serials killers en particulier.toole

2 - Naissance d'un criminel sexuel. Il est vrai que les mobiles d'un tueur en série sont difficiles à définir, mais il faut remarquer qu'en général ils réagissent à des pulsions sexuelles à l'encontre de prostituées, Arthur Showcross par exemple qui étranglait des péripatéticiennes, ou d'enfants comme le pédophile sud-africain Stewart Wilken. Mais cet attrait pour la chair peut entraîner des actes de vampirisme, Richard Chase et James Riva notamment, de cannibalisme comme Ottis Toole, ou des nécrophiles. Les exemples ne manquent pas.

3 - Serials killeuses. En effet les hommes n'ont pas l'apanage des ces tueries.

4 - La traque des serials killers. Des enquêtes de longue haleine qui peuvent durer des années.

5 - La détection des tueurs en série. Une existence longtemps niée ou sous estimée, mais qui passionne les foules toujours avides de sensationnel. Témoin le téléfilm consacré à Francis Heaulme et à ses crimes qui a drainé lors de sa diffusion en 2005 pas moins de dix millions de téléspectateurs. Et les journaux, qui aux XIXème et début du XXème siècle ne possédaient pas de concurrence médiatique, enregistraient leurs records de vente lors de la parution d'articles relatant la découverte de cadavres.

6 - Les "tueurs de la route". Un sous-chapitre analyse les mythes et réalités des serials killers.

7 - Le profil psychologique.

8 - Roger Depue : quinze ans à traquer les serials killers pour le FBI.

9 - Profession : profiler. Des psychologues qui dressent les portraits psychiques des criminels et qui travaillent avec les policiers en leur fournissant les profils selon les méthodes employées lors des meurtres.

kumper.jpg10 - Portraits de serials killers. La partie la plus conséquente de l'ouvrage avec dix-huit portraits de tueurs isolés, de couples ou encore la relation du massacre de Matamoros. Voir les portraits de Edmund Emil Kemper et d'Ottis Toole.

XI - Entretiens avec des tueurs en séries, chapitre qui comme son titre l'indique relate les nombreux entretiens que Stéphane Bourgoin a pu obtenir auprès de détenus dans les geôles américaines ou européennes. Stéphane Bourgoin a su assembler auprès de ces hommes leurs témoignages un peu comme un prêtre recueille les confidences de leurs paroissiens dans un confessionnal.

12 - Seuls faces au diable : trois psychiatres témoignent. Des entretiens séparés réalisés en novembre 1991.

 

stephane_bourgoin_2011.JPGEnfin cet ouvrage se clôt avec une imposante bibliographie des serials killers. D'abord une liste consacrée aux ouvrages dits généraux puis le recensement d'une bibliographie dite cas individuels répertoriant quatre cent vingt-trois tueurs en série allant de Charles Albright jusqu'à un tueur inconnu, responsable de quarante-trois meurtres et qui a entretenu une longue correspondance avec la police et les médias de juillet 1969 à avril 1978, en leur fournissant des indices, et qui se présentait sous le pseudonyme du Zodiaque.

 

Un fort et imposant volume (1kg668 !) qui intéressera tous les lecteurs amateurs et curieux de cet aspect de la criminalité mais pas facile à transporter sur la plage dans un sac au milieu des serviettes et des crèmes diverses, et surtout à lire dans de bonnes conditions.

Cet ouvrage est complété par un encart iconographique de vingt-quatre pages.


Stéphane BOURGOIN : Serial Killers. Enquête mondiale sur les tueurs en série. Avec la collaboration d'Isabelle Longuet et Joël Vaillant. Edition définitive. Editions Grasset. Parution le 25 juin 2014. 1104 pages. 27,00€.

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28 mai 2014 3 28 /05 /mai /2014 12:13

Hommage à Ian Fleming né le 28 mai 1908.

 

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En réalité autant de fois qu'on le veut...

Au moment où sort sur les écrans (cette chronique date de la sortie du livre), Quantum of Solace, le nouveau James Bond interprété par Daniel Craig, Le moins était de rendre hommage au créateur de ce mythe littéraire qui connut véritablement la gloire et la renommée grâce à la prestation magistrale de Sean Connery dans les premières adaptations cinématographiques.

L’ouvrage de Jacques Layani permet de mieux découvrir le personnage de James Bond à travers la vie de son créateur. En effet, Ian Fleming, né le 28 mai 1908, outre ses nombreux succès féminins dès sa prime jeunesse, a travaillé comme journaliste, profession qui fut un temps une couverture. Il émergea en effet en tant qu’agent secret au Foreign Office puis à la Naval Intelligence Division. Il parle français et allemand, possède des notions de russe, voyage énormément. En 1946 il achète un bout de terrain en Jamaïque et fait construire une maison, dont il dessine les plans, qu’il appellera Goldeneye.

Il est chargé par le groupe de presse qui l’emploie de créer et d’organiser le service étranger. Près de quatre-vingt correspondants sous sa coupe, dont certains sont également des espions. Il obtient de ses employeurs le bénéfice d’un congé annuel de deux mois consécutifs, un temps libre qu’il passe à Goldeneye et le mardi 15 janvier 1952, il crée le personnage de James Bond. Le 18 mars de la même année le manuscrit est achevé. Il s’intitule Casino Royale et est publié en 1953. Le succès n’est pas immédiatement au rendez-vous et il faudra attendre l’adaptation cinématographique pour que le personnage de James Bond devienne une référence mondiale, cannibalisant presque son auteur, comme le firent certains de ses prédécesseurs tels que Arsène Lupin, Sherlock Holmes ou encore Rouletabille.

Ian Fleming s’est fixé une règle à laquelle il ne dérogera pas, sauf lors de ses dernières années. Il écrit deux mille mots quotidiennement, de 9h30 à 12h30 et ne corrige son texte que lorsqu’il a en terminé la rédaction. Et le livre paraît au moment où il entame une nouvelle histoire. Son train de vie altère sa santé. Il est hospitalisé en avril 1961, suite à une première attaque cardiaque mais il ne veut pas changer de rythme de vie. Quotidiennement il fumerait la bagatelle de soixante dix cigarettes et avalerait une bouteille de gin. Un régime qui lui est funeste puisqu’il décède le 12 août 1964. Mais James Bond n’est pas mort, pour preuve l’actualité cinématographique.

Jacques Layani aborde également l’œuvre et l’art de Fleming ainsi que les diverses traductions françaises. Ainsi les deux premiers romans publiés en France le furent par Gallimard, dans la Série Noire avec des titres complètement farfelus comme c’était la mode à l’époque. “ Entourloupe dans l’azimut ” et “ Chauds les glaçons ”. Il dénonce aussi les coupes sombres effectuées par les Presses Internationales pour la collection Inter-Espion dont Echec à l’Orient Express rebaptisé Bons baisers de Russie (titre original) ou Requins et services secrets alias Vivre et laisser mourir (là encore titre original). Ces titres feront l’objet d’une nouvelle traduction chez Plon qui publiera l’intégrale des James Bond dans les années 60. Actuellement, et il ne tarit pas d’éloges sur cette initiative même s’il conteste certains points de détails, la série des James Bond a été republiée chez Bragelonne avec une nouvelle traduction de Pierre Pevel, auteur lui-même de romans fantastique.

Enfin il s’insurge contre Francis Lacassin et sa soit disant intégrale chez Bouquins avec une préface laissant plus ou moins à désirer. Il analyse l’art de Fleming dans la transposition de son personnage, sa façon de travailler, ses références littéraires comme Chandler et Hammett en particulier sans oublier Simenon, mais ne tombe pas dans l’apologie à outrance de l’auteur. Il sait reconnaître les erreurs de l’écrivain, ses défauts comme les idées reçues, les clichés xénophobes qui existent dans ses romans. Bien sûr il explique que ces façons de penser, d’écrire étaient dans l’air du temps mais il ne les excuse pas pour autant. Un livre qui permet de mieux découvrir Ian Fleming et son œuvre, même si de nombreux ouvrages ont déjà été consacrés au père de James Bond, mais hélas non traduits en France.


Jacques  LAYANI : On ne lit que deux fois. Ian Fleming, vie et œuvre du créateur de James Bond 007. Editions Ecriture. Parution le 18 octobre 2008. 188 pages. Existe en version Kindle.

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14 avril 2014 1 14 /04 /avril /2014 08:19

Comme si vous y étiez !

 

debarquement-au-cinema.jpg


Dans quelques semaines se dérouleront les commémorations du 70ème anniversaire du Débarquement des troupes alliées sur les plages de la Manche et du Calvados. Cet épisode de la Seconde guerre mondiale, qui signifiait pour le régime nazi le début de la défaite, a été abondamment décrit dans des documentaires, des essais et des romans de fiction, certaines scènes étant plus marquantes que d'autres. Dont notamment lors du parachutage sur Sainte Mère l'Eglise, la fin de nuit passée par John Steele accroché par son parachute au debarquement-1.jpgclocher de l'église alors que les cloches sonnaient à toute volée. Cet épisode fait l'objet d'une scène mémorable dans le film Le Jour le plus long tiré d'un livre de Cornélius Ryan. Or, l'histoire du parachutiste, en réalité ils furent deux, ne tient qu'en quelques lignes dans l'ouvrage de Cornélius Ryan. Jean Quellien, professeur d'histoire à Caen et spécialiste de la Bataille de Normandie, précise même que dans son témoignage, le maire de l'époque ne fait pas mention des paras accrochés au clocher, qui d'ailleurs sont tombés de l'autre côté de la place, dans une petite rue.

Le cinéma s'empara rapidement de ces faits de guerre décrivant des péripéties remarquables mais en prenant souvent quelques libertés avec la vérité et ce ne sont pas forcément ceux qui entrent dans la catégorie Humour et Comédie, tels La 7ème compagnie ou encore La Grande Vadrouille, prétextes à gags comiques, qui firent les plus grandes entorses à l'histoire. Sous l'humour, parfois potache, se dissimule le désarroi, la désespérance, la consternation, la démoralisation, la naïveté et l'héroïsme inconscient des troupes françaises, les incohérences des états-majors et l'arrogance teintée vulgarité de l'envahisseur le tout porté à son maximum.

Mais ces films ont été précédés par des reconstitutions historiques, presque des docu-fictions qui ont plus ou moins marqué les esprits des spectateurs, qu'ils soient cinéphiles ou non. En août 1944 le cinéaste bayeusain Jean Grémillon revient sur ses terres d'origine et il réalise Le 6 juin à l'aube qui ne sera achevé qu'en 1946. Les décors sont naturels et il n'aura besoin d'aucun artifice pour montrer la désolation des ruines et du ravage des bombardements. La sortie commerciale en 1949 sera amputée de quinze minutes, la version originale de soixante-quinze minutes ayant été jugée trop longue par les distributeurs. Il n'existe plus que de rares copies préservées aux Archives françaises du film à Bois d'Arcy dans les Yvelines.

A la même époque ou presque René Clément réalise le premier vrai film, c'est à dire une fiction dont l'histoire emprunte à la réalité pour mieux la détourner. La Bataille du rail est censée se dérouler dans la région de Chalon sur Saône mais la plupart des scènes seront tournées en Bretagne dans les Côtes du Nord, aujourd'hui les Côtes d'Armor. Et ce tournage fut une véritable curiosité car, alors que la Bretagne était privée de train depuis juin 1944, des trains roulaient pour les besoins de la réalisation. Et la SNCF accepta de sacrifier une locomotive et ses wagons pour la scène du déraillement (et non du déraillage comme il est écrit dans le texte, ce mot servant à définir l'opération consistant à remettre les fils de trame d'un tissu à leur place).

D'autres films à grand spectacle et à grand budget vont marquer les esprits : Il faut sauver le soldat Ryan, Band of Brothers ou encore Les douze salopards. Plus intimistes, Un singe en hiver d'Henri Verneuil ou encore Mariage de Claude Lelouch mettent en scène des personnages pris dans la tourmente du 6 juin, puis les années passant, leurs déboires, leurs mésaventures amoureuses ou non, leurs péripéties alcooliques.

Vingt-sept films sont ainsi analysés de fond en comble, avec des témoignages, des précisions sur les tournages, des entretiens, des rectificatifs historiques. Trente trois autres sont déclinés rapidement avec un court résumé et le générique. Et ceux qui connaissent déjà ces films ainsi que les véritables cinéphiles découvriront l'envers du décor. Car pour réaliser un grand film qui marque les esprits, il faut prendre des libertés avec l'Histoire, libertés qui entretiennent parfois des confusions dans la mémoire. Et Jean Quellien, qui affirme non sans raison que Ce film [Le jour le plus long] a fabriqué une mémoire de pacotille, narre cette anecdote : un père de famille explique l'histoire du parachutiste à ses enfants. Il sait tout. En fait il raconte le film. Ses enfants raconteront la même chose demain à leurs enfants. Et c'est ainsi que se perpétuent les entorses à la vérité. Mais la fiction n'en est-elle pas plus belle, plus poignante !

Si j'ai cité le livre de Cornélius Ryan, on revient toujours à lui et au film du Jour le plus long, d'autres romans ont servi de support aux scénarii comme un Singe en Hiver, ou encore dans un domaine qui nous intéresse plus particulièrement, le roman noir, La Lune d'Omaha tiré du roman éponyme de Jean Amila, adapté en téléfilm en 1985 par Jean Marboeuf, lequel répond à quelques questions posées par Jean-Noël Levavasseur sur les conditions de tournage.

Un bel ouvrage à mettre entre toutes les mains, afin de découvrir quelques images fortes du cinéma ou de peaufiner ses connaissances cinématographiques. Le tout est richement illustré de photos extraites des films, des lieux de tournage, de portraits d'acteurs et de réalisateurs, sous une couverture cartonnée. Nul doute que cet ouvrage trouvera sa place dans votre bibliothèque afin d'être compulsé à la demande.


Collectif : Le débarquement au cinéma. Editions Ouest-France. Parution mars 2014. 96 pages. 6,90€.

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7 mars 2014 5 07 /03 /mars /2014 12:22

 

Hommage à Léo Malet, né le 7 mars 1909.

 

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La réédition de la Trilogie Noire, la publication de son Journal secret, la remise en vente des Nouveaux mystères de Paris avec une couverture de Tardi, le tout aux éditions Fleuve Noir, remettaient une fois de plus au goût du jour Léo Malet qui fut l'un des chantres de la capitale et le promoteur avec André Héléna du roman noir à la française.

Il est de bon ton aujourd'hui de la part de certains de crier haro sur celui qui influença bon nombre de romanciers de polars, pour des idées racistes provenant d'un homme devenu aigri à la fin de son existence, alors qu'ils avouent lire Céline avec plaisir.

Des idées pro-anarchistes, libertaires, contestées aujourd'hui, des obsessions sexuelles qui firent le bonheur de quelques journalistes, des sentiments parfois exacerbés à l'encontre des Arabes ou des Gitans, ce qui dans les années cinquante n'était pas perçu de la même façon que maintenant, ont déstabilisé quelque peu le socle sur lequel était édifiée sa statue.

Alfu, dans cet ouvrage fort bien documenté, essaie de percer le personnage au travers de ses œuvres, superposant Léo Malet à Nestor Burma. En disséquant l'emploi quasi systématique par Léo Malet du Je dans la narration, Alfu établit le parallèle existant entre le héros et son créateur.

Sans être un fanatique de Léo Malet, quoi que, ayant dévoré cette saga Burmassienne il y a plus d'une trentaine d'années à en attraper une indigestion, il est agréable de se replonger dans une atmosphère aujourd'hui estompée.

Fièvre au Marais, le premier ouvrage que j'ai lu de Léo Malet, dans lequel je retrouvais ce quartier où j'ai habité avant la construction de l'usine à gaz pompidolienne, me permettait de me retremper dans une ambiance quelque peu surannée. Si l'on peut être d'accord avec Léo Malet sur l'aspect inesthétique des constructions modernes érigées ça et là, on ne peut déplorer la démolition d'immeubles vétustes et laids, comme celui où je résidais.

Alfu a réalisé un ouvrage qui, pour m'exprimer comme certains critiques, se lit comme un roman, pour ne pas dire un polar. Ce parcours d'une œuvre, loin d'être complaisant, redonne, par les citations nombreuses extraites pour étayer les propos d'Alfu, envie de relire ces Nouveaux mystères de Paris un brin nostalgiques.


ALFU : Léo Malet, parcours d'une œuvre. Collection références N°8. Editions Encrage. Parution septembre 1998. 160 pages. 15,00€.

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26 février 2014 3 26 /02 /février /2014 13:14

Un ouvrage sympathique dans lequel Gilbert Gallerne nous apprend comment devenir écrivain.

 

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Comme le rappelle si justement l'auteur, la peinture et la musique sont enseignées de plus en plus couramment, soit à l'école, soit par des méthodes appropriées vendues par correspondance ou des ouvrages disponibles en librairies. Or le métier d'écrivain est considéré comme un don que l'on ne peut que développer soi-même, sans apprentissage venu de l'extérieur.

Certes, comme pour la peinture ou la musique, il faut posséder un minimum de talent, un don inné, mais ce talent, ce don ne peuvent s'exprimer, à de rares occasions près, que s'ils sont encouragés, épanouis par une formation simple mais rigoureuse.

Gilbert Gallerne nous dévoile ses petits secrets, indispensables pour qui veut véritablement réussir, sur la présentation, sur la documentation, sur ce qu'il appelle les secrets des professionnels.

Il nous distille, souvent avec humour, ses conseils pour la construction du récit, dans la rédaction des dialogues, du style à employer, de la mise en place des personnages, du suspense et de l'intrigue. En un mot la technique.

Vers quel genre de récit se tourner afin d'écrire dans le domaine qui convient le mieux, comment une fois le livre ébauché se comporter en écrivain professionnel même si l'on n'a pas décidé d'en faire son véritable métier, comment vendre son manuscrit enfin terminé auprès d'un éditeur, souvent réticent à la publication d'un ouvrage provenant d'un inconnu, savoir frapper à la bonne porte, et ne pas se soumettre, parce que l'on est fier de son produit, à n'importe quel contrat, autant de petits trucs et astuces primordiaux.

Gilbert Gallerne s'appuie sur des exemples concrets, provenant de son expérience personnelle, et cela ne manque pas de saveur. Après, si vous êtes toujours partant, vous pourrez tenter l'aventure en déjouant les pièges qui se dresseront devant vous. Mais ce qu'il faut avant tout, et qu'aucun manuel ne pourra vous enseigner si bien documenté soit-il, c'est de posséder la foi, celle qui vous ferait déplacer des montagnes, parcourir des déserts, traverser l'Atlantique à la nage.


Cet ouvrage peut être commandé sur le site des  éditions Encrage.


Gilbert GALLERNE : Je suis un écrivain. Sous-titré Guide de l'auteur professionnel. Collection Travaux Bis. Editions Encrage. Parution mai 1998. 164 pages. 10,00€.

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21 septembre 2013 6 21 /09 /septembre /2013 09:44

Bon anniversaire à Stephen King, né le 21 septembre 1947.

 

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Un ouvrage de référence consacré au Maître de Bangor, c’est-à-dire Stephen King himself.

Laurent Bourdier, après une rapide présentation de ce phénomène de l’édition qu’est Stephen King et une biographie sommaire, s’attache à disséquer l’œuvre selon les thèmes développés dans les ouvrages du fantastiqueur le plus traduit dans le monde.

L’unité géographique et les personnages récurrents, deux thèmes qui au premier abord échappent au lecteur peu sagace, puis les thèmes prédominants comme la religion, la technologie, le pouvoir politique et le capitalisme, et surtout l’enfance.

Enfin la relation entre les héros de Stephen King et l’auteur lui-même, à travers quelques uns de ses romans les plus célèbres. Misery par exemple.

Laurent Bourdier met l’accent sur le rejet par les universitaires du phénomène King, sur sa popularité contrebalancé par un accueil critique timide. Symptôme qui ne se limite pas aux Etats-Unis et aux auteurs de romans populaires d’outre atlantique. En France aussi nous possédons des romanciers qui sont lus par des millions de personnes mais sont ignorés par l’intelligentsia littéraire. Mais ceci est un autre débat.

Un ouvrage extrêmement fouillé, érudit mais en aucun cas ardu à lire. Afin de ne pas tomber dans les lieux communs je n’écrirai pas qu’il se lit comme un polar, mais presque. Il devrait non seulement combler les amateurs, pour ne pas dire les passionnés de Stephen King, mais également les curieux qui n’ont lu que quelques romans du maître et désirent en connaître davantage sur sa vie et surtout son œuvre.


Laurent BOURDIER : Stephen King, parcours d’une œuvre. Collection Références N°11. Editions Encrage. Avril 1999. 160 pages. 10,00€.

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