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29 septembre 2017 5 29 /09 /septembre /2017 10:07

Le papa de Rouletabille et de Chéri-Bibi qui eut tout de même bien d’autres enfants…

ALFU : Gaston Leroux, parcours d’une œuvre.

En créant la collection Références en 1996, Alfu souhaitait proposer de mettre à la portée de tous, dans une présentation claire, l’essentiel des connaissances sur un auteur et son œuvre.

Une entreprise louable qui compte aujourd’hui à son catalogue vingt titres mais qui semble être en hibernation prolongée. Dommage, car Raymond Chandler, Jean-Patrick Manchette, Dashiell Hammett, Jules Verne, Herbert-George Wells, Léo Malet, entre autres, ont eu l’honneur d’être disséqué.

Mais pour autant, comme ces titres sont toujours en vente, notamment sur le site de l’éditeur, tout amateur curieux et désireux de parfaire ses connaissances y trouvera son compte.

 

Le premier volume de cette collection est consacré à l’un des maîtres de la Littérature Populaire qui, à l’instar de bon nombre de ses confrères, Zévaco et Simenon notamment, débuta dans le journalisme. La littérature populaire, Gaston Leroux la revendiquait, mais pas n’importe comment. D’ailleurs il préférait l’appellation Roman d’aventures.

J’ai toujours apporté le même soin à faire un roman d’aventures, un roman-feuilleton, que d’autres à faire un poème. J’ai eu comme ambition de relever le niveau de ce genre si décrié.

Evidemment, le fait d’écrire des romans populaires à succès ne plaisait pas à tout le monde, surtout aux représentants d’une littérature académicienne et ennuyeuse.

Déjà, en 1909, Gaston Leroux avait réglé ses comptes avec l’Académie Française en publiant Le Fauteuil hanté. Dans ce roman trois habits verts décèdent coup sur coup d’une mort mystérieuse. Les candidats ne se pressent pas pour poser leur arrière-train sur les fauteuils des manquants et le secrétaire perpétuel n’a pour seul recours de se rabattre sur un nommé Lalouette. Or cet écrivain dicte ses livres car il ne sait ni lire ni écrire.

En 1920, un différend l’oppose à l’académicien Marcel Prévost, qui siège sous la coupole depuis 1909. Cet écrivain, qui était fort renommé à l’époque, n’appréciait pas le roman d’aventures et il le faisait savoir avec force, ne ménageant pas ses diatribes. En réponse à ces attaques, Gaston Leroux répondit, en insistant sur plusieurs sujets qui lui paraissent primordiaux :

Mon avis est que si le roman d’aventures, dénué de toute psychologie, est la chose la plus méprisable du monde, le roman psychologique dénué de toute aventure est bien, de son côté, l’œuvre la plus ennuyeuse, la plus insupportable, la plus vaine, la plus inutile et la plus haïssable qui soit, car, après avoir fait mourir d’ennui le lecteur, il ferait mourir le « roman » lui-même, qui est le genre de littérature le plus charmant que l’on ait pu imaginer pour la distraction et le délassement des esprits, les plus simples comme les plus cultivés.

Qui dit mieux ?

 

Cet ouvrage, Gaston Leroux, parcours d’une œuvre, est scindé en huit parties d’inégales longueurs. Après son introduction, Alfu s’attache à la biographie de Gaston Leroux en survolant trois étapes : Enfance et adolescence normandes, le journaliste parisien puis le romancier niçois.

Ensuite, la plus longue partie de ce volume nous propose de mieux comprendre l’homme et son œuvre dans Une œuvre double, laquelle est décomposée en cinq sections, elles-mêmes fractionnées en plusieurs sous-chapitres. Un choix d’écriture qui se traduit par une lecture aisée, aérée. Je ne vais pas vous les citer toutes, mais vous en présenter quelques-unes, révélatrices du romancier et de son parcours.

Ainsi dans Trois périodes, Alfu revient sur les trois périodes qui ont jalonné cette courte vie puisque Gaston Leroux est décédé d’une embolie suite à une intervention chirurgicale, alors qu’il n’avait pas encore atteint ses soixante ans : L’enfance et l’adolescence, le journaliste puis le romancier. Ensuite c’est Une âme de journaliste qui est analysé, sachant que dans ses romans Gaston Leroux a mis beaucoup de lui et de ses expériences. Il n’est pas anodin que Rouletabille soit un journaliste, par exemple. Mais Gaston Leroux était également un joueur, au propre comme au figuré.

 

Une autre partie non moins intéressante est la bibliographie commentée. Romans, nouvelles et ouvrages concernant son activité professionnelle de journaliste, des articles réunis dans des volumes comme L’agonie de la Russie blanche, sont disséqués en quelques lignes qui résument et éclairent ces textes.

Sans oublier une partie filmographie et bien d’autres articulets qui cernent et font le tour de la production de Gaston Leroux et mettent en valeur la personnalité de l’écrivain-journaliste homme de théâtre et de cinéma.

Un ouvrage que j’oserais qualifier d’indispensable pour aider à mieux comprendre l’œuvre de Gaston Leroux et d’en appréhender les ressorts. Et pour ceux qui ne le connaissent pas ou ont survolé ses romans, de l’apprécier et de le relire.

Et pour vous faire une opinion sur la diversité de cette collection, retrouvez ci-dessous quelques liens :

 

Si Alfu déplore, avec justesse, qu’aucun ouvrage biographique n’avait été écrit sur Gaston Leroux, quelques articles ayant été publiés par-ci par-là, cet oubli a été réparé en 2003 avec la parution de Gaston Leroux ou le vrai Rouletabille par Jean-Claude Lamy aux éditions du Rocher.

ALFU : Gaston Leroux, parcours d’une œuvre. Collection Références N°1. Encrage éditions. Parution 10 septembre 1996. 128 pages. 9,00€.

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15 septembre 2017 5 15 /09 /septembre /2017 08:02

Non, non, rien n’a changé
Tout, tout a continué…

JEAN-CHARLES : La foire aux cancres.

Dans son préambule, Jean-Charles écrit, attention accrochez-vous aux branches car ceci est tellement d’actualité qu’on oublie que l’ouvrage a paru en 1962 :

Si les lycées avaient des clochers, ils sonneraient sans cesse le tocsin. L’enseignement secondaire français traverse en effet une crise grave qui s’explique par plusieurs raisons.Nous sommes obligés de refuser des élèves, disent les proviseurs.

Les classes sont surchargées, se plaignent les professeurs.

On ne s’occupe que des élèves les plus doués, protestent les parents.

Cela commence bien, vous ne trouvez pas ? Et les cancres là-dedans ? Ils sont furieux. Et pourquoi sont-ils furieux ?

Moins, comme l’imaginent les parents, parce que l’on ne s’occupe pas d’eux que parce qu’ils se rendent compte de l’ineptie des programmes scolaires.

Naturellement la solution est toute trouvée : modifier les programmes scolaires. Plus facile à dire qu’à faire, vous en conviendrez, à moins de laisser ce soin à des technocrates qui n’y connaissent rien mais se font fort de trouver des réponses à ces questions angoissantes.

Le Ministre de l’éducation nationale a annoncé, lors de la dernière rentrée, la création d’une commission chargée de supprimer, dans les programmes scolaires, tout ce qui n’était pas essentiel… Sur quoi, on apprit, qu’en plus du reste, les élèves allaient avoir droit à des cours d’éducation civique.

Il a dû frapper fort sur son clavier de sa machine à écrire, Jean-Charles, en rédigeant cette critique qui ne manque pas de bons sens.

 

A l’école, les cancres rivalisent d’âneries, ceci est un fait avéré. Mais ils ont de qui tenir, car nos romanciers, et non des moindres ne furent pas en reste. L’on connait les célèbres bourdes littéraires de Ponson du Terrail, mais bien moins celles de Balzac :

Un commissaire de police répond silencieusement : Elle n’est point folle.

Ou encore de Prosper Mérimée :

Enfin, mettant la main sur ses yeux comme les oiseaux qui se rassurent…

Les traducteurs n’échappent pas non plus aux erreurs. Florian, dans sa traduction de Don Quichotte affirme :

Ces belles qui, toujours sages, couraient les champs sur leurs palefrois et mourraient à quatre-vingts ans tout aussi vierges que leurs mères…

 

Il ne faut pas croire que ce livre n’est qu’une recension de bons mots, d’à-peu-près, de réponses désopilantes, de perles d’incultures qui auraient fait les délices de Ray Ventura et ses Collégiens qui ont chanté Le Lycée Papillon, une chanson de Georgius, mais il s’agit bien d’un véritable réquisitoire sous forme de diatribe, pour la défense de l’enseignement et des enseignants.

 

Ainsi peut-on lire, page 81 de la présente édition :

Je ne vais pas cependant jusqu’à prétendre qu’il faut remplacer les professeurs par des machines. … Nous savons que rien ne remplace un excellent professeur. Malheureusement il y a de moins en moins d’excellents professeurs. Pourquoi ? Je l’ai déjà dit : parce qu’ils ne sont pas assez payés. Un homme est un homme, disait ma grand-mère. Que l’on essaie donc de rétribuer les médecins de campagne au même tarif que les instituteurs et de payer les cardiologues et autres spécialistes comme les professeurs de faculté, on verra alors si le niveau de la médecine française ne diminue pas.

 

Ceci mérite réflexion, n’est-ce pas ? Mais il semble que le niveau intellectuel des hommes, et femmes, politiques a baissé plus vite et plus profondément que celui des étudiants et du commun des mortels. Et de nos jours, tous les ans on nous informe que des changements vont intervenir à chaque rentrée, que de nouveaux programmes vont être appliqués, avant d’être expérimentés, et qu’il y aura de plus en plus de bacheliers, la France en a besoin.

Comme l’écrit Jean Failler dans Mary Lester et la mystérieuse affaire Bonnadieu :

Les examinateurs ne paraissent plus aussi exigeants qu'autrefois, quand ils éliminaient impitoyablement nos grands-parents pour cinq fautes dans une dictée de certificat d'études. Si vous voyiez les rapports que rédigent certains de ces bacheliers ces dernières couvées !

 

Alors que bon nombre d’animateurs télé ou radio, de comédiens, de romanciers, de chefs d’entreprises, voire d’hommes politiques se vantent, s’enorgueillissent d’avoir été des cancres à l’école, il est désolant de constater que des BAC +3, 4, 5, frappent, sans succès, à la porte de madame Paule Emploi.

Il serait bon que cet ouvrage, dont la dernière édition remonte à 1999, soit réédité, et fourni à nos braves députés et ministres, afin de leur donner un sujet de réflexion, ce qui les occuperait au lieu de pondre des lois qui n’ont aucun sens, et répondre n’importe quoi lors des interviews. N’est-ce pas monsieur Emmanuel Macron, qui déclarait le 26 mars dernier :

Ce qu'il se passe en Guyane depuis plusieurs jours est grave. C'est grave en raison des débordements. Mon premier mot est celui d'un appel au calme parce que, je crois que bloquer les pistes d'aéroport, bloquer les décollages, parfois même bloquer le fonctionnement de l'île ne peut être une réponse apportée à la situation.

JEAN-CHARLES : La foire aux cancres. Editions Calmann-Lévy. Parution 1962. 220 pages.

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10 juillet 2017 1 10 /07 /juillet /2017 08:43

Lady Day, un fruit étrange...

Billie HOLIDAY : Lady sings the blues.

Eleonora aurait pu s’appeler Cendrillon, tant sa jeunesse, son adolescence, sa vie même, seront calqués sur cette héroïne de conte pour enfant. Mais aucun prince charmant ne lui offrira une paire de chaussures de vair, et les souliers vernis qu’elle portera, elle se les aura achetés avec ses propres deniers.

Mais avant de devenir Lady Day, sobriquet affectueux donné par Lester Young, qu’elle même avait surnommé Prez, Billie Holiday, puisque c’est bien d’elle dont il s’agit, aura connu bien des déboires, des misères, des incidents, des viols, des enfermements en maison de redressement, la prison, des brimades familiales, des injures raciales, puis la drogue, toutes choses dont un enfant ne possédant pas sa force de caractère, aurait eu du mal à se relever.

Dès sa naissance, cela s’était mal engagé. Sa mère n’avait que treize ans, son père quinze, et quand ils se sont mariés, Billie en avait trois. Son père rêvait d’être trompettiste mais les aléas de la guerre firent qu’il rentra gazé, les poumons en capilotade. Il se reconverti en guitariste, et au bout de quelques temps trouva un engagement dans l’orchestre de Fletcher Henderson. Sa mère obligée pour gagner son pain, travailla comme boniche, et la confia à la cousine Ida, laquelle avait déjà deux enfants et vivait avec les parents et l’arrière-grand-mère.

Outre les tabassages répétés que la cousine Ida ne manquait pas de lui infliger pour n’importe quelle raison, la plupart du temps sans raison valable, le premier grand choc qu’eut Billie fut de se réveiller coincée dans les bras de l’arrière-grand-mère morte. Afin de se faire un peu d’argent elle lava les perrons blancs des bourgeoises blanches. Lorsqu’elle a commencé à chanter, ce fut pour des picaillons, mais elle courra toujours après l’argent, même lorsque les cachets devinrent conséquent. Faut dire qu’elle se laissait arnaquer naïvement, fallait qu’elle paie sa chambre, ses repas, ses tenues de gala, ses déplacements. Et ce ne sont pas ses enregistrements qui lui assuraient un pécule.

Les faces enregistrées étaient payées au compte gouttes, à la séance, et après, lorsque les disques marchaient bien, avaient du succès, c’étaient les compagnies qui empochaient. Les musiciens, les chanteurs ne touchaient pas de royalties. Et nous étions loin du piratage Internet dénoncé actuellement par les majors.

Elle se sera produit avec les plus grands orchestres et musiciens, Benny Goodman, Lester Young, Ben Webster, Louis Armstrong, et tant d’autres. Dans des clubs huppés ou minables, parfois à sa grande honte. Ne lui a-t-on pas demandé un soir de se foncer la peau car elle était jugée trop claire aux yeux d’un propriétaire de club, en comparaison de ses musiciens.

Le racisme du Sud et du Nord, différents dans leur approche mais tout aussi inconvenant, blessant, désobligeant, offensant, choisissez le qualificatif il ne sera jamais assez fort, elle le subira tout au long de sa vie.

Née le 7 avril 1915, décédée le 17 juillet 1959, Billie Holiday aura vécu un enfer, et succombera d’abus de stupéfiant et d’alcool. Heureusement il restera les disques qu’elle a enregistrés, avec son orchestre ou avec des partenaires prestigieux, et en les écoutant, après avoir lu ce livre, on ne pourra s’empêcher d’être ému et révolté par tout ce qu’elle a enduré. Un véritable roman noir, dans tous les sens du terme, même si ce n’est qu’une biographie.

Billie HOLIDAY : Lady sings the blues. Collection Eupalinos ; Editions Parenthèses. Récit recueilli par William Dufty . Traduit de l’américain par Danièle Robert. Première parution janvier 2002. Réimpression 2013. 12,00€.

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3 juin 2017 6 03 /06 /juin /2017 05:33

Sur la route des souvenirs...

François DARNAUDET : Boris, ses motos, les Bardenas et autres déserts....

Ne cherchez pas dans ce texte une intrigue policière, une utopie science-fictionnesque, une évasion fantastique. Non, juste un cri d'amour sous forme de rédemption, un palliatif à la douleur, une façon de retrouver par des images, par des souvenirs, des instants de vie. Et surtout de dompter un sentiment de culpabilité qui ronge, qui gangrène, de modérer un manque, une disparition.

 

Boris, le fils de l'auteur, a voulu tester les lois de la gravité le 30 août 2015, en sautant du haut du viaduc de Collioure. Mais comme Icare il s'est mal réceptionné, laissant un grand vide auprès de ses parents et ses amis.

Ses motos, c'est surtout sa Honda CB 500 rouge, celle avec laquelle il effaçait les cercles de peur de ses pneus. Et afin de ne pas être en infraction avec la code de la route, il portait un casque. Seulement le casque, comme la casquette, cela comprime le cerveau, cela met la pression. A tel point qu'il était atteint de dépression.

Les Bardenas, c'est une région désertique du nord de l'Espagne, au sud de la Navarre. Un désert qui ressemble étrangement aux paysages mythiques de l'Ouest américain comme Monument Valley.

Les autres déserts évoqués dans le titre ? Le désert affectif ressenti après la disparition brutale de Boris. Le désert d'une présence filiale, d'une connivence littéraire également.

 

François Darnaudet raconte avec pudeur ce passage à vide puis le moment où il a enfourché la moto de Boris, retrouvant des sensations de jeunesse, et parcourant de Collioure jusqu'aux Bardenas, en passant par Andernos, effectuant un trajet émotionnel, purificateur, thérapeutique, comme un exutoire physique à une douleur. Autre exutoire, l'écriture, avec laquelle l'auteur peut soulager sa peine, du moins essayer, et qui se concrétise par la parution de ce texte.

Un texte humain qui permet de se retrouver, de surmonter sa douleur, peut-être, mais aussi de communiquer avec ceux qui ont subi ce genre de traumatisme et de faire comprendre à ceux pour qui la vie et le destin se sont montrés indulgents qu'ils risquent eux aussi un jour de connaître la perte non programmée d'un être cher.

Pour découvrir littéraire de Boris Darnaudet, je vous propose quelques liens.

François DARNAUDET : Boris, ses motos, les Bardenas et autres déserts.... Parution le 17 avril 2017. 76 pages. En vente sur Amazone. Version papier (conseillée) : 6,50€. Existe en version numérique.

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24 mai 2017 3 24 /05 /mai /2017 05:16

Hommage à Roger Moore, décédé le 23 mai 2017.

Roger MOORE: Amicalement vôtre. Mémoires.

“ Le 14 octobre 1927, peu après minuit, Lily Moore, née Pope, mit au monde un petit garçon de 58,4 centimètres à la maternité de Jeffrey Road, dans le quartier de Stockwell, au sud de Londres. Georges Alfred Moore, mon père, agent de police au commissariat de Bow Street, avait vingt trois ans. Ça, c’est qu’on m’a raconté. J’étais bien évidemment trop jeune pour me souvenir d’un jour aussi capital que celui de ma naissance. Je fus baptisé Roger Georges Moore et restai fils unique. Dès leur première tentative, mes parents avaient atteint la perfection. A quoi bon recommencer ? ”

Ces premières lignes de la biographie de Roger Moore donnent le ton. L’humour est omniprésent dans le voyage organisé de ses vies. Vies familiale et cinématographique, petits accrocs et grandes joies qu’il aborde avec tact. Le personnage des séries télévisées ou de cinéma ressemble à l’homme. Elégant, raffiné, charmeur, quelque peu aristocrate, il privilégie la distinction aussi bien en paroles qu’en actes mais surtout il se conduit en gentleman. Il se campe avec autodérision, et narre avec une jubilation certaine les blagues d’adolescent pré pubère dont ses partenaires subissent les conséquences. Lorsqu’il a été trop loin, il reconnaît son erreur et se promet de ne plus recommencer. Il ne dit jamais de mal de tous ceux qu’il a pu côtoyer au cours de sa carrière. D’ailleurs il affirme “ J’ai toujours pensé que si l’on a rien de gentil à dire sur quelqu’un, il vaut mieux se taire ” (page 279). L’élégance même vous dis-je.

Le père de Roger, qui était un acteur amateur doué, aimait mettre en scène des pièces de théâtre et réaliser les décors. C’était également un bon musicien et un magicien tout à fait honorable. Et comme il aimait aller au cinéma en compagnie de sa famille, tout était réuni pour que le jeune Roger trouve sa vocation. Pourtant les débuts sont assez difficiles. Il travaille dans un studio d’animation, monte sur les planches, au théâtre des armées notamment en Allemagne durant son service militaire, puis fait de la figuration, de la doublure. Comme il faut assurer sa subsistance, il pose comme modèle pour des catalogues de tricots. Il joue de petits rôles et obtient un engagement pour interpréter Ivanhoé. C’est le début de sa carrière de Serial Actor. Suivront Le Saint assurant une certaine notoriété internationale puis Amicalement vôtre, série avec Tony Curtis, la consécration. Manquait à sa carrière de vrais premiers rôles dans des films de grand spectacle. La série des James Bond y pourvoira. Roger Moore sait aussi se montrer humaniste et les derniers chapitres, parfois poignants, de sa biographie le démontrent. Sous la carapace se révèle un homme engagé, sous la houlette de Audrey Hepburn, et milite depuis plus de quinze ans dans le cadre de l’Unicef. L’épilogue illustre le caractère facétieux de Roger Moore qui conclut par une pirouette : “ …On m’a souvent demandé quelle serait mon épitaphe. La réponse est simple. Comme je n’ai pas l’intention de mourir, je n’en aurai aucune !

Plus qu’une biographie, c’est une belle leçon d’optimisme et de philosophie.

Réédition des Editions de L’Archipel. Parution octobre 2008. Cahier photos 16 pages.

Réédition des Editions de L’Archipel. Parution octobre 2008. Cahier photos 16 pages.

Roger MOORE: Amicalement vôtre. Mémoires. Editions Archipoche. Parution octobre 2012. 450 pages. 8,65€. Avec la collaboration de Gareth Owen. Traduction de Vincent Le Leurch, Bamiyan Shiff et Christian Jauberty. Réédition des Editions de L’Archipel. Parution octobre 2008. Cahier photos 16 pages.
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5 avril 2017 3 05 /04 /avril /2017 09:07

Bon anniversaire à Alfred Eibel, né le 5 avril 1932.

Alfred EIBEL : Jean-Bernard Pouy ou Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Jean-Bernard Pouy sans oser le demander.

Auteur ironique, iconoclaste, sarcastique, oulipoupien, Jean-Bernard Pouy s'est imposé dans le paysage polardien en quelques titres devenus, sinon des classiques, du moins des textes recherchés par bon nombre de fans.

Révélé par la bande dans le roman Very Nice paru chez Albin Michel dans la défunte collection Sanguine, grâce à la pertinence de Patrick Mosconi, et qui contenait deux œuvres, l'une due à Patrick Raynal, La clef de seize, l'autre étant Spinoza encule Hegel, titre prémonitoire sur les relations privilégiées de J.-B. avec toute une cohorte d'écrivains se réclamant de mai 68. Pouy atteindra la notoriété avec son deuxième roman, édité à la Série Noire : Nous avons brûlé une sainte.

Pouy, découvreur ou promoteur de talents, Pennac, Syreigeol, Benacquista, Dantec, Thiébaut, Pavlof, Fonteneau... s'est également investi en aidant de petites maisons d'éditions telles que l'Atalante, Clé, La Loupiote ou encore Baleine, créant le personnage récurrent et multi-auteur du Poulpe.

On connaît la partie immergée de Pouy et grâce à Alfred Eibel, on peut maintenant en apprécier la profondeur. Modeste, Pouy prétend qu'il ne se prend pas comme un écrivain, mais plutôt comme un auteur. Ce qui n'enlève rien, au contraire à son talent.

Pouy travaille dans la spontanéité de l'écriture, tout en jouant, tout en se lançant des défis, que les lecteurs ne comprennent pas toujours, privilégiant le fond à la forme. Défis singuliers pour un personnage pince sans rire qui ne l'est pas moins.

Outre l'entretien qu'il accorde à Alfred Eibel, Pouy nous parle du roman noir, de la vie, de ses coups de cœur, de ses agacements, en petites phrases choc, coups de poing assenés avec humour.

Pouy aimerait animer une émission de deux à trois minutes à la télévision, une rubrique parlant de tout et de rien. Pourquoi pas un nouveau Mr Cyclopède ? Il en possède le talent et le rire grinçant.

Un florilège de critiques parues dans différents médias et concernant ses romans étayent ce côté non dithyrambique qu'il cultive, reconnaissant ses erreurs ou ses faiblesses.

A sa manière Alfred Eibel dissèque par petites touches les ouvrages de J.-B., les ingérant, les digérant et nous les restituant sous forme de réflexions. Enfin une bibliographie exhaustive de Pouy recense tous ses romans, nouvelles, écrits divers (jusqu'à la parution de cet ouvrage qui date de 1996). Sans oublier la nouvelle inédite, reflet d'un Pouy de sagesse, défenseur ardent de la littérature populaire. Le tout agrémenté de photos, dessins et citations. Un livre qui se lit avec plaisir, et pour employer la formule consacrée, comme si c'était un polar.

Alfred EIBEL : Jean-Bernard Pouy ou Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Jean-Bernard Pouy sans oser le demander. Collection Mything. Editions Méréal. Parution mars 1996. 176 pages.

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2 avril 2017 7 02 /04 /avril /2017 13:44

Si vous voulez être écrivain, ayez des chats.

Aldous Huxley (1815-1895)

Boris MAYNADIER : Lovecraft. Sous le signe du chat.

La relation entre félidés et écrivains n'est plus à démontrer. Si l'un des exemples les plus connus, et les plus poilants, est celui de Paul Léautaud, il ne faut oublier Colette, et bien d'autres auteurs représentés photographiquement avec cet animal de compagnie affectueux, indépendant et solitaire.

Le chat est aussi un personnage important dans les contes, nouvelles et romans ou sert simplement de prétexte dans des titres évocateurs sans pour autant qu'il soit présent dans la narration. Le Chat botté, naturellement, de Charles Perrault, et plus près de nous, L'espion au pattes de velours de Les Gordon, Blues pour un chat noir de Boris Vian, Patte de velours de Frédéric Fajardie, Les contes du chat perché de Jacques Prévert, Félidés d'Akif Perinçi, et bien sûr le couple de chats Koko et Yom-Yom de Lilian Jackson Braun dans la série Le chat qui....

Et parmi les romanciers qui ont entretenus des liens particuliers avec les chats, on peut citer Lovecraft. Howard Phillips Lovecraft qui, quatre-vingt ans après sa mort, le 15 mars 1937, hante toujours les bibliothèques et les esprits. Et son influence auprès des romanciers n'est pas tarie.

Et les études, essais et autres, consacrés à ce grand fantastiqueur américain, foisonnent, car s'il a marqué de son empreinte l'imaginaire de grands romanciers, il n'a jamais été égalé dans sa vision pessimiste du monde.

Selon Joyce Carol Oates, dans The King of Weird, il a exercé une influence considérable sur les générations suivantes d'écrivains d'horreur.

S'inspirant des travaux de Gilles Deleuze et Félis Guattari, dont Mille plateaux dans lequel les deux auteurs définissent la notion de devenir-animal, Boris Maynadier livre une étude qui ne manquera pas d'intéresser les nombreux admirateurs de cet écrivain né le 20 août 1890,c'est-à-dire sous le signe du Tigre dans l'astrologie chinoise.

Le tigre, félin sauvage non apprivoisé et solitaire, s'est mué en chat et est devenu indissociable de l'œuvre, de la vie et de la philosophie de Lovecraft.

C'est ce que nous explique et démontre Boris Maynadier dans les différents chapitres intitulés :

HPL, devenir animal.

Le promeneur.

Le rêveur.

L'outsider.

Le gentleman.

L'amateur.

Le génie félin.

Notes et bibliographie.

A l'aide de nombreux extraits d'ouvrages, romans, nouvelles, poèmes et correspondances diverses avec notamment Frank Belknap Long ou Clark Ashton Smith, Bruno Maynadier illustre ses propos, comme des vignettes obligatoires qui révèlent l'auteur des Chats d'Ulthar, sans vouloir, comme le précise l'auteur de cet ouvrage, expliquer l'œuvre de Lovecraft par sa vie et inversement.

Je dois avouer que, même si j'ai lu quelques romans ou nouvelles signées Lovecraft, puis par son élève, ami et continuateur August Derleth, j'ai beaucoup appris grâce à cet ouvrage. Mais c'est à lire avec concentration, dans le calme et la sérénité, pas comme un roman. Enfin presque.

 

De Lovecraft et autour de Lovecraft :

 

Boris MAYNADIER : Lovecraft. Sous le signe du chat. Collection KhThOn N°4. Editions de la Clef d'Argent. Parution 3 février 2017. 62 pages. 9,00€.

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9 février 2017 4 09 /02 /février /2017 06:43

A déguster sans modération...

Serge SAFRAN: L’amour gourmand. Libertinage gastronomique au XVIIIème siècle.

Les plaisirs de la table et les plaisirs sexuels sont les deux mamelles des plaisirs de la chair.

Serge Safran, en gourmand et fin gourmet, a convié à sa table littéraire des invités prestigieux tels que Boyer d’Argens, Caylus, Rétif de la Bretonne, Crébillon fils, Marivaux, Fougeret de Montbron, Nerciat, Casanova ou encore Sade, pour n’en citer que quelques-uns.

Au menu, le chocolat, le café, les huîtres, le Champagne, les liqueurs, les vins plus quelques amuse-gueules comme le tabac et autres friandises. Bref de quoi réveiller les sens gustatifs et charnels de lecteurs affamés qui ne considèrent pas la lecture comme un en-cas, mais veulent, exigent du roboratif et du jouissif, sans être incommodés par des digestions lentes et difficiles dont le résultat peut amener à des troubles de somnolence.

L’amour gourmand revisite avec délice ces auteurs jugés licencieux, et l’on se rend compte qu’au moins leur prose était délectable, comme un plat préparé amoureusement, tout en finesse, couleurs, légèreté, bien loin des orgies livresques dont certaines collections du XXème siècle inondèrent les étals des libraires, tels des fricots peu ragoûtants. C’est un témoignage également sur une époque révolue, le siècle des Lumières, grâce aux nombreux exemples, citations, extraits d’ouvrages, tranches de vie subtiles, recueillies par Serge Safran comme autant de gâteries et de douceurs.

L’humour ne manque pas, ingrédient indispensable, comme les épices dans un plat sucré salé. Le libertinage était une forme de joie de vivre, et l’on se prend à rêver à cette époque révolue qui ne connaissait pas l’emballage sous vide. Les métaphores, nombreuses, démontrent une joliesse des images et que le cru n’est pas de mise, au contraire il indispose. Le verbe est riche mais pas gras. Nos libertins du XVIIIème siècle savaient manier les mots, mitonner les phrases, jongler avec les allusions, sans pour autant provoquer des maux de ventre, de tête ou tout autre partie du corps.

Un livre savoureux à offrir, à s’offrir, à déguster, à savourer, sans arrière pensée et sans modération.

Serge SAFRAN: L’amour gourmand. Libertinage gastronomique au XVIIIème siècle. Collection L’Attrape-corps. Editions La Musardine. Réimpression. Parution le 9 février 2017. 272 pages. 16,00€.

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5 janvier 2017 4 05 /01 /janvier /2017 06:07

Un remarquable bouquet de Lupin...

Paul GAYOT & Jacques BAUDOU : Dictionnaire de Lupinologie. Arsène Lupin dans tous ses états.

Lupin, Arsène de son prénom, tout le monde connait, ne serait-ce que par les adaptations cinématographiques et télévisuelles de ses aventures. Des adaptations par ailleurs fort controversées, aussi bien dans la réalisation, les scénarios, que dans le choix des comédiens interprétant notre Gentleman cambrioleur national. Ceci n'est qu'affaire de goût, et les scripteurs des deux articles concernant le cinéma et la télévision fournissent leurs appréciations auxquelles on adhère, ou pas.

Plus qu'un dictionnaire, cet ouvrage pourrait s'apparenter à une encyclopédie lupinienne, s'intéressant de A, comme Aiguille d'Etretat, à Z comme Zoologie.

Comme le précisent les deux auteurs dans leur avant-propos, Que le lecteur ne s'attende pas à ce que le présent ouvrage soit un Dictionnaire Arsène Lupin. Le gentleman-cambrioleur a déjà eu son Emile Littré avec Jacques Derouard, auteur de deux dictionnaires parus aux éditions Encrage. Le propos développé ci-après est différent : s'il concerne évidemment Arsène Lupin, il traite surtout de ce pourquoi celui-ci n'est au fond qu'un prétexte : la lupinologie. Une recherche savante et inutile car purement désintéressée et dégagée des contingences universitaires ou commerçantes.

Il s'agit donc d'effectuer un recensement d'études éparpillées un peu partout, dans des revues difficilement accessibles, pour diverses et multiples raisons, ces revues (et fanzines) ayant le plus souvent bénéficié d'un tirage réduit. Et encore fallait-il les connaître afin d'adhérer à ces associations qui les publiaient. Profitons-en pour signaler l'existence de l'Association des Amis d'Arsène Lupin, qui édite l'Aiguille preuve, bulletin qui a succédé à l'Aiguille creuse, plus un bulletin d'actualités, L'Echo de France, plus un blog et une page Facebook sur Internet. On peut adhérer et s'abonner en écrivant à l'association des Amis d'Arsène Lupin, 4 boulevard du Président Coty. 76790 Etretat, pour la somme de 39,00€.

Le site : http://aaal.hautetfort.com/

 

Cela précisé, passons au contenu que l'on peut grappiller comme on pioche dans les différents plats qui sont proposés lors d'un buffet garni, ou le dévorer page après page, article après article, dans une lecture linéaire.

Dans l'article intitulé Des Astres, les deux complices reviennent sur différentes études selon lesquelles la figuration de La Grande Ourse serait semblable à un document qui aurait inspiré Maurice Leblanc, la carte des abbayes installées par Colomban sur l'emplacement d'anciens dolmens. De même l'emplacement des immeubles construits par L. Destanges dans Herlock Sholmès arrive trop tard serait, selon Bernard Côme, une spéculation stellaire de la Grande Ourse.

Tout comme l'avait fait Conan Doyle pour Sherlock Holmes, Maurice Leblanc aurait évoqué des aventures qui n'ont pas été écrites et qui font l'objet d'une recension, de même que les voyages qu'a été censé effectuer son héros.

Sont présentés également les inspecteurs Ganimard et Béchoux, Isidore Bautrelet, Dorothée danseuse de corde, ainsi que les nombreuses identités d'Arsène Lupin, et des écrivains qui ont eu des relations post-mortem avec Maurice Leblanc ou Arsène Lupin. Parmi ceux-ci, Jacques Bens, Boileau-Narcejac et principalement Thomas Narcejac auteur de pastiches fort réussis des aventures du gentleman cambrioleur, Francis Lacassin, ou encore Michel Lebrun, auteur d'un texte peu connu, Ma vie est un roman, hommage qui fut réédité en 1982 par la Maison de la Culture de Reims. Michel Lebrun qui est également l'auteur d'un Décalogue publié entre autre dans la revue Europe N°604/605 d'août/septembre 1979, qui était consacrée à Arsène Lupin. Dans ce même article Michel Lebrun recensait les imitateurs, émules et épigones d'Arsène Lupin.

Un article intitulé Contrepets s'attache à recenser quelques tournures de phrases dans lesquelles se seraient glissées des contrepèteries. Or, si l'on étudie attentivement tous les textes des romanciers, on peut retrouver des tournures similaires qui sont glissées soit par inadvertance, soit sciemment. Et bien évidemment, lorsqu'un Quai est évoqué, il faut l'associer immédiatement à un mot qui comporte la syllabe en U. Par exemple Tu te trouveras dans une rue perpendiculaire au quai. (La femme aux deux sourires). Une déviance qui a fait le bonheur des chansons paillardes du début du XXe siècle avec notamment Le trou de mon quai chanté en 1928 par Dranem et reprise en 1971 par Les Charlots. Pour ceux qui ne connaissent pas, en voici un petit extrait :
Y a un quai dans ma rue
Y a un trou dans mon quai
Tu pourras sans t'déranger
Voir le quai de ma rue et le trou de mon quai.

Et bien entendu Il court, il court le furet (Victor de la Brigade mondaine) renvoie à une célèbre comptine enfantine qui n'était pas si sage. Mais là, je vous laisse décrypter.

Les auteurs reviennent sur certains articles parus ici et là, les compilent, les analysent, en démontrent parfois l'aspect quelque peu farfelu, des élucubrations qui veulent à tout prix démontrer ce que le rédacteur a voulu prouver, mais qui en fin de compte ne prouvent rien. Jubilatoire, amusant, distrayant, intéressant et qui nous change des ouvrages barbant.

Je passe sous silence bien d'autres articles captivants et édifiants, à des titres divers mais que vous découvrirez sûrement avec intérêt.

Ce Dictionnaire de Lupinologie, ou cette Encyclopédie, ravira tous ceux qui professe envers le célèbre Gentleman-Cambrioleur une forme d'affection, une nostalgie anarchisante à mettre aux côtés des exploits de Robin des bois et autres serviteurs des pauvres au détriment des plus nantis. Un ouvrage qui donne envie de lire ou relire les aventures d'Arsène Lupin, pour le plaisir.

 

Paul GAYOT & Jacques BAUDOU : Dictionnaire de Lupinologie. Arsène Lupin dans tous ses états. Bibliothèque d'Abdul Alhazred N°16. Editions Œil du Sphinx. Parution 31 juillet 2016. 250 pages. 20,00€.

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7 décembre 2016 3 07 /12 /décembre /2016 07:08

Ma grand-mère a un grenier

plein de toiles d'araignée ;

mais dans les coffres de bois

on y trouve des merveilles... (Claude CLEMENT)

Viviane JANOUIN-BENANTI : Le grenier magique. L'inimaginable crime de Châteauroux.

Mais dans le grenier évoqué dans ce roman, inspiré de faits réels, ce ne sont pas forcément la présence de jouets qui incite l'abbé Henri Tissier à inviter la jeune Clémence à s'y rendre.

Tout commence en 1853, lorsque le curé Georges, de la paroisse de Saint-Maur près de Châteauroux, tombe malade. Il a monté un mur, un beau mur tout le monde l'affirme, sous la pluie, et depuis il tousse à rendre l'âme et ne peut plus se lever. Sa bonne Marie est désolée, d'autant que le médecin n'arrive pas à juguler la maladie.

Le jeune abbé Henri Tissier est chargé par l'évêché de le suppléer dans ses tâches sacerdotales. Il est beau, charmant, affable, l'abbé Tissier et si les paroissiens se désolent de l'agonie du curé Georges, ils acceptent avec plaisir son remplaçant.

Le curé Georges demande à l'abbé d'aller voir Denise Mesure, la femme du garde-champêtre. Elle a la réputation de s'y connaître en plantes médicinales et elle pourrait peut-être lui préparer des potions susceptibles de l'aider à le soulager. Lors de sa visite à cette dame Mesure, dont l'habitation est sise non loin de la forêt, l'abbé Tissier remarque la jeune Clémence, neuf ans. La gamine est elle aussi impressionnée par cet abbé et lorsqu'elle se rend au catéchisme, elle n'a d'yeux et d'oreilles que pour lui.

Clémence est tellement subjugué par cet abbé aux allures de dandy, que lorsqu'à la fin du catéchisme, en cachette des autres enfants, il lui propose de visiter le grenier magique, elle ne refuse pas. C'est l'engrenage infernal qui débute et durera des années.

Clémence devient renfermée, parfois coléreuse, elle refuse même l'Eucharistie. Son père trop occupé à placer ses procès-verbaux ne se rend compte de rien. La mère, elle, se pose des questions, mais elle attribue ce changement d'humeur de sa fille à l'âge ingrat. Les parents confits en dévotion deviennent sourds et aveugles aux tourments de leur fille.

Le curé Georges vit toujours, alité, et l'abbé Tissier reste à demeure. Personne ne s'aperçoit de la transformation physique et psychique de la gamine, tout juste ose-t-on proférer qu'elle est dérangée. Elle doit subir seule son esclavage.

 

Triste histoire de cette fillette qui à l'âge de neuf ans connaîtra le loup comme il était de bon ton de le dire dans les campagnes. Elle va bientôt vivre repliée sur elle, dépendante de cet abbé exigeant, autoritaire envers elle et affable envers ses paroissiens.

Ce qui est le plus désolant dans cette affaire, c'est l'aveuglement des adultes, pour qui un homme de religion ne peut être que bon et aimant, dont les actes ne peuvent être contraires aux principes édictés par la charité chrétienne et dont la morale ne peut être prise en défaut.

Seulement, aujourd'hui encore nous apprenons tous les jours, ou presque, que de telles dérives existent toujours. Et que l'impunité prévaut sauf lorsque la voix populaire se fait assourdissante.

Une fois de plus Viviane Janouin-Bénanti emmène son lecteur dans une trouble affaire exhumée des archives provinciales. Au début on croit lire une histoire telle qu'aurait pu la narrer George Sand, champêtre, pastorale, voire bucolique, mais bien vite on entre dans le désarroi d'une gamine à cause de l'inconscience et le déni face aux comportements de religieux qui, après tout sont des hommes comme les autres avec leurs défauts.

Viviane JANOUIN-BENANTI : Le grenier magique. L'inimaginable crime de Châteauroux. Geste édition. Parution le 30 août 2016. 280 pages. 16,00€.

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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