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31 janvier 2016 7 31 /01 /janvier /2016 10:53

Mais c'est Dieu qui l'a créée ! Il parait...

Stuart KAMINSKY : Et le Diable rencontra la femme

Dans la série Moi j'aime le cinéma, incontestablement on ne peut passer sous silence, et je m'en voudrais de le faire, de passer sous silence donc, les romans de Stuart Kaminsky.

Du moins ceux qui mettent en scène le privé californien Toby Peters. Je ne veux pas dire pour autant que les autres sont moins intéressants, loin de là, mais j'ai comme qui dirait un faible pour ce mec qui a toujours mal au dos. Peut-être une forme inavouée de symbiose.

Revenons à nos moutons comme disait Panurge.

Un des romans de Stuart Kaminsky porte le titre français de Moi, j'aime le cinéma, et qui s'en plaindra, contant l'une des aventures de Toby, l'homme qui enquête dans les milieux cinématographiques hollywoodiens des années 1940 et se retrouve à chaque fois fauché, malgré la qualité de ses clients qui, soit dit en passant, pourraient se fouler un peu plus le poignet en versant l'obole qu'il a largement mérité.

Je sais, j'utilise abondamment des adverbes, surtout en ment, et alors, c'est défendu ? Il me semble qu'ils sont dûment répertorié dans les dictionnaires de bon aloi. Et Bernard Pivot à qui un journal littéraire avait posé la question s'il était pour la suppression des adverbes se terminant pas ment, avait répondu évidemment !

Vous remarquerez que je ne me prive pas, comme les scénaristes ou les feuilletonistes qui divergent afin de faire durer le suspense, à moins qu'ils se trouvent bloqués dans une situation inextricable et demandent à un de leurs copains de leur souffler la suite du texte qu'ils doivent écrire, de prendre des chemins de traverse et d'allonger la sauce.

Dans Et le Diable rencontra la femme (le veinard !), Toby est contacté par le mari de Bette Davis. Il travaille pour un bureau d'études non gouvernemental, s'occupant de recherches aéronautiques confidentielles, et dont le résultat pourrait influer sur la prolongation du conflit modial (je rappelle que cette histoire se déroule en 1943, mais vous le saviez déjà peut-être). Un inconnu lui a téléphoné, le menaçant de créer un énorme scandale, d'enlever sa femme, affirmant posséder un enregistrement dans lequel Bette Davis... (Toby ne veut pas en savoir davantage), bref de lui fournir certains renseignements, notre détective devant assurer la transaction.

Toby accepte le mission, c'est à dire protéger la vedette, et fait appel à ses amis, Gunther le nain, Sheldon le dentiste, Jérémy le poète. Persuadé que le premier mari de Bette Davis ne peut qu'être le maître-chanteur, il décide de s'octroyer également les services d'Andréa Pincketts, le détective le plus louche du monde, avec qui il avait fait équipe à ses débuts quelques années auparavant.

Pinketts se souvient fort bien de l'incident de l'enregistrement, auquel Toby avait lui aussi participé n'étant pas au courant du travail peu ragoûtant qu'il devait alors effectuer et les conséquences qui en résulteraient.

Pinketts et Toby avaient procédé à la demande du premier mari de Bette à un enregistrement des relations charnelles entre l'actrice et un troisième larron, de la conversation explicite échangée et des bruits non moins explicites. Le mari bafoué, je sais dit comme ça cela fait un peu tiré par la queue, avait récupéré l'objet compromettant ignorant que Pinketts en avait réalisé un autre, échangé quelques semaines plus tard contre une coquette somme d'argent.

Toby tente de remonter la filière, mais des tueurs se dressent sur son chemin et il se fait enlever en compagnie de celle qu'il doit protéger. Pas bon pour son image de marque !

 

Cette aventure inédite de Toby Peters, qui a toujours mal au dos et entretient avec sa logeuse des relations non équivoques, d'ailleurs cela ne le tente pas, est un véritable régal aussi bien pour les cinéphiles que pour les autres. Le lecteur découvre une facette de l'actrice qui porte mal son prénom, facette qu'il ne connaissait peut-être pas.

Celle d'une femme qui, malgré son statut de star, n'hésite pas à remonter le moral des troupes, proposant par exemple un lieu de rencontres, de spectacles, aux soldats en permission ou en instance de départ pour le Pacifique. Ou encore, récitant un poème lors d'une soirée organisée entre gens de la petite société.

Un roman qui nous change des serials killers à la mode et donne envie de retrouver le charme des films en noir et blanc.

 

Stuart KAMINSKY : Et le Diable rencontra la femme (The devil met a lady - 1993. Traduction de François Loubet). Collection Grands Détectives N°3011. Editions 10/18. Parution novembre 1998. 240 pages.

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30 janvier 2016 6 30 /01 /janvier /2016 09:18

Être financier, c'est pas du gâteau !

Claude CHARLES : Léo, tout faux.

Un accrochage dans Paris, entre deux véhicules qui se percutent, cela relève du quotidien. Mais pour Sandrine Duflot, qui se présente comme travaillant au Ministère des Finances, plus précisément à la Brigade Financière, c'est la catastrophe. Son capital bonus est en péril.

Pas de problème lui rétorque câlin, Maillard, son percuteur. Lui, c'est Christian, Maillard comme je l'ai déjà précisé, et il est courtier en tableaux. Il achète, il revend avec bénéfice, et roule sur l'or et en 4x4, le tracteur urbain. Les réparations sont à sa charge, de même que le verre de l'amitié qu'il lui propose dans un endroit huppé de Paris, Paris qui est également le prénom de l'héritière de la chaine d'hôtels où ils se donnent rendez-vous. Vous me suivez ? Bien, cela dit, de fil en aiguille se tricote une gentillette histoire d'amour entre notre jeune femme et le quinquagénaire, ou supposé tel.

Sandrine aussi a menti, mais subjuguée par Maillard elle rectifie le tir. En réalité elle travaille chez Uniphone, qui comme son nom l'indique est une société de téléphonie. Elle est même la secrétaire du grand patron Mahon, qui est plus ou moins un mac, directif, violent, arrogant, colérique, despotique, et autres qualificatifs dont vous voudrez bien l'affubler du moment que cela ne soit pas à son avantage. Et elle ne compte pas ses heures de présence, et de travail, toujours à sa disposition, quelles que soient les circonstances.

Leur première rencontre a eu lieu le 13 janvier 2013, et nous suivons l'évolution de leurs rapports, de leurs confidences, de leurs rendez-vous, et de bien d'autres choses aussi et ceci pendant quelques semaines, avant que l'auteur les abandonne à leur sort pour nous présenter d'autres personnages qui vont prendre une importance indéniable dans ce roman qui nous met en garde contre les prélèvements. Prélèvements financiers bien sûr.

 

9 avril 2013. Caro, alias Carole, reçoit un message, signé Léo, sur son téléphone. Dix ans qu'elle ne l'avait plus vu, qu'elle n'en avait plus entendu parler, et là d'un seul coup, il se rappelle à son bon souvenir. Ce n'est uniquement pour ses beaux yeux que Léo lui demande de venir, et d'ailleurs elle n'est pas la seule à être convoquée. Sont également présents lors de la réunion, Damien dit Dédé et Rémy.

Ils possèdent chacun leur spécialité que va mettre à profit Léo qui envisage, et même a mis au point une arnaque financière. Carole est consultante en optimisation fiscale, Damien est expert en sécurité informatique en retraite, Rémy, en retraite également, est spécialiste des réseaux télécom, quant à Léo, en retraite lui aussi, se targue d'une expérience de direction de projet. C'est le grand moment, celui d'annoncer pourquoi ils sont tous réunis ce jour là.

Léo a imaginé d'escroquer Uniphone en détournant les prélèvements automatiques mensuels, juste une partie sinon les responsables financiers s'en apercevraient immédiatement, ce qui devrait leur rapporter la coquette somme de deux cents millions d'euros, à partager selon ses directives, lui se réservant la plus grosse part arguant qu'il apporte les fonds nécessaires pour la mise en place de cette manipulation. L'opération détournement est programmée pour la mi-août, ce qui devrait leur laisser le temps nécessaire pour peaufiner leur stratagème. Tandis que Damien et Rémy s'introduisent dans le sous-sol du local abandonné par les services informatiques à cause d'un déménagement effectué trois mois auparavant, et installent un système informatique branché sur l'ancienne ligne téléphonique toujours en service, Carole est chargée d'ouvrir des comptes au nom de Publiphone, dans différents établissements bancaires et agences, afin de pouvoir récupérer les prélèvements.

Elle doit également contacter une machine à laver avec laquelle elle est habituée à travailler. Dans le jargon des financiers, il s'agit d'une société spécialisée dans le blanchiment d'argent. Mais toujours pour éviter que la fraude soit connue par trop de monde et que l'argent arrive par la suite sur leurs comptes, elle va contacter deux lavandiers qui géreront les opération en marge de leurs dirigeants. Bien entendu ils vont se sucrer au passage, et comme prudence est mère de sécurité, elle charge une amie qui officie comme détective d'enregistrer leurs conversations lors de son voyage à Vienne (Autriche) et de les filmer, assurant ainsi ses arrières et neutralisant leurs velléités de cafardage ou autre.

 

Malgré les bisbilles qui se dressent entre les divers éléments du groupe, entre Damien et Rémy un vieux contentieux se prolonge et tous deux à la moindre parole de travers risquent de tout faire capoter, entre Carole et Léo, petit à petit tout se met en place.

 

Mais il ne faut pas jouer avec les sentiments des femmes, cela revient en pleine figure comme un boomerang à celui qui pense pouvoir manipuler ces charmantes dames. Si elles se sentent trompées, bafouées, avilies, leur capital confiance se désagrège et dans ce cas elles peuvent se montrer plus virulentes, plus vindicatives, plus rusées, plus roublardes que leur tourmenteur moral qui s'est amusé avec elles. Pourtant à son âge, et quelques antécédents malheureux, Léo n'a pas tout compris, n'a pas assimilé les leçons. Il pourra s'en mordre les doigts.

L'aspect financier et surtout l'arnaque montée pourrait donner des idées à quelques lecteurs. Seulement l'auteur ne dévoile pas toutes les ficelles, juste ce qu'il faut pour comprendre le processus. Et puis même si tout n'est pas assimilé, si comme Léo qui n'avait pas vraiment suivi tout ce qui lui avait été expliqué, il suffit de retenir un chose : l'opération aura bien lieu en août. C'est après que cela devient plus problématique.

Claude CHARLES : Léo, tout faux. Collection Dépendances. Editions Territoires Témoins. Parution le 3 décembre 2015. 276 pages. 20,00€.

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29 janvier 2016 5 29 /01 /janvier /2016 14:19

Bon anniversaire à Yves Ellena né le 29 janvier 1944.

Yves ELLENA : Radio Corbeau.

La délation a toujours existé, et pour propager les médisances, les racontars, les ragots ou les vérités qui ne sont pas toujours bonnes à dire, le véhicule le plus fréquent était le bouche à oreilles.

Les lettres anonymes firent florès également. Mais ces dénonciations n'impliquaient en général qu'une personne.

Aussi l'utilisation d'une radio locale pour dévoiler des affaires louches, des turpitudes, des infamies, des magouilles, des crimes même, jette la stupeur, la consternation, la colère puis la révolte, dans un petit village des Alpes de Haute Provence, Saint Meyran.

Douze mille habitants qui vivaient bien sereinement, dans une douce quiétude, oubliés des grandes métropoles et qui apprennent brusquement que l'incendie d'une ferme est dû à une origine criminelle, que le notaire a des relations extraconjugales, qu'un bijoutier serait un receleur de bijoux volés, et bien d'autres vilenies.

Mais le Sycophante, puisqu'ainsi se surnomme le dénonciateur, le révélateur de ces bassesses, agit-il dans un esprit de vengeance ?

Les esprits s'échauffent, s'exacerbent, des comités de défense s'organisent, et des innocents sont pris à partie.

 

Ce roman se termine en fin ouverte, et l'auteur a peut-être envie de réutiliser certains de ses personnages qui sont parfois attachants, tel le localier ou journaliste local Maurier.

Sans être un réquisitoire, ce roman dénonce simplement une certaine intolérance d'idées, de mœurs. Partis pris, incompréhension, méfiance des autochtones vis-à-vis d'une personne considérée comme étrangère puisque n'étant pas de la région.

 

Yves Ellena, spécialiste cinématographique et scénariste, a construit cette intrigue un peu à la façon d'un scénario. Peu de détails superflus, dialogues courts et percutants, descriptions de paysages ou de situations narrées en peu de mots, mais efficacement comme si une caméra remplaçait le stylo ou la machine à écrire.

 

D'ailleurs cette histoire a été adaptée en 1988 par Yves Boisset, sous le même titre, avec pour interprètes principaux Claude Brasseur, Pierre Arditi, Evelyne Bouix, Christine Boisson. A noter qu'Yves Ellena interprète le rôle du prêtre.

Yves ELLENA : Radio Corbeau.
Yves Ellena passé à la moulinette par l'Oncle Paul, octobre 1987, à Grenoble.

Yves Ellena passé à la moulinette par l'Oncle Paul, octobre 1987, à Grenoble.

Yves ELLENA : Radio Corbeau. Collection L'Instant Noir N°16. Editions de l'Instant. Parution septembre 1987. 204 pages.

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28 janvier 2016 4 28 /01 /janvier /2016 13:55

Lorsque la Terre prend l'eau...

G. Elton RANNE : New-York Underwater.

Après avoir en scène Ange Gabriel, détective amateur, dans Chute libre (collection SF Polar N°20) puis Dan Campbell et Spencer Goren, deux détectives en un, dans Double Jeu (SF Polar N°20) nous retrouvons Alex Green, un policier de San Francisco, chargé d’enquêter dans une cité sous-marine sur les agissements d’une faction terroriste appelée La Terre est à vous.

Vite fait un petit résumé, je sais que vous aimez çà.

Un attentat a été perpétré dans l’un des dômes, provoquant de nombreuses victimes et selon les rumeurs un Hyash, c’est-à-dire un espion, se serait infiltré. Ce qui pourrait amener à d’autres dégradations plus sérieuses encore, préjudiciables à la cité même.

Les Terriens vivent en compagnie d’autres représentants de la galaxie, mais l’osmose n’est pas parfaite. Les jalousies, les récriminations sont légions, bref l’harmonie ne règne pas.

Pour Alex Green, la mission qui lui est confiée est plus que périlleuse.

 

Cette fois le lecteur est plongé plus loin dans le temps puisque l’action se déroule dans les années 2340 et que la Terre est devenue l’une des composantes de la Fédération Galactique. Et faut pas croire. Rien ne s’est arrangé dans les relations entre les différents représentants de cette confédération.

Les Terriens n’apprécient pas, mais pas du tout, ceux qu’ils jugent comme des envahisseurs. Et c’est bien ce qui sous-tend les romans de G. Elton Ranne (et Franck Morrisset) : comment les humains réagissent face à des entités venues d’ailleurs.

Une façon détournée de dénoncer le racisme, le sectarisme, la ségrégation. Et au lieu de placer ce sentiment dans un roman noir actuel, ils ont préféré le support de la S.F. Des romans à découvrir même si vous préférez la littérature policière à la S.F. ou vice-versa.

 

Alex Green est le héros de deux autres romans : La résolution Andromède de... Franck Morrisset (SF N°27) et La mâchoire du dragon de... G. Elton Rannne (Anticipation N°1991).

Un nouvel échange de personnage entre Elton G. Ranne et Franck Morrisset qui avaient déjà procédé avec Ange Gabriel : L'Ange et la Mort de Franck Morrisset (collection Anticipation N°1996). et Chute libre d'Elton G. Ranne Collection SF Polar 20), de même que Dan Campbell et Spencer Goren dans Alice qui dormait de Franck Morrisset (Collection Anticipation N° 1990) et Double Jeu de Elton G. Ranne (Collection SF POLAR N° 3).

Des romans qui seront peut-être réédités chez Multivers, pourquoi pas, et qui ont fait l'objet d'un article plus conséquent dans L'Annonce-Bouquins N°154 de Janvier 1999.

Première édition Collection S.F. N°44. Alien World 3. Editions Fleuve Noir. Parution juin 1998. 250 pages.

Première édition Collection S.F. N°44. Alien World 3. Editions Fleuve Noir. Parution juin 1998. 250 pages.

G. Elton RANNE : New-York Underwater. Editions Multivers. Parution 19 juin 2015. 163 pages. Format ePub, Kindle. 2,49€.

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27 janvier 2016 3 27 /01 /janvier /2016 10:29

Bon anniversaire à Hubert Prolongeau

né le 27 janvier 1962.

Hubert PROLONGEAU : L’assassin de Bonaparte.

Le décor, l’ambiance, la restitution de scènes historiques sont aussi pour Hubert Prolongeau les ressorts principaux utilisés, la partie enquête n’étant qu’un ingrédient dilué dans l’histoire.

Lors de la campagne d’Italie en 1796, le jeune Sébastien Cronberg, d’origine franco-allemande, voit sa mère et une partie des habitants du village où il habite passés par les armes, désignés au hasard par Lannes.

Il ressent une terrible envie de vengeance envers Bonaparte et va tenter de l’assassiner. Curieusement, son forfait ne peut être perpétré, et Cronberg va s’enticher de ce général qui ne pense qu’à rejoindre sa femme Joséphine.

De retour à Paris, Bonaparte confie une mission délicate à Cronberg. Retrouver des missives qu’il aurait écrite et qui ont été dérobées lors du meurtre de Barbey, un proche du Directoire.

 

Etonnant que ce revirement dans les sentiments d’un jeune homme meurtri physiquement et moralement par Bonaparte et ses hommes et qui deviendra le plus fervent défenseur de celui qui déjà est considéré comme un futur dictateur.

La reconstitution de la tuerie du village de Binasco, près de Pavie, est un moment d’horreur tel qu’ont pu en connaître certains habitants de bourgades décimées lors de la seconde guerre mondiale, les moyens n’étant pas les mêmes mais les représailles si.

Et la ferveur napoléonienne, la fascination envers celui qui deviendra Napoléon 1er, ressemble un peu à celle ressentie par les Allemands, du moins une partie de la population, envers qui vous savez.

 

Première édition Le Masque moyen Format. Parution décembre 2001.

Première édition Le Masque moyen Format. Parution décembre 2001.

Réédition Le Livre de Poche Policier N°35009. Parution janvier 2005.

Réédition Le Livre de Poche Policier N°35009. Parution janvier 2005.

Hubert PROLONGEAU : L’assassin de Bonaparte. Réédition J'Ai Lu Librio. Collection J'Ai Lu Roman. 15 octobre 2014. 384 pages. 7,60€.

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25 janvier 2016 1 25 /01 /janvier /2016 09:21

Et si c'était vrai...

Jean-Jacques REBOUX : Je suis partout ; les derniers jours de Nicolas Sarkozy.

Politique-fiction ou uchronie ? Satire, pamphlet, ou simple fiction basée sur des personnages réels ? Un peu de tout ça mon général, comme dirait Sarko qui voue à de Gaulle une grande admiration. Un relent de mai 68 qui lui obstrue encore les bronches et le fait vitupérer contre la chienlit encore aujourd’hui. Mais ceci est une autre histoire, quoi que, si l’on se réfère à sa motivation à devenir président, c’est un peu à cause des conséquences de mai 68. S’il n’avait pas été interdit de manifestation par sa mère pour soutenir le général le 31 mai 1968, son destin aurait-il été autre ? Peut-être. C’est à partir de cette époque et en 1970 qu’il décide qu’un jour il sera président. On peut affirmer qu’il ne s’agit pas dès lors d’une idéologie mais d’une ambition personnelle.

Sarkozy, ou plutôt Sàrközy, c’est un nom difficile à porter, quand on en connait la signification – Sàr = boue, Közy = entre, soit entre les boues – et lorsqu’on a un père qui trainaille voir les jolies femmes, délaissant son épouse et ses gosses, fatalement on se fait chahuter à l’école. La vie de gamin n’est pas un long fleuve tranquille, pour le petit Nicolas, Nicolas Minus comme l’avait surnommé jeune son frère Guillaume. Le temps passe et nous retrouvons le petit Nicolas en octobre et novembre 2007.

Réconciliés pour la forme et dans l’optique des élections présidentielles, dans une unité de façade factice afin de ne pas décevoir les électeurs principalement de sexe féminin, Nicolas et Cécilia se sont séparés et Nicolas qui depuis l’enfance est obsédé par son organe génital se trouve bien seul en son grand palais. Grâce à Jacques Séguéla il fait la connaissance de Carla, dont la voix fluette n’aura pas été prépondérante dans les urnes, et youpi, coup de foudre et autres assurés.

Mais notre président, qui a le don d’ubiquité et celui d’énerver pas mal de monde, est sujet à des malaises dont l’origine est indiscernable. D’abord lors d’une réunion du G8 le 7 juillet 2007, puis le 26 juillet 2009, alors qu’il décide d’aller effectuer un petit jogging dominical et qu’un rêve qui va devenir récurrent l’a laissé profondément perturbé physiquement et mentalement. Ce rêve, ou plutôt ce cauchemar le réveille de plus en plus souvent en sursaut, entamant des neurones déjà mis à mal. Ce cauchemar prend sa source dans une page d’histoire, le 21 janvier 1793, jour de l’exécution de Louis XVI. Et Carla est obligée de subir les sautes d’humeur de Chouchou. Le coup de grâce est asséné lors d’un conseil des ministres sous la forme d’un numéro de Paris Match proposant en couverture Carla et Dominique de Villepin, main dans la main à New-York.

Il est évident que ce numéro est un faux, une contrefaçon, mais dès lors tout s’enchaine, les ministres présents s’engueulent, se disent leurs quatre vérités, et le président qui est déjà atteint de paranoïa aigüe voit sa maladie s’amplifier. Il se laisse pousser la moustache à la façon brosse à dents sous le nez, et se bunkérise. Tout va de mal en pis jusqu’au dénouement final qui bien sûr n’est qu’une fiction.

Le début de cette histoire est un peu un rappel biographique de Nicolas, et dont la vérité ne peut être mise en cause, sauf peut-être quelques petits détails, mais de toute façon les historiens lorsqu’ils glissent des dialogues dans leurs livres font aussi preuve d’imagination, même si leurs sources peuvent être vérifiées mais rédigées par des laudateurs ou des opposants au régime.

Et les personnages réels se bousculent au portillon afin de garder leur place prépondérante dans un régime dédié à Pinocchio. Mais si ! Vous savez bien, cette marionnette gesticulante dont le nez s’allonge quand il ment. Vérifiez bien sur les photos, il me semble bien que l’appendice nasal de qui vous savez s’est accru depuis quelques années.

Un livre réjouissant qui s’inscrit dans la longue lignée des pamphlets dont le dernier en date était signé Jean-Hugues Oppel : Réveillez le Président ! Je suis partout, un livre roboratif et jubilatoire malheureusement dédaigné par de nombreux critiques littéraires, peut-être parce qu’ils ont peur de se faire virer, comme Alain Genestar lorsqu’il avait laissé publier la photo de Cécilia et Richard dans Paris Match.

Jean-Jacques REBOUX : Je suis partout ; les derniers jours de Nicolas Sarkozy. Editions Après la lune. Parution juin 2010. 378 pages. 18,00€.

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24 janvier 2016 7 24 /01 /janvier /2016 10:08

Tant qu'il y aura des pommes...

Peter LOVESEY : Cidre brut

Octobre 1964.

Theo Sinclair, la trentaine, célibataire, professeur d'histoire à l'Université de Reading, n'apprécie guère l'intrusion d'une jeune fille américaine dans sa vie. Une vie calme et tranquille jusque là. Une vie rangée, consacrée à son travail, à la lecture et quelques sorties en compagnie de sa petite amie.

Le tout ponctué du bruit caractéristique de l'embout de sa canne sur le sol lors de ses déplacements. Faut dire que Theo Sinclair est quelque peu handicapé à la suite d'une polio contractée à l'âge de treize ans.

Mais Alice Ashenfelter, cette jeune Américaine délurée et entreprenante, si elle lui fait revivre sa jeunesse, le ramène bien avant cette maladie, lorsque le jeune Theo, à l'âge de neuf ans, est le catalyseur et le témoin d'une tragédie déroulée durant la Seconde Guerre Mondiale.

Evacué de Londres pilonnée par des bombes, et placé dans une famille de fermiers du Somerset, le jeune Theo va se prendre de passion pour la jeune fille de sa famille adoptive. Barbara a dix-neuf ans et Theo la vénère, lui voue un culte inconscient. Dans le village et à l'école, il fait un peu office de bête curieuse. Son parler n'est pas le même, et puis il a connu de près les bombes, la mort, la guerre mais aussi les soldats US. Justement un détachement de G.I. vient de se baser non loin du village et sous prétexte de chewing-gum, Theo va faire la connaissance de Donovan et de Harry, des militaires américains.

Alice Ashenfelder possède une bonne raison d'importuner Theo. Donovan, son père, a été accusé de meurtre et a été exécuté loin de sa famille, en partie à cause du témoignage de Theo. Elle ne croit pas ce que les journaux de l'époque ont relaté. Donovan tuant par amour de la belle Barbara.

Alice va donc obliger Theo à remonter le passé, à revivre une époque de sa jeunesse, une époque dont il n'est pas particulièrement fier et à enquêter sur les lieux même de la tragédie, retrouvant les personnages qui y ont participé.

 

Encore un excellent roman de Peter Lovesey qui s'affirmait comme l'un des tous premiers auteurs britanniques dans les années 1980 et 1990 mais qui est depuis oublié des éditeurs français.

 

Peter LOVESEY : Cidre brut

Peter LOVESEY : Cidre brut (Rough Cider - 1986. Traduction de Jean-Michel Alamagny). Collection Le Masque N°1933. Librairie des Champs Elysées. Parution novembre 1988.

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21 janvier 2016 4 21 /01 /janvier /2016 13:10

Et je dirais même mieux : Viscères ... au poing !

Mo HAYDER : Viscères

Depuis qu'il a subi une opération cardiaque, il a un caractère de cochon. Pas tout à fait, disons plutôt un cœur de cochon car Oliver Anchor-Ferrers vit maintenant avec des valves porcines à la place des siennes. Mais il lui faut quand même ingurgiter quelques médicament à heures fixes.

Lorsqu'il arrive aux Tourelles, une immense résidence campagnarde ressemblant à un manoir, d'où son nom, en compagnie de sa femme Matilda et de Lucia, sa fille âgée de trente ans, et de leur chienne Ourse, il pense enfin pouvoir se reposer et se remettre de son opération. Matilda s'occupe du jardin et Lucia passe son temps à écrire des poèmes et à dessiner ou lire des magazines. C'est une jeune fille boudeuse, ayant adopté une apparence gothique mais si cela gêne quelque peu ses parents, ils ne s'en offusquent pas à cause de son passé. Et il semblerait bien que ce passé se projette à nouveau laissant affluer des souvenirs pénibles.

Quinze ans auparavant Lucia sortait avec un adolescent de deux ans plus vieux qu'elle et elle pensait que ce serait pour la vie. Mais il l'avait délaissée pour une autre fille et elle les avait retrouvés sauvagement assassinés, mutilés, éviscérés dans un fourré au delà des jardins des Tourelles. Leurs entrailles avait été accrochés à des branchages, placés en forme de cœur. Et Matilda vient de discerner le même trophée à peu près au même endroit. De quoi les bouleverser et faire perdre la raison à Lucia. Ils pensent immédiatement à celui qui a été arrêté peu après et qui purge une longue peine de prison, méritée, mais aurait éventuellement bénéficié d'une remise de peine.

Deux hommes qui se prétendent être des policiers se présentent à eux, sous les noms de Honey et Molina. Mais bientôt ceux-ci ne se conduisent plus en policiers venus résoudre l'assassinat d'une voisine éloignée mais comme des individus acharnés à les séquestrer. Ils ne donnent aucune indication sur leurs motivations, se contentant d'humilier les trois résidents. Oliver, qui est un scientifique, un physicien spécialiste de la lumière, s'interroge et cherche à savoir s'il n'aurait pas failli à un certain moment, principalement dans le manuscrit, qu'il rédige en secret, et pourrait être un brûlot vis-à-vis de certaines personnes ou institutions.

 

Pendant ce temps le commissaire adjoint Jack Caffery est en proie a de violentes migraines. Lui aussi possède un passé douloureux, son frère Erwan, alors qu'il n'avait qu'une dizaine d'années, a disparu et n'a jamais plus donné de signe de vie. Un pédophile sévissait dans la région et il est actuellement écroué. D'autres membres ont aussi été arrêté, mais pas tous. Assistant à une commémoration à l'instigation d'une mère qui a décidé de faire construire un mémorial en l'honneur de sa fille victime d'un dérangé mental, Jack décide de reprendre son enquête. La femme qui est devenue alcoolique pleure sa fille, mais elle avait récupéré son corps tandis que Jack n'a jamais retrouvé celui de son frère.

En solitaire, aidé toutefois dans certaines démarches par des collègues ou des connaissances, il repart sur les traces de son enfance, interrogeant des témoins de l'époque, quémandant l'aide du Marcheur, un homme qui lui aussi peut lui apporter des éléments de réponse. Le Marcheur est accompagné d'un petit chien nommé Ourse, dont il ne connait pas la provenance. Si Ourse possède un collier, sous lequel était glissé un reliquat de papier avec la mention aidez-nous, aucune identification ne peut aider Jack Caffery à remonter aux propriétaires. Pourtant c'est bien grâce à la petite chienne que les deux affaires vont insensiblement converger.

 

Telle une sorcière qui ajouterait les condiments au fur et à mesure de la préparation d'une potion magique, Mo Hayder mitonne son suspense en incorporant petit à petit les ingrédients. Une grosse dose de terreur et une autre d'angoisse, assaisonné d'un suspense qui va grandissant et devient cauchemardesque.

Et lorsque la température désirée est atteinte dans la marmite de l'intrigue, les révélations éclatent à la surface comme des bulles pestilentielles.

Mo Hayder imbrique ces deux récits en laissant apparaître la vraie nature des personnages, principalement ceux de Honey et Molina, particulièrement retors, et lorsque l'on pense que tout est dit, des rebondissements surgissent sans crier gare. Mo Hayder manipule ses personnages et le lecteur, avec machiavélisme mais sans artifice qui pourrait laisser penser à des cachotteries. Tout est soigneusement amené, développé, et les protagonistes plongent dans le cauchemar alors qu'ils espéraient une rédemption.

Un roman étouffant, oppressant, et le lecteur ressent un sentiment contradictoire : il a hâte d'arriver à l'épilogue et en même temps il aimerait que cette histoire ne finisse jamais.

Première édition Collection Sang d'encre. Editons Presses de la Cité. Parution le 15 janvier 2015. 448 pages. 22,00€.

Première édition Collection Sang d'encre. Editons Presses de la Cité. Parution le 15 janvier 2015. 448 pages. 22,00€.

Mo HAYDER : Viscères (Wolf - 2014. Traduction de Jacques Martinache). Réédition Pocket Thriller. Parution 14 janvier 2016. 506 pages. 7,90€.

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20 janvier 2016 3 20 /01 /janvier /2016 16:29

Vers attribué au poète bohême Fernand Desnoyers s'en prenant au défunt Casimir Delavigne. Tout comme les êtres humains, certaines plantes ont du mal à cohabiter.

Roger MARTIN : Il est des morts qu'il faut qu'on tue.

En ce mois d'avril 1915, les soldats allemands et français sont englués dans un cache-cache meurtrier dans les tranchées meusiennes.

Malgré les avis négatifs, l'interdiction même, proférés par son père octogénaire et ancien policier, Romain Delorme s'est engagé et ne s'est pas contenté d'obtenir une place de planqué. S'il apprécie certains de ses camarades de combat, notamment le lieutenant, en réalité sous-lieutenant, Louis Pergaud, le caporal Lévy n'entre pas dans son sérail relationnel. Ce n'est pas qu'il soit foncièrement antisémite, mais Delorme n'apprécie guère les juifs. Un préjugé entretenu durant des décennies mais qui s'efface devant le courage de Lévy lors d'une échauffourée entre soldats Allemands et Français, au cours duquel Pergaud est grièvement blessé. L'auteur de La guerre des boutons, récupéré par les Allemands et soigné dans le camp ennemi, perdra la vie à cause d'un tir de barrage français sur le bâtiment de l'hôpital provisoire.

Lui-même blessé à la cuisse, Romain Delorme est rapatrié et, allongé sur un brancard de fortune, il a droit à une boisson chaude à son arrivée à la gare de l'Est. De nombreuses femmes sont présentes, servant les militaires en souffrance. Mais il reconnait celle qui se présente devant lui. Il l'avait vu quelques années auparavant, alors qu'il appartenait aux Brigades du Tigre, lui sauvant la mise lors d'un affrontement plus que musclé entre partisans de Zola et antisémites, antidreyfusards, nationalistes et bien d'autres qui n'acceptaient pas la panthéonisation de l'écrivain qui avait défendu le capitaine  accusé à tort de forfaiture et de trahison. Mort le 29 septembre 1902, Zola, décédé dans des circonstances mystérieuses, n'entrera au Panthéon que le 4 juin 1908, une reconnaissance de l'Etat Français envers celui qui fut conspué, traité de bâtard vénitien ou encore de larbin de la juiverie. Naturellement les journaux comme La Croix, Le Gaulois, La Libre Parole s'en donnent à cœur joie dans le démesure haineuse.

Séverine est contente de retrouver Romain Delorme, d'autant qu'elle a des révélations à lui faire. Concernant sa naissance et l'explication de la cicatrice qui orne son cou jusqu'à l'oreille. Une plongée plus de trente ans en arrière, au temps de la Commune. Un affrontement entre les Communards et les Versaillais, surtout lors de la Semaine Sanglante du 21 au 28 mai 1871, une répression inique organisée par le gouvernement Thiers suivie d'exécutions massives des Fédérés et les déportations aux travaux forcés en Nouvelle-Calédonie.

 

En février 1934, Romain Delorme s'est attelé à l'écriture de ses mémoires, un travail utile destiné à l'édification de sa fille Augustine tout en fournissant des feuilletons pour les rez-de-chaussée des journaux. Les émeutes ébranlent une nouvelle fois la Capitale à la suite de l'affaire Stavisky et de son décès sur lequel le mystère place. Et une nouvelle fois, les tenants de l'extrême-droite, les royalistes, les antisémites se dressent en antiparlementaristes. Tout ceci ramène Delorme à son passé et plus particulièrement une période de sa vie qui s'étale de 1891 à 1902.

L'ancien préfet de police Louis Andrieux lui propose, sur les conseils de Delorme père, d'entrer dans la police, mais pas n'importe laquelle. La Secrète, et Romain devient ce que l'on appelle une mouche, un indicateur rémunéré directement sur des fonds qui proviennent d'une caisse noire de l'Etat. Parallèlement il devient journaliste au Petit Journal, écrivant des articles qui lui sont suggérés. L'audience du journal dépasse le million d'exemplaires, et son influence ne cessera pas de croître, devenant le journal au plus haut tirage de France, sinon du monde.

Sous cette couverture, Romain doit approcher des personnages en vue de l'époque afin de connaître leur influence et surtout afin de mieux les contrer dans leur opinions politique. Les journaux comme La Libre Parole d'Edouard Drumont qui se veut un organe proche du socialisme tout en étant anticapitaliste et surtout antisémite. Son succès est considérable lors de l'affaire Dreyfus et Romain à cette époque n'est pas vraiment antisémite, quoi que.

En sous-main, Louis Andrieux, dont le comportement est pour le moins ambigu, lui demande de surveiller des individus qui ont pignon sur rue, comme le marquis de Morès qui a fondé la Ligue Antisémitique de France avec Drumont et Jules Guérin. Delorme suit Morès dans ses différents déplacements et entreprises, aux abattoirs de la Villette par exemple dont les bouchers sont tout acquis à sa cause. Il crée des scandales, dont celui de viande avariée destinée à l'armée. Il faut dire qu'il a fait ses armes aux Etats-Unis en créant un élevage intensif mais a eu sur les bras des affaires de meurtres dont il a été acquitté. Il s'érige comme l'ennemi de Clémenceau, lequel serait justement en cheville avec Andrieux.

Le déclin de Morès est consécutif à deux affaires qui le mettent dans une position difficile. Le duel contre le capitaine Mayer, lequel décèdera, et la révélation par Clémenceau de l'emprunt qu'il a effectuée auprès d'un banquier juif (!) et dont le nom est associé au scandale de Panama.

Mais Delorme est au cœur d'autres événements qui défraient la chronique de cette fin du XIXe siècle et le début du XXe, au cours desquels il participe en compagnie de son amie et maîtresse Aurore, laquelle lui fut présentée par Andrieux, toujours lui. Puis l'épisode dit de Fort Chabrol, qui se déroula du 12 août au 20 septembre 1899, un immeuble fortifié de la rue de Chabrol dans lequel Jules Guérin s'est retranché, et celui du décès de Zola dans lequel il est impliqué bien involontairement, et d'autres faits tragiques.

 

Dans ce roman noir et historique, Roger Martin applique comme à son habitude les principes de rigueur, de sérieux, de précision, de documentation exacte et vérifiable, une marque de fabrique.

D'ailleurs le lecteur est en droit de se demander s'il lit un roman ou un document historique tant les personnages fictifs ont de la consistance et s'intègrent parfaitement à ceux, réels, qui parsèment l'ouvrage. Il remet en cause certaines thèses avancées par des journalistes de l'époque, aveuglés par leur haine et leur fanatisme, il réécrit l'histoire de France telle qu'elle s'est déroulée et non telle que le voudrait des historiens englués dans des hypothèses oiseuses et fallacieuses. Pour preuve ce mystère qui entoure toujours la mort de Zola par asphyxie due à l'émanation d'oxyde de carbone, malgré les révélations de Jean Bedel en 1952, puis d'autres. Sans oublier tous les racontars sur la Commune et l'élégie faite à Thiers qui n'en demandait pas la moitié, dans les manuels d'histoire de mon enfance rédigés selon les opinions politiques de leurs auteurs.

 

Roger Martin essaie de relater en toute impartialité les différents événements qui ont marqué cette époque qui va de la Commune jusqu'en 1934, construisant tout autant un roman noir qu'une œuvre historique dense, dans laquelle on se perd parfois un peu, car manquant des repères qui sont évidents pour l'auteur. Par exemple, je suggère à Roger Martin d'ajouter, lors de la réédition éventuelle et souhaitée de cet ouvrage, d'y incorporer un glossaire des personnages cités.

Ancien professeur de français, Roger Martin met en scène ou évoque des romanciers, polémistes et essayistes qui marquèrent cette époque et dont les noms ont pour la plupart survécus à leur mort. Louis Pergaud, Gyp née Gabrielle Sybille Aimée Marie Antoinette de Riqueti de Mirabeau devenue par son mariage comtesse de Martel, Henri Bauër fils naturel d'Alexandre Dumas, Zevaco, Zola bien entendu, Anatole France et quelques autres traversent ce roman avec leur humanisme ou leurs défauts.

Sans être picaresque, ce roman, puisqu'ainsi cet ouvrage est catalogué, est passionnant et remet quelques pendules à l'heure au moment où justement il est besoin de retrouver la vérité historique et ne pas se laisser aller à des fadaises émises par des personnages qui voudraient réécrire l'histoire afin que celle-ci colle à leurs idées.

 

Concernant La Commune, l'affaire Zola et l'affaire Stavisky le lecteur pourra consulter les chroniques des romans ci-dessous :

 

Quelques ouvrages de Roger Martin :

 

Roger MARTIN : Il est des morts qu'il faut qu'on tue. Editions du Cherche-Midi. Parution 14 janvier 2016. 542 pages. 21,00€.

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18 janvier 2016 1 18 /01 /janvier /2016 14:47

Plus près des étoiles...

Franck BOUYSSE : Grossir le ciel.

Non, les Américains n'ont pas l'apanage de la littérature des grands espaces, les Français eux aussi savent décrire ces étendues désertiques , âpres, rudes, que sont certaines contrées hexagonales.

Souvenez-vous des romans noirs de Charles Exbrayat dans Un matin elle s'en alla, et de Jean-Pierre Chabrol avec Le Crève-Cévennes par exemple, qui s'érigeaient comme les chantres des Cévennes justement. Maintenant il faudra ajouter Franck Bouysse.

Les Doges. Deux fermes éloignées de quelques centaines de mètres coincées entre montagnes, forêts, prairies, et le vert qui s'efface une partie de l'année au profit de la blancheur neigeuse.

En ce début d'année 2007, Gus soigne ses bêtes à l'étable, quelque soit le temps, dix-sept mères paisible et bonasses, et huit veaux assoiffés. Puis il boit son bol de lait, fume ses cousues, pense, écoute la télé car souvent quand il neige le râteau ne capte plus les images. Ce jour il n'y en a que pour l'abbé, celui aidait les pauvres, et qui vient de décéder.

Gus est un solitaire, qui ne s'est jamais marié, même si dans sa jeunesse il a fréquenté vaguement une jeune fille. Mais c'est loin tout ça. C'est un quinquagénaire qui n'a que pour unique compagnon Mars, chien perdu sans collier, et qu'il a appelé ainsi non pas en l'honneur du dieu de la guerre mais parce qu'il l'a trouvé un mois de mars.

Il ne faut pas oublier Abel, le vieil homme qui habite une autre veille ferme, sise à quelques centaines de mètre de là. Ils boivent parfois ensemble des verres de vin rouge, discutent mais pas trop. Abel est là depuis longtemps, toujours peut-être, mais les deux hommes n'ont véritablement fait connaissance que dix ou vingt ans auparavant, alors que les parents de Gus étaient décédés. Une demande de coup de main pour un vêlage difficile, puis l'engrenage, une bouteille chez l'un, une bouteille chez l'autre, guère plus de rapports.

Les parents de Gus qui ne l'ont pas élevés, le traitant comme un moins que rien. Seule la grand-mère savait réconforter le gamin, car les parents ne pensaient qu'à le rabrouer, le battre, le tenir en piètre estime. C'est tout ça qu'il se ressasse, le Gus.

Alors qu'il chasse des grives, Gus entend des cris aigus, non loin de chez Abel, puis dans la neige une grosse tache rouge, comme du sang qui se serait égaré là alors qu'il n'avait rien à y faire. Plus tard, il trouvera un porte-clefs de voiture puis découvrira des traces fraîches de pas, de pieds nus tout petits comme apposés par un enfant. Intrigué et inquiet il se rend chez Abel et prend prétexte d'avoir besoin d'une tronçonneuse. Mais tout semble aller comme d'habitude, d'ailleurs l'échange de verres de vin confirme une quiétude relative.

Seulement il reçoit des visites de personnes qui ne semblent pas égarées mais veulent absolument lui proposer quelques chose. Un suceur de Bible qu'il renvoie immédiatement d'où il vient, c'est à dire de nulle part ou d'ailleurs, il n'en sais rien. Tout ce qu'il sait c'est que ce personnage l'importune, tout comme l'avait importuné le représentant d'une banque qui voulait l'inciter à placer de l'argent à tout prix.

Jusqu'à ce que le drame éclate.

 

Avec une écriture fluide, aérienne, envoûtante, imagée - les métaphores sont particulièrement jouissives - des dialogues percutants, ce roman rural est à l'égal de cette contrée, âpre, violent, rude, mais passionnant. Peu de personnages, à part Gus et Abel, des gens de passage qui dérangent, et ceux de la ville proche, l'épicière, le cafetier, Paradis le gros propriétaire et notable qui porte bien mal son nom, l'édile, et quelques autres dessinés sous formes de silhouettes, dont les rapports sont plus ou moins conflictuels, malgré les chopines. Paradis qui n'a jamais pu accéder à la mairie malgré tous les efforts entrepris.

Il faut croire qu'il ne suffit pas de payer des coups au bistrot pour acheter un électorat, ou que les poivrots ne sont pas si nombreux que ça au village, ou bien encore que la démocratie a des vertus insoupçonnées.

Gus est un personnage complexe, frustre d'apparence, et en même temps pratiquant l'art de la dialectique, seulement parfois il peut s'emmêler dans ses déductions hâtives, ne possédant pas toutes les clés, malgré ce porte-clefs qui l'intrigue.

Franck Bouysse s'inscrit dans un courant littéraire qui démontre qu'on peut écrire de belles histoires, comme des fables, avec peu de choses, peu d'actions, mais des faits, des souvenirs poignants, des réminiscences, et un décor. Un roman naturaliste qui s'affranchit des poncifs actuels sur la drogue, le chômage, les jeunes des banlieues en révolte, mais offre le souffle vivifiant d'un univers campagnard loin des préoccupations économiques émanant d'un dictat bruxellois. Nous sommes en plein cœur de la France profonde, celle qui n'est pas superficielle.

Les apparences ont la vie dure et on leur fait dire aussi ce qu'on veut bien.

Première édition : La Manufacture de Livres. Parution 9 octobre 2014. 240 pages. 16,90€.

Première édition : La Manufacture de Livres. Parution 9 octobre 2014. 240 pages. 16,90€.

Franck BOUYSSE : Grossir le ciel. Le Livre de Poche Policier N°34007. Parution le 6 janvier 2016. 240 pages. 6,90€.

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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