Déjà ? Eh oui ! Le plaisir de faire la connaissance de Cicéron Angledroit, de l’homme et de son héros, m’a été donné en 2001 avec De la part des enfants, roman publié aux éditions de la Goutte d’or. Et cet ouvrage qui inaugurait une carrière prometteuse, tout autant pour son créateur que pour sa créature, a été réédité aux Editions de Palémon sous le titre Sois zen et tue-le, vaste programme vous en conviendrez.
Et en dix-huit ans d’existence, le détective a bien évolué. De Titi de banlieue avec ses jeux de mots (et de maux) à la San Antonio, il a pris de l’ampleur, je ne parle pas de son physique, avec une écriture toujours aussi plaisante, mais dans des histoires qui s’intéressent plus à la société qu’à un humour débridé, qualificatif choisi et non innocent puisque les protagonistes de cette nouvelle aventure sont d’origine chinoise.
Et dans ce roman, ce n’est point l’enquête qui importe, quoiqu’elle en soit le facteur primordial d’une série dite d’enquêtes policières, ni le décor qui vogue du XIIIe arrondissement parisien, dans une enclave chinoise, jusqu’à Pigalle et ses attractions supposées artistiques confinées dans des boites sentant tellement le renfermé que les filles sont obligées de se déshabiller pour attirer l’œil concupiscent (en un seul mot, en trois cela devient graveleux) des clients, mais par l’entourage de notre détective privé qui ne l’est pas de tous ses moyens.
En effet, l’évolution annoncée en début de cette notule, si vous avez eu le courage de me lire jusqu’à ces quelques lignes, l’évolution de l’entourage familier de Cicéron est flagrante comme les délits. Mais si voyons, les flagrants délits qui deviennent lors d’affaires d’adultères des flagrants des lits !
La plupart de tous ceux qui ont l’habitude se retrouver au générique disparaissent, la vie est ainsi faite, mais ils ne sont pas forcément morts. Ouf, on a eu chaud et donc ils peuvent revenir un jour s’imposer dans un nouvel épisode.
Le principal protagoniste de cette histoire n’est autre René, le voiturier d’Interpascher chargé de ranger les charriots des clients négligents oubliant volontiers sur le parking leur panier à roulettes. Il a été retrouvé dans sa cave alors qu’il vaquait à une louable occupation, transvaser en bouteilles le vin contenu dans un fût, ce qui est fûté. Victime d’une attaque d’AVC, René a été sauvé de justesse et transporté rapidement à la Salpêtrière. Seulement il garde des séquelles de cette attaque inopinée ne reconnaissant personne. Ce qui afflige Cicéron et Momo qui lui rendent visite tous les jours.
Et, entre deux, comme Cicéron n’a pas de casserole sur le feu, entendez par là que personne n’a recours à ses services, il occupe son temps libre outre ses visites à René, à prendre son café en compagnie de Momo, chez Raoul qui n’est plus Raoul. En effet le bistrotier est parti avec Lulu sa nièce vers ailleurs et il a été remplacé par Félix Yu, un Fils du ciel quoiqu’il ne soit pas roi en ce domaine, qui officie au comptoir. Surtout sa serveuse car lui il se contente de regarder les consommateurs qui désaffectent cet établissement depuis son installation.
Et Cicéron s’est trouvé une autre occupation, presqu’à plein temps puisqu’il est de plus en plus avec Vaness’ sa copine fliquette qui lui dresse des P.V. lorsqu’il n’est pas au garde à vous, ce qui ne lui arrive guère. Ses relations avec Brigitte, la préparatrice en pharmacie qui le préparait si bien, sont rompues à cause du départ de celle-ci pour d’autres cieux. Jocelyne, sa belle-mère et maîtresse d’occasion, a préféré prendre ses distances tout en restant chez elle. Quant à Caro et Monique, depuis qu’elles ont le petit Enzo, issu d’un don de soi, il ne les voit plus guère. Pas plus que son fils Enzo, mais tout n’est pas dit. Et pour le reste, les affaires courantes, le repas dominical chez sa mère qui élève sa fille issue d’une précédente union. Mais ne nous étalons pas comme disait la jument, et pensons quand même à l’objet direct de ce roman, l’enquête.
Une copine de Vaness’, qui se trouve également être sa voisine du dessus, ayant été fortement impressionnée par les exploits de Cicéron, fictifs ou réels on ne sait jamais avec la fliquette qui veut faire mousser son amant de détective, incite celui-ci lors d’une soirée à appeler un sien ami qui est avocat. Un Chinois qui ne chinoise pas en affaires, du moment que celles-ci soient régulières. Donc ce Maître Olivier Tcheng est chargé de la défense (j’abrège la conversation entre Cicéron et Tcheng) d’une jeune ressortissante chinoise, Xiao Lin Dhû.
Cette jeune fille, étudiante en master de langue comparée (je ne m’étendrai pas sur cette discipline au nom équivoque), a été prise dans une rafle un soir alors qu’elle rentrait chez elle, en même temps que trois prostituées qui traînaient par là. Sa mise vestimentaire n’a pas plaidé pour elle. Il faut dire que pour payer ses études, elle travaille le soir dans un club de strip-tease comme danseuse à la barre. C’est spécial, cela se rapproche un peu de la gymnastique rythmique, mais il y a moins de voyeurs, je veux dire de spectateurs.
Xiao est accusée de proxénétisme et de prostitution, une double casquette qu’elle réfute vivement. La mission de Cicéron, s’il l’accepte, est de dédouaner Xiao de cette double accusation et de monter un dossier imparable et circonstancié démontrant son innocence.
Donc cette Xiao depuis est internée à Fleury-Mérogis et Cicéron accepte de la rencontrer et d’enquêter, l’avocat préférant faire appel à ses services plutôt qu’à la boite à laquelle d’habitude il a recours, pour diverses raisons qui lui sont propres.
Et c’est ainsi que notre ami Cicéron (depuis le temps qu’on se fréquente tous les deux, on peut se targuer d’avoir lié une amitié même si l’on ne se donne pas souvent de nos nouvelles) est amené à se rendre dans le quartier de Pigalle, dans le quartier chinois de Paris dans le XIIIe, à Fleury-Mérogis, à l’Université de Paris 7, sans oublier Villers-sur-Orge où est soigné René depuis son transfert de la Salpêtrière. Sans oublier quelques déplacements accessoires relevant de sa vie privée.
Un cheveu sur le wok est ce que l’on pourrait qualifier de roman de transition entre le récit intimiste et le roman policier, l’auteur empruntant une nouvelle voix narrative et s’éloignant des sujets bons-enfants même si les précédents romans œuvraient déjà dans un côté social non négligeable.
Cicéron Angledroit abandonne son côté parodique et humoristique pour s’ancrer, et s’encrer par la même occasion, dans une narration plus grave qui fleurète entre la littérature blanche et la noire avec ses touches de rose, sans pour autant considérer ses lectrices comme des bas-bleus, avec le vert de l’espérance, mais un vert pâle, d’un monde meilleur. C’est peut-être trop demander. L’espérance des bienfaits de l’amitié, serait plus juste.
Et l’enquête policière me demanderez-vous à juste titre ? Disons qu’elle se clôt par une pirouette, normal pour une danseuse même si elle s’accroche à sa barre.
Ma mère est audacieuse en matière d’éducation. Elle ne veut pas reproduire ce qu’elle a subi.
Comment te dire ? J’ai l’impression de marcher à contresens de la rotation de la Terre et de faire du surplace. Quand je veux faire demi-tour, tout s’emballe et je perds l’équilibre.
L’amour avec une femme, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas. Sauf que chaque femme est un vélo différent.
Dernier ouvrage de Cicéron Angledroit chroniqué :