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26 novembre 2019 2 26 /11 /novembre /2019 04:45

Aventure au pays des Cajuns…

Jacques SADOUL : Doctor Jazz.

Carol Evans, redoutable agent de la CIA, surnommée la Tueuse, a repris du service malgré une bavure lors de sa précédente mission. Cette fois elle est chargée d’enquêter en Louisiane, plus précisément à La Nouvelle-Orléans, afin de démanteler une filière de la drogue.

Pour cette mission un collaborateur lui est imposé, mais Carol est une solitaire, aussi l’on ne retrouvera Bud Hawks qu’épisodiquement. Comme bien souvent, une affaire peut en cacher une autre, et en fait de trafic de drogue, Carol Evans va tomber sur un étrange marché de cassettes-vidéo. Des « Snuffmovies ».

Des petits films d’amateurs dans lesquels les figurants, l’on ne peut guère parler de vedettes, les figurants disais-je, sont torturés, mis à mort, sans aucun trucage. Du vécu, du réel, voilà ce qu’il faut maintenant pour assouvir les bas instincts de quelques névrosés. Faut avouer que du temps où les exécutions, les pendaisons, écartèlements et autres joyeusetés, étaient réalisés en place publique, la foule avide et frissonnante de plaisir assistait à ce genre de spectacle en plein air. Autres temps, autres mœurs. Mais toujours le même attrait morbide.

 

L’enquête, ou plutôt les enquêtes de Carol, vont amener celle-ci à être le témoin du meurtre d’un avocat en vue de La Nouvelle-Orléans, et ce dans de troublantes conditions. Les trois affaires, drogue, trafic de vidéocassettes spéciales et meurtre d’un personnage haut placé sont étroitement liées.

 

Jacques Sadoul a écrit un roman qui est surtout le prétexte à découvrir un des hauts lieux du Jazz et à voyager dans La Nouvelle-Orléans et les bayous, en empruntant les rues qui ont fourni les titres à quelques classiques du Jazz : Basin street, Canal street, Pontchartrain…

Un roman qui aurait pu être proposé aux lecteurs accompagné d’une compilation de ces interprétations inoubliables.

 

Première édition : Editions Presses de la Renaissance. Parution 1989.

Première édition : Editions Presses de la Renaissance. Parution 1989.

Jacques SADOUL : Doctor Jazz. Réédition J’ai Lu Policier N°3008. 1991. 252 pages. Parution 1991.

ISBN : 9782277230083

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24 novembre 2019 7 24 /11 /novembre /2019 05:40

Les nouveaux Misérables ! Mais ont-ils bien travaillé à l’école ?

Patrick S. VAST : Nuits grises.

Obligée d’effectuer des petits boulots pour survivre, Suzy se lève tôt le matin pour se coucher tard le soir, c’est-à-dire vers une heure du matin.

Elle pointe le matin dans une grande surface commerciale, où Diego le vigile l’attend et lui propose un petit café réconfortant comme sa présence, et la voilà chargée de mission comme technicienne de surface. Puis elle rentre chez elle se reposer un peu, ensuite direction la maison située en face de son immeuble afin de nettoyer un peu et se rendre utile comme dame de compagnie. A quinze heures, après la sieste de l’octogénaire, quartier libre durant une petite heure pour se rendre dans une administration qui n’est pas son plus gros employeur, et enfin direction Douai pour une séance de nettoyage dans une usine.

Malgré tout ces emplois fractionnés, Suzy a du mal à joindre les deux bouts. Pour preuve, elle doit deux mois de loyer à sa propriétaire qui vit au premier étage de l’immeuble tandis qu’elle est confinée dans un petit studio au deuxième étage. Mais elle ne veut pas à se résoudre à payer en nature comme Pauline, sa voisine du dessus qui reçoit Victor, quinquagénaire et fils de la propriétaire, afin d’effacer la dette.

Pauline, mariée avec Kevin, est au chômage et seule la paie de son mari permet d’assurer l’essentiel, sauf le loyer. Kevin est intérimaire lui aussi dans une usine mais pour s’y rendre il est dépendant d’un véhicule bipolaire qui n’est fait qu’à sa tête. Et c’est toujours dans les mauvais moments, ceux lorsque Kevin a besoin de se déplacer, que sa voiture décide de renâcler et se mettre en panne.

Un matin, alors qu’en cours de route sa petite auto décide de se mettre en grève, il rentre à pied chez lui et découvre sa femme allongée sur le lit avec quelqu’un entre les jambes. Il n’a aucun mal à reconnaître Victor dans ses œuvres. Kevin toutefois ne signale pas sa présence, honteux. En pleine nuit, alors qu’il redescend l’escalier, une clé à molette à la main afin de réparer son débris à quatre roues, il aperçoit Victor rentrant d’une partie de poker. Il ne réfléchit pas, lui assène quelques coups de son outil détourné de sa fonction première et le laisse pour mort sur le carreau.

Suzy rentre à ce moment de son travail et elle prend la décision de l’aider de cacher le cadavre dans son coffre puis de le jeter dans un trou du chantier qu’elle longe quotidiennement.

 

Suzy se retrouve au centre d’une spirale négative à laquelle elle tente de s’échapper et dont le chemin est ponctué de pions noirs (le mal) et de pions blanc (le bien) et d’un pion neutre, un policier.

Peu de personnages évoluent dans cette intrigue machiavélique : Pauline, Kevin, Diégo, Victor et sa mère octogénaire qui ne se déplace plus qu’avec une canne, Hubert son partenaire de poker et sa mère, octogénaire elle aussi, chez laquelle travaille Suzy. Sans oublier Lourdieu, le capitaine de police à qui est confiée l’enquête sur la disparition de Victor, et son collègue Chombert, qui lui est chargé d’une affaire de jeux clandestins. Mais les deux collègues n’ont pas le même sens de l’éthique professionnelle.

Ce roman sent bon les années Fleuve Noir avec ses auteurs emblématiques, Frédéric Dard, André Lay, Serge Laforest, et quelques autres, qui savaient écrire et décrire des situations embrouillées. Des intrigues dont certains épisodes étaient juste suggérés, au contraire de maintenant avec les auteurs qui étalent avec complaisance actes de violence et sexuels.

Mais ce roman met surtout en lumière notre époque actuelle dans laquelle bon nombre de précaires sont à la merci de boites d’intérim, de petits boulots enchaînés les uns après les autres pour un gain minime, avec leurs difficultés à joindre les deux bouts, et qui au moindre pépin ou peau de banane glissée sous leurs pieds, peuvent se retrouver à la rue sans moyen de défense et ne peuvent se rattraper qu’à des branches pourries.

Plus qu’un roman policier Nuits grises est un roman sociologique. Et Suzy, et ses voisins, Pauline et Kevin, ont-ils bien travaillé à l’école pour se retrouver sur la frange effilochée de la société ?

 

Vous pouvez acheter directement cet ouvrage en vous rendant sur le lien ci-dessous :

Patrick S. VAST : Nuits grises. Le Chat Moiré éditions. Parution 15 novembre 2019. 256 pages. 9,50€.

ISBN : 978-2956188339

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23 novembre 2019 6 23 /11 /novembre /2019 05:15

Cicéron fête sa majorité !

Cicéron ANGLEDROIT : Comme un cheveu sur le wok.

Déjà ? Eh oui ! Le plaisir de faire la connaissance de Cicéron Angledroit, de l’homme et de son héros, m’a été donné en 2001 avec De la part des enfants, roman publié aux éditions de la Goutte d’or. Et cet ouvrage qui inaugurait une carrière prometteuse, tout autant pour son créateur que pour sa créature, a été réédité aux Editions de Palémon sous le titre Sois zen et tue-le, vaste programme vous en conviendrez.

Et en dix-huit ans d’existence, le détective a bien évolué. De Titi de banlieue avec ses jeux de mots (et de maux) à la San Antonio, il a pris de l’ampleur, je ne parle pas de son physique, avec une écriture toujours aussi plaisante, mais dans des histoires qui s’intéressent plus à la société qu’à un humour débridé, qualificatif choisi et non innocent puisque les protagonistes de cette nouvelle aventure sont d’origine chinoise.

Et dans ce roman, ce n’est point l’enquête qui importe, quoiqu’elle en soit le facteur primordial d’une série dite d’enquêtes policières, ni le décor qui vogue du XIIIe arrondissement parisien, dans une enclave chinoise, jusqu’à Pigalle et ses attractions supposées artistiques confinées dans des boites sentant tellement le renfermé que les filles sont obligées de se déshabiller pour attirer l’œil concupiscent (en un seul mot, en trois cela devient graveleux) des clients, mais par l’entourage de notre détective privé qui ne l’est pas de tous ses moyens.

En effet, l’évolution annoncée en début de cette notule, si vous avez eu le courage de me lire jusqu’à ces quelques lignes, l’évolution de l’entourage familier de Cicéron est flagrante comme les délits. Mais si voyons, les flagrants délits qui deviennent lors d’affaires d’adultères des flagrants des lits !

La plupart de tous ceux qui ont l’habitude se retrouver au générique disparaissent, la vie est ainsi faite, mais ils ne sont pas forcément morts. Ouf, on a eu chaud et donc ils peuvent revenir un jour s’imposer dans un nouvel épisode.

 

Le principal protagoniste de cette histoire n’est autre René, le voiturier d’Interpascher chargé de ranger les charriots des clients négligents oubliant volontiers sur le parking leur panier à roulettes. Il a été retrouvé dans sa cave alors qu’il vaquait à une louable occupation, transvaser en bouteilles le vin contenu dans un fût, ce qui est fûté. Victime d’une attaque d’AVC, René a été sauvé de justesse et transporté rapidement à la Salpêtrière. Seulement il garde des séquelles de cette attaque inopinée ne reconnaissant personne. Ce qui afflige Cicéron et Momo qui lui rendent visite tous les jours.

Et, entre deux, comme Cicéron n’a pas de casserole sur le feu, entendez par là que personne n’a recours à ses services, il occupe son temps libre outre ses visites à René, à prendre son café en compagnie de Momo, chez Raoul qui n’est plus Raoul. En effet le bistrotier est parti avec Lulu sa nièce vers ailleurs et il a été remplacé par Félix Yu, un Fils du ciel quoiqu’il ne soit pas roi en ce domaine, qui officie au comptoir. Surtout sa serveuse car lui il se contente de regarder les consommateurs qui désaffectent cet établissement depuis son installation.

Et Cicéron s’est trouvé une autre occupation, presqu’à plein temps puisqu’il est de plus en plus avec Vaness’ sa copine fliquette qui lui dresse des P.V. lorsqu’il n’est pas au garde à vous, ce qui ne lui arrive guère. Ses relations avec Brigitte, la préparatrice en pharmacie qui le préparait si bien, sont rompues à cause du départ de celle-ci pour d’autres cieux. Jocelyne, sa belle-mère et maîtresse d’occasion, a préféré prendre ses distances tout en restant chez elle. Quant à Caro et Monique, depuis qu’elles ont le petit Enzo, issu d’un don de soi, il ne les voit plus guère. Pas plus que son fils Enzo, mais tout n’est pas dit. Et pour le reste, les affaires courantes, le repas dominical chez sa mère qui élève sa fille issue d’une précédente union. Mais ne nous étalons pas comme disait la jument, et pensons quand même à l’objet direct de ce roman, l’enquête.

 

Une copine de Vaness’, qui se trouve également être sa voisine du dessus, ayant été fortement impressionnée par les exploits de Cicéron, fictifs ou réels on ne sait jamais avec la fliquette qui veut faire mousser son amant de détective, incite celui-ci lors d’une soirée à appeler un sien ami qui est avocat. Un Chinois qui ne chinoise pas en affaires, du moment que celles-ci soient régulières. Donc ce Maître Olivier Tcheng est chargé de la défense (j’abrège la conversation entre Cicéron et Tcheng) d’une jeune ressortissante chinoise, Xiao Lin Dhû.

Cette jeune fille, étudiante en master de langue comparée (je ne m’étendrai pas sur cette discipline au nom équivoque), a été prise dans une rafle un soir alors qu’elle rentrait chez elle, en même temps que trois prostituées qui traînaient par là. Sa mise vestimentaire n’a pas plaidé pour elle. Il faut dire que pour payer ses études, elle travaille le soir dans un club de strip-tease comme danseuse à la barre. C’est spécial, cela se rapproche un peu de la gymnastique rythmique, mais il y a moins de voyeurs, je veux dire de spectateurs.

Xiao est accusée de proxénétisme et de prostitution, une double casquette qu’elle réfute vivement. La mission de Cicéron, s’il l’accepte, est de dédouaner Xiao de cette double accusation et de monter un dossier imparable et circonstancié démontrant son innocence.

Donc cette Xiao depuis est internée à Fleury-Mérogis et Cicéron accepte de la rencontrer et d’enquêter, l’avocat préférant faire appel à ses services plutôt qu’à la boite à laquelle d’habitude il a recours, pour diverses raisons qui lui sont propres.

Et c’est ainsi que notre ami Cicéron (depuis le temps qu’on se fréquente tous les deux, on peut se targuer d’avoir lié une amitié même si l’on ne se donne pas souvent de nos nouvelles) est amené à se rendre dans le quartier de Pigalle, dans le quartier chinois de Paris dans le XIIIe, à Fleury-Mérogis, à l’Université de Paris 7, sans oublier Villers-sur-Orge où est soigné René depuis son transfert de la Salpêtrière. Sans oublier quelques déplacements accessoires relevant de sa vie privée.

 

Un cheveu sur le wok est ce que l’on pourrait qualifier de roman de transition entre le récit intimiste et le roman policier, l’auteur empruntant une nouvelle voix narrative et s’éloignant des sujets bons-enfants même si les précédents romans œuvraient déjà dans un côté social non négligeable.

Cicéron Angledroit abandonne son côté parodique et humoristique pour s’ancrer, et s’encrer par la même occasion, dans une narration plus grave qui fleurète entre la littérature blanche et la noire avec ses touches de rose, sans pour autant considérer ses lectrices comme des bas-bleus, avec le vert de l’espérance, mais un vert pâle, d’un monde meilleur. C’est peut-être trop demander. L’espérance des bienfaits de l’amitié, serait plus juste.

Et l’enquête policière me demanderez-vous à juste titre ? Disons qu’elle se clôt par une pirouette, normal pour une danseuse même si elle s’accroche à sa barre.

 

Ma mère est audacieuse en matière d’éducation. Elle ne veut pas reproduire ce qu’elle a subi.

 

Comment te dire ? J’ai l’impression de marcher à contresens de la rotation de la Terre et de faire du surplace. Quand je veux faire demi-tour, tout s’emballe et je perds l’équilibre.

 

L’amour avec une femme, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas. Sauf que chaque femme est un vélo différent.

 

Dernier ouvrage de Cicéron Angledroit chroniqué :

Cicéron ANGLEDROIT : Comme un cheveu sur le wok. Série Cicé, Momo et René N°11. Editions de Palémon. Parution le 20 septembre 2019. 224 pages. 10,00€.

ISBN : 978-2372605625

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19 novembre 2019 2 19 /11 /novembre /2019 05:22

Allons, les amis, il faut en profiter pendant qu’il est temps. On est plus longtemps mort que vivant !

Dominique ARLY : Plus longtemps mort.

Inspecteur de police en retraite, Emile Delmont profite de son temps libre, et il en a, pour taquiner la truite. Quand il y en a. Et quand on ne vient pas le déranger, comme le fait actuellement le jeune Robert, dix-huit ans, qui le surprend en lui annonçant un accident de circulation.

Delmont n’en a que faire, mais il y a un mort tout de même, alors le mieux est peut-être se rendre sur place en attendant que les gendarmes viennent occuper le terrain afin de procéder aux premières constatations. On ne peut plus rien faire pour la voiture encastrée dans un pommier, ni pour le chauffeur définitivement hors circuit. Il a dû quitter la route tout seul, car il n’y a pas de traces de freinage.

Le père de Robert voudrait que son fils devienne pharmacien, mais le jeune adolescent sent que sa vocation est autre. Il désire devenir policier et veut résoudre cette énigme. Il tanne toutefois Delmont pour que celui-ci, grâce à son expérience, l’aide dans son enquête. Mais il a beaucoup d’imagination Robert, et son esprit échafaude des théories qui ne sont pas si farfelues que cela mais pas toujours bonnes. Mais Delmont est opiniâtre dans sa décision. Il a raccroché son tablier, disons son imperméable d’inspecteur, et ceci ne l’intéresse pas. Sauf que d’autres événements vont l’amener à réviser sa position.

Au café du village, le vieux Ferdinand toujours en quête d’un verre ressasse à satiété comment il a été le premier sur les lieux de l’accident, une véritable litanie qui chauffe les oreilles de Delmont et de ses compères de belote, tous des budgétivores puisque des pensionnés de l’état. Ils n’ont pas tous atteints la soixantaine, alors évidemment aux yeux des habitants du village, obligés de trimer jusqu’à soixante-cinq ans, à l’époque mais on y revient, ce sont des privilégiés.

Ferdinand est retrouvé mort, tabassé, les pieds carbonisés. Immédiatement la relation est faite avec les Chauffeurs de la Drôme qui sévissaient quelques siècles auparavant. Et les Gitans, les Manouches de passage sont sous le feu des projecteurs des rumeurs. Il est si facile d’accuser sans preuve.

Puis Robert, qui aimerait conclure et ne se contente pas de caresses et des baisers de sa petite amie, la fille du cafetier, découvre le cafetier dans un drôle d’état alors que l’établissement est fermé. Ils le soignent et veulent appeler les secours mais le bistrotier refuse catégoriquement que quiconque soit au courant de son agression. Et lorsque quelques soirs plus tard, alors que Robert et Madeleine, qui a enfin cédé à ses avances, des hommes tentent de s’introduire dans le café en passant par la chambre de la jeune fille qui est à l’étage. Robert les met en fuite mais ça ne sent pas bon pour son matricule.

D’autres personnages vont entrer en lice dont l’un des beloteurs dont l’avis de décès paraît dans le journal local. Tout le monde est éberlué car l’homme était parti pour les Landes retrouver un membre de sa famille et il serait décédé d’un arrêt du cœur (en général, c’est comme ça que ça se passe). Sauf que ce budgétivore ne s’est jamais déplacé. Et puis il a confié son chat à Sidonie, qui a plus d’un amant et veut mettre Robert dans sa couche. Et ce chat va offrir une partie de la solution, ce qui explique sa présence sur l’illustration de couverture.

 

Revenons un peu sur les relations (platoniques) entre le jeune Robert, désireux d’intégrer la police, et son retraité de mentor, ancien de la police judiciaire de Lyon. Delmont explique ce qu’était son métier et surtout les circonstances dans lesquelles ses enquêtes évoluaient.

Je ne me suis jamais pointé nulle part à l’instant précis où un assassin était en action. Ni d’ailleurs un voleur. Dans la vie, ce n’est pas comme au cinéma, on ne nous appelle qu’après. Mes seuls flagrants délits, c’était des constats d’adultère… Et encore…

Pourtant Robert revient à la charge un peu plus tard :

J’aimerai vi… vivre des aventures (oui, Robert bégaie un peu)

Alors, fais-toi truand, plaisanta Delmont. Un jour ou l’autre, tu connaitras des émotions fortes et tu verras du pays. Et puis, tu seras du bon côté de la barricade, une majorité de connards admireront tes exploits.

 

Concernant les étrangers, ceux qui sont catalogués à cause de leur faciès ou de leur mode de vie :

Ces sales bohémiens, pourquoi est-ce qu’on les laisse entrer en France ? Chacun sait qu’ils se nourrissent en chapardant dans les vergers, les champs, les clapiers et les basses-cours. Rien que pour ça déjà, on devrait les refouler aux frontières. Mais on les laisse vagabonder Alors ils s’attaquent aux gens.

C’était en 1972, dans le Jura, mais rien n’a changé depuis. Si, cela a changé puisque ça a empiré. Je ne parle pas des Bohémiens, mais de la mentalité.

 

Dernière petite citation pour la route :

Des indices qui mènent tout droit aux coupables, c’est extrêmement rare, croyez-moi. A moins que l’on ait affaire à des maladroits, ou à des amateurs qui aient perdu la tête.

 

 

Dominique ARLY : Plus longtemps mort. Collection Spécial Police N°956. Editions Fleuve Noir. Parution 2ème trimestre 1972. 240 pages.

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17 novembre 2019 7 17 /11 /novembre /2019 04:06

Lorsque l’académicien Pierre-Jean Remy signait des romans policiers !

Raymond MARLOT : Gauguins à gogo.

Longtemps je me suis demandé pourquoi ce pseudonyme car choisir un alias relève de la technique quelque peu ludique. Prendre par exemple le nom de jeune fille de sa mère ou de sa femme, emprunter celui d’un voisin, tout simplement feuilleter un annuaire téléphonique, ou encore s’inspirer du sien en triturant les lettres qui le composent.

Alors pourquoi Raymond Marlot ? Et d’un seul coup, l’illumination ! Bon sang, mais c’est sûr ! Raymond Marlot, c’est un hommage déguisé à Raymond Chandler et à son détective Philip Marlowe en transposant à la française le patronyme Marlowe. Evident, non ?

Et la même année de parution de ce roman, Pierre-Jean Remy recevait le Prix Renaudot pour son roman Le sac du palais d’été.

Ces considérations oiseuses édictées, penchons-nous quand même sur le roman, l’intrigue, sujet principal de cette chronique.

 

Les maisons du petit village des Beaumes, dans le Lubéron, s’étalent le long de la colline, les habitants natifs habitant les vieilles maisons ancestrales dans le bas du bourg, et les nouveaux arrivants, les riches résidents, dans des demeures à étages juchées au dessus de la cité. Plus haut, se dresse la citadelle médiévale.

Parmi ces résidents, Bernard Ancelles, jeune artiste peintre hébergé par Claude Wilmot, critique d’art spécialiste de Gauguin. Ils vivent séparément mais leurs maisons communiquent par un système de cours et d’escaliers. Certaines de ces constructions dominent le vide, séparées par des parapets.

Bernard Ancelles s’acharne à peindre une grande toile qu’il pense devenir son grand œuvre, mais longtemps il a été l’assistant de Wilmot lorsque celui-ci établissait un catalogue consacré à son artiste fétiche. Chez Wilmot, vivent sa mère, la septuagénaire madame Wilmot, et sa jeune femme, la troisième, Joanna qui cultive un penchant prononcé pour la bouteille. Dans un autre pavillon, le jeune Nicholas le nouvel assistant de Wilmot qui travaille lui aussi sur un nouveau catalogue, et sa fiancée la frêle Tessa, deux Anglais. Mais Bernard surprend souvent Nicholas sortir de chez Joanna, au petit matin.

Wilmot reçoit souvent d’autres estivants, dont plus particulièrement Charles Marel, qui habite sur l’autre versant du Ventoux, et professe un goût inconsidéré pour les paradoxes. Et tout ce petit monde vit en plus ou moins bonne intelligence, Wilmot connaissant son infortune matrimoniale mais ne s’en préoccupant guère.

Pourtant le feu couve. Nicholas est découvert mort, étant tombé par-dessus le parapet sur des roches en contrebas. Accident ? Suicide ? Assassinat ? L’harmonie est troublée, Joanna boit encore un peu plus, Wilmot est désemparé, Tessa aussi qui se réfugie dans la maisonnette de Bernard Ancelles.

Pendant ce temps, dans la citadelle, la bande à Frédé, une douzaine de hippies composés de jeunes hommes et de jeunes filles, qui la plupart du temps évoluent nues, restaurent l’édifice à l’aide des pierres éparpillées, et surtout les peignent en un immense damier rouge et noir. Au dessus du donjon flotte un étendard phallique.

Mais un visiteur inattendu se présente chez Wilmot, un marchand d’art marseillais qui veut se passer pour Américain, accompagné de son chauffeur-ami Paulo. Or, Bernard et Paulo semblent se connaître, même s’ils ne le disent pas et tentent de le cacher.

Mais d’autres incidents dramatiques se produisent.

 

Roman policier, Gauguins à gogo est comme un huis-clos ne dépassant pas les limites du village des Beaumes. Seuls quelques personnages évoluent dans ce contexte qui progressivement devient étouffant prenant comme thème principal l’art pictural. Gauguin en est la figure emblématique, et naturellement certains de ses tableaux sont évoqués.

Mais sont-ce des vrais, des faux, tout est dans la nuance. Et le personnage de Bernard devient flou au fur et à mesure que l’intrigue avance. Mais les autres protagonistes cachent certaines fractures, dont, juste pour l’exemple, Tessa qui vivait avec Nicholas pour fuir son entourage mais ne l’aimait pas.

Un bon petit roman policier qui vaut surtout pour les décors et la notoriété de son auteur.

 

Elle avait quarante ans, voulait en paraître trente et son maquillage épais lui en donnait presque cinquante.

Raymond MARLOT : Gauguins à gogo. Collection Super Crime Club N°295. Editions Denoël. Parution 2 octobre 1971. 192 pages.

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16 novembre 2019 6 16 /11 /novembre /2019 05:38

Ce choix d’histoires s’adresse essentiellement à ceux qui trouvent trop fade la saveur

de la télévision.

Alfred Hitchock

Alfred HITCHCOCK présente : Histoires abominables.

Non seulement Alfred Hitchock s’est montré le maître du suspense au cinéma, mais il a œuvré aussi à la télévision dans des séries dont le parfum perdure dans nos souvenirs.

Il a apporté sa caution dans les recueils de compilation à thèmes et dans le magazine portant son nom, auquel il ne participait que comme éditorialiste. Toutefois bon nombre d’auteurs qui souvent étaient inconnus, et le sont encore, du grand public purent ainsi être publiés et traduits en France, grâce à son soutien nominatif.

Mais ce rôle fictif d’anthologiste lui est peut-être venu parce que tout ne peut être adapté.

Ainsi déclare-t-il dans sa préface :

Je suis venu tard à la télévision et d’aucuns ont prétendu que j’attendais que les écrans deviennent assez grands pour que je puisse m’y loger (allégation contre laquelle je proteste de tout mon poids). Toutefois, j’en suis venu à beaucoup aimer ce moyen d’expression et j’espère bien que l’on ne verra pas dans l’existence de ce livre une critique mais simplement la reconnaissance d’un fait patent. A savoir qu’il y a certaines histoires auxquelles la télévision ne peut rendre justice.

 

Dans Histoires abominables, il est intéressant de trouver ou retrouver des auteurs aussi différents que Jérôme K Jérôme, auteur de l’inénarrable Trois hommes dans un bateau, de William Hope Hodgson, auteur des aventures de Carnacki chasseur de fantômes, ou de Robert Bloch dont le roman Psychose fut adapté de magistrale façon par Hitchcock et qui fournit pas moins de dix-sept épisodes pour la série télévisée Hitchcock présente…

 

Loin de moi l’idée de vouloir présenter tous ces textes, ce serait fastidieux aussi bien pour vous que pour moi, mais j’ai pioché au hasard quelques-unes des nouvelles qui la plupart du temps relèvent du surnaturel ou tout au moins du fantastique. Mais pas que, parce que l’horreur et la terreur s’invitent également et l’on retrouvera certains thèmes favoris des auteurs présentés, du moins pour les plus connus.

 

Dans Comment l'amour s'imposa au professeur Guildea, de Robert Smythe Hichens, nous sommes mis en présence de deux célibataires endurcis : le père Murchison, par son statut de religieux, et le professeur Frederic Guildea qui est foncièrement misogyne, voire misanthrope. Ils font connaissance lors d’un sermon de l’un et d’une conférence de l’autre, et le père Murchison est invité chez le professeur. Ce qui constitue presqu’une première. Ils se retrouvent assez souvent chez Guildea, conversent à bâtons rompus devant, éventuellement le majordome du professeur, mais surtout de son perroquet. Jusqu’au jour où Guildea sent comme une présence chez lui et croit entendre son volatile s’exprimer d’une voix féminine.

 

Sortilège de Montague R. James est conforme à son titre. Un certain Karswell n’apprécie pas du tout que son texte La vérité sur l’alchimie soit refusé par une association et il en veut plus particulièrement à celui qui est à l’origine à ce refus. Et pour bien marquer que sa vengeance sera terrible, il placarde ou fait parvenir des affichettes dans lesquelles il invite à se pencher sur le cas d’un critique littéraire qui avait éreinté son précédent ouvrage justement sur l’alchimie.

 

Jérôme K. Jérôme prend pour thème celui de l’automate dans Un cavalier accompli. Ce thème est de nos jours encore souvent utilisé mais lors de sa parution peu de textes mettent en scène ce genre d’automate. C’est en entendant des jeunes filles se plaindre de ne rencontrer dans les bals que des cavaliers aux discours insipides, qu’un fabricant de jouets articulés décide d’assembler ce cavalier qui devrait faire sensation. Et en effet, ce cavalier danse sans monter sur les pieds de sa partenaire mais un couac se produit toujours dans les objets animés. L’on pense naturellement à Collodi et son personnage de Gepetto fabricant une marionnette nommée Pinocchio mais aussi à d’autres textes fondateurs ayant un automate comme personnage principal.

 

Avec Sredni Vashtar, Saki, nom de plume H.H. Munro, livre un texte mettant en scène un enfant de dix ans, Conradin, élevé par sa cousine madame de Ropp. D’après le médecin, Conradin n’a plus que cinq ans au maximum à vivre, mais pour autant entre sa cousine et lui, c’est un peu comme chien et chat. Pire même car parfois ces deux animaux arrivent à cohabiter en bonne intelligence. Alors Conradin reporte l’affection qu’il ne peut exprimer ou recevoir envers une vieille poule et une fouine-putois logés dans une vieille remise au fond du jardin.

 

La voix dans la nuit, de William Hope Hodgson, c’est celle d’un inconnu qui s’adresse aux marins d’un schooner encalminé dans les eaux du Pacifique Nord. Il ne veut pas se montrer, repart même à bord de son embarcation mais le capitaine et ses hommes parviennent à l’apprivoiser. Ils lui promettent des vivres pour lui et sa femme alors il narre, de loin, dans la brume, sa mésaventure. Comment le navire à bord duquel le couple voyageait, et seuls rescapés, comment ils ont abordé une île déserte recouverte d’une étrange végétation.

 

La dame sur un cheval gris, de John Collier, prend pour décor l’Irlande et l’antagonisme entre celtes et saxons, entre natifs de la verte Erin et envahisseurs Anglais, même si ceux-ci sont installés depuis des siècles. Le dernier descendant d’une famille anglo-irlandaise qui apprécie les parties de chasse ou de pêches en compagnie de son ami Bates parcourt la campagne et il apprécie encore plus les bonnes rencontres féminines dans les auberges, sur les chemins, ne s’embarrassant d’aucun principe de courtoisie, de respect, de considération envers celles qu’il juge bon à mettre dans son lit ou sur une botte de paille.

 

Tout un lot de nouvelles dans la forme et dans le fond et qui peuvent se révéler politique, poétique, humoristique, sociologique, horrifique, surnaturelle, fantastique, et que le lecteur avide goutera avec plaisir.

Cet ouvrage a été réédité partiellement et pour certaines nouvelles retraduites. Les titres et noms des auteurs en italiques ne sont pas compris dans la réédition Pocket.

 

Alfred HITCHCOCK, Préface.

Robert Smythe HICHENS : Comment l'amour s'imposa au professeur Guildea (How love came to professor Guildea). Traduction : Jos Ras

M.R. JAMES : Sortilège

Jérôme K. JEROME: Un cavalier accompli

Edward Lucas  WHITE: Lukundoo

Margaret ST CLAIR : Le travail bien fait

Phillip MacDONALD : L'Amour qui saigne (Love lies bleeding. Traduction Odette Ferry

Arthur WILLIAMS : Le Parfait meurtrier (The Perfectionist). Traduction Odette Ferry

C.P. DONNELLE Jr. : Recette de meurtre (Recipe for Murder). Traduction Odette Ferry

RUSSEL John : Le prix d'une tête

SAKI : Sredni Vashtar (Sredni Vashtar). Traduction Odette Ferry

William Hope  HODGSON : La voix dans la nuit

Richard CONNELL : Les Chasses du comte Zaroff (The Most Dangerous Game). Traduction Jos Ras

James Francis DWYER : Le Diplôme de la jungle (Being a Murderer Myself / A Jungle Graduate). Traduction Jos RAS

John COLLIER : La Dame sur le cheval gris (The Lady of the Grey). Traduction Odette Ferry

Robert BLOCH : Une souris et des rats (Water's Edge). Traduction Odette Ferry

Robert ARTHUR : Le Farceur (The Jokester). Traduction Odette Ferry

A. M. BURRAGE : Figures de cire (The Waxwork). Traduction Odette Ferry.

Thomas BURKE : L'Épouse muette (The Dumb Wife). Traduction Odette Ferry

Dorothy Kathleen BROSTER : Tapie devant la porte (Crouching at the door). Traduction Odette Ferry

 

Réédition Partielle : Pocket N°1814. Parution 3ème trimestre 1979. 256 pages.

Réédition Partielle : Pocket N°1814. Parution 3ème trimestre 1979. 256 pages.

Alfred HITCHCOCK présente : Histoires abominables. Editions Robert Laffont. Parution 30 mai 1960. 412 pages.

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12 novembre 2019 2 12 /11 /novembre /2019 05:06

C’est mieux que pas de preuve du tout !

Joseph-Louis SANCIAUME : La preuve sanglante.

En villégiature dans une petite ville du sud de la France, l’inspecteur Lénard se promène nuitamment dans les rues endormies. Il passe devant le musée auquel il a déjà rendu visite dans l’après-midi et est intrigué par la lumière qui brille au rez-de-chaussée. Il aperçoit un homme qui s’enfuit. Et la porte du musée n’est pas fermée. Aussitôt il suppose qu’un vol vient d’être commis.

Arrivé en compagnie de François Séverin, le gardien de l’établissement, l’inspecteur Piton se demande à juste titre ce que fait sur les lieux Lénard et il s’apprête à l’arrêter lorsque l’inspecteur décline son grade.

A l’intérieur, les trois hommes découvrent le cadavre du conservateur, Manuel Desflizes, tué d’une balle dans le cœur, les mains ensanglantées. Et en vérifiant les lieux, le gardien remarque qu’un tableau de Rembrandt, un Paysage, la pièce la plus rare du musée, a été dérobé. Il ne reste plus que le cadre. Peu après ils découvrent qu’un Corot a été déménagé dans un endroit sombre, et qu’il s’agit d’une copie remplaçant l’original.

D’après François Séverin, il n’y a guère que le conservateur adjoint, Auguste Cloche, le secrétaire du conservateur, Morel, qui vient d’être congédié, et Dorothée, la belle-fille du conservateur, et sa bonne Maria, qui vivent dans une dépendance située dans le parc, qui s’occupent du musée. Et encore, il ne faut guère compter sur Auguste Cloche. Quant à Dorothée, c’est une trentenaire au visage peu amène et au caractère acariâtre. Elle reçoit Lénard comme un chien dans un jeu de quilles.

Lénard se retrouve seul avec le mort, en attendant les services de la scientifique, et son regard est accroché par un cadre contenant la photographie d’un chien posé sur le bureau. Mais sous le cliché de l’animal, est glissée une autre photo représentant le visage d’une jeune fille triste. Une inscription précise qu’elle se nomme Laetitia.

D’autres personnages vont bientôt intégrer ce petit comité, dont un spécialiste de l’art pictural. Mais le suspect principal reste Morel, le secrétaire renvoyé par le conservateur. Selon certaines sources, car d’autres affirment, dont le principal intéressé, qu’il s’agissait d’une simple démission et qu’il avait toute la confiance du conservateur. Un voyage à Nice permettra à Lénard d’assembler les fils de cette intrigue et résoudre le meurtre du conservateur.

 

L’épilogue est un peu tiré par les cheveux comme dirait un de mes amis qui est chauve, mais bon, il n’en reste pas moins vrai qu’il s’agit d’un roman d’énigme qui tient à peu près la route malgré les nombreux virages et le manque de signalisation.

A part quelques petites anomalies qui à l’époque ne devaient pas troubler le lecteur. Concernant les anomalies, par exemple, l’inspecteur Piton semble travailler seul avoir les mains libres. Pas de commissaire, de responsable hiérarchique, pas de juge, pas de procureur pour venir lui mettre des bâtons dans les roues. Et certains protagonistes arrivent sur le plateau de tournage comme si l’auteur en avait déjà parlé précédemment. Leurs déclarations sont entachées d’à-peu-près et de mensonges ou d’approximations, ce qui nuit évidemment à l’enquête que c’est approprié Lénard, de façon non officielle.

 

Joseph-Louis SANCIAUME : La preuve sanglante.

Joseph-Louis SANCIAUME : La preuve sanglante. Collection La Cagoule n°18. Editions La Bruyère. Parution janvier 1946

Première édition : Collection À ne pas lire la nuit n°126. Éditions de France. 1939 

Réédition Collection Policière le Glaive 109. Editions du Puits-Pelu. Parution 1955.

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11 novembre 2019 1 11 /11 /novembre /2019 05:15

Attention Mesdames et Messieurs, dans un instant on va commencer.
Installez-vous dans votre fauteuil bien gentiment.
5, 4, 3, 2, 1, 0, partez.

Max OBIONE : Canon.

Après s’être amusé avec Rosa, la femme-canon qui l’est dans le sens que l’on veut bien lui donner, Zéphyr Bob le clown est parti voir ailleurs, la laissant seule dans un état lui interdisant de glisser son corps dans le fût du canon qui l’envoyait rejoindre les étoiles. Presque, car un filet la récupérait au bout de quelques mètres de projection.

Mais la projection séminale de Zéphyr Bob n’a pas été vaine. Doublement, car quelques mois plus tard sont nés Boum et Boom, un garçon et une gamine, la narratrice qui sont attachés l’un à l’autre comme les jumeaux qu’ils sont. Plus que des jumeaux d’ailleurs, des siamois collés par la peau du dos. Ils possèdent chacun leurs organes, mais dans des proportions inégales.

Et depuis onze ans, ils accompagnent leur mère, c’est normal, dans les tribulations du Karmas Circus, qui a bien perdu de sa splendeur et en même temps des spectateurs qui alimentaient la caisse. Un cirque en décadence et au fil du temps le nombre de circassiens s’est réduit à peau de chagrin. Cela n’empêche pas le directeur de la troupe ambulante de vouloir profiter de Rosa, Rosa, Rosa… qui n’en perd pas son latin et le renvoie dans ses foyers, c’est-à-dire sa roulotte décrépite. Zompani, l’indélicat directeur qui pensait l’avoir à l’œil en perd le sien.

Boum et Boom vieillissent tout doucement et tandis que l’un tape sans discontinuer sur un tambour qui lui a été donné inconsidérément, l’autre possède un joli filet de voix qui enchante son entourage. Et le brave Joe Kaoutchouc, n’hésite pas à l’encourager, l’accompagnant avec son accordéon.

 

Une histoire mélodramatique, tragicomique, de deux enfants de la balle, vivant au milieu des estropiés de la vie et qui pour gagner leur pitance vendent leur corps à des spectateurs attirés par les anomalies physiques de leurs concitoyens, peut-être pour se rassurer eux-mêmes de leur intégrité.

Les Freaks, c’est chic, rapportent du fric, du moins c’est ce qu’espèrent en général ceux qui n’ont rien à se reprocher physiquement mais à la mentalité douteuse et mercantile.

Cela fait penser à Hector Malot et à Xavier de Montépin, mais en plus vivant, en plus court et plus en phase avec l’actualité. Le problème de l’handicap traité avec pudeur et un rien de dérision par la narratrice qui en vaut deux.

 

Max OBIONE : Canon. Nouvelle numérique. Collection Noire Sœur. Editions SKA. Parution 26 octobre 2019. 14 pages. 1,99€.

ISBN : 9791023407884

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10 novembre 2019 7 10 /11 /novembre /2019 04:50

Et elle ne compte pas pour des prunes…

Pierre BOULON : La dame brune.

Il n’y a guère de monde à assister à l’enterrement de Nestor Campelou dans la petite église de Vallantée-sur-Auzelle. Seuls les proches voisins, ceux habitant sur la rive droite de l’Auzelle, sont présents. Ils sont endimanchés pour saluer le départ de celui qui s’est tué accidentellement d’un coup de fusil lors d’une partie de chasse, ou de braconnage.

Seuls ? Non, car Vivien Laubier, le policier, et son amie de cœur la belle Clémence, secrétaire médicale de profession, sont également sur place. Vivien Laubier doit enquêter sur ce que certains pensent être un meurtre, et c’est à l’instigation du maire, Pierre Roubignot, qui a les bras longs et les oreilles du procureur, que le policier s’est vu confier cette affaire.

Laubier va donc se renseigner, interroger les différents voisins de Nestor, creuser les antécédents, et apprendre des épisodes précédents dont il fait sa pelote, sans savoir par quel bout la prendre.

Ainsi Auguste de Vallantée, le propriétaire du manoir, est décédé quelques mois auparavant dans des circonstances restées nébuleuses. Ce manoir est habité par sa veuve, Hélène de Vallantée, dite la Baronne, et par Charlotte de Vallentée, la fille d’Auguste mais belle-fille d’Hélène. Elles vivent séparément, chacune dans son aile, ne s’appréciant guère.

Le personnel du manoir se compose de Capucine et de Casimir Fay, et les autres voisins, qui ne sont guère nombreux, se nomment Gisèle, dite Gigie, la bistrotière, Adrien Lemuet, le négociant en bois se déplaçant dans une voiture de luxe, Gertrude, la couturière, Charles Molin, le menuisier qui fabrique également les cercueils, le cas échéant, sans oublier Jean Prieur, le curé au nom prédestiné, et Marguerite Grandpied, la femme du curé, pardon, la gouvernante du curé.

Laubier déambule parmi la nature, découvrant au hasard de ses pérégrinations, à travers une fenêtre, un vanneau pendu par les pieds au-dessus d’un chaudron noir, ou encore une poupée de chiffons poignardée. Et d’autres éléments qui semblent relever de la sorcellerie. D’ailleurs tout le monde s’accorde pour évoquer une mystérieuse Dame Brune qui traînerait dans les environs et dont la présence signifie la mort à ceux qui l’aperçoivent.

Sans oublier Fantôme, un groupe de résistants, des maquisards de la Seconde Guerre Mondiale, qui fait toujours parler de lui plus de vingt ans après.

Laubier et son amie Clémence acceptent l’invitation de loger au manoir, dans le corps de logis qui sépare les deux tourelles, et dont les chambres portent des noms évocateurs tels que Chambre de l’écureuil, Dame de la fougère, Cavalier de l’ombre, Princesse du val…

Une aura de surnaturel imprègne la demeure, et les deux enquêteurs, officiels ou non, ne passent pas des nuitées tranquilles. Et, en creusant bien, Laubier n’est pas loin de penser que chacun des protagonistes qu’il interroge aurait eu une bonne (ou mauvaise) raison de se débarrasser de Nestor.

 

Dans cette histoire, d’inspiration bucolique, Georges Brassens est souvent évoqué par ses chansons. Un style trop travaillé, presque trop littéraire (c’est quand même malheureux de le dire mais c’est vrai) et l’intrigue se trouvé noyée dans des phrases bien construites mais ennuyeuses et en pâtit. Alors qu’elle devrait être vive, que l’histoire devrait accrocher le lecteur, celui-ci se trouve englué dans des phrases redondantes.

C’est beau, certes, souvent poétique, mais normalement dans ce genre de récit, c’est la vivacité qui devrait primer. Du moins c’est mon ressenti, et l’esprit vagabonde et n’est plus accroché. Il baguenaude et ne s’intéresse plus à ce qui est décrit et s’intéresse à de petits détails sans véritable signification.

Par exemple, alors que Nestor est décédé depuis plusieurs jours, ses vaches sont toujours aux pâturages, le chien est resté à baguenauder près de l’habitation. Et le lecteur, conscient qu’il se pose des questions qui n’ont rien à voir avec le récit, se demande comment il se fait que les vaches ne meuglent pas, n’étant plus sujettes à la traite biquotidienne, comment le chien ne réclame pas sa pitance…

 

Citations :

Les fantômes sont de naïves inventions pour agrémenter les veillées ou faire peur aux enfants. Ils ont déguerpi sans tambour ni trompette, anéantis par un monde qui s’est mis à les ignorer.

 

Une génération chasse l’autre en l’accusant d’être passée de mode. Puis vient son tour de lâcher ses illusions et de mettre en doute son soi-disant progrès. Alors elle court vers ses aïeuls à qui la sagesse du temps avait appris qu’il faut un peu ralentir. Elle vole vers le monde des morts, quitte à devoir s’entourer de ces esprits chagrins qui ont l’habitude de jouer les médiateurs.

 

C’est la faiblesse qui crée la terreur.

 

C’est bien souvent après les drames que nous faisons coïncider les faits.

Pierre BOULON : La dame brune. Editions Jeanne d’Arc. Parution 9 avril 2010. 336 pages. 19,00€.

ISBN : 978-2911794865

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9 novembre 2019 6 09 /11 /novembre /2019 05:49

Il est le seul ?

Georges MOREAS : Le flic qui n'avait pas lu Proust.

A l'école nous jouions aux gendarmes et aux voleurs, et cela ne nous empêchait pas d'être copains. Alors, pourquoi dans la vie, un flic et un truand n'auraient-ils pas une certaine sympathie, une certaine affinité, un certain respect l'un pour l'autre ?

C'est ce qui arrive entre Coppa, le gangster, et Georges Moréas, ou plutôt son double, le narrateur. Spécialiste de l'évasion, Coppa est plus qu'un voleur haut de gamme. C'est aussi un aventurier.

Et les rumeurs, qu'il ne dément pas, circulent parmi les pontifes de la police comme quoi il serait à la tête d'une immense fortune : lors de l'une de ses pérégrinations qui l'avaient mené en Afrique, il se serait approprié le trésor d'un dictateur en fuite.

Coppa lui donne rendez-vous dans un café, mais les deux hommes tombent dans un traquenard. Coppa parvient à s'échapper. Il est à nouveau arrêté alors qu'il s'apprêtait à passer la frontière espagnole sous une fausse identité. Lors de son transfert vers Paris il est abattu ainsi qu'un des inspecteurs qui l'accompagnait.

Le policer remet sa démission et part pour le Kibonda, en compagnie de la fille de Coppa afin d'exécuter ses dernières volontés. Mais il se demande quel rôle il tient dans ce drôle de jeu.

 

Roman policier tout autant que roman d'aventures, Le flic qui n'avait pas lu Proust permet à Georges Moréas de philosopher sur certains événements et sur la condition des flics, ou plutôt de ceux appartenant à certains services. Il entre dans ce roman comme une grande part de désabusement, et l'on n'est pas sans associer le narrateur à l'auteur.

Georges Moréas nous entraîne dans une ronde infernale où la manipulation est reine, mais dans un contexte nouveau, à la frange d’un système politique.

Georges MOREAS : Le flic qui n'avait pas lu Proust. Collection Les Noirs grand format. Editions Fleuve Noir. Parution janvier 1996. 328 pages.

ISBN : 978-2265057173

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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