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26 novembre 2016 6 26 /11 /novembre /2016 06:34

Oh mon bateau...

Denis FLAGEUL : Fantôme de mer.

Planté devant sa fenêtre, Louis Gonidec scrute l’horizon, la mer en proie à la colère du vent de décembre.

Malgré le tiraillement qu’il ressent dans le bras gauche, il stationne jusqu’à ce qu’enfin il aperçoive ce qu’il espère et redoute à la fois. Une barque, une fluorescence qui flotte rapidement sur l’eau, entre Erquy et Fréhel. Absorbé, il ne voit pas le temps passer.

Viviane, sa maitresse… de maison, monte se coucher tandis que lui reste devant la croisée, avant de s’intéresser à ses documents et ses tableaux. Des marines, dont des toiles de Méheut et Böcklin, puis il sort.

Lorsqu’il rentre il se retrouve nez à nez avec deux personnages qui sont en train de dévaliser sa bibliothèque. Une attaque, une douleur dans la poitrine et Louis tombe à terre. Viviane réveillée par le vacarme descend précipitamment, mais ne peut que constater le départ des intrus et apercevoir Louis gisant. Les gendarmes procèdent aux premières constatations mais Viviane ne peut accompagner Louis plongé dans le coma à l’hôpital, n’étant pas de la famille.

Irène, la fille de Louis et Armel son mari armateur, ainsi que Mona une de ses petites-filles, arrivés aussitôt sur les lieux du drame, doivent procéder à un inventaire. Entre Mona et ses oncle et tante, l’entente ne règne guère. Ils ne voient que par Murielle, leur fille, mariée à un homme destiné à la politique et à un avenir prometteur.

L’inventaire est long, mais avec un peu de méthode, Mona et Murielle se rendent compte que des dossiers contenant des documents et deux tableaux ont disparu. Murielle repart, ses parents aussi, ils ont autre chose à faire, et Mona s’accroche. Elle était attachée à Grand-Pa, et des photos réveillent ses souvenirs. Murielle, la pleurnicheuse, Richard et elle sur la grève. C’était il y a vingt ans de cela. Depuis Mona est étudiante en histoire de l’art, elle a des problèmes financiers, mais malgré tout elle s’accroche à ce larcin et l’énigme qui en découle.

Les deux voleurs ont perpétré leur forfait à la demande d’un certain Kovalsk, mais les inimitiés, les dissensions s’installent dans le petit groupe et l’un d’eux s’enfuit, jetant dans une benne à ordures le sac contenant les documents, ne gardant par devers lui qu’un paquet assez volumineux.

 

Dans une ambiance frisant le fantastique, Denis Flageul nous entraîne dans une histoire dont l’un des éléments principaux est le Bag Noz, la barque de nuit, censée convoyer les personnes péries en mer.

Et la dernière victime de l’année, tout comme pour l’Ankou sur terre, deviendra le nouveau marin, le pilote de cette embarcation. Une superstition, une légende qui est ancrée dans l’imaginaire populaire breton.

Mais est-ce vraiment une affabulation ? Tout pourrait porter à le croire, sauf que les témoignages concernant la vision de cette barque flottant au dessus de l’onde par des personnes apparemment dignes de foi et relatée dans différents journaux locaux dans les années 1960 abondent.

Le fantastique nous entoure, il suffit pour le percevoir de montrer un peu de bonne volonté. L’intrigue qui en elle-même est plaisante, nous permet de voyager dans les Côtes d’Armor avec des intrusions en Ille et Vilaine, entre terre et mer.

Le Grand-Pa, Louis Gonidec, recherche ses racines et possède une quantité impressionnante de livres, de documents sur la vie maritime des siècles précédents, des tableaux achetés dans des brocantes et qui se révèlent être de valeur.

Et de nombreux lecteurs acharnés pourront se retrouver en ce personnage sympathique. Sûrement plus que certains de ses ancêtres. L’épilogue peut éventuellement laisser sur sa faim, mais avec un peu de fantaisie imaginative, vous pouvez continuer l’histoire en lui collant le dénouement qui vous agrée.

Denis FLAGEUL : Fantôme de mer. Collection Polar & Grimoire. Edition Terre de Brumes. Parution 20 octobre 2011. 160 pages.

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25 novembre 2016 5 25 /11 /novembre /2016 07:17

Franchement Berty aurait mieux fait de ne pas regarder à la télé Patrick Bruel jouer au poker.

Hugo BUAN : Cézembre noire. Une enquête du commissaire Workan.

Car Berty se retrouve sans un rond et à bord d’une vieille caisse, il effectue le trajet Paris Saint-Malo sans vraiment savoir ce qu’il va faire au pays des binious. Si, il doit, afin de garnir son portefeuille désespérément vide à part quelques quittances de dettes, s’improviser tueur. C’est Kolo qui l’a décidé et quand Kolo commande, il vaut mieux obéir. Renseigné sur le parcours à effectuer par téléphone portable, crypté, il arrive donc dans la cité des corsaires, son look de rocker quinquagénaire à la banane défraîchie ne plaidant guère en sa faveur. Il embarque à bord d’un rafiot manœuvré par un ancien d’Indochine affublé d’une une prothèse, Hale-ta-patte.

Le même jour à Rennes, le commissaire Workan réunit ses troupes sur l’injonction de son supérieur. Magouillant avec la DST, il est le policier idéal pour aller enquêter sur les agissements de deux Américains sur l’île de Cézembre. La mission des deux Etats-uniens consiste théoriquement en l’étude de l’écosystème de l’île qui durant la Seconde guerre mondiale a subi des largages de bombes, dont des explosifs au napalm, alors que les Allemands y régnaient en maîtres. En compagnie de ses adjoints, Lerouyer qui possède une embarcation amarrée justement à Saint-Malo et connaît bien Cézembre, de Roberto, Leila et Cyndi, il part à l’assaut des éléments. Car la tempête fait rage en ce 8 novembre et les conditions ne sont guère favorables pour la traversée qui se révèle houleuse. D’ailleurs les deux embarcations s’échouent non loin l’une de l’autre et ils n’ont d’autre solution que de se réfugier au Barge’hôtel.

Habituellement désert en cette période de l’année, le rafiot transformé en hôtel regorge de pensionnaires. Outre les tenanciers, Léon, le grand-père, Marie-Line la fille et Noël le petit-fils de 18 ans, ainsi qu’une famille d’industriels venus en séminaire, les Monsiret, composée de cinq personnes dont la fille, Daphnée. Ils se retrouvent tous bloqués sur ce lopin de terre et les moyens de communications sont défaillants. Les téléphones portables sont inopérants et Berty est le premier à regretter cette lacune : Kolo doit lui transmettre la photo de la personne à abattre et s’il ne réalise pas son contrat c’est lui qui va se retrouver au boulevard des allongés.

La situation est grave mais pas désespérée, pensent-ils tous, sauf que Daphnée qui revient d’une petite promenade affirme avoir vu un Allemand, que des tirs de mitrailleuse se font entendre et qu’un Stuka survole l’île. Un son qui ne peut être confondu avec les rafales de vent. Les mines enfouies lors des bombardements d’Août 1944 ne sont pas toutes neutralisées, les canons se dressent toujours fièrement malgré la rouille, et les bunkers peuvent receler des pièges. Enfin l’ombre de Rommel plane sur ce morceau de terre ainsi que celle d’un nommé Ruhbescht, ancien de l’Africa Korps, décédé le 6 juin 1944 mais qui aurait enterré auparavant des diamants, en espérant peut-être qu’ils fassent des petits. Bref ce qui ne devait être pour chacun des pensionnaires qu’un week-end presque tranquille se transforme en enfer bordé d’eau.

Hugo BUAN : Cézembre noire. Une enquête du commissaire Workan.

Dans un style percutant et complètement déchaîné, je dirais même mieux démonté comme la mer de Raymond Devos, Hugo Buan nous invite à le suivre sur un terrain miné guère exploré.

Nous sommes en Bretagne, loin des légendes celtiques et des menhirs. L’histoire emprunte à un décor réel et à l’histoire réelle elle aussi, avec soixante ans de recul, d’un épisode de la dernière guerre mondiale. Les touristes qui parcourent les côtes de la Manche ne peuvent guère y échapper, mais Hugo Buan nous mitonne une sorte de huis clos jubilatoire qui dure soixante douze heures. Trois jours durant lesquels les événements, les incidents, les tensions, les drames se succèdent en un véritable feu d’artifice angoissant et grotesque. Mais l’épilogue, même si le roman joue dans le registre des tontons flingueurs et autres farces cinématographiques, est néanmoins fort bien amené et vaut plus qu’un détour. La visite approfondie du livre s’impose, et les sceptiques pourront toujours consulter sur Internet “ Cézembre ”.

Première édition Collection Univers Grands Romans. Pascal Galodé éditeurs.

Première édition Collection Univers Grands Romans. Pascal Galodé éditeurs.

Hugo BUAN : Cézembre noire. Une enquête du commissaire Workan. N°2. Réédition éditions du Palémon. Parution 19 février 2016. 352 pages. 10,00€.

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24 novembre 2016 4 24 /11 /novembre /2016 06:57

Sur la route 66
Personne ne t’attend la bas
Plus d'musique bars désertique
Y a qu'des fantômes que tu ne vois pas

(Eddy Mitchell)

Sophie LOUBIERE : White coffee.

La page de la route 66, avec ses multiples cadavres retrouvés et son tueur en série mis hors course, semble tournée. Lola est rentrée à Nancy après avoir risqué sa vie et celles de ses enfants, sauvée par Desmond Blur, criminologue et accessoirement apparenté à David Owens, le tueur. Entre Desmond et Lola s'est forgée une histoire d'amour mais elle est retournée chez elle, afin de faire le point et de soigner ses blessures, morales et physiques, tandis que Desmond a repris ses cours et ses conférences.

Et Pierre Lombard, son mari, qu'est-il devenu ? Elle ne le sait pas. Elle ignore qu'il a été emprisonné, pour complicité avec David Owens. Mais Pierre est relâché, aucune preuve ne pouvant lui être imputée. Peut-être que s'il avait gardé son carnet où il notait tout ce qui s'est déroulé durant les années vécues en compagnie du tueur, ses confidences et bien d'autres choses encore, n'aurait-il pas eu maille à partir avec le FBI, mais il avait transmis ce fameux cahier à Lola en France.

Le FBI ne possède pas le moindre début de preuve pour inculper Pierre Lombard, d'ailleurs il clame son innocence, s'érigeant en victime, et il est extradé vers son pays d'origine. Ce qui n'empêche pas les deux agents du FBI de continuer de sillonner la route 66 et les points d'ancrage de David Owens et de Pierre Lombard afin de récolter des renseignements complémentaires sur les deux hommes et leur degré de connivence.

Pierre Lombard de retour à Nancy est contacté par un ami, qui est également un opportuniste, afin qu'il écrive un livre narrant ses tribulations américaines. Lola a tenu un certain temps un blog qu'elle alimentait à partir des écrits de Pierre, des extraits du fameux carnet. Gaston, le fils, est tout heureux de retrouver son père. A neuf ans, il s'agit bien d'un manque d'affection qu'il veut combler et Pierre y est sensible. Il va même jusqu'à emménager dans leur ancienne maison, mais la cohabitation avec Lola est difficile, tandis qu'Annabelle, née d'un premier mariage, est plus sceptique. Mais comme elle adore son petit frère, ce qui n'empêche pas les chamailleries, elle se résigne.

Là-bas, aux Etats-Unis, Desmond est pressenti pour une série de conférences à l'université de Chautauqua dans l'état de New-York. Or d'étranges phénomènes se produisent dans cette paisible cité.

Par exemple un homme se promène la nuit tenant une ampoule rouge dans la main et l'habitant se demande s'il ne s'agit pas du fantôme de Thomas Edison. Ou encore une femme emprunte des livres à la bibliothèque alors qu'elle est sensée être décédée depuis deux ans. Sans oublier l'orgue de l'amphithéâtre qui joue du Liszt tout seul, une façade du Women's club barbouillé de graffitis d'insultes, le chat crucifié d'un couple, la disparition inquiétante des écureuils du parc, une femme sans tête retrouvée dans Bischop's Garden, et bien d'autres choses encore.

C'est à la demande du président du Chautauqua Institution que Desmond va s'atteler à cette tâche peu commune. Ses conférences ont recueilli un joli succès, et comme il était parti précipitamment sans se prêter à la traditionnelle séance de dédicaces de ses œuvres, après un court séjour de remise en forme, il revient enquêter tout en cultivant par téléphone son jardin secret, sa relation avec Lola.

Et sur la route 66, que se passe-t-il de neuf ? Patty, la serveuse du Bagdad Café et veuve de David Owens a retrouvé cachée dans un tiroir d'un meuble de la chambre de Desmond une enveloppe contenant un bracelet aux perles bleues. Elle le remet au shérif, qui est secrètement amoureux de la belle sexagénaire, et celui-ci pense que cette affaire pourrait rebondir. D'autant que des restes de cadavre sont découverts dans le désert de Mojave.

 

Ce roman est la suite de Black coffee, publié chez le même éditeur et réédité chez Pocket, mais point n'est besoin d'avoir lu le premier de la série avant d'entamer White coffee. Disons que c'est mieux pour comprendre toute l'affaire dans ses détails, mais pas indispensable.

Sophie Loubière nous entraîne dans une histoire comportant plusieurs nivaux, aux multiples rebondissements, qui s'imbriquent les uns dans les autres. L'auteur nous tricote son intrigue comme une écharpe aux nombreux fils de couleurs qui se positionnent en strates, sans vraiment empiéter les unes sur les autres mais tout en offrant une sorte d'arc-en-ciel de couleurs.

Le parcours nancéien de Lola et de ses enfants, celui de Pierre qui retrouve une gloire éphémère en devenant animateur d'une émission télévisée musicale, lui qui fut un des membres d'un ancien groupe ayant connu un relatif succès, l'enquête de Desmond à Chautauqua, les événements qui continuent à se produire sur la route 66, tout est autant de stations de croix dans une histoire complexe mais éblouissante.

La tension monte car les relations entre Gaston et son père indisposent Lola, le garçon étant attiré par ce baroudeur dont il a été privé durant de longues années. Et le drame couve.

Et quelques chapitres sont placés comme de petits dessins dans cette longue écharpe, des chapitres sous forme de nouvelles qui pourraient être lues indépendamment, s'intégrant en souplesse dans le récit sans le perturber mais qui sont comme des entractes. Ainsi les relations téléphoniques entre Lola et Desmond qui remplacent une fusion charnelle à distance entre les deux amants et révèle un érotisme léger. Cela sent le vécu.

Sophie LOUBIERE : White coffee. Editions Fleuve Noir. Parution le 13 octobre 2016. 624 pages. 21,50€. Disponible en version numérique : 15,99€.

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19 novembre 2016 6 19 /11 /novembre /2016 06:34

Y' a des gens qui sont nés à Paris
Y'en a d'autres qui sont nés dans l'Berry
Moi j'suis d'la deuxièm' catégorie
On est d'où on peut, et c'est la vie

Serge JANOUIN-BENANTI : Mes crimes en Berry.

En véritable explorateur de la criminalité provinciale rurale, Serge Janouin-Benanti visite, après l'Anjou, l'Aquitaine et quelques départements dont le Morbihan, une ancienne province englobant le Cher et l'Indre, aux nombreux aspects touristiques dont la Brenne, chère aux ornithologues, et le Sancerrois, un vignoble très apprécié accompagné du p$até berrichon ou du fameux Crottin de Chavignol, et berceau de cette admirable femme de lettres et féministe Georges Sand.

Loin d'une aimable promenade géographique, viticole, gourmande ou littéraire, Serge Janouin-Benanti nous propose de nous plonger dans les arcanes d'affaires criminelles des siècles derniers pour notre plus grande édification.

Sordides, révoltantes, émanant d'esprits imbus ou infatués d'eux-mêmes, ces faits-divers révèlent le comportement égoïste, pitoyable, simplet, machiavéliques d'individus jaloux ou perdus, dont les motivations sont la plupart du temps la pauvreté, et son corollaire le besoin d'argent, la cupidité mais aussi l'attrait exercé par les femmes ou la vengeance.

J'irai pas en prison, Sébastien Daize l'affirme avec vivacité et colère. Travailleur saisonnier, Sébastien a estimé qu'il avait été grugé par son patron lorsqu'il a été renvoyé pour insubordination. Une retenue sur salaire consécutive à une période de maladie. Alors Sébastien, vingt-sept ans, s'est forgé de nombreuses initiatives au cours desquelles son patron lui rendait sous la menace la somme dont il a été spolié.

J'voulais juste changer de femme déclare Jacques Reverdy, quinquagénaire et maire de Crézancy. Il est marié, père de cinq enfants, mais il est ce que l'on appelle un queutard. Et il faut qu'il aille voir ailleurs pour satisfaire ses besoins charnels, et surtout du côté des jeunettes. Il avait jeté son dévolu sur Madeleine, elle lui a résisté pendant de nombreuses années, puis un beau jour, elle a cédé. Mais Madeleine est mariée, et elle culpabilise.

Dans Je suis lamentable, Etienne Crochet cherche un emploi afin de subsister, seulement il traîne derrière lui une casserole. Bâti en Hercule, il avait trouvé un travail comme garçon meunier, mais il a été arrêté pour vol chez son oncle, et il est resté un mois en préventive. L'enquête n'a rien donné seulement son passé ne plaide pas en sa faveur. Alors il part sur les routes, mais cela se passe mal, non seulement il ne trouve pas de travail, mais de plus il commet des actes délictueux.

 

Parce que sa mère voulait que son fils devienne un homme considéré, Athanase a poursuivi laborieusement des études de pharmacien. Il s'est installé dans la maison familiale à Levroux, le rez-de-chaussée ayant été aménagé pour ouvrir son échoppe. Son père est décédé avant sa naissance, et sa mère s'est remariée peu après. Son beau-père l'a emmené lorsqu'il avait dix-sept ans au bordel pour le déniaiser, et c'est ainsi qu'il a ressenti pour les femmes un attrait, un besoin à satisfaire de façon hebdomadaire. Un jour il a voulu coucher avec Marie, la jeune bonne de quinze ans, mais celle-ci s'est défendue. Afin que Marie ne colporte pas partout qu'Athanase a voulu profiter d'elle, la mère a retourné la situation en faveur de son fils. Il était impensable que le fiston se mésallie. Un peu niais et imbu de lui-même, Athanase s'est entiché ensuite de Valentine, sa voisine qui tient également un commerce, une épicerie-mercerie. Mais elle est mariée, et Athanase malgré tout la poursuit de ses assiduités. Telle est la trame du drame intitulé Je cherche ma Valentine.

Dans Je boirai plus, juré ! Edmond Duplaix est emprisonné. Il est en proie à un gros délirium tremens, il délire dans sa geôle, il a des visions et se remémore ce qui l'a amené en prison. Tout ça parce que cafetier il buvait son fond, et qu'il était devenu jaloux, croyant, à tort ou à raison, que sa femme Azoline couchait avec un de ses clients. Une longue descente en enfer, un naufrage éthylique.

 

Si dans les histoires précédentes, la jalousie, les femmes et le besoin d'argent étaient le moteur principal, le ressort qui amenait les protagonistes à commettre leur forfait, dans Je l'ai échappé belle nous abordons un domaine qui s'inscrit dans l'actualité : le rejet de l'autre, de l'étranger ou supposé tel, mais avec toujours à la clé l'argent et les femmes, d'une façon détournée. L'histoire se déroule durant la guerre de 1870 et Louis Arnoux, d'origine vosgienne, est inculpé d'intelligence avec les Prussiens. Tout ça parce que la mission que lui avait confiée son employeur, le comte de Cahen, l'un des fondateurs de Paribas, était de mettre à l'abri en province son fiacre et ses trois chevaux. Mais le voyage s'est effectué en compagnie de deux couples, dont des bouchers qui avaient fait provision d'avoine afin de pouvoir spéculer sur le prix de cette céréale.

En 1915, c'est Ottilie Voss, la seule femme à bénéficier d'une notice, Je suis une espionne, qui est emprisonnée pour connivence avec l'ennemi, c'est à dire les Allemands, et trahison. D'origine germano-batave, Ottilie Voss s'était installée pour des raisons de santé à Agen en 1907, enseignant l'Allemand et l'Anglais, des cours privés qui lui permettaient de subsister, guère plus. Mais à cause de ses origines, à la déclaration de la guerre, elle fut rejetée par la population locale et embrigadée par les Allemands qui la chargèrent de récolter des renseignements. Ce qu'elle fournit à l'ennemi ne valait pas tripette, ou si peu, mais le capitaine qui instruisit son procès et le soldat chargé de la défendre, ayant une antipathie et des préjugés à son encontre firent tout pour qu'elle soit condamnée à la peine maximum.

 

Comme on peu s'en rendre compte, ce sont toujours les mêmes ressorts qui guident la société, paysannerie ou bourgeoisie, la jalousie, l'argent, et les préjugés à l'encontre de personnes qui de par leur origine sont la cible privilégiée d'individus dont les actes de malveillance, parfois, sont plus à blâmer que ceux qui sont traduits devant la justice. Quelque soit l'époque et le lieu.

A noter que toutes ces histoires, dix au total, sont écrites à la première personne, procédé qui donne plus de force à la narration, et plus particulièrement dans Je boirai plus, juré !. Le lecteur s'investit dans le personnage, prend fait et cause pour lui, ou au contraire en ressent encore plus d'aversion.

 

Sommaire :

J'irai pas en prison (Sébastien Daize)

J'voulais juste changer de femme ( Jacques Reverdy)

Je suis lamentable (Etienne Crochet)

Je cherche ma Valentine (Athanase Pineau)

Je l'ai échappé belle (Louis Arnoux)

Je boirai plus, juré ! (Edmond Duplaix)

Ma pitoyable vie (Jules-César Barry)

Je suis une espionne (Otillie Voss)

J'ai fait la guerre, moi ! (Edouard Thomas)

Protège-moi, ma fille ! (Roger Briffaut)

Serge JANOUIN-BENANTI : Mes crimes en Berry. Gestes Editions. Parution août 2016. 296 pages. 19,90€.

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17 novembre 2016 4 17 /11 /novembre /2016 10:24

C'est bizarre la vie, surtout quand on est mort.

Cicéron ANGLEDROIT : Fallait pas écraser la vieille...

C'est que pense Cicéron Angledroit, l'auteur narrateur des trépidantes aventures qui vont suivre, et détective privé de son état, dans l'enceinte du cimetière de Thiais en région parisienne.

La défunte, Maria Costa, ne pensait peut-être pas compter autant de monde parmi ses amis et ses connaissances. Maintenant peu lui chaut, mais tout le monde a souhaité lui rendre un dernier hommage. La famille en tête, Carolina, sa fille et Monique l'ex femme de Richard le fils, les deux belles-sœurs qui partagent à l'occasion la même couche. Plus de nombreux membres de la communauté italienne dont était issue Maria Costa.

Maria Costa était une amie et comme un mère pour Cicéron, qui est vraiment peiné. D'autant que son décès a été provoqué par un jeune imbécile qui a perdu les pédales de son véhicule et s'est empêtré dans un abribus, tuant par la même occasion un gamin et blessant la mère. La vitesse, évidemment, un feu rouge grillé, vraiment pas de chance pour le conducteur qui n'a même pas dix-huit ans et encore moins son permis de conduire. Pour aggraver son cas, il a essayé de s'enfuir. Il s'appelle Etienne Elédan, fils de Vaclav du même nom, grand patron serbe d'une mafia qui organise des transferts d'immigrés, apprend à des jeunes filles issues de l'Est comment se comporter sur un trottoir et dans l'intimité plus quelques autres magouilles dont je me garderai bien d'émettre la liste, celle-ci étant trop longue.

Bref des gens pas fréquentables mais que Cicéron sera amené justement à fréquenter à la demande de Cairola, le chef de la communauté italienne, pardon, le président de l'amicale italienne du Val de Marne, qui œuvre au grand jour comme horticulteur. L'Italo-Francilien veut que Cicéron collabore avec les policiers afin de retrouver Etienne Elédan et sa famille qui se sont évaporés dans la nature car il ne veut pas que cet accident mortel reste impuni. Et pour bien affirmer son intention il remet à Cicéron une enveloppe garnie, ce qui va permettre à notre détective chéri de ces dames de remettre à jour ses finances et voir s'étaler sur la face de son banquier un sourire de satisfaction, alors qu'à l'ordinaire ce serait plutôt des grimaces face à un compte bancaire à moins zéro.

Justement le commissaire Saint Antoine (surnommé le pas doux) désire organiser une rencontre avec Cicéron, car lui aussi requiert ses services, ce n'est pas la première fois, et pour conclure le marché lui propose une enveloppe dont les fonds seront prélevés sur une cagnotte noire même si cela est devenu théoriquement prohibé. Disons que la cagnotte est noire transparente. Cicéron sollicite pour l'aider René, pousseur-rangeur de chariots pour une grande surface, l'Interpascher, et comme à la clé le solide et le liquide sont assurés (surtout le liquide) dans un restaurant de quartier, ce dernier, René pas le restaurant, accepte et va même jusqu'à simuler un accident de travail pour être disponible. Cicéron aura besoin également des bras de Momo, lequel n'en possède plus qu'un mais cela n'entrave en rien l'histoire.

Alors qu'ils, Cicéron et René, surveillent le domicile du Serbe et de sa famille, ils se font choper par quatre séides qui les enfournent dans le coffre d'un véhicule de marque allemande, mais comme je ne touche aucune commission je ne vous préciserai pas laquelle. Et nous voici revenu au point de départ de l'histoire, au prologue, qui heureusement ne fait que quelques lignes, car j'ai horreur des préambules qui en dévoilent de trop.

 

Comme vous aurez pu le remarquer, Cicéron Angledroit, dont ce n'est pas le véritable patronyme, marche sur les brisées sans les briser de San Antonio, période années soixante. L'écriture humoristique et sa façon d'apostropher, en douceur, le lecteur, donnent du tonus au récit qui n'en manque pas. L'humour, oui, et gaulois qui plus est, car si Cicéron n'est pas côté en Bourse il ne ménage pas les siennes et les bonnes fortunes ne manquent pas : Brigitte, sa maîtresse à mi-temps, elle est mariée, Monique avec laquelle il a déjà connu des aventures, avant qu'elle déclare sa flamme à Sapho sans pour autant renier Eros, et Vanessa, la jeune vallseuse (terme désignant une fonctionnaire dépendant du ministère de l'Intérieur), mariée elle aussi mais dont les heures de service de son mari, lui-même policier, correspondent à ces heures de temps libres.

Le nom du commissaire, Saint Antoine, nous renvoie au personnage créé par Frédéric Dard, et René, qui a toujours un estomac vide, à croire qu'il possède comme les vaches plusieurs récipients internes de digestion, nous rappelle sans conteste Béru. Quant à Momo, il pourrait être assimilé à Pinaud, dans une moindre mesure. A noter, et c'est rare dans ce genre de roman, que Cicéron ne boit que de l'eau et du café.

Cicéron Angledroit n'écrit pas du sous San-Antonio, il parodie quelque peu, et ceci ressemble plus à un hommage qu'à un pastiche. Du moins c'est ce que j'ai ressenti à la lecture.

Cicéron ANGLEDROIT : Fallait pas écraser la vieille... Collection Les enquêtes de Cicéron N°3. Editions du Palémon. Parution le 15 novembre 2016. 240 pages. 10,00€.

Première édition : Editions Publibook.

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14 novembre 2016 1 14 /11 /novembre /2016 09:52

Hommage à Yann de l'Ecotais, né le 14 novembre 1940.

Yann de L’ECOTAIS : Mortelles cliniques.

Simon Agassapian, plus familièrement surnommé Gas, est un détective privé qui exerce dans un esprit quelque peu dilettante.

Il n’a pas besoin de rentrées d’argent mensuelles fixes, son compte en banque, alimenté par papa qui fit fortune dans la chaussure, progressant constamment grâce à de judicieux placements boursiers. A part sa collection de voitures anciennes, dont une vénérable deudeuche, Ophélie sa fidèle et tentatrice secrétaire qu’il se refuse d’honorer par scrupule pour son jeune âge, ses fréquentes visites à ses parents dans l’Yonne, Joséphine son ardente maîtresse qui sait comment le mettre sur les rotules, il n’aurait rien à demander de plus à la vie.

Sauf quand sa mère chagrinée lui narre qu’une de ses amies est décédée lors d’une opération bénigne dans une clinique de la région. Sauf quand un journaliste localier décède dans un accident de voiture alors qu’il enquêtait sur une série de morts accidentelles dans la même clinique, sans causes apparentes. Sauf quand il apprend que la voiture du dit journaliste a été sabotée. Sauf quand un motard s’acharne à vouloir le suivre dans les petites routes de campagne sans qu’il ait demandé à bénéficier d’une escorte dans ses déplacements.

Ses recherches, ses investigations, souvent en pointillés l’amènent à s’intéresser de près à une société spécialisée dans la distribution d’eau.

 

Yann de l’Ecotais n’oublie pas qu’il fut journaliste, directeur de la rédaction de l’Express de 1987 à 1994.

Mais il imbrique avec humour baroque et gravité les amours tumultueuses entre son héros et Joséphine, maîtresse femme qui n’a peur de rien pas même d’éventuelles rivales, et un problème de société : la mainmise financière de nombreux consortiums diversifiant leurs activités et qui pour se donner bonne conscience allient l’utile à l’agréable : l’utile étant la productivité au détriment des relations humaines, l’agréable étant le rendement boursier, plaisir harpagonesque des actionnaires.

Roman noir à la française, Mortelles cliniques est également une parodie et un hommage aux romans noirs américains à la Dashiell Hammett ou anglo-saxons à la Peter Cheney, leur empruntant des clichés nostalgiques, tout en gardant le charme occidental de la narration à l’occidentale et en valorisant les relations entre personnes de sexe opposé.

Et à l’encontre de ses précédents confrères, si la femme qu’il campe pourrait ressembler physiquement à une poupée Barbie, moralement et intellectuellement elle se montre l’égale, et même en certaines circonstances, supérieure à l’homme, ne se cantonnant pas dans des rôles de divertissement ou d’exhibition.

Yann de L’ECOTAIS : Mortelles cliniques.

Yann de L’ECOTAIS : Mortelles cliniques. Collection Hors Noir N°17. Editions Hors Commerce. Parution le 14 septembre 1999. 188 pages.

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13 novembre 2016 7 13 /11 /novembre /2016 07:30

Des innocents qui perdent la tête, c'est un calvaire !

Michel DOZSA : Le calvaire des innocents.

Tous les lundis, depuis deux ans à dix heures pile, Marcel se rend sur la tombe de sa femme dans le petit cimetière de La Clarté dans les Côtes d'Armor. Un dernier hommage hebdomadaire. Mais depuis quelque temps, il a également rendez-vous avec une jeune femme dont le mari est enterré non loin de la tombe de sa femme. Elle s'appelle Cécile Conforlo, et après avoir bu un verre ensemble au café proche du cimetière, ils se promettent de se revoir, même heure, même endroit. Jusqu'au jour où Marcel attend la venue de Cécile, en vain.

Arnaud est un adolescent bipolaire, fils d'un riche magouilleur dans l'import-export. Il a poursuivi ses études, a ressenti quelques vagues velléités de travail, mais il préfère vivre aux crochets de son père. Alors il partage son temps dans le vaste appartement familial et un squat dans un vieil immeuble promis à la démolition situé dans un quartier populaire. Sa mère vaque entre deux réunions avec des amies (ou amis, qui sait) et des plongées dans leur piscine privée. Quant à son père, il le délaisse. Rien d'étonnant à cela qu'il ait entretenu une forme de déprime.

Il a en tête des envies de s'adonner à une activité qui pourrait le rendre intéressant, visible aux yeux de tous. Il a décidé de tuer quelqu'un, mais d'une façon peu commune. Il lui faut chercher comment résoudre ce problème tandis qu'il regarde par la fenêtre du squat la benne à cartons disposée dans la cour. Et il doit assister le soir même à une réception organisée par son père.

En Bretagne, non loin de Perros-Guirec, Ronan Magyar, ancien policier des brigades spéciales reconverti comme détective, et Morgane, sa jeune compagne journaliste, vivent soit chez soit chez l'autre, au gré des envies. Pour l'heure, ils sont ensemble dans un mobil-home installé au fond du jardin dans la propriété d'Hubert, un ami, et Ronan vient de recevoir un appel téléphonique l'invitant à une réception chez Ghyslain de la Motte de Cran, le père d'Arnaud. Cette invitation cache un autre but que de faire connaissance entre voisins, de la Motte de Cran étant nouvellement propriétaire d'une résidence dans la région. La Motte de Cran reçoit depuis quelques temps des lettres, anonymes bien entendu, d'intimidation.

 

Une tête de femme est retrouvée sur une statue parisienne en remplacement de la légitime en pierre, une autre tête est retrouvée dans un jardin de Lannion, d'autres fleurissent des tombes un peu partout, tandis que Cécile Conforlo n'a pas réapparu, ce qui lui serait difficile puisque selon les policiers niçois où elle résidait, celle-ci serait morte depuis des mois, bref Ronan, et son amie Morgane, sont confrontés à un véritable pataquès morbide.

S'agit-il d'une vengeance ou le fait d'un individu atteint de folie ? Ronan se trouve placé au cœur d'un imbroglio, impossible à démêler selon la quatrième de couverture, mais dont il saura quand même démêler les fils, non sans quelques accrocs au passage.

 

Ce roman pourrait n'être qu'une banale intrigue mi-provinciale mi-parisienne, de facture classique, mais justement la facture est plus complexe à déchiffrer qu'il y parait car des éléments extérieurs s'ajoutent, comme la TVA qui n'est pas annoncée au départ et obère le prix à payer.

 

Le lecteur voyage entre le Trégor et Paris à la recherche du coupable, mais également des motivations profondes qui animent celui-ci à semer ainsi des têtes coupées. En réalité il voit se profiler deux affaires, plus ou moins distinctes, lui qui pensait, dès le début du récit, connaître l'identité de ce coupeur de têtes.

Michel Dozsa entraîne le lecteur à sa convenance dans des chemins parsemés de pièges et l'on se demande bien jusqu'où il va nous emmener, empruntant des passages non balisés, effectuant des retours en arrière, nous proposant des autoroutes et des routes secondaires comme pour mieux nous perdre, nous plongeant dans l'expectative, jusqu'à un épilogue issu du passé et particulièrement machiavélique.

Michel DOZSA : Le calvaire des innocents. Collection Investigations. Editions Patrimoine et Société. Parution juin 2014. 296 pages. 10,50€.

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11 novembre 2016 5 11 /11 /novembre /2016 06:18

Un roman qui ne laisse pas de glace...

J. J. MURPHY : L'affaire de la belle évaporée

En ce 31 décembre, durant les années 1920, l'effervescence règne dans l'hôtel Alconquin.

Tous les résidents sont invités à participer à fêter cet événement, dans la joie et la bonne humeur. Dorothy Parker, journaliste au New-Yorker, attend avec impatience son ami Robert Benchley dont elle est secrètement amoureuse. Mais son ami tarde à venir et Alexander Woollcott, autre compagnon et journaliste lui aussi la tanne pour organiser une partie d'un jeu de société dit du jeu de l'Assassin entre amis. Cela ne la tente guère et elle se défile.

Si Douglas Fairbanks et sa compagne Mary Pickford, qui organisent une réception dans leur luxueuse suite au dernier étage de l'établissement pavanent parmi les invités qui bientôt vont se bousculer près du buffet, d'autres résidents ne sont pas à la fête. Un cas de varicelle vient d'être détecté. Normalement cela ne devrait pas influer sur le déroulement de la joyeuse manifestation, seulement, le docteur Hurst, qui vient de recevoir un pli télégraphique, déclare soudainement qu'il s'agit d'un cas de variole. Et réclame la mise en quarantaine immédiate de l'établissement. Plus personne ne pourra sortir, plus personne ne pourra entrer.

Dorothy Parker est plus qu'inquiète. Heureusement son ami Benchley s'est infiltré au dernier moment et elle pousse un soupir de soulagement tout en lui adressant un énorme sourire.

Parmi les résidents, un hôte marque se fait discret. Il s'agit de Sir Arthur Conan Doyle qui est tourné vers le spiritisme et il n'apprécie que moyennement que Sherlock Holmes et ses exploits reviennent continuellement sur le tapis au détriment de ses autres œuvres. Dorothy le présente à Woollcott, qui ne réagit pas à cette confrontation amicale, mais l'exhorte à participer à son jeu de l'Assassin. Une demande que Conan Doyle refuse avec diplomatie.

Bientôt tout ce petit monde, quelques dizaines de personnes quand même, peuvent écluser des boissons alcoolisées, malgré les mises en garde de Franck Casey, le directeur de l'hôtel. La prohibition doit être respectée, du moins en public.

Arrive enfin le grand moment. Douglas Fairbanks présente à tous Lydia Trumbull, une actrice et reine de la soirée. Seulement l'aura de celle-ci est complètement éclipsée lorsque se présente Bibi Bibelot, une starlette en devenir, complètement nue mais ayant gardé ses chaussures, et parade parmi les invités. Elle fait sensation. Tous les hommes n'ont d'yeux que pour elle et surtout sa plastique, quelques femmes aussi.

Elle arbore autour du cou un médaillon, un objet que le docteur Hurst possédait et a remis à son ami Doyle, puis qui a changé de main, le bijou ayant été confié à Fairbanks. Bibi Bibelot s'introduit dans la salle de bain, et demande aux participants mâles d'aller chercher des caisses de champagne et de les vider dans la baignoire. Deux religieuses râlent devant cette impudeur affichée avec ingénuité. Le docteur Hurst s'introduit dans la salle de bain, la porte est fermée, des cris s'élèvent, puis il ressort. Il est presque minuit, et tout le monde est convié au rendez-de-chaussée afin de fêter le nouvel an. Peu après Bibi Bibelot sera retrouvée morte dans sa baignoire par Dorothy Parker. La porte est fermée à clef. Nulle trace de ce qui aurait pu provoquer le décès de la starlette. Est-ce un suicide ? Difficile d'y croire. Un meurtre ? oui, mais comment, par qui, car aucune blessure apparente ne laisse supposer que Bibi a été assassinée.

 

Voilà un problème de meurtre en chambre close qui va occuper durant toute la nuit Dorothy Parker, Benchley, Conan Doyle, Franck Casey, Douglas Fairbanks et quelques autres, seul Woollcott ne pensant qu'à son jeu de l'Assassin. Pourtant il ne s'agit plus de jouer mais bien de découvrir ce qu'il s'est réellement passé. D'autant que les policiers, en la personne du capitaine Church prévenu, ne peuvent entrer dans l'hôtel puisque celui-ci est placé en quarantaine.

Si la résolution de savoir comment l'assassin s'est débrouillé pour sortir de la pièce à l'insu de tous est assez simplette, reste le problème de savoir comment c'est déroulé ce meurtre, avec quelle arme et pourquoi. Le mobile pourrait en être le médaillon, mais comme dirait l'autre, que vient-il faire en cette galère ?

Une galère véritablement pour Dorothy Parker et son ami Benchley qui se croisent, se cherchent, se perdent de vue pour mieux se retrouver, à la poursuite d'un cadavre baladeur qui n'est autre que Bibi Bibelot, disparue en chaise roulante.

Quiproquos, courses poursuites, réparties égrillardes, jeux de mots, situations rocambolesques parsèment ce roman jubilatoire mais parfois un peu longuet. L'auteur semble tirer à la ligne, mais il est vrai que la nuit du 31 décembre au 1er janvier est l'une des plus longues de l'année.

Personnages réels, Dorothy Parker, Benchley et Woollcott et quelques autres ont effectivement existé, et personnages de fiction s'entremêlent pour une intrigue classique qui ne manque pas de charme, d'humour et de situations parfois rocambolesques. Si Conan Doyle devient l'assistant de Dorothy Parker dans la résolution de cette intrigue de meurtre en chambre close, un protagoniste du nom de Harpo Marx fait des apparitions épisodiques, dans un rôle de figurant endormi.

J. J. MURPHY : L'affaire de la belle évaporée (A friendly game of murder - 2013. Traduction Yves Sarda). Editions Baker Street. Parution le 3 novembre 2016. 336 pages. 21,00€.

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9 novembre 2016 3 09 /11 /novembre /2016 13:14

Pour quelques sushis de plus...

Dominique SYLVAIN : Kabukicho.

Et des sushis, pardon, des soucis, Yudai n'en manque pas.

Gérant du Café Château, un bar dans Kabukicho, le Pigalle tokyoïte, Yudai est également hôte de bar pour femmes esseulées. Principalement Akiko, prostituée qui aime retrouver Yudai sa journée terminée. Elle s'accroche au jeune homme qui lui préfère Kate, l'Anglaise, hôtesse elle aussi mais au Club Gaia.

Il se débarrasse d'Akiko mais il s'inquiète. Kate n'a pas répondu à ses messages, de plus elle est en retard à leur rendez-vous. Plus qu'en retard d'ailleurs, puisqu'elle ne vient pas. L'autre souci de Yudai se manifeste en la personne de Namba, un des collecteurs du clan Itami. Namba est un ancien sumo qui s'est reconverti comme Yakusa et il vient rappeler, arguments frappants à la clé, que Yudai doit de l'argent à Itami, son boss, argent que ne possède pas Yudai.

Sanae, la mama-san du Club Gaia, s'alarme de la défection de Kate, habituellement ponctuelle. Elle s'en étonne auprès de Marie, la Française qui travaille depuis trois ans pour elle. Marie et Kate sont colocataires dans le même studio en banlieue et elles s'entendent bien. Pour l'heure, Marie a autre chose à penser en rentrant chez elle. Malgré le désordre qui règne dans la pièce, une tradition chez Kate, Marie s'installe devant son ordinateur et relit le tapuscrit qu'une agent littéraire a apprécié et doit placer auprès d'un éditeur parisien.

Elle reçoit un appel téléphonique de James Sanders, le père de Kate, qui est mort d'inquiétude. Un message accompagné d'une photo lui est parvenu et il ne comprend pas. Sur le cliché Kate repose les yeux fermés. Elle semble morte. Et une inscription précise : elle dort ici. James Sanders demande à Marie de se renseigner auprès des hôpitaux, ce qu'elle fait mais en vain. Il décide de se rendre à Tokyo le plus rapidement possible.

Entre temps Marie déclare la disparition de Kate au commissariat de Kabukicho, auprès du capitaine Yamada et de son jeune adjoint Watanabé. Yamada est un vieux de la vieille, qui n'a jamais failli. Et depuis trente ans qu'il est en place à Kabukicho, il en a traité des affaires plus ou moins louches. Seul problème, il a perdu quelque peu les pédales depuis son coma provoqué par un accident du travail. Il ne réagit plus aussi rapidement. Watanabé, son adjoint, est un arriviste qui rêve de prendre du galon le plus vite possible, et ses méthodes n'entrent pas dans le cadre de la douceur et du respect envers les témoins, pour lui tous présumés coupables.

La petite phrase accompagnant le cliché représentant Kate titille Yamada. Elle dort ici. Quasiment la même phrase qu'un tueur en série utilisait pour signer ses forfaits quelques années auparavant. Seulement l'homme a été arrêté et il ne pourra plus récidiver, ayant été exécuté par pendaison en début d'année. Un imitateur ? Dans ce cas l'affaire est grave, très grave, car cela laisse supposer d'autres crimes, si crime de sang il ya eu, évidemment.

James Sanders et Marie d'un côté, Yamada et Watanabé de l'autre, essaient de remonter la piste du tueur, car malheureusement ce statut est avéré, confirmé par la découverte du corps de Kate.

 

Grâce à Dominique Sylvain, qui a longtemps vécu au Pays du Soleil Levant, nous découvrons un Japon loin des clichés que souvent nous nous sommes forgés, ou inventés, ou qui nous ont été assenés.

Ainsi, à James Sanders qui croit fermement que sa fille se prostituait, Marie répond qu'elle est (ou était) hôtesse de bar, ce qui est profondément différent. Une hôtesse de bar se contente de faire la conversation, sachant écouter leur partenaire du table d'un soir ou d'habitués, boire évidemment puisque les rencontres s'effectuent dans des bars. Mais elles ne sont pas obligées de coucher. Une énorme différence culturelle avec la civilisation occidentale.

Si Kabukicho est un quartier sulfureux, cela reste un endroit calme même s'il se réveille la nuit, secret, sans effervescence. Les hôtes ou hôtesses sont aimables et les clients en général guère agressifs. Les hôtesses et hôtes de bar ne couchent pas, à de rares exceptions près, et lorsqu'ils s'adonnent à quelques plaisirs charnels tarifés, souvent il s'agit de particuliers qu'ils fréquentent de longe date. Comme Marie avec l'architecte naval qui l'emmène sur son bateau et lui offre des bijoux.

Tout ceci n'est là que pour entretenir une ambiance, une atmosphère, un décor dans lesquels les yakusas prennent leur place, mais sans véritablement empiéter sur l'intrigue.

Les plus importants pour l'auteur, ce sont les personnages qui déambulent dans cette histoire, en sont les éléments principaux. Ils sont à double facette, ou plutôt comme des meubles d'apparence banale mais comportant en leur sein des tiroirs secrets. Et lorsque Dominique Sylvain les ouvre, peu à peu, ils mettent au jour des éléments en trompe-l'œil.

Manipulations, mensonges, faux semblants se révèlent progressivement et le lecteur se trouve plongé dans une intrigue diablement maîtrisée.

Une incursion dans un exotisme qui n'est pas de façade mais propose au lecteur une intrusion dans un pays au charme indéniable, pour peu qu'il ne se contente pas d'être un touriste promené par un guide qui ne lui montre que les aspects positifs d'une ville mais cherche à en découvrir les aspects cachés.

Un autre avis d'expert ? Rendez-vous chez l'ami Pierre sur Black Novel 1 :

D'autres chroniques sur les romans de Dominique Sylvain ? Voyagez ici :

Dominique SYLVAIN : Kabukicho. Editions Viviane Hamy. Parution le 6 octobre 2016. 286 pages. 19,00€. Disponible en version numérique : 12,99€.

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5 novembre 2016 6 05 /11 /novembre /2016 14:03

L’Hydrangea, plus communément appelé hortensia, est l’un des éléments floraux les plus représentatifs de la Bretagne avec le chou-fleur et l’artichaut.

Hugo BUAN : Hortensias blues. Une enquête du commissaire Workan N°1.

Sauf que, jusqu’à preuve du contraire, cette fleur ne se déguste pas. Mais oser planter une fleur d’hortensia dans la partie charnue d’un individu, ce qui vous l’avouerez n’est pas le récipient idéal pour une décoration florale, dépasse l’entendement du quidam, et plus encore au commissaire Lucien Workan, enquêteur de la police rennaise. Et si encore le défunt était horticulteur ! Mais non, ce n’est qu’un chirurgien-dentiste dont le fondement est orné d’une fleur de cette plante originaire du Mexique, une fleur bleue doit-on préciser.

Marotan, tel est le patronyme du défunt fleuri, exerçait son art dans un immeuble dédié aux professions médicales sis quai de la Vilaine. La maison médicale l’Albatros gérée en SCI, abrite en ses murs un proctologue, un ORL, un psy, un allergologue, un rhumatologue, un généraliste, une kiné, une gynéco, une ophtalmo et une pédiatre. C’est la veuve de Marotan qui a découvert le corps de son mari, s’inquiétant de ne pas le voir rentrer à la maison après sa dure journée de labeur, et de labour dentaire. Il a été assassiné avec un club de golf, sport que pratiquait régulièrement l’arracheur de dents qui par ailleurs ne se contentait pas de lancer les balles dans les trous mais accumulait les conquêtes féminines.

Workan et son équipe sont sur les dents, d’autant qu’un autre cadavre , l’ORL, est bientôt découvert, lui aussi affublé d’un tel ornement floral. Workan soupçonne l’un des toubibs de la maison médicale de s’amuser aux dépens de ses collègues en fleurissant prématurément leurs cadavres, et plus particulièrement le psychiatre qu’il tarabuste avec une joie sadique. Mais il ne montre guère d’affabilité avec ses subordonnés, dont son adjoint Lerouyer, la Berbère Leïla avec qui il couche occasionnellement ce qui adoucit toutefois leurs relations, et quelques autres qui se demandent dans quelle galère ils se sont fourrés.

Sans oublier la Procureur, Sylviane Guérin, qu’il ne ménage pas non plus, par pur plaisir sadique. A moins qu’il s’agisse tout simplement de s’affirmer, lui qui doit sa relative tranquillité professionnelle au passé de résistant d’un aïeul d’origine polonaise. Et pourtant il les aime bien ses hommes (adjointes y compris) et se montre parfois paternaliste, bon enfant avec eux. Selon son humeur.

 

Hugo Buan visiblement s’amuse dans cette histoire mettant en scène un personnage quelque peu déjanté, le commissaire Workan un passionné des œuvres de Francis Bacon, et des adjoints qui parfois frisent le ridicule. Une fine équipe qui ne peut empêcher les cadavres de s’amonceler, au grand dam de Prigent, le grand patron. Le caractère souvent acariâtre de Workan l’amène à se montrer vindicatif, quelque soit son interlocuteur.

Hugo Buan est également un admirateur de Michel Audiard, ça se sent, ça se lit, ça se déguste.

 Pour preuve :

A ce niveau de crétinisme Workan regretta qu’il n’y eut pas de prix Nobel de la connerie, il y aurait au moins un Français vainqueur chaque année.

Un livre de divertissement plaisant à lire.

Hugo BUAN : Hortensias blues. Une enquête du commissaire Workan N°1. (Première édition Collection Univers Grands Romans - 2010. Pascal Galodé éditeurs). Editions du Palémon. Parution le 15 janvier 2016. 352 pages. 10,00€. Existe en version numérique 5,99€.

 

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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