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12 mars 2018 1 12 /03 /mars /2018 14:35

Ah, ma Zaune... à risques...

Jean-Hugues OPPEL : Zaune.

Au cours d'une partie de poker dans un pavillon inhabité de la banlieue parisienne, Zaune, la belle et flamboyante Zaune, la sage Zaune s'aperçoit avec colère et dépit que son frangin Nanar a repiqué au truc.

Pourtant il lui avait bien promis de ne plus se droguer, de ne plus jouer avec la seringue, de ne plus se transformer en passoire. Peine perdue.

La partie terminée, tout le monde rentre chez soi, retrouver ses petites habitudes. Zaune en profite pour passer un savon à son jeune frère. Mais ils ne sont pas seuls. D'une voiture s'élève une voix se rappelant au bon souvenir de Nanar.

Celui-ci s'enfuit avec ses problèmes et son manque. Il rentre en pleine nuit dans l'appartement familial et repart aussitôt.

Le lendemain matin, Zaune procède à une inspection minutieuse de la chambre du frérot. Elle y découvre un revolver, un kilo de blanche et de jolies liasses de billets verts. Elle n'a pas le temps de se demander ce qu'elle va pouvoir faire de ses trouvailles, le carillon de la porte la sort de sa torpeur. Vite, elle cache le revolver et balance la marchandise dans le vide-ordures.

Sue le palier, un  inspecteur de police fait le pied de grue, désirant rencontrer le drogué en fuite. Elle rembarre le flic et lui fausse compagnie. En tête, une idée, une seule. Retrouver Nanar et le remettre dans le droit chemin, lui sauver la mise.

D'un no man's land banlieusard au Chinatown du 13e en passant par la MJC qu'elle fréquentait toute jeunette, Zaune ne perd pas son temps. Peut-être ses illusions, ou ce qu'il en restait.

Deux malfrats et le flic sont à ses trousses, aux basques du frangin, et à la recherche active de la marchandise. Moustache, l'un des animateurs de la MJC, est un bon gars, il va l'aider. Et le voilà embringué dans une course poursuite qui va laisser des traces aussi bien sur le bitume que dans les corps.

 

Encore une histoire de banlieue, de drogue et de paumés, sauce néo polar, me direz-vous et me ferez remarquer avec juste raison.

Oui, peut-être, mais revue et corrigée par une grande tendresse.

Oppel a supprimé de sa prose nerveuse tous les poncifs, tous les clichés faciles sur la délinquance, le pourquoi du comment et tutti quanti.

Zaune se sent investie d'une mission : protéger son frère, cela ne va pas plus loin. Elle ne se pose pas de questions, elle n'en a pas le temps.

Une histoire dont la banalité se trouve effacée par la force d'évocation avec laquelle Oppel campe ses personnages, transcendée par des courses poursuites à la limite du burlesque et sur laquelle plane l'ombre d'une Jeanne d'Arc inconsciente et banlieusarde en lutte contre la drogue et ses méfaits. Il y a des gagnants et des perdants. Et il y a ceux qui raflent la mise sans avoir participé au jeu.

 

Première édition : Série Noire N°2257. Parution 1991. 192 pages.

Première édition : Série Noire N°2257. Parution 1991. 192 pages.

Jean-Hugues OPPEL : Zaune. Réédition Collection Archipoche. Parution 7 mars 2018. 192 pages. 6,80€.

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10 mars 2018 6 10 /03 /mars /2018 11:12

Pour moi, ce sera cru, comme disait Luce.

James HOLIN : Bleu, saignant ou à point ?

Surchargée de travail, Michèle Scanzoni, avocate parisienne, est exacerbée par l’un de ses clients, comique à la télévision mais imbuvable dans la vie quotidienne. Il vient de chipoter une facture, alors elle le met dehors sans perte ni fracas. Presque.

Alors elle décide d’accéder à la demande d’une amie qu’elle ne voit qu’occasionnellement et qui souhaiterait qu’elle défende son père, vétérinaire-inspecteur dans un abattoir et qui vient de se faire virer. Sise à Hesdin, l’usine de retraitement de la viande hachée, qui ne serait pas de première qualité, et conditionnée pour des plats tout préparés, et l’arrivée d’une nouvelle directrice chinoise, a mis le feu au barbecue. Le propriétaire peu scrupuleux est un courtier en viande bovine, un maquignon comme on disait dans le temps, fils de chevillard, qui magouille un peu partout et partout un peu. Le véto, Gilbert Castillon, vit dans un camping-car, sur une plage du Touquet, dans un camp de réfugiés, s’étant fait mettre à la porte par sa femme qui lui réclame une pension avec insistance. Bref le gars est vraiment mal embarqué

Comme la demi-sœur de Michèle lui demande dans le même temps d’aller rendre visite à Cousin Pierre, atteint d’un cancer et soigné dans un clinique du Touquet, Michèle décide d’aller prendre l’air du large et de laisser ses dossiers, nombreux, en attente.

A près de soixante ans, Michèle est une femme qui attire les regards des jeunes hommes et, alors qu’elle va se chercher des cigarettes afin de se calmer les nerfs après l’échauffourée avec le comique du petit écran, elle se fait draguer par un jeune homme qui dit s’appeler Drago. En réalité son nom est plus long, mais pour la notule le décliner entièrement n’a aucun intérêt. Et le Drago dragueur collectionne les numéros de portable, afin de pouvoir participer à un jeu du meilleur séducteur. Il porte un micro et son frère Emir enregistre en vidéo ses approches auprès des femmes afin de justifier la possession de ce numéro. Il lui en faut dix et pour l’heure il n’en a récolté que cinq. Et l’échéance arrive très vite. Et il doit se rendre au Touquet afin de participer à une compétition internationale entre les meilleurs séducteurs.

Revenons au Touquet et retrouvons Michèle qui rend une petite visite à Cousin Pierre, et va se mettre en relation auprès de l’irascible véto. Cousin Pierre n’est plus qu’une loque, mais il demande des trucs impossibles à manger. Il est journaliste à la Voix du Nord, et a enquêté sur diverses affaires, dont la disparition d’une Camerounaise, joueuse de rugby dans l’équipe de l’Ovalie touquettoise et travaillait pour Plankaert. Et il demande à Michèle d’aller chercher chez lui un dossier qui lui est consacré à la disparue.

Le véto malgrâcieux la reçoit comme s’il s’agissait d’un os dans un hachis Parmentier. Tandis qu’elle essaie de discuter avec lui, il reçoit la visite d’un homme affublé d’une tache lie de vin sur tout un côté de la figure. Il se nomme Tancrède mais tout le monde le surnomme Fraise-Vanille. Il est transporteur entre le Nord de la France et les Pays-Bas, de viande principalement, mais d’autres marchandises illégales.

Le brigadier Stalter la prévient que le véto est porté aux abonnés absents, son camping-car ayant été fracturé et visité. Départ précipité ou enlèvement ? Lui aussi est sur la piste de Fraise-Vanille. Pendant ce temps, Plankaert, le courtier en bidoche indélicat est en tractation avec un juteux marché de viande plus ou moins frelatée, de la viande de cheval en provenance du Mexique. Il est marié avec une ancienne actrice porno qui dirige un cabaret de transformistes, tous des joueurs de rugby dans une équipe du Touquet appartenant à un club présidé par Plankaert lequel s’occupe également d’une équipe de rugby féminine.

Le décor est presque posé. Reste à signaler que Drago se fait de se plus insistant auprès de Michèle qui va l’entraîner dans un bar de Boulogne fréquenté par des rockeurs tendance Heavy-metal dont Fraise-Vanille. Et que lorsque Michèle se rend chez Cousin Pierre, une femme y est déjà. Michèle se fait agresser mais elle parvient à mettre en fuite l’indélicate. Indélicate qui a tenté de l’occire à l’aide d’un pistolet d’abattage, et s’est emparée du dossier constitué par Cousin Pierre de la Camerounaise. Elle en fait part à Stalter qui justement travaille lui aussi sur cette disparition mais est occupé à traqué un clown qui s’amuse à effrayer les passants avec une tronçonneuse.

 

Placé résolument sous le signe de l’humour noir, ce roman nous réserve de belles surprises ainsi que des scènes parfois désopilantes. L’auteur souffle le froid et le chaud, sur cette histoire qui nous ramènera quelques années en arrière avec le scandale de la viande.

Un sujet grave dédramatisé par l’humour qui règne en permanence dans le récit mais qui ne l’étouffe pas. Un peu comme ces vieux films muets dits comiques mais n’excluaient pas les côtés dramatiques, les vieux Charlots ou Laurel et Hardy qui gardaient une grande part de réalisme et d’humanisme. Ou encore, un peu plus tard, les Branquignols qui savaient nous faire rire tout en préservant une part de tendresse. Mais sans oublier les films d’horreur de Tod Browning par exemple.

Ainsi les passages dans lesquels une femme s’invite, s’impose même, dans les chambres d’hôpital, voulant absolument jouer de son violoncelle, afin d’apporter un peu de bonheur aux patients, ne se rendant pas compte qu’elle les indispose.

Ou lorsque Drago, en compagnie de son frère Emir, doit déménager un piano, dans des conditions ubuesques. Drago qui prend une place importante dans ce roman, avec son côté quelque peu naïf, désireux de devenir un grand séducteur et s’installer comme coach, abordant les femmes selon des critères bien établis, mais le résultat, coucher avec elles, n’est pas primordial. C’est encore un gamin dans un corps d’adulte avec un aspect attendrissant.

Mais ça, c’est pour la partie humoristique du roman, car il faut aussi considérer la partie saignante de l’intrigue, et celle-ci ne fait pas dans le détail. Plutôt dans le gros et le demi-gros, et les carcasses sont malmenées. Comme à l’abattoir.

Un roman qui se dévore, pourtant c’était mal parti. Dès la première ligne, j’ai sursauté :

Attablé devant une côte de bœuf de deux kilos et un saut de frites profond comme un panier de basket, Plankaert sifflait son dixième verre de vin.

Puis je suis amusé à évoquer un saut de frites dans le seau devant un sot, et ayant déblayé de mon esprit cette image, j’ai continué ma lecture, et bien m’en a pris car il s’agit d’un véritable roman que l’on dévore, telle une pièce de bœuf savoureuse et gouteuse.

 

James HOLIN : Bleu, saignant ou à point ? Collection Polars en nord N°249. Editions Ravet-Anceau. Parution le 12 février 2018. 352 pages. 15,00€.

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26 février 2018 1 26 /02 /février /2018 10:41

Ne sera pas le premier ?

Hervé HUGUEN : Le troisième des deux.

Suite à la défection du juge Gorian, à cause de maladie de cœur, et d’une tentative de suicide de la part de l’inculpé, Alexiane Kerneis-Le Hir, procureure, est obligé de reprendre le dossier Bréval. Or dans ce dossier, de nombreux manques, des lacunes dues aussi bien de la part des gendarmes qui avaient enquêté, du juge qui ne s’était pas impliqué comme il l’aurait dû, voire éventuellement du légiste qui n’aurait pas fait son autopsie à fond.

Adénaïs Bréval, jeune femme de trente ans, avait été découverte sans vie par son mari Léo, trente ans également, qui rentrait de son travail. Infirmier-urgentiste à Saint-Géréon, près d’Ancenis, Léo avait appelé immédiatement les pompiers, puis les gendarmes, puis sa famille et celle de sa femme. Dépressive depuis quelques jours, Adénaïs prenait des anxiolytiques et de prime abord tout ce petit monde, le mari en premier, avait supposé un suicide. Mais il s’est avéré qu’il s’agissait d’un meurtre, une strangulation effectuée avec le foulard qu’elle portait au cou, alors qu’elle était encore en pyjama. Trois jours après, soit une perte de temps préjudiciable pour l’enquête.

Léo avait réfuté la tentative de meurtre, mais depuis il est incarcéré en Maison d’Arrêt. C’était six mois auparavant, et Alexiane demande au commissaire Baron de la DIPJ de reprendre le dossier. Le moment est peut-être mal choisi, car Baron vient de perdre son père, décédé la nuit précédente, lui laissant le soin de prévenir un de ses amis vivant à Paris, un certain Pancrace d’Harcourt.

En compagnie du capitaine Arneke, Baron reprend l’enquête à zéro ou presque, d’après les éléments que lui confie la procureure. La jeune morte avait eu un rapport sexuel deux ou trois jours auparavant, mais la trace d’ADN n’avait pu être exploitée suite à la négligence du juge. Or comme elle avait un amant, tout laisse supposer que c’est lui qui lui avait fait cette offrande.

Donc Baron visite la maison du drame en compagnie des gendarmes qui avaient opérer aux première investigations, se renseigne auprès du commandant du SDIS, dont Léo faisait partie comme volontaire, auprès d’une voisine dont la principale occupation est de regarder par sa fenêtre, auprès de la collègue de travail d’Adenaïs, de l’amant dont la femme est enceinte, et autres vérifications, bref un travail en remonte-pente obligatoire.

Mais, et si un troisième larron s’était invité dans ce drôle de ballet avec danseur interchangeable ? Une piste qu’il ne faut pas négliger et vers laquelle penchent de plus en plus fortement Baron et Arneke.

 

Tout le monde ment, pensent Baron et Arneke, aussi bien les principaux personnages que les protagonistes collatéraux qui peuvent eux aussi devenir des présumés coupables en puissance. Tout le monde a quelque chose à cacher, à moins qu’il ne s’agisse tout simplement que de déclarations déformées, car au fil du temps la mémoire peut jouer de vilains tours. Surtout lorsqu’on est plus ou moins témoin, et qu’un policier demande de narrer les faits qui se sont déroulés plusieurs mois auparavant.

Mais il est navrant également de constater que par la faute, ou la négligence d’un juge, un présumé coupable peut passer plusieurs mois en prison pour des faits qui lui sont reprochés mais pas avérés. Et si le juge n’avait pas eu des problèmes d’artères ou de circulation sanguine, cette affaire se serait-elle enlisée avec un vrai faux coupable sous la main ?

C’est un œil critique que jette Hervé Huguen, avocat de profession, qui connait bien les rouages de la Justice, mais laisse le lecteur réfléchir et se faire sa propre opinion.

Et en filigrane, l’on suit une partie de la vie privée de Baron, avec la mort de son père, et une ouverture éventuelle sur une autre affaire, avec un ami paternel qu’il découvre et qui passe plus ou moins à la trappe à la fin du récit.

A première vue il s’agit d’une banale histoire de cocufiage mais les pistes proposées nous entraînent vers d’autres implications. On ne peut s’empêcher de penser au personnage de Maigret dans une histoire dont l’implication familiale prime et dont la psychologie des personnages est particulièrement fouillée. Et l’élément déclencheur permettant de découvrir la vérité ne vient pas de là où on l’attend. Comme souvent dans la vie réelle.

Hervé HUGUEN : Le troisième des deux. Série Nazer Baron N°12. Editions du Palémon. Parution le 29 septembre 2017. 272 pages. 10,00€.

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23 février 2018 5 23 /02 /février /2018 10:31

Je vous ai apporté des bonbons…

Stanislas PETROSKY : Le diable s’habille en licorne.

Ne vous excitez pas trop vite, car ce qui suit, s’il parle de bonbons, n’est pas destiné aux catholiques intégristes, aux adhérents de la manif pour tous et autres tenants d’une religion rigoriste et rétrograde. Vous êtes prévenus car ce dont je vais vous entretenir n’est pas à mettre sous tous les yeux. Quoi que cela les ferait peut-être réfléchir sur ce sens commun qui n’a aucun sens.

Nous retrouvons notre curé préféré, Esteban Lehydeux dit Requiem, exorciste de statut et qui ressemble plus à Guy Gilbert qu’aux corbeaux à soutane, à Dunkerque. Il est envoyé en mission, suite à une sorte de chantage ou un marchandage, c’est plus politiquement correct de présenter ainsi la demande qu’il avait effectuée auprès du Vatican, dans cette ville du Nord célèbre pour son Carnaval qui dure plusieurs jours et ses jets de harengs. D’où l’expression : Hareng sort de ce corps…

Une jeune adolescente a été retrouvée morte, probablement sous l’influence du démon. Elle a été envoûtée, ses mains, ses pieds et son front portent les stigmates de la crucifixion et son dos des marques de flagellation. Pis, elle s’est donné le coup de grâce avec une paire de ciseaux enfoncés dans le ventre.

Prévenu, l’évêque Gillio présente Requiem aux parents de la jeune fille et il le fait embaucher dans un collège privé catholique en remplacement d’un prêtre professeur de philosophie qui a disparu sans prévenir. Tout autant chez les parents qui ne sont guère éplorés, rigides dans leur bourgeoisie étriquée, qu’auprès du directeur-recteur de l’établissement scolaire et de son portier-secrétaire, Requiem ne se présente pas à son avantage. Sa tenue vestimentaire, ses propos, sa façon d’être et de paraître ne plaide pas en sa faveur, d’ailleurs il pense qu’avec le directeur, Chaval, que Chaval pas le faire.

Nonobstant, il s’en fout et auprès des élèves il passe plutôt pour un aimable trublion qui ne s’en laisse pas conter, ni compter, ayant réponse à tout, même aux questions qui ne lui sont pas posées. Il retrouve également une vieille connaissance, Régis, le policier déjà rencontré dans sa précédente aventure, et dont les ramifications l’ont amené dans la cité de Jean Bart afin de finaliser l’enquête. Et peu après la belle Cécile – voir les épisodes précédents - vient lui soulever la soutane afin de lui aérer les aumônières. Mais foin de gaudrioles, entrons dans le vif du sujet comme disait Casanova en son temps.

Les bonbons que je vous ai offerts en préambule ont été retrouvés par Régis. Il s’agit de friandises de couleur rose de forme conique spiralée, d’une taille d’environ un centimètre. Et celui ou celle qui l’ingère peut se mettre à chanter Ça plane pour moi… Un mélange étonnant et détonnant qui contient entre autres substances de la morphine, de la cocaïne, de la Pervitine. Son doux nom est la Licorne.

D’autres élèves se suicident en état d’hallucination, qui sautant dans la mer avec un parapluie, qui se jetant du haut d’un clocher, mais sans parapluie, qui se prenant pour un samouraï se faisant seppuku.

 

Empruntant un style façon San-Antonio, voire parfois Michel Audiard, Stanislas Petrosky nous emmène dans une histoire humoristico-dramatique. Mais comme le déclarait Pierre Desproges, on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui, certains lecteurs, dont moi-même je l’avoue, apprécieront cet exercice de style et les diatribes émises par l’auteur. Non pas sur la religion en elle-même, mais envers ceux qui s’en servent comme bouclier pour proférer des inepties ou se comporter comme des sagouins, et encore je suis modeste dans mes propos.

Ce qui nous vaut des scènes dans lesquelles Requiem fustige les cathos qui se conduisent à l’encontre des principes de charité édictés, et leur impose des gestes dits chrétiens lorsqu’ils se détournent à la vue d’un SDF. Un SDF qu’ils feignent ne pas voir alors qu’il mendie à l’entrée d’un lieu de culte. Des moments d’anthologie qui sonnent la révolte bienfaisante et nous fait penser à Don Camillo mais dans un registre différent et actuel.

Requiem n’est pas irrespectueux, malgré ce que l’on pourrait croire en lisant ses aventures. Au contraire, il professe une forme de respect envers son Patron, un peu comme un ouvrier qualifié envers son taulier en allant boire un coup ensemble et échangeant des propos sensés sur le travail à effectuer. Il est loin d’être obséquieux, servile, hypocrite, tels ces personnages de faquins qui débinent par derrière tout en se montrant louangeurs par devant. Un honnête homme comme l’on disait dans le temps.

Il remet également en lumière le rôle de la Pervitine, avant et durant la Seconde guerre mondiale, un produit qui était surnommé la drogue des Nazis.

Donc Stanislas Petrosky utilise l’humour comme une panacée contre des perversions, des actes délictueux, afin de décompresser le lecteur. Mais pour autant ses propos portent, peut-être plus encore car ils sont émis sous couvert d’un humour parfois potache. Du genre monsieur et madame Chont ont un fils (Je vous souffle la solution, vous ne le répéterez pas, promis ? Denis). Parfois c’est beaucoup plus subtil. Mais le résultat est probant et porte plus qu’un roman qui ferait dans la commisération.

 

Crois-moi, sur l’échelle de la connerie il est coincé sur l’un des barreaux les plus hauts.

Stanislas PETROSKY : Le diable s’habille en licorne. Roman policier mais pas que… Editions Lajouanie. Parution le 9 février 2018. 216 pages. 18,00€.

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21 février 2018 3 21 /02 /février /2018 09:52

Avis de tempête sous un crâne !

Gilles VIDAL : Ciel de traîne.

Cette charmante petite ville de Virelay porte vraiment bien son nom. Vire-les ! Alors qu’Antoine Rouvier déclare au commissariat la disparition depuis près de trois semaines de Josy, son amie rencontrée lors d’une soirée, un cadavre masculin est découvert en lisière de bois.

Rouvier ne connait rien de Josy, qu’il a rencontrée à la sortie de la petite fête organisée par Willeaume. Elle était désemparée et lui avait demandé dans la voiture qui les ramenait en ville de l’héberger. Il sait juste son nom, Gellert, mais ne possède pas de photos d’elle. J’ai l’air de quoi pense-t-il, d’autant qu’il reçoit des appels téléphoniques d’un homme qui dédaigne se présenter et lui objurgue de ne rien faire s’il veut la revoir vivante.

Le lieutenant Kamensky, dont le psychisme est affecté par un attentat qui a fait de nombreuses victimes, et a été affecté au commissariat de Virelay, est chargé de l’enquête sur le cadavre du jeune homme retrouvé. L’inconnu, il ne possède pas de papiers, a été égorgé probablement par un gaucher, et il a été tabassé, en témoignent les nombreuses plaies qui parsèment son corps. Des traces d’ADN sont prélevées, mais pour l’heure rien n’est déterminant. Et aucune disparition n’a été signalée. Un détail intrigue toutefois le légiste et les policiers. Le mort tient dans sa main un os, probablement de volatile. Le légiste qui s’y connait un peu, heureusement, précise en langage vernaculaire, qu’il s’agit d’une furcula. Ce qui signifie tout simplement en langage usuel ou véhiculaire, l’os de vœux.

Antoine Rouvier achète un vieux secrétaire Empire, après l’avoir restauré en mieux, à un brocanteur-receleur, dont se sont emparés deux petits malfrats dans une maison abandonnée. Il compte pouvoir revendre le meuble un très bon prix. Mais auparavant il en fait l’inventaire, et découvre dans des tiroirs secrets, rien ne lui échappe, des bricoles et une lettre.

Cette maison abandonnée a connu autrefois un drame. Vincent Appert, scénariste à défaut d’être romancier, s’en souvient avec cette petite pointe qui troue le cœur. Il y a vécu et s’il y revient, c’est parce qu’il l’a reçue en héritage. Mais les souvenirs affluent, abondent. Il visite les pièces, se rendant compte que des objets ont peut-être disparus, des meubles aussi, mais c’est peut-être d’une présence dont il a besoin.

 

Ce roman est construit comme un filet de pêche dont il faut relever tous les coins en même temps, si l’on veut être sûr d’attraper et remonter le poisson ou les poissons. Pour le lieutenant Kamensky, il s’agit d’une pêche en eaux troubles, voire glauques.

Gilles Vidal nous invite à faire la connaissance de ses différents protagonistes et le lecteur se demande quel peut être le lien, si lien il y a, si ténu soit-il, qui les relie. Tout comme le lieutenant Kamensky, ils ont vécu ou subi des traumatismes, indélébiles tout en étant invisibles. Des lésions morales, psychiques, voire physiques. Et tant pis pour les dommages collatéraux.

L’auteur déroule son intrigue et le prologue prend tout son sens dans l’épilogue, un peu avant quand même, mais c’est bien cet épilogue qui enveloppe l’histoire, lui donnant sa signification profonde. La pêche au gros a été bénéfique pour Kamensky, mais cette recherche halieutique en eau vaseuse va-t-elle lui permettre de trouver une forme de rédemption, un apaisement avec lui-même ?

 

Gilles VIDAL : Ciel de traîne. Editions Zinedi. Parution le 15 février 2018. 240 pages. 17,90€.

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18 février 2018 7 18 /02 /février /2018 09:10

Avec de charmants habitants, de charmants

touristes, et de charmants cadavres !

Jean-Michel LECOCQ : Un charmant petit village.

Comme ils sont mignons tous les deux, sagement allongés sur leur lit les mains unies. Le couple Loret, Thierry et Mireille, la soixantaine, se sont suicidés. Empoisonnés à la colchicine. Leurs verres déposés soigneusement sur leurs tables de nuit.

Ils tenaient un gîte de trois chambres, mais selon certains, ils croulaient sous les dettes. C’est la femme de ménage qui les a découverts dans cette position si reposante. Ils s’étaient installés dans le village de Villecroze quelques années auparavant mais n’étaient guère aimés. Des querelles de voisinage principalement.

Donc les gendarmes de Draguignan et le procureur ont conclu à un suicide, mais le maire du village est sceptique aussi fait-il appel à un sien ami, Jouve, le directeur de la Police Judiciaire de Paris. Théo Payardelle, le commissaire électron libre, est prié par son chef d’aller enquêter sur place.

Dans le même temps, le rédacteur en chef du quotidien Le Mistral reçoit une lettre anonyme concluant dans le sens du maire, et Benoît Maucoulin journaliste qui assure les reportages et est en charge de l’hebdomadaire La Gazette, est lui aussi invité à se rendre sur place afin d’infirmer ou confirmer les allégations du corbeau.

Villecroze subit une concentration motos, ce qui ne plait guère aux villageois, de même qu’ils n’apprécient guère plus ceux qui se sont installés depuis quelques années dans cette bourgade du haut Var. Mais il faut bien vivre en bonne intelligence. Malgré certaines tensions.

Tandis que Maucoulin enquête de son côté, et peut-être plus particulièrement auprès de la jeune et belle hôtesse de l’office de tourisme, Payardelle, qui est présenté comme l’ami de Saint-Fons, le maire, et logeant chez lui, se promène dans le village, rencontrant sans parti pris la tenancière du Café Rock, qui n’est qu’une des pièces rapportées du village, la bibliothécaire, elle aussi venue d’ailleurs, du notaire Vialatte, ami réel du maire auquel il demande de rechercher la provenance des époux Loret, apparemment sans famille proche. Sans oublier un auteur de romans policiers d’origine belge, un jeune ébéniste qui avait fourni les époux Loret en meubles, également étranger au village.

Mais les lettres adressées par le corbeau, qui n’en est pas véritablement un puisqu’il ne dénonce personne en particulier, se contentant d’allusions, continuent d’arriver au journal, tandis qu’un meurtre, irréfutable celui-là est commis.

 

Parallèlement et en incrustation, le lecteur découvre une affaire qui s’est déroulée quinze ans auparavant, dans les Ardennes, celle dans laquelle un directeur d’école est accusé de posséder des images pornographiques dans son ordinateur. L’objet avait été fourni par la mairie et vérifié par un technicien informatique d’une entreprise privée. Il a beau clamer son innocence, rien n’y fait, les mauvaises langues ont le dessus, surtout celles qui ne savent rien mais connaissent tout, affirmant même qu’il s’agirait de photos pédopornographiques.

Jean-Michel LECOCQ : Un charmant petit village.

S’il fallait qualifier d’un seul mot ce roman, ce serait Elégance. Elégance de l’écriture, élégance de l’intrigue, élégance des personnages qui pourtant ne sont pas tous des anges. Mais même les démons sont traités avec une forme de respect par l’auteur qui ne sacrifie pas à une mode actuelle qui se traduit souvent par des vulgarités dans les propos, les dialogues, les faits, les événements, les jugements. Pas de scènes inutiles de sexe ou de violence. Bref un réel plaisir de lecture et non pas un pensum comme cela arrive si souvent.

Dans une ambiance quelque peu à la Agatha Christie, ce qui pour moi est un compliment, Jean-Michel Lecocq installe ses différents personnages et les fait évoluer dans une atmosphère légèrement délétère. Les gendarmes et le procureur, se drapant dans leurs certitudes, n’apprécient pas l’intrusion de Payardelle qui pourtant essaie de jouer au sous-marin, sans faire de vagues, mais ne se laissant pas abuser par de fausses évidences.

L’alliance entre le journaliste et le policier est l’illustration d’un rapprochement nécessaire entre deux pouvoirs, afin de pouvoir effectuer en bonne intelligence une enquête pernicieuse.

Le dernier mot sera laissé à Claire, la charmante hôtesse d’accueil de l’office de tourisme, qui déclare, en parlant des romans policiers de l’auteur Belge :

Trop violent, trop glauque, avait-elle déclaré en tordant sa bouche dans une moue de dégoût. Un esprit pervers selon moi. Un tordu.

Tous les auteurs de romans noirs et policiers, même si leurs romans sont glauques et violents, ne sont pas des pervers, enfin je le suppose. Mais l’on est en droit de se demander par quelle aberration ils narrent des actes plus ou moins de torture, sans que les descriptions apportent quoi que ce soit au récit, pour le seul plaisir des lecteurs friands de ce genre de mise en scène ou pour leur propre défoulement. Mais ceci est une autre question à laquelle je me garderai bien de répondre.

 

Jean-Michel LECOCQ : Un charmant petit village. Roman policier mais pas que… Editions Lajouanie. Parution le 8 décembre 2017. 288 pages. 18,00€.

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17 février 2018 6 17 /02 /février /2018 14:04

Hommage à Ruth Rendell née le 17 février 1930.

Ruth RENDELL : Le goût du risque.

Parce qu’il a dans sa poche un revolver factice confisqué à son fils le matin même, et parce qu’il menace avec cette arme de pacotille deux voleurs dans une banque, Martin, inspecteur de police, trouve la mort. Le signalement des deux truands est approximatif.

Quelques mois plus tard, les policiers découvrent, dans une demeure nichée au cœur de la forêt, trois cadavres : Davina Flory, écrivain ; Harvey, son mari et Naomi, leur fille. Seule la petite-fille, Daisy, dix-huit ans, n’est que grièvement blessée. Wexford et ses hommes interrogent les domestiques : le couple Harrisson, Bib Mews, Gabbitas le garde forestier, ou encore les Griffin et leur fils Andy ne vouaient pas une estime particulière à leurs patrons.

Le vol de bijoux semble être le mobile du crime. Daisy donne un signalement succinct de l’un des cambrioleurs. Joanna Garland, l’associée de Naomi, devait passer le soir du meurtre, mais elle a disparu et Wexford pense qu’elle a été enlevée et est peut-être morte.

Daisy est recueillie chez les Virson et une idylle se noue entre Nicholas, le fils, et elle. Wexford rencontre « Gunner » Jones, le père de Daisy qui n’a pas vu sa fille depuis l’âge de six mois. L’homme ment au policier, aussi bien sur son surnom qu’il doit à sa précision au tir au revolver, que sur ses relations avec Joanna dont il prétend ne pas avoir eu de nouvelles depuis des mois, alors qu’il en a reçu une lettre.

Bib Mews découvre le cadavre d’Andy, pendu, et Wexford interroge le jeune Hogarth qui vit dans un cottage non loin de chez Bib. Un détenu, Hocking, révèle à Wexford qu’il est l’un des auteurs du braquage. Son complice est décédé ; il avait jeté son revolver à terre après avoir tiré sur le policier. Gabbitas retrouve une arme chez lui et tout laisse supposer qu’il s’agit bien de la même arme et qu’un des clients de la banque s’en serait emparé dans la confusion.

Joanna, de retour des Etats-Unis, apprend le drame. Elle confirme les dires de Gunner en ce qui concerne leurs relations. Elle avait simplement écrit au père de la jeune fille afin de l’informer de la décision bizarre prise par Davina : la grand-mère de Daisy, satisfaite par Harvey, avait proposé que celui-ci fasse l’éducation amoureuse de sa petite-fille. De déductions en intuitions, Wexford établit qu’Andy avait revendu le revolver au meurtrier.

 

Dans cette enquête qui traîne un peu en longueur, l’auteur nous décrit un inspecteur qui veut voir plus loin que ce qui se trouve sous son nez et qui s’égare, comme le lecteur, sur de fausses pistes. Mais cela lui semblait trop facile comme raisonnement. Après une période de tâtonnements et deux meurtres supplémentaires, le livre se referme sur une vérité banalement sordide.

 

Réédition Le Livre de Poche avril 1996. 378 pages. 6,10€.

Réédition Le Livre de Poche avril 1996. 378 pages. 6,10€.

Ruth RENDELL : Le goût du risque. (Kissing the gunner’s daughter -1991. Traduction de Julie Damour). Première édition Calmann-Lévy. Parution avril 1994. 364 pages.

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16 février 2018 5 16 /02 /février /2018 09:04

Bon anniversaire à Michel Embareck né le 16 février 1952.

Michel EMBARECK : Sur la ligne blanche.

Philippe manœuvre bien ou mal ? C’est ce que ce demande Gilles Frantz, journaliste à la Tribune de Genève en prenant connaissance d’un court article paru dans un journal américain.

Atlantic City : Mort d’un détenu français. Philippe Langlet, ex-présentateur vedette de la télévision française, a été poignardé dans les douches du pénitencier de Maha (New-Jersey). Sa mort semble liée à une querelle d’homosexuels.

Dubitatif, le journaliste. Pas dans les mœurs de Langlet. Au contraire, lorsqu’il était à Paris, le présentateur télé de Rock Parade et rédacteur du magazine papier Rock Scène, était toujours entouré de jolies filles qui ne demandaient qu’à coucher avec lui. Et il ne s’en privait pas, tout comme il ne se privait pas de démolir les groupes musicaux, rock, punk, et autres, qui n’étaient pas à son goût. Il n’aimait que le rock hard, Led Zeppelin, Deep Purple, Status Quo…

Que Langlet soit mort ne présentait aucun intérêt. Comment ? Pourquoi ? Oui, ça, j’avais sacrément envie de le découvrir.

Et Gilles Frantz, à bord de sa Cadillac Eldorado Brougham de 57, monte sur Paris, prenant deux mois de congés sans solde, son rédacteur en chef ne voyant pas l’opportunité de le payer pour enquêter et écrire un papier sur un sujet qu’il juge peu digne d’importance.

Paris, Marseille, Le Havre, le narrateur Gilles Frantz va accumuler les kilomètres, et les verres de boissons fortement alcoolisées, questionner ici et là et même ailleurs.

Parallèlement à son récit, le lecteur suit le parcours de Langlet, en déclinant le temps, sept mois auparavant, six mois, cinq mois…, le suivant dans ses tribulations de bars en clubs, de rencontres féminines toutes plus intéressantes les unes que les autres, toutes plus belles les unes que les autres. Mais le plaisir secret de Langlet, c’est d’éreinter les petits jeunes qui veulent se lancer à l’assaut des projecteurs. C’est son fond de commerce. Et son émission musicale attire les téléspectateurs sur Canal 4. Sa dernière conquête en date, mais est-ce lui qui a conquis ou n’est-ce pas plutôt le contraire, est une belle blonde, mannequin, prénommée Virginia.

Il est célèbre, riche, poivrot et drogué. Un cocktail explosif qui lui pètera à la gueule en arrivant à New-York où il doit rencontrer une vedette célèbre.

 

La quête de Gilles Frantz est le fil rouge d’un récit musical rock trépidant, avec la sono à fond, enchaînant les interprètes comme une bande son de radio libre sans interruption. Et comme un chanteur en entraîne un autre, on découvre que les maîtres-chanteurs ont eux aussi leur partition en duo à jouer. Sans faire dans la dentelle. Dans le rugissement de deux roues sur-vitaminées.

Michel Embareck a été critique musical, de 1974 à 1983, à Best, le concurrent sérieux de Rock et Folk, deux magazines qui étaient à l’image des Beatles et des Rolling Stones. On aimait l’un ou l’autre, rarement les deux.

Ce roman est le premier, sinon qu’il a écrit, du moins qui a été publié, en 1985. Et on se laisse emporter, avec entre les oreilles des morceaux de hard-rock, de blues et autres, joués par des musiciens et des groupes célèbres ou non, ayant laissé sur les platines leurs empreintes indélébiles. L’on connait le décor, mais on fait la visite des coulisses, qui contrairement à la scène ne sont pas rutilantes, brillantes, nettoyées. L’enfer du décor grouillant de rats. Et l’on placera comme figures de proue, des célébrités de l’époque qui ont encore aujourd’hui leurs mots à dire, genre Philippe Manœuvre, Antoine de Caunes… Nous sommes tous les Enfants du Rock !

 

Michel EMBARECK : Sur la ligne blanche. Editions Archipoche N° 494. Parution le 7 février 2018. 192 pages. 6,80€.

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14 février 2018 3 14 /02 /février /2018 14:38

Comme disait le chauve, j’en ai les cheveux qui se dressent sur la tête !

Françoise LE MER : Famille, je t’haime.

La nouvelle mode capillaire masculine est de se raser entièrement la tête afin de cacher la tonsure moniale qui se profile. Ce n’est pas dans le but de sacrifier à un style, mais dans un besoin de justement éviter de se faire remarquer à tort que Kathleen a demandé à sa mère de lui raser les cheveux, mais parce qu’elle est atteinte d’alopécie. La pelade comme les bonnes âmes disaient, promptes à jeter l’anathème sur une maladie qui pouvait être considérée honteuse.

Pourtant elle est jeune Kathleen, vingt ans et étudiante en histoire, et à la réflexion, se pourrait-il que cela provienne d’une hérédité dans les gènes ? Pas impossible, il faut étudier. Katell, sa mère, illustratrice, lui avoue avoir connu ce même désagrément plus jeune, lorsqu’elle l’attendait, mais heureusement cela n’avait pas duré. Alors il reste en recours l’avis de la grand-mère Catherine, qui elle aussi a subi les mêmes affres, mais auparavant personne dans la famille n’avait été atteint de ce problème, du moins à sa connaissance. Katell et Katleen vivent à Locronan tandis que la grand-mère est installée à Douarnenez.

Le meilleur moyen pour cerner l’origine de ce problème est de consulter le toubib qui leur conseille de se rendre chez une psychothérapeute, plus précisément une psycho-généalogiste.

Rendez-vous donc est pris mais Catherine s’est chargée de remonter l’arbre généalogique, et elle le soumet à la psycho-généalogiste. C’est ainsi que la psycho établit un lien avec l’un de ses patients habitant Poulazec, petit village de la baie de Douarnenez d’où était originaire la mère de Catherine. Conseil leur est donné de se rendre sur place.

Marc, le patient atteint d’une maladie traumatisante, puisqu’il est impuissant, est séparé de sa femme Bérangère. Celle-ci l’aime encore, mais elle a des besoins à compenser. Il est restaurateur, d’objets anciens, de vieilles poupées de porcelaine, des ours en peluche. Il est associé avec deux autres réparateurs comme lui, chacun spécialisé dans leur domaine, vieux meubles par exemple.

Mais Marc, du moins sa famille, possède une autre particularité. Ils sont maire de père en fils. Actuellement, c’est son oncle qui est à la tête de la commune, auparavant son père l’a été aussi mais juste un mandat, et encore avant son grand-père, nonagénaire mais plein de vitalité et toute sa tête. Le grand-père, justement qui habite une belle demeure, dite le château et qu’il a racheté à deux sœurs, juste après la fin de la guerre. Une bâtisse qui avait été réquisitionnée par un officier Allemand durant la Seconde guerre mondiale.

Lorsqu’elles arrivent à Poulazec, Catherine, Katell et Kathleen découvrent cette bâtisse imposante, qui appartint à leur famille. Mais dans le village, elles sont accueillies comme si c’étaient des fantômes. Une vieille femme atteinte de sénilité, voire plus, reconnait Katell. D’ailleurs elle l’appelle par son prénom, pourtant la jeune femme, quadragénaire n’avait jamais vu cette nonagénaire, puisque c’est la première fois qu’elle se rend dans ce bourg. Mais d’autres personnes la toisent comme s’il s’agissait d’une apparition d’outre-tombe.

L’enquête sur le passé occupe les trois femmes, mais d’autres événements avec dommages collatéraux ou pas se déroulent, dans une atmosphère pas si sereine pour tous. Par exemple pour le curé de Poulazec qui est retrouvé le cul à l’air, flottant dans la mer, mort. Ou pour le voisin de Kathleen et Katell, un agriculteur qui a trouvé en Shannon une jolie femme venue de Nantes pour passer les nuits les pieds au chaud mais dont la famille devient encombrante. Et d’autres personnages secondaires animent ce roman, lui donnant une réelle consistance.

 

La quête de l’origine d’un traumatisme est entrouvrir la boîte de Pandore, et l‘on ne sait ce qu’il peut s’en échapper. Sûrement pas Marc, qui est impuissant devant son impuissance, ce qui ne veut pas dire qu’il est stérile, d’ailleurs il s’agit d’un débat stérile entre mâles imbus de leur mât de cocagne, mais également de Kathleen, qui en remontant l’arbre généalogique, découvre des secrets qui auraient dus être enfouis à jamais.

Car entre les trois femmes et Marc, puis le père de celui-ci, s’établit une sorte de complicité qui va ensoleiller leurs relations, car ce qu’ils découvrent est loin d’être rose. Ce serait même plutôt vert-de-gris.

Il y a toujours une cause psychologique à un traumatisme, mais il faut savoir la débusquer. Françoise Le Mer la traque avec machiavélisme, mais il n’est pas impossible de supposer que ceci s’est réellement déroulé, pas forcément en Bretagne, et que s’il fallait gratter dans l’origine de certaines familles, l’on gagnerait à coup sûr des gros lots.

Il est dommage que Kathleen, qui je le rappelle est étudiante en histoire, laisse passer une bévue émise par sa grand-mère ou d’autres personnages, bévue reprise par l’auteur et passée inaperçue par la correctrice. La ville de Douarnenez n’a pu être libérée de l’occupation allemande le 4 août 1945, l’armistice ayant été signé le 8 mais 1945. A moins qu’il s’agisse d’une coquille de l’imprimeur ce dont je doute. Ah, ma manie de cerner les petites erreurs de datation !

A part ce petit couac, qui sera rectifié je pense dans la version numérique et les rééditions papier, Famille je t’haime est un roman puissant, mais fallait-il en douter car Françoise Le Mer sait mettre en scène des personnages qui en apparence sont banals et construire savamment une intrigue forte avec des à-côtés en relation plus ou moins directs avec l’histoire principale.

 

Françoise LE MER : Famille, je t’haime. Editions du Palémon. Parution le 20 novembre 2017. 272 pages. 10,00€.

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13 février 2018 2 13 /02 /février /2018 14:59

Hommage à Georges Simenon, né officieusement un 13 février à 00H10, mais déclaré en mairie pour le 12 février 1903.

Georges SIMENON : La jeune fille aux perles.

Jeune, belle, riche, tels sont les trois atouts que possède Nadine Langevin, mais elle n’en abuse guère, sauf pour s’acheter des véhicules neufs de luxe. Elle habite avec son père, Hector Langevin, à Paris, dans un hôtel particulier de la rue de Courcelles, et elle est entourée de domestiques dont Jean le portier, et Mornier le secrétaire, qu’elle n’apprécie que moyennement. Elle n’a pas connu sa mère, mais cela ne lui manque pas.

Ce jour-là, elle a rendez-vous avec des amis pour le baptême du yacht d’un copain. Elle en est la marraine et pour cet événement elle s’est habillée avec un soin particulier. Elle prévient rapidement son père qu’elle s’en va, car il est déjà avec quelqu’un, puis elle part dans sa torpédo décapotable. Elle a juste le temps d’apercevoir trois hommes entrer dans la demeure.

La petite fête est perturbée par un individu qui lance des cailloux et les lazzis fusent. Les policiers demandent, gentiment, à Nadine et ses amis de se replier vers un autre endroit et la jeune fille n’hésite pas à inviter tout le monde chez elle. Seulement lorsqu’elle veut entrer, elle est surprise de découvrir un homme qui lui signifie qu’un malheur vient d’arriver. Il se présente comme le commissaire Maigret de la Sûreté Générale. Il venait avec deux collaborateurs afin d’enquêter sur des malversations présumées, Langevin devait aller chercher des papiers dans son bureau. Dix minutes plus tard, il était mort, s’étant suicidé.

Son père, qui avait bâti sa fortune en jouant en bourse, n’était finalement qu’un escroc qui avait lésé un certain nombre d’actionnaires. La faillite le guettait. Toutes les pièces de la demeure sont sous scellés, sauf sa chambre, et les meubles également. Jean a toutefois eu le temps de récupérer quelques bijoux, dont un collier en perles, qu’il lui transmet à l’abri des regards. Auprès de qui pourrait-elle se retourner ? Elle n’a pas de famille, pas d’amis véritables, sauf peut-être un trentenaire qu’elle a connu quelques mois auparavant. Jacques Morsan, qui justement vient frapper à sa porte.

Il est en colère. Ingénieur promis à un bel avenir, avec des projets en passe d’aboutir, il avait fait confiance à Langevin. Celui-ci l’a grugé, lui apportant au début de l’argent, mais le laissant avec des chèques en bois, brisant son ménage. Autant de reproches qu’il assène à Nadine avant de partir. La jeune fille demande à Jean, le portier fidèle, de troquer les bijoux contre de l’argent qu’il mettra dans une enveloppe et enverra anonymement à Morsan.

Mais la jeune fille ne peut plus vivre dans l’hôtel particulier et comme elle est sans ressources, à cause des créanciers voraces, elle cherche du travail. En vain. C’est alors que le banquier Reiswick, qui se déclare avoir été l’ami de Langevin, lui propose de l’héberger. Or elle ignore que ce banquier est à l’origine de la dénonciation auprès des autorités des malversations de Langevin, en cheville avec Mornier le secrétaire.

Bientôt dans Paris, circulent les rumeurs comme quoi Nadine, devenue Nadia, serait la maîtresse de ce personnage malsain, adipeux, mais toujours souriant. Il l’emmène à Deauville où elle prend des bains de soleil le torse nu. Morsan la retrouve par hasard et il est même invité sur le yacht pour une balade en mer. Le clash est inévitable. Reiswick est retrouvé mort dans sa villa, et Maigret qui était au Havre est chargé de l’enquête. Nadia s’accuse, mais Maigret ne croit pas en ses allégations. Quant à Morsan, il est désemparé, d’autant que Mornier est toujours présent pour émettre des hypothèses sans fondement.

 

Ce roman, qui s’inscrit parmi les six titres qui composent la saga des Maigret avant Maigret, est plus un roman populaire qu’un roman policier, car le lecteur se doute très vite qui est le coupable. C’est également un roman de mœurs, d’amour, un regard jeté sur une société que Simenon n’aimait guère.

Maigret est esquissé, n’étant pas le personnage principal du roman, mais pourtant on le découvre tel qu’il sera décrit plus tard dans les Maigret officiels.

C’était un personnage immense et large, au cou puissant, qui avait dans toute sa personne quelque chose d’à la fois bourru et attendri.

Un peu plus loin, Simenon le définit ainsi : Il était à la fois paternel et bourru.

Ecrit en 1929, refusé dans un premier lieu par Fayard, ce roman paraîtra en 1932, dans la collection des Romans populaires, un an après le lancement officiel des Maigret, avec Monsieur Gallet, décédé, Le pendu de Saint-Pholien et Le charretier de la Providence.

S’il s’agit d’un roman populaire, avec tous les codes qui vont avec, La jeune fille aux perles est également un reportage sur une époque, avec les côtés insouciants d’une frange de la société huppée et les demandeurs d’emploi. Ainsi, lorsque Nadine s’inquiète de rechercher un travail, elle se rend compte que n’ayant rien en poche comme bagages professionnels, il est difficile de trouver un employeur. Les files d’attente sur les trottoirs et dans les antichambres s’allongent. Une situation qui pourrait s’appliquer de nos jours car une jeune femme qui attend elle aussi lui confie :

Vous savez, pour le moment, il n’y a qu’une seule chose qui marche : bonne à tout faire. J’ai dix copines qui ont leur brevet supérieur, qui sont sténos et dactylos et qui ont fini par s’y décider.

Pareillement, maintenant la mode est de se faire tatouer. Mais à la fin des années 1920, il existait un autre petit truc, qui s’effaçait avec le temps. Sur la plage, un peintre à la mode colle sur le dos nu jusqu’à la ceinture d’une jeune femme de minces bandes de papier.

La peau brunirait alentour. Les parties protégées par le papier resteraient blanches et constitueraient, le prochain hiver, une attraction sensationnelle.

Première édition sous le titre La Figurante, signé Christian Brulls. Collection Les Maîtres du roman populaire. Editions A. Fayard. Parution février 1932. 62 pages.

Première édition sous le titre La Figurante, signé Christian Brulls. Collection Les Maîtres du roman populaire. Editions A. Fayard. Parution février 1932. 62 pages.

Georges SIMENON : La jeune fille aux perles. Collection La seconde chance. Maigret avant Maigret. Editions Julliard. Parution mai 1991. 192 pages.

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