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28 mars 2019 4 28 /03 /mars /2019 05:57

Malgré les recommandations parentales, il y en aura toujours qui écouteront les beaux parleurs !

Charles EXBRAYAT : Des demoiselles imprudentes...

A quelques jours de la retraite, le vieil inspecteur Toone de Vos pense en avoir fini avec les enquêtes, même si le commissaire de Conninck possède en instance, voire en souffrance, un dossier épineux. Des jeunes filles de Gand et de sa région retrouvées en Argentine, travaillant dans des clubs réservés aux hommes.

Toutefois il est contrarié quand il apprend que son fils, jeune policier qui travaille également dans le même commissariat de l’Houtdoklaan, dans le quartier populaire du Muide à Gand, que son fils Jef va retrouver Siska, laquelle était partie depuis un mois. Toone préférerait que son fils se fiance avec l’aimable Greta, la fille de l’épicier.

Siska avait gagné un radio-crochet de village et elle avait suivi un beau parleur. Seulement au bout d’un mois, elle s’est rendu compte que les promesses de l’homme n’étaient que du vent. Jef accepte de la rencontrer vers vingt-deux heures dans un parc, malgré les recommandations paternelles.

Peu après le cadavre de Siska est découvert et naturellement Jef est soupçonné. Il préfère s’enfuir que de se rendre à ses collègues policiers. Toone va donc entreprendre une enquête en marge puisque c’est son fils qui est en cause. Officiellement, c’est son collègue Piet qui est chargé par le commissaire de résoudre cette affaire. Mais les relations entre Toone et Piet sont équivalentes à celle d’un chien avec un chat. Un relent de jalousie de la part de Piet.

Jef fait sa réapparition, et Toone obtient, puisqu’aucune preuve probante n’est retenue contre son fils, que celui-ci réintègre le domicile familial. Toone pense qu’un petit malfrat du nom de Deeske, un pilier de bar un voyou affublé d’une sœur qui n’a de cesse de le défendre, pourrait être à l’origine de ce meurtre. Une autre jeune fille est également assassinée, et à nouveau Jef est soupçonné, puisqu’elle aurait affirmé l’avoir aperçu peu auparavant dans le parc en compagnie de Siska. Alors que Jef avait juré n’avoir trouvé qu’un cadavre.

Edmond Maes, l’oncle de Jef et beau-frère de Toone, ainsi que sa femme sont souvent présents à dîner chez les de Vos. Si Edmond est un homme effacé, représentant de commerce et donc souvent en déplacement, sa femme Justine, sœur de celle de Toone, ne passe pas inaperçue avec toutes les breloques qu’elle porte aux poignets et autour du cou.

Dans le quartier du Muide, les langues vont bon train, surtout chez les commerçants. Certains défendent avec acharnement Toone et son fils, tandis que d’autres n’hésitent pas à propager des rumeurs et même accuser de tous les maux Jef. Toone est un vieux policier apprécié de la plupart de ses concitoyens, mais quelques-uns d’entre eux lui vouent une rancune tenace pour de petits faits qui prennent des proportions lors des discussions et des échauffourées. Enfin, il y a ceux qui tergiversent, changeant d’opinion et se rangeant auprès de ceux qui étalent leurs affirmations fallacieuses sans vergogne.

 

Dans ce roman, qui pourrait être un clin d’œil à Simenon, l’auteur joue entre roman policier et roman noir classique, mais souvent avec cet humour qui le caractérisera la plupart du temps dans ses romans dits humoristiques.

On retrouve bon nombre de scènes dont il usera, aussi bien dans les séries du policier italien Tarchinini, père de famille un peu bonasse, et la volcanique et caractérielle Imogène. Les confrontations entre les habitants du Muide sont hautes en couleurs, chacun défendant sa position avec plus ou moins d’hypocrisie et de ressentiment.

Les dialogues sont savoureux ce qui n’empêche pas que la construction de l’énigme policière est imparable, même si le lecteur en vient à deviner l’identité de la ou du coupable. Et les relations entre Toone et son collègue sont également décrites avec réalisme, justesse, mais là encore avec cette pointe d’humour dont Exbrayat raffolait.

Exbrayat savait regarder son entourage, ses concitoyens, les brocardant parfois mais toujours avec tendresse. Et sous des dehors humoristiques, il mettait en scène, sous couvert d’un roman d’énigme, un fait de société dont on ne parle plus guère mais qui dans les années 1950 et suivantes, était dénoncé dans les médias sous l’appellation de traite des blanches.

Le métier des policiers n’est pas de poursuivre des innocents !

Réédition Le Livre de Poche

Réédition Le Livre de Poche

Réédition Le Club des Masques

Réédition Le Club des Masques

Charles EXBRAYAT : Des demoiselles imprudentes... Roman policier classique. Le Masque Jaune N°721. Editions Librairie des Champs-Elysées. Parution 2e trimestre 1961. 254 pages.

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23 mars 2019 6 23 /03 /mars /2019 05:29

Il en aura fait couler de l’encre, en plus du sang, ce sacré Jack…

Christian JACQ : Jack l’Eventreur, le retour.

Dans le quartier de Whitechapel, un quartier mal famé de Londres, le fantôme de Jack l’Eventreur vient de frapper.

Un 31 août, comme l’avait fait son prédécesseur. Puis à nouveau un 8 septembre.

Mais ces crimes commis aux mêmes dates et dans les mêmes circonstances ne sont pas les seules analogies, les seuls points communs qui relient ces deux affaires.

D’abord le meurtrier s’en prend aux prostituées, ce qui jette un début de panique parmi la faune locale. Les Belles de nuit n’osent plus exercer leur métier. L’une d’elles, au doux prénom d’Annabella, s’attribue le titre pompeux d’assistante de cœur et propose ses services pour débrouiller cette affaire complexe.

Aux coïncidences déjà évoquées, ne voilà-t-il pas que les suspects appréhendés par les policiers semblent être les réincarnations des protagonistes de la célèbre affaire qui défraya la chronique en 1888 : un duc de haut lignage, une sage-femme avorteuse à l’occasion, un rabbin qui exerce ses talents de sacrificateur sur des animaux, l’un des meilleurs chirurgiens du royaume, un avocat qui avant de pratiquer le droit a étudié la médecine, un peintre ressemblant étrangement à Van Gogh et enfin un émigré Russe dont la mère a proposé ses charmes dans ce quartier de Whitechapel pour faire bouillir la marmite.

Higgins nage en pleine horreur. Il croit rêver mais c’est un véritable cauchemar qui l’assaille.

 

Cette fameuse affaire de Jack l’Eventreur, jamais élucidée officiellement, aura fourni à bon nombre d’écrivains l’occasion de prouver leur talent et d’étayer leur imagination, apportant chacun leur solution, de Robert Bloch à Michel Moatti en passant par Paul Halter, René Reouven ou Bob Garcia, pour n’en citer que quelques-uns.

Christian Jacq, sous l’alias de J.B. Livingstone lors de la première parution de ce livre, signait là l’un de ses meilleurs romans, entretenant savamment le suspense jusqu’à l’arrestation du meurtrier.

 

Première édition sous le pseudonyme de Jack Livingstone. Le retour de Jack l’Eventreur. Collection les Dossiers de Scotland Yard. Editions du Rocher. Parution septembre 1989. 240 pages.

Première édition sous le pseudonyme de Jack Livingstone. Le retour de Jack l’Eventreur. Collection les Dossiers de Scotland Yard. Editions du Rocher. Parution septembre 1989. 240 pages.

Autre édition : Collection les Dossiers de Scotland Yard. Editions Gérard de Villiers. Parution le 11 septembre 1991. 254 pages.

Autre édition : Collection les Dossiers de Scotland Yard. Editions Gérard de Villiers. Parution le 11 septembre 1991. 254 pages.

Christian JACQ : Jack l’Eventreur, le retour. Les enquêtes de l’inspecteur Higgins N°32. Editions XO. Parution le 14 mars 2019. 272 pages. 13,90€.

ISBN : 978-2374481395

Première édition sous le pseudonyme de Jack Livingstone. Le retour de Jack l’Eventreur. Collection les Dossiers de Scotland Yard. Editions du Rocher. Parution septembre 1989. 240 pages.

ISBN : 9782268008363.

Autre édition : Collection les Dossiers de Scotland Yard. Editions Gérard de Villiers. Parution le 11 septembre 1991. 254 pages.

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18 mars 2019 1 18 /03 /mars /2019 05:25

Quand on vous dit qu'il vaut mieux prendre le car !

Alain GANDY : Un week-end meurtrier.

Un car qui plonge dans les gorges de l’Aveyron, lors d’un violent orage en cette semaine de Pâques 1980, et c’est la fin du voyage pour une trentaine de touristes venus en pèlerinage dans leur région natale. Ils étaient partis heureux de Paris et les voilà coincés dans une carcasse de ferraille ou flottant dans l’eau. Le juge d’instruction Massac convoque son ami Combes, ex-gendarme reconverti en détective privé, afin d’enquêter sur ce drame.

Théoriquement trente cinq victimes sont dénombrées, plus les deux chauffeurs, mais des désistements ont eu lieu, juste avant le voyage, pendant et même à l’arrêt de Bescatel, lieu où s’est produit l’accident. Combes n’est pas très chaud pour se substituer à la maréchaussée, mais sur les instances de la magistrature il se soumet. Il se rend donc sur place en compagnie de Massac et en apprend de bonnes.

Quatre personnes ont faussé compagnie à Rodez, et un jeune couple à Bescatel même. Mais le plus surprenant, ce sont les déclarations des rares témoins. Certains auraient entendu des coups de feu, un autre aurait aperçu un homme en compagnie d’un chauffeur qui dirigeait la manœuvre du car. La plus grosse surprise qui attend Combes et le juge, c’est de retrouver le conducteur à son volant avec un trou au milieu des yeux. Une balle tirée délibérément.

Un voyageur repose au fond du car, lui aussi atteint mais à l’arrière de la tête. Il vit encore, mais il est plongé dans le coma. Combes ne rechigne plus à la tâche qui lui a été confiée et se rend même à Paris afin d’interroger le patron de l’agence qui a organisé le voyage. Et il ira de surprises en surprises. Claire sa femme et ses deux enfants, Robert et Clairette seront mis à contribution afin de dénouer les fils de cette intrigue.

 

Une fois de plus Alain Gandy nous propose une aventure palpitante, solide, pleine de rebondissements, dans une région française pourtant pas réputée pour ses délits et ses crimes de sang.

Il ne se perd pas en descriptions oiseuses et l’épilogue tombe comme un couperet, sans traîner en longueur.

Le personnage de Combes prend de plus en plus d’épaisseur, et ses confrontations avec le juge Massac, et le procureur Proutès le montrent en homme déterminé, mais également humain, sensible. Mais que serait Combes sans l’apport et le soutien efficace de sa femme et de ses enfants ?

Alain GANDY : Un week-end meurtrier. Collection Polar de France. Production J. Balland. Presses de la Cité. Parution 20 mai 2009. 240 pages. 22,00€.

ISBN : 978-2258076808

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15 février 2019 5 15 /02 /février /2019 05:17

Et pour l’héritage, on fait comment ?

Alain GANDY : Une famille assassinée.

Gendarme à la retraite à Villefranche-de-Rouergue, Joseph Combes s’est reconverti en tant que détective privé, avec pour effectifs, avoués ou non, sa femme et Berthier, un de ses anciens collègues. Sans oublier ses deux enfants qui ne rechignent pas à la tâche lorsque le besoin s’en fait sentir. Un plaisir autant qu’un travail et son agence acquière une réputation assez flatteuse.

Assez pour inciter le lieutenant-colonel Alexandre Dupont-Magloire, en retraite depuis une douzaine d’années, de solliciter un entretien. Dix ans auparavant, le garde-chasse de Dupont-Magloire, Pierre Rougnac, est décédé dans l’incendie de sa maisonnette située dans le parc du château d’Estrelloux, demeure du militaire en retraite. Dupont-Magloire a adopté Martin, le jeune fils du défunt.

Le garde-chasse aurait poursuivi de ses assuidités Julie, la fille aînée de Dupont-Magloire, alors âgée d’à peine quinze ans. Martin ne s’est jamais vraiment intégré dans sa nouvelle famille, exerçant toutefois une emprise certaine sur François et Clémence, les jumeaux benjamins du châtelain. Les aînés, Raoul et Julie, ne peuvent pas sentir Martin, tandis que François en a peur. Quant à Clémence elle est subjuguée.

Martin est un être sauvage et exècre les Dupont-Magloire. Le militaire a peur d’un drame et souhaite que Combes reprenne l’enquête, ne serait-ce que pour le disculper ainsi que sa famille de la mort du garde-chasse, mort considérée comme un accident mais que Martin s’obstine à qualifier de meurtre.

Les événements s’enchaînent, accident de parapente pour Raoul en compagnie d’un de ses amis, sabotage de l’automobile de Dupont-Magloire et autres incidents qui se révèlent tragiques.

 

Roman policier rural, Une famille assassinée reflète une certaine image de la France profonde, loin du médiatique battage des banlieues désespérées, soumises à la violence, à la drogue et au chômage.

Le roman d’une famille déchirée à la suite d’un décès, même si le mort n’est qu’un employé d’une famille bourgeoise, les conséquences qui découlent de ce drame, les heurts, les tensions, les vengeances, les acrimonies qui régissent les uns et les autres, les rancunes.

Avec sobriété Alain Gandy tisse sa toile et ce roman de suspense subjugue le lecteur qui découvre derrière les charmes de l’Aveyron, une frange de la noirceur provinciale. Les préjugés sont tenaces et l’opinion néfaste est rapidement établie par des protagonistes persuadés de leur jugement sans posséder les preuves de ce qu’ils avancent.

 

Alain GANDY : Une famille assassinée. Collection Terre de France suspense. Editions Presses de la Cité. Parution le 1er février 2007. 240 pages.

ISBN : 978-2258070370

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5 février 2019 2 05 /02 /février /2019 05:12

Le roman noir est comme le frelon asiatique, il a phagocyté le roman d’énigme et de suspense.

Heureusement, certains auteurs ont fait

de la résistance…

Pierre SALVA : Quand le diable ricane.

Vous changez le nom des protagonistes en patronyme anglo-saxon, vous transposez l’action dans le décor d’une petite ville anglaise, Brighton par exemple, vous changez le nom de l’auteur par celui de la Reine du Crime et vous entrez dans l’univers d’un roman christien.

En effet il existe de nombreuses analogies entre cette histoire et celles qu’a écrites Agatha Christie. Dans la trame, la façon de conduire l’enquête, sur l’épilogue qui réserve quelques surprises. Mais examinons ensemble cette intrigue qui joue sur la psychologie et le mensonge.

 

A cause d’une petite phrase entendue lors de la diffusion d’un film à la télévision, Sabine a décidé de reprendre sa liberté. Quadragénaire, elle s’est rendue compte que sa beauté commençait à se flétrir lorsque dans sa glace elle a aperçu quelques rides au coin des yeux. Des pattes d’oie disgracieuses, à son avis. Alors elle a pris un amant, elle qui n’avait jamais vraiment songé à la bagatelle.

L’heureux élu se nomme Patrice, et il est le secrétaire de son mari Adrien, lequel possède une chaîne de supermarchés dans le pays catalan, dont le premier magasin qu’il a créé se situe à Perpignan à quelques kilomètres de leur demeure. Patrice est beau, jeune, mais s’il se montre toujours prévenant à son égard, voire empressé, il n’a jamais osé se déclarer. Jusqu’au jour où remarquant ses quelques rides, elle franchit le pas et devient la maîtresse de Patrice.

Il faut dire qu’Adrien se montre de plus en plus hargneux, vindicatif, avec Sabine et elle ne supporte plus son caractère acrimonieux. Et ce n’est pas parce qu’il est hypoglycémique qu’il doit se conduire ainsi. D’ailleurs, il n’y a guère, il lui avait demandé de procéder à une simulation d’injection avec une seringue dont il disposait, mais elle n’a pas pu. Mais Sabine n’est pas la seule à subir cet atrabilaire. Christian son associé est également parfois victime de ses sautes d’humeur ou encore Bruno, son beau-frère, le demi-frère de Sabine.

Cette phrase, c’est : Je le tuerai… Une phrase qui résonne en elle comme un mantra. Et elle pense que l’occasion favorable pourrait se présenter un soir où Christian et sa femme Charlotte, Marcelle la sœur d’Adrien qui possède des parts dans l’entreprise, Bruno, qui s’est invité pensant pouvoir taper sa sœur, financièrement parlant, car c’est un joueur invétéré qui perd plus qu’il gagne, doivent dîner ensemble. Patrice est là également et Angéla, la femme de chambre Antillaise sert les apéritifs dans la demeure sise sur la Côte Vermeille près de Banuyls.

Adrien est déjà bien éméché tout comme Christian lorsque tout ce petit monde se rend sur le yacht, à l’aide d’un dinghy, où le repas est prévu. A la fin du repas, fort arrosé, tout le monde réintègre la côte, sauf Adrien qui a décidé de dormir sur le yacht.

Après une nouvelle dégustation de boissons alcoolisées, comme s’ils n’en avaient pas assez pris, surtout Christian, tout le monde repart à bord de son véhicule. Sauf Angéla qui avait sa soirée libre comme d’habitude. C’est qu’elle a aussi d’autres occupations pas forcément domestiques et nocturnes.

Vers une heure du matin, Sabine ne pouvant s’endormir, sort et se rend sur la petite plage semi-privée en contrebas de la maison. Elle se rend compte que le dinghy n’est plus accroché au ponton et que la lumière brille sur le yacht.

Le lendemain matin, elle s’inquiète et Angéla se propose de se rendre à la nage sur le yacht. C’est pour découvrir Adrien mort. La police est immédiatement avertie et le lieutenant de gendarmerie Charvet est dépêché sur place en compagnie du légiste. Malgré une mise en scène savante, il est indéniable qu’Adrien est décédé d’une main malveillante. Une piqûre dans le bras, une surdose d’insuline, tout le contraire de la panacée adaptée à son cas. Adrien était un fervent du jeu d’échec, et il s’entrainait souvent à l’aide d’un ordinateur électronique. L’engin ordonne à plusieurs reprises C’est à vous de jouer. Comme si la partie en cours avait été brutalement interrompue.

De plus, outre quelques impressions ou déclarations qui font penser à Charvet que l’on voudrait le mener en bateau, il existe un fait tangible qu’il aimerait bien éclaircir. Brutus, le chien Doberman (vous savez ces aimables canins qui mordent et posent les questions après !), Brutus ne s’est pas manifesté durant la nuit. Or il ne connaissait que ses maîtres et il était impossible à toute personne étrangère au couple, même les familiers comme ceux qui étaient là la veille au soir, de déambuler dans le parc menant à la plage sans qu’il manifeste par un moyen ou un autre sa mauvaise humeur.

 

C’est dans ce contexte qui est un peu un crime en vase clos, avec peu de protagonistes, que Pierre Salva a construit son intrigue. Quelques retours en arrière dans la narration permettent de mieux cerner les personnages, leur comportement, leurs désirs, leurs besoins, mais c’est bien lors de la découverte du cadavre d’Adrien que tout se met en place et s’enchaîne.

Un roman psychologique habilement construit, un peu à la manière d’Agatha Christie et de quelques-uns des maîtres du roman policier de l’âge d’or qui convoquaient les différents protagonistes afin de les confondre.

Le lieutenant Charvet, dans la partie finale, évoque toutes les possibilités, toutes les solutions possibles, pour enfin n’en retenir qu’une, la seule qui s’adapte minutieusement dans un engrenage diaboliquement imaginé.

Un roman d’énigme écrit par un auteur dont on ne parle plus guère de nos jours, et c’est dommage.

A noter que ce roman, publié en 1984, n’a pas perdu en cours de route un des aspects qui font aujourd’hui l’actualité.

Mais, maintenant il y a une certaine renaissance du catalanisme. Evidemment, ce serait ridicule de demander l’indépendance de la Catalogne, mais une certaine autonomie interne, avec une bonne part faite à notre culture, ce serait une solution raisonnable.

Pierre SALVA : Quand le diable ricane. Le Masque Jaune N°1739. Editions Librairie des Champs Elysées. Parution mars 1984. 224 pages.

ISBN : 9782702415160.

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28 décembre 2018 5 28 /12 /décembre /2018 05:10

Les hommes du Nord ont dans le cœur le trésor qu’ils n’ont pas dehors…

Jérôme NEDELEC : Le trésor des hommes du Nord.

Mais avant de posséder ce trésor il leur faut le trouver. Et comme il ne leur est pas destiné car ce ne sont que de simples intermédiaires, il leur faut le troquer contre une juste et honnête ( ?) rétribution.

En l’an 853, les vikings remontent la Ligeria (Loire) jusqu’au monastère de Glannafolium (Saint-Maur de Glanfeuil) dans notre actuel département du Maine et Loire. Ils veulent récupérer une relique destinée à des bretons du pays de Roton (Redon).

Leur entreprise menée à bien ils remontent la Visnonia (la Vilaine) et arrivent au monastère dirigé par l’abbé Conwoïon. Gudrogr, le chef des Morlaerien, autrement dit les pirates du Nord, réclame par l’entremise de leur interprète Margid, une jeune parturiente bretonne, leur dû en échange du tribut promis mais les négociations sont difficiles.

Fidweten, le chroniqueur chargé de la rédaction du mémoire, narre cette entrevue consignée par l’un de ses rédacteurs, et tout irait bien si, dans la nuit, l’objet convoité n’était dérobé à ceux-là même qui s’en étaient emparés en pays Liger.

Une enquête est diligentée mais au même moment s’interpose une délégation de Bretons, au service de Salaün, l’un des prétendants au trône, et dirigée par sa femme Wembrit à la forte personnalité.

Enquête policière effectuée par le moine Fidweten et Margid l’interprète, mais surtout roman historique dédié à une époque méconnue avec un certain machiavélisme dans l’intrigue, tout concourt à happer le lecteur qui découvre un univers différent, et non moins attachant, de ce qui nous est proposé habituellement dans ce genre d’ouvrage.

Tour à tour, quelques-uns des protagonistes prennent la parole, s’exprimant à la première personne, ce qui offre un point de vue personnel à chaque fois, n’ayant pas toutes les cartes en main et donc ils entretiennent un suspense dont ils n’ont pas la solution. Sauf un, mais ce qui offre une lecture rapide et vive, dévoilant la psychologie des personnages et une vision à chaque fois personnelle des événements qui se déroulent dans une atmosphère belliqueuse et de méfiance.

 

Le bas Moyen-âge n’est guère décrit dans les manuels d’histoire, et plus particulièrement les approches entre Francs et Bretons. Des siècles qui pourtant furent riches en épisodes au cours desquels le rapprochement entre les deux peuplades a connu bien des avatars.

On ne connait de cette période que la légende du roi Arthur qui pourtant se déroula quelques siècles auparavant, et l’invasion viking principalement à Paris et sur les territoires devenus depuis lors la Normandie. Pourtant les raids organisés par les Hommes du Nord s’échelonnèrent un peu partout en Europe, et principalement sur les rives océaniques, jusqu’en l’ile de Noirmoutier, l’Aquitaine et même la Galicie.

Sous couvert d’une aventure historique, et d’une enquête policière, Jérôme Nédélec nous entraîne à la découverte d’un pan de l’Histoire, d’épisodes souvent ignorés, et qui sont consignés dans des ouvrages de référence avec des personnages ayant réellement existés, tel Les gestes des Saints de Redon dont l’auteur s’est inspiré.

Un court roman qui aurait pu être plus largement développé mais Jérôme Nedelec revient sur certains épisodes de cette période dans son autre roman, Les Frontières liquides (L’armée des Veilleurs tome 1) chez le même éditeur et dont je parlerai… l’année prochaine.

Jérôme NEDELEC : Le trésor des hommes du Nord. Collection Les Mystères du Pays de Redon. Stéphane Batigne éditeur. Parution le 6 juin 2018. 144 pages. 12,50€.

IBSN : 979-1090887619

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24 décembre 2018 1 24 /12 /décembre /2018 05:42

Méfiez-vous des repas de Noël !

Il se pourrait que ce soit de l'art scénique !

Deryn LAKE : L’apothicaire et le banquet empoisonné.

Transportons-nous au XVIIIème siècle, précisément en l’an de grâce 1758. A Londres, en ce mois de novembre plutôt frisquet, la confrérie des maîtres apothicaires s’est offert un banquet.

Rawlings, apothicaire débutant, alors qu’il venait d’effectuer ses emplettes chez un herboriste proche du lieu des agapes, sauve de l’empoisonnement un des convives, Maître Alleyn. Il le transporte jusqu’au domicile du malade et le confie à sa famille. Le lendemain il apprend que son patient n’a pas survécu, décédé d’une forte dose d’arsenic. Le poison aurait été dissimulé dans un pot de farine ayant servie à la préparation d’une sauce. Si les autres convives ont été intoxiqués, seul Alleyn n’a pas survécu. Les apothicaires étaient-ils tous visés ou seul Alleyn était-il en point de mire du meurtrier ?

Rawlings, enquêteur à ses heures, est convié par John Fielding, magistrat de la cité, de débrouiller l’affaire et ses soupçons se portent sur trois personnages. Un apothicaire mis à l’écart de la confrérie, un père de famille ayant perdu son fils à cause d’un mauvais diagnostic et le majordome qui s’était, la veille, entretenu vertement avec le responsable de la confrérie pour une misérable affaire d’argent.

Rawlings est intrigué par le comportement de l’influent et riche apothicaire Francis Cruttenden, qui entretient de troubles relations avec la famille du défunt.

 

Rawlings, dans ce nouvel opus, tombe amoureux de la fille de maître Alleyn, ce qui perturbe ses amours avec la belle Coralie Clive, actrice de son état, qui fait passer son métier avant le mariage.

Un roman plein de rebondissements, et même si l‘identité du coupable ne fait aucun doute au lecteur, les dernières pages sont pour le moins intéressantes par un épilogue qui met en lumière les rapports tendus entre la France et l’Angleterre.

Ce qui n’empêche pas les notables et les nobles de s’adonner à une consommation non négligeable de champagne.

 

Deryn LAKE : L’apothicaire et le banquet empoisonné. Collection Moyen format aux éditions du Masque. Parution 10 avril 2002. 310 pages. 14,70€.

ISBN : 978-2702497258

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9 novembre 2018 5 09 /11 /novembre /2018 06:09

N’est pas une patte de lapin même s’il a été trouvé près des abattoirs…

Claude IZNER : Le talisman de la Villette.

Le jeune commis de la librairie Elzevir, Joseph Pignot, ne se contente pas de classer, vendre ou réceptionner livres neufs et anciens, il est habité par une passion, outre celle qu’il voue à sa jeune épouse Iris, pour l’écriture. Et il compte bien devenir l’égal, voire plus, de ces feuilletonistes qui fournissent des œuvres pour divers journaux.

Et lorsque le grand patron du Passe-partout, journal qui publie ses récits, lui déclare :

Mon petit Pignot, l’action de votre roman se passe en Transylvanie, et personne ne sait où ça se trouve. Simplifiez, tenez-vous en à l’eau de rose et au mystère, supprimez les descriptions et la psychologie.

Claude Izner en rédigeant ce passage n’a pas réellement suivi les conseils prodigués et ce roman comporte plus de pages de descriptions historiques que le corps de l’intrigue. Si les deux sœurs, oui car sous le pseudonyme de Claude Izner se cachent deux sœurs qui furent bouquinistes sur les quais de la Seine, mais je ne vous apprends rien, si les deux sœurs avaient appliqué leurs préceptes, le livre aurait été diminué de moitié, au moins.

Mais quel plaisir de retrouver au fil des pages, des personnages qui ont réellement existé, tels Satie, Lautrec, Anatole France, et bien d’autres qui donnent du corps à ce récit dans lequel nous retrouvons nos amis, un libraire est toujours un ami, Kenji Mori et Victor Legris, et le commis Joseph Pignot qui depuis peu fait partie de la famille, s’étant marié à Iris, la fille de Kenji et la sœur de Victor. Je peux même vous dévoiler qu’Iris attend un heureux événement. Mais Victor Legris délaisse quelque peu la librairie, s’étant entiché depuis peu de la photographie, et développant lui-même ses clichés.

 

En ce 7 janvier 1894, sur la côte nord du Cotentin, à Landemer, petit village entre Cherbourg et Beaumont-Hague, la tempête fait rage. Un bateau balloté par les vagues furieuses est mal en point. Corentin Jourdain, un ancien marin qui à la suite d’un accident est devenu boîteux, vit seul avec son chat Gilliatt. Il recueille une jeune femme qui allait se noyer. Il la soigne en la frictionnant nue vigoureusement et elle sort momentanément de son évanouissement, demandant si elle est à Southampton. Elle porte à une oreille un cabochon bleu, son jumeau manque.

Cette jeune femme ressemble à Clélia, un amour de jeunesse de Corentin, qui est morte vingt ans auparavant. Il la confie à un hospice tenu par des religieuses. Il découvre sous son lit le sac appartenant à la malheureuse. L’objet contient les papiers d’identité au nom de Sophie Clairsange, si c’est son véritable nom, et un cahier bleu qu’il s’empresse d’ouvrir. Et ce qu’il lit le laisse pantois. Aussitôt il décide de se rendre à Paris, emmenant avec lui toute ses économies.

Un mois plus tard, Martin Lorson, ancien rond-de-cuir au Ministère des Finances qui a démissionné pour convenances personnelles, se rend à l’octroi de la Villette remplacer un copain. C’est l’un des nombreux petits boulots auxquels il s’adonne et lui laisse du temps libre pour écluser sa fiole de rhum et lire ses romans, Victor Hugo, Stevenson et bien d’autres. Au cours de la soirée, il aperçoit un couple s’approcher. La femme, masquée, a l’air de se moquer de son compagnon qui l’étrangle. Peu après un autre individu, à moins que ce soit le même, Lorson n’est pas très sûr, se penche sur le cadavre. Il l’examine puis à son tour s’éloigne. Lorson se rend sur les lieux et trouve coincé entre deux pavés un médaillon.

 

Quelques jours plus tard, Maurice Laumier, un peintre, entre dans l’échoppe de Victor Legris et demande au libraire d’enquêter sur une affaire de disparition. Son amie Mireille a lu dans le journal que le cadavre d’une femme aurait été découvert près de la Villette, et il faut absolument que Legris se rende à la morgue afin de déterminer si le cadavre est celui de sa cousine disparue ou non.

Et voilà Victor Legris et Joseph, son commis et beau-frère, lancés dans une nouvelle enquête qui les mènera de la Villette et ses abattoirs, au quartier Monjol, repaire des prostituées, en passant par les beaux quartiers de Courcelles, aux Buttes-Chaumont et naturellement le quartier Latin. Ils vont côtoyer des personnages hauts en couleurs, comme Laumier le peintre qui pense avoir enfin décroché une parcelle de gloire en brossant le portrait du romancier Georges Ohnet, le père Boniface qui tel le docteur Schweizer le faisait dans la brousse africaine, soigne les tapineuses, les miséreux, leur apportant médicaments, nourriture et réconfort moral.

Des membres de la bonne société, des notables ou considérés comme tels sont assassinés, ponctuant les pérégrinations de nos détectives privés qui mettent du temps pour résoudre cette affaire, mais sont plus rapides toutefois que les policiers.

Bien d’autres personnages, célèbres ou non, gravitent dans cette histoire de mœurs. L’on y rencontre au détour des pages, Thadée Natanson, Erik Satie, et quelques autres qui donnent de l’épaisseur à cette narration historique, à cette balade dans un Paris en pleine mutation, sous l’impulsion donnée par le baron Haussman, et qui voit la transformation de lieux de perdition en lieux de promenade, ou d’embuscade, comme la grotte du parc des Buttes-Chaumont.

 

L’enquête policière est sertie dans un écrin historique, culturel, géographique, et si les aspects descriptifs étaient effacés, il ne resterait de ce roman que la moitié des pages. Et encore. Car nos amis Legris, Mori et Joseph, entourés de leurs femmes, dont Iris qui s’apprête à pouponner, ou maîtresses, et de la chatte de Victor qui offre au couple trois adorables chatons, ne se contentent pas d’enquêter. Ils le font en parallèle de leurs occupations, et heureusement que Victor possède un vélo, cela lui permet de se déplacer en certaines circonstances plus rapidement.

Les notes en bas de pages nous rappellent que Claude Izner place son récit dans un contexte historique comportant sociétés secrètes et procès de femmes ayant eu recours à l’avortement.

 

L’homme qui est apte à promettre est apte à oublier.

Claude IZNER : Le talisman de la Villette. Collection Grands Détectives N°3941. Editions 10/18. Parution le 19 octobre 2006. 352 pages. 8,10€.

ISBN : 978-2264038807

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19 octobre 2018 5 19 /10 /octobre /2018 06:49

Donc, si je comprends bien, il y en a un premier ?

Pierre Mac ORLAN : Le tueur N°2.

Comme bon nombre de ses confrères romanciers, Gaston Leroux, Georges Simenon et bien d’autres qui avaient débuté leurs carrière dans le journalisme, Pierre Mac Orlan se muait à l’occasion en reporter pour des médias papier. Des reportages d’inspiration diverse et parfois l’affaire qu’il couvrait pouvait donner lieu à un roman.

Le tueur N°2 en est un exemple significatif même si l’intrigue déborde largement du cadre du reportage. En prenant quelques éléments d’une histoire qui s’est réellement déroulée, Mac Orlan construit une histoire qui s’intègre parfaitement dans l’esprit des romans policiers et noirs de l’époque, c’est-à-dire 1935.

Amputé d’une jambe suite à une blessure sur l’Yser provoquée par la Première guerre mondiale, qui n’était pas encore ainsi dénommée à l’époque, Miele Vermeulen ne travaille pas moins comme jardinier dans les environs de Zeebrugge et Knokke-sur-mer. Il vient justement d’être embauché par Mademoiselle Gertrude Gal, une comédienne, qui vient d’arriver en résidence dans une belle villa de style normand.

Lorsqu’il arrive dans le hall, l’effervescence règne. Les malles et les valises encombrent le passage. Une odeur nauséabonde de rat crevé s’échappe de l’une d’elle. Après ouverture, constatation est faite qu’il s’agit d’un cadavre en décomposition qui a été placé dans ce coffre de voyage. Aussitôt Mademoiselle Gertrude Gal fait prévenir immédiatement les policiers de Knokke, tout en constatant que cette malle ne fait pas partie de ses bagages. Un supplément qui n’est pas du tout de son goût et surtout de son odorat. Dernière précision, il s’agit du corps nu d’une femme sans tête.

 

Quelques jours auparavant, à la gare de Victoria Station à Londres, un employé des chemins de fer britanniques a découvert une grande valise suspecte oubliée à la consigne depuis une dizaine de jours. Ce bagage dégageait une odeur suspecte et à l’intérieur étaient nichés les quatre membres d’un corps humain, enveloppés dans un journal. Bertie O’brien, de Scotland Yard est immédiatement prévenu, et son attention est attirée par un article et une photo figurant sur ce journal.

Une certaine Jenny Lowland, de Londres, est recherchée pour un héritage. Or cette femme, le sergent Prince la connait. Il s’agit de Joan Burlington, ancienne girl et capitaine d’une troupe de danseuses, et probablement une proxénète ( ?), ou prostituée. Ne reste plus donc à rechercher l’ami de cette femme démembrée.

 

L’affaire des cadavres de Londres et de Knokke en Belgique se recoupent et le détective O’Brien va être amené, lui est ses adjoints à enquêter de concert avec les policiers belges, se déplaçant sans relâche à Londres, à Brighton, et dans les environs de Knokke et avec des ramifications françaises. L’ami de Joan Burlington est retrouvé, mais pour autant l’affaire n’est pas résolue. S’il avoue le meurtre de Joan Burlington, le cadavre londonien n’est pas celui de la jeune femme. Peut-être celui de Knokke. Mais il réfute avoir un second meurtre sur les bras. Dans ce cas un autre tueur serait dans la nature.

 

Un roman dans lequel Pierre Mac Orlan déploie sa palette de conteur, en proposant une intrigue à double facette, avec des phrases courtes, parfois lapidaires, du moins au début du récit. Ensuite, il devient plus prolixe et son sens poétique s’exprime davantage.

Une véritable machination dans laquelle les policiers, le détective Bertie O’Brien en tête, en perd un peu la sienne, et le lecteur également. Mais ses adjoints ne sont pas des bras cassés, et s’ils sont obligés de marcher sur des œufs, leur cerveau est intact.

Un roman intéressant, qui pourrait être le reflet de l’actualité, les progrès scientifiques n’étant toutefois pas encore autant évolués que de nos jours, ce qui donne du charme à la lecture.

Pierre Mac ORLAN : Le tueur N°2. Préface de Francis Lacassin. Collection L’Imaginaire N°264. Editions Gallimard. Parution 10 octobre 1991. 238 pages.

Première parution : Collection Police Sélection N°7. Editions Librairie des Champs-Elysées. Parution 1935.

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16 octobre 2018 2 16 /10 /octobre /2018 05:01

Crieur de journaux, un métier d’avenir ?

Oui, si l’on traverse la rue !

André GILLOIS : 125 rue Montmartre.

L’agitation règne au 125 rue Montmartre, comme plusieurs fois par jour. C’est l’un des dépôts des Messageries de la Presse Parisienne, et les vendeurs se pressent afin de récupérer les lots de France-Soir, Paris-Presse, Le Monde, qu’ils vont vendre dans les rues.

Chacun d’eux possède son endroit particulier et Pascal propose aux automobilistes ses éditions toutes fraîches sorties des imprimeries, à un feu rouge près du Pont de l’Alma.

Ce jour-là, Mémène, la gérante du dépôt s’inquiète. Pascal n’est pas à l’heure du rendez-vous de la distribution. Secrètement elle l’aime bien son Pascal, un garçon large d’épaule, secret, peut-être timide, solitaire aussi. Enfin il arrive, et prend le double de sa charge habituelle. Elle est étonnée, mais lui tend quand même les journaux.

Secret, Pascal l’est. Il ne fréquente pas les autres vendeurs de rue, et ne se confie jamais sur son passé. Pourtant un évènement l’a obligé à sortir de sa réserve naturelle. Alors qu’il se reposait sous une pile du pont de l’Alma, il a aperçu un homme prêt à se jeter dans la Seine. Il intercepte rapidement le candidat au suicide et bientôt les deux hommes se mettent à discuter. Ou plutôt, Pascal écoute l’histoire de Didier.

Didier est marié, mais sa femme, la mère de celle-ci et son frère, n’en avaient qu’à son argent et à sa ferme dans le Lot. Il narre à Pascal comment il a connu cette suceuse d’argent et sa décision de se jeter à l’eau, alors que sa femme et ses complices envisageaient de le placer dans un asile. Pascal ressent envers cet homme perdu comme un début d’amitié, et c’est pour cette raison qu’il lui propose de vendre des journaux, en lui fournissant les ficelles du métier. Et les voilà tous deux présentant leurs journaux aux automobilistes.

Seulement, Georges, un photographe de presse qui déambule en compagnie de son amie Albertine, remarque les deux hommes. Et entre deux baisers et deux photos, Georges prend des clichés de ces vendeurs de rue. Car il est toujours à l’affût d’une photo et d’un sujet de reportage.

Didier va loger chez Pascal tandis le beau ténébreux se réfugie chez Mémène, dont le mari alcoolique tient un hôtel qui sert parfois aux amoureux, ou autres, en manque de tendresse. Et comme Pascal et Mémène elle-même ressentent un vide dans leur existence, nous refermerons discrètement la porte de la chambre qui les accueille.

Le lendemain, Didier est lâché dans la nature avec ses journaux, mais Georges l’aperçoit qui les glisse dans une bouche d’égout. Il est interloqué. Un épisode parmi d’autres dans sa vie de photographe. Néanmoins il le suit.

Didier demande à Pascal de l’accompagner jusque chez sa femme qui habite à Passy, et de récupérer de l’argent. Pascal se laisse embobiner et se glisse dans le parc d’une belle demeure. Il s’empare des billets glissés dans le tiroir d’un secrétaire mais lorsqu’il veut ressortir, le portillon donnant sur la rue est fermé à clé. Il se fait assommer par des policiers qui viennent d’arriver sur les lieux et il est arrêté. Seulement dans la maison un homme est mort, le mari de la fameuse femme selon elle. Or il ne s’agit pas de Didier, au grand étonnement de Pascal. Pascal narre ses mésaventures au commissaire Dodelot qui prend l’enquête en mains.

Le commissaire Dodelot ressent immédiatement une forme d’antipathie à l’encontre de Catherine Barachet qui se tamponne les yeux secs à l’aide d’un mouchoir, afin de faire croire qu’elle est attristée.

 

Il faut peu de choses pour compliquer une affaire et également peu d’éléments pour la résoudre. Il suffit de mettre en place les bons témoins et analyser les situations. Une intrigue classique, bien enlevée, avec peu de personnages, et dont les figures marquantes sont Pascal, Didier et celle qui est considérée comme la femme de Didier, sans oublier Georges qui sera quelque peu le déclencheur, normal pour un photographe.

Naturellement tout tourne autour de Catherine, puisque Didier prétend qu’elle est à l’origine de sa déchéance et de sa fuite, de son envie de suicide. Une machination bien huilée, un piège fomenté avec machiavélisme, mais il existe toujours un grain de sable pour enrayer tout le mécanisme.

Didier en réalité est un être faible, soumis et amoureux :

Elle avait été séduite par sa soumission comme d’autres femmes le sont par les hommes qui les dominent. Et Didier qui cherchait une maîtresse au sens exact du terme, avait trouvé en elle l’autorité un peu froide qu’exerçait sa mère quand il était petit.

Un roman d’époque dans lequel évolue un commissaire bon enfant, situé dans le Paris des années 1950 et qui permet, entre autres, de mieux connaître la profession de vendeurs de journaux, profession exercée par des individus placés en marge de la société, pour diverses raisons. Des hommes principalement qui subsistent grâce à la vente à la criée de journaux dont ils ne tirent pas grand bénéfice.

Ainsi, pour un journal qui coûtait vingt francs, le vendeur percevait la somme de six francs.

Tu gagnes six francs par journal. Tu en vends facilement cinquante, au début. Avec ça tu bouffes si tu ne bois pas trop. Mais tu n’as pas une gueule à boire. Est-ce que tu as de quoi acheter les premiers ? Sinon tu laisses n’importe quoi en gages.

Car la plupart du temps les vendeurs avançaient l’argent pour pouvoir proposer leurs journaux. De nos jours, cette profession est obsolète, comme bien d’autres.

 

Le récit ne manque pas d’humour comme peuvent le démontrer les exemples ci-dessous :

Tu n’embrasses pas mal, dit-elle, quand tu ne penses pas à ce que tu fais.

Ce n’est pas pour dire, marmonna Pascal qui souffrait de la tête, mais ils ne volent pas leur nom, les cognes.

 

Le commissaire se nomme Dodelot. Est-ce un hommage à Francis Didelot, grand auteur de romans policiers de cette époque ? Et, ce qui n’a rien à voir, le juge d’instruction s’appelle Faverolle, ce qui est peut-être un hommage anticipé à un ami blogueur.

 

André GILLOIS : 125 rue Montmartre.

 

Ce roman, Prix du Quai des Orfèvres 1958, a été adapté au cinéma par Gilles Grangier en 1959. Sur un scénario de Jacques Robert, André Gillois et Gilles Grangier, les dialogues étant signés Michel Audiard. Avec dans les rôles principaux : Lino Ventura, Andréa Parisy, Robert Hirsch,  Dora Doll, Jean Desailly, Alfred Adam, Lucien Raimbourg.

André GILLOIS : 125 rue Montmartre. Collection Le Point d’interrogation. Editions Hachette. Parution 4e trimestre 1958. 192 pages.

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