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28 avril 2018 6 28 /04 /avril /2018 10:18

Quoi ma main, qu’est-ce qu’elle a ma main…

John Dickson CARR : La main de marbre

Après quelques dix ou douze années d’absence, Jeff Marle revient au pays. Plus précisément en Pennsylvanie où il retrouve, à la demande de celui-ci, le juge Quayle qui veut lui présenter son manuscrit.

Durant toutes ces années, Jeff Marle a vécu à Paris où il a participé à quelques affaires afin d’aider son ami Henri Bencolin, préfet ou juge selon les précédentes aventures qui lui ont été consacrées, dont Le marié perd la tête, Le secret du gibet ou encore La mort sous un crâne. Jeff Marle retrouve donc dans un environnement quelque peu délétère, les enfants du juge : Mathieu, qui poursuit des études de droit mais n’est qu’un bon à rien selon son père, Marie, l’aînée, Virginia dite Jenny, et Clarissa, la belle (trop belle ?) Clarissa qui est mariée au docteur Twills, lequel n’exerce pas mais possède un laboratoire dans la demeure des Quayle. Manque à l’appel Tom, qui ne supportait plus son père et réciproquement. Enfin, le juge lui-même et Mrs. Quayle qui se terre dans sa chambre depuis le départ de Tom.

Le juge Quayle propose à son invité une boisson, du brandy, tout en lui racontant des faits qui le perturbent. Notamment cette main blanche qui s’amuserait à déambuler sur le manteau de la cheminée. Une main provenant d’une statue de Caligula. Peu après il se trouve mal. Empoisonnement à l’hyoscyamine décrète le docteur Twills, son gendre, qui le soigne. Mais Mrs. Quayle, elle aussi, a été empoisonnée, mais à l’arsenic disséminé dans son plateau-repas. Des drogues que possède Twills dans son laboratoire. Toutefois, entre deux conversations, discussions, reprises de contact avec les rejetons Quayle, Jeff Marle se demande comment a pu être empoisonné le juge se souvenant un peu plus tard que celui-ci ajoutant de l’eau de Seltz dans son breuvage, le poison pouvait se trouver dans le syphon.

Les événements se précipitent. La nuit suivante, le docteur Twills est lui aussi empoisonné à l’hyoscyamine et il en décède. Reed, le docteur de la famille et médecin légiste, procède aux premières constatations tandis que le détective Sargent débute son enquête. Le juge était ruiné et seule Mrs. Quayle ignorait que Twills subvenait aux besoins de la famille depuis des années.

Patrick Rossiter, qui fut l’amoureux de Virginia dix ans auparavant, effectue son retour, se prétendant détective privé, de même que Tom qui réintègre le foyer familial tandis que Clarissa est assassinée dans la cave d’un coup de hachette. Enfin l’on peut se demander quel rôle est dévolu à cette main de marbre qui joue sur les nerfs du juge Quayle.

 

Quatrième roman de John Dickson Carr, La main de marbre n’atteint pas la densité souhaitée et l’auteur cherche encore sa voie. Rossiter préfigure les personnages emblématiques campés par ce maître du meurtre en chambre close, Sir Henry Merrivale et le docteur Gideon Fell, lequel sera créé l’année suivante dans Le gouffre aux sorcières.

Quelque peu bavard, touffu, pour ne pas dire ennuyeux à certains moments avec beaucoup de délayage, ce roman fut le premier à être publié dans la collection Le Masque et il ne sera suivi que vingt ans plus tard par Clés d’argent et figure de cire. Mais il popularisa un peu plus John Dickson Carr en France lequel possédait déjà une certaine notoriété, étant par ailleurs édité dans diverses collections dont L’empreinte, L’énigme, ou encore Détective-club dans des éditions plus ou moins tronquées, tout comme le fut Agatha Christie, un procédé qui n’entacha pas leur réputation et l’engouement des lecteurs. Ce roman n’atteint pas l’intensité des ouvrages qui ont suivi et ont définitivement assis la renommée de l’auteur, comme La chambre ardente, Trois cercueils se refermeront et bien d’autres qui possèdent un côté fantastique tout en possédant un intrigue maîtrisée dans une énigme apparemment insoluble. Sans oublier une certaine forme d’humour.

 

John Dickson CARR : La main de marbre (Poison in Jest – 1932. Traduction de Jean George). Réédition Collection Fac-similés Prestige. Editions du Masque. Parution le 11 avril 2018. 264 pages. 9,90€.

Première édition Collection Le Masque Jaune N°268. Parution 1939.

Réédition Mai 1995. Traduction revue et complétée par Dominique Chambron.

ISBN : 978-2702448908.

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10 avril 2018 2 10 /04 /avril /2018 07:54

Et la source est loin d’être tarie !

Hervé HUGUEN : La source du Mal.

Ne pas être présente à un rendez-vous, c’est manquer de courtoisie et de respect envers celui qui vous l’a proposé et à qui vous aviez confirmé votre présence.

Pourtant, il existe parfois des impondérables qui vous empêchent non seulement de se rendre au lieu déterminé, mais encore de prévenir la personne avec laquelle vous deviez passer la soirée.

Ainsi Jérôme Segui s’impatiente car Agathe, comme Madeleine dans la chanson de Jacques Brel, ne vient pas ce soir. Il est vingt heure dix, ils avaient rendez-vous pour visiter l’exposition Costaner puis dîner ensemble, mais toujours pas de nouvelles d’Agathe. Il lui téléphone, mais elle ne décroche pas. Il se rend chez elle, mais il trouve porte close. Toutefois, la voiture est devant chez elle. Il retourne à son lieu de départ, puis enfin rentre chez lui.

Il émet toutes sortes de suppositions, mais pas la bonne. Il décide de retourner chez Agathe mais cette fois son véhicule n’est plus là. La solution de cette défection, il l’apprendra plus tard. Agathe a été retrouvée dans son véhicule incendié dans une zone industrielle en friche près d’une ancienne conserverie. C’est un voisin qui alerté par les flammes a prévenu les policiers et les pompiers.

Tôt le lendemain matin, Baron et son adjoint Arneke prennent les rênes de l’enquête. Tout d’abord ils recueillent les premiers renseignements sur les lieux du drame, puis auprès des voisins d’Agathe et enfin auprès de ses proches grâce aux appels téléphoniques qu’elle a reçu avant son décès et sa crémation.

Questionnements auprès de Nadine, la collègue d’Agathe, de Thomas, l’ex petit ami d’Agathe qu’elle avait plaqué un an auparavant alors qu’ils étaient ensemble depuis cinq ans mais vivaient séparément, de Jérôme son nouveau petit ami depuis six mois puis quelques autres personnages susceptibles de leur fournir le moindre renseignement.

Agathe travaillait pour une assurance, spécialisée dans les placements d’argent et les assurances-vie, et il se pourrait que l’un de ses clients mécontents se soit rendu chez elle avec des intentions belliqueuses. Ses dossiers ont été fouillés, mis en vrac à terre chez elle, et pour l’heure il est impossible de déterminer si des papiers ont été subtilisés. Mais il ne faut pas négliger l’aspect sentimental de cette affaire, car Thomas possède un trou dans son emploi du temps de la soirée.

 

Du samedi 4 novembre jusqu’au lundi 6, Baron et Arneke, assistés de quelques membres du commissariat de Vannes, vont multiplier les rencontres, les interrogatoires, les déplacements, se rendant à Auray, Malestroit et même jusqu’à Saint-Malo, afin de débusquer la vérité, pratiquement sans dormir, fouiller dans le passé, vérifier les appels téléphoniques, les alibis, s’immiscer dans la vie privée.

Et déboucher sur une affaire provoquée puis résolue à cause d’une petite erreur. Agathe avait ce que l’on pourrait considérer comme une double vie. A première vue rien de bien répréhensible mais lorsque le mobile réside dans de vieux papiers, il ne faut s’étonner de rien. Surtout des remous, des soubresauts, des résultats mortifères.

Un bon roman de détection classique dans lequel Baron se prend pour Maigret, sans le vouloir, sans s’en rendre compte, un mimétisme reposant.

Quelque chose le rongeait, qu’il ne parvenait pas à définir vraiment. Le sentiment qu’un détail leur échappait, une connexion qui ne se faisait pas. Ils suivaient deux histoires parallèles, et le propre des parallèles est qu’elles ne se rencontrent jamais.

 

Baron ne répondit pas. Ses yeux ne cherchaient pas ceux de Lanne, il semblait ailleurs. Est-ce qu’il écoutait seulement ? Est-ce que cette conversation avait un sens pour lui ?

 

Oui, Nazer Baron est un homme comme un autre, pas un super-héros, mais quelqu’un qui réfléchit au lieu d’user de la force. Et avec l’âge, et les séquelles du métier, conjugués aux intempéries, il ressent des tensions dans la hanche, là où sa cicatrice se réveillait parfois quand l’humidité froide venait lui rappeler son ancienne blessure. Il avait renoncé à conduire. Mais ce n’est qu’un mauvais moment à passer, et il prend sur lui (et peut-être quelques antalgiques et analgésiques mais il le cache, un policier ne se drogue pas) afin de diminuer la douleur, et peu après il pourra reconduire. Mais parfois il mérite un carton jaune :

D’une pichenette, Baron envoya le mégot s’éteindre dans le caniveau et reprit sa progression lente.

J’en connais qui se sont pris une prune à 68 euros pour avoir laissé tomber un mégot sur le trottoir, sous le motif d’abandon de déchets sur la voie publique.

 

Hervé HUGUEN : La source du Mal. Série Nazer Baron N°13. Editions du Palémon. Parution le 2 mars 2018. 272 pages. 10,00€.

ISBN : 978-2372605175

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24 mars 2018 6 24 /03 /mars /2018 09:04

Des protocoles pas vraiment protocolaires…

Fabrice PICHON : Protocoles fatals.

Savent-ils ces deux amoureux qui viennent de sortir d’un appartement cannois en ce mois de mai 1995, où ils ont participé à une petite fête, qu’un individu les attend puis se met à la suivre ? Un homme animé d’intentions mortifères. Il a été payé pour éliminer l’un des deux, et comme il respecte toujours les contrats qui lui sont confiés, il patiente jusqu’à ce qu’un moment favorable se présente.

Enfin, après un interlude agréable dont ont profité les deux amoureux, l’occasion se précise. Seulement, un dommage collatéral n’est pas évité. Lisbeth, la jeune fille, est atteinte de deux balles, et son compagnon, après s’être défendu avec hargne, bascule par-dessus un muret, s’étalant quelques mètres plus bas.

Le commissaire Acquatella, qui n’est en poste que depuis deux ans, est chargé de cette affaire délicate. Lisbeth, la jeune fille est emmenée aux urgences, tandis que son partenaire n’est pas retrouvé.

 

Vingt-trois ans plus tard, Lisbeth vit dans un fauteuil roulant. Elle est mariée avec un directeur d’agence immobilière. Et est devenue amie avec l’avocat qui l’avait assistée au procès, maître Olivier Banette. Le commissaire Acquatella est en poste à Dijon, et ce n’est pas un hasard. Car l’agresseur de Lisbeth vient de purger vingt-trois en prison, dans cette ville ducale, et il est libéré pour remise de peine. Grâce à ses empreintes ADN il avait été localisé et arrêté. Mais Acquatella ne s’estime pas satisfait de cette enquête et il pense qu’éventuellement, l’homme, Vincent Reître, pourrait retourner à Cannes achevé ce qu’il n’avait pas terminé.

L’avocat qui pense, tout comme Lisbeth, que la sortie de prison de Reître est synonyme d’ennuis futurs et dommageables pour sa cliente, décide d’appeler un cabinet situé en Suisse. Une officine particulière spécialisée dans la protection des individus. Le dirigeant est un certain Dassino, qui fut l’ami et l’associé de Reître, autrefois. Alors le chef d’entreprise décide d’envoyer sur place un de ses hommes et accessoirement filleul, Francesco Bravi, afin de s’occuper de ses nouveaux clients.

 

Oserai-je écrire que Fabrice Pichon nous a concocté une délicieuse histoire tarabiscotée avec des intervenants qui ne respectent pas toujours le protocole édicté ? Et oui, un protocole, cela se respecte, ou alors il faut recourir à un second procédé qui lui aussi est inscrit dans le protocole. Mais quand ceux qui sont chargés de mettre en place ces protocoles préfèrent emprunter une troisième voie, cela devient un brin compliqué, surtout pour ceux qui doivent en subir les conséquences et qui pourtant les ont provoquées.

De Cannes, ah, le festival de Cannes, ses films, tout un cinéma, en passant par la Suisse, c’est bien la Suisse, c’est neutre, avec un détour par Dijon, alors que la moutarde monte aux nez de certains (eh, je n’ai pu m’en empêcher !), trois endroits qui semblent tout désignés pour servir de décor à une histoire de manigance diablement construite.

Un roman original, précise la quatrième de couverture. Effectivement, car la mise en scène est soignée et les contrecoups ne manquent pas, déclenchant une sorte de séisme avec répliques et ricochets. Et le lecteur se demande bien où l’auteur veut les emmener, même s’ils se doutent d’un coup fourré et d’un rebondissement prévisible. Presque prévisible.

Toutefois, il me semble, et peut-être l’auteur dont la passion est la littérature policière, que ce roman est un clin d’œil est adressé à des maîtres du genre, spécialistes de la psychologie et des trames tortueuses, j’ai nommé Boileau et Narcejac qui déjà s’étaient infiltrés dans la tête d’un tueur.

Fabrice PICHON : Protocoles fatals. Roman policier mais pas que… Editions Lajouanie. Parution le 9 février 2018. 204 pages. 18,00€.

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19 mars 2018 1 19 /03 /mars /2018 09:05

Nous le sommes tous un peu. Mais de quoi ?

Samuel SUTRA : Coupable(s).

Jeune lieutenant aux renseignements, Jean-Raphaël Deschanel, Jean-Raph pour les amis, est affecté provisoirement au 36 Quai des Orfèvres.

Un rêve qu’il caressait secrètement et est plus agréable que les cauchemars nocturnes qui lui polluent l’esprit. Et ce n’est pas tant parce qu’il se montre brillant dans son travail, mais parce que son statut d’être né en Haïti pourrait apporter un éclairage sur une enquête en cours.

Jean-Raph participe à sa première réunion de travail en compagnie de quelques nouveaux collègues dirigés par l’atrabilaire commandant Blay, sous l’œil intéressé et avisé d’une petite et jeune psy qui a le profil d’une profileuse, Vanessa Dubreuil. La seule femme dans une assemblée de mâle, mais malgré sa corpulence maigrelette, elle les domine par sa présence et ses analyses.

Une dizaine de jours auparavant, trois hommes ont été assassinés, dans des conditions particulièrement violentes. Le premier soir, Favre, un policier considéré comme ripou, même par ses collègues, ce qui n’est pas courant. Le lendemain soir, Maréchal, un entrepreneur de travaux publics bien connu, magouilleur comme souvent, bâtissant des châteaux de cartes qui ont tendance à s’effondrer au premier coup de vent. Le troisième soir, Carsini, un militaire, attaché au ministère de la Défense. Enfin, neuf jours plus tard, Meursault, qui s’occupait d’assurances auprès d’un groupe international spécialisé dans les contrats retors, est lui aussi retrouvé assassiné dans des conditions qui établissent un lien avec les trois premiers.

En effet une carte au nom de Favre est retrouvée dans une de ses poches. Et en examinant les photos prisent sur les scènes de crime, Blay s’est aperçu de détails qui lui avaient échappé lors des premières analyses, les groupes qui enquêtaient n’ayant pas communiqué entre eux. Détails qui l’ont conduit à demander l’aide de Jean-Raph. Des mises en scènes qui lui font penser à une vengeance liée avec le vaudou.

Seule Vanessa n’est pas d’accord avec les conclusions de Blay et son équipe. Elle pense que le meurtre de Meursault n’est qu’un leurre, et qu’il faut s’attacher uniquement aux trois premiers cadavres.

Jean-Raph est associé à Bruno tandis que leurs collègues se jettent eux aussi à la pêche aux renseignements. Ils se rendent chez la veuve de Favre qui n’est pas éplorée. Mais leur visite n’a pas été inutile. Outre les appas montrés sans parcimonie par la veuve joyeuse, elle leur délivre une information intéressante. Favre et Maréchal se connaissaient. Il n’y a plus qu’à tirer sur la ficelle et la pelote se débobinera. Plus facile à dire qu’à faire.

Jean-Raph et son binôme apprennent de la part d’un ancien diplomate en poste en Haïti et qui va rejoindre une nouvelle affectation, que Favre, Carsini, Maréchal, nous voilà, grenouillaient sur l’île dévastée par un tremblement de terre le 12 janvier 2010. Ils étaient liés à un projet dit Kenscoff, et qu’il existe un cinquième comparse, ou quatrième si l’on excepte Meursault d’après Vanessa. Une nouvelle piste à creuser, mais attention aux éboulements qui ne peuvent manquer de se produire si l’on creuse un  peu trop.

 

Nous sommes loin des aventures débonnaires de Tonton et sa clique. Le sujet est sérieux. La reconstruction après un séisme, et les magouilles qui ne peuvent manquer d’attirer les requins, car les associations humanitaires, voire le gouvernement, ne peuvent pas tout contrôler.

Samuel Sutra s’est attaqué donc à un sujet grave, voire périlleux, puisque tout tourne autour du tremblement de terre qui a ravagé Haïti, une portion de l’île d’Hispaniola, l’autre partie étant la République Dominicaine appelée également Saint-Domingue. Mais il ne s’étend guère sur ce séisme, préférant privilégier sur l’après, la reconstruction et les incidences qui peuvent en résulter au bout de cinq ans. Avec pudeur et réalisme.

Jean-Raphaël Deschanel est d’origine haïtienne mais il a été élevé en France par un couple qui l’a adopté alors qu’il n’était encore qu’un tout petit gamin. Il ne se souvient pas de ses parents, peut-être de son père, et les premières pages, qui pourraient être un prologue mais ne sont qu’un rêve éprouvant, font penser à un gospel avec un goût de Cadence rampa de Webert Sicot, musique caribéenne par excellence.

Et c’est Jean-Raph qui narre cette enquête à la première personne. On le découvre peu à peu, et en incrustation, comme des courts-métrages, on assiste avec du recul aux meurtres des différents protagonistes impliqués dans cette histoire.

Samuel Sutra déroule son récit en véritable funambule et si le lecteur se doute de l’épilogue, celui-ci n’en réserve pas moins de belles surprises. Après Kind of Black, une réussite remarquable par un auteur qui nous avait habitués à plus de légèreté dans ses intrigues, mais c’est la marque d’un grand romancier de savoir enrichir sa palette littéraire.

 

L’amour est le plus court chemin qui mène de l’indifférence à la haine.

On n’aime pas parler pognon en France, c’est sale. Quand on est pauvre, on est feignant, quand on est riche, on est voleur.

C’est le problème des amis au pouvoir. Ils ne savent pas toujours rester en place.

Samuel SUTRA : Coupable(s). Editions Flamant Noir. Parution le 5 mars 2018. 250 pages. 19,50€. Existe en version numérique : 9,99€.

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26 février 2018 1 26 /02 /février /2018 10:41

Ne sera pas le premier ?

Hervé HUGUEN : Le troisième des deux.

Suite à la défection du juge Gorian, à cause de maladie de cœur, et d’une tentative de suicide de la part de l’inculpé, Alexiane Kerneis-Le Hir, procureure, est obligé de reprendre le dossier Bréval. Or dans ce dossier, de nombreux manques, des lacunes dues aussi bien de la part des gendarmes qui avaient enquêté, du juge qui ne s’était pas impliqué comme il l’aurait dû, voire éventuellement du légiste qui n’aurait pas fait son autopsie à fond.

Adénaïs Bréval, jeune femme de trente ans, avait été découverte sans vie par son mari Léo, trente ans également, qui rentrait de son travail. Infirmier-urgentiste à Saint-Géréon, près d’Ancenis, Léo avait appelé immédiatement les pompiers, puis les gendarmes, puis sa famille et celle de sa femme. Dépressive depuis quelques jours, Adénaïs prenait des anxiolytiques et de prime abord tout ce petit monde, le mari en premier, avait supposé un suicide. Mais il s’est avéré qu’il s’agissait d’un meurtre, une strangulation effectuée avec le foulard qu’elle portait au cou, alors qu’elle était encore en pyjama. Trois jours après, soit une perte de temps préjudiciable pour l’enquête.

Léo avait réfuté la tentative de meurtre, mais depuis il est incarcéré en Maison d’Arrêt. C’était six mois auparavant, et Alexiane demande au commissaire Baron de la DIPJ de reprendre le dossier. Le moment est peut-être mal choisi, car Baron vient de perdre son père, décédé la nuit précédente, lui laissant le soin de prévenir un de ses amis vivant à Paris, un certain Pancrace d’Harcourt.

En compagnie du capitaine Arneke, Baron reprend l’enquête à zéro ou presque, d’après les éléments que lui confie la procureure. La jeune morte avait eu un rapport sexuel deux ou trois jours auparavant, mais la trace d’ADN n’avait pu être exploitée suite à la négligence du juge. Or comme elle avait un amant, tout laisse supposer que c’est lui qui lui avait fait cette offrande.

Donc Baron visite la maison du drame en compagnie des gendarmes qui avaient opérer aux première investigations, se renseigne auprès du commandant du SDIS, dont Léo faisait partie comme volontaire, auprès d’une voisine dont la principale occupation est de regarder par sa fenêtre, auprès de la collègue de travail d’Adenaïs, de l’amant dont la femme est enceinte, et autres vérifications, bref un travail en remonte-pente obligatoire.

Mais, et si un troisième larron s’était invité dans ce drôle de ballet avec danseur interchangeable ? Une piste qu’il ne faut pas négliger et vers laquelle penchent de plus en plus fortement Baron et Arneke.

 

Tout le monde ment, pensent Baron et Arneke, aussi bien les principaux personnages que les protagonistes collatéraux qui peuvent eux aussi devenir des présumés coupables en puissance. Tout le monde a quelque chose à cacher, à moins qu’il ne s’agisse tout simplement que de déclarations déformées, car au fil du temps la mémoire peut jouer de vilains tours. Surtout lorsqu’on est plus ou moins témoin, et qu’un policier demande de narrer les faits qui se sont déroulés plusieurs mois auparavant.

Mais il est navrant également de constater que par la faute, ou la négligence d’un juge, un présumé coupable peut passer plusieurs mois en prison pour des faits qui lui sont reprochés mais pas avérés. Et si le juge n’avait pas eu des problèmes d’artères ou de circulation sanguine, cette affaire se serait-elle enlisée avec un vrai faux coupable sous la main ?

C’est un œil critique que jette Hervé Huguen, avocat de profession, qui connait bien les rouages de la Justice, mais laisse le lecteur réfléchir et se faire sa propre opinion.

Et en filigrane, l’on suit une partie de la vie privée de Baron, avec la mort de son père, et une ouverture éventuelle sur une autre affaire, avec un ami paternel qu’il découvre et qui passe plus ou moins à la trappe à la fin du récit.

A première vue il s’agit d’une banale histoire de cocufiage mais les pistes proposées nous entraînent vers d’autres implications. On ne peut s’empêcher de penser au personnage de Maigret dans une histoire dont l’implication familiale prime et dont la psychologie des personnages est particulièrement fouillée. Et l’élément déclencheur permettant de découvrir la vérité ne vient pas de là où on l’attend. Comme souvent dans la vie réelle.

Hervé HUGUEN : Le troisième des deux. Série Nazer Baron N°12. Editions du Palémon. Parution le 29 septembre 2017. 272 pages. 10,00€.

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18 février 2018 7 18 /02 /février /2018 09:10

Avec de charmants habitants, de charmants

touristes, et de charmants cadavres !

Jean-Michel LECOCQ : Un charmant petit village.

Comme ils sont mignons tous les deux, sagement allongés sur leur lit les mains unies. Le couple Loret, Thierry et Mireille, la soixantaine, se sont suicidés. Empoisonnés à la colchicine. Leurs verres déposés soigneusement sur leurs tables de nuit.

Ils tenaient un gîte de trois chambres, mais selon certains, ils croulaient sous les dettes. C’est la femme de ménage qui les a découverts dans cette position si reposante. Ils s’étaient installés dans le village de Villecroze quelques années auparavant mais n’étaient guère aimés. Des querelles de voisinage principalement.

Donc les gendarmes de Draguignan et le procureur ont conclu à un suicide, mais le maire du village est sceptique aussi fait-il appel à un sien ami, Jouve, le directeur de la Police Judiciaire de Paris. Théo Payardelle, le commissaire électron libre, est prié par son chef d’aller enquêter sur place.

Dans le même temps, le rédacteur en chef du quotidien Le Mistral reçoit une lettre anonyme concluant dans le sens du maire, et Benoît Maucoulin journaliste qui assure les reportages et est en charge de l’hebdomadaire La Gazette, est lui aussi invité à se rendre sur place afin d’infirmer ou confirmer les allégations du corbeau.

Villecroze subit une concentration motos, ce qui ne plait guère aux villageois, de même qu’ils n’apprécient guère plus ceux qui se sont installés depuis quelques années dans cette bourgade du haut Var. Mais il faut bien vivre en bonne intelligence. Malgré certaines tensions.

Tandis que Maucoulin enquête de son côté, et peut-être plus particulièrement auprès de la jeune et belle hôtesse de l’office de tourisme, Payardelle, qui est présenté comme l’ami de Saint-Fons, le maire, et logeant chez lui, se promène dans le village, rencontrant sans parti pris la tenancière du Café Rock, qui n’est qu’une des pièces rapportées du village, la bibliothécaire, elle aussi venue d’ailleurs, du notaire Vialatte, ami réel du maire auquel il demande de rechercher la provenance des époux Loret, apparemment sans famille proche. Sans oublier un auteur de romans policiers d’origine belge, un jeune ébéniste qui avait fourni les époux Loret en meubles, également étranger au village.

Mais les lettres adressées par le corbeau, qui n’en est pas véritablement un puisqu’il ne dénonce personne en particulier, se contentant d’allusions, continuent d’arriver au journal, tandis qu’un meurtre, irréfutable celui-là est commis.

 

Parallèlement et en incrustation, le lecteur découvre une affaire qui s’est déroulée quinze ans auparavant, dans les Ardennes, celle dans laquelle un directeur d’école est accusé de posséder des images pornographiques dans son ordinateur. L’objet avait été fourni par la mairie et vérifié par un technicien informatique d’une entreprise privée. Il a beau clamer son innocence, rien n’y fait, les mauvaises langues ont le dessus, surtout celles qui ne savent rien mais connaissent tout, affirmant même qu’il s’agirait de photos pédopornographiques.

Jean-Michel LECOCQ : Un charmant petit village.

S’il fallait qualifier d’un seul mot ce roman, ce serait Elégance. Elégance de l’écriture, élégance de l’intrigue, élégance des personnages qui pourtant ne sont pas tous des anges. Mais même les démons sont traités avec une forme de respect par l’auteur qui ne sacrifie pas à une mode actuelle qui se traduit souvent par des vulgarités dans les propos, les dialogues, les faits, les événements, les jugements. Pas de scènes inutiles de sexe ou de violence. Bref un réel plaisir de lecture et non pas un pensum comme cela arrive si souvent.

Dans une ambiance quelque peu à la Agatha Christie, ce qui pour moi est un compliment, Jean-Michel Lecocq installe ses différents personnages et les fait évoluer dans une atmosphère légèrement délétère. Les gendarmes et le procureur, se drapant dans leurs certitudes, n’apprécient pas l’intrusion de Payardelle qui pourtant essaie de jouer au sous-marin, sans faire de vagues, mais ne se laissant pas abuser par de fausses évidences.

L’alliance entre le journaliste et le policier est l’illustration d’un rapprochement nécessaire entre deux pouvoirs, afin de pouvoir effectuer en bonne intelligence une enquête pernicieuse.

Le dernier mot sera laissé à Claire, la charmante hôtesse d’accueil de l’office de tourisme, qui déclare, en parlant des romans policiers de l’auteur Belge :

Trop violent, trop glauque, avait-elle déclaré en tordant sa bouche dans une moue de dégoût. Un esprit pervers selon moi. Un tordu.

Tous les auteurs de romans noirs et policiers, même si leurs romans sont glauques et violents, ne sont pas des pervers, enfin je le suppose. Mais l’on est en droit de se demander par quelle aberration ils narrent des actes plus ou moins de torture, sans que les descriptions apportent quoi que ce soit au récit, pour le seul plaisir des lecteurs friands de ce genre de mise en scène ou pour leur propre défoulement. Mais ceci est une autre question à laquelle je me garderai bien de répondre.

 

Jean-Michel LECOCQ : Un charmant petit village. Roman policier mais pas que… Editions Lajouanie. Parution le 8 décembre 2017. 288 pages. 18,00€.

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14 février 2018 3 14 /02 /février /2018 14:38

Comme disait le chauve, j’en ai les cheveux qui se dressent sur la tête !

Françoise LE MER : Famille, je t’haime.

La nouvelle mode capillaire masculine est de se raser entièrement la tête afin de cacher la tonsure moniale qui se profile. Ce n’est pas dans le but de sacrifier à un style, mais dans un besoin de justement éviter de se faire remarquer à tort que Kathleen a demandé à sa mère de lui raser les cheveux, mais parce qu’elle est atteinte d’alopécie. La pelade comme les bonnes âmes disaient, promptes à jeter l’anathème sur une maladie qui pouvait être considérée honteuse.

Pourtant elle est jeune Kathleen, vingt ans et étudiante en histoire, et à la réflexion, se pourrait-il que cela provienne d’une hérédité dans les gènes ? Pas impossible, il faut étudier. Katell, sa mère, illustratrice, lui avoue avoir connu ce même désagrément plus jeune, lorsqu’elle l’attendait, mais heureusement cela n’avait pas duré. Alors il reste en recours l’avis de la grand-mère Catherine, qui elle aussi a subi les mêmes affres, mais auparavant personne dans la famille n’avait été atteint de ce problème, du moins à sa connaissance. Katell et Katleen vivent à Locronan tandis que la grand-mère est installée à Douarnenez.

Le meilleur moyen pour cerner l’origine de ce problème est de consulter le toubib qui leur conseille de se rendre chez une psychothérapeute, plus précisément une psycho-généalogiste.

Rendez-vous donc est pris mais Catherine s’est chargée de remonter l’arbre généalogique, et elle le soumet à la psycho-généalogiste. C’est ainsi que la psycho établit un lien avec l’un de ses patients habitant Poulazec, petit village de la baie de Douarnenez d’où était originaire la mère de Catherine. Conseil leur est donné de se rendre sur place.

Marc, le patient atteint d’une maladie traumatisante, puisqu’il est impuissant, est séparé de sa femme Bérangère. Celle-ci l’aime encore, mais elle a des besoins à compenser. Il est restaurateur, d’objets anciens, de vieilles poupées de porcelaine, des ours en peluche. Il est associé avec deux autres réparateurs comme lui, chacun spécialisé dans leur domaine, vieux meubles par exemple.

Mais Marc, du moins sa famille, possède une autre particularité. Ils sont maire de père en fils. Actuellement, c’est son oncle qui est à la tête de la commune, auparavant son père l’a été aussi mais juste un mandat, et encore avant son grand-père, nonagénaire mais plein de vitalité et toute sa tête. Le grand-père, justement qui habite une belle demeure, dite le château et qu’il a racheté à deux sœurs, juste après la fin de la guerre. Une bâtisse qui avait été réquisitionnée par un officier Allemand durant la Seconde guerre mondiale.

Lorsqu’elles arrivent à Poulazec, Catherine, Katell et Kathleen découvrent cette bâtisse imposante, qui appartint à leur famille. Mais dans le village, elles sont accueillies comme si c’étaient des fantômes. Une vieille femme atteinte de sénilité, voire plus, reconnait Katell. D’ailleurs elle l’appelle par son prénom, pourtant la jeune femme, quadragénaire n’avait jamais vu cette nonagénaire, puisque c’est la première fois qu’elle se rend dans ce bourg. Mais d’autres personnes la toisent comme s’il s’agissait d’une apparition d’outre-tombe.

L’enquête sur le passé occupe les trois femmes, mais d’autres événements avec dommages collatéraux ou pas se déroulent, dans une atmosphère pas si sereine pour tous. Par exemple pour le curé de Poulazec qui est retrouvé le cul à l’air, flottant dans la mer, mort. Ou pour le voisin de Kathleen et Katell, un agriculteur qui a trouvé en Shannon une jolie femme venue de Nantes pour passer les nuits les pieds au chaud mais dont la famille devient encombrante. Et d’autres personnages secondaires animent ce roman, lui donnant une réelle consistance.

 

La quête de l’origine d’un traumatisme est entrouvrir la boîte de Pandore, et l‘on ne sait ce qu’il peut s’en échapper. Sûrement pas Marc, qui est impuissant devant son impuissance, ce qui ne veut pas dire qu’il est stérile, d’ailleurs il s’agit d’un débat stérile entre mâles imbus de leur mât de cocagne, mais également de Kathleen, qui en remontant l’arbre généalogique, découvre des secrets qui auraient dus être enfouis à jamais.

Car entre les trois femmes et Marc, puis le père de celui-ci, s’établit une sorte de complicité qui va ensoleiller leurs relations, car ce qu’ils découvrent est loin d’être rose. Ce serait même plutôt vert-de-gris.

Il y a toujours une cause psychologique à un traumatisme, mais il faut savoir la débusquer. Françoise Le Mer la traque avec machiavélisme, mais il n’est pas impossible de supposer que ceci s’est réellement déroulé, pas forcément en Bretagne, et que s’il fallait gratter dans l’origine de certaines familles, l’on gagnerait à coup sûr des gros lots.

Il est dommage que Kathleen, qui je le rappelle est étudiante en histoire, laisse passer une bévue émise par sa grand-mère ou d’autres personnages, bévue reprise par l’auteur et passée inaperçue par la correctrice. La ville de Douarnenez n’a pu être libérée de l’occupation allemande le 4 août 1945, l’armistice ayant été signé le 8 mais 1945. A moins qu’il s’agisse d’une coquille de l’imprimeur ce dont je doute. Ah, ma manie de cerner les petites erreurs de datation !

A part ce petit couac, qui sera rectifié je pense dans la version numérique et les rééditions papier, Famille je t’haime est un roman puissant, mais fallait-il en douter car Françoise Le Mer sait mettre en scène des personnages qui en apparence sont banals et construire savamment une intrigue forte avec des à-côtés en relation plus ou moins directs avec l’histoire principale.

 

Françoise LE MER : Famille, je t’haime. Editions du Palémon. Parution le 20 novembre 2017. 272 pages. 10,00€.

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31 janvier 2018 3 31 /01 /janvier /2018 08:54

Un classique indémodable de la littérature d’énigme dans une édition Prestige !

Agatha CHRISTIE : Le crime de l’Orient-Express

Dédaignée, voire méprisée par bon nombre d’amateurs de romans noirs, mais adoubée par des milliers de lecteurs pour qui seul le plaisir de la lecture compte, Agatha Christie n’est pas la Reine du crime, mais l’Impératrice, tant ses intrigues sortent d’un cadre strict régi par des codes.

D’ailleurs les cinéastes ne s’y sont pas trompés, adaptant à tour de pellicule la plupart de ses romans, et celui-ci le fut deux fois au cinéma, trois fois à la télévision, une fois à la radio, deux fois en bande dessinée et même une fois en jeu vidéo !

S’inspirant de deux événements qui se sont réellement déroulés, l’enlèvement du fils de l’aviateur Charles Lindbergh en février 1929, et du blocage par un blizzard du Simplon-Orient-Express durant près de six jours en Turquie, durant l’hiver 1929, Agatha Christie construit une ingénieuse intrigue machiavélique à souhait qui défie le temps.

Ayant résolu avec succès, mais qui en aurait douté, une enquête en Syrie, Hercule Poirot attend en gare d’Alep de prendre le train qui doit le mener à Stamboul, puis en Angleterre via Paris et Calais. Il surprend sans vouloir jouer l’indiscret une conversation entre un colonel et une jeune femme, mais n’en fait pas plus de cas que cela. Ceci ne le regarde pas.

A Stamboul, il prend une chambre dans un hôtel luxueux, en attendant de pouvoir s’installer le lendemain dans le prestigieux train dit l’Orient-Express. Il retrouve avec plaisir son ami M. Bouc, l’un des directeurs de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits, et prête plus ou moins attention aux autres touristes. Toutefois, l’un d’eux mérite d’être remarqué. Il s’agit d’un Américain, Ratchett, accompagné d’un secrétaire et d’un valet de chambre. De loin il paraît être un philanthrope bienveillant mais de près l’impression qu’il donne diffère totalement.

Il est l’heure d’embarquer dans le train Constantinople-Trieste-Calais, mais alors qu’en cette époque de l’année la rame est quasiment vide, ce jour-là, plus aucune place n’est libre. Poirot bénéficie du désistement d’un voyageur et il va devoir partager son compartiment avec un jeune homme.

Le lendemain matin, Poirot prend son petit-déjeuner au wagon-restaurant de bonne heure, puis il peut examiner les autres occupants du wagon qui défilent pour se restaurer. Il remarque que de nombreuses nationalités sont représentées par des voyageurs des deux sexes, de conditions sociales fort différentes les unes des autres. Il y a un couple, d’autres, des femmes, sont accompagnées de leur femme de chambre. Une douzaine de personne en tout. Dont une comtesse, un colonel, un représentant en voitures, une femme de chambre, un secrétaire… Ratchett lui demande même de travailler pour son compte, arguant de sa richesse et déclarant qu’il a peur pour sa vie. Une allégation étayée plus tard par le secrétaire qui lui montre quelques lettres de menaces. Puis le soir venu, en gare de Belgrade, la rame en provenance d’Athènes est accrochée au train, et M. Bouc en profite pour déménager, laissant son compartiment à Poirot.

Durant la nuit, Poirot est réveillé par du remue-ménage dans le couloir et le compartiment voisin qui est celui de Ratchett. Le lendemain matin, il s’aperçoit que le train est bloqué par la neige entre deux stations yougoslaves. L’effervescence règne et M. Bouc, accompagné d’un ami, le docteur Constantine, lui apprend que l’Américain, Ratchett, vient d’être découvert assassiné par le conducteur de la rame. Naturellement les policiers ne peuvent se déplacer aussi M. Bouc demande-t-il à Poirot de s’occuper de ce meurtre et de découvrir le coupable.

Et c’est ainsi que le détective belge va s’installer dans le wagon-restaurant afin d’auditionner tout à tour les différents occupants de la rame, après avoir examiné le compartiment du drame en compagnie de M. Bouc, du Dr Constantine et éventuellement de Michel le conducteur, qui pourrait être assimilé au contrôleur de nos jours.

Poirot n’est pas le seul à remarquer que Ratcheff a été tué à coups de couteau, mais plus étrange, ceux-ci ont été portés par un gaucher et un droitier, de façon plus ou moins violente. Certaines marques ne sont que des éraflures. Il récupère à terre un mouchoir de dentelle portant le monogramme H et un cure-pipe. Un bout de papier calciné lui offre un début de piste après un examen attentif. Et d’autres éléments viennent s’ajouter à ceux que possèdent déjà Poirot. Mais ils sont contradictoires.

Et c’est ainsi que la véritable identité de Ratchett est dévoilée. Il s’agit de Cassetti, l’homme qui avait enlevé aux Etats-Unis quelques temps auparavant une gamine de trois ans, et l’avait tuée. Les parents ne s’en étaient jamais remis, de même que la jeune bonne qui devait garder la fillette. Si certains affirment ne pas connaître le drame dont fut victime une gamine, d’autres avouent avoir possédé des relations plus ou moins proches avec cette famille éplorée.

Partant de cette affaire malheureuse, Cassetti ayant été acquitté suite à une faute de procédure et depuis vivant hors des Etats-Unis sous une fausse identité, et des quelques objets retrouvés dans le compartiment, Poirot va tenter de démêler cet imbroglio. En effet, tout concourt à accuser l’un des voyageurs, un ou plusieurs, car le mouchoir appartient à une femme, le cure-pipe au seul voyageur qui fume la pipe, d’autres petits détails comme une trace de graisse maculant le nom du propriétaire sur un passeport, et tous possèdent un alibi corroboré par un ou plusieurs personnes qui censément ne se connaissent pas.

Un huis-clos magistralement construit avec un épilogue logique, qui prouve qu’Hercule Poirot, et ses deux aides occasionnels, dans cette enquête qui s’avère un habile montage réalisé de main de maître, ne manque pas d’humanisme en résolvant cette affaire et surtout en lui fournissant une conclusion qui ne peut que satisfaire tout le monde, ou presque.

Naturellement, ceux qui n’ont pas lu livre mais ont vu le film connaissent la solution, mais le fait de lire le texte ne peut qu’ajouter au plaisir de retrouver une histoire ingénieuse qui démontre tout le talent machiavélique d’Agatha Christie.

 

Agatha CHRISTIE : Le crime de l’Orient-Express (Murder in the Orient Express - 1933. Texte français de Louis Postif). Collection Fac-similé prestige. N°169. Editions Le Masque. Parution le 2 novembre 2017. 256 pages. 9,90€.

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29 janvier 2018 1 29 /01 /janvier /2018 09:47

Il y aura un CDD à pourvoir pour la fin de l’année !

Pierre VERY : L’assassinat du Père Noël.

Avant d’être un film de Christian-Jacques en 1941, sur un scénario de Charles Spaak, dans une production de la Continental-film, société crée par Joseph Goebbels, avec dans les rôles principaux Harry Baur, Raymond Rouleau, Renée Le Faure, Robert Le Vigan, Bernard Blier ou encore Fernand Ledoux, L’assassinat du Père Noël fut un roman écrit par Pierre Véry et publié en 1934 aux éditions Gallimard dans l’éphémère collection Bleue, après une publication en feuilleton dans le magazine Marianne.

Ce roman, devenu un classique de la littérature policière, et de la littérature en général, est présenté ainsi par l’auteur dans le bulletin de la N.R.F. N°256 en janvier 1935 :

J’ai souhaité un jour que mes livres fussent considérés comme des contes de fées pour grandes personnes…

Et ce roman est l’illustre exemple plongeant le lecteur dans une ambiance de conte de fées parfois surréaliste, mais dont l’intrigue et l’épilogue se révèlent d’une logique implacable mais non dénuées d’humour.

Le village de Mortefond, grosse bourgade située en Meurthe-et-Moselle, fête comme il se doit la Saint Nicolas, en ce jour du 6 décembre, avant les joyeusetés de Noël. Blaise Kappel, qui a endossé l’habit du célèbre saint, est en réalité le sacristain de l’abbé Fuchs. Il prend quelques verres en compagnie des villageois, puis se rend à la sacristie. Malgré sa myopie pourtant corrigée par des lunettes, il aperçoit le brave curé à terre.

Non, le curé n’est pas mort, mais sidéré. Il a aperçu un individu masqué qui se tenait caché dans un placard ouvert et qui vient de s’enfuir. Kappel a beau regarder, chercher, examiner partout, rien. Aucune trace du passage de l’indélicat personnage.

L’abbé Fuchs a reçu une lettre, anonyme bien sûr, l’avertissant qu’une bande d‘indélicats écumaient la région et que quelques années auparavant, le trésor d’une église située à une quarantaine de kilomètres de Mortefond, avait été dérobé. L’abbé Fuchs préfère s’en référer à son supérieur hiérarchique, l’évêque de Nancy, qui saurait prendre les dispositions nécessaires pour régler cette affaire. Une légende affirme que Le Bras d’Or du roi René, qui contient une relique inestimable, serait caché à Mortefond.

A Paris vit Prosper Lepicq dont la plaque de cuivre apposée sur l’immeuble où il exerce déclare qu’il est Avocat à la Cour de Paris. Et même s’il a un secrétaire, il ne croule pas sous les affaires à traiter. C’est là que se rend l’émissaire de l’évêque de Nancy afin de lui expliquer ce qui l’amène.

Peu de temps après, dans le village de Mortefond, se promène un touriste répondant au nom de Marquis de Santa-Claus, prenant une chambre à l’auberge du village et s’intéressant à la vie de la commune et de ses habitants.

Seulement le Père Noël, en réalité le sacristain qui est déguisé, est assassiné. Mais lorsque la houppelande est ôtée, il s’avère qu’il s’agit d’un inconnu. La police est prévenue mais à cause de la neige qui tombe en abondance, les policiers mettent plusieurs jours pour rallier la petite commune.

 

Le village de Mortefond a pour vocation la fabrication de jouets et tous les habitants ou presque s’y adonnent. Mais une particularité distingue Mortefond : les villageois portent un surnom de conte de fée ou de légende. On peut trouver au détour des ruelles la Mère Michel, Cendrillon, le Père Fouettard, le Marchand de sable, le Croquemitaine, le compère Lustucru, l’Homme au sac, et donc la présence du Marquis de Santa Claus ne fait que renforcer cette ambiance de comptine enfantine.

Une amusette, une parodie de roman policier qui entretient le merveilleux, mais à la logique imparable, écrite par Pierre Véry en 1934 mais qui possède toujours ce charme indéfinissable d’un roman destiné aussi bien aux enfants qu’aux adultes, conçu et écrit avec rigueur. Les romans de Pierre Véry ne vieillissent pas même s’ils sont ancrés dans leur époque. Ainsi de nos jours avec les technologies afférentes à la communication, les téléphones portables, les déplacements en véhicules tout terrain, et tout ce qui se traduit par un modernisme effréné auraient permis aux policiers de se rendre immédiatement sur les lieux. Mais l’histoire en aurait perdu de son charme et de sn humour.

Pierre Véry écrivait aussi dans le bulletin déjà cité :

… Il importe de sauver dans l’homme, à mon sens, c’est ce qui reste de l’enfant. Je demande à mes lecteurs d’ouvrir L’Assassin du Père Noël avec une âme d’enfant ; ils seront accueillis avec amitié par des personnages qu’ils ont beaucoup connus autrefois mais qu’ils ont peut-être un peu oubliés.

Un roman très souvent réédité, aussi bien dans les collections dites juvéniles que pour les adultes. A lire également :

 

Réédition : L’intégrale du Masque n°2. Parution Janvier 1994.

Réédition : L’intégrale du Masque n°2. Parution Janvier 1994.

Première édition Gallimard 1934.

Première édition Gallimard 1934.

Un roman très souvent réédité, aussi bien dans les collections dites juvéniles que pour les adultes. A lire également :

Pierre VERY : L’assassinat du Père Noël. Le Livre de Poche policier N°1133. Parution 1964. 248 pages.

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31 décembre 2017 7 31 /12 /décembre /2017 09:37

Allez, encore un petit Noël tout en douceur, avant de basculer en 2018 !

Georges SIMENON : Un Noël de Maigret.

Bien que ce soit jour de repos, jour de fête, Maigret ne veut pas déroger à ses habitudes. Il prend son café, debout, dans la cuisine, au grand dam de madame Maigret qui se faisait une joie de le dorloter au lit, allant même chercher au petit matin des croissants tout chauds.

C’est ainsi qu’il voit deux femmes sortir de sous le porche de l’immeuble en face de chez lui et traverser la rue pour se rendre apparemment chez lui. Son flair de policier ne le trompe pas. L’une des deux femmes ne lui est pas inconnue. Elle est proche de la cinquantaine, et habite depuis de longues années dans cet immeuble face au sien. Et elle est secrètement amoureuse du commissaire. L’autre est nettement plus jeune, ne vivant là que depuis quelques années, et semble réticente à se présenter devant le policier.

Mademoiselle Doncoeur explique ce qui les amène, elle et sa voisine, Loraine Martin, à venir déranger le commissaire de si bon matin, un jour de Noël.

La petite Colette, sept ans, a aperçu le Père Noël dans sa chambre durant la nuit. Elle s’est réveillée, une petite lampe était allumée, et elle a aperçu le Père Noël en train de fouiller sous le plancher. Il était habillé en Père Noël, avec tous les accessoires afférents, et avant de partir, il lui a donné une magnifique poupée, ce qui prouve qu’elle n’a pas menti.

C’est mademoiselle Doncoeur qui narre la plus grande partie de cette histoire abracadabrante car elle était venue pour offrir des jouets à la petite Colette. La gamine a une jambe dans le plâtre depuis quelques semaines suite à un accident. Quant à madame Martin, maman Loraine comme dit la gamine, elle n’est que la tante de la fillette. Elle l’a adopté lorsque sa mère est décédée dans un accident. Et son père, le frère de son mari, a sombré dans l’alcoolisme, alcoolisme qui déjà se prononçait fortement avant l’accident.

A la question de Maigret qui aimerait savoir comment le visiteur nocturne a pu s’introduire dans la chambre de Colette, la réponse est simple. La pièce communique par une porte à la salle à manger de l’appartement, une autre porte donne directement dans le couloir qui dessert l’étage. Mais la serrure n’a pas été fracturée.

Monsieur Martin est en déplacement, à Bergerac précise sa femme, et Maigret s’en assure en téléphonant à l’hôtel censé l’héberger. Confirmation lui est donnée par monsieur Martin lui-même. Puis il va lui-même interroger la petite Colette qui confirme son récit.

Le téléphone va jouer un rôle important dans la résolution de cette énigme. Maigret demande à Lucas, qui est de permanence au 36 Quai des Orfèvres de se renseigner sur certaines personnes, de vérifier des identités, de remonter quelques pistes, des chauffeurs de taxi par exemple, de retrouver le père de Colette qui traîne parfois dans quelques bars du quartier, de rechercher dans le passé de Loraine Martin, et le cas échéant de se faire aider par Torrence.

 

L’enquête sera conduite par Maigret en une journée, qui se termine tard, et quasiment sans bouger de son appartement. Juste quelques allers-retours à l’immeuble d’en face, et un petit passage dans un café afin de déguster en compagnie de Lucas, deux bières, histoire de digérer les petits verres de prunelle.

Mais ce qui ressort de ce roman, et qui pourtant ne relève pas de l’intrigue, ce sont les regrets du couple Maigret de ne pas avoir eu d’enfant. Des regards, quelques paroles échangées, et beaucoup de pudeur.

Chut ! Il ne fallait même pas avoir l’air de comprendre. On ne lui laissait pas le loisir de penser, en ce matin de Noël, au vieux couple qu’ils étaient, sans personne à gâter.

 

Première édition : Presses de la Cité. Parution 1951.

Première édition : Presses de la Cité. Parution 1951.

Georges SIMENON : Un Noël de Maigret. Le Livre de Poche. Parution 12 décembre 2007. 96 pages. 5,60€.

Première édition : Presses de la Cité. Parution 1951. Ce volume contenait, outre Un Noël de Maigret, deux autres nouvelles dans lesquelles ne figurait pas le célèbre commissaire : Sept petites croix dans un carnet et Le petit restaurant des Ternes.

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