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18 juin 2019 2 18 /06 /juin /2019 04:55

Qui dit chambres closes ne pense pas forcément à maisons closes !

Vingt mystères de chambres closes. Anthologie préparée et commentée par Roland LACOURBE.

Dans la littérature policière, incontestablement ce sont les histoires de meurtres commis dans un local clos, les meurtres impossibles, qui sont les plus fascinantes, les plus étranges, mais aussi les plus difficiles à écrire.

Posée comme un véritable problème, cette histoire doit posséder une solution simple, évidente et paradoxalement farfelue. L’imagination et la créativité sont sollicitées aussi bien par le narrateur que par le lecteur. Le lecteur pris sous le charme essaie de comprendre le comment tandis que le rédacteur qui lui, possède la solution, doit dissimuler celle-ci dans un texte frôlant le surnaturel, l’irrationnel, mais agencé mathématiquement. Comme derrière un écran de fumée.

La banalité n’est plus de mise. Ce n’est plus de l’assassinat considéré comme l’un des beaux-arts, comme l’a écrit Thomas de Quincey, mais l’apanage de l’ingéniosité, l’architecture narrative, la prestidigitation, le talent de conteur. Tout y est mis à contribution.

Roland Lacourbe, en maître de cérémonie exigeant et cultivé, en Monsieur Loyal de la nouvelle, nous présente vingt textes dont les trois-quarts sont inédits en France, qui tous illustrent de façon parfaite combien un auteur de romans policiers, a fortiori dans le domaine du mystère de chambre close, combien un tel auteur doit être maître de son sujet, même dans un pastiche ou une parodie.

N’est pas écrivain qui veut. Raconter une histoire, c’est bien, mais il faut aussi intéresser le lecteur, le capter, le captiver, le retenir. Savoir manier la logique et l’illogique tout en employant l’humour, brasser le tout comme un illusionniste, relève du grand art, mais inspire aussi du respect : respect mutuel entre le lecteur et l’auteur.

Un livre, une anthologie dont le lecteur, même s’il connait les solutions des problèmes, ne se lassera pas, qu’il relira avec un égal plaisir, tel est Vingt mystères de chambres closes. Un livre qui n’est pas uniquement réservé aux amateurs, mais également à tous ceux qui aiment les belles histoires, construites intelligemment, à tous ceux qui possèdent un esprit curieux, qui ont l’esprit mathématique, qui aiment le jeu, la recherche, et surtout à tous ceux qui ne lisent jamais. Une entrée en matière, une ouverture de l’esprit propice à la découverte de romans, par le biais d’histoires courtes mais passionnantes.

 

Mais que vaudrait cette notule sans exemple concret ?

Je vous propose donc de découvrir quelques-unes des histoires qui composent ce recueil.

Jacques Futrelle, auteur malheureux qui périt en mer lors du naufrage du Titanic, fut l’un des précurseurs du crime impossible et des meurtres en chambres closes. Pourtant dans Le problème de la cellule 13, il s’agit juste d’un défi lancé par la Machine à penser, surnom du professeur S.F.X. Van Dusen, à ses amis. Pouvoir sortir d’une cellule de prison en une semaine alors qu’il est surveillé nuit et jour de l’intérieur comme de l’extérieur, en ne prenant avec lui que quelques objets comme un tube de dentifrice et trois billets de dix et cinq dollars.

Certaines histoires sont ancrées dans le temps, et pour les écrire il faudrait les dater, comme le fait Melville Davidson Post dans Le mystère Doomdorf, au milieu du XIXe siècle. Le thème est toujours d’actualité seule la procédure en est différente, car la technologie est passée par là. Un trafiquant d’alcool frelaté est décédé, enfermé dans sa chambre dans une maisonnette située en pleine campagne. Nul moyen d’accès pour accéder dans la pièce sauf par la porte qui est close de l’intérieur. Un juge et L’oncle Abner, personnage récurrent chez M.D. Post, arrivent sur place et les deux personnages qui les accueillent s’accusent du meurtre. Et pourtant, ils sont innocents.

Célèbre auteur de crimes impossibles, John Dickson Carr, que l’on ne présente plus et dont cette nouvelle, sa première écrite à l’âge de vingt ans, était restée inédite en France, à l’époque de la parution de cet ouvrage. L’ombre du Malin met en scène l’un des personnages favoris de Carr, Henri Bencolin. Il va découvrir le coupable dans une histoire qui pourrait être un tour de passe-passe, et comme l’on dit, y’a un truc. Pourtant tout est logique, il suffit d’un minutage serré dans la réalisation d’un forfait.

Le minutage est aussi à l’origine de Une chute qui n’en finit pas, de Edward D. Hoch, malgré le laps de temps écoulé entre la chute par la fenêtre du président d’une société, qui devait fusionner, et sa réception sur le bitume. Près de quatre heures. Quatre heures au cours desquelles le responsable de la sécurité, va tenter de résoudre ce mystère qui est entouré de brouillard, tout comme l’immeuble où s’est produit le drame.

Même auteur mais histoire totalement différente dans sa conception, L’énigme du pont couvert dont le principal protagoniste est le médecin Sam Hawthorne qui, venu soigner une patiente, se trouve confronté à un mystère apparemment insoluble. Le fils de la maison est parti en voiture à cheval suivi peu après par le docteur et la fiancée catholique du jeune homme, dont la famille professe une autre religion, dans un équipage identique. Il neige mais les traces du boghei s’arrêtent au milieu d’un pont couvert. Le jeune homme, son cheval et son tout-terrain hippomobile ont disparu. Une farce de sa part, ce ne serait pas la première fois qu’il s’amuserait ainsi, mais son corps est découvert quelques heures après, une balle dans la nuque. Humour volontaire ou non, je ne peux résister à signaler cette phrase :

Comme je partais, le shérif Lens entra dans l’épicerie-droguerie de l’autre côté de la rue. Je le rattrapais devant le baril de cornichons.

 

Dans L'arme à gauche, de Bill Pronzini qui fut un auteur phare de la Série Noire et dont certains romans comportaient des énigmes de meurtres en chambre close, le lecteur entre dans ce qui pourrait être une histoire à connotation fantastique, car le présumé assassin, enfermé dans la pièce où il a perpétré son forfait, nie. De plus l’arme du crime est introuvable.

Enfin, une petite dernière pour la route par l’un des auteurs protéiformes les plus passionnants : Fredric Brown. Un crime à la campagne est bourré d’humour et celui-ci prédomine tellement que l’histoire passe en arrière-plan, ou presque. Mais il existe un point commun entre cette nouvelle et celle de Pronzini. L’indiquer serait dévoiler le ressort de ces deux nouvelles.

Tout ceci n’est sorti que de l’imagination fertile d’auteurs connus ou méconnus, mais parfois la réalité dépasse la fiction comme le démontre Roland Lacourbe dans son article intermédiaire : De vrais crimes en chambres closes.

Chaque nouvelle est précédée d’une notice sur l’auteur et son œuvre, ce qui n’est pas négligeable.

 

Sommaire :

FUTRELLE Jacques : Le problème de la cellule 13

POST Melville Davidson : Le mystère Doomdorf

JEPSON & EUSTACE : L'indice de la feuille de thé

KNOX Ronald A. : Elimination transcendantale

CARR John Dickson : L'ombre du Malin

BOUCHER Anthony : Une question de temps (entracte)

YAFFE James : Les cendres de Mr Kiroshibu

GODFREY Peter : Entre ciel et terre

RAWSON Clayton : Le cadavre est au téléphone

SUTER John F. : Le vol impossible

PRONZINI         Bill : L'arme à gauche

COMMINGS Joseph : Du mouron pour les petits poissons

COMMINGS Joseph : Courrier mortel

PORGES Arthur : Les assassins n'ont pas d'ailes

HOCH Edward D. : Une chute qui n'en finit pas

HOCH Edward D. : L'énigme du pont couvert

BROWN Fredric : Un crime à la campagne

ARTHUR Robert        : La 51ème chambre close

WOLSON Morton : La cabine de verre

SLADEK John : La dernière chambre close

Vingt mystères de chambres closes. Anthologie préparée et commentée par Roland LACOURBE. Préface de Claude Chabrol. Bibliothèque de l’Insolite. Editions Terrain Vague/Losfeld. Parution 3 juin 1988. 490 pages.

ISBN : 978-2852080942

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17 juin 2019 1 17 /06 /juin /2019 04:45

Jean Ray a trouvé son successeur !

TARVEL Brice : Les dossiers secrets de Harry Dickson. Tome 2.

Harry Dickson fait toujours rêver par ses aventures policières et mi-fantastiques, et le lecteur était orphelin depuis la disparition, non pas de son créateur, mais de celui qui avait magnifié et porté à leur paroxysme les pérégrinations du célèbre détective concurrent de Sherlock Holmes.

Brice Tarvel a hérité du style, de l’imagination, du vocabulaire de Jean Ray, mais il apporte en plus ce petit quelque chose qui n’appartient qu’à lui. Une fluidité dans les descriptions et un imaginaire spécifique qui mettent en valeur ce qui ne pourrait être considéré que comme des nouvelles de bon aloi si justement sa créativité ne souffrait en rien de la comparaison. Il est dans le moule et en déborde largement car ce n’est pas un tâcheron. Il est un véritable auteur, pas toujours reconnu à sa juste valeur, mais il ne copie pas, il invente.

 

Dans ce recueil, deux nouvelles d’inspiration différente, et qui nous plonge dans l’Angleterre du premier quart du XXe siècle.

Dans La confrérie des hommes griffus, dont la couverture de Christophe Alvès nous en donne une petite idée, nous entrons dans le mythe souvent exploité mais inépuisable du savant fou.

Tom Wills est démoralisé car celle qu’il considérait comme sa petite amie vient de lui signifier qu’elle préférait un autre que lui. Ce qui arrive souvent dans la vie, mais quand même, avoir pour rival un jeune jardinier aussi boutonneux que les plantes qu’il soigne, cela met à mal l’égo. Aussi, pour se consoler Tom préfère aller au cinéma et visionner un film de Charlot.

Mais ses déambulations pédestres dans la capitale de la fière Albion l’ont épuisé et il s’endort. Il rêve, ou cauchemarde se croyant attaqué par un léopard, ou un tigre, enfin une animal similaire. Il est réveillé assez brutalement par l’ouvreuse qui fait la fermeture et se retrouve dans la rue où il se retrouve nez à nez à un individu qui l’agresse. Il se défend comme il peut face à son assaillant dont les doigts sont prolongés de griffes acérées. Il fait part de sa mésaventure à Harry Dickson qui prend cette information au sérieux, d’autant que Tom n’est pas revenu bredouille car il a choppé une casquette appartenant à son agresseur. Harry Dickson en déduit tout de suite l’identité de son propriétaire, un ancien boxeur écossais au surnom évocateur de Iron Bill.

Le superintendant Goodfield leur apprend que d’autres attaques identiques se sont déroulées dans les mêmes conditions et que les victimes sont décédées. Mais c’est un éleveur de porcs venu se défouler à Londres qui va leur apporter de précieux renseignements. Il vient d’être assailli mais a réussi à mettre son agresseur en déroute, gardant toutefois un trophée, une espèce de gantelet muni de griffes acérées. L’homme parle également d’événements étranges se déroulant non loin de chez lui, de bruits incongrus et de roulements de tambours, provenant d’un castel délabré appartenant à une certaine Belle Simpson, une maritorne énorme. Et ce que vont découvrir Harry Dickson et son élève pris en otage relève d’une diablerie machiavélique que n’aurait pu désavouer Jean Ray.

 

Dans La maison du pluvier, nous partons explorer les Fens, ce paysage marécageux du comté de Norfolk, à l’est de l’Angleterre. Et nous retrouvons cette ambiance et cette atmosphère palustres chères à l’auteur et qui prédomine dans bon nombre de ses romans.

En guise de prologue, l’action se déroule à Old Bailey, là où sont exécutés les condamnés à mort. Théobald Ferris attend avec sérénité, presque, la corde au cou, que le bourreau ouvre la trappe sous lui. A ce moment une nuée de corbeaux tournoie dans le ciel et l’un d’eux se pose sur son épaule. Parmi la populace Harry Dickson est présent et attendant qu’un événement survienne décidant le sursis. Soudain Tom Wills, son précieux élève, arrive en courant et lui fournit une preuve disculpant Théobald de la présomption de crime de sang qui lui est imputé.

Mais revenons en arrière en compagnie de l’auteur qui nous narre pourquoi et comment Théobald fut soupçonné de meurtre. Harry Dickson et son élève ont été invités à une partie de chasse par Lord James Ostler, qui possède une riche demeure dans le quartier londonien huppé de Paddington. Tout en conduisant son automobile, il narre une légende qui plane, ou plutôt qui flotte sur ce marais et dont le protagoniste n’est autre que le chevalier Hugh Pugsley, qui fit partie des glorieux combattants de la bataille d’Azincourt en 1415.

Seulement, désirant cacher une cassette emplie de pièces d’or, il s’est enfoncé dans les marais, ce qui lui fut fatal. Son cheval caparaçonné de métal s’est noyé, entraînant son cavalier avec lui. Toutefois la légende de la cassette attise les convoitises, et des meurtres sont commis par le fantôme du chevalier. C’est ainsi que le maître et l’élève font la connaissance d’un ornithologue, ou ornithophile, qui fréquente assidûment les volatiles dans leur lieu naturel et rédige quelques opuscules, ce brave Théobald Ferris que nous avons rencontré au début du récit.

Il habite avec sa femme et son fils, sans oublier son beau-père, un vieux monsieur valétudinaire, dans une cabane au cœur du marais. A l’entrée de la chaumine est érigé une sculpture, un pluvier dont le bec est disproportionné. Les deux détectives logent dans une auberge non loin or le chevalier fait encore des siennes, glissant dans les marais, vêtu de son armure, le chef couronné d’un heaume, et les soupçons se focalisent sur l’ornithologiste amateur.

 

Deux aimables historiettes qui suintent le mystère et qui intéresseront les nostalgiques de Jean Ray, d’Harry Dickson, les grands comme les petits, les vétérans de la lecture et les débutants. Et qui devraient inciter certains dont le vocabulaire est défaillant et préfèrent puiser dans les anglicismes, par snobisme ou par manque de culture, à se plonger dans un dictionnaire pour enrichir leur langage. Petite question dont la réponse ne sera pas sujette à un cadeau de ma part : Savez-vous ce qu’est une pimpesouée ?

 

Pour commander directement ce livre (et d’autres si le cœur vous en dit !) suivez le lien ci-dessous:

TARVEL Brice : Les dossiers secrets de Harry Dickson. Tome 2. Collection Absinthes, éthers, opium N°11. Editions Malpertuis. Parution le 2 novembre 2010. 126 pages. 10,00€.

ISBN : 978-2-917035-15-3  

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7 juin 2019 5 07 /06 /juin /2019 04:03

Une femme fait ce qu’elle veut d’un homme, quand elle le laisse commander !

Janine LE FAUCONNIER : Celle qui devait disparaître.

Détective privé en vacances près de Bayonne, Sigfried Morel part un peu précipitamment en Bretagne, réclamé par une vieille dame. S’il accepte ce déplacement, c’est parce que la comtesse Hélène de Kerennac veut l’entretenir d’un souci et qu’elle se réfère à la tante Isabelle du détective avec laquelle elle est amie.

Arrivé au manoir de Kerennac, Morel fait la connaissance de la comtesse et de ceux qui y vivent. Henry, le petit-neveu trentenaire qu’elle a élevé lorsque les parents sont décédés et sa jeune sœur Louise, Olivia la femme quadragénaire d’Henry, David, autre neveu de la comtesse dont Louise est amoureuse, Octavie, la parente pauvre qui accessoirement sert de dame de compagnie, plus quelques employées, Nelly, la jeune femme de chambre et Mathilde la cuisinière.

A quatre-vingt-deux ans, la comtesse est encore en pleine possession de ses moyens physiques et intellectuels. Seulement elle est un peu (beaucoup) directive et entend diriger la maison à sa façon. Ce qui n’a pas empêché Henry de se marier avec Olivia alors que celle-ci était devenue veuve dans des conditions troubles. Pourtant Henry était fiancé avec Isabelle de Braville, une charmante jeune fille habitant non loin, la petite protégée de la comtesse. Cette rupture inattendue n’a guère plu à la comtesse mais pour une fois Henry s’est affirmé vis-à-vis de sa parente.

 

La comtesse dévoile ce qui l’a conduite à appeler Morel à la rescousse. Elle a échappé à un accident mais pas Thérèse, la jeune fille qui lui servait de dame de compagnie. Faut préciser que le manoir est construit bizarrement et que pour passer d’une pièce à une autre il faut emprunter des couloirs et des escaliers. Or donc, selon elle, une corde avait été disposée comme un piège destiné à la faire tomber. Mais c’est Thérèse qui a bénéficié de la chute sans avoir eu le temps de demander L’ai-je bien descendu. Et depuis Thérèse se remet lentement d’une fracture du bassin.

La comtesse n’a pas voulu mêler la police à cette tentative de meurtre, il s’agit selon elle d’affaires privées, et si elle a quémandé Morel, c’est à cause de sa parenté avec sa tante, une vieille amie parisienne. Elle n’oublie pas d’ajouter qu’elle possède une preuve en exhibant la corde traîtresse.

Morel accepte d’enquêter, en attendant une nouvelle tentative qui ne manque pas de se produire, au détriment de Nelly qui en douce, le matin alors qu’elle apporte le petit-déjeuner à la comtesse dans sa chambre, ne se gêne pas pour absorber une partie du thé matinal.

 

Dans ce roman au goût christien, oui, Agatha n’est pas loin du moins spirituellement, dans ce roman donc Morel interroge tout à tour les différents protagonistes, dont le caractère est propre à chacun d’eux. Henry proche de la comtesse et l’héritier principal de la vieille dame ; David, gamin de caractère blagueur qui aime les farces et se montre cynique, sarcastique ; Louise, un peu naïve et osons le dire un peu mièvre ; Octavie, sotte, curieuse et cupide ; Olivia qui traîne derrière elle un lourd passé de possible meurtrière ; les employées de maison. Sans oublier Isabelle la fiancée déchue et peut-être déçue.

Roman christien dont l’intrigue se déroule quasiment en vase-clos, avec réunion des personnages en épilogue et un retournement de situation que n’aurait pas désavoué la Reine du crime.

Janine Le Fauconnier s’attache à l’aspect psychologique des différents protagonistes sans pour autant alourdir le récit qui se lit d’une traite. Un roman que l’on pourrait qualifier rédigé à l’ancienne mais possède un charme vénéneux certain.

 

Janine LE FAUCONNIER : Celle qui devait disparaître. Collection Le Masque Jaune N°1363. Librairie des Champs Elysées. Parution le 25 février 1975. 192 pages.

ISBN : 2702403506

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21 mai 2019 2 21 /05 /mai /2019 04:05

J'aime flâner sur les grands boulevards
Y a tant de choses, tant de choses
Tant de choses à voir…

René REOUVEN : L’assassin du boulevard.

Petit chef d’œuvre de la littérature policière, petit chef d’œuvre de la littérature tout court, L’assassin du boulevard est également un chef d’œuvre d’érudition et un modèle du genre dans le pastiche.

Ce roman narre une aventure de Sherlock Holmes relatée par lui-même, ce qui est rare, le détective n’ayant pris la plume que deux ou trois fois, laissant au docteur Watson le soin de raconter ses enquêtes.

Or cette aventure se déroule entre 1893 et 1894, levant le voile sur une partie des années d’ombre se déroulant entre sa disparition dans les chutes de Reichenbach, voir Le dernier problème dans Les mémoires de Sherlock Holmes, et sa réapparition dans La maison vide première des enquêtes relatées dans Le retour de Sherlock Holmes.

René Reouven, en véritable holmésologiste, comble les lacunes de Watson concernant les tribulations holmésiennes, certaines de ces enquêtes n’étant que simplement évoquées par le célèbre docteur.

Mais René Reouven ne se contente pas de mettre en scène Sherlock Holmes, il fait revivre pour la plus grande joie de ses lecteurs, et avec un souci d’exactitude qui l’honore des personnages réels et savoureux, parfois au destin tragique, que ce soit sous leur véritable patronyme ou sous un nom d’emprunt. Le tout donne au récit un air de véracité rendant le personnage de Sherlock Holmes un peu moins légendaire, un peu moins mythique.

A la lecture de roman on pourrait s’écrier, pastichant une phrase célèbre : Sherlock Holmes existe, je l’ai rencontré !

Réédition Le Livre de Poche Policier. Parution le 15 décembre 1992.

Réédition Le Livre de Poche Policier. Parution le 15 décembre 1992.

René REOUVEN : L’assassin du boulevard. Collection Sueurs Froides. Editions Denoël. Parution le 14 octobre 1985. 204 pages.

ISBN : 978-2207231852

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14 mai 2019 2 14 /05 /mai /2019 04:27

Et pourtant, il n’avait pas une dent contre elle !

Patrick S. VAST : Duo fatal.

Quinquagénaire, Geneviève vient de prendre sa décision. Elle va donner sa démission comme secrétaire médicale, profession qu’elle exerce depuis trente ans auprès de Francis Lesigne, dentiste sexagénaire exerçant à Lambersart et dont le cabinet dentaire (je précise car cabinet seul peut parfois être interprété de façon triviale) est situé dans la maison familiale. Elle va partir pour Grasse, se marier avec Norbert, lui aussi sexagénaire. Ils se sont connus par un réseau social, se sont vus durant une quinzaine de jours, et ont décidé de vivre ensemble dans le Midi de la France.

Seulement c’est un coup dur pour le dentiste qui prend le mors aux dents. Il n’accepte pas cette désaffection, et afin de la garder près d’elle, il imagine un moyen radical. La tenir captive dans l’abri antiatomique qu’avait construit son père en 1962. Abri qui depuis a été grandement amélioré, possédant toutes les commodités modernes. Seulement, ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que Geneviève doit prendre impérativement tous les soirs un médicament, son cœur flageolant.

Mais c’est qu’il y tient à Geneviève ! Alors Francis sort son ordonnancier et prescrit de sa plus belle plume illisible la panacée adéquate puis se rend dans une pharmacie. Seulement le potard ne peut lui délivrer le médicament requis pour moult raisons alors Francis se résout à demander à son ami Gérald, médecin généraliste, de lui établir une ordonnance officielle.

Norbert, l’ami de Geneviève, s’inquiète car le soir avance et elle ne rentre pas au bercail. Il prévient la police, et le jeune lieutenant Jimenez est chargé de procéder aux premières recherches. Ce qu’il effectue en dilettante. Le lendemain matin, un journal local relate cette disparition, une fugue peut-être, mais pour l’ancien commissaire Georges (les noms de famille importent peu, donc on s’en passera), donc pour l’ancien commissaire Georges c’est le prélude à une nouvelle affaire d’enlèvements.

Une enquête qui l’a tellement traumatisé cinq ans auparavant que depuis il s’est réfugié dans l’alcool et que sa femme a préféré le quitter en bouclant ses valises. Il se rend devant chez le dentiste et fait connaissance avec Géo (oui, je sais, réminiscences Mickeyennes) un saxophoniste trentenaire et aveugle qui vit seul avec sa chatte Bessie et habite juste en face du cabinet dentaire. Pendant ce temps, Gérald et Richard, autre ami de Francis, se posent des questions. Ils ont vaguement entendu parler d’un abri souterrain chez le dentiste, et ils se demandent si, des fois, leur copain ne détiendrait pas la charmante (si, si…) secrétaire médicale.

 

Avec ce roman de suspense, où la tension monte progressivement, où l’intrigue est machiavélique et habilement maîtrisée, où sans grands effets de manches, sans violence (si un peu quand même lors d’une extraction dentaire et deux ou trois épisodes nécessaires pour entretenir le suspense), le récit se déroule entre Lille et Lambersart avec une incursion à Hardelot, Patrick S. (Pour Samuel) Vast se place entre Georges-Jean Arnaud et le duo infernal Boileau-Narcejac.

Une intrigue à la facture classique, simple et pourtant dans laquelle l’auteur manipule le lecteur, rafraîchissante, qui nous renvoie au bon vieux temps des auteurs précités mais également à Louis C. Thomas (ceci n’est pas anodin car ce romancier était aveugle) et quelques confrères qui respectaient le lecteur en lui offrant une œuvre de qualité sans esbroufe.

Et on retiendra principalement le personnage du saxophoniste aveugle qui joue dans un cabaret lillois, et possède une chatte, Bessie (mais si, je vous l’ai déjà dit) dont le comportement me fait penser à Koko, le chat héros des romans de Lilian Jackson Braun.

Quant à l’univers musical qui se dégage de ce roman il évolue entre jazz et musique classique. Tout pour plaire !

 

Vous pouvez commander cet ouvrage chez votre libraire en indiquant le numéro d'ISBN signifié ci-dessous, ou en vous rendant directement sur le site, pas besoin de prendre le train, ci-dessous :

Patrick S. VAST : Duo fatal. Editions Le Chat moiré. Parution le 2 mai 2019. 256 pages. 9,50€.

ISBN : 978-2956188322

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5 mai 2019 7 05 /05 /mai /2019 08:15

Un conseil ou un ordre ?

René REOUVEN : Faites-les taire !

Assister en direct à un meurtre, cela peut entraîner de multiples et fâcheuses conséquences pour les témoins.

La première étant bien évidemment que le tueur recherche les dit témoins pour les effacer à leur tour du monde des vivants. Une seule solution : la protection de la police, à condition bien sûr que les voyeurs involontaires daignent établir auprès des forces de l’ordre un rapport circonstancié et précis de ce qu’ils ont vu.

Parmi ces témoins une petite fille et une jeune femme. La jeune femme se présenté à la police (spontanément ?) au bout de quelques jours de réflexion quant à la petite fille elle reste introuvable.

François-Frédéric Lachouan qui vit une peine de cœur, sa petite amie Véronique vient de le quitter, n’attend plus rien de la vie. Aussi quand son ami Pupenier, inspecteur de police, lui propose une mission à haut risque, il accepte.

Cela lui changera les idées. Il doit convoyer et protéger la jeune femme dans une ville sur la Côte d’Azur. Le ou les tueurs lui colleront peut-être au train et les flics n’auront plus qu’à cueillir tout ce beau monde.

 

L’occasion rêvée pour René Reouven d’écrire un roman humoristique à l’intrigue jubilatoire, pleine de rebondissements parfois désopilants.

Abandonnant le mythe holmésien, René Reouven renoue avec son personnage de Lachouan, fonctionnaire à l’Education Nationale, redoutable bretteur dialectique et caustique.

Lachouan qui a déjà eu les honneurs de deux enquêtes, dont Un tueur en Sorbonne, prend goût à ses aventures extraprofessionnelles et envisage de s’établir comme détective privé.

Un bel avenir prometteur sous la plume talentueuse, acérée, joyeusement féroce et précise de René Reouven.

 

René REOUVEN : Faites-les taire ! Collection Sueurs Froides. Editions Denoël. Parution le 12 février 1991. 204 pages.

ISBN : 978-2207238189

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27 avril 2019 6 27 /04 /avril /2019 04:25

Laissons la plage aux romantiques…

Jean FAILLER : C’est la faute du vent…

Célèbre comédien, Armand Demaisieux est actuellement en vacances près du village bigouden de Tréguennec, célèbre pour sa plage prisée par les surfeurs, dans la baie d’Audierne. Il a acheté un penty où il aime venir se ressourcer, selon un mot à la mode. Et il se balade en cette fin de mois d’octobre dans la palud, ces terres marécageuses rases et déshéritée sur lesquelles peu de promeneurs osent se risquer, à cause du vent.

Pourtant ce jour-là, il croise une jeune femme qui vient de se tordre la cheville. Elle se présente, Florence de Saint-Marc, cavalière émérite puisqu’elle est vice-championne olympique d’équitation. Elle loge à l’hôtel et Artaban, son cheval, prend une cure de bains de mer afin de fortifier ses chevilles. Il ne loge pas à l’hôtel mais dans un haras proche qui offre aux touristes des promenades à dos de cheval.

Bref le comédien emmène sa cavalière chez lui et la soigne. Ils sympathisent puis se retrouvent avec plaisir. Armand a connu des déboires dans sa vie amoureuse et Florence également, ce qu’il fait qu’ils sont à égalité sur le plan sentimental. Un point commun qui semble les rapprocher un peu plus, mais n’anticipons pas les évènements.

En se promenant tout en devisant aimablement près de l’usine de broyage de galets qui servit à l’édification du mur de l’Atlantique, ils repèrent un corps qui semble dormir. Un sommeil éternel. Une jeune morte probablement victime d’un assassinat. N’écoutant que leur courage, ils préviennent immédiatement la gendarmerie de Pont-l’Abbé.

 

Mary Lester prend toujours des vacances à cette époque de la Toussaint, pour des raisons familiales qui lui sont personnelles. Aussi elle n’aime pas être dérangée au téléphone, surtout lorsqu’il s’agit d’un malotru qui est au bout du fil. Ce n’est pas elle qui a pris la communication mais son amie Amandine qui lui sert aussi de cuisinière. Quelle que soit la raison de cet appel, elle s’en moque mais Fabien, son commissaire divisionnaire, vient la relancer jusque chez elle. Il explique que l’appel téléphonique émanait de l’adjudant de gendarmerie Papin, de Pont-l’Abbé, au sujet du corps découvert sur la plage. Elle serait impliquée dans cette affaire car un message, écrit sur une feuille empruntée à un cahier d’écolier, message écrit apparemment par un gamin et sur lequel son nom figure.

Il n’en fallait pas plus pour que le gendarme porte ses soupçons sur le commandant Lester. Le mal embouché est sur les lieux de la découverte du corps et les premiers échanges oratoires sont assez tendus. L’adjudant de gendarmerie, imbu de ses prérogatives en tant que représentant de l’Etat, est rien moins qu’amène dans ses propos. Droit dans ses bottes tel un petit coq, il assène des propos acrimonieux à Mary Lester mais elle a vite fait de le rabrouer.

Il n’en faut pas plus pour que Mary Lester, accompagnée de son fidèle ami Jipi, alias le capitaine Fortin, s’immisce dans l’enquête, mettant tout en œuvre pour découvrir le coupable. Elle fait la connaissance de Demaisieux, Armand de son prénom (rien à voir avec la chanson de Pierre Vassiliu même s’il fut un ancien jockey) et de Florence, qui étaient sur les lieux également, transis de froid grâce aux bons offices du gendarme acariâtre et coléreux.

Un policier spécialiste de l’informatique est chargé par Mary d’essayer de découvrir l’identité de la jeune morte, tandis qu’elle-même et Fortin vont continuer de sillonner la région, se déplaçant à cheval en compagne de Florence, Fortin les couvrant en vélo. Et ils remarquent une vieille bâtisse qui semble abandonnée, pourtant du linge sèche dans une cour. Drôle de linge, des sortes de combinaisons noires. L’apport d’un drone piloté par la fille de Fortin va aider les enquêteurs à résoudre l’affaire.

 

Ce roman policier de facture classique n’hésite pas à utiliser des procédés modernes, mais le petit plus, c’est le ton humoristique employé. Les dialogues sont savoureux et l’art de la dialectique n’échappe pas à Mary Lester qui sait renvoyer dans les cordes l’adjudant de gendarmerie revêche.

Le major Papin régnait sur la gendarmerie de Pont-l’Abbé comme un despote de droit divin. Ces termes appartenant à des temps révolus n’étaient pas excessifs tant l’autorité du chef de corps planait sur les locaux même quand le chef n’était pas là.

Des dialogues savoureux et l’on aimerait pouvoir posséder le sens de la répartie dont dispose Mary Lester. Mais il est vrai que dans ce cas, il s’agit d’un roman et donc l’auteur a eu le temps de peaufiner ces causeries entre gendarme obtus et policière sachant garder son calme tout en assénant ses phrases comme des tirs meurtriers.

Tout de même, on souhaiterait parfois se montrer aussi vif dans les échanges oraux tout en restant flegmatique et précis. Se montrer incisif sans perdre son calme.

L’épilogue est comme une farce, un petit règlement de compte et l’explication concernant l’implication écrite de Mary Lester dans cette affaire peut sembler tirée par les cheveux. Mais après tout, pourquoi pas !

 

Treguennec Le bunker

Treguennec Le bunker

Bâtiments de l'usine de concassage

Bâtiments de l'usine de concassage

Jean FAILLER : C’est la faute du vent… Série Mary Lester 50. Editions du Palémon. Parution le 19 janvier 2019. 300 pages. 10,00€.

ISBN : 978-2372605489

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26 avril 2019 5 26 /04 /avril /2019 04:06

Dinard. Une ville touristique décrite sous un angle guère flatteur.

Yvonne BESSON : Double dames contre la mort.

Deux adolescents, en quête de frissons dans une ville noyée sous la pluie s’introduisent dans une villa inoccupée. L’horreur : la salle à manger est dévastée, pire le cadavre d’une femme nue gît sur le tapis.

Si les soupçons se portent au début de l’enquête sur les deux gamins fouineurs, les policiers abandonnent vite la piste. En l’absence de renseignements, ils diffusent la photo de la jeune morte.

Carole Riou, en poste à Marville, est interloquée non seulement par ce drame qui s’est déroulé dans sa ville natale, mais de plus parce que le visage du cadavre lui rappelle vaguement quelques chose. Tant pis pour Manu, son amoureux libraire, elle se déplace à Dinard et mène, parallèlement à la police officielle, ses propres investigations.

 

Lorsque le présent et le passé se rejoignent, se télescopent, s’emberlificotent dans des apparences trompeuses, cela donne la trame à un roman plein de rebondissements dont se joue à merveille Yvonne Besson qui avait, dès son premier roman Meurtre à l’antique chez le même éditeur, trouvé un ton juste.

Carole Riou gagne en épaisseur (c’est une image !) et surtout en humanisme. Elle plonge dans son passé pour comprendre ce qui ne pourrait être qu’un fait-divers hors saison.

Si bizarrement les coïncidences émergent, c’est parce qu’elles sont crédibles. Les personnages sont fouillés, l’intrigue est solide, le décor envoûtant.

Et Dinard n’est plus la petite ville touristique bon chic, bon genre. Mais ne croyez pas qu’il s’agit là d’une exception. Yvonne Besson est elle même originaire de ce coin de Bretagne, mais l’histoire aurait très bien pu se passer ailleurs, chez vous peut-être.

 

 

Réédition Pocket Policier. Parution 5 juillet 2007. 370 pages.

Réédition Pocket Policier. Parution 5 juillet 2007. 370 pages.

Yvonne BESSON : Double dames contre la mort. Editions de La Table Ronde. Parution 9 juin 2002. 326 pages.

ISBN : 978-2710324676

Réédition Pocket Policier. Parution 5 juillet 2007. 370 pages.

ISBN : 978-2266157094

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7 avril 2019 7 07 /04 /avril /2019 06:43

Lorsque le maître des cieux expulse ses calculs

rénaux, cela forme des météorites…

Claude IZNER : Rendez-vous passage d’Enfer.

En ce mercredi 14 août 1895, une pluie de météorites s’abat sur la forêt de Montmorency. Un rebouteux recueille une pierre et s’en sert pour soigner un gamin atteint de fièvre. A Domont, dans la propriété d’Hugo Malpeyre, une dizaine de membres d’une confrérie fondée une vingtaine d’années auparavant par Emile Legris, rendent hommage au souvenir à leur mentor.

Legris avait créé cette société, nommée A cloche-pied, selon les principes de Charles Fourier, créateur du fouriérisme, un mouvement utopique, et avait aidé les participants en leur trouvant des postes de travail ou simplement financièrement. Mais ces quelques participants, des hommes et des femmes qui possèdent tous un sobriquet relatif à un trait de leur caractère ou de leur passion, ne s’entendent guère. Malpeyre, leur hôte, recueille les chiens errants ou maltraités a été surnommé Taïaut. Les autres œuvrent dans des domaines divers, qui sous-chef de gare à Montparnasse, qui marchand de jouets, qui cantatrice d’opérette dans des casinos de province, ou encore une demi-mondaine, liste non exhaustive qui n’influe pas sur l’histoire.

Le mardi 22 octobre 1895, un train en provenance de Granville traverse la gare Montparnasse, traverse la salle des arrivées et se plante dans la chaussée place de Rennes. Un incident qui fait vibre de nombreux immeubles dont celui situé 5 rue du Départ. Dans un des appartements gît Donatien Vendel, le sous-chef de gare, alité depuis des semaines suite à un incident qui s’est produit avec les membres d’A cloche-pied en forêt de Montmorency.

Eric Pérochon qui est venu rendre visite à son oncle, recueille les derniers mots du mourant qui vient de recevoir une potiche sur la tête, aggravant son état. Non seulement ces révélations lui permettent de mettre la main sur quelques billets de banque, une manne pour lui qui est en manque chronique de fonds, mais il note une liste de noms, des personnages qu’il se promet de rencontrer. Il s’agit des adhérents de cette confrérie A Cloche-pied et d’après les renseignements prélevés il pourrait devenir possesseur d’un trésor.

 

Pendant ce temps, que ce passe-t-il à la librairie Elzévir dont Joseph Pignot vient d’être de prendre du galon, ayant le statut d’associé de son beau-frère Victor Legris et de Kenji Mori, le beau-père des deux hommes, l’un étant marié à Iris la fille du Japonais et l’autre étant son fils adoptif ?

Joseph et Iris sont les heureux parents d’une petite fille, Daphné, qui les perturbe à cause d’une poussée dentaire. Joseph est toujours en proie à la fièvre de l’écriture de ses romans feuilletons, recherchant des idées, quant à Iris elle rédige un nouveau conte animalier. Mais Joseph n’est pas satisfait du nouvel apprenti, Urbain, qui est un peu rural, et il désire le renvoyer dans ses foyers, avec son père par exemple qui est commanditaire en fruits et légumes aux Halles. Victor Legris lui est tarabusté par la concierge qui se plaint qu’au grenier une malle l’importune. Il ouvre donc cette caisse et découvre à l’intérieur des papiers qui ont appartenu à son oncle, Emile Legris, dont notamment un échéancier avec inscrits sur la page de garde quelques noms. Mais bientôt ces noms prendront une importance capitale lorsqu’il découvre dans un journal que des accidents provoqués ont fait des victimes. Des meurtres en réalité, car bientôt les faits se précisent.

Alors que Joseph a trouvé un remplaçant à Urbain en la personne de Siméon Delmas, un client féru de littérature, confectionnant des paquets à la perfection et sachant se débrouiller seul pour les livrer, Kenji est occupé avec sa nouvelle passion, la photographie, Victor se penche sur le passé de son oncle Emile et de sa confrérie.

Mais de nouveaux meurtres, cachés plus ou moins bien en accidents, sont perpétrés, Joseph et Victor, d’abord chacun de son côté puis en unissant leurs efforts et leurs recherches, se mettent à la quête de l’identité du coupable. Ce qui n’est pas une mince affaire. Et il leur faut ruser, tout aussi bien avec l’individu insaisissable qu’avec leurs proches pour mener à bien leurs investigations.

 

La trame policière est presque voilée par les nombreuses descriptions, digressions, que Claude Izner englobe dans l’énigme proposée. Qui est le (ou la) coupable des meurtres. Eventuellement, pourquoi. Mais l’épilogue joue dans le registre du roman de suspense, car l’identité du coupable sort du chapeau, et pourtant tout est évident. Mais Claude Izner promène son lecteur dans le registre des coupables potentiels sans faillir.

L’aspect historique, social, culturel et artistique est largement développé grâce aux faits divers qui ont marqué cette année 1895. On y rencontre la figure de littérateurs tel que Jules Renard, d’artistes peintres même si certains comme Toulouse-Lautrec n’y sont qu’évoqués. Les potins et les prises de position tournent surtout autour de deux affaires qui divisent, en France et en Angleterre.

L’affaire Dreyfus d’abord qui en est aux prémices avant d’exploser et d’éclabousser la classe dirigeante, mais pas que, car révélatrice d’un antisémitisme profond. Le point culminant en étant l’année 1898 et le pamphlet pro-dreyfusard de Zola dans J’accuse… ! Mais une autre affaire, dite de mœurs, retient l’attention. Le procès d’Oscar Wilde alors que sa pièce L’Importance d’être Constant remporte un énorme succès. Et naturellement les personnes en vue, notables, bourgeois aisés, les artistes entre autres, défendent sa moralité, ne serait-ce que pour contrarier l’ennemi intime, l’Angleterre.

Ce sont les débuts du cinéma avec la projection des premiers films des frères Lumière, une invention qui intrigue mais ne convainc pas, tout du moins au début.

Et l’épisode de l’accident de train en gare de Montparnasse est une réalité historique et sert de point de départ de ce roman baignant dans un humour réjouissant et salutaire. Quant à la pluie de météorites, nul site n’en parle, mais cet événement est probable.

Enfin, détail amusant, cette anecdote :

Imaginez, mon bon, les Anglaises ne se contentent plus de boire le thé, elles le fument, on appelle ça des tea-cigarettes, rendez-vous compte.

Et l’on suit avec plaisir les évolutions relationnelles de Victor Legris et associés et de leurs compagnes dans leur vie quotidienne, leurs aspirations, leurs petites jalousies, leurs méfiances, leurs joies également. Ainsi que les personnages qui évoluent autour d’eux, les habitué(e)s de la librairie et cela fournit quelques études de mœurs dignes du théâtre de boulevard.

 

Claude IZNER : Rendez-vous passage d’Enfer. Collection Grands Détectives N°4100. Editions 10/18. Parution le 21 février 2008. 352 pages. 8,80€.

ISBN : 978-2264044907

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4 avril 2019 4 04 /04 /avril /2019 06:29

Malgré son titre, un roman toujours d’actualité.

Yvonne BESSON : Meurtres à l’antique.

Dans l’hôpital de Marville, petit port de la côte normande, un double crime est perpétré. Lorsque l’on connaît les problèmes rencontrés par les petites entités hospitalières en cette fin de siècle (et depuis, cela n’a pas changé !), on se demande si l’auteur n’a pas voulu jouer dans la politique, mais bon passons, ce n’est pas notre propos.

Donc un double crime est accompli et pour l’inspecteur fraîchement débarquée Carole Riou, voilà enfin du pain sur la planche afin de démontrer ses possibilités. Mais nous ne sommes pas en banlieue, qui comme chacun le sait grâce aux interventions médiatiques sont les réservoirs de la délinquance, mais en province. Cette province si belle, si tranquille, si reposante, si… bref, le genre d’endroit qui ne fait pas parler de lui sauf lorsqu’un crime y est commis.

Et encore, faut-il que le sensationnel soit au rendez-vous. Alors que le mythe d’Œdipe vienne se fourrer là-dedans, et que des notables soient impliqués, qu’ils s’appellent Malot en plus (comme Hector) que des secrets de famille remontent à la surface comme des bulles dans un marécage, voilà qui ne peut qu’attiser la soif d’enquête du journaliste local. Oui mais ne s’appelle pas Rouletabille qui veut. Ah ce grenouillage dans le monde feutré de la ruralité propre sur elle !

 

Pour un premier roman, c’est une totale réussite et l’on pourrait croire que cet ouvrage est issu de la plume d’un auteur confirmé.

Yvonne Besson, enseignante à Dieppe, reflet déformé de Marville, a su tirer partie des lectures de nos belles étrangères (Martha Grimes, Elizabeth Georges, Frances Fyfield…) afin d’implanter un décor dans la province française si chère à Flaubert et à Maurice Leblanc.

Une réussite à ne pas négliger malgré un titre un peu commun, pour ne pas dire banal.

 

Réédition Folio Policier N°218. Parution juillet 2001. 416 pages. 9,00€.

Réédition Folio Policier N°218. Parution juillet 2001. 416 pages. 9,00€.

Yvonne BESSON : Meurtres à l’antique. Editions de la Table Ronde. Parution le 10 novembre 1998. 380 pages. 16,30€.

ISBN : 9782710308836

Réédition Folio Policier N°218. Parution juillet 2001. 416 pages. 9,00€.

ISBN : 978-2070412860

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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