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19 mars 2018 1 19 /03 /mars /2018 09:05

Nous le sommes tous un peu. Mais de quoi ?

Samuel SUTRA : Coupable(s).

Jeune lieutenant aux renseignements, Jean-Raphaël Deschanel, Jean-Raph pour les amis, est affecté provisoirement au 36 Quai des Orfèvres.

Un rêve qu’il caressait secrètement et est plus agréable que les cauchemars nocturnes qui lui polluent l’esprit. Et ce n’est pas tant parce qu’il se montre brillant dans son travail, mais parce que son statut d’être né en Haïti pourrait apporter un éclairage sur une enquête en cours.

Jean-Raph participe à sa première réunion de travail en compagnie de quelques nouveaux collègues dirigés par l’atrabilaire commandant Blay, sous l’œil intéressé et avisé d’une petite et jeune psy qui a le profil d’une profileuse, Vanessa Dubreuil. La seule femme dans une assemblée de mâle, mais malgré sa corpulence maigrelette, elle les domine par sa présence et ses analyses.

Une dizaine de jours auparavant, trois hommes ont été assassinés, dans des conditions particulièrement violentes. Le premier soir, Favre, un policier considéré comme ripou, même par ses collègues, ce qui n’est pas courant. Le lendemain soir, Maréchal, un entrepreneur de travaux publics bien connu, magouilleur comme souvent, bâtissant des châteaux de cartes qui ont tendance à s’effondrer au premier coup de vent. Le troisième soir, Carsini, un militaire, attaché au ministère de la Défense. Enfin, neuf jours plus tard, Meursault, qui s’occupait d’assurances auprès d’un groupe international spécialisé dans les contrats retors, est lui aussi retrouvé assassiné dans des conditions qui établissent un lien avec les trois premiers.

En effet une carte au nom de Favre est retrouvée dans une de ses poches. Et en examinant les photos prisent sur les scènes de crime, Blay s’est aperçu de détails qui lui avaient échappé lors des premières analyses, les groupes qui enquêtaient n’ayant pas communiqué entre eux. Détails qui l’ont conduit à demander l’aide de Jean-Raph. Des mises en scènes qui lui font penser à une vengeance liée avec le vaudou.

Seule Vanessa n’est pas d’accord avec les conclusions de Blay et son équipe. Elle pense que le meurtre de Meursault n’est qu’un leurre, et qu’il faut s’attacher uniquement aux trois premiers cadavres.

Jean-Raph est associé à Bruno tandis que leurs collègues se jettent eux aussi à la pêche aux renseignements. Ils se rendent chez la veuve de Favre qui n’est pas éplorée. Mais leur visite n’a pas été inutile. Outre les appas montrés sans parcimonie par la veuve joyeuse, elle leur délivre une information intéressante. Favre et Maréchal se connaissaient. Il n’y a plus qu’à tirer sur la ficelle et la pelote se débobinera. Plus facile à dire qu’à faire.

Jean-Raph et son binôme apprennent de la part d’un ancien diplomate en poste en Haïti et qui va rejoindre une nouvelle affectation, que Favre, Carsini, Maréchal, nous voilà, grenouillaient sur l’île dévastée par un tremblement de terre le 12 janvier 2010. Ils étaient liés à un projet dit Kenscoff, et qu’il existe un cinquième comparse, ou quatrième si l’on excepte Meursault d’après Vanessa. Une nouvelle piste à creuser, mais attention aux éboulements qui ne peuvent manquer de se produire si l’on creuse un  peu trop.

 

Nous sommes loin des aventures débonnaires de Tonton et sa clique. Le sujet est sérieux. La reconstruction après un séisme, et les magouilles qui ne peuvent manquer d’attirer les requins, car les associations humanitaires, voire le gouvernement, ne peuvent pas tout contrôler.

Samuel Sutra s’est attaqué donc à un sujet grave, voire périlleux, puisque tout tourne autour du tremblement de terre qui a ravagé Haïti, une portion de l’île d’Hispaniola, l’autre partie étant la République Dominicaine appelée également Saint-Domingue. Mais il ne s’étend guère sur ce séisme, préférant privilégier sur l’après, la reconstruction et les incidences qui peuvent en résulter au bout de cinq ans. Avec pudeur et réalisme.

Jean-Raphaël Deschanel est d’origine haïtienne mais il a été élevé en France par un couple qui l’a adopté alors qu’il n’était encore qu’un tout petit gamin. Il ne se souvient pas de ses parents, peut-être de son père, et les premières pages, qui pourraient être un prologue mais ne sont qu’un rêve éprouvant, font penser à un gospel avec un goût de Cadence rampa de Webert Sicot, musique caribéenne par excellence.

Et c’est Jean-Raph qui narre cette enquête à la première personne. On le découvre peu à peu, et en incrustation, comme des courts-métrages, on assiste avec du recul aux meurtres des différents protagonistes impliqués dans cette histoire.

Samuel Sutra déroule son récit en véritable funambule et si le lecteur se doute de l’épilogue, celui-ci n’en réserve pas moins de belles surprises. Après Kind of Black, une réussite remarquable par un auteur qui nous avait habitués à plus de légèreté dans ses intrigues, mais c’est la marque d’un grand romancier de savoir enrichir sa palette littéraire.

 

L’amour est le plus court chemin qui mène de l’indifférence à la haine.

On n’aime pas parler pognon en France, c’est sale. Quand on est pauvre, on est feignant, quand on est riche, on est voleur.

C’est le problème des amis au pouvoir. Ils ne savent pas toujours rester en place.

Samuel SUTRA : Coupable(s). Editions Flamant Noir. Parution le 5 mars 2018. 250 pages. 19,50€. Existe en version numérique : 9,99€.

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commentaires

Y
Salut Paul<br /> Ce n'est pas mon préféré de l'auteur, mais même dans ce cas, j'ai passé un excellent moment, c'est dire le niveau<br /> Amicalement,
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O
Bonjour Yv<br /> Disons que Samuel Sutra nous avait habitué à des romans humoristiques et qu'il change de partition.
A
Allons bon, de quoi te rends-tu coupable ? Pour ma part, je voue une passion au chocolat.
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O
Je ne sais pas, mais d'autres sauraient le dire pour moi... De ne pas lire assez vite pour parler de tous les romans dont j'ai envie, peut-être.
P
Salut Paul, tu as dégainé avant moi. Voilà un excellent roman de cet auteur que j'adore. Quelle sensibilité, quelle fluidité, quelle finesse dans la narration ! Mon billet va bientôt venir (en relecture, correction, avant publication). Amitiés
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O
Bonjour Pierre<br /> oui, mais il ne s'agit pas de faire une course pour savoir qui dégainera le premier. Simplement j'avais envie de découvrir une autre facette de Samuel Sutra, et je n'ai pas été déçu.<br /> Amicalement

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