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28 octobre 2012 7 28 /10 /octobre /2012 14:40

 

Hommage à Adam Saint Moore décédé le 7 juin 2016.

 

Si Adam Saint-Moore a vu le jour en 1956 au Fleuve Noir avec Section de recherche (Espionnage N° 92) et La mort sort de l’ombre (Spécial Police N° 94) il avait déjà trente et un ans. En effet Jacques Douyau, son véritable patronyme, est né le 25 octobre 1925 (d’autres sources citent la date du 5 octobre 1926) à Cadeilhan dans le Gers, dans la demeure familiale. Il entame ses études au Collège de Gimont et les poursuit à Paris obtenant une licence de sociologie et un diplôme de psychologie, suivant à la Sorbonne les cours de Raymond Aron, ainsi qu’un certificat d’histoire moderne à Toulouse. Il se marie en 1946, une union dont sont issus deux enfants, Alain qui s’est orienté vers le droit et Christine vers la pharmacie. Sa carrière littéraire débute en 1943 en écrivant des poèmes et il sera récompensé par l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse qui lui remet une Primevère pour une élégie intitulée La chanson de la proue dans laquelle on retrouve deux de ses démons familiers, l’Océan et la Femme. Cent-vingt ans auparavant, cette distinction avait été remise à un jeune poète débutant nommé Victor Hugo. Trois mentions honorables récompenseront son œuvre en 1943 et une seconde Primevère lui sera attribuée en 1944.

Bon sang ne saurait mentir selon le proverbe. En effet son adam-st-moore-1.jpgpère Jean Douyau, capitaine dans un corps d’officiers d’élite détaché aux Etats-Unis durant la dernière année de la guerre de 14/18 en qualité d’instructeur, écrivit quelques ouvrages dont Au temps où l’oncle Sam se militarisait, étonnant recueil d’observation et de souvenirs, ou encore Darling, Darling, publié en 1930 qui se définit comme un essai de politique romancé. Il fut également un spécialiste du grand reportage, la plupart du temps pour l’hebdomadaire Candide, visitant de très nombreux pays dont la Sibérie, le Japon, la Chine et l’Indochine, ouvrant à son fils la voie de l’écriture et le stimulant dans le goût des voyages. Mais Jacques Douyau alias Adam Saint-Moore est aussi l’arrière petit-fils du poète Jacques Boë (1798 – 1864) dit Jasmin ou encore le Perruquier poète, coiffeur à Agen, restaurateur avant Mistral de la langue d’Oc.

Journaliste et éditorialiste pour La Dépêche du Midi, Adam Saint-Moore se tourne vers l’écriture de romans populaires, par goût et par besoin et opte pour le roman d’espionnage, genre le plus représentatif de l’époque. Son premier manuscrit date de 1955 dans lequel apparaît Gunther alias Face d’Ange. Suivront 93 autres épisodes mettant en scène ce héros issu du subconscient de l’auteur mais également le fruit de ses travaux et de la connaissance de la psychologie appliquée sur le thème du héros. Ainsi que de ses très nombreux voyages et de l’apport d’un petit réseau d’amis, journalistes ou diplomates, ou encore acuponcteurs en Extrême Orient. Selon le bâtonnier Duby, Face d’Ange est un visage de Fra Angelico, un maître du karaté, expert en subtilités diplomatiques comme en violences savamment dosées. Dans sa préface pour un volume édité par le Cercle Européen du livre regroupant trois titres des aventures de Face d’Ange, Face d'Ange se désintoxe, Cœur ouvert pour Face d'Ange et Face d'Ange a des pressentiments, André Soubiran écrit : Chacun des héros de l’espionnage moderne a son cycle héroïque, sa Saga. Celui de Face d’Ange se compose actuellement de cinquante romans où Saint-Moore a tenté de mêler cette antique force légendaire venue du fond des temps aux mouvements du monde moderne. Il a tenté de projeter la stature éternelle du Héros dans les décors et les bouleversements de la Guerre Froide et les luttes de la diplomatie secrète. Son succès auprès des jeunes et des intellectuels découle de cette double nature. Pour ce qui concerne la production policière publiée dans la collection Spécial Police, le bâtonnier Duby déclare : La série de vos romans policiers proprement dits offre d’autres perspectives. Mais là aussi, on retrouve le sociologue, toujours en éveil, et les thèmes essentiels de la criminologie de notre vilaine époque, terrorisme international, rapts, sectes, drogue, fureurs érotiques, sont traités en affabulations pittoresques et divertissantes, sans que l’observateur tenace que vous êtes cède du terrain.

adam-st-moore-2.jpgAux 94 romans d’espionnage, aux 56 romans policiers, il faut ajouter une incursion dans la collection Anticipation (9 romans) ainsi qu’un Grand Roman, La marche au soleil dédiée à J.H. Rosny Aîné, le père du roman préhistorique avec une postface du paléontologue F. M. Bergounioux. Adam Saint-Moore fut l’un des piliers du Fleuve Noir et lorsque les collections Spécial Police et Espionnage furent sabordées pour des raisons éditoriales, il fit partie de la charrette des auteurs passant à la trappe, sans avoir démérité. Il obtient en 1962 Les Palmes d’Or du roman d’Espionnage, titre honorifique décerné par le Fleuve Noir à l’un de ses auteurs, pour Face d’Ange met dans le mille. Quelques uns de ses ouvrages ont été traduits en Italie, Espagne, Brésil, Grande Bretagne, adaptés en bandes dessinées chez Artima, et Adam Saint-Moore écrivit pour la télévision quelques scénarii dont Des inconnus sous le soleil réalisé par Jacques Manlay et La grande chasse réalisé par Jean Sagols, signés Jacques Douyau. En 1978 Jacques Douyau est élu Mainteneur à l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse occupant le fauteuil 40.

Adam Saint Moore est aussi l'auteur des chroniques de l'ère du Verseau paru aux éditions Fleuve Noir le premier tome en 1979 Les lois de l'Orga, 8 autre titres vont suivre, chronique post apocalyptique mélange d'aventure d'action et de sexe une réflexion sur la société, une très belle œuvre*.

*  Précision apportée par Phil, un visiteur de mon ancien blog, Mystère Jazz.

 

 adam-st-moore-7.jpg

Cet article a été écrit grâce à quelques sources dont le fleuve Noir information 136, la préface du Docteur André Soubiran (Les hommes en blanc) publiée dans le volume évoqué ci-dessus, et la réponse au remerciement de Jacques Douyau prononcée par le bâtonnier Duby le 29 janvier 1978 lors de l’intronisation à l’Académie des Jeux Floraux. J’en profite pour remercier plus particulièrement monsieur Georges Mailhos, secrétaire perpétuel de l’Académie des Jeux Floraux qui m’a transmis une copie de la réponse aux remerciements évoquée ci-dessus. Mes nombreuses lettres et appels téléphoniques destinés à Jacques Douyau sont toujours restés sans réponse, ce qui fait que j’ai été obligé d’user d’expédients pour mieux cerner l’homme et son œuvre.

 

Voir quelques titres présentés par Claude sur Action Suspense.

 

Anticipation

953 : Les lois de l'Orga

980 : Les jours de la Montagne Bleue

987 : 3087

1014 : La mémoire de l'archipel

1049 : La vingt-sixième réincarnation

1078 : La traque d'été

1159 : L'hérésiarque

1300 : Les ombres de la Mégapole

1368 : Les clans de l'étang vert

Espionnage

92 : Section de recherches adam-st-moore-3.jpg

100 : Le feu à la mèche

109 : Nettoyage en rafale

122 : La tête dans le guêpier

131 : Ombres dans le soleil

138 : Direction enfer

143 : Réseau liquidation

153 : Exécution grenouille

159 : Cahier noir

168 : Succession d'embûches

179 : Circuit fermé

186 : Contact guérilla

193 : Protection collective

204 : Réseaux déchaînés

213 : Frontières invisibles

220 : Les mâchoires du piège

237 : Lame de fond à Hong-Kong

249 : Le fond du filet

261 : Il faut tuer... Mr Gunther

273 : Toutes griffes dehors

282 : La torche dans la poudrière

288 : Face d'Ange a le diable au corps

302 : Les scrupules de Face d'Ange

316 : Les casse-têtes de Face d'Ange

324 : Face d'Ange réveille les morts

332 : Les sabbats cessent à l'aube

340 : Face d'Ange et la peau du dragon

357 : Face d'Ange retrouve la mémoire

366 : Face d'Ange fait une folie

382 : Les chinoiseries de Face d'Ange

397 : Les méditations de Face d'Ange

407 : Face d'Ange prend des vacances adam-st-moore-5

410 : Un zéro devant un chiffre

424 : Les sommeils de Face d'Ange

441 : Les clairs obscurs de Face d'Ange

460 : Face d'Ange met dans le mille

472 : Face d'Ange broie du noir

486 : Face d'Ange, la croix et la bannière

500 : Face d'Ange n'aime pas la mousson

521 : Les gladiateurs aveugles

533 : Face d'Ange froisse le kimono

544 : Face d'Ange chasse le zombie

561 : Face d'Ange se désintoxe

580 : Face d'Ange lève le masque

588 : Face d'Ange et la conférence

598 : Cœur ouvert pour Face d'Ange

617 : Face d'Ange mâche le piment

642 : Le K de Face d'Ange

648 : Face d'Ange chez les affreux

666 : Face d'Ange a des pressentiments

678 : Face d'Ange chasse le trésoradam-st-moore-6.jpg

696 : Face d'Ange prend le maquis

718 : Vacances romaines pour Face d'Ange

738 : Face d'Ange ne croit pas aux miracles

760 : Face d'Ange et les ombres chinoises

777 : Face d'Ange et la petite chèvre

793 : Coup de chaleur pour Face d'Ange

819 : Face d'Ange passe par le toit

829 : Face d'Ange dans le dédale

859 : Face d'Ange au paradis perdu

874 : Une ile pour Face d'Ange

890 : Face d'Ange chez les émirs

914 : L'Apocalypse selon Face d'Ange

929 : Face d'Ange a le coeur sensible

951 : Une croisade pour Face d'Ange

965 : Face d'Ange rencontre le diable

978 : Face d'Ange et la momie blonde

1000 : Face d'Ange et le plan “Abysses”

1012 : Face d'Ange et l'arme du diable

1042 : Face d'Ange et le dieu vivant

1061 : Un coup tordu pour Face d'Ange

1074 : Face d'Ange et la grande panique

1100 : Face d'Ange et les petits Français

1228 : Un désert pour Face d'Ange

1244 : Face d'Ange, la dame et l'ogre

1284 : Face d'Ange casse le “noyau”

1311 : Face d'Ange et la chasse à l'éléphant

1337 : Face d'Ange dans le cercle magique

1433 : Un complot pour Face d'Ange

1469 : Un safari pour Face d'Ange

1476 : Face d'Ange fait échec à la dame

1499 : Face d'Ange et le dinosaure

1516 : Face d'Ange et les archives de Big Daddy

1523 : Face d'Ange chasse le chacal

1539 : Face d'Ange n'aime pas la logique

1552 : Face d'Ange chez l'empereur

1570 : Face d'Ange chez les Barbudos

1578 : Face d'Ange et la désinformation

1582 : Un été romain pour Face d'Ange

1612 : L'amorale de Face d'ange

1644 : Face d'Ange entre dans le cirque

1660 : Face d'Ange et la “Fraktion”

1755 : Face d'Ange et l'opération “homo”

1804 : Face d'Ange et l'opération “Sosie”

Grands Romans

 

La Marche au soleil

 

Polar 50

L'aiguille dans le foin rééd. de Spécial Police N°595

Spécial Police

94 : La mort sort de l'ombre

99 : Corrida en musique

116 : Coup de torchon au paradis

131 : La dernière morsure

158 : La chaise est avancée

170 : Du noir pour la veuve

193 : Quand la peau vous pèse

212 : Le piège aux serpents

223 : Chantage à la morgue

239 : Toutes les peaux saignent

256 : Les morts ne savent pas lire

282 : Le Diable aime la neigeadam-st-moore-8.jpg

308 : Les prophètes meurent aussi

326 : La peau d'un roi

341 : Dernier collier pour dame seule

377 : Les seigneurs s'ennuient

406 : Quarante de fièvre

423 : Le sang des idoles

468 : Les voix de la nuit

491 : La mort ne prend pas de vacances

548 : Jusqu'au sixième cercle

560 : Sous les étoiles noires...

595 : L'aiguille dans le foin

607 : La nuit du chat

624 : Un été comme les autres

649 : La dernière battue

675 : Le cercle vicieux

704 : L'affaire “Chaperon rouge”

760 : Le mort de la Fontaine-aux-filles

795 : Les trois lettres du triangle

809 : L'aigle d'Azraël

833 : La bombe à retardement

858 : Un matin sur la dune

884 : L'ombre du roi David

918 : Le fond du puits

963 : Les comptes du Petit-Poucet

999 : La part du diableadam-st-moore-9.jpg

1196 : La corde de la pendue

1208 : Œil pour œil

1223 : La sorcière a les yeux verts

1240 : Une odeur de pourri

1279 : La main de dieu

1319 : Adieu, guérillero

1372 : Le juge et l'otage

1413 : Autopsie d'un viol

1452 : Les ressorts du piège

1482 : La nuit de l'autre

1493 : Le dernier rendez-vous du Président

1494 : Le parfum du diable

1533 : Le désordre et la loi

1549 : Les chiens sont lâches

1562 : Ça se mange froid

1614 : Et mort le venin

1654 : Les comptes du Petit Poucet rééd. de 963

1670 : Le juge et le gendarme

1746 : Une petite fée dans la nuit

1763 : La blonde dans l'ascenseur

Tête bêche

10 : La mort sort de l'ombre  Rééd. SP 94

22 : Corrida en musique  Rééd. SP 99

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25 octobre 2012 4 25 /10 /octobre /2012 13:18

Le juge, le dernier des Croisés ?


fortin2.JPG 

André Fortin, romancier et ancien juge, dont le dernier roman Restez dans l’ombre (éditions Jigal) a bénéficié d’excellentes chroniques, a accepté de répondre aux questions de certains chroniqueurs de Un polar-collectif : Albertine, Jacques et moi-même.

Il l’a fait avec autant de disponibilité que de spontanéité, de gentillesse et de sincérité, ce dont nous le remercions vivement.

 

Jacques. André Fortin, comment vous présenteriez-vous aux lecteurs de un polar-collectif qui ne vous connaitraient pas encore ?

André Fortin. Je ne vous surprendrai pas en vous disant que je suis un écrivain, toutefois un écrivain avec un passé, comme tout un chacun, mais singulier. J'ai en effet été juge et plus précisément juge d'instruction, juge des enfants, président de correctionnelle. Juge, c'est une fonction sociale, mais c'est aussi un observatoire, un observatoire privilégié, et pas seulement de la société civile. Le juge est à la croisée des pouvoirs même si le sien est modeste (quoique...). Il les considère ces pouvoirs, il en tient compte (plus ou moins!), mais surtout il a les moyens de les analyser et même, si le cœur lui en dit, de les décrypter.

Ce n'est donc pas seulement mon imaginaire et ma capacité de raconter des histoires qui m'ont fait écrivain, c'est aussi ma position de témoin, longtemps plongé dans ce terreau fertile (de la bonne terre et aussi un sacré fumier). Un témoin engagé, plutôt porté vers les plus faibles car, historiquement en tout cas, le droit est fait pour ça, n'en déplaise à certains: rompre, par l'avènement de la règle, avec la loi de la jungle, la loi du plus fort. 

 

Albertine. Comment vous est venue l’envie d’écrire ? Est-ce le souhait d’exprimer ce que vous avez dû taire durant votre carrière de magistrat ?

fortin3.jpgAndré Fortin. J'ai toujours eu le goût de l'écriture. J'écrivais d'ailleurs par profession. Et puis je songeais à écrire, le jour où j'aurais eu le temps, un essai sur la justice. Finalement cela n'aurait touché que les spécialistes, encore les spécialistes. Le roman, c'est tout de même autre chose... Quant au reste qui relève du témoignage, je dirai que je n'ai pas eu tant de choses que ça à taire pendant ma carrière. Je ne me suis jamais gêné pour parler, de là à être entendu! Je faisais partie de ce qu'on appelait les "juges rouges", promis à une carrière modeste mais résolus à assumer ça. Non, ce que j'exprime au détour de mes romans (je dis bien "au détour" car j'espère qu'on y trouve autre chose...), c'est plutôt le résultat d'une longue analyse de la société, notamment à son plus haut niveau de puissance, une analyse de ses arcanes et de ses vices que l'on se garde de dénoncer et dont les petites gens sont dupes.

 

Albertine. Le contexte politique de vos romans est un élément central, les petites histoires s’inscrivant dans la grande, comme pour mieux montrer à quel point nous « sommes agis » : dictature grecque, occupation, instrumentalisation d’officines par le plus haut niveau politique... Est-ce un regard « professionnel » qui vous inspire l’alliance du politique et du crapuleux et/ou un regard citoyen ?

André Fortin. Au départ, lorsque j'étais jeune juge d'instruction,fortin4.jpg c'était un regard essentiellement professionnel. Je ne mesurais pas encore l'ampleur des désordres dus aux détenteurs de pouvoir. Il est vrai que ces désordres se sont multipliés et amplifiés jusqu'à conduire à la crise que l'on connait aujourd'hui, crise qui n'est que le résultat d'une gigantesque escroquerie ou d'un hold-up, comme on voudra.

Par la suite, le monde évoluant et le jeune juge, plutôt fougueux, prenant de l'âge, c'est plutôt un regard citoyen que j'ai été amené à porter sur les désordres de notre société. Du coup, la notion de délinquance à, pour moi, évolué. Celle que je considérais comme traditionnelle m'a paru justifier de plus profonds questionnements, notamment en terme de déterminisme et l'autre, la plus préjudiciable a la société a mon avis, m'a paru justifier d'un regard en effet plus citoyen, plus militant, plus acéré en tout cas. 

Aujourd'hui, avec le recul, ces deux regards se complètent. D'ailleurs, entre les différents types de délinquances dont je viens de parler, on constate, comme vous l'évoquez, une confusion des genres de plus en plus patente et alarmante. 

 

Paul. Dans vos romans vous émettez une diatribe à l'encontre des réformes judiciaires réalisées lors du gouvernement précédent. Comment vos collègues, la magistrature et le système judiciaire en général ont accueilli ces remarques caustiques ?

André Fortin. Plutôt bien. Les magistrats, dans leur immense majorité, détestaient le président de la république d'alors qui les avait traités de "petits pois" et leur avait infligé une garde des sceaux incompétente et qu'ils considéraient comme peu digne du poste qui était le sien. Du coup, alors que leur conformisme aurait pu les inciter à admettre certaines de ces réformes, ils les ont rejetées, à juste titre selon moi, j'ai donc joué sur du velours. Sans compter que tous les juges rouges et progressistes étaient bien entendu d'accord avec moi. Il n'y a guère que les procureurs ou tout au moins la plupart d'entre eux qui grinçaient des dents. Être larbins du ministre ne leur plaisait guère, même s'ils l'acceptaient, mais être traités de larbins leur déplaisait encore plus...

 

Paul. Croyez-vous à une nouvelle réforme, et dans quelques années, lors de rééditions de vos romans, sera-t-il bon en ce cas de procéder à un avertissement au lecteur ?

André Fortin Tous les romans sont nécessairement datés. Le droit évolue, en bien comme en mal, rien ne m'empêche de traiter d'autres sujets en rapport avec les nouveaux textes. En fait, il y a des principes fondamentaux, des principes démocratiques que j'essaye de défendre et donc mon discours, je l'espère, demeurera cohérent. Et si d'aventure tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, hé bien j'écrirai des romans d'amour.

 

Albertine. L’art du récit signe vos romans. Pouvez-vous nous dire sur un ou deux exemples, comment se fait cette alchimie du récit réussi, les ingrédients étant - une narration alternant 3ième et 1ère personne (avec le juge Galtier) - des personnages complexes, les parfaits salauds pouvant être émouvants comme les êtres lumineux révéler leur part d’ombre- la dimension historico-politique qui donne aux évènements actuels, une profondeur non réduite à des considérants psychologiques.

André Fortin. Prenons pour principe que le récit est réussi. C'est une chose que je ne sais pas sauf, après que le roman soit né, lorsque vous le dites. Alors cette alchimie serait au départ de l'ordre du hasard, ou plutôt du mystère car mes romans ne sont pas vraiment des propos délibérés. Pas de synopsis au départ, juste une ambiance, une époque et un personnage nouveau.

fortin5.jpgJ'écris au jour le jour, peu à la fois et le reste du temps, je rumine. Après, je corrige, je supprime, je déplace avec, probablement la rigueur du juriste. Tout cela ressemble à un artisanat. Mais j'accorde de l'affection, de la compassion et des excuses à mes personnages (il me semble quelquefois les juger, encore). Quant aux événements, notamment historiques, j'y suis fidèle et les juge sans complaisance, eux. Reste ce que j'appellerai les systèmes (politiques, maffieux, sociaux, religieux...), tous fondés sur des actes (violences, abus de pouvoir, propagande, escroquerie intellectuelle et tous ceux qui sont la conséquence de l'ignorance des uns et du vice des autres), là encore, ils sont plus que vraisemblables, ils sont réels, à moins que je ne me trompe mais c'est assez peu probable car j'ai, encore une fois, occupé longtemps un excellent poste d'observation et peu d'aspects de la nature humaine ont pu m'échapper. J'ajouterai que je suis dénué d'amertume, la vie à été douce pour moi, j'ai exercé le métier de mon choix et je poursuis dans cette voie en m'adonnant aux délices de l'écriture. Pour tout dire, je n'envie personne, l'autre m'est a priori sympathique et j'aime mon prochain, a plus forte raison s'il fait partie des petites gens.

 

Jacques. Dans le roman Restez dans l’ombre, quand le juge Galtier finit par connaitre l’histoire de Julia, il décide de ne rien faire, l’enquête n’aboutit pas officiellement. Avez-vous été confronté à ce genre de situation au cours de votre carrière de magistrat ? Considérez-vous que dans certaines situations exceptionnelles (comme celle du roman), il est préférable que la justice ne découvre pas toute la vérité ?

André Fortin. Je pense qu'en effet il est des cas où il vaudrait mieux que la justice ne connaisse pas toute la vérité et qu'elle n'aille pas jusqu'à son terme. Mais, en tant que juge, je n'y ai jamais prêté la main, car la justice est avant tout un principe et l'éthique du juge s'oppose à tout compromis de sa part. Dès que l'on met le doigt dans un tel engrenage, cela n'a plus de fin. Où fixer la frontière? On en vient à utiliser les arguments les plus fallacieux, ordre public, secret nécessaire, raison d'Etat, maintien de la confiance du peuple dans ses élites etc...

Ce qui est en revanche exact, c'est que lorsque la justice n'a pas fait, à un moment, son travail, tout son travail, alors viennent les actes individuels, la vengeance privée notamment. C'est un peu l'un des thèmes de Restez dans l'ombre. Ce que le roman ou quelquefois l'Histoire admet ne peut en aucun cas être pris en compte par la justice en tant qu'institution. Je le répète, la justice est avant tout un principe. 

Tout cela ne l'empêche évidemment pas d'être clémente... 

 

Jacques. Le personnage de Théodore, jeune policier corrompu exerçant à Marseille pendant les années d’occupation, est-il entièrement imaginaire ou vous êtes vous inspiré d’un personnage de policier marseillais ayant réellement existé sous l’occupation ? D’ailleurs, un policier corrompu à Marseille, est-ce quelque chose d’imaginable ?

André Fortin. Je me suis effectivement inspiré d'un personnage qui a existé. Un jour, il y a longtemps, quelqu'un qui connaissait mon état d'esprit et mes opinions et qui venait d'être témoin d'une altercation dont j'étais l'un des protagonistes, à eu l'idée de me confier les archives de sa famille, archives non pas de guerre mais de pendant la guerre. Des documents dramatiques, des lettres innocentes, émouvantes, et puis, après les lettres, le silence, le silence infini. Je n'écrivais pas de roman à l'époque mais j'ai gardé le souvenir de tout ça. Il y avait en effet un dénonciateur, policier marseillais de son état (il aurait pu être autre chose). Quant à l'actualité marseillaise, aussi lamentable soit-elle, elle n'a tout de même aucune commune mesure avec ces faits de guerre. Et puis, je ne traite pas volontiers l'actualité proprement dite bien qu'il y ait du grain à moudre, ou alors sous l'angle d'un humour, un peu noir...

 

Paul. Billie, la femme du juge Galtier, qui est pédopsychiatre, se montre de bon conseil et une personne avisée. Avez-vous pris votre épouse comme modèle ?

André Fortin. Un peu, oui. Mais les avis sont partagés sur le caractère de Billie, de sorte que mon épouse qui ressent cette identification, tout au moins du lecteur, est assez réservée sur ce sujet. Heureusement, Galtier est amoureux de sa femme!

 

Jacques. J’ai vu dans Restez dans l’ombre affleurer une interrogation posée aux lecteurs, comme aux deux jeunes auditrices de justice, sur le couple antagonique justice/vengeance. Est-ce le cas ?fortin6.jpg

André Fortin. C'est bien le cas. C'est une grande question. Elle semblait résolue depuis le siècle des lumières et même probablement avant. L'avènement d'une vraie justice, efficace et équilibrée, ce devait être la fin de la vengeance privée (cette caractéristique des sociétés archaïques). On la voit aujourd'hui redresser le nez et même ressurgir en certains endroits. Cela tient au fait que des dirigeants irresponsables, pour séduire l'électorat, flattent la bête et excitent les victimes. Cela tient également aux insuffisances de la justice, à son incapacité. Pour combattre cette régression en marche, il faut que la justice, la vraie, passe, avec toute sa lourdeur, son décorum et même sa lenteur, qu'elle fasse son travail et qu'elle le fasse complètement et dans la dignité.

 

Paul. Le juge Galtier, c'est un peu vous ?

André Fortin. Même réponse, un peu oui, donc. Mais il y a de moi-même dans presque tous mes personnages. Bien plus dans Galtier que dans Théodore, bien sûr, mais tout de même. Ce qu'il y a de particulier dans Galtier, c'est qu'il est juge, comme moi. Mais je dois dire que je n'ai jamais été placardisé comme lui, j'étais soutenu par de nombreux collègues, même s'ils n'osaient pas prendre la parole comme je le faisais.

 

Jacques. Quels sont les auteurs de polars que vous admirez ? Quels sont les écrivains qui ont eu une influence sur votre écriture ?

André Fortin. Pour ce qui est des auteurs de polars, si je vous les citais, je n'en finirais pas. Disons que j'aime beaucoup Manchette et que j'adore Chandler mais j'en lis plein d'autres avec plaisir et admiration. Pour ce qui est de la littérature classique, je suis comme tout le monde: Flaubert, Balzac, etc... Les contemporains: Marcel Aymé, Marguerite Duras, Camus. Les modernes, je n'ai pas encore fait mon choix. J'aime la littérature américaine mais il faudrait en citer tant... Et la littérature sud américaine (Carlos Fuentes et, bien sûr, Garcia Marquez, auteur du roman parfait: Chronique d'une mort annoncée).

Pour ce qui est de l'écriture, j'ai des modèles, bien sûr, Aymé encore, Chandler encore, Duras encore, mais là c'est trop fort, Carver et combien d'autres dont certains passages me laissent pantois.

 

Jacques. Un nouveau roman en cours d’écriture ? Sans dévoiler l’essentiel, pouvons-nous savoir quel en sera le thème ?

André Fortin. Oui, oui, oui, je travaille. Le contexte, la Françafrique, le personnage une sorte de soldat perdu, genre mercenaire, et puis un jeune homme, une femme, l'amour, le blanchiment, les barbouzes, les malfrats au service des barbouzes. Voilà, difficile de s'y retrouver pour l'instant, Galtier s'y perd, Juston aussi et même moi, par moment.

 

A lire d'André Fortin : Requiem pour le juge; Pitié pour Constance; Un été grec; Restez dans l'ombre.

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17 octobre 2012 3 17 /10 /octobre /2012 16:31

josso.jpgNé en 1938, Yves Josso a quasiment toujours gravité en littérature et ses annexes. Il a été écrivain de l’ombre, une métaphore qui cache l’appellation de nègre, pour une vingtaine de romans signés par d’autres, mais également rédacteur et rewriter dans des magazines people, ainsi que chef du service rewriting (correction, réécriture) pour France Dimanche jusqu’en 1999. A sa palette il faut aussi ajouter scénariste, adaptateur et dialoguiste pour le grand écran et la télévision, ainsi que parolier de chansons, auteur de pièces de théâtre, de textes radiophoniques et adaptateur pour la télé d’une série de contes japonais pour enfants : La théière enchantée, Le chien du laboureur, Le chasseur de canards, L'île aux ogres 

Enfin il fut comédien principal de deux courts-métrages de François de Roubaix dont l’un (Comment ça va, j’m’en fous) a obtenu le César 1976 et l’autre (Le Gobbo) l’Ancre d’or du film sous-marin. Yves Josso est d’ailleurs aujourd’hui le Président de l’association “ Les amis de François de Roubaix ”. Il a en outre été directeur d’une usine frigorifique, ce qui lui a permis de marier les nourritures spirituelles aux nourritures terrestres. Sous le nom de Vonnick de Rosmadec, il a écrit une série de dix romans érotico-policiers mettant en scène Miss Flic, une commissaire de police qui offre son corps pour les besoins de son enquête et donc  pour lajosso3.jpg France... Plus récemment, en 2005, il a publié aux éditions Équinoxe deux carnets de voyages, avec la collaboration d’Alain Bodson, sur l’œuvre de son père (Xavier Josso 1894 – 1983), peintre aquarelliste et graveur, sous les titres : La Loire Atlantique de Xavier Josso et Le Finistère de Xavier Josso. Enfin, en septembre 2007, il revient à la fiction, créant la belle et jeune Clémence de Rosmadec (allusion à son premier pseudonyme) avec deux romans :  Eté meurtrier à Pont-Aven et  La Noyée du Pont des Invalides, deux romans dont la peinture et les peintres tiennent une place prépondérante. Deux autres suivront : Les captifs de Cornouaille  et L’assassin des cathédrales.

L’art pictural imprègne l’univers d’Yves Josso. Outre son père, artiste peintre, sa femme et sa fille pratiquent cette discipline. Et l’élément déclencheur du premier roman réside dans cette visite à Pont-Aven lors d’une rétrospective consacrée à son père.

miss-flic.jpgS’il a utilisé le nom de Rosmadec comme pseudonyme pour sa série des Miss Flic (dix romans publiés chez Vaugirard début années 90), et comme patronyme de son héroïne, cela n’est pas anodin. En effet, sa famille est d’origine vannetaise et selon une de ses tantes, férue de généalogie, il existe près de Vannes le château de Plessis-Josso. Et dans l’album photo familial figure une carte postale de l’hôtel de Rosmadec, avec la mention Berceau de nos aïeux.

Clémence de Rosmadec se montre une femme libérée avant l’heure, mais Yves Josso précise que ce n’était pas rare à cette époque, du moins dans le milieu des artistes peintre et il prend pour référence Suzanne Valadon, la mère d’Utrillo.

Fiche établie d’après une correspondance avec Yves  JOSSO.

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11 octobre 2012 4 11 /10 /octobre /2012 13:46

 

Cet entretien a été réalisé en janvier 1986, dans le cadre d’une émission sur le roman policier, émission diffusée sur les antennes d’une radio associative, entretien réalisé sur cassette audio. J’ai donc essayé de reproduire fidèlement les réponses de Jean Mazarin, avec les petits défauts inhérents à ce genre d’exercice, comme si cette interview s’était déroulée en direct.

 mazarinbis

 


A l’occasion de la sortie du dixième volume de la série consacrée à Frankie Pat Puntacavallo, mon détective préféré, j’aimerai faire un peu mieux connaissance avec vous. Pourriez-vous vous présenter ?

Se présenter, se présenter… C’est toujours délicat de se présenter soi-même parce qu’on peut dire on est grand, beau, intelligent, le meilleur… On peut aussi dire, c’est ce que je vais faire, on est moyen, de sexe masculin, que j’ai en gros la cinquantaine, que je suis marié, que j’ai deux enfants, que je vis dans une proche banlieue parisienne, que j’ai comme particularité d’écrire. C'est-à-dire d’écrire, tout le monde écrit bien sûr, mais de ne faire que ça, c'est-à-dire être un professionnel de l’écriture. Chaque matin, au lieu d’être au bureau, à l’usine, je ne sais pas où… Mon travail consiste à écrire. Voilà en gros ce que je peux dire.

 

Vous avez débuté dans la vie littéraire d’une façon peu banale. Pouvez-vous nous expliquer comment ?

Votre question me fait un peu rire parce qu’elle apporte plusieurs réponses. La première, je pourrais dire que j’ai débuté dans la vie littéraire en écrivant. Ce qui peut paraître quelque chose d’absolument normal mais qui ne l’est pas parce que tous les écrivains ne débutent pas en écrivant. On peut débuter et souvent c’est meilleur en faisant tout autre chose que d’écrire. Enfin, bon… Je vois où vous voulez en venir. C’est-à-dire j’avais déjà écrit lorsque j’étais plus jeune quelques petites nouvelles, de science-fiction généralement, plus que des nouvelles policières, et c’est en… Cela ne nous rajeunit pas tout ça… C’était au début de la crise, enfin ce que l’on appelait la crise, que j’ai eu disons l’occasion de passer d’une écriture d’amateur comme tout le monde doit écrire un petit peu des nouvelles, un petit roman, à une écriture professionnelle, et que j’ai décidé de ne faire que ça. Et l’occasion m’a été donnée par l’ANPE. Je venais d’être licencié de ma boîte, à l’époque on touchait quatre-vingt-dix pour cent de son salaire pendant un an et je me suis dit je vais en profiter. Comme j’ai un an devant moi sans problème matériel si j’en profitais de sauter le pas, c’est-à-dire de passer de petites nouvelles à un roman, puis de le faire tous les jours, et un autre, et un autre et un autre. C’est-à-dire de ne faire que ça puisque c’était ce que j’avais envie de faire. Donc en quelque sorte c’est le chômage qui m’a permis de réaliser le rêve de ma vie. Et j’espère qu’il en est de même pour d’autres chômeurs.

 

Vous écrivez aussi bien des romans d’espionnage, de science-fiction que des romans policiers. Ce soir nous en resterons au domaine du roman policier. Dans le roman policier vous maniez aussi bien l’humour, dans la série de Frankie Pat Puntacavallo que le roman noir comme dans Gangrène, paru sous le pseudo d’Emmanuel Errer. Dans lequel de ces genres vous sentez-vous le plus à l’aise ?

mazarin1-copie-1.jpgEn effet, comme vous venez de le signaler, je fais aussi des romans de science-fiction qui sont généralement des romans policiers travestis dans un futur assez proche, et des romans d’espionnage ou dit d’espionnage, mais je n’en ai pas fait beaucoup. J’aime bien, j’aime beaucoup, j’appellerais ça plutôt de la politique fiction. J’aime beaucoup mais enfin ce n’est pas ma tasse de thé. J’en fais un de temps en temps, disons un tous les deux ans… Enfin, on en reste au roman policier et comme vous venez de le dire, je fais en effet des romans policiers amusants, légers, tout au moins j’espère qu’ils sont amusants, seuls les lecteurs pourraient vous le dire. Moi, ça m’amuse, ça ne veut pas dire que le lecteur s’amuse en les lisant. Et des romans en effet très noirs, vous venez de citer Gangrène, qui est publié sous un autre pseudonyme, celui d’Emmanuel Errer à la Série Noire. Je ne crois pas que je suis plus à l’aise dans un genre que dans l’autre. Je crois que c’est quasiment une nécessité, enfin tout au moins pour moi, car je crois qu’il y a des auteurs qui ne font qu’un seul genre. Moi, j’en connais qui ne font que des romans noirs, très noirs ou très très très noirs. D’ailleurs la plupart ne font que des romans noirs, ou des romans policiers noirs. C’est le roman comique qu’on ne fait pas beaucoup. Moi, c’est plus fort que moi, faut que j’en fasse un, d’abord pour me détendre… Après avoir fait un roman noir, un roman où l’on se marre. Et puis je crois qu’il faut rire un peu. Si l’on est toujours dans le noir, où là là, on se flingue. Et puis finalement, peut-être qu’en faisant rire, dans un truc qui parait plutôt futile, on peut peut-être dire plus de choses que dans le romans noir, un roman sérieux, un roman accrocheur… un roman comique, on peut en envoyer plus de temps en temps. Et comme j’aime bien ça, je me sens assez bien aussi, dans le roman comique. Il faut une alternance, c'est-à-dire que je ne pourrais pas faire que des Puntacavello puisqu’il s’agit de lui en tant que roman comique, ni des romans comme Gangrène. D’abord les Puntacavallo, j’en fais, je ne dirai pas de moins en moins, par exemple l’année dernière j’en ai fait qu’un. Je pense qu’un ou deux par an, c’est bien parce que ça m’éclaircit un peu et des romans noir, ou noirs noirs, un ou deux aussi.

 

Vous avez débuté à la Série Noire puis vous avez migré au Fleuve Noir. Pourquoi ?

C’est exact. Le premier roman que j’ai publié, c’était en 73 ou en 74, c’était à la Série Noire, ça s’appelait Descente en torche. Alors vous me demandez pourquoi j’ai migré au Fleuve Noir... D’abord il n’y a qu’une partie de moi qui a migré au Fleuve Noir, d’ailleurs on parlait tout à l’heure de Gangrène, Gangrène est paru l’année dernière à la Série Noire. Ce qui fait que je continue à donner des manuscrits à la Série Noire, moins qu’au Fleuve Noir, d’abord parce que la Série Noire ne fait que du policier tandis qu’au Fleuve Noir, comme on le disait tout à l’heure, il y a plusieurs séries. Disons qu’il y a un éventail et l’on peut s’exprimer dans un éventail de genres plus vaste qu’à la Série Noire. Ensuite parce que, comme je le disais tout à fait au début de notre entretien, je suis un professionnel. Un professionnel qui ne fait que de l’écriture de romans. C’est-à-dire que je ne suis pas un journaliste qui fait ça en plus… Je ne fais pas de scénarios à la télé, ni au cinéma, je fais du roman. Du roman populaire, des polars, etc. Or la Série Noire ne peut pas me prendre toute ma production, vu qu’ils n’en publient que quatre par mois, onze mois par an, et que sur les quatre il y a au moins deux anglo-saxons, si ce n’est trois, et puis il y a quand même les confrères. Tout le monde doit pouvoir se faire publier, donc, et à la limite, s’il y a d’autres éditeurs de romans policiers… je pense que j’essaierai de publier chez d’autres éditeurs, mais actuellement il faut voir ce qui est, il y a la Série Noire et le Fleuve Noir. Bon, il y a Le Masque, mais là je ne me sentirai pas du tout à l’aise et ensuite il y a d’autres séries, mais enfin on ne peut pas faire des publications très vite, très régulières dans ces autres séries, parce que c’est du coup à coup ou alors elles apparaissent en janvier et disparaissent au mois de mai, pour réapparaitre six mois après. Ils sont bien, ils sont bien, j’aimerai bien… Ce serait presque pour moi un luxe de publier un livre dans ces séries à éclipse… Il me faut, en temps que pro, il me faut un appui solide or les deux seuls appuis solides qui existent actuellement sur le marché c’est la Série Noire et le Fleuve Noir.

 

Pensez-vous qu’un auteur de romans policiers doit utiliser ses livres pour faire passer ses idées politiques ou autres, ou se contenter de relater des faits en restant neutre ?

Oui en effet… C’est ce qu’on pourrait appeler la question piège ou la question, excusez-moi de le dire, la question bateau parce que tous les journalistes posent ce genre de questions, euh… Et alors là, pour y répondre, est-ce qu’on fait passer ses idées politiques ou ses autres idées… Moi, voilà, je crois que lorsqu’on écrit, on doit faire passer ce que l’on ressent. Mais alors, ce qu’il faut différencier, ce sont ceux qui le font passer, parce qu’ils veulent le faire passer, et ceux qui le font passer inconsciemment. Moi je pense que je fais partie de la seconde moitié, de la seconde catégorie. Il est certain que malgré moi je dois écrire des choses parce que je les ressens, parce que devant tel problème, telle situation, je suis comme ça. Mais disons que n’importe quel roman policier, n’importe quel roman noir, c’est avant tout une intrigue, c’est une action, c’est une histoire. Il faut que le lecteur s’emmerde pas parce que s’il faut faire un abécédaire politique, le lecteur n’en a rien à foutre, il y en a tellement à la télé, dans les journaux, partout. Alors acheter un polar en plus pour voir ça, voir les malheurs dans les journaux, dans un hlm, bon en effet ça peut être un très bon thème, mais il faut quand même une histoire. Parce que s’il n’y pas une histoire le type va s’emmerder en lisant le bouquin. Par contre en effet on peut faire passer des idées. Et je pense que dans les miens y en a mais je crois que c’est inconscient.

 

Comment travaillez-vous, c’est-à-dire avez-vous un emploi du temps bien précis ?

Comment je travaille ? Un emploi du temps précis c’est peut-être beaucoup dire. Mais disons que je m’efforce dans la mesure du possible de me mettre tous les matins devant la machine à écrire, ou devant le manuscrit que je corrige, que je m’efforce d’être à la même heure, c’est-à-dire disons vers neuf heures, hop je dis je commence à bosser. A bosser, ça ne veut pas dire que je bosse tous les jours, parce que y a des jours où on a envie, d’autres jours on a moins envie, mais je m’efforce, sauf si je suis à l’extérieur, si je ne suis pas là ou en vacances, mais je m’efforce disons la plupart des jours, disons neuf jours sur dix, le matin je me mets devant ma table et je me dis allez on commence à bosser.

 

Etablissez-vous un plan bien défini ou bien écrivez-vous au gré de l’inspiration, au fil des pages ?

Un plan défini peut-être pas parce que… J’ai essayé, j’ai essayé de faire des plans mais alors ce qu’il se passe, c’est que une fois que j’ai fait le plan, d’abord ça prend beaucoup de temps et ensuite quand j’écris, c'est-à-dire quand je fais le remplissage, ou alors ça ne m’intéresse plus, ou je change en cours d’histoire et je ne suis pas mon plan. Et je me dis finalement, ce n’est pas la peine de faire un plan. Ce que je fais c’est que généralement, je connais donc la fin, je sais comment ça va finir… Disons que le déclic est soit je me dis cette histoire est bien, j’aimerai qu’elle finisse comme ça… Disons j’ai une idée, j’ai des personnages, d’une atmosphère, ou d’une époque dans laquelle je voudrais que ça se passe, ou du lieu, mais sans truc extrêmement précis… Ce n’est pas une bonne méthode de travail parce que souvent, dans ce genre de récit il faut quand même que ce soit logique… Que quand on arrive à la fin on se dit tiens, j’arrive à la fin mais ce que j’avais écrit avant ne corresponds plus avec la fin alors il faut reprendre ce que j’ai fait avant, pour l’arranger, pour que ça concorde. Alors c’est pas logique mais je ne pourrais pas travailler autrement.

 

Recherchez-vous les faits divers dans les journaux pour vos intrigues ?

Non ! Les faits-divers ne m’intéressent pas, je ne les lis même pas dans les journaux. Tous les matins je lis deux ou trois quotidiens, mais ça m’intéresse pas… Vraiment, bon peut-être que ce que j’écris ce sont des faits divers, mais des faits-divers imaginés, ou alors, bon, il faut vraiment que ce soit une belle affaire, quoi, un truc dans lequel il y a pas eu de solutions… Là où il y a solution, ça ne présente aucun intérêt.

 

Etes-mazarin3.jpgvous plus sensible aux critiques spécialisées depuis l’obtention du Grand Prix de Littérature Policière en 1983 pour Collabo-song paru en Spécial Police ?

Non, ça n’a pas changé du tout ma vie d’écrivain, comme vous me le demandez… Alors est-ce que je suis sensible aux critiques, je ne pense pas, non… Mais j’aime bien les critiques, quoi que vous savez dans le genre polar on ne peut pas dire qu’on soit assailli par les critiques vu que la plupart des quotidiens… de temps en temps, une fois par semaine, une fois par mois, il y de petites nodules bien réservées polars, ou dans ce que l’on appelle les news… Bon y a un petit truc… Je ne parle pas de la télé où il vaut mieux avoir le sida que d’écrire un polar… Alors il est certain que… enfin c’est-à-dire que la critique, tout au moins dans ce genre de littérature, il faut la voir de deux façons. Un, si on veut la voir d’un aspect matériel, c’est-à-dire que quand vous avez une très bonne critique vous n’en vendrez pas un en plus, et si vous avez une très mauvaise critique vous n’en vendrez pas un en moins. C’est totalement différent, il n’y a pas de relation de cause à effet. La critique est morte au point de vue matériel. Par contre je pense que pour l’auteur, enfin c’est toujours pour moi, j’aime bien lire sur un journal, ou sur une coupure de presse que m’envoient les éditeurs ensuite, que je ne suis pas mauvais, que ce que j’écris n’est pas complètement idiot, c’est pas mal, ça fait plaisir et c’est comme ça que je continue à en faire. Disons que la bonne critique, la critique toute simple, car généralement dans le genre polar, il n’y a pas, il y a très peu de mauvaise critique, ou alors c’est parce qu’il y a un gars qui en veut particulièrement à un autre, et comme il a l’occasion de le dire, de l’écrire, ou de le clamer sur une radio, il le dit. Mais sinon, comme il y a très peu de critiques, les seuls critiquables peuvent être bonnes, oui c’est un roman vraiment pas mal, et ça, ça fait quand même du bien de voir que ça encourage. Et comme on n’a aucune relation avec le lecteur, de temps en temps il y a une lettre, ou un truc comme ça, mais c’est très rare, on écrit quasiment dans le vide. J’imagine aussi les gens qui à la télé parlent, ils ne voient pas ce qu’il y a en face, ils ne voient pas la réaction du lecteur ; alors la réaction du lecteur on ne peut l’avoir que par les critiques et quand on trouve une bonne critique on est content. Moi, je suis très content.

 

Nous allons abordez des personnages sympathiques, anticonformistes comme Lucien Poirel, le plus jeune commissaire de France qui démissionnera sur un coup de colère ou alors Max Bichon, journaliste décontracté. Pourquoi les avoir abandonnés et envisagez-vous de leur faire revivre de nouvelles aventures ?

Là vous me parlez de personnages en effet lointains, enfin pour moi. Poirel, je crois que j’ai fait huit ou neuf aventures de ce commissaire, c’est d’ailleurs mes premiers polars en Fleuve Noir, que j’ai abandonné. Je l’ai abandonné, pourquoi… Oui il y a quand même une raison, c’est qu’à la télé,mazarin2 il y avait à l’époque et maintenant il revient, ils repassent des trucs, ça s’appelle commissaire Moulin, et j’ai trouvé qu’il y avait... que c’était un peu la même chose. C’est-à-dire que mon personnage ressemblait au commissaire Moulin, ou le commissaire Moulin ressemblait à Poirel, enfin ça n’a aucune importance. Il me semblait, enfin quand je le voyais sur l’écran, il me semblait que c’était le mien, et c’est un peu pour ça que je l’ai arrêté. Et puis il y a une seconde raison, c’est parce que c’était un homme, un flic, qui était obligé de se plier à certaines règles de la police, et je l’ai laissé démissionner sur un coup de tête comme vous le dites, un coup de tête, c’était au huitième ou au neuvième épisode, parce que le personnage me semblait usé, qu’il ne pouvait pas aller plus loin, par contre Max Bichon, journaliste décontracté, ce n’est pas évident que je ne le reprenne pas un jour, ce n’est pas évident… Au contraire Poirel, je pense que j’en referai plus, parce que c’était une certaine ambiance, un certain type de personnage qu’il ne peut plus y avoir maintenant, par contre Bichon oui, d’ailleurs Bichon est apparu dans un roman de Puntacacallo qui s’appelai Un doigt de culture, il y a Bichon dedans, qui fait de la figuration intelligente… Oui Bichon, je le reprendrai, je peux même dire presque certainement, je ne sais pas quand mais je suis certain que je ferais encore des romans avec Max Bichon.

 

Parlant de Max Bichon, vous lui faites dire dans Halte aux crabes : Sorti de quelques polars et d’un ou deux essais de Marguerite Duras, on ne peut pas dire que je me vautre dans la littérature. Cette citation est-elle valable pour vous ?

Décidément Max Bichon vous a marqué ! En effet il dit bien dans Halte aux crabes, sorti de quelques polars… Alors est-ce que je fais la même chose, la citation est-elle valable pour moi, en gros j’avoue que je ne lis pas Marguerite Duras alors il reste les quelques polars, et est-ce que je lis beaucoup de polars… J’en commence beaucoup, oui, mais j’en fini peu. Euh… Pourquoi, parce qu’il y en a qui ne me plaisent pas, y en a que j’aime bien mais c’est pas disons un genre littéraire que j’affectionne quoi… Que j’affectionne, c’est ridicule de dire ça pour quelqu’un qui vit du polar. Je n’aime pas tellement lire du polar parce d’abord j’ai toujours peur de trouver quelqu’un qui a trouvé la même idée que moi avant et qu’il l’a mieux fait, ce qui arrive, oui… Et ensuite parce que j’ai pas le temps de lire, ensuite parce que finalement, j’ai pas ce que l’on peut appeler une culture littéraire. Paradoxe pour quelqu’un qui écrit, j’ai plutôt une culture visuelle, une culture de cinéma. Finalement ma culture c’est le cinéma, c’est l’image et que mes références sont beaucoup plus cinématographiques que littéraires. D’ailleurs… dans Puntacavallo, lui qui est moi, parce que le héros est toujours un peu l’auteur, il veut se montrer intéressant, il ne fait pas de références littéraires parce que moi-même je serai incapable parfois, il fait référence à un film, il fait référence à une vedette de cinéma, à n’importe quoi, mais toujours une référence visuelle. Et bien voilà, il est écrit, il est dit maintenant que je n’ai pas de références littéraires, même Marguerite Duras.

 

Avez-vous des contacts avec vos confrères, qu’ils soient du Fleuve Noir ou d’autres maisons d’édition ?

Des contacts, des contacts et des relations avec des confrères, oui, oui, oui et non. Je pense que j’ai dû voir, j’ai dû parler une fois avec tous les auteurs du polar français, ça c’est certain, oui tous ceux que l’on connait, je les connais, on serait dans la rue, je dirai oui celui-là, oui on a discuté une fois que ce soit au bar d’un bistrot ou dans un cocktail mondain, soit ailleurs, ensuite c’est toujours la même chose. Vous ce doit être la même chose, avec les gens avec qui vous travaillez… Oui, on connait tout le monde mais il y en a avec lesquels des liens de sympathie se créent et il y en a qui ne vous sont pas sympathiques, on n’a pas envie de parler… Il y a en avec lesquels on a des relations, des relations hasardeuses, oui parce que c’est le hasard qui fait que l’on se connait, et puis parmi ceux-là il y en a qu’on a envie de revoir, on devient copain et tout va bien. C’est ça, finalement il y en a qui sont devenus des amis, que je revois assez souvent, et l’on parle rarement de ce que l’on fait… J’ai des amis parmi mes confrères, et j’ai des amis en dehors de mes confrères et voilà…

 mazarin.jpg

Voilà l’entretien se termine ici. La suite de la cassette sur laquelle j’avais enregistré cet entretien est un peu inaudible, et donc difficile à retranscrire. Toutefois je peux dire que nous avions parlé du festival de Reims, festival au cours duquel Jean Mazarin a eu l’occasion de rencontrer Georges-Jean Arnaud, Brice Pelman, Fajardie, Demouzon, Hervé Jaouen et il était devenu ami avec certains d’entre eux. Nous avons parlé aussi de l’avenir du polar français et il déplorait la diminution des collections policières, du nombre de titres parus, mais aussi de la prolifération de collections genre Brigade mondaine, Police des mœurs, SAS et quelques autres. De ses prochaines parutions, de ses projets. Je rappelle que cet entretien date de 1986. Donc nous avons évoqués ses romans parus ou à paraitre dans la collection Anticipation du Fleuve Noir, Poupée tueuse et Poupée sanglante qui étaient des polars, et de son virage vers la collection Gore sous le nom de Nécrorian, Charles Nécrorian. Un peu pour s’amuser, pour changer d’univers et parce qu’il professait une admiration pour les films de Dario Argento.

Comme vous avez pu le constater au cours de cet entretien bien des choses ont changé dans le domaine du polar et dans la vie littéraire de Jean Mazarin puisque celui-ci a eu l’opportunité de travailler pour la télévision, pour les Navarro, Cordier juge et flic, Malone… J’ai essayé de respecter au maximum les réponses de Jean Mazarin, les temps de silence, les répétitions, bref de retranscrire comme si c’était du direct.

 

Photo N°1 : Joseph Bialot, Jacques Mondoloni, Alain Demouzon et Jean Mazarin/Emmanuel Errer/Nécrorian.

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2 octobre 2012 2 02 /10 /octobre /2012 08:06

Un entretien pétillant !

 Maud Tabachnick


La lourde porte de chêne s'entrebâilla sans un bruit. Les gonds étaient huilés avec abondance, le sieur du lieu, François-Jacques Jamet de Braud, châtelain de l'Aumère, y veillai. Le garde passa sa tête chafouine puis avança sur la pointe des pieds, telle une ballerine, les clés lui battant les reins. Il précédait Paul Maubru d'Agneaux, le Grand Inquisiteur. Derrière lui se profila la silhouette rustaude et éléphantesque du bourreau, portant moult et divers outils dont tenailles, coins, chaînes, brodequins et barbecue de poche.

Dans un angle de la geôle un paquet de chiffon bougea puis une tête émergea.

- Debout ! Somma l'inquisiteur.

Le tas de vêtements se déplia livrant aux yeux blasés des trois hommes un corps féminin.

 

étoile du temple- Veuillez décliner vos nom, prénom, date et lieu de naissance, ainsi que votre profession.

- Je ne peux nier que mes nom et prénom, c'est à dire Tabachnik Maud, sont bien ceux indiqués sur votre arrêt. Mais bien qu'ils m'aient été donnés, je ne sais pas s'ils m'appartiennent. Quant à dire ma date de naissance, il faudra autre chose que cette Vierge de Nuremberg pour m'y décider. Soyons elliptique. Scorpion, de l'année du Tigre. La même année qui vit nos belles démocraties se coucher sur le dos pour s'offrir aux fauves. Lieu? Sur ces foutus papiers il est écrit : Paris 14e. Est-ce vrai? Je ne saurais le dire, car je ne m'en souviens plus. Profession? Celle qui vous plaira. Marin, exploratrice, zoologue, sans. Ma profession de foi reste encore à venir. Ah, si ! Ostéopathe à mes temps perdus.

 

- Hostie au pape? Vous avouez donc être une renégate?

- Renégate, oui. A tout ce qui m'est imposé.

 

- Vous venez de publier un roman dont la teneur est extrêmement injurieuse, pour ne pas dire impie envers les représentants de Notre Seigneur. Qu'avez-vous à répondre pour votre défense?

- Injurieuse envers les représentants de Votre Seigneur? Peut-être. Je n'ai jamais eu de goût pour les folklores et les fables.

 

- Votre "héroïne" est une femme libérée, pas comme vous en ce moment. Le rôle de la femme n'est-il pas d'être au foyer, pour ne pas dire sur le bûcher?

- Le rôle de la femme? Si je vous confiais mes intimes pensées… J'irais moi-même, directement au bûcher.

 

- Pourquoi avoir choisi Troyes et la région champenoise comme lieu de l'action? Est-ce en référence à la bulle du Pape?

- La région champenoise pour la bulle du Pape? Certainement pas. Moi dans ce coin j'y connais d'autres bulles qui ont davantage fait pour l'esprit et le cœur que toutes les chasubles du monde.

 

- Auriez-vous perçu une aide financière de la part des édiles de cette cité alors que Paris ou La Roche sur Yon auraient très bien pu servir de cadre?

- Sur l'aide financière que j'aurais perçue, je ne répondrais que si le bourreau l'exige. Et encore !

 

- J'ai remarqué que ce livre avait été édité avec le concours de la maison du Boulanger. Est-ce pour cette raison que vous avez choisi un bâtard comme protagoniste?

- Le coup du bâtard?  Non, c'est un "fantaisie".

 

- N'avez-vous pas l'impression que votre premier roman publié fut un cadeau Denoël?

- Premier roman, cadeau Denoël? J’ai plutôt eu l'impression d'être traitée comme un âne par le Roi Mage.

 

- Vous fumez le cigare. Est-ce pour justifier votre patronyme?fin-de-parcours.jpg

- Non, pas pour justifier mon patronyme, pour ne pas attraper le cancer.

 

- Des critiques rapprochent votre style à certains amers Ricains, Jim Thompson notamment? Pourquoi ne pas vous cantonner dans des romans à l'eau de rose, genre littéraire profondément féminin?

- Ma vie est à l'eau de rose, et comme je ne voulais pas réécrire sans cesse ma biographie, j'ai choisi de tremper ma plume (?) dans l'eau radioactive.

 

- Selon certaines rumeurs que j'ai ouïes, votre régal serait la consommation d'arachnides !

- A cause de la toile. Moi qui ne sais pas coudre un bouton, je reste pantoise devant leur tissage.

 

- Pourquoi avoir écrit un recueil de nouvelles sachant que si les Français affirment aimer ce genre littéraire ils en lisent peu et en achètent encore moins?

- Parce que j'aime les bonnes nouvelles !

 

Sur ce Maud Tabachnik, tournant le dos à son inquisiteur, s'allongea sur la botte de paille qui lui servait de couche, et sans s'inquiéter de son sort s'endormit profondément, ce qui ne lui arrivait que le 29 février des années bissextiles. Un mélodieux ronflement s'éleva dans l'air comme un phylactère rémois. Paul Maubru se balançait d'un pied sur l'autre, perplexe. Les répliques de Maud Tabachnik l'avaient à moitié convaincu de son innocence, et cet endormissement béat lui laissait augurer une âme sereine. La façon dont elle s'était acquittée à lui répondre lui rappelait cette propension qu'ont les Jésuites de répondre à des questions par d'autres questions. Jésuite, j'y reste, pensa-t-il. Pendant ce temps, le bourreau tentait vainement d'allumer son petit brasero portable, son allumette s'éteignant à chaque fois sous l'impulsion d'un courant d'air insidieux et facétieux. Désemparé, il chantonnait : "Allumette, gentille allumette ! Allumette, je te frotterai. Je te frotterai la tête, ...."

Paul Maubru, n'en pouvant plus, fit demi-tour dans un grand mouvement altier. Sifflant son aide, il sortit la tête haute. Malgré sa petite stature, il se cogna contre la voûte de l'embrasure de la porte, ce qui lui fit entrevoir trente six mille chandelles. Le garde s'empressa de soigner ces gnons du seigneur saignant. Dans un coin s'éleva le rire rauque de Maud. Le drame devenant par trop burlesque, quelqu'un s'écria d'une voix de rogomme : "Coupez ! C’est la pause ..."

 

Entretien réalisé suite à la parution de L’étoile du Temple de Maud Tabachnik et publié dans la revue Caïn N°24 (éditions de la Loupiote – 1997/1998) dirigée par Jacques Jamet et François Braud.

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31 août 2012 5 31 /08 /août /2012 07:51

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Réaliser un entretien par mail interposé n’a pas la spontanéité de la présentation d’un auteur sur une estrade face à un public, et le modérateur n’est pas sûr de poser les bonnes questions, dans un cas comme dans l’autre. Devant une assemblée au moins a-t-il la possibilité d’interrompre son invité (comme les journalistes qui ne s’en privent pas, se moquant totalement des réponses de leurs invités, ne pensant qu’à se hausser du col et devenir la vedette à la place de celui qu’ils questionnent), de rendre vivants les échanges, de rebondir en attrapant la balle au bond comme au ping-pong. Ici tout est soupesé, ou presque, moins les questions que les. Celui qui est sur la sellette a la possibilité de peser ses mots, et l’intervieweur est confiné dans son rôle, laisser la parole à celui qui est en face de lui par écran et claviers interposés.

 

Pourriez-vous nous donner une biographie (la solution de facilité serait de piocher dans le Dilipo de Claude Mesplède, mais je préférerais une approche personnelle)

La meilleure bio figure dans le « Dictionnaire des écrivains français par eux-mPrise-geneve.JPGêmes » de Jérôme Garcin (Fayard), mais elle s'arrête en 2004.

Je suis né à Mulhouse en 1945, sous le nom de Jean-Marie Geng. Après mes études universitaires (maîtrise de philo, doctorat de socio), j'ai enseigné la sociologie à Strasbourg pendant une dizaine d'années et publié à cette époque 4 essais, tous polémiques, dont le plus connu est « Mauvaises pensées d'un travailleur social » (Seuil, coll. Points). Barthes, Bourdieu et Derrida ont salué ces essais. En 1980, suite à une grave crise personnelle, j'ai démissionné, quitté Strasbourg et pris la décision de me consacrer à la littérature. J'ai choisi comme nom d'auteur Max Genève et m'en suis expliqué dans un court récit, « La Prise de Genève » (Zulma), publié en même temps qu'un recueil de nouvelles fantastiques « Notre peur de chaque jour » chez Bourgois. Mon premier roman est paru l'année suivante, en 1981, chez Stock. Suivront neuf autres romans, chez Stock, Barrault, Flammarion et Zulma.

J'avais donc publié dix romans, de la littérature « blanche » donc, quand est sorti, en 1995, le premier Simon Rose, « Autopsie d'un biographe », chez Zulma. Par la suite, jusqu'en 2001, j'ai alterné les Simon Rose et d'autres romans, dont « Ramon » en 1998 que certains critiques tiennent pour mon meilleur livre. Cela a quelque peu désarçonné mes commentateurs, mais voyez un auteur comme Manuel Vasquez Montalban : son Pepe Carvalho est un peu mon Simon Rose.

 

Pour moi votre véritable entrée comme romancier est liée à la création de Simon Rose, détective. N’est-ce pas un peu réducteur ?

tigresses.jpgC'est en effet très réducteur. Après vingt-deux romans publiés, dont seulement six Simon Rose (qui sont plus des romans de détective que des polars proprement dit), je me considère d'abord comme un romancier tout court, passionné par toutes les formes du roman, y compris les populaires. Il est vrai que « Le Salon » (1986), bien avant les Simon Rose, était déjà une sorte de polar métaphysique. Il est donc plus juste de distinguer dans mon travail plusieurs veines : fantastique (comme « Ordo », « Le Défunt libertin », « Ramon », « L'Ingénieur du silence »), musicale (« Le compositeur », « Le Château de Béla Bartok », « Le Violoniste », « Mozart, c'est moi »), érotique (« La Nuit sera chienne », « Chair ») et policière.

 

Comment est né Simon Rose ?

teaAu début des années quatre-vingt dix, alors que j'avais écrit pour la télévision (France 2), à la demande de René Belletto et Françoise Verny, deux scénarios pour la série Le Lyonnais (« Le massacre de la Saint-Thomas » et « Sanguine »), qui ont été tournés, notamment par Paul Vecchiali, et diffusés plusieurs fois, j'ai été pris d'une furieuse envie d'égorger mes éditeurs, Laure Leroy et Serge Safran qui venaient de fonder Zulma, maison qui a publié onze de mes livres, avec des succès. Ils m'ont conseillé, pas fous, de transformer cette pulsion en polars.

Simon Rose m'a d'abord longtemps occupé l'esprit avant de prendre forme. Je le voulais malin, enquêteur à ses heures (pas trop n'en faut), assez désinvolte, joli garçon aimant séduire, et pas en odeur de sainteté chez les flics.

 

Ce personnage vous a suivi quelles que soient les maisons d’éditions que vous avez fréquentées. Gallimard, Zulma, La Nuée bleue et maintenant Anabet. Ces différents déménagements l’ont-ils perturbé ?noir goncourt

Pas le moins du monde. Simon Rose a poursuivi dans ma tête une carrière totalement indépendante de ses aléas éditoriaux. Trois de ses enquêtes ont paru chez Zulma, deux autres sont des commandes, l'une de Patrick Raynal pour la Série Noire, l'autre de Bernard Reumaux, patron de la Nuée bleue. Enfin, la plus récente, « Noir Goncourt » est une ultime tentative de montrer ce qu'est devenue la littérature aujourd'hui : une assez innommable porcherie.

 

Avez-vous été obligé de vous soumettre à lui et s'est-il imposé partout où il passait ?

Naturellement, un vrai romancier se soumet toujours à son personnage, s'il veut lui donner vie. Simon Rose n'a pas toujours été bien compris. On l'a trouvé paresseux, obsédé sexuel (il ne l'est guère plus que tout homme en bonne santé et dans la force de l'âge) et j'en passe. On lui a cherché des ancêtres, comme l'excellent Nestor Burma. C'est un parrainage que j'accepte volontiers.

 

Parallèlement vous publiez chez J.P. Bayol un recueil de nouvelles, un genre que vous avez abordé avec parcimonie (je ne connais qu’une nouvelle qui a fait partie du recueil collectif « Les treize morts d’Albert Ayler » dans la Série noire, et que vous reprenez dans « La Cathédrale disparue »).

ayler13.jpgJ'ai écrit au moins soixante nouvelles, la plupart parues en revue ou dans des journaux (comme Le Monde ou les NDA). C'est vrai, « La Cathédrale disparue » n'est que mon troisième recueil. Le premier livre signé Genève était déjà un recueil de nouvelles (chez Bourgois, en 1980). Zulma a édité en 2003 « Mes vies américaines », six nouvelles écrites à la suite de plusieurs voyages aux Etats-Unis. Les « Treize morts d'Albert Ayler » était, en effet, une commande de Patrick Raynal, que j'avais rencontré par le biais de mon ami, le poète et romancier Jean-Claude Charles, récemment disparu.

 

Votre rapport avec le jazz ?

J'aime toutes sortes de jazz, surtout Miles Davis et Coltrane, avec une préférence pour le free. Mais mes goûts en matière de musique se portent avant tout sur la musique classique, de Monteverdi à Bartok, de Guillaume Dufay à Dutilleux.

 

Après les questions « bateaux » passons au vif du sujet.

Vous êtes un homme discret, calme, pondéré, du moins c’est ce que j’ai ressenti lors de nos brèves rencontres. L'écriture vous permet-elle de pousser vos coups de gueule, de vous défouler ?

Si l'écriture n'était qu'une occasion de libérer des rages refoulées, elle ne prêterait pas à conséquence. Pris dans le fil d'une narration serrée, on peut épouser la colère de tel ou tel personnage, et dans le monde où nous vivons, chacun connaît des moments où la pression sociale est si forte qu'une explosion est possible. Bref, je ne crois pas que l'écriture doive servir à exhaler ses humeurs, mais qu'une sainte rage peut aider à bien écrire.

 

Les éditeurs détestent se faire avoir, prérogative dont ils entendent conserver le privilège exclusif, écriviez-vous dans Autopsie d’un biographe. Dans Noir Goncourt, vous allez beaucoup plus loin dans cette diatribe enrobée d’ironie grinçante. Avez-vous du ressentiment envers certaines maisons d’éditions ?

J'ai une oautopsieriginalité absolue parmi mes confrères écrivains : j'ai participé au lancement de plusieurs maisons d'édition. En 1984, l'un de mes amis, alors en cheville avec Grasset et qui voulait m'y introduire, a fait lire à François Nourissier le manuscrit du « Dernier misogyne ». Nourissier s'est dit enthousiaste, prêt à soutenir mon roman au-delà de sa parution (on sait ce que cela signifiait : à l'époque Nourissier était LE prescripteur par excellence, tant par son audience comme critique que par son influence au Goncourt). La porte m'était grande ouverte, j'ai préféré suivre mes éditeurs Bernard Barrault et Betty Mialet qui, quittant Stock, créaient les éditions Barrault. Tout s'est bien passé avec eux jusqu'au moment où j'ai commis le crime de signer avec un agent littéraire, François Samuelson.

(J'ai toujours pensé, je le pense encore, que les auteurs français, je parle des professionnels, souffrent de ne pas avoir d'agent, l'édition française mène un combat d'arrière-garde contre cette utile corporation. L'une des conséquences de l'absence de ces agents est la faiblesse notoire de la littérature française à l'étranger).

Donc brouille avec Barrault, qui d'ailleurs ferma sa maison quand à son tour Philippe Djian signa avec le même Samuelson pour passer à l'ennemi (Gallimard).

Qu'à cela ne tienne, après un bref, mais fructueux passage chez Flammarion (à l'invitation de Françoise Verny), j'ai contribué à lancer les éditions Zulma dirigées par Laure Leroy et Serge Safran. Je leur ai confié un petit érotique (« La nuit sera chienne », 1992) qui eut du succès, surtout en poche (Pocket) où il a été réédité plusieurs fois et continue de se vendre. Parti de rien, Zulma s'est imposé comme un éditeur qui compte. Nous avons fait équipe de longues années et pour onze livres (notamment trois Simon Rose) avec des fortunes diverses jusqu'à ce que Laure Leroy eut la curieuse idée de restreindre l'essentiel de sa production française à un seul auteur, lequel se trouve être celui qui partage sa vie. Ce dernier, apparemment, supporte mal la présence de confrères qui pourraient lui faire de l'ombre. En tout cas, exit Genève. La chose est assez drôle, mais je me suis senti floué.

Cela étant, j'aime m'associer à des gens audacieux prêts à tenter l'aventure éditoricathedrale.jpgale - le charme des commencements sans doute. Vous verrez, Jean-Paul Bayol (avec sa collection « L'esprit de l'escalier » animée par Félicie Dubois) comme les éditions Anabet de Nathalie Guiot et David d'Equainville sont des noms qui vont s'imposer. De toute façon, pour « le franc-tireur des lettres françaises » que je suis - je cite un critique -, les grandes maisons me sont aujourd'hui fermées. Un lecteur de Gallimard me disait : tu pourrais leur apporter une « Lolita » et un « Au-dessous du volcan » réunis dans un même manuscrit, Antoine refuserait même de l'ouvrir.

 

C’était une envie, un besoin viscéral d’écrire Noir Goncourt, ou un amusement visant à dénoncer les agissements de deux ou trois maisons d’éditions tenant le haut du pavé germanopratin ?

D'abord l'envie de revenir à Simon Rose, je me sens en pleine confiance avec lui, je le connais si bien. Surtout une volonté réitérée de placer les maîtres du champ littéraire devant leurs contradictions. Il n'est pas acceptable que des écrivains qui gagnent leur vie chez des éditeurs en refusant les manuscrits de leurs confrères se fassent éditer par ces mêmes éditeurs. Je ne suis pas le premier à dénoncer ce système : Gracq, Debray et quelques autres l'ont fait avant moi, sans jamais parvenir à l'amender.

 

Croyez vous que le monde littéraire est une pomme creuse, vidée par les vers ?

C'est vous qui le dites, cher Paul Maugendre. Je ne vous donnerai pas tort.

 

Croyez-vous en vos chances d’être nominé pour un prix littéraire ?

M'en fous. Quand parut mon premier roman (« Ma nuit avec Miss Monde », Stock, 1981), j'ai exigé de Betty Mialet qu'elle n'envoie aucun service de presse aux gens des prix. C'était naïf, mais sans équivoque. Par la suite je n'ai jamais rien écrit, durant ma déjà longue carrière, dans l'intention de séduire quelque jury que ce soit. J'ai eu des prix, quelques-uns gentiment dotés, j'ai dit merci, improvisé le petit discours d'usage, pris le chèque et basta.

 

Avez-vous reçu de la part de vos confrères des critiques laudatives ou acerbes ?

On me félicite, on admire mon culot tout en pensant : « Qu'est-ce qu'il va se prendre comme raclée, le pauvre ! » Non, même pas. Le milieu préfère exécuter par le silence ou la censure. Je figure dans les listes noires de plusieurs quotidiens. A propos du Monde, j'ai pourtant été l'un des premiers à m'indigner que ce journal ait eu pendant des années un chien de garde de l'idéologie libérale à la tête du conseil de surveillance.

 

Et de la part de chroniqueurs littéraires professionnels ou amateurs ?

Jeune auteur, Barthes, Bourdieu, Derrida (devenu par la suite un ami proche) m'ont vivement encouragé. Aujourd'hui comme hier, de nombreux critiques ont salué mon travail. Je pense à Jérôme Garcin, André Clavel, Antoine Wicker, Jacques Lindecker, Dominique Bona, André Rollin, Claire Paulhan, François Cérésa, Laure Adler, Danièle Brison, Claude le Nocher, Antoine Spire, le regretté Jean-Pierre Enard, Bernard Quiriny et quelques autres, dont Bernard Pivot n'est pas le moindre.

 

Simon Rose est un détective qui sort des sentiers battus. Il est loin de l’image que l’on se fait de ce genre de personnage, souvent décrit comme un dur-à-cuire. Envie de vous démarquer d’un système américain qui a fait ses preuves ?

Que certains auteurs français de romans noirs fassent en moins bien ce que les Américains ont si bien fait pendant des décennies me laisse perplexe. Simon Rose, lui, est certes un Européen convaincu, mieux, un citoyen du monde. Très Parisien aussi, même s'il se déplace beaucoup pour mener ses enquêtes.

 

Vous êtes un écrivain éclectique (ça sonne mieux que touche à tout) et parmi votre production littéraire, le roman policier ne représente qu’une part infime. D’où vient ce besoin de toucher à tous les genres ? Et pour vous le roman policier est-il plus exigeant ou travaillez-vous de la même façon quelle que soit la rédaction de l’ouvrage entrepris ?

autopsie.jpgPas infime, non : mon Simon Rose, existe aussi en nouvelles (parues ici et là, en revue ou recueil collectif, elles n'ont pas encore été réunies en un seul ouvrage, cela viendra). Au total, cela représente un bon quart de ce que j'ai écrit.

J'aime la littérature la plus haute, de Rilke à Musil et Blanchot, par ex., mais aussi la populaire. Comme lecteur, j'aime lire en dehors des clous. Les best-sellers me séduisent rarement, mais je sais qu'un livre qui obtient un grand succès peut, parfois, être aussi un grand livre. Simenon, Highsmith, Le Carré sont des maîtres, ils ont pourtant vendu beaucoup de livres.

Le plaisir que je prends à pratiquer tous les genres, ou presque, est peut-être une conséquence de ma boulimie de lectures. Pour tout dire, je crois être plus électrique qu'éclectique. Il y a dans tout ce que je fais une nécessité qui n'apparaît peut-être pas au premier coup d'œil, messieurs-dames, mais qui existe bel et bien.

Bref, j'ai la même exigence pour tout ce que j'écris. Le polar, comme genre, est plus contraignant, donc un peu plus facile. Quand je me lance dans un livre, c'est toujours sans réserve, à la vie à la mort. J'ai mis trente ans pour comprendre que pour écrire une bonne histoire et se laisser porter par elle, il faut savoir renouer avec la bêtise et ce n'est pas simple.

 

Vous pouvez éventuellement, mais c'est fortement conseillé de lire ma chronique sur Noir Goncourt 

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25 août 2012 6 25 /08 /août /2012 12:34

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Né le 24 avril 1942 au Havre, Philippe Huet se tourne vers le journalisme et entre en 1966 au Havre Presse, l’un des deux quotidiens de la ville. Puis en 1972 il passe à Paris Normandie, quotidien régional où il est successivement grand reporter puis rédacteur en chef adjoint. Il fait la connaissance de celle qui deviendra sa femme, Elizabeth Coquart, alors qu’elle était stagiaire de vacances et qu’il en était le chef de service. En 1989 il démissionne et Elizabeth alors directeur départemental adjoint des éditions de l’Eure en fera autant en 1993.

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Dès sa démission, Philippe Huet et son épouse envisagent d’écrire ensemble leur premier livre. Leur choix se porte tout naturellement sur Jacques Gaillot, alors évêque d’Evreux qu’Elizabeth, de par ses fonctions, suit depuis des années. Leur but est de permettre, grâce à un livre d’entretiens, de développer la pensée de Jacques Gaillot sur les sujets sensibles et souvent effleurés dans les médias. Cet ouvrage, Ma liberté dans l’église remporte un succès Bourvil.jpgde librairie important et sera suivi par d’autres ouvrages quelques années plus tard, signés Jacques Gaillot seul ou en commun : Chers amis de Partenia, Les cris du cœur… tous publiés chez Albin Michel. Le succès enregistré par ce premier livre les encourage à poursuivre dans cette voie et ils décident tout naturellement d’écrire la biographie d’un enfant célèbre du pays : Bourvil, ou la tendresse du rire, paru en 1990.

 

jour-fou.jpgIls ne s’arrêtent pas en si bon chemin et paraitront au fil des ans d’autres biographies ou documents : Le jour le plus fou édité à l’occasion du cinquantenaire du Débarquement (récits et témoignages de civils pris dans la tourmente du débarquement allié du 6 juin), Mistinguett, la reine des années folles (1996), Le monde selon Hersant en 1997 (grande figure de la presse dont l’ombre plane sur Nuit d’encre, le dernier roman paru en date de Philippe Huet).

 

Leur méthode de travail habituelle consiste à un travail d’enquête sur le terrain, interviews, recherches, étude de documents, qui s’établit conjointement. Ensuite, suivant un plan précis, ils se partagent les différents chapitres du bouquin, selon leurs affinités et leur sensibilité. Puis ils rédigent alors chacun de leur côté pour finalement remettre tout en commun. Ce qui leur permet de comparer leur approche du sujet et d’ajuster l’ensemble, aussi bien sur le fon que dans la forme (style d’écriture, cohésion du récit notamment).

 

hersantConcernant l’ouvrage sur Robert Hersant, Philippe Huet précise : même si notre méthode de travail n’a pas varié, le cas Hersant est un peu particulier. Au travail d’investigation habituel, s’est ajouté un vécu important. Ainsi le livre est-il émaillé d’anecdotes personnelles et de portraits mordants de ceux qui ont compté dans le groupe. Il y a de l’inédit à tous les chapitres ! Ce que nous avons voulu faire : non pas un ouvrage de spécialistes à l’intention exclusive des journalistes, mais au contraire un bouquin tous publics traité avec recul, et sous la forme d’un roman… La vie de RH n’en était-elle pas un ?

 

Philippe Huet n'oublie pas son passé de grand reporter et il écrit des romans noirs qui lui permettent de transposer des enquêtes qu'il a vécues en les imprégnant de l'atmosphère portuaire du Havre (Atmosphère, atmosphère...) et raconter la vie d'un localier lors de la mainmise de Hersant sur les journaux régionaux et la fusion du Havre Presse quai-oubli.jpget du Havre Libre. Lui et sa femme ont connu Hersant et subi sa façon de procéder. Ils étaient bien placés pour en parler, et bien en parler, à défaut d'en parler en bien. C’est ainsi qu’il crée Gus Masurier, le journaliste héros de ses premiers romans policiers. Gus c’est un peu lui, mais c’est un peu de chacun des fait-diversiers avec qui il a travaillé. Et pour ceux qui ont connu Le Havre dans les années 60, ils reconnaitront sans mal quelques épisodes réels. Par exemple, deux quotidiens concurrents de la ville du Havre se partageaient le lectorat. Hier rivaux et indépendants, ils étaient aujourd’hui jumelés. Plus que ça encore, siamois. Il s’agissait du Havre Libre et du Havre Presse. C’est ce qui l’a motivé pour démissionner. Aujourd’hui il y a confusion des genres. On mélange la presse avec le pouvoir. Il n’est pas rare de voir quelqu’un acheter un journal pour parvenir au fauteuil de maire. Philippe Huet ne se reconnaissait plus dans ce métier : Un matin, je me suis dit : Si je veux continuer à pouvoir me regarder dans la glace, il faut que j’arrête. Je ne veux pas devenir un notable. Je ne voulais pas me retrouver le soutier de rédacteurs en chef de pacotille.

 

bunker.gifQuai de l’oubli, son premier roman, est inspiré d’un fait-divers dramatique qu’il a traité dans les années 70 : trois policiers tués au Havre. J’ai décidé d’en faire un roman policier, ce qui m’a permis de dire souvent avec détachement ce que j’avais sur le cœur. Mon héros, Gus, peut prendre des distances alors que moi, je ne le pouvais pas : Je suis trop impliqué. Suivront La main morte (Grand Prix de littérature policière 1994), Cargaison mortelle, La nuit des docks puis d’autres romans ou recueils de nouvelles dans lesquels Gus n’apparait plus (l’exorcisme a-t-été salutaire ?) : Un jour sang, Les démons du comte, Souk à Marrakech… tous publiés chez Albin Michel. Après un petit passage poubellechez Rivages (Bunker, L’inconnue d’Antoine, L’ivresse des falaises) ou chez Baleine pour un Poulpe, La poubelle pour aller danser, dont l’histoire prend pour décor l’ouest Cotentin et son usine de retraitement des déchets nucléaires de La Hague, Philippe Huet revient chez Albin Michel avec Nuit d’encre, une nouvelle plongée dans le journalisme selon Hersant.

Depuis de longues années Elizabeth Coquart et Philippe Huet vivent dans le nord du Cotentin, non loin de Cherbourg, face à la mer, près de chez Didier Decoin et des jardins de Jacques Prévert.

Sources : correspondance personnelle avec l’auteur et Normandie Magazine n°104 de janvier 1993.

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12 août 2012 7 12 /08 /août /2012 13:05

Un petit hommage à Michel Grisolia, né un 12 aout.


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S’il ne fallait retenir qu’un titre de Michel Grisolia, pour présenter ce romancier, ce serait incontestablement L’Inspecteur de la mer, publié chez Lattès en 1977. Cet ouvrage, qui a obtenu le prix Mystère de la Critique, ne vous dit probablement pas grand-chose, mais si je précise qu’il a été adapté au cinéma par Georges Lautner en 1978, avec comme interprète principal Jean-Paul Belmondo, sous le titre de Flic ou voyou, alors là, tout le monde connait. D’ailleurs c’est sous ce titre qu’il a été réédité.

 

flic-ou-voyou.jpgNé le 12 aout 1948 à Nice, fils d’un artisan chromeur-nickeleur, Michel Grisolia est élève au lycée Masséna de Nice puis termine ses études au Lycée Lakanal de Sceaux en région parisienne puis à Senlis. Il vient à l’écriture par le biais de la chanson écrivant des textes pour son amie Marie-Paule Belle, puis pour Fabienne Thibault, Régine, Demis Roussos. En 1975 il écrit en compagnie de Françoise Mallet-Joris une biographie de Juliette Gréco chez Seghers. Il entame une carrière de journaliste en collaborant au Nouvel Observateur puis à l’Express, rédigeant des articles comme critique cinématographique pour Positif, Le Nouveau Cinémonde, L’Evénement du Jeudi et des revues comme Le Magazine du Mystère. Mais depuis 1972 il écrivait des nouvelles noires ou policières dans Mystère Magazine.

 

En 1978 il reprend son personnage de flic niçois David Géant, créé dans L’Inspecteur de la mer, pour Barbarie Coast toujours chez Lattès, maison d’édition qui publiera ppromenadear la suite Le Choix des armes, Les Guetteurs, ou encore La Chaise blanche. En 1986 il entame une série qui comprendra huit volumes : SOS disparus, qui met en scène une libraire bouquiniste à Nice, Hélène Franck, qui après l’enlèvement et le meurtre de sa fille Agnès fonde une agence dont le principe est de retrouver des personnes disparues. Il s’agit de Les Sœurs du Nord (Prix du Roman d’Aventures 1986), L’homme aux yeux tristes, La Madone noire, La Promenade des Anglaises, 650 calories pour mourir, Nocturne en mineurs, Question de bruit ou de mort et La Maison mère. Cette série sera adaptée pour la télévision en 1990 avec succès et rééditée dans la collection Le Club des  Masques.

 

abbé moisanEn 1991 il s’associe à Francis Girod, réalisateur de nombreux films dont La Banquière, Le Grand Frère, Descente aux Enfers, et décédé le 19 novembre 2006, pour écrire deux romans qui mettent en scène l’Abbé Moisan : Le Mystère de l’Abbé Moisan et La Justice de l’Abbé Moisan, édités chez Lattès. Grisolia et Girod avaient déjà travaillé ensemble : Michel Grisolia avait été scénariste/dialoguiste de Le grand Frère, et avait également signé les scénarii de L’Etoile du Nord, Je vous aime, Le Choix des armes

 

 maison noire

Il écrit quelques ouvrages pour enfants dont Menace dans la nuit édité chez Je Bouqu ine en 1991, et dans sa bibliographie je me contenterai de citer ses deux derniers romans : La Maison noire (Calmann-Lévy – 2005), Beaulieu un soir de pluie (Albin Michel – 2005).

 

Le cinéma était plus qu’un travail, soit comme scénariste, soit comme chroniqueur, mais une véritable passion. Il adapta pour la télévision plusieurs MaigretD’ailleurs Michel Grisolia met en scène un adolescent de quinze ans, dans l’un de ses deux derniers romans L’Excelsior (Flammarion – 1995), adolescent qu’il a peut-être été puisque le décor en est Nice sa ville natale et le cinéma L’Excelsior.

Michel Grisolia, outre des intrigues solides, concrétisées par des adaptations cinématographiques, possédait une écriture élégante et raffinée. Il est décédé à Paris le 29 mars 2005.

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10 août 2012 5 10 /08 /août /2012 15:13

Roland C. Wagner est décédé le 5 aout 2012 à Laruscade (Gironde) dans un accident de voiture. C’était un grand écrivain de science-fiction à tendance humoristique qui fut l’une des étoiles montantes du Fleuve Noir à la fin des années 1980.

 Roland_C._Wagner.JPG

Né le 6 septembre 1960 à Alger dans le quartier de Bab-El-Oued il s’est installé dans les Hauts-de-Seine en 1965, accompagnant ses parents. Son premier contact avec la Science-fiction est provoqué par la lecture des aventures de Guy l’Eclair, parues dans le Journal de Mickey et il se remémore toujours cette phrase : L’un de ses cœurs est arrêté, mais les deux autres battent toujours.

 

A l’âge de dix ans, il découvre la collection Anticipation du Fleuve Noir dont il devient un lecteur assidu. Deux titres le marquent profondément : Sterga la Noire de Louis Thirion, dont il fut un fervent lecteur et La Guerre des Gruulls d’Alphonse Brutsche (alias Jean-Pierre Andrevon). De cette époque date sa décision de devenir écrivain professionnel.

 

Il assiste à sa première convention de SF en 1974 où il rencontre notamment Michel Jeury, Christine Renard et Louis Thirion qui l’encouragent à persévérer. Sa première nouvelle est publiée l’année suivante dans Le Popilius, bulletin édité à l’occasion de la convention d’Angoulême. Après avoir passé un bac littéraire en 1977, il suit des études de lettres, puis d’histoire, exerçant au passage divers petits métiers : employé de banque, manutentionnaire, vendeur de journaux, coursier, opérateur de saisie…

 

Au début des années 1980, il édite onze numéros de Garichenkar, fanzine consacré au rock et à l’expérimentation littéraire abstruse, et apparait au sommaire de revues et anthologies comme Fiction, Futurs, SF & Quotidien, Univers ou encore Mouvance, et plus récemment dans Cyberdreams, Bifrost et Escales sur l’Horizon.

Il est l’auteur (le père comme il aimait écrire) de plus de quarante romans, et de près de cent nouvelles, ainsi que de nombreux articles, portant notamment sur la collection Anticipation, dont une (évidemment) sur Louis Thirion.

 

Il est aussi traducteur occasionnel, essentiellement dans le jeu de rôle (il a été responsable de la rubrique SF de Casus Belli à partir de 1985), mais d’auteurs comme Norman Spinrad, Arthur C. Clarke, Jack Vance, Stephen Baxter ou Catherine Asaro — les deux derniers en collaboration avec Sylvie Denis. Chanteur-parolier de Brain Damage, groupe qu’il intègre en 1983, il a été le fondateur du label underground Shayol Records consacré à l’édition exclusive de disques vinyles à tirage volontairement confidentiel. Parmi ses passions, outre le rock psychédélique, il a un petit faible pour la linguistique et la physique quantique.

 

Parmi sa production, il préfère Poupée aux yeux morts, parce que j’ai passé beaucoup de temps dessus et que j’y ai mis beaucoup de moi-même. Pour l’Odyssée de l’espèce, aussi, parce que c’est un peu une apogée provisoire et que c’est le dernier Anticipation. Et puis pour le Chant du Cosmos, c’est un peu mon Poupée des années 90. Ses auteurs préférés, dans le domaine de la SF sont Robert Heinlein, Cordwayner Smith, Louis Thirion, Norman Spinrad, Jack Vance, en polar Léo Malet (quoique moins depuis la lecture de son pitoyable Journal secret), Raymond Chandler, Ed McBain, Frédéric Dard, Van Gulik, et dans les deux domaines, Fredric Brown et Robert Bloch. Parce que ce qu’ils écrivent me correspond. Je suppose.

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De son abondante production on peut citer :

Au Fleuve Noir : Le Serpent d’angoisse, Un ange s’est pendu, Mémoire des pierres, Prison intérieure, Les futurs mystères de Paris (trilogie de Poupée aux yeux morts - Prix Rosny 1988), Le paysage déchiré, Un navire ancré dans le ciel, La mort marchait dans les rues, Les derniers jours de mai, Le Rêveur des terres agglutinées, L'Autoroute de l'aube, Cette crédille qui nous ronge, Les ravisseurs quantiques, L’Odyssée de l’espèce (Prix Ozone 1998) , L’aube incertaine...

Sous le pseudo de Red Deff : Les psychopompes de Klash, Viper et Ganja (réédité chez Mnémos sous le titre : La sinsé gravite au 21)

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Aux éditions de l’Atalante : Le chant du cosmos, Le temps du voyage, Rêves de gloire, Rêves de gloire, Le train de la réalité et les morts du général, ainsi que la réédition de la série Les Futurs mystères de paris dont les inédits : Babaluma, Kali Yuga et Mine de rien. La série complète se décline ainsi : La balle du néant, Les ravisseurs quantiques, L’odyssée de l’espèce, L’aube incertaine, Teckrock, Toons, Babaluma, Kali Yuga et Mine de rien.

 

Mais Roland C. Wagner a également utilisé les pseudos de Hewagner.jpgnriette de la Sa         rthe pour des nouvelles, Richard Wolfram pour des romans publiés chez Vaugirard dont certains écrits conjointement avec Jimmy Guieu et qui composent la série Blade et Baker, Raoul Verne pour la série des Bob Marone aux éditions de l’Hydre et quelques autres.

 

Ce portrait a été réalisé grâce à un courrier échangé avec Roland C. Wagner, un homme très sympathique que j’ai eu l’occasion et le plaisir de rencontrer à plusieurs reprises.

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8 août 2012 3 08 /08 /août /2012 12:38

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Né le 27 octobre 1927 à Dole (Jura), il fait ses études primaires et secondaires à Dole puis ses études supérieures à Paris. Il est successivement journaliste dans l’armée d’occupation puis fonctionnaire. Il abandonne l’administration pour se consacrer définitivement au journalisme, à la littérature et à la télévision. Il débute par la poésie et son premier poème intitulé « Oradour-sur-Glane », est diffusé clandestinement. En mai 1946 c’est sa première publication intitulée « Mon Journal ». A la libération il collabore à La Libre Comté.


Puis il fait son service militaire, il est soldat dans les troupes d’occupationbesson1.jpg en Allemagne. Il poursuit ses études supérieures à Paris. Après un concours, il obtient un poste de fonctionnaire des contributions dans la région de Morez. A la libération il collabore à La Libre Comté. Puis il fait son service militaire, il est soldat dans les troupes d’occupation en Allemagne. Il poursuit ses études supérieures à Paris. Après un concours, il obtient un poste de fonctionnaire des contributions, il est « rat de cave » dans la région de Morez.


Mais l’écriture le tenaille et il devient journaliste au Progrès de 1951 à 1961, collabore aussi pour La Tribune de Genève et Historia. Il rédige des romans d’espionnage pour les éditions Caribou puis Galic sous le pseudonyme d’Alex Barner, sous celui d’André Frambois pour Eurédif, puis des romans d’aventures et policiers pour le Fleuve Noir dans les années 70. Ses deux passions, l’histoire et sa région, l’ont amené à se consacrer à des ouvrages dans la veine des auteurs populistes dont la source d’inspiration réside dans le terroir, son terroir la Franche-Comté, et le domaine historique, et sont publiés aux éditions Mon Village, basées en Suisse, ou encore aux éditions France-Empire, aux Nouvelles éditions Latines, etc. ainsi qu’un roman historique à tendance uchronique : Le fils de Hitler chez Star éditions.


besson9.jpgIl aime également les voyages, la marche à pied, collectionne les marque-pages et se délecte du vin jaune millésimé du Jura. Parmi sa production il ne fait aucune différence et ne peut donner de titre dont il est le plus fier, ayant écrit avec plaisir et par enracinement à son pays natal le Jura, aussi bien des romans historiques que des romans de terroir et de suspense. Quant à ses lectures, ce sont surtout les ouvrages historiques ou les mémoires auxquels vont ses préférences, pour les mêmes raisons. Auteur dramatique il a fait représenter cinq pièces aussi bien en France qu’à l’étranger. Les radios ne sont pas en reste puisqu’elles ont diffusé dix de ses dramatiques.


Le village englouti, son roman le plus connu, a été adapté pour la télévision dans une série de trente épisodes réalisée par Louis Grospierre et diffusée par TF1, TSR, RTB, RAI, BBC, BAVARIA et des télévisions sud-américaines et africaines. André Besson a reçu de nombreux prix littéraires : le Prix Émile Zola pour « Le Village englouti », le Prix Louis Pergaud pour « La Louve du val d’amour », le prix international du terroir pour « La grotte aux loups », le Prix littéraire de la Ville de Dijon pour « Marguerite d’Autriche », le Grand Prix du roman policier pour « Les Randonneurs », le Prix des écrivains de langue française pour « Une fille dans la forêt », le Prix de l’Académie Française pour « Les Trente jours de Berlin »… et le prix Edgar Faure pour l’ensemble de son œuvre. Ses derniers ouvrages parus sont Les Clandestins de la Liberté et Une poignée de braves aux éditions du Belvédère, ainsi que Alexandre le vannier et Le trésor retrouvé des Templiers aux éditions France-Empire.

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Autres publications (extraits):

Sous le pseudo d’Alex Barner aux éditions Caribou : Panique chez les émigrés ( s.d.); aux éditions Galic : Opération Twist (s.d.); Vendu au F.B.I. (id.) Alerte en Arabie (id.); Panique chez les émigrés (id.); Mission secrète à Rio (id.).

Sous le pseudo de André Frambois aux éditions Eurédif, coll. Atmosphère : Diamants au sang n°13, (1970); Un drôle de témoin n°17 (1970); La nuit des passeurs n°19 (1970); La neige était rouge n° 25 (1970); Cinq morts pour une belle n° 32 (1971); La haine en partage n° 41 (1972); Une odeur de pastis n°55 (1973).

besson10.jpgSous le nom d’André Besson au Fleuve Noir

Collection Grands Romans

Aventure à San Miguel et Les Loups du Val d’Amour.

Collection Spécial Police : L’Homme de la Savane (SP 930) ; Les amants de la dune (SP 1108) et Les Randonneurs (SP 1209).

Aux Nouvelles éditions Latines : Marguerite d’Autriche ( ) Prix Littéraire Ville de Dijon 1965; Marie de Bourgogne ( ).

Aux éditions France Empire : Le crépuscule des maudit; Les trente jours de Berlin ; Une fille de la forêt ; Contrebandiers et gabelous ; Malet, l’homme qui fit trembler Napoléon ; La louve du Val d’amour ; Les maquis de Franche-Comté ; Mon pays comtois.

Chez Star éditions : Le fils de Hitler (1976). besson6.jpg

Editions Mon Village : La grotte aux loups ; Le vent des collines; Le village englouti (1970) Prix Emile Zola de la Société des Gens de Lettres 1971; rééd J’ai Lu n° 1001 (1979); Le barrage de la peur ; Folle avoine; Un printemps pour aimer ; La Marie-des-Bois ; Alexandre le vannier ; Le moulin du silence ; L’infirmière des neiges ; Julie la chance ; La dernière neige ; Grand Prix Fraternité Humaine 1976; Les randonneurs (rééd. de Spécial Police) ; L’homme de la savane (rééd. de Spécial Police) ; Les amants de la dune (rééd. de Spécial Police) ; La neige était rouge ; Le dernier des Auvernois ; Dolorès ; Le voyageur de l’oubli ; Pour un amour perdu ; Le Loup-Garou de la Vallée des Anges; Le secret du colporteur

Vous pouvez découvrir un florilège des romans d'André Besson sur Action Suspense, un blog dirigé de main de maître par mon ami Claude.

 

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besson8.jpgAndré Besson a décidé, dans son testament, de faire don

de tous ses documents à la médiathèque de Dole.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour résumer l’œuvre et la vie d’André Besson voici le discours prononcé à l’occasion de la remise des insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur le 29 mars 2006 :

Cher Monsieur Besson,

Je suis heureux de vous accueillir à la Préfecture ce soir, entouré des personnalités, des parents et des amis, dont vous avez souhaité la présence à vos côtés, pour une cérémonie qui marque toujours la vie d’un homme, si modeste soit-il, car elle exprime la gratitude de la Nation envers un de ses enfants et la reconnaissance de ses mérites par le Président de la République. Au-delà de l’hommage officiel que j’ai plaisir à rendre à l’écrivain, à son œuvre, c’est avant tout à l’homme de cœur et de conviction que je souhaite m’adresser.


Vous êtes né le 27 octobre 1927, à Dole. C’est dire que vous avez 12 ans, quand éclate la Seconde Guerre mondiale, que votre entrée dans l’adolescence est marquée par le spectacle d’un pays meurtri, humilié, occupé. Vous avez 16 ans et demi, quand vous apprenez, un soir de juin 1944, l’épouvantable tragédie d’Oradour-sur-Glane. Un de vos premiers écrits est un poème diffusé clandestinement, que vous intitulez très sobrement « Oradour », dans lequel vous rendez hommage aux victimes innocentes et vous vous insurgez contre la barbarie de ce massacre.


La triste expérience de la vie que vous faîtes à l’âge où un individu s’affirme, s’enthousiasme et s’épanouit, laissera en vous des traces indélébiles. J’en veux pour preuve la place qu’occupe dans votre œuvre cette période noire de l’histoire du XXème siècle, de notre histoire. Votre premier livre en 1946, « Mon journal sous l’occupation », lui est consacré. Vous publiez plus tard « Les grandes évasions de la Seconde Guerre mondiale » et surtout « Les maquis de Franche-Comté ».

 

Merci, Monsieur Besson, d’avoir sorti de l’oubli des hommes et des femmes comme Louis Barsu, le « fusillé » qui échappa miraculeusement à la mort, les sœurs Bergerot de Villevieux qui hébergèrent au péril de leurs vies bien des résistants connus ou inconnus en partance pour Londres, Jean Guyot et bien d’autres qui s’engagèrent dans la résistance par idéal ou pour échapper au STO et qui laissèrent bien souvent la vie pour préserver notre liberté. Soyez sûr que, lorsque je parcours le département, certains villages et lieux retiennent plus particulièrement mon attention, car je sais, grâce à votre témoignage, que là, des hommes et des femmes ont combattu et ont souffert en résistants.

 

Ne pouvant les honorer tous, j’ai choisi, sachez-le, de rendre un hommage particulier le 8 mai prochain à ces dames de Villevieux que vous m’avez fait connaître, car elles illustrent parfaitement à mes yeux tous ces héros de l’ombre, qui n’ont jamais cherché à se mettre en avant, mais ont agi à l’époque simplement, avec dignité, en citoyens et citoyennes, au nom de nos valeurs et pour l’honneur de notre pays.


A la Libération, vous vous découvrez une vocation de journaliste, à la faveur de votre séjour sous l’uniforme de 1946 et 1948. Vous servez au sein des Forces françaises d’occupation. L’armée vous a confié non seulement un fusil, mais surtout une plume. Vous sillonnez l’Allemagne défaite et dévastée après la chute du nazisme. Vous enchaînez les reportages. Vous interrogez vainqueurs et vaincus, civils et militaires, pour livrer, soixante ans plus tard, une fresque historique passionnante, « Les 30 jours de Berlin », dans laquelle vous racontez avec beaucoup de réalisme et d’intensité, les ultimes combats qui se sont livrés dans la capitale du IIIème Reich.

 

Ce récit montre combien vous avez le souci chevillé au corps, de la précision et de la vérité. Après avoir été correspondant de presse au Progrès entre 1951 et 1961, vous optez pour une carrière dans l’administration, car il faut bien avoir un minimum de ressources pour vivre et entretenir un foyer. Je note que vos trente années dans les services fiscaux ne semblent pas avoir été une grande source d’inspiration. Du moins, vous garantissent-elles l’indépendance financière nécessaire pour poursuivre sereinement votre œuvre littéraire.

 

En fait, vous n’avez jamais cessé d’écrire. Vous resterez attaché toute votre vie au journalisme, en collaborant à différents organes. Encore maintenant, on retrouve votre signature dans « la Voix du Jura ». Mais vous préférez développer au fil des ans vos talents d’écrivain et d’historien. Vous publierez des livres chez une douzaine d’éditeurs français et étrangers.

 

Vous êtes assurément éclectique. Vous avez abordé tous les genres littéraires : roman psychologique, roman du terroir, roman policier même sous un nom d’emprunt, biographie, histoire, reportage, livre d’art… Vos œuvres (plus de cinquante) sont traduites dans une demi-douzaine de langues, éditées en livre de poche, en B.D., en cassettes audio, dans les journaux et les magazines du monde entier.

 

Elles ont été lues par des millions de lecteurs. Dix-huit films ou documentaires, adaptés de vos romans ou de vos scénarios originaux, ont été diffusés par les grandes chaînes de télévisions françaises et européennes. Je ne peux pas ne pas mentionner ici l’adaptation célèbre du « Village englouti », qui a tenu en haleine, trente épisodes durant, les téléspectateurs qui s’identifiaient aux personnages déracinés. Vous avez été aussi, dans le domaine de l’audiovisuel, présentateur pendant trois ans d’une émission littéraire, « Tribune livres », sur plusieurs stations de FR3, où vous avez reçu une bonne centaine d’écrivains français et étrangers. Au risque de paraître présomptueux car nous nous connaissons peu, je vous avouerai que je me suis attaché à rechercher quelques traits saillants de votre personnalité. J’en ai retenu trois.

 

- La fidélité : je ne parle pas de celle qui vous unit à votre épouse que j’ai plaisir à saluer à vos côtés ce soir, mais plutôt celle que vous vouez à votre région, la Franche-Comté, et bien sûr plus particulièrement au Jura. Vous avez puisé largement votre inspiration dans l’histoire, les contes et les légendes locales. Les lecteurs franc-comtois apprécient tout particulièrement de retrouver au détour d’une page, un lieu, un fait ou même les traits d’un personnage qu’ils croient reconnaître.

 

Très attaché à votre région et plus encore à votre pays dolois natal, vous ne récusez pas le terme d’écrivain régionaliste, dès lors qu’il est associé à populaire, car vous écrivez pour les autres, pour que vos contemporains oublient l’espace d’une lecture les tracas du quotidien et puisent aux racines mêmes de la culture locale. L’écriture est simple, accessible au plus grand nombre par la qualité notamment des dialogues et la force des relations entre les personnages et leur environnement.

 

Vous êtes un ambassadeur du Jura dont l’audience nationale et internationale fait autant pour la renommée de sa région qu’une bonne campagne de communication de l’office du tourisme. Vous avez d’ailleurs contribué personnellement à la rédaction de revues ou de guides touristiques sur la Franche-Comté et mis en valeur son patrimoine culturel, naturel et historique à travers une quinzaine d’ouvrages, dont « une fabuleuse histoire du sel ».


- Deuxième trait saillant de votre caractère, l’humanisme : celui-ci apparaît à travers la place qu’occupe l’homme dans l’ensemble de votre œuvre. Vous témoignez pour lui d’une curiosité d’esprit sans limite. L’homme est au cœur de vos écrits, l’homme authentique. Je pense au vieux berger, Francis Capron, qui refuse obstinément de quitter sa maison qui doit être dynamitée avant d’être engloutie. Je pense aux ouvriers du barrage et à leur contremaître, emmurés à la suite d’un éboulement. Vous explorez leurs âmes, leurs motivations. Vous vous attachez à décrire leurs caractères et faîtes d’eux des héros simples et attachants. Votre humanisme apparaît également dans votre approche de l’histoire. Vous vous efforcez de comprendre les personnages dont vous tracez la biographie, comme « Marie de Bourgogne » ou « Malet, l’homme qui fit trembler Napoléon », et surtout « Victor Hugo ».


- Troisième trait, la simplicité : de nombreux prix littéraires ont jalonné votre carrière. Entre autres, le Prix Émile Zola pour « Le Village englouti », le Prix Louis Pergaud pour « La Louve du Val d’amour », le Prix littéraire de la Ville de Dijon pour « Marguerite d’Autriche », le Grand Prix du roman policier pour « Les Randonneurs », le Prix des écrivains de langue française pour « Une fille dans la forêt », le Prix de l’Académie Française pour « Les Trente jours de Berlin ».

 

Ils ne vous ont pas tourné la tête. Vous êtes resté le même avec vos proches, vos amis, vos lecteurs, toujours accessibles aux uns et aux autres, toujours d’une grande courtoisie, une vertu qui a tendance à se perdre dans le monde stressé où nous vivons, toujours militant en faveur des lettres jurassiennes, toujours disponible pour répondre à toute sollicitation s’il s’agit de promouvoir auprès des jeunes notamment le goût de la lecture ou de l’écriture.

 

Vous m’avez fait non seulement un grand plaisir, mais aussi un grand honneur, en me demandant d’être votre parrain dans la Légion d’Honneur. Je vais vous remettre maintenant les insignes que vous avez mérités. Soyez sûr que les mots que je vais prononcer, le geste que je vais accomplir devant le drapeau de la Société d’entraide des membres de la Légion d’Honneur, ne sont pas seulement ceux du représentant de l’Etat dans le cadre de ses fonctions, mais ceux d’un lecteur reconnaissant et d’un Jurassien de fraîche date pour tout ce que vous lui avez apporté.


« Monsieur André Besson, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier de la Légion d’Honneur ».


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