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30 mai 2016 1 30 /05 /mai /2016 08:54

Ce qu'on appelle l'esprit sain ?

Jean-Jacques REBOUX : L'esprit Bénuchot.

Tout a commencé avec la fin du monde. Ou presque.

Car la fin du monde n'a pas eu lieu. Les oracles péruviens se sont trompés dans leur palindrome chiffré. Elle se produira le 21 12 2112, et non le 21 décembre 2012. C'était juste un petit aparté, qui n'a rien à voir avec notre ami Bénuchot dont on n'a pas encore fait la connaissance, mais cela va se produire immédiatement sous peu.

J'écrivais donc, avant de m'interrompre, que cette histoire a débuté avec la fin du monde, tout au moins à la date prévue pour cet événement qui a déjoué tous les pronostics.

Léa sort d'une petite réunion arrosée entre amis, et en cours de chemin elle est agressée par un individu qui veut la violer. C'est sans compter sur Bénuchot, soixante-dix huit ans, ancien chauffeur de taxi à la stature impressionnante. L'indélicat assommé rejoint la fosse confortable d'un conteneur à détritus et Bénuchot propose à Léa de la raccompagner chez lui afin de lui permettre de réajuster sa tenue. Léa est fort impressionnée par le pavillon en meulière dans lequel Bénuchot habite, pavillon situé dans une impasse de la Rue de la Grange-aux-Belles. Et l'intérieur est tout autant étonnant avec ses bibliothèques vitrées contenant plus de quatre-cents carnets dont les couvertures sont de couleur différente selon les notes prises par Bénuchot.

C'est aussi ce qui rapproche Léa et Bénuchot, ces carnets. Car la rencontre entre la jeune fille et le vieil homme ne date pas d'hier, mais de quelques mois alors que Léa lui avait posé en pleine rue une question dont la réponse devait être consignée dans son carnet d'impressions. Une réponse qu'il devait fournir sans réfléchir. La question étant Y'a-t-il une vie avant la mort ? Il s'était laissé attendrir par Léa et l'avait suivie et c'est ainsi que ce soir-là, jour de fin du monde, il s'est trouvé sur son chemin.

Léa devra, si elle accepte cette mission rémunérée, mettre les notes de Bénuchot au propre, réécrire le film de sa vie, une biographie qu'elle devra dégraisser en lisant les carnets quels qu'ils soient. Les noirs exceptés, mais ce n'est pas une interdiction formelle. La curiosité étant l'apanage des personnes s'intéressant à leurs concitoyens, Léa ouvre les carnets comme si elle entrait dans la chambre de Barbe-Bleue. Il n'y a pas grand chose à découvrir, qu'une seule phrase par calepin, du genre Et si tu avais rêvé ? ou Et s'ils étaient morts pour rien ? Enigmatiques en diable ces énoncés qu'elle s'empresse de partager avec son amie Olivia.

Bénuchot est bon prince et sa protégée va vivre chez lui, tandis que de temps en temps il s'absente, se rendant en un endroit tenu secret. Il l'emmène chez un sien ami, le notaire Biscop, dont les antécédents ne sont pas tristes quoique, afin de rédiger un contrat en bonne et due forme. Il est généreux Bénuchot, et Léa ne peut que se louer de cette rencontre pas forcément improvisée.

Bénuchot est un graphomane observateur impénitent à la recherche, la quête d'un père mort ou presque, disparu, et d'une fille, Adèle, décédée d'un accident de la circulation. Elle est morte Adèle mais elle revit sous les traits de Léa qui lui ressemble fortement.

C'est ainsi que le lecteur découvre en même temps que Léa le parcours de Bénuchot, parcours empli de heurts en tout genre, de petites joies, de grandes peines, de rencontres improbables, de marches en solitaire dans Paris, de stations dans des cafés et des restaurants même si Bénuchot est un cuisinier averti. Des cassettes sont également à sa disposition dans lesquelles Bénuchot se confie. Tout y passe. Sa jeunesse, la disparition de son père après avoir été interné dans un camp nazi où il avait fait la connaissance d'un homme qui l'avait initié à la physique quantique, la mort d'Adèle dont il ne se remet pas, sa vie familiale avec Adrienne. Les petites joies de la vie en couple et les accrochages. Et ceux à qui il doit de petits bonheurs et surtout ceux qu'il exècre pour une raison ou une autre. Comme un voile qui peu à peu se déchire et montre le côté obscur d'un homme qui pourrait être un mythomane.

Car a-t-il réellement vécu tout ce qu'il narre? Et sa mémoire est vivace, se remémorant des années après les noms de personnes qu'il n'a côtoyé que peu de temps. Seulement il défaille parfois notamment dans l'âge d'Adèle. A un certain moment elle a vingt-trois ans lorsqu'elle décède, ailleurs c'est vingt-neuf. Il est vrai qu'à près de quatre-vingt balais et sous le coup d'une douleur toujours vivace, on peut se tromper. D'autant que dans le recensement des personnages en fin de volume, il est précisé qu'elle a vécu de 1965 à 1991.

 

 

Sous cette couverture austère ne se cache pas un obscur et aride traité de physique cantique, pardon quantique, un missel narrant la vie édifiante d'un sain d'esprit confit comme une oie en dévotion, mais au contraire une œuvre relatant les aventures bouillonnantes et foisonnantes d'un ancien chauffeur de taxi quelque peu télépathe dont le passage sur Terre aura été consacré à observer ses contemporains et à corriger quelques erreurs dans leurs agissements.

Un roman à particules qui se décline comme l'arc-en-ciel en différentes couleurs. On passe du grave au comique, du réfléchi au vaudeville, de l'espérance à la déprime, du traité de philosophie au bon sens populaire, ce qui est souvent contradictoire, du sérieux au roman-feuilleton digne de Pierre Dac et Francis Blanche. Par exemple les divagations raisonnées sur la physique quantique côtoient l'enregistrement d'une réunion de membres, dont Biscop, se référant à la Mandragore, les Compagnons de la Mandragore, les plaisanteries fusant au milieu de moments de colère, la conversation tournant autour des pendus et de leur virilité et du produit de leur sécrétion séminale.

Les chapitres se suivent mais se déclinent comme autant de nouvelles à savourer dans ce qui forme une quête, une enquête, dans laquelle l'amour et la haine se juxtaposent, explorant toute la palette des sentiments, et que le lecteur ne peut lâcher.

D'une écriture vive Jean-Jacques Reboux met en scène un quidam qui ne laisse pas de glace. Bénuchot ce pourrait être, vous, moi, l'auteur, qui sait, avec un peu d'imagination et d'introspection, n'importe qui et tout le monde pourrait se calquer sur ce héros de papier peut-être vivant.

 

Jean-Jacques REBOUX : L'esprit Bénuchot. Lemieux éditeur. Parution avril 2016. 544 pages. 22,00€.

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29 mai 2016 7 29 /05 /mai /2016 07:38

Les hommes préfèrent les blondes ? Je demande sept ans de réflexion...

Philippe LAGUERRE : Manhattan Marilyn.

Si Marilyn n'avait connu un si tragique destin, l'aura dont elle jouit encore de nos jours serait-elle aussi brillante ? La question mérite d'être posée, mais vous n'aurez jamais la réponse.

Quoi qu'il en soit, Philippe Laguerre revient sur ce drame, ce destin brisé, mais également sur tout ce et ceux qui ont entouré cette étoile filante du cinéma.

Née d'un père émigré mexicain et d'une mère new-yorkaise, Kristin Arroyo milite au sein du mouvement Occupons Wall Street, avec pour slogan Nous sommes les quatre-dix neuf pour cent. A trente-quatre ans et dix années passées comme Marine en Afghanistan, elle vit seule et sans ami(e)s. Elle n'a pas eu une jeunesse facile, suivant des études à l'Université où elle était rejetée à cause de son côté Hispanique, puis l'enchaînement de petits boulots et enfin son engagement à l'armé deux mois après les événements du 11 septembre. Elle a obtenu le grade de lieutenant, profitant de ses permissions pour voyager puis elle a décidé de regagner New-York, vivant de son pécule et de l'héritage immobilier de ses parents.

A son retour elle se retrouve dans les mêmes dispositions d'esprit qu'à son départ, et sa solitude ne l'empêche pas d'analyser la situation de son pays. Elle avait compris que les lobbies pesaient toujours plus sur la société, au pont de devenir plus important même que le bulletin de vote des citoyens américains. Et c'est ainsi qu'elle s'engage dans ce mouvement dénonçant une Amérique malade de la crise économique.

En ce 12 octobre, parmi la foule qui défile dans le parc Zuccotti, elle percute un homme qui photographie les participants de cette manifestation. Il se présente, Nathan Stewart, photographe professionnel, et il aimerait réaliser plusieurs clichés d'elle et sur le combat qu'elle mène. Au départ réticente, elle cède devant les arguments de ce quinquagénaire sympathique et une semaine plus tard elle se rend dans sa galerie afin de sélectionner les photos susceptibles d'être intéressantes pour figurer dans une exposition.

En discutant avec Nathan, elle se souvient qu'elle possède une malle héritée de son grand-père, Edward Pyle, lui même photographe. Or ce qu'elle ignorait c'est qu'il était connu et reconnu dans la profession, et parmi les nombreux clichés qu'elle déniche, figurent des portraits de nombreux artistes des années 50 et 60, dont quelques tirages représentant Marylin Monroe. Nathan examine soigneusement les tirages et est interloqués par certaines d'entre elles. L'une d'elle représente Marilyn dans le désert, avec en arrière-plan une fusée. Un détail anachronique, mais d'autres photos présentent elles aussi des détails troublants.

Aussitôt Nathan décide d'organiser une autre exposition mettant en parallèle Kristin et Marilyn et lors de ce que l'on peut appeler le vernissage, elle s'aperçoit que cette rétrospective attire du monde. Notamment Michael Pear, un jeune homme qui travaille à la Fondation Monroe, un ami de Nathan. Michael, un golden boy, représente tout ce que Kristin combat, l'argent gagné facilement. Deux mondes qui s'affrontent, mais si les atomes ne sont pas crochus à leur première rencontre, bientôt ils vont tisser une complicité qui ne demandera qu'à s'exprimer plus amoureusement. Nathan n'a pas exposé toutes les photos et alors qu'il en montre certaines à Michael, un homme s'approche et sans vergogne les compulse. C'est le début d'une aventure dans laquelle Nathan va perdre la vie, et à laquelle Kristin est mêlée à son corps défendant. Car ces photographies attisent la curiosité et n'auraient jamais dû sortir de leur cachette recélant un secret d'état.

Des policiers, des agents du FBI, des membres d'une organisation nommée le Triangle de Fer défiant les lois et passant au-dessus des régimes politiques, et d'autres, n'auront de cesse de prendre Kristin pour cible, et Michael par la même occasion.

Tout est lié à ces photographies représentant Marilyn et si mystère il y a , il faut le percer afin de battre leurs adversaires qui ne manquent pas d'arguments frappants tout en défendant leur vie. Et remonte alors à la surface les thèses d'un complot, d'un faux suicide, d'un meurtre déguisé, avec pour principaux protagonistes le président américain de l'époque, et son frère, leur implication dans le décès de la vedette. Il s'agit de la recherche d'une vérité engluée dans les rumeurs et les thèses diverses, peut-être plus farfelues les unes que les autres, avancées pour cacher une réalité bien plus embarrassante.

 

Un roman ambitieux qui tient toutes ses promesses. Philippe Laguerre part d'une hypothèse qui pourrait être jugée saugrenue, insolite, mais parvient à la rendre crédible grâce à cette magie des explications étayées avec rigueur. L'invraisemblable peut cacher des vérités encore plus incroyables que la réalité et il n'est pas vain de rêver que tout ceci pourrait être vrai.

Mais au-delà du mythe Marilyn et des mésaventures vécues par Kristin et ses amis, c'est Manhattan qui se trouve en vedette. Philippe Laguerre ne décrit pas cet arrondissement de New-York comme un guide touristique mais en voyageur-explorateur tombé amoureux de cette portion de ville dans la mégapole.

Et surtout c'est le regard porté sur ses habitants, ou plutôt une frange de la population dédaignée par les administrations et les politiques. Les vétérans du Vietnam et de l'Afghanistan, des valides partis combattre pour la renommée de la patrie et rentrés éclopés, délaissés, abandonnés, trouvant refuge dans des coins improbables, dans des tunnels, mais qui possèdent encore l'honneur de survivre sans devenir des hors-la-loi.

Si le mythe de Marilyn sert de prétexte, quoi que l'égérie du cinéma y figure de façon prégnante, on croirait même presque la voir, ce roman est également une diatribe contre les agissements des multinationales qui passent les lois des Etats pour affirmer leur prépondérance financière, économiques, au détriment de la population. D'où ce mouvement des Quatre-dix neuf pour cent, qui représente le pourcentage de pauvres par rapport à celle des nantis.

Un regard sans concession et une intrigue diabolique qui monte en puissance au fil des chapitres qui s'enchainent inexorablement, un peu à la manière des feuilletons d'antan. La dernière phrase relançant l'action qui va suivre.

 

Depuis toujours, le monde appartient aux grosses fortunes. Elles sont au dessus des frontières et des lois. Elles rachètent les médias, paient les campagnes présidentielles et diffusent des divertissements abrutissants.

Nous parlons bien des Etats-Unis, non ?

Philippe LAGUERRE : Manhattan Marilyn. Thriller. Editions Critic. Parution le 19 mai 2016. 340 pages. 19,00€.

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27 mai 2016 5 27 /05 /mai /2016 15:15

Lorsque l'assassin défie le temps...

Michel BUSSI : Le temps est assassin.

Le 23 août 1989, alors que Clotilde, alias Clo, consigne dans un carnet ses petits secrets et rêvasse, elle est happée par la main par son père qui est pressé. Tout le monde en voiture. Paul, le père, est nerveux, Palma, la mère, à côté de lui est non moins nerveuse, et derrière les deux gamins, Nicolas statique et Clo qui déplore avoir oublié son précieux carnet sur le tronc d'arbre sur lequel elle était assise. Papa conduit vite, trop vite et l'accident est inévitable. La voiture défonce une barrière et plonge dans la mer en dessous du ravin. Lorsque Clo sort de son étourdissement, elle est hospitalisée et la seule survivante. Elle n'a que quinze ans.

Vingt sept ans plus tard, Clo revient sur le théâtre de cet accident, au camping des Euproctes, celui où elle passait ses vacances avec ses parents, situé sur la presqu'île de la Revelatta, non loin de Calvi. Elle est mariée avec Franck, qui connait ses antécédents familiaux, et ils ont une gamine, Valentine, dite Valou, du même âge que Clo lors de cet été funeste.

Ce n'est pas vraiment un pèlerinage qu'effectue Clo, mais presque. Car à quelques kilomètres de là, à la bergerie d'Arcanu, vivent encore ses grands-parents. L'accident dont ont été victimes ses parents et son frère lui taraude toujours l'esprit. Son père n'avait pas braqué le volant, il avait foncé tout droit dans les barrières de protection de la corniche de Petra Coda. Et la moindre des choses, c'est bien de déposer un bouquet de fleurs à l'endroit où la voiture a dévalé le ravin. Quelques minutes de recueillement, c'est peu, et pourtant c'est déjà beaucoup pour Valou et Franck.

Le camping des Euproctes est dirigé par Cervone Spinello, le fils de l'ancien directeur. Cervone, qu'elle n'aimait guère à l'époque faisait partie de la petite bande qu'elle formait avec quelques autres adolescents. Elle va retrouver d'autres compagnons, filles et garçons, qu'elle fréquentait plus ou moins à l'époque. Ils ont vieilli, comme elle, ils ont changé, comme elle, certains ont disparu de la circulation, d'autres se sont fait un nom et sont devenus plus ou moins célèbres. Les souvenirs affluent.

Dès les premiers jours, quelque chose ne tourne pas rond. D'abord une lettre l'attend à l'emplacement de la caravane que ses parents louaient. Une lettre non signée mais c'est l'écriture de sa mère, Clo en est sure. Et le contenu est une forme de prière. Elle doit se tenir le lendemain sous le chêne vert de la bergerie d'Arcanu, lors de sa visite chez Cassanu et Lisabetta, ses grands-parents. Et Valou, sa fille, devra être présente également. Une mauvaise blague, sans aucun doute, pourtant comme le ver dans le fruit, cette missive la perturbe. Et alors qu'elle désire prendre ses papiers dans le coffre où elle les a déposé, elle s'aperçoit qu'ils ont disparu. Un coffre fermé par une combinaison.

Peu à peu, le drame s'installe, d'abord diffus. Selon un ancien gendarme en retraite, qui aurait participé à l'enquête, l'accident ne serait pas dû à un défaut de maîtrise de la part du conducteur mais à un acte de sabotage. A la bergerie, Orsu, qui travaille au camping, a appelé son chien Pacha. Comme celui qu'elle possédait lorsqu'elle jeunette. Un vieil Allemand, habitué du camping, aujourd'hui veuf, mais dont le fils fréquentait la petite bande, est un passionné de photographie. Et depuis des décennies il entasse les clichés dans des cartons. Lorsque Clo lui demande si elle peut regarder celles de l'année 89, il accède à se demande sans rechigner. Hélas, le carton est vide, les photos se sont envolées, volées.

Valou manque se casser les os lors d'une sortie organisée, alors qu'elle devait plonger dans la mer, attachée par une corde, afin de ne pas se fracasser sur les rochers et laisser emporter par les eaux. Le mousqueton lâche, probablement saboté D'autres événements se précipitent, et le drame qui couvait se transforme en tragédie, ou du moins ça y ressemble. Clo reçoit d'autres messages de sa mère, ou d'une personne qui s'est substituée à elle.

 

Tel Pénélope qui le jour tissait sa tapisserie et la nuit la défaisait, la détissait afin de prolonger le temps, Michel Bussi construit son histoire en habillant la trame de son histoire avec des épisodes, des événement, des personnages, des sentiments, puis il détricote ce qu'il a patiemment assemblé pour reprendre et offrir de nouvelles images sur une toile tout en gardant l'esquisse originelle, les fils étant entremêlés de façon différente mais toujours dans un décor identique.

Un jeu de miroir habilement développé car l'histoire des jours qui ont précédé l'accident qui ont coûté la vie des parents de Clo ont été consignés dans le carnet qu'elle trimbalait partout avec elle. Un carnet qui était resté abandonné sur le tronc d'arbre à la bergerie alors que son père l'entraînait de force. Un carnet qui n'a pas été perdu pour tout le monde et qu'un lecteur inconnu lit, ou relit, avidement, laissant parfois transparaître ses sentiments mais pas son identité.

Comme dans une galerie des glaces où l'image se déforme quelque peu, à cause des souvenirs de Clo qui ne sont pas forcément le reflet de la réalité, le lecteur vit intensément les quelques jours entre l'arrivée de Clo et sa petite famille dans la presqu'île de la Revelatta, et les événements qui se sont déroulés vingt-sept ans auparavant. Tout s'imbrique et se détache en une succession inexorable d'épisodes qui vont crescendo.

La magie Bussi opère une fois de plus, plus intéressante dans la puissance d'évocation que dans son roman précédent, Maman a tort, dans une construction implacable, à l'égale de Nymphéas noirs, et qui marque le lecteur. Un suspense qui oblige le lecteur à ne reposer le livre qu'une fois le mot fin apparait et qui réconforte.

Cela nous change d'une production actuelle où tout est basé sur des histoires répétitives de banlieues, de marlous de banlieues, de drogue, de casses mal ficelés, de délinquants minables, le tout dans un style déplorable et une écriture bâclée qui se veulent être modernes mais qui ne sont que le mépris de la langue française.

 

Michel BUSSI : Le temps est assassin. Editions Presses de la Cité. Parution 4 mai 2016. 544 pages. 21,50€.

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26 mai 2016 4 26 /05 /mai /2016 13:01

Mais viande saignante...

Claude AMOZ : Bois-brûlé.

Comme bon nombre de romans qui paraissent actuellement Bois-Brûlé ne se démarque pas de cette forme d’obsession envers les périodes troubles, et joue en filigrane avec les cicatrices morales de la Grande Guerre et des évènements d’Algérie.

Ce ne sont que des images, avec une résonance matérielle, éclats d’obus, queues de grenades, ossements, mais qui expliquent le comportement des “ héros ”, du moins des protagonistes.

Victor Brouilley, standardiste dans une maison d’édition, plaque tout du jour au lendemain, sur un coup de tête. Il a cru reconnaître sur les photos d’un magazine la maison où il passait enfant ses vacances, avec comme occupante Mara, une chanteuse populaire.

Viviane vit à Bois-Brûlé, en lisière de la forêt d’Argonne, avec son fils Stephen, dont le père est parti soigner ses blessures et celles des autres et Martin Tissier, notaire. Stephen n’apprécie guère ce père de substitution, et Viviane n’attend que le retour du géniteur. Leila a été embauchée, le temps des vacances de Pâques comme baby-sitter de Stephen.

Le drame naît lors de l’arrivée de Victor, mais en est-il vraiment responsable ? Les images qui se bousculent dans la tête des protagonistes sont autant de photos choc qui s’inscrivent dans l’esprit.

 

Claude Amoz découpe son histoire d’une façon insidieuse, laissant le suspense monter, s’installer, tarauder l’esprit du lecteur qui croit détenir une vérité habilement déformée et dont l’ambiguïté ne sera levée qu’à la toute fin du dernier chapitre.

 

Claude AMOZ : Bois-brûlé. Rivages Noir N°423. Parution février 2002. 320 pages. 8,65€.

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25 mai 2016 3 25 /05 /mai /2016 13:54

Sous les projecteurs de Charlie Hebdo...

Marek CORBEL : Mortelle sultane.

Le 7 janvier 2015, un attentat contre Charlie Hebdo était perpétré. Le 9 janvier de la même année, c'était un hyper casher qui se trouvait pris pour cible. Le 11 janvier une foule immense manifestait pour montrer son soutien aux victimes. Parmi celle-ci des inconnus et des politiciens de tout bord, surtout présents par démagogie. Trois événements qui ont marqué la vie politique et médiatique.

Pourtant un autre épisode a été passé sous silence. Celui d'un forfait ayant pour protagonistes trois femmes. Sihem, trentenaire issue d'une banlieue dite défavorisée, de ces cités qui ont poussé comme des champignons et en possède la durée de vie, délabré aussitôt construites. Avec elle Diane, la bimbo et Laurence, plus âgée et surtout abonnée aux alcools forts qui lui détruisent les neurones, un palliatif pour masquer sa déchéance. Et en ce 12 janvier, à bord d'une voiture déglinguée, Sehim récupère ses deux complices avant de rejoindre Roissy pour une destination aléatoire : Dubaï ou Collioure. Au choix.

Pendant ce temps, le lieutenant Belkacem, promu capitaine au Château des Rentiers, haut lieu de la brigade financière, depuis le 1er janvier, tente de prendre ses marques, habitué qu'il était à bosser au commissariat du XIIIe. Fini le bitume à arpenter pour ce péripatéticien policier. Mais auparavant il doit passer au 36 quai des Orfèvres, où il retrouve avec plaisir Alain Charry, lieutenant à la Crim, dit le Pinède à cause de sa taille et de son origine landaise. L'envers du décor, c'est le commissaire divisionnaire Monteil, un homme irascible, incisif aux dents longues. Heureusement son ami Duval est toujours présent pour l'aider dans les coups durs.

Par l'un de ses indics, Belkacem apprend qu'une opération doit avoir lieu, mais il faut trouver le commanditaire, un certain Kader, un caïd de banlieue. Charry, qui ne charrie pas, lui signale qu'Aguarelli, un Corse, vient d'être transformé en passoire, un déguisement comme un autre mais auquel on ne survit pas. L'année commence bien.

 

La lecture de ce roman m'a donné l'impression d'être un spectateur entrant par hasard dans une salle de cinéma, alors que la projection du film a débuté depuis un certain temps, et partant alors que la séance n'est pas terminée. Je dois avouer que je n'ai pas tout compris au film, me laissant bercer par des images, des répliques, des situations qui se juxtaposent comme de courts-métrages.

On passe allègrement du 12 janvier au 6 janvier, puis on retrouve le 12 pour remonter au 7, ainsi de suite jusqu'à la fin du roman, dont l'avant dernier chapitre est daté du 12 et l'épilogue du 11.

Etant un vétéran de la lecture (je déteste l'hypocrite mot senior utilisé pour définir les retraités), je commence à avoir les neurones fatigués, et peut-être est-ce pour cela qu'il faut m'expliquer longuement le pourquoi du comment, alors que dans cette histoire tout est plus suggéré que développé.

Un roman destiné aux quadragénaires aimant s'imbiber dans une nouvelle histoire de banlieue, ancrée dans un contexte historique. Wesh...

Marek CORBEL : Mortelle sultane. Collection Noir de Suite. Editions du Horsain. Parution 20 mai 2016. 144 pages. 8,00€.

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24 mai 2016 2 24 /05 /mai /2016 12:50

Georges Brassens était vraiment un anticonformiste. Pour preuve...

Jean-Paul SERMONTE : La tombe buissonnière de Georges Brassens.

Venir de la Haute Saône afin de se recueillir sur la tombe de Georges Brassens au cimetière du Py à Sète, et se retrouver devant une sépulture vide, telle est la mésaventure qui arrive à Marguerite Huon, qui n'est pas huée mais en tombe de saisissement.

Elle alerte immédiatement le gardien qui flânait dans le quartier, et aussitôt le premier adjoint au maire, le directeur du complexe funéraire, le commissaire de police se retrouvent tous devant ce sépulcre où ne résonne pas la voix de Georges Brassens chantant Elégie pour un rat de cave. Les caves, ce sont eux, et il faut faire quelque chose. Mais quoi ?

Le monde politique, le monde médiatique, le monde tout court en reste pantois. Il est vrai que les braves gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux. Et Georges Brassens qui sort de sa tombe est un fait peu commun. D'accord il a été aidé, il faut maintenant découvrir par qui et pourquoi.

Pour calmer l'opinion, Sophie Lavigne, policière de trente trois ans et fille de policier, est chargée de mener l'enquête, associée à Arnaud Rivière de la Botté, quinquagénaire oisif fin connaisseur de l'œuvre de Georges Brassens. Une homme, une femme, qui au premier abord ne sont guère fait pour s'entendre, mais il leur faut mettre de l'eau dans leur vin, et peu à peu les relations tendues vont se distendre et même va naître entre Sophie et Arnaud une forme de complicité.

Ce qui pourrait être un canular ne fait pas rire tout le monde. D'autres, des petits malins sans aucun doute, à moins que ce soit les mêmes qui désireraient monter une collection, tentent de subtiliser le cercueil de Gilbert Bécaud. D'autres chanteurs célèbres, à textes bien évidemment, vont-ils attiser la cupidité de ces énergumènes ?

 

Dans un contexte policier, il s'agit pour Jean-Paul Sermonte de rendre un hommage à un poète qui défiait dans ses chansons la Camarde. Une quasi vénération de la part d'un érudit fondateur de la revue Les Amis de Georges, lui-même auteur-compositeur et interprète.

Hommage appuyé mais avec une certaine dérision, et l'on croit voir l'ami Georges Brassens, toujours aussi pétulant, les yeux pétillant de malice, rire dans sa moustache, un sourire moqueur au coin des lèvres, et chantonner Les croque-morts améliorés.

Qui va permettre aux braves gens
De distinguer les funéraires,
Les anciens croque-morts ordinaires,
Des galopins un peu folâtres
Qui se mettent en deuil exprès
Les croque-morts améliorés !

Si le croque-mort s'en va sifflant
Les joyeux couplets à  vingt francs,
C'est un honnête fonctionnaire,
C'est un croque-mort ordinaire.
Mais s'il écoute en idolâtre
Les disques des be-bop cassés,
C'est un croque-mort amélioré !

 

Le lecteur, même jeune, qui ne connait que de nom Georges Brassens et seulement deux ou trois chansons, lestes et paillardes comme Gare au gorille ou Quand Margot dégrafait son corsage, sourira à ce texte empreint de bonhommie, qui nous change des déférences laudatrices et compassées.

Sans vouloir l'affirmer, il me semble qu'il s'agit ici d'une réédition de Brassens ou la tombe buissonnière, publié en 2006 aux éditions Didier Carpentier.

Première parution supposée aux éditions Didier Carpentier. Parution 4 mai 2006. 110 pages.

Première parution supposée aux éditions Didier Carpentier. Parution 4 mai 2006. 110 pages.

Jean-Paul SERMONTE : La tombe buissonnière de Georges Brassens. Editions du Moment. Parution 4 mai 2016. 182 pages. 14,95€.

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22 mai 2016 7 22 /05 /mai /2016 17:07

Sans béquilles...

Michel LEBRUN : Les rendez-vous de Cannes.

Dans le Train bleu qui le mène à Cannes pour le rendez-vous annuel des producteurs de cinéma, des metteurs en scène, des vedettes confirmées ou en devenir, et des scénaristes, une profession souvent méconnue et confidentielle, Richard Bernier retrouve inopinément Nikki, alias Nicole, qui fut maquilleuse.

Comme si ces retrouvailles, rapidement expédiées, devaient lui remettre en mémoire Mélissa, une star à laquelle une rétrospective est prévue et qui a disparu dix ans auparavant, dans des conditions non élucidées. Certains parlent d'accident, d'autres de suicide. Richard possède son opinion, mais il la garde pour lui.

A la descente du train, Richard retrouve également Quibet, un producteur qui telle la grenouille qui voulait devenir plus grosse que le bœuf possède un embonpoint conséquent mais n'atteint pas les sommets de la création. C'est un raté qui aimerait pouvoir enfin percer dans la profession.

Comme à son habitude, Richard a loué une chambre au Carlton, mais Mario Monti, producteur renommé, l'a invité dans la villa Rudolph Valentino qu'il va occuper pendant toute la durée du festival, en compagnie de sa femme Sylvia, nettement plus jeune que lui. Elle a préféré le confort et l'argent, balayant ses rêves de vedette en devenir. Richard se voit proposer d'écrire un scénario. Il est déjà en train de travailler sur un autre script mais Monti lui demande d'oublier ce qu'il fait actuellement et l'oblige avec des arguments dont il a le secret de rédiger un scénario sur la vie de Mélissa. Il a l'intention de tourner une film relatant le parcours de la vedette disparue tragiquement, et il sort de sa manche un atout imparable qui se nomme Laure Emmanuel.

La jeune actrice, complètement inconnue, grâce à un maquillage savant, ressemble étonnamment à Mélissa. Un véritable sosie, une jumelle, et Richard est subjugué par celle qui doit interpréter ce rôle alors qu'il avait écrit tous les films joués par Mélissa dont il était amoureux. D'ailleurs, pour tous, il était son amant. Richard en sera même le metteur en scène. Et deux ou trois scènes, non concluantes, sont tournées pour appâter les futurs distributeurs

Il semblerait que ce projet ne soit pas du goût de tout le monde et quelqu'un s'évertue à mettre des bâtons dans les roues afin de faire capoter le film avant même que le premier coup de manivelle soit donné. Mais est-ce une bonne idée de vouloir faire revivre une morte ? Apparemment oui puisque Quibet a lui aussi décidé de tourner un film, que tout est prêt, c'est ce qu'il affirme, et qu'il a déposé la marque Mélissa. Monti ne s'alarme pas pour si peu.

Seulement une série d'incidents, d'accidents, mortels parfois, ponctuent le séjour sur la Croisette, et Richard va être confronté douloureusement à son passé. Mais il n'est pas le seul et d'autres victimes connaîtront des fractures mortelles ou mentales dans leur vie, se brûlant les ailes au soleil de la gloire éphémère, croyant toucher du doigt la chance de leur avenir mais déchantant rapidement.

 

Dans ce roman au final presque apocalyptique, Michel Lebrun traite un sujet qu'il connait fort bien, le cinéma et surtout le métier de scénariste. Mais il s'amuse à jeter le projecteur sur les producteurs, fortunés ou non, sérieux ou non, sur les metteurs en scène à la ramasse obligés de tourner des films pornos pour subsister et tentent de se refaire une virginité, des adolescentes qui comptent plus sur leurs fesses que sur leur talent pour se faire un nom... Et bien d'autres personnages, qui prennent une part plus ou moins active dans cette intrigue comme ce photographe qui mitraille avec un appareil photo démuni de pellicules ou cette sexagénaire veuve et héritière d'un empire sucrier à qui des dons de médium lui sont révélés.

Scénariste est un métier ingrat car le grand public ne connait en général qu'une petite partie de la distribution d'un film. Les têtes d'affiche et le réalisateur principalement. Mais qui connait vraiment les noms des scénaristes sauf ceux qui ont pignon sur toile mais qui ne portent pas vraiment le film sur leurs épaules. Parfois le scénario est jugé maigre sauvé par le jeu des acteurs, mais c'est tout un ensemble d'hommes et de femmes qui gravitent autour de la réalisation d'un film et dont le fruit du succès n'est pas toujours reconnu.

Michel Lebrun ne se montre pas aussi humoristique que d'habitude dans ce roman, empreint d'une certaine nostalgie, de causticité parfois, et d'une grande part de vécu.

Au lieu du grand roman qu'il aurait peut-être pu écrire, il avait pondu une centaine de scénarios, dont la qualité s'estimait en termes de commerce. Tel sujet a fait tant d'entrées, c'est un bon sujet. Tel autre a fait un flop, il est mauvais.
Comme la plupart des scénaristes, Richard, quand il passait devant une librairie, s'estimait frustré. Il aurait aimé savoir ses œuvres dans des bibliothèques, les voir entre les mains d'inconnus, savoir que, à tout moment, quelqu'un était en train de lire un de ses livres et d'y prendre du plaisir.

Michel LEBRUN : Les rendez-vous de Cannes. Editions Jean-Claude Lattès. Parution mars 1986. 242 pages.

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21 mai 2016 6 21 /05 /mai /2016 13:10

Que ne ferait-on pas pour promotionner un film !

J.B. LIVINGSTONE : Crime au festival de Cannes.

En l'honneur de Carla Haverstock, le comte de Marie-mort, un producteur, et Kirk Formeroy, son agent artistique, ont invité l'actrice à assister à une projection privée.

Carla, qui est sur le terrain depuis une vingtaine d'années, a interprété quantité de premiers rôles dans des films de second ordre et de seconds rôles dans des films de premier ordre.

Alors que débute le festival de Cannes, la rumeur murmure que le Premier Prix d'interprétation ne peut lui échapper. Enfin la consécration !

La séance privée débute sous de mauvais auspices. La bobine est à l'envers, le films casse, pourtant c'est Monsieur Marcel, considéré comme le meilleur projectionniste, qui est aux commandes.

Le film n'est qu'un montage de petits films, souvent dus à des amateurs, et dont la vedette n'est autre qu'Anita Guzman, la mère de Carla et actrice elle-même, décédée alors que Carla était encore une enfant.

Soudain Carla blêmit, pâlit, s'enfuit sous le coup d'une vive émotion.

Elle a un accident de voiture, et le véhicule prend feu. Carla décède et Hitchcock, son petit chien, également.

Le superintendant Scott Marlow qui justement se trouve à Cannes dans le cadre d'un congrès est chargé de l'enquête. Carla venait d'être reçue par sa Gracieuse Majesté, la Reine Elizabeth, et il faut à tout prix effacer la mauvaise impression, ne pas laisser ébruiter n'importe quel racontar, dans le genre La Reine lui a porté le mauvais œil ou autre réflexion du même style.

Higgins refuse d'abord d'aider Marlowe puis, apprenant que parmi les victimes figure un chien, accepte de seconder son ami.

 

J. B. Livingstone, pseudonyme sous lequel se cachait Christian Jacq, l'égyptologue bien connu, J.B. Livingstone n'est pas tendre avec les personnages qu'il nous présente, véritables caricatures du cinéma.

Mais il faut avouer que l'envers du décor n'est pas toujours aussi idyllique qu'on pourrait le croire. Après Michel Lebrun avec Les rendez-vous de Cannes (chronique à venir), Alain Bellet avec Aller simple pour Cannes, Brigitte Aubert avec La mort au festival de Cannes, et quelques autres, J.B. Livingstone nous fait découvrir les à-côtés du festival de Cannes, au travers d'un petit noyau de personnages.

Mais plus que le festival, c'est Cannes que J.B.Livingstone nous dévoile, et par petites touches nous raconte la naissance et l'histoire de cette ville.

Un petit reportage documentaire au sein d'un roman policier qui sait être divertissant et instructif.

J.B. LIVINGSTONE : Crime au festival de Cannes. Collection Dossiers de Scotland Yard. Editions du Rocher. Parution 22 avril 1992. 198 pages.

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20 mai 2016 5 20 /05 /mai /2016 14:12

Va falloir le détacher avant la montée des artistes...

Jean-Marie PALACH : Du sang sur le tapis rouge.

Alors que l'ordonnance de renvoi de l'affaire du covoiturage est signée auprès des assises du Val de Marne, alors qu'un meurtre vient d'être perpétré dans un hôtel de la rue Gossec dans 12e arrondissement de Paris, la commissaire Clémence Malvoisin est convoquée chez Le Pavec, le Préfet de Police, pour une enquête très particulière.

Dans le bureau du fonctionnaire, elle est mise en présence du délégué du festival de Cannes, festival qui doit débuter dans quelques jours. Or Cyprien-Louis de Villetaneuse est franchement embêté. Depuis 2003, une accident se produit invariablement tous les ans, accident sérieux entraînant mort d'homme ou de femme. Et il aimerait bien que cette soixante-septième édition ne soit pas une nouvelle fois endeuillée.

Villetaneuse a monté un dossier à l'intention de Clémence et il s'avère que toutes les victimes ont un lien, plus ou moins proche avec Claude Bergerac, le célèbre producteur possédant à son actif bon nombre de succès. Or cette année 2014 devrait être l'apothéose de Bergerac car l'homme a du nez. Il vient de signer en tant que producteur, réalisateur et acteur un film synthèse entre Beaumarchais et Jacques Demy, Le Barbier de Cherbourg.

Clémence doit donc se rendre à Cannes, munie d'une nouvelle identité et prendre rang dans l'équipe de Bergerac, comme scénariste d'un prochain film. Bien entendu seuls le Préfet, l'adjoint de Clémence, le délégué général et Bergerac seront au courant de cette mystification destinée à cacher le véritable but, découvrir le coupable des ces attentats déguisés. Elle en fait part à son mari qui, jaloux, n'apprécie pas cette escapade cinématographique. Et, coïncidence bienvenue, son fils est en stage dans une boite de production cinématographique et va pouvoir lui donner moult informations sur ce domaine et ce petit monde fermé dont elle ne connait que quelques grandes lignes, ce qui lui permettra de tenir son rôle avec justesse. De même elle se voit coiffer par une spécialiste et monter une garde-robe par une couturière ayant habillé toutes les grandes actrices.

2003, l'année du premier accident, est également synonyme de fracture dans la vie familiale de Bergerac. Lionel, l'un de ses fils, promis à un brillant avenir d'écrivain, a disparu, et depuis n'a jamais redonné de ses nouvelles. Il est considéré par tous comme mort. Clémence s'intègre rapidement dans la petite équipe, où elle est acceptée par tous pour son charisme. Seul Sacha, l'autre fils de Bergerac qui n'est pas issu de la cuisse de Jupiter pais plutôt d'Eole tant il brasse du vent, fait tâche parmi tous ces professionnels du cinéma, quelle que soit leur fonction. Sans oublier Tseng-Nio, le chauffeur garde du corps, ou Brigitte, la vieille vendeuse de roses.

Pendant que Clémence peaufine son rôle puis qu'elle se rend à Cannes, que se passe-t-il à la Section Est de la police judiciaire ? Langlade son adjoint supervise les enquêtes en cours, particulièrement celle menée par le jeune Florent Bragatour chargé de démêler l'affaire de l'hôtel Gossec et découvrir le meurtrier de ce client de passage. Quant à Maurice, le planton, il continue de lire les œuvres de Roger-Paul Jean, le juge chargé d'instruire le procès de l'affaire de covoiturage. D'ailleurs il a prêté un des romans à Clémence et les autres suivront le même chemin. Car ces romans sont excellents, vivants, précis, humanistes, ce qui étonne un peu tout le monde, Roger-Paul Jean étant connu pour son rigorisme et son côté solitaire.

Lors de son séjour Clémence va faire la connaissance d'un acteur, haut en couleurs, bourru, grossier, vulgaire et pourtant attachant, Gérard Mordarieu, lequel circule en scooter. Elle va aussi se trouver sous le charme de Willem Dafoe, en tout bien tout honneur, malgré les appréhensions de son mari. Seulement elle échappe à un attentat, grâce à Mordarieu, et d'autres tentatives vont ponctuer son séjour.

 

Trois enquêtes, pour le prix d'une, qui vont se compléter, comme le faisait Ed McBain dans ses romans consacrés à la saga du 87e district. Car ce n'est pas parce que Clémence est à Cannes en mission semi-officielle, que la vie s'arrête. Il faut bien continuer à débrouiller les affaires en cours.

Un roman admirablement bien construit et qui ne manque pas de clins d'œil. Par exemple Clémence se rend chez la couturière, Mimi Boutillier, qui habite la même adresse que les éditions Viviane Hamy. Un appel déguisé ?

De même les romans écrits par Roger-Paul Jean portent les mêmes titres que ceux déjà consacrés à Clémence Malvoisin, se qui permet à l'auteur d'en écrire tout le bien qu'il en pense. C'est de bonne guerre.

Un roman vif, alerte, bien troussé, mais le personnage de Clémence Malvoisin, la meilleure flic de France, aurait mérité un traitement moins laudateur. Elle est belle, ce n'est pas un reproche, elle éclipse tout le monde et joue son rôle à la perfection malgré son ignorance du monde cinématographique. C'est presque trop beau pour être vrai. Et puis elle possède une qualité que je lui envie : elle a une capacité de lecture que j'aimerai bien avoir. Elle dévore le roman de trois-cents pages de Roger-Paul Jean en quatre heures. Ah si je pouvais en faire autant !

Et si l'enquête cannoise de Clémence est intéressante, celle de Florent Bragatour à l'hôtel Gossec l'est tout autant, sinon plus.

 

Jean-Marie PALACH : Du sang sur le tapis rouge. Pavillon Noir. Corsaire éditions. Parution le 2 mai 2016. 362 pages.14,00€.

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19 mai 2016 4 19 /05 /mai /2016 08:22

... a le cœur dans le pantalon...

Jeanne DESAUBRY : Le Roi Richard.

Il aime bien ses filles, Richard, trop bien même. Les petits cadeaux pour elles, les petites gâteries pour lui.

Il a connu leur mère dans un bal, un mariage vite fait, deux gamines à trois ans d'écart, et tout le temps parti pour son travail. Au retour, tout pour ses filles, parfois des claques assaisonnées de gifle pour elle.

Léna, onze ans et demi, Lou-Anne, trois ans de plus. Et puis un jour patatras, la mère qui s'aperçoit que Lou-Anne a du retard. C'est une règle quand on ne prend plus la pilule car paraît-il cela donne de l'acné. Les garçons doivent en ingurgiter plusieurs par jours à ce compte là.

La mère, elle sait ce qu'il se passe lorsqu'elle a le dos tourné. D'ailleurs le Roi Richard, même s'il n'apprécie pas du tout ce surnom dont elle l'a affublé, ne s'en cache pas. En rentrant des courses avec Lou-Anne, la mère se rend compte que son mari a dû jouer comme souvent avec Léna. Il rajuste son pantalon négligemment.

Même si au début la mère n'avait pas aimé les privautés entre père et filles, elle avait dû s'y habituer. Des câlins pour faire passer la pilule amère, des références bibliques ou mythologiques, et une incisive pétée afin qu'elle ne montre plus les dents. Le roi, sa femme et les petites princesses...

Et tout va de mal en pis, ça dégénère, les coups et les douleurs ça ne se discute pas, ça s'encaisse sans rien dire.

 

Nouvelle noire, Le Roi Richard certes l'est, mais ce n'est pas une fiction, du moins telle qu'on voudrait que ce soit. Ces choses là ne se font pas, c'est bien connu. Pourtant la société regorge d'exemples similaires. Le règne patriarcal existe toujours, même si c'est plus caché, plus diffus. Et l'on sait bien que les bleus ne sont pas toujours le résultat d'une rencontre inopinée avec une porte et qu'une grossesse n'est pas le fait d'une liaison passagère avec un bel inconnu amant d'un soir.

Jeanne Desaubry plante le stylo là où ça fait mal, avec concision, pudeur, retenue, sobriété, sans s'emberlificoter dans des détails inutiles, sans misérabilisme. Elle pointe avec justesse cette gangrène que certains ne veulent pas voir, réfutent même, le droit de cuissage familial qui n'est pas l'apanage des petites gens, mais que l'on retrouve dans toutes les couches de la société.

Une nouvelle qui touche au cœur et laisse des bleus à l'âme.

 

Jeanne DESAUBRY : Le Roi Richard. Nouvelle numérique. Collection Noire sœur. Editions SKA. Parution mai 2016. 1,49€.

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
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