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20 mars 2013 3 20 /03 /mars /2013 14:17

Faut pas rêver !

 

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Un coin de verdure dans la campagne anglaise, un manoir d’architecture victorienne, tel est l’endroit rêvé pour accueillir en toute sérénité des congressistes. Loin du tumulte londonien consécutif aux prises de décisions gouvernementales, des restrictions budgétaires imposées par l’ère Tatchero-Blairienne, le climat social est tendu. La sécurité dite sociale est menacée : des fonctionnaires en moins c’est des voix en plus !

Pourtant Marion Darras a préféré exercé son sacerdoce de psychologue dans un immeuble du Welfare, l’aide sociale, plutôt que de s’installer en praticien libre. Elle reçoit une convocation l’invitant à participer à une tentative de thérapie nouvelle sur trois volontaires, des patients qu’elle a déjà eu l’occasion de soigner lors de ses jours de garde à la clinique. Elle retrouve quelques confrères dont David Holder avec lequel elle a vécu des relations charnelles six ans auparavant. Puis ils se sont quittés, en affirmant comme d’habitude qu’ils vont se téléphoner, prendre de leurs nouvelles, le genre de promesses pieuses non suivies d’effet. Elle connait de vue les autres participants mais ce qui la dérange le plus c’est l’expérience tentée sur les patients.

Les trois cobayes, s’ils sont différents physiquement, possède un point commun en dehors d’être soigné pour des raisons mentales. Sandy est grande, mince, filiforme, et sans être belle possède un charme troublant. Marion l’avait surnommée Ophélie en référence au personnage de Shakespeare. Sandy vit dans un monde gothique, entretenu par ses lectures, principalement Les hauts de Hurlevent d’Emily Brontë. Brian est obèse et quoiqu’il fasse, il ne perd pas un gramme. Une boulimie encouragée et entretenue par sa grand-mère durant son enfance. Kenneth, qui s’était adonné à la drogue, est en période de rémission, mais il est agressif et solitaire. Tous trois ont perdu un ou plusieurs être chers dans des circonstances douloureuses, des événements tragiques qui les ont marqués à vie, créant des fractures mentales.

L’expérience envisagée est de prouver qu’il est possible de pouvoir connecter les rêves de trois personnes en même temps. Il n’est donc pas question de lire les rêves mais de comparer les trois graphiques afin de vérifier s’il y a conjonction. Pour cela les trois patients vont ingurgiter une mixture avant de s’endormir. Ils seront reliés à un écran d’ordinateur par trois encéphalogrammes, des plots étant apposés sur leurs têtes. Mais toute expérimentation nouvelle est par essence sujette à des résultats inconnus et l’on ne peut préjuger des acquis positifs, ou négatifs de ces essais. Or comme dans bien d’autres domaines de la recherche scientifique, cette expérience attise les convoitises des instances militaires, qui peuvent éventuellement adapter les résultats obtenus à des fins belligérantes. Alfred Nobel, en son temps, n’avait pas imaginé que l’invention de la dynamite aurait des répercussions moins pacifiques que celles auxquelles son produit avait été conçu : réduire la pénibilité des mineurs par exemple.

Le roman est axé autour du personnage de Marion, et c’est en sa compagnie que le lecteur suit l’intrigue, sauf lorsque Patrick Eris nous entraine dans l’inconscient, les rêveries ou les cauchemars des trois cobayes.

Mais c’est aussi l’occasion de pointer du doigt la déficience du gouvernement anglais en matière de protection sociale. Londres, la capitale, puis d’autres grandes villes du Royaume-Uni sont en proie à des mouvements sociaux, des émeutes de plus en plus virulentes et violentes. La finance aura toujours le dernier mot, et le service public sera de plus en plus bafoué. Le côté fantastique réside dans le résultat des connections mentales des trois patients, mais sur ce point je n’en dis pas plus, ne voulant pas déflorer l’intrigue. Toutefois on peut supposer d’un jour, les progrès de la science sont tellement rapides et inimaginables sauf pour les scientifiques et pour les romanciers, que ce qui est décrit pourrait en partie se réaliser.

Ce roman a fait l’objet d’une première publication en janvier 1989 sous le titre éponyme dans la collection Anticipation du Fleuve Noir et signé Samuel Dharma. C’était dans une version abrogée et Patrick Eris, qui entre temps a pris ce nouveau pseudonyme, a entièrement revu sa copie, réécrivant son texte, l’enrichissant de nombreux détails et surtout en proposant un début et un fin différentes. A l’époque il n’avait que vingt-trois ans, avec déjà à son actif quatre ou cinq ouvrages publiés, mais la fougue de la jeunesse s’est estompée pour offrir un travail plus rigoureux.


A lire également du même auteur :  Docteur Jeep;  Fils de la haine;  L'autobus de minuit;  Histoires vraies sur les rails; La première mort.


Patrick ERIS : Le Chemin d’ombres. Editions Lokomodo. N° 32. 256 pages. 6,50€.

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commentaires

A
A lire dans sa nouvelle version, alors.
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O
<br /> <br /> Exactement Alex, quoique la première n'était pas mal, mais sûrement introuvable aujourd'hui sauf sur des sites spécialisés.<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />

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