Travailleur social, ce n’est pas un métier. C’est une vocation et un sacerdoce !
Âgée de vingt-sept ans, Cécile est célibataire sans enfant. Sa vie est un désert affectif consentant. Elle est noctambule, travaillant au SAMU social et patrouillant de nuit dans les rues de la capitale à la recherche des sans-abris, des SDF, des affamés, des blessés aussi car s’ils n’ont pas de toit, ces précaires sont parfois vindicatifs. C’est leur moi qui resurgit.
Les maraudes n’engendrent pas l’ennui, mais la fatigue et lorsqu’elle rentre chez elle, près du périphérique à Saint-Ouen, elle ne pense qu’à une chose, dormir. Vanessa, sa colocataire, n’est pas embêtante et discrète, et il leur arrive de sortir ensemble, le soir, lorsqu’elle n’est pas de service. Faire du bien aux autres, ça donne soif, et surtout de s’imprégner de chaleur humaine pour ensuite la partager avec les déshérités. Il lui arrive également de parler de son statut de travailleur social dans des classes, ce qui dessille quelque peu les yeux des jeunes élèves, eux dont les parents possèdent une vie familiale tranquille, ou presque.
Il ne faut pas croire que tout est rose durant la nuit. Ainsi, ils sont appelés pour un incendie dans un hôtel, en plus des pompiers, et elle aide à extirper des flammes un individu bloqué dans la buanderie. Fifi d’Anvers, un habitué qu’elle connait bien s’inquiète de Samouraï, le promis au feu. Tout va bien, braves gens, vous pouvez dormir le SAMU social veille sur vous. Sauf que Fifi d’Anvers est inquiet pour son camarade Samouraï. Celui-ci est persuadé que sa vie est en sursis, l’incendiaire ayant probablement décelé sa présence.
La nuit prochaine promet d’être émaillée d’incidents. C’est sa dernière surprise-party car elle va intégrer une association, Opaline, qui s’implique dans la réinsertion des sans-papiers et sans domicile fixe. Travailleuse sociale, mais de jour. Son quartier d’affection se situe à la Porte Montmartre, chez les biffins, ceux qui revendent des affaires récupérées ici ou là, mais pas d’objets tombés des camions. Et les accrochages entre biffins et vendeurs à la sauvette animent parfois les trottoirs. Elle fait la connaissance de nouveaux collègues, de nouveaux déshérités, même elle en a côtoyé déjà quelques-uns, de nouvelles randonnées dans Paris.
Elle s’occupe de certains d’entre eux, par sympathie, avec cette espèce d’empathie naturelle qui la caractérise. Samouraï décède dans des conditions suspectes, et elle va plus ou moins enquêter. Nadia aussi, une vieille femme, mais son décès est dû à la maladie. Une maladie que l’on retrouve dans toutes les couches de la société. Et Cécile fouille dans ses papiers, pas par curiosité malsaine, mais parce que c’est comme ça quand on prend quelqu’un en affection.
Elle prend en affection aussi Julien, le jeune assistant informatique, affection qui pourrait tourner à un sentiment plus intime.
Et c’est dans cette accumulation d’anecdotes, pas souvent amusantes, que Marc Villard nous emmène dans le quotidien de Cécile, ponctué de grands désappointements, de colères, de découragements, parfois d’un peu de soleil, le décès de Samouraï et sa suite étant un fil rouge sur lequel se greffent des épisodes souvent à la limite du misérabilisme. A la limite.
C’est une plongée sans concession dans une faune mal connue, souvent traitée avec non-respect par les forces de l’ordre, avec indifférence ou rejet par les médias qui ne se focalisent dessus que lorsqu’il y a conflit, neige et verglas, ou qu’ils n’ont pas autre chose à proposer à leurs lecteurs et téléspectateurs.
Marc Villard n’oublie pas la petite note de jazz, car Cécile est la fille de Bird, enfin un Bird français surnommé ainsi parce qu’il jouait du saxo, cette musique qui exprime aussi bien la joie de vivre que le désespoir, la mélancolie, la recherche de soi, une musique qui se partage comme le pain et le vin. La musique du petit peuple, à l’origine.
Les biffins est tout autant un roman qu’un reportage et un documentaire, ciblé plus particulièrement dans un quartier du XVIIIe arrondissement, situé entre la Porte de Saint-Ouen et la Porte de Clignancourt, mais qui s’en échappe pour se rendre compte que partout il existe des défavorisés, et que ce sont les plus humbles qui s’inquiètent d’eux. En général.
Marc Villard ne s’embarrasse pas de digressions inutiles qui feraient perdre de la force au récit, mais il plaque ça et là quelques coups de projecteurs sur des images, et celles-ci s’imprègnent dans l’esprit plus profondément qu’un livre de trois cents pages et plus. Point n’est besoin d’être prolixe pour émouvoir.
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Marc VILLARD : Les biffins. Editions Joëlle Losfeld. Parution le 1er février 2018. 120 pages. 12,50€.
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