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19 avril 2013 5 19 /04 /avril /2013 08:03

Hommage à Robert Gaillard décédé le 19 avril 1975 à Nice.

 

GAILLARD-ROBERT-FN-Info.-80-Oct-1971.JPG

 

Né le 8 avril 1909 à Saintes (17). Issu d’un père architecte, Théodore Gaillard, et d’une mère dont les noms et prénoms sont tout un symbole : Stella Nouveau. Après des études à l’école communale puis au lycée Jean-Baptiste Say à Paris. Il s’oriente à l’origine vers l’Ecole des Arts et Métiers puis bifurque vers la physique, la chimie et l’histoire naturelle et devient assistant du professeur Pezard. L’entomologie et la biologie resteront ses domaines de prédilections. En 1927 il entame une carrière de journaliste à “ La Presse ”, puis il collabore à diverses publications dont “ Le Quotidien ”, “ L’Echo d’Alger ”, “ Paris-Midi ”, “ L’ami du peuple ”, “ Le Journal ”, “ Comoedia ”, ou encore “ Aujourd’hui ” qu’il représentera aux journées d’Inter-France des 10, 11 et 12 Octobre 1942, une Agence de Presse qui regroupait 215 journaux.

Pacifiste et anarchisant il collaborera également en 1958 à la revue créée par Louis Lecoin en 1947 ; “ Défense de l’homme ”. En1934 il se marie avec Paule Vignal, artiste peintre née le 27 juin 1910 à Périgueux. De cette union naîtront deux enfants, Patrick et Michel. Il est attaché au cabinet de Georges Mendel de 1936 à 1939 et devient aussi le collaborateur de Ludovic Frossard. Mobilisé il est fait prisonnier en 1940. Rapatrié en 1942, il publie un hommage aux morts, aux blessés et aux prisonniers de la guerre 39-40, dont le cadre est le stalag dans lequel il a vécu : Les liens de la chaîne. Il s’engage dans les Forces Françaises Libres et obtiendra la médaille de la Résistance Polonaise. Après avoir vécu un certain nombre d’années à Paris Il se retire à Vence dans une villa qu’il construit de ses mains. Vence dont il fut conseiller municipal de 1939 à sa mort.

Vers les années 45, il vit un certain temps en Haïti. Pendant plus de vingt ans il collectionnera tout ce qui se rapporte à ce pays, amassant une documentation qu’il considérait comme unique et, pour une large part, inédite en Europe. Grand voyageur, il visite l’Espagne, le Portugal, la Suisse, l’Italie, l’Angleterre, la Yougoslavie, la Grèce, la Bulgarie, la Suède, l’Amérique du Sud, les Caraïbes et les Etats-Unis. Des pérégrinations contées dans 40 000 kms d’aventures dans lequel il nous invite à parcourir le Vénézuéla, la Colombie, la Bolivie, le Brésil, Panama, Costa-Rica, le Nicaragua, le Salvador, le Honduras, le Mexique, Trinadad, la Barbade, la Martinique, la Guadeloupe Haïti, Saint Domingue et Cuba. Il séjourne également au Pérou vivant dans une communauté indienne sur les contreforts de la Cordillière des Andes.

gaillard3.jpgIl fréquente assidûment les bibliothèques afin de trouver de nombreux renseignements dont notamment sur Marie Bonnard et son amant Jacques du Parquet dont il tirera Marie des Isles en trois volumes. Une histoire romancée de la Martinique issue de faits historiques authentiques. Cette œuvre sera diffusée à la Radio et, qualifiée de roman océan, sera un véritable best-seller souvent réédité. Il écrit aussi une mini saga sur Catalina de Erauso plus connue sous le nom de Monja Alfarez (la nonne lieutenant) également surnonnée La vierge de Fer ainsi que La Conquérante, titres de deux de ses ouvrages. En 1950 Maurice de Canonge adapte son roman “ L’homme de la Jamaïque ”. En 1954 le Prix de l’Académie française lui est décerné pour Christobal Colomb (Les Dieux sont revenus). En 1972 le Prix Alexandre Dumas couronne les trois premiers romans d’une tétralogie retraçant l’histoire de Toussaint Louverture : la révolution de Saint Domingue, la victoire des Noirs, l’abolition de l’esclavage et la liberté. Il s’agit de La Volupté et la Haine, La luxure du matin, Désir et Liberté, La Chair et la Cendre. Membre de l’académie des Sciences d’Outre-mer, de la Société des Auteurs Dramatiques, de la SACEM, de la Société des Gens de Lettre, de la Fédération Internationale des Sociétés Scientifiques, il est aussi nommé Chevalier de la Légion d’honneur, Chevalier des Arts et Lettres. Il est l’auteur d’essai dont “ La pédagogie, de Montaigne à Jean-Jacques Rousseau ”, “ Aventures entre deux infinis ”, “ Un fossile vivant, le scorpion ”, “ Le roman de l’espace ” et d’une biographie sur Alexandre Dumas. Il obtient le prix Théophraste Renaudot pour “ Les liens de chaînes ” et est plusieurs fois lauréat de l’Académie Française.

gaillard4.jpgSon œuvre est traduite en quarante cinq langues. Marie des Isles a été encensé par les critiques qui voyaient en Robert Gaillard un nouveau Stevenson ou Joseph Conrad. La gazette de Lausanne annonçait “ Une énorme chanson de geste en prose… ”, La Bataille “ Le romancier de Marie de Isles, poète de lourdes passions, nouveau Blaise Cendrars … ”, La Gazette des Lettres “ Nouvel Alexandre Dumas, Robert Gaillard retrace son histoire sur n rythme tantôt voluptueux, tantôt trépidant… ” une comparaison confirmée dans L’Epoque “ Le ton allègre des récits de Dumas. ”. Raymond Dumay écrivait “ Robert Gaillard est devenu un de ces grands vivants d’autrefois, auxquels nulle science n’était étrangère. ” tandis que Nice-Matin soulignait “ Un magistral tableau des Antilles et, peut-être, la plus grande épopée d’aventures et d’amour qu’ait donnée à ce jour le roman français… ”.

Un critique de France Hebdo a écrit, concernant les premiers romans de Robert Gaillard dont Louisiane et Le grand mirage “ Robert Gaillard, s’il a l’imagination du romancier d’aventures, a aussi les scrupules de l’historien et du reporter consciencieux. ”

La saga de Marie des Isles reste son œuvre majeure, constamment rééditée aussi bien en format poche (Presses Pocket ou J’ai Lu) que dans des collections grand format (Presses de la Cité, France Loisirs...) avait été précédemment éditée aux éditions André Martel. Marie des Isles a été adapté au cinéma par Georges Combret et Pierre Mandru, dans une réalisation de Georges Combret, interprété par Belinda Lee, Alain Saury, Dario Moreno, Magali Noel, et Folco Lulli en autres.

gaillard6.jpgLes aventures de Jacques Mervel nous entraînent dans un monde maritime dont l’action est souvent placée aux Caraïbes, et pourraient faire penser à un feuilleton télévisé célèbre au début des années soixante : les aventures du capitaine Troy, un marin qui résolvait pas mal de problèmes en Polynésie. L’attrait de l’exotisme, le réalisme des sujets traités, le fond historique de la trame, une pointe d’érotisme, une écriture et un talent indéniable de conteur contribuèrent pour beaucoup au succès de ces romans et Robert Gaillard fut l’un des piliers de la collection Grands Romans.

Ces éléments biographiques proviennent de diverses sources dont la Revue de Saintonge et d’Aunis, Paris Presse l’Intransigeant, Larousse Mensuel, Combat, Gazette des lettres, Le Monde, Bibliographie de la Littérature française…

 


Grands Romans


L'Archipel des voluptés

Pour tout l'or du monde

Où souffle la colère

Perverse Nemorosa

Les Fruits de la violence

Le Miel de la haine

Royaume de la nuit

Les Mariés de l'exil

Marie des Isles (1)

Marie des Isles (2)

Gentilshommes d'aventures

Marie Galante (1)

Marie Galante (2)

Le Chevalier de Bruslart

Capitaine Le Fort (1)

Capitaine Le Fort (2)

Plus amère que la mort

L'Héritier des Isles

Sortilège indien

Le Sang brûlant (Le grand mirage T-1)

L'Ouest sauvage (Le grand mirage T-2)

D'amour et de haine

40.000 km d'aventures (1)

40.000 km d'aventures (2)

La Forêt des dévora

Ni l'or ni la grandeur...

Placer Malédiction

Gentleman des tropiques

L'Homme de la Jamaïque

L'Homme aux mains de cuir

Sang indien

Le Roi du rhum

La Dame de Porto Rico

Paladin des îles

La Perle noire

Sirènes du Pacifique

Meurtre exotique

Port châtiment

L'Orchidée blanche

Le Rendez-vous de Valparaiso

Mourir dans les Andes

La vierge de fer (Catalina T-1)

La Conquérante (Catalina T-2)

Vagabonds de la jungle

Au pied du soleil

Le Châtelain de la Pivardière

Les Conjurés de Managua

Blanc comme neige

La Corde de sable

Guayaquil de mes amours

Anako de Panama

La Cucaracha

Le Sang du Tigre

La Fille de l'Aiglon

Vicky (réédition de Martel)

La Sultane de Jolo

Cyclone sur la Jamaïque

La Muraille d'émeraude

La Volupté et la haine

La Luxure du matin

Désir et liberté

La chair et la cendre


Grands Succès :


Où souffle la colère

Moissons charnelles

Royaume de la nuit

Les fruits de la violence

Les plaisirs insolites

Le miel de la haine

La rage des hommes

La perle noire

La forêt les dévora

Marie des Isles (2 vol)

Marie Galante (2 vol)

Capitaine Lefort (2 vol)

L'héritier des Isles

La sultane de Jollo

Le roi du rhum

Le grand mirage rééd. des éditions Dumas 1947.

Les mariés de l'exil

La corde de sable

Pour tout l'or du monde

Au pied du soleil


Autres publication


L’automne d’un  faune

L’ombre dans la forêt

Le château de sable

La fleur de l’âge

Le dernier naufragé de l’île Robinson

Les liens de chaînes (Prix Th. Renaudot)

L’aventure portugaise (S.I.E.P.)

Sortilèges des mers du Sud (S.I.E.P.)

Sténia ou l’aventure macédonienne (S.P.L.E.)

Sacramento (S.I.E.P.)

L’Andalouse (S.I.E.P.)

Aux fontaines de la mort (Dumas)

Le secret de l’or noir (Dumas)

Louisiane (Dumas)

La nuit péruvienne (Dumas

Le grand mirage (Dumas)

La pédagogie de Montaigne à Jean-Jacques Rousseau (Essai)

Saint Jean-Jacques (Rousseau et Mme de Wrens, essai)

Mes évasions (Dumas)

Les liens de chaîne (ouvrage de luxe illustré par Jacques Lechantre ; éditions Colbert)

Mes Evasions (6 lithographies de Yves Brayer ; S.P.L.E.)

Poste de secours (nouvelles avec 6 lithographies de J. Lechantre ; éditions Gründ)

Sortilèges des mers du Sud (éditions universelles)


 

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18 avril 2013 4 18 /04 /avril /2013 16:35

Dans leur excellente collection Asphalte Noir, consacrée à une ville (sauf Haïti qui représente la moitié d’une île), deux cités états-uniennes ont déjà eu les faveurs d’une anthologie : New-York avec Brooklyn Noir et Los Angeles. Omettre la capitale des USA eut été impensable ! Et il ne restera plus qu’à attendre la publication, si elle est prévue, de La Nouvelle-Orléans Noir et de Chicago Noir. Il existe une telle diversité que chaque ville abordée possède son propre thème, son propre univers, sa propre ambiance, des atmosphères qui lui sont singulières.

 

washington.jpg


Aux commandes de ce nouveau recueil George Pelecanos, qui en tant que natif de Washington connait bien sa ville et ses dessous, et sait en parler dans ses romans. Dans sa présentation il nous donne à voir les deux faces de la capitale. L’une brillante, celle des rupins, des Washingtoniennes, qui s’inquiètent de l’ordonnancement des réceptions et du nombre d’invités à déguster les petits fours, ou du nouveau prof de musique de leurs bambins. L’autre terne, celle des petites gens, ceux qui vivent misérablement dans des quartiers atteints de décrépitude. Un peu comme si pour les touristes, il n’y avait que les quartiers parisiens du VIIIème et du XVIème arrondissement, les XIVème, XVIIIème ou XIXème étant occultés.

Et il entame les débats avec L’indic de confiance, l’histoire de Verdon, fils d’un vétéran du Vietnam, qui pour gagner un peu d’argent sert d’indic, principalement auprès de l’agent Barnes. Et lorsque Barnes lui demande des renseignements sur Jenkins, un petit malfrat qui vient de se faire abattre, Verdon pense pouvoir centupler et plus la mise. Car s’il n’était pas aux premières loges, Flora, la copine de Jenkins et Leticia, la tante du défunt, connaissent l’identité du tueur. Mais le résultat n’est pas à la hauteur de ses espérances, loin de là.

Kenji Jasper, que les lecteurs français ont découvert avec le roman Noir paru aux éditions du Serpent à plumes en février 2002, nous délivre un texte dur et attendrissant, mettant en scène des ados dans Première fois. Difficile de rester insensible à cette première fois dans la vie d’une petite bande de jeunes loubards, principalement du narrateur qui s’exprime à la deuxième personne du singulier, comme si le lecteur était le héros malheureux d’une arnaque. Car lorsque Butchie lui propose de récupérer pour lui argent et drogue au domicile de quelqu’un qui l’a floué, notre héros malgré lui ne sait pas qu’il est le jouet d’un individu qui a fait exprès de perdre au billard pour lui confier une mission.

Jennifer Howard, ou plutôt sa narratrice, décrit le quartier, A l’est du soleil, où elle vit en compagnie de son mari Dave et de ses deux jeunes enfants, Dani et Jack le bébé. Hill East, non loin du Capitol est en déliquescence. Pourtant les prix immobiliers grimpent, tandis que les bars et restaurants ne sont guère présents. Le New Dragon, sensé servir à manger mais plus réputé pour fournir de l’alcool même en dehors des heures régulières, et surtout refuge des toxicos. Le patron est un cas à part. Handicapé moteur il se déplace en chaise roulante tirée par un pitbull. Non loin de chez eux se tient une résidence pour jeunes handicapés mentaux qui chinent des cigarettes lorsqu’ils rentrent de leurs activités. Parmi ces résidents Juanita, une gamine qui fait peine à voir. Lorsque la narratrice trouve une vieille poupée démantibulée logée dans le trou d’un mur, elle aurait mieux fait de la laisser où elle était, plutôt que de la ramener chez elle et d’écrire son adresse sur un bout de papier au cas où.

Peu de noms connus, à par James Grady célèbre pour son roman Les six jours du Condor (devenu au cinéma Les trois jours du condor, mais on sait que l’industrie cinématographique aime les raccourcis), et Laura Lipmann qui commence à se faire une place en France.

Restons en compagnie de Laura Lippman justement et intéressons nous à son texte : La Femme et l’Hypothèque. Sally Holt possède un don, celui de savoir écouter son interlocuteur, quel que soit l’âge ou la condition de celui-ci. Ce qui l’a profondément aidée dans son avenir familial et relationnel. Ses capacités, elle ne les exerce pas sous les ors diplomatiques ou politiques, mais dans son quartier petit-bourgeois. Et elle est toujours prête à emmener ses enfants et ceux des autres aux activités indispensables au bon développement des chérubins. Mais tout se dégrade lorsque Peter son mari lui annonce qu’il va divorcer au bout de dix-sept ans de mariage, et que son avocat lui annonce que le prix de leur maison a plus que quadruplé. Elle désire garder la maison, et il va lui falloir mettre la main à la poche, sérieusement. Si elle entend ce qu’on lui dit, elle n’écoute pas vraiment, sa tête est ailleurs, et quelques années plus tard, elle apprend par son comptable que la sur-hypothèque lui coute les yeux de la tête, et plus. Il ne lui reste plus qu’à trouver quelqu’un qui va l’aider à sortir de l’ornière dans laquelle elle est embourbée. Elle se découvre une âme de femme rouée et roublarde.

Changeons de quartier avec Lester Irby, qui pour la petite anecdote a passé trente ans en prison pour braquages de banques et deux évasions. Dans Dieu n’aime pas les trucs moches, en 1970, le corps plantureux de Sarah Ward est retrouvé la tête plongée dans la cuvette des toilettes du Fantasy Night-club, un lieu fréquenté par les représentants de la lie de la société ainsi que par une poignée d’avocats et de politiciens. Sarah a d’abord été violemment battue puis étranglée. Felicia « Fee-Fee » Taylor, née dans une famille presque aisée, dont le père accumulait les heures de travail, raconte comment elle est a dégringolé la pente et son frère Junior avant elle. Comment à quatorze ans elle a perdu sa mère et sa grand-mère, de maladie, et son pucelage, de façon naturelle. Puis son entichement avec Zack, chef de bande, amateur de femmes et dont l’amie principale était justement Sarah Ward. Junior aussi est devenu un caïd et l’amant de Sarah. Mais entre le frère et la sœur, les liens qui autrefois étaient fusionnels se sont relâchés, détériorés, car la haine s’est installée entre eux.

Loin des clichés sur la ville de Washington, peuplée de fonctionnaires de l’état, Georges Pellecanos et son équipe nous entrainent dans les beaux quartiers et ceux moins reluisants de la pègre et de la drogue. Les relations interraciales y sont comme partout aux USA, souvent synonymes d’affrontements. Pour mieux vous y retrouver un plan de la cité figure en début de l’ouvrage, découpé en trois parties mais c’est le quart Nord Ouest qui remporte la palme. Et tous les auteurs, seize dont Pelecanos, de cette anthologie ne possèdent en commun que le fait de figurer au sommaire. Quelques auteurs confirmés, mais également un policier, des journalistes, un acteur, un vétéran de la police métropolitaine, un ancien prisonnier ayant purgé sa peine, un ancien béret vert, et des écrivains qui n’attendent qu’un passeport littéraire pour débarquer en France sur les étals des libraires.

Comme à leur habitudes, une playlist figure sur le rabat de la quatrième de couverture, et les curieux ou les mélomanes pourront se rendre sur le site des éditions Asphalte afin d’écouter, entre autres, Salt-N-Pepa, Martha Reeves, The Temptations, Nancy Wilson, Smokey Robinson ou encore James Brown.

Un ouvrage qui est nettement plus intéressant et instructif qu’un guide touristique aseptisé.


George PELECANOS présente : Washington Noir. Traduction de Sébastien Doubinsky. Editions Asphalte. 288 pages. 21€.

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17 avril 2013 3 17 /04 /avril /2013 13:21

Des tripes à la mode de quand ?

 

road-tripes.jpg


En moins de temps qu’il m’en faut pour l’écrire, Vincent a tout perdu même ses illusions. Sa femme l’a mis dehors, sa fille n’a rien dit, et il n’a d’autre ressource que d’aller se réfugier chez ses parents. Il aurait pu être dentiste comme son père, il avait choisi une autre voie que son père avait acceptée, mais il s’était laissé aller et vivait aux crochets de Marie. Alors il lui faut bien s’occuper, se faire un peu d’argent de poche, et il trouve un travail en général dévolu aux retraités ou en complément de sale air, de salaire pardon : la distribution de prospectus.

La publicité sans adresse ne nourrit pas son homme mais bon, soixante-dix euros pour trois jours de travail, de dur labeur, c’est moins que rien mais déjà quelque chose. Parce qu’il faut d’abord préparer les liasses d’imprimés, dans un hangar, puis aller les distribuer dans les réceptacles prévus à cet effet, et en ne tenant pas compte des indications posées dessus, genre Stop à la pub. Donc distribution à pied dans les boites aux lettres et interdiction de les mettre en tas quelque part, car des repères peuvent permettre de retrouver rapidement l’indélicat.

C’est ainsi que Vincent fait la connaissance de Carell, un individu à verticalité presque réduite et affligé d’une surcharge pondérale. Un peu niais aussi, à l’esprit manquant de vivacité, obtus presque. Mais Carell a des ressources insoupçonnées. Alors qu’il croise Vincent dans la rue, circulant en véhicule, il heurte le trottoir, et un pneu d’esquinté, une jante démantibulée (ce qui permet d’affirmer que ce roman est déjanté). Nonobstant ce petit inconvénient, car Carell avait une proposition à faire à Vincent, il lui demande de patienter et revient quelques minutes plus tard à bord d’une voiture rouge vif quasiment neuve. Il argue que c’est sa mère qui lui a prêté l’engin mais Vincent est dubitatif. Puis direction la forêt de Cadaujac. Là, malgré les protestations de Vincent, Carell sort les prospectus du coffre, et il y met le feu. Evidemment la flambée prend joyeusement, et les deux compagnons n’ont plus qu’à retourner à leur base. Les choses se compliquent, car un hélicoptère les survole, ils passent devant une école dont les gamins n’ont pas manqué de les repérer à l’aller puis au retour.

Commence alors une longue cavale qui les emmène de Bordeaux à Montélimar, quatre mille kilomètres en tricotant des pneus, changeant de véhicule plus souvent que de chemise, et s’aliénant quelques conducteurs vindicatifs dont le propriétaire d’une R16 de collection. Mais d’autres personnages comme la serveuse d’un café perdu en pleine cambrousse, âgée d’au moins soixante-dix ans mais qui ne les parait pas, presque, malgré ses varices qui dessinent sur ses cuisses des rivières sur une carte de géographie musculaire. Pourtant Carell lui fait sa petite affaire, à moins que ce soit le contraire, à la grande satisfaction des deux partenaires. Durant les ébats parce qu’après, comme Carell lui a chouravé la banane qui contenait l’argent des consommateurs, elle n’a pas apprécié puisque normalement c’est lui qui aurait du payer sa consommation.

Ou encore le gourou d’une secte dite Nibiri, qui se fait appeler Sire, prônant l’arrivée d’une étoile, ou astéroïde, ou quelque chose comme ça dans peu de temps et pour l’instant cachée derrière le soleil. Et tout ce petit monde là, dont les adeptes de Niribi, sont aux trousses de Vincent et Carell, qui en voiture, qui en moto.

Et s’ils étaient les seuls à vouloir les intercepter ! Car Carell n’est vraiment pas finaud. Pour voler des cartes bleues qui servent à payer l’essence et l’alimentation, dont il connait les numéros de code sans se tromper, c’est un as. Pour voler des véhicules aussi. Pour les démarrer sans clé, je précise. Car il s’empare vraiment de n’importe quoi. Une fois c’est à bord d’un véhicule de la gendarmerie qu’il revient. Et ce genre de bévue ne fait pas vraiment rire Vincent. Une autre fois, le pick-up d’un agent de l’Office des Eaux et Forêts. A croire qu’il ne sait pas lire.


Louvoyant de gauche et droite, partant de Bordeaux en passant par la Creuse, la Corrèze, Le Lot et Garonne, l’Aveyron, la Drôme, j’en oublie sûrement, au son des différents autoradios ou lecteurs de cassettes dont sont équipés les tableaux de bord, écoutant ou chantant aussi bien du Dave Bubeck, du Lalo Schiffrin, du Bill Evans, Du Prokofiev, du Hugues Auffray, du Jacques Lantier, du Johnny Halliday (qu’est-ce qu’ils peuvent lui casser du sucre sur son dos à ce quasi septuagénaire qui gagne son argent en France mais est domicilié à l’étranger), du Gustave Mahler, du Messian, du Michel Berger ou encore Chopin et Liszt, liste non exhaustive dans vous pourrez retrouver la liste en fin de volume(sonore), les embûches, les embuscades, les sueurs froides, les départs précipités, les rencontres inopinées, comme celle du gendarme qui a fréquenté les mêmes bancs de l’école que Vincent plus jeune, ne manquent pas.


Un roman qui ne respecte pas les limitations de vitesse, déboitant sans prévenir, effectuant des queues de poisson, des retours en arrière imprévus, des franchissements de ligne continue, souvent, et même lors des pauses, le moteur continuant à ronronner, tenant en haleine le lecteur ébaubi. Et dire qu’il y en a qui ne jurent que par les Américains. Alors qu’on puisse le comparer à James Hadley Chase dans ses romans les plus noirs et les plus décalés, à Don Westlake et dans une certaine mesure à Jim Thompson (non, les références ne sont pas trop hardies), je veux bien. A d’autres aussi pourquoi pas. Il y aura toujours une paternité et une filiation en littérature, assurées ou non, mais chacun d’eux possèdent leur propre univers, et Sébastien Gendron assume le sien. Fils de Personne (comme se nomment les membres et le gourou de Niribi) Gendron fait partie de la génération spontanée. Je n'ai pu toutefois m'empêcher penser, à certains moments, à John Steinbeck et plaquer l'image de Lenny dans Des Souris et des Hommes sur celle de Carell.


Voir également l'avis de Pierre sur Black Novel.


Sébastien GENDRON : Road Tripes. Editions Albin Michel. 288 pages. 17€.

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16 avril 2013 2 16 /04 /avril /2013 16:19

Evitez de vous faire prendre en photo, même par un ami !

 

morgenstern.jpg


Ancien trader devenu libraire spécialisé en bandes dessinées dans une petite ville du New-Jersais, Jeremy Corbin évite de donner son opinion sur des romans ou des auteurs. Mais quand il est sollicité il ne sait pas mentir même si ce qu’il avance n’est pas du goût du client. Comme ce jour-là avec Greg, un fidèle de la boutique.

Jacky Walls, sa femme, ancien agent de la CIA, est devenue adjoint au shérif de la ville. Et tous deux vivent tranquillement avec Ann, leur bébé, depuis leurs précédentes et trépidantes aventures (voir Le Projet Bleiberg).

Alors que Jacky s’installe à son bureau pour taper ses rapports, elle reçoit un appel téléphonique la prévenant que des hostilités vont commencer et qu’elle doit sortir au plus vite. Au même moment des individus tirent sur les hommes présents dans le bureau et elle parvient à s’échapper en s’élançant par une fenêtre où, à moitié sonnée, elle est récupérée par un inconnu.

Concomitamment, tandis que Jeremy s’active dans la cuisine préparant le repas du soir auquel est invité Greg, celui-ci arrive et pointe une arme à feu. Ce n’est pas parce que Jeremy l’a chambré plus tôt dans la journée, mais à cause d’un danger imminent. Effectivement là encore des hommes armés s’introduisent dans la maison mais leur mission est annihilée. Ils ne peuvent s’emparer ni du bébé ni de Jeremy et de Greg, tous trois cachés dans la cave. Un sauveur providentiel est présent en la personne d’Eytan Morgensten, dit Morg.

Eytan Morgenstern, agent du Mossad, a consacré sa vie à traquer les criminels nazis ainsi qu’une organisation occulte, le Consortium dont le chef est surnommé Cyfer. Ex-agent du Mossad devrais-je écrire, car il a donné peu de temps auparavant sa démission ainsi que ses deux compagnons, Eli Karman, son compagnon de route depuis près de soixante ans, et Avi Lafner, beaucoup plus jeune et médecin auprès du Mossad. Car Morg a confondu mission officielle et intérêts privés. Et cela ne plait guère à sa hiérarchie. Mais officieusement, il a toujours le soutien de son directeur Simon Attali. Ayant appris par une taupe du Consortium, que ses amis Jeremy et Jacky étaient en danger, car l’Organisation le recherche, il a accouru immédiatement et les a protégés. La petite Ann est placée en lieu sûr, confiée à la garde de Greg et Morg peut compter sur des renforts de choc, les deux jeunes mariés n’ayant pas perdu leurs réflexes. Car la bataille continue et bientôt fait rage.

Quelques semaines plus tôt, à Washington, au Pentagone, des officiers militaires US et des représentants d’une société qui développent un programme militaire dont les Marines sont le fer de lance, sont intéressés par des photos sur lesquels apparait Morg, le géant chauve. Deux photos prises à trente ans environ de distance dont la dernière par Jacky, et qui intriguent fortement les participants à cette réunion. Morg n’a pas vieilli ! Et sa prise pourrait s’avérer fort intéressante au sujet des recherches militaires entreprises.

En 2003, au cours d’affrontements en Irak, des militaires américains procèdent à une récupération de Marines tombés dans une embuscade. Enfin pas tous, certains restent sur le carreau, d’autres vont être utilisés à des fins… militaires, une opération top secret.

Remontons le passé jusqu’en 1942 et 1943 au camp du Stutthof en Pologne. Le jeune Eytan Morg sert de cobaye, mais les résultats engendrés ne satisfont pas Reinhard Heydrich, l’instigateur des recherches. Eytan ne réagit pas comme prévu, d’autant qu’il échappe à ses tortionnaires. Encore enfant, il a déjà une carrure d’adulte, et possède quelques dons ou capacités quasi surhumaines, à cause ou grâce des expériences pratiquées les médecins de Stutthof. Il est recueilli par des résistants polonais réfugiés dans la forêt, devenant un auxiliaire précieux contre les armées nazies, et surtout celles dirigées par le colonel Dietz, chargé de le récupérer et surtout de l’éliminer.

 

Ce roman foisonnant est construit un peu comme un puzzle, une période, un endroit, puis une autre ailleurs, comme si le lecteur piochait d’abord les coins de l’image à reconstituer, puis plaçait les différentes pièces afin de constituer le noyau dur pour enfin voir le travail avancer à pas de géant et devenir plus éloquent au fur et à mesure que l’ouvrage avance. Mais l’auteur n’a pas découpé son intrigue au hasard. Tout s’emboite parfaitement, et la vue d’ensemble est d’une beauté fascinante.

 

Certes des esprits chagrins pourront dénoncer une certaine invraisemblance, dans des faits d’armes, des situations poussées à l’extrême, dans des programmes de recherches médicales. Mais il faut bien savoir que nous, simples pékins, ne sommes pas au courant de toutes les manigances imaginées par les états-majors militaires. L’on sait que dans certains camps, comme celui du Stutthof, des expériences scientifiques ont été menées par des savants fous… Et que l’une de leurs réalisations fut la fabrication de savon à base de corps humains. Mais l’on peut s’interroger aussi sur certaines déclarations émanant du service des armées, américaines ou autres, concernant des attaques de groupes isolés sur une poignée de soldats, et si tous en sont morts. Les progrès scientifiques et technologiques développés par des entreprises privées travaillant pour le compte du ministère des armées, quels que soient les pays, sont ensuite intégrés dans le civil, en général, et permettent à de nombreuses personnes d’en bénéficier.

Les temps morts n’existent pas et certaines scènes dans lesquelles Morg peut déployer sa force, sa vivacité, son esprit d’entreprise, sa faculté de récupération, ses coups de colère également, ne manquent pas de couleurs et de relief. Car Jeremy et surtout Jacky, l’ancienne combattante de la CIA n’en font parfois qu’à leur tête, lui désobéissant en pensant bien faire. Et ça il n’apprécie pas, reconnaissant toutefois que cela partait d’un bon principe. Celui de l’amitié.

La trilogie d’Eytan Morgenstern, après Le projet Bleiberg et le projet Shiro, tous édités chez Critic, se clôt avec ce dernier volet, et c’est dommage. On s’était habitué à ce personnage qui semblait indestructible mais possédait ses lacunes, ses carences, ses failles. Attention, je n’ai pas dit qu’il était mort, mais l’auteur lui accorde une retraite bien méritée, et peut-être est-ce bien ainsi. Autant abandonner un personnage avant que le lecteur se lasse. Mais, je le répète, c’est dommage. Sa figure continuera à nous hanter.


Voir égalment le catalogue des éditions Critic.


David S. KHARA : Le projet Morgenstern. Collection Thriller. Editions Critic. 378 pages. 20€.

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16 avril 2013 2 16 /04 /avril /2013 09:43

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Non, les petits éditeurs de province (terme souvent péjoratif qui ne désigne en réalité que des maisons d’édition de petite structure et au catalogue encore peu fourni, ne possédant pas un diffuseur national) ne jouent pas tous dans le polar régionaliste dont les titres sont racoleurs, style Elle est vilaine en Ille et Vilaine, Des hordes de rennes à Rennes, et autres joyeusetés destinés à appâter les gogos. Dernier petit éditeur dont je viens de faire la connaissance, les Editions Critic basées justement à Rennes. Il propose son petit dernier lequel est pour moi un vrai régal et qui publié par une maison d’édition parisienne basée rive gauche, serait déjà en tête des ventes. Pourquoi ? Parce que ce serait justifié. Tout autant pour la narration, le style, le développement de l’intrigue que pour le choix de cette intrigue qui nous promène allègrement de nos jours des Etats-Unis en Belgique, en passant par la Suisse, nous replongeant dans les années 2009, 1924, 1936 et durant la Seconde Guerre Mondiale. Mais entrons dans ce roman habilement construit, qui mêle suspense, politique-fiction, histoire et manipulations.


Si le point de départ se joue au camp de Stutthof en Pologne en 1942, la genèse se situe en 1938, en Westphalie, avec la rencontre entre Heinrich Himmler et un jeune savant en physique nucléaire et chimie, Victor Bleiberg.

Jeremy Novacek, familièrement surnommé Jay, est à un peu plus de trente un trader qui a réussi un gros coup en 2008 et s’est vu propulsé du jour au lendemain millionnaire. Cela a profondément influé sur son existence, car à la suite d’un accident de parcours il est devenu alcoolique et dépressif. Ce matin là, alors qu’il est encore plongé dans les brumes éthyliques, des militaires de l’Air Force lui apprennent que son père, dont il n’a plus eu de nouvelles depuis près de vingt cinq ans, est décédé. Sa mère à laquelle il rend visite dans l’hôpital où elle végète, afin de lui apprendre la mauvaise nouvelle, lui remet une clé qu’elle gardait dans un médaillon. Or lorsqu’il gratte cette clé rouillée, apparait une croix gammée. Les révélations s’enchainent et son esprit perturbé à du mal à assimiler toutes les confidences qui lui sont faites par son patron Bernard Dean. Son patron et ami, qui se révèle être également son parrain, Deableiberg1.pngn ayant fort bien connu Daniel Corbin, le père de Jeremy. Dean et Corbin père appartenaient tous deux à la CIA, et si le père a déserté un jour la maison familiale, c’était pour protéger femme et enfant. Sa mère décède juste après, dans des conditions douteuses et Jay échappe de peu à un attentat. Dean luioctroie un garde du corps en la personne de Jacky, une petite bonne femme qu’il surnomme Buffy, et qui n’a pas peur de se servir d’un revolver. Il leur faut se rendre en Suisse afin de découvrir ce qu’un coffre bancaire recèle et se voyage leur réserve de multiples surprises dont la moindre n’est pas d’apprendre qu’ils sont suivis par Eytan Morg, un agent du Metsada, une branche du Mossad et que Dean vient d’être assassiné. Le chasseur devient leur allié et tous trois auront à affronter une bande de tueurs qui se réclament du Consortium.


Ecrit comme ça, ce roman pourrait sembler n’être qu’un ersatz de thriller américain, mais David S. Khara réussit son pari, celui de nous plonger dans une intrigue solide, envoûtante, captivante, alternant avec virtuosité péripéties trépidantes situées de nos jours et entractes puisés dans l’histoire. Et le lecteur découvrira au détour des pages des personnages célèbres tels que Rudolph Hess, Himmler, Hitler, qui ne sont pas là que pour la figuration mais jouent des rôles prépondérants.

Voir l'avis de la librairie Soleil Vert.


David S. KHARA : Le projet Bleiberg. Thriller. Première édition : éditions Critic. Réédition éditions 10/18. N° 4497. 312 pages. 7,50€.

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15 avril 2013 1 15 /04 /avril /2013 09:19

Le Big Crunch, c’est un peu comme le Big Bang, mais à l’envers.

 

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Bruno qui s’est acheté des mocassins, peu à peu sent ses chaussures se resserrer. Des briques rétrécissent entraînant la chute de maisons ou d’immeubles. D’autres phénomènes se produisent également.

La paire de lacets dont Bruno voulait se débarrasser reviennent irrémédiablement dans ses poches. Les ruches de sa tante Augusta attirent les objets métalliques. Capi, le chien de Vincent, jeune garçon de treize ans, avale des débris d’une boule apparemment inoffensive. Seulement il n’aboie plus, il émet des bruits de clochettes. Bref, le monde n’est plus ce qu’il était. Même pour Bruno qui était adulé pour ses émissions télévisées débiles et s’était surnommé Autrui, en référence au proverbe bien connu, Ne fait pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l’on te fit, et qui est hué dans la rue.

Tout ça serait bien de la faute du Visiteur, étrange personnage venu d’ailleurs et qui assimile avec une facilité étonnante les langues et les connaissances scientifiques ou culturelles de notre bonne vieille Terre. Mais rien ne va plus, notre planète se contracte, et le Visiteur propose à Bruno, Augusta, Vincent et quelques autres personnes de voyager avec lui jusqu’à Géa sa planète d’origine jumelle de la Terre, à bord d’une sphère plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur. Mais le voyage est perturbé, les incidents se multiplient.

Kurt Steiner nous revient après plus de douze ans d’absence et à 87 ans, (lors de la parution de ce roman), il est né le 7 aout 1922, il possède toujours un souffle étonnant. Son écriture est toujours aussi travaillée et il use avec bonheur des expressions contradictoires, comme les titres de ses premiers romans dans la collection Angoisse du Fleuve Noir : Le Bruit du silence, Fenêtre sur l’obscur, Le Seuil du vide… Les exemples ne manquent pas dans cet ouvrage qui reprend également un thème cher à l’auteur, le double. Ainsi je pourrais citer : «Il courut lentement ». Ou encore « Une imitation d’ectoplasme mordue par une autre ressent une douleur fictive. C’est pourquoi Vincent poussa un cri silencieux, perçu par les autres passagers ».

Mais Kurt Steiner égratigne également le modernisme irréfléchi, ainsi : « La culture des céréales transgéniques s’était déroulée prudemment en milieu confiné jusqu’à ce que des irresponsables, ou au contraire des coupables parfaitement conscients avec pour but des profits démesurés, la mènent en plein champ. Ainsi ont été contaminées de proche en proche toutes les cultures avec la bénédiction des pouvoirs successifs et, plus grave encore, les expertises à moyen terme généralement menées conjointement par les transnationales et les pouvoirs en place les déclarant péremptoirement sans aucun danger… ».

Enfin, la question fondamentale : « Ou bien l’Univers a toujours existé, ou bien Dieu l’a créé ». Vincent leva le bras et demanda : « Si c’est le cas, que faisait Dieu avant de créer l’Univers ? ». Je ne vous donnerai pas la réponse, ce serait trop facile, de plus elle est dans le livre. Un bon roman qui donne envie de lire ou relire les autres ouvrages de Kurt Steiner, alias André Ruellan, ou encore Kurt Dupont quand il écrivait dans les années 1960 pour Hara-Kiri.

 

Visitez le catalogue des éditions Rivière Blanche et retrouvez d'autres titres de Kurt Steiner, tome 1 & 2.

 

Kurt STEINER : Big Crunch. Rivière Blanche N° 2063. 244 pages. 17€.

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14 avril 2013 7 14 /04 /avril /2013 12:47

Et si le virus de la grippe H7N9 n’était qu’une contrefaçon chinoise ?

 

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Sœur Marie-Louise, décédée en 1919 à l’âge de dix-neuf ans de la grippe espagnole, ne pensait certes pas se faire exhumer près de cent ans après son décès afin de redonner du lustre à la petite cité médiévale de Semur en Auxois. Car une béatification est envisagée et quoi de mieux qu’une telle cérémonie alors que la séculaire fête de la Bague va bientôt débuter pour redorer le blason de cette petite ville bourguignonne.

Léopoldine Lagrange, anthropologue judiciaire a été chargée de cette exhumation, mais retrouver la tombe dans un cimetière géré anarchiquement, sans véritable repaire, c’est comme retrouver un osselet dans une carrière de gypse. Enfin elle arrive au but en compagnie de Capucine, son assistante et amie de son fils Maxime. La congrégation est sauvée, tout le monde se félicite, sauf que le cercueil, s’il a été identifié par une plaque, n’est pas encore remonté sur le bas-côté. Un gendarme est présent, un membre de la maréchaussée devant légalement être présent lors de l’ouverture d’un cercueil, et il pourra témoigner… que le coffre de bois était vide ! Pas tout à fait cependant. Les ossements ont disparu mais un message abscons a été glissé à la place.

Léopoldine déchiffre ce bout de papier, qui lui est adressé, dans la gendarmerie dirigée par l’adjudant-chef Mercandier. Puis elle rentre chez elle, s’occuper de sa petite famille. Ses filles, deux gentilles perruches, Lola et Mona, qui vivent en bonne intelligence avec Bertille, la chatte. Plus le chaton qu’elle vient de recueillir. Mais aussi, car il ne faut pas les oublier, Capucine et Maxime et Tom, le fils de Capucine. Entre Capucine et Léopoldine, il existe un lien plus fort que celui professionnel. Capucine a connu les mêmes désagréments que Léopoldine, un enfant né hors mariage, et pas forcément désiré. Alors qu’elle planche sur le message abstrus, son supérieur l’appelle au téléphone lui signalant que Garance, le médecin légiste, vient d’hériter un corps découvert par un pêcheur.

A l’examen de ce corps il en ressort que le cadavre a été amputé des mains et des pieds, que son visage est marqué de stigmates de brûlures profondes, et que des bestioles ainsi que les restes d’un petit animal ont été retrouvés sous le corps. De même qu’une médaille portant une inscription, laquelle médaille après examen a été fabriquée dans le même métal que la plaque du cercueil. Une fabrication récente, ce qui tend à prouver que la planque a été apposée récemment. Elle est agressée, le cercueil de Sœur Marie-Louise a disparu, et de petits ossements ont été déposés dans le vide-poche de son antique 2CV, le pêcheur est retrouvé mort dans son lit. Quelqu’un en veut à Léopoldine, mais qui et pourquoi ? Quelles sont les motivations de l’assassin ? Pourquoi Léopoldine se sent-elle impliquée ? Et puis à quoi correspondent ces bestioles et le vol du cadavre de la religieuse ?

Autant de questions qui tarabustent Léopoldine et un enquêteur désigné pour coordonner les enquêtes de terrain. Et l’enquêteur n’est pas n’importe qui : il s’agit de Franck Gossin, qui fut l’amant de Léopoldine vingt ans auparavant, et qui fut à l’origine d’une grande partie de ses malheurs qu’elle traîne depuis comme un fardeau. C’est d’ailleurs pour cela que Léopoldine avait quitté Semur en Auxois et qu’elle n’y était jamais revenue depuis.

Une enquête qui se poursuit par la découverte de nouveaux cadavres, tandis qu’un esprit malfaisant manipule gendarmes et policiers, les emmenant sur les traces de la grippe espagnole et d’un savant fou.


patricia.jpgQue de machiavélisme se cache derrière ce sourire ensorceleur. Avec une écriture parfois elliptique, Patricia Rappeneau a concocté une histoire particulièrement retorse au final éblouissant de suspense. Certaines scènes seraient du plus bel effet adaptées au cinéma, et je ne parle pas uniquement que des scènes d’affrontement. Par exemple cette évocation des  fêtes de la Bague, avec reconstitutions historiques de fêtes médiévales, des figurants en costume d’époque et courses de chevaux dans une ambiance bon enfant.

L’écriture de Patricia Rappeneau est travaillée. Parfois un peu trop dans les dialogues qui mériteraient d’être plus vifs, plus incisifs, plus proche du langage parlé, surtout lorsqu’il s’agit de propos tenus par un spécialiste mais rapportés par une tierce personne. Ainsi peut-on lire : Il est à noter que ce stade est la limite de la maturité pour certaines cellules du système immunitaire avant leur différenciation qui les conduira à la définition précise du rôle qu’elles y joueront. C’est beau, on dirait un homme politique lisant son texte. Sauf que dans une conversation tenue par un policier, cette phrase serait moins ampoulée. Ce n’est juste qu’un petit détail, car le roman de Patricia Rappeneau est admirable dans sa construction, le style elliptique dont elle fait preuve incitant le lecteur à continuer sa lecture malgré les aiguilles qui défilent. Un thème ancien renouvelé avec une touche personnelle qui fait mouche.

Du même auteur lire également : Mission Malona, chez le même éditeur.


Patricia RAPPENEAU : Mortelle guérison. Editions Le Hérisson. 226 pages. 14€.

 

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13 avril 2013 6 13 /04 /avril /2013 10:08

Une road-story… déroutante !

 

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Depuis leur rencontre dans la cour de récréation, Pierre et Sahaa jouent à Je t’aime, moi non plus ! Comme les vagues qui arrivent à l’assaut de la plage puis repartent vers l’horizon, indéfiniment, souvent houleuses, la relation entre Pierre et Sahaa est perturbée en permanence, enregistrant des hauts et des bas. Faut avouer que Sahaa n’y met vraiment pas du sien, traitant son ami, ancien amant, de Noun, qui signifie verge insignifiante. Enfin ce n’est pas tout à fait ainsi qu’elle s’exprime mais vous m’aurez compris. Et Pierre n’apprécie pas du tout cette appellation désobligeante.

Alors comment se comporter lorsque la jeune femme vient pleurer par le truchement du téléphone sur l’épaule de son ami ? Surtout que ce n’est pas pour reprendre une union interrompue sur quelques points de divergence, mais parce que Sahaa a besoin de se cacher. Quoi de plus normal que de venir embêter Pierre au moment où il s’apprête à déguster un Tuc coincé entre deux tranches de pain de mie. Ce n’est pas son régal mais il n’avait que ça à se mettre sous les dents. Donc Sahaa n’est pas en manque d’affection mais est effrayée.

Son copain actuel, Tom-Tom, est une brute qui la tape volontiers, et elle est couverte de bleus qui deviennent jaunes. Comme Sahaa est d’origine asiatique, le changement de couleur c’est moins grave, mais quand même se faire tabasser parce que monsieur est jaloux et qu’il veut toujours savoir ce qu’elle fait, ça lui porte sur les nerfs. Alors elle a loué un studio en catimini, tout en continuant à vendre la drogue. Elle a réalisé deux belles ventes, et maintenant elle s’adresse à Pierre parce qu’un individu a voulu la voir.

Les ennuis commencent pour Pierre, alors que Sahaa n’a pas encore débarqué chez lui. Alors qu’il pense que son amie rapplique, suite à la sonnerie de la porte qui gémit et des coups assenés avec force, il n’a pas le temps de dire ouf qu’il se ramasse un coup de poing qui le laisse à terre. Tom-Tom le jaloux investigue l’appartement à la recherche de sa dulcinée évaporée puis repart, n’étant que de passage. Le moment choisi par la voisine, une vieille qui fantasme, de s’enquérir des événements bruyants. Elle a interverti les noms sur les boites aux lettres, car si un violeur, on ne sait jamais, il y en a qui sont en manque ou préfère les femmes couguars, les vieilles couguars, décidait de procéder à un batifolage, ce serait chez Pierre qu’il se dirigerait. Elle lui propose par la même occasion de lui garder Fibo, le gentil petit lapin qui n’en pose pas, le cas échéant. Sahaa débarque fraîche et dispose comme si de rien n’était et entame le récit de ses avatars, dans le restaurant de Mo, le seul ami de Pierre rescapé de son enfance.

Outre le fait qu’elle a dérobé la boite à coke de Tom-Tom, un paquet d’argent, elle est devenue une bio-clé, celle d’Albert (une référence à Einstein). Un truc bizarre imaginé par cinq collègues de labo, un machin qui se termine en ium, susceptible de détrôner le pétrole, et des papiers cachés avec un bout de métal dans un coffre en Suisse. Cela aurait pu être marrant sauf qu’un jour, alors qu’elle était en voiture compagnie d’Albert, un motard ne s’était pas arrêté à côté d’eux et avait abattu le pauvre chercheur d’une balle dans la tête.

Lorsqu’ils regagnent l’appartement en toute confiance, un lapin les nargue sur le palier. Fibo ! Fibo qui s’est échappé ? Non, la porte est ouverte, et les pieds de la vieille gisent sur le tapis de son salon. C’est pratique parfois un couteau électrique. Ce meurtre fait la une des journaux, et bien entendu le voisinage est suspecté. D’autres aussi comme Tom-Tom qui a été aperçu dans les environs. Il ne leur reste plus qu’à fuir, tenter de gagner la Suisse, attendre qu’une autre bio-clé se présente afin d’ouvrir le coffre, et bonjour la compagnie. Facile à dire ou à écrire mais dans la réalité cela ne se déroule pas toujours avec cette aisance. Sahaa, qui dispose de pas mal d’argent, propose à Pierre de lui servir de garde du corps et éventuellement de réchauffe-pieds. Seulement, outre Tom-Tom, deux individus sapés façon Mormons sont à leur trousses. Alors direction la Belgique, Anvers et contre tout, Francfort, Berne, Zurich, puis Venise… Entre temps Tom-Tom qui a perdu son GPS passe par-dessus la rambarde du toit d’un immeuble aidé par Sahaa, un de moins à les embêter, mais les autres continuent à les pourchasser, ils sont tenaces.

Cette cavale transfrontière, cette road-story en français châtié (et non road-movie comme je l’ai lu quelque part, puisque ce terme est cinématographique) nous ramène aux plus belles heures d’un duo de héros s’évertuant à échapper à un danger connu ou non, ou à un besoin irrépressible de liberté. On peut penser à Sailor et Lula de Barry Gifford et à quelques autres classiques du genre, mais mâtiné de cet aspect antinomique dans les relations entre nos deux routards. Une succession de gags tragico-comiques, narrés avec humour et désabusement, dans un style personnel qui permet à l’auteur de se démarquer de ses prédécesseurs ou confrères actuels. Vouloir Comparer Pascal Thiriet à tel ou tel romancier, à tel ou tel situation ou personnage fictif, lui apposer une pancarte, serait, à mon sens, mal venu et peut-être même offensant. Sauf si le rédacteur d’un article désire se faire mousser en écrivant une phrase choc, et soi-disant humoristique, récoltant les éloges au détriment de l’auteur du roman. Thiriet fait du Thiriet et c’est très bien !

Voir également, entre autres, les avis de Gridou et d'Yv.
Pascal THIRIET : J’ai fait comme elle a dit. Collection Jigal Polar. Editions Jigal. 232 pages. 17,50€.

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12 avril 2013 5 12 /04 /avril /2013 08:00

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Ce n’est pas un animal quelconque que les époux Coldfield ont percuté avec leur véhicule sur la route, en lisière de forêt à Conyers dans l’état de Géorgie, mais bel et bien une femme nue qui a débouché sans regarder avant de traverser. Le corps est couvert de contusions, mais elles ne sont pas dues au heurt violent contre le pare-brise. Aux urgences de l’hôpital Grady d’Atlanta, Sara Linton prodigue les premiers soins à l’inconnue qui semble avoir vécu des moments douloureux. De nombreuses fractures sont décelées par tout le corps si maigre que les toubibs se demandent si elle va s’en sortir. Pis, celui qui l’a martyrisée ainsi lui a même arrachée une côte, la onzième.

Faith Mitchell, agent spécial du GBI, l’équivalent au FBI mais qui n’opère qu’à l’intérieur de l’état de Géorgie, a été victime d’un évanouissement sur un parking et son coéquipier Will Trent n’a pas hésité à l’emmener aux urgences. Elle est examinée par Sara qui décèle une poussée conséquente de diabète. Mais ce n’est pas tout. Faith est enceinte, à trente trois ans ce ne peut être que normal, mais elle a caché son état à tout le monde. Elle est déjà mère d’un grand Jérémy âgé de dix-huit ans. Quant à Will, c’est un gentil garçon, prévenant avec sa coéquipière, malgré un téléphone portable complètement démantibulé et un problème de dyslexie. Il n’arrive pas à reconnaître sa gauche de sa droite et de plus il est illettré, mais il parvient à dissimuler son handicap grâce à des artifices. Le problème n’est pas là, pour l’instant, mais bien cette femme qui émet des litanies d’au secours, et dont ils parviennent à apprendre le prénom. Anna. C’est un début. Faith et Will prennent l’enquête à leur compte, ce qui ne plait guère aux policiers de Rockdale, le comté où s’est produit l’accident, et menés par Galloway. Celui-ci tente bien de faire barrage à leurs investigations mais Will et Faith n’en ont cure, soutenus plus ou moins par Amanda, leur chef.

Will, accompagné de quelques policiers, tentent de trouver une empreinte, si minime soit-elle, de l’endroit où aurait pu être séquestrée Anna, et c’est par hasard qu’il découvre une sorte de caverne creusée dans la terre. Un trou aménagé pouvant dissimuler deux femmes aux yeux de tous, étouffant leurs cris. Mais des traces de torture sont disséminées un peu partout dans l’endroit. Will sort de la caverne et discerne non loin un papier. Il s’agit du permis de conduire d’Anna. Soudain il ressent dans le cou des gouttes gluantes, chaudes encore. Levant les yeux il aperçoit un corps coincé par les pieds entre deux branches. Le cadavre encore tiède de la jeune femme qui était enfermée en compagnie d’Anna. Les examens médicaux prouvent des sévices particulièrement odieux. C’est alors que l’enlèvement d’une femme vient d’être perpétré sur le parking d’un supermarché. Dans le véhicule de la kidnappée, un garçonnet est assis prostré.


Trois jours pour résoudre cette affaire, c’est le temps qu’il faudra à Will et Faith, malgré les obstructions, les erreurs, les manquements, de la police de Rockdale. Malgré aussi tous les ennuis qu’ils vont être à même de subir, physiquement et moralement. Car tous les personnages qui gravitent dans ce roman possèdent non pas des fêlures, des fractures morales, mentales et physiques mais de véritables failles sismiques qui s’ouvrent au moindre fait, au moindre contact, au moindre élément perturbateur. Et des éléments perturbateurs, il n’en manque pas. Par exemple Will est marié avec Angie, une femme volage qu’il n’a pas vue depuis des mois et qui revient à l’improviste. Faith se débrouille comme elle peut avec son diabète et son embryon. Quant à Sara Linton, elle est veuve depuis trois ans et demi. Auparavant elle était mariée avec un policier, mais il est décédé dans des conditions troubles. Ancienne médecin légiste et pédiatre dans un autre hôpital, elle s’est reconverti aux urgences et trimbale partout une lettre qu’elle vient de recevoir, sans oser l’ouvrir. Quant aux femmes victimes d’un être particulièrement abject, elles possèdent en commun une apparence physique, brunes aux yeux marron, maigres pour ne pas dire anorexiques, et sont toutes aisées financièrement, travaillant dans des professions libérales.


Le nombre 11 est comme une clé dans l’intrigue, en référence à la Bible, d’où le titre du roman, qui n’est qu’une reprise du titre lorsque ce roman a été publié en Grande Bretagne. Mais il n’y faut trouver dans ce roman aucun prosélytisme. Si l’intrigue est fort bien menée avec son lot de scènes marquantes, parfois dures, ce sont les personnages qui attirent l’attention du lecteur. Et qui donnent au récit une profondeur psychologique intense. Parfois on a l’impression que Karin Slaughter dilue la narration, que certaines séquences ne sont pas indispensables, et pourtant, arrivé à l’épilogue le lecteur se rend compte que l’enrobage n’est pas superflu.


Karin SLAUGHTER : Genesis. (Undone – 2009. Trad. de l’américain par François Rosso). Réédition des Editions Grasset. Le Livre de Poche. 672 pages. 8,10 €.

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11 avril 2013 4 11 /04 /avril /2013 13:57

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A cause d’une vessie qui demande une évacuation immédiate du liquide qu’elle contient, Jean-Marc est obligé de laisser filer ses compagnons et de rechercher dans le sous-bois qui borde la route de Bondues un endroit adéquat. Un besoin naturel et pressant avivé par les trépidations enregistrées par sa bicyclette. Mais ne nous attardons pas sur ces détails triviaux et accompagnons jusqu’au bout notre héros en herbe dans l’antre d’une grotte. Qui s’avère être en réalité une des entrées de l’ancien fort Lobau dit Fort de Bondues. Un endroit que connaissaient bien les anciens, les rescapés de 14/18 et ceux de la dernière Guerre mondiale, mais depuis des années tombé en ruines.

Donc en ce jeudi de février 1961, Jean-Marc était parti jouer avec quelques camarades sur une aire tranquille près de l’aérodrome afin de s’adonner aux joies du modélisme. C’est ainsi qu’il découvre une des entrées du fort, dont quasiment plus personne ne se souvient de l’existence. Il parcourt quelques galeries, s’imaginant être lord Carnarvon, l’inventeur de la tombe de Tout en Camion, ou un nom approchant, ou encore sur les traces d’un trésor comme dans la fameuse île imaginée par Stevenson, l’un de ses livres de chevet.

Jean-Marc est le fils de Fernand, l’un des trois Bricoleux, les trois mousquetaires de la bricole, les Pieds-Nickelés des plans foireux. Petite présentation rapide et succincte des trois compères, pour ceux qui n’auraient pas lu Nuit de chine  et L’attaque du casino de Malo . Pour les autres qui connaissent déjà nos gais lurons, ils peuvent passer le paragraphe et passer au suivant.

Dépensier, Fernand, aime s’habiller de costumes issus de chez les meilleurs tailleurs, amateur de grands vins millésimés. Emile est représentant en vins et spiritueux et il n’hésite pas à payer de sa personne pour vanter ses produits. Gérard est responsable en chef dans une quincaillerie, spécialiste du boulon de 8, et bricoleur à l’occasion. Quant aux femmes, elles ont leur caractère, pour ne pas dire du caractère. Antoinette ne peut toucher à la vaisselle sans la casser, et par là même casse aussi les pieds de son mari, sans vraiment casser des briques. D’ailleurs elle est partie et a été remplacée avantageusement par Christiane. Solange, la femme d’Emile, est d’une jalousie extrême ce qui ne l’empêche pas d’aguicher les hommes et de passer à l’acte sans barguigner. Mireille, l’épouse de Gérard, est bavarde et lorsqu’elle n’a rien de spécial et d’intéressant à dire, ce qui lui arrive souvent, elle parle de tout et de rien, avec une nette préférence pour le n’importe quoi.

Jean-Marc, le fils de Fernand, décide de confier sa trouvaille à Edmond, son grand-père maternel. On peut rarement parler sérieusement avec Edmond, âgé de bientôt soixante-cinq ans, et menuisier dilettante de son état. Edmond, surnommé Hep Minute, à cause d’un tic de langage, connait bien les aîtres pour y avoir travaillé durant l’occupation. Jean-Marc a aussi d’autres occupations, dont celle de voir le plus souvent Michèle, dite Miki, et dont le père est agent de police. Cette relation n’est donc guère appréciée de Fernand, mais Christiane a pris fait et cause pour son beau-fils et se conduit en alliée providentielle. Mais en ce temps-là, avant de s’embrasser, il en fallait du courage pour attendre et user sa langue en parlotte.

bondues.gifJean-Marc retourne seul dans la casemate, explore comme un véritable aventurier les tunnels, et découvre au hasard de ses pérégrination des cadavres momifiés, une caisse mal fermée qui contient des liasses de billets, lesquels quoiqu’il n’y ait pas de date limite de consommation apposée sur le recto ou le verso, sont impropres à la consommation puisque périmés depuis belle lurette. Mais une nouvelle trouvaille lui fait reprendre espoir : des petites caisses marquées de la croix gammée dans lesquelles gisent, attendant l’âme charitable qui les réveilleraient, des lingots d’or. Il en embarque un pour la route et alors qu’il allait enfin passer la porte de sortie, il aperçoit un mégot. Puis d’autres, des récents puisqu’ils sont à bout filtre, un ajout quasi inconnu à l’époque. Il narre sa découverte à son père Fernand et cela suffit pour entraîner nos bricoleux sur la piste d’un magot. Car l’aventure véritable commence.

Ils se trouvent nez à nez avec un ancien résident qui a dû déménager à la cloche de bois en septembre 1944, pressé d’échapper à l’avancée des troupes américaines, non sans avoir auparavant placé en compagnie de son adjoint Klaus quelques bricoles appelées Trésor de guerre. Seulement les Américains l’avaient chopé en pleine débandade, et il avait passé quinze ans en Sibérie aux frais de la princesse russe, par un habile tour de passe-passe dont je vous épargne les détails. Et les lingots ne constituent pas la totalité de ce que Klaus et Otto, qui déclare se nommer Otto Didakt, un pseudonyme dont il est fier, ont barboté. Otto vit provisoirement dans un couvent, s’occupant à quelques tâches, dont la vente de fromages fabriqués par les trappistes auprès de crémières qui acceptent également les faveurs qu’il peut leur prodiguer, compensant un manque de mari ou un époux qui ne satisfait pas entièrement leur libido. Mais où Klaus a-t-il pu cacher ce trésor dit trésor de Rommel, vous le saurez en suivant les pérégrinations de nos compères et d’une carte à déchiffrer.

Le lecteur assiste a de nombreuses scènes comiques dont une avec une 2CV récalcitrante portant en son coffre les lingots et que des policiers veulent à tout prix voir redémarrer, provoquant un bouchon, situation inimaginable en ce debut des années soixante. Il sera invité également à visiter un musée brocante belge reconstitué dans un hangar, ramassis fourre-tout de vieilleries qui attire les touristes surtout par temps de pluie, à se balader dans un château qui tombe en ruines, et aux amours adolescentes et platoniques, quoique de mini caresses soient échangées de temps à autre, entre Jean-Marc et Miki.

Un roman qui engendre la bonne humeur, à conseiller lors des jours de neige ou de pluie, de canicule, ou tout simplement pour retrouver le moral et combattre le stress, en substitution à des antidépresseurs onéreux pour une Sécurité Sociale en perte de vitesse financièrement.


Bernard THILIE : Le mystère du fort de Bondues. Collection Polars en nord. N° 122. Editions Ravet-Anceau. 224 pages. 10€.

 

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