Et si le virus de la grippe H7N9 n’était qu’une contrefaçon chinoise ?
Sœur Marie-Louise, décédée en 1919 à l’âge de dix-neuf ans de la grippe espagnole, ne pensait certes pas se faire exhumer près de cent ans après son décès afin de redonner du lustre à la petite cité médiévale de Semur en Auxois. Car une béatification est envisagée et quoi de mieux qu’une telle cérémonie alors que la séculaire fête de la Bague va bientôt débuter pour redorer le blason de cette petite ville bourguignonne.
Léopoldine Lagrange, anthropologue judiciaire a été chargée de cette exhumation, mais retrouver la tombe dans un cimetière géré anarchiquement, sans véritable repaire, c’est comme retrouver un osselet dans une carrière de gypse. Enfin elle arrive au but en compagnie de Capucine, son assistante et amie de son fils Maxime. La congrégation est sauvée, tout le monde se félicite, sauf que le cercueil, s’il a été identifié par une plaque, n’est pas encore remonté sur le bas-côté. Un gendarme est présent, un membre de la maréchaussée devant légalement être présent lors de l’ouverture d’un cercueil, et il pourra témoigner… que le coffre de bois était vide ! Pas tout à fait cependant. Les ossements ont disparu mais un message abscons a été glissé à la place.
Léopoldine déchiffre ce bout de papier, qui lui est adressé, dans la gendarmerie dirigée par l’adjudant-chef Mercandier. Puis elle rentre chez elle, s’occuper de sa petite famille. Ses filles, deux gentilles perruches, Lola et Mona, qui vivent en bonne intelligence avec Bertille, la chatte. Plus le chaton qu’elle vient de recueillir. Mais aussi, car il ne faut pas les oublier, Capucine et Maxime et Tom, le fils de Capucine. Entre Capucine et Léopoldine, il existe un lien plus fort que celui professionnel. Capucine a connu les mêmes désagréments que Léopoldine, un enfant né hors mariage, et pas forcément désiré. Alors qu’elle planche sur le message abstrus, son supérieur l’appelle au téléphone lui signalant que Garance, le médecin légiste, vient d’hériter un corps découvert par un pêcheur.
A l’examen de ce corps il en ressort que le cadavre a été amputé des mains et des pieds, que son visage est marqué de stigmates de brûlures profondes, et que des bestioles ainsi que les restes d’un petit animal ont été retrouvés sous le corps. De même qu’une médaille portant une inscription, laquelle médaille après examen a été fabriquée dans le même métal que la plaque du cercueil. Une fabrication récente, ce qui tend à prouver que la planque a été apposée récemment. Elle est agressée, le cercueil de Sœur Marie-Louise a disparu, et de petits ossements ont été déposés dans le vide-poche de son antique 2CV, le pêcheur est retrouvé mort dans son lit. Quelqu’un en veut à Léopoldine, mais qui et pourquoi ? Quelles sont les motivations de l’assassin ? Pourquoi Léopoldine se sent-elle impliquée ? Et puis à quoi correspondent ces bestioles et le vol du cadavre de la religieuse ?
Autant de questions qui tarabustent Léopoldine et un enquêteur désigné pour coordonner les enquêtes de terrain. Et l’enquêteur n’est pas n’importe qui : il s’agit de Franck Gossin, qui fut l’amant de Léopoldine vingt ans auparavant, et qui fut à l’origine d’une grande partie de ses malheurs qu’elle traîne depuis comme un fardeau. C’est d’ailleurs pour cela que Léopoldine avait quitté Semur en Auxois et qu’elle n’y était jamais revenue depuis.
Une enquête qui se poursuit par la découverte de nouveaux cadavres, tandis qu’un esprit malfaisant manipule gendarmes et policiers, les emmenant sur les traces de la grippe espagnole et d’un savant fou.
Que de machiavélisme se cache derrière ce sourire ensorceleur. Avec une écriture parfois elliptique, Patricia Rappeneau a concocté une histoire particulièrement retorse au final éblouissant de suspense. Certaines scènes seraient du plus bel effet adaptées au cinéma, et je ne parle pas uniquement que des scènes d’affrontement. Par exemple cette évocation des fêtes de la Bague, avec reconstitutions historiques de fêtes médiévales, des figurants en costume d’époque et courses de chevaux dans une ambiance bon enfant.
L’écriture de Patricia Rappeneau est travaillée. Parfois un peu trop dans les dialogues qui mériteraient d’être plus vifs, plus incisifs, plus proche du langage parlé, surtout lorsqu’il s’agit de propos tenus par un spécialiste mais rapportés par une tierce personne. Ainsi peut-on lire : Il est à noter que ce stade est la limite de la maturité pour certaines cellules du système immunitaire avant leur différenciation qui les conduira à la définition précise du rôle qu’elles y joueront. C’est beau, on dirait un homme politique lisant son texte. Sauf que dans une conversation tenue par un policier, cette phrase serait moins ampoulée. Ce n’est juste qu’un petit détail, car le roman de Patricia Rappeneau est admirable dans sa construction, le style elliptique dont elle fait preuve incitant le lecteur à continuer sa lecture malgré les aiguilles qui défilent. Un thème ancien renouvelé avec une touche personnelle qui fait mouche.
Du même auteur lire également : Mission Malona, chez le même éditeur.
Patricia RAPPENEAU : Mortelle guérison. Editions Le Hérisson. 226 pages. 14€.