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30 mars 2012 5 30 /03 /mars /2012 14:07

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Décédé en 1968, William Irish fut et reste l’un des grands-prêtres de la littérature de suspense. Cependant ce n’est pas tant par ses œuvres écrites que par l’adaptation cinématographique qui en résulta qu’il doit sa notoriété. Evidemment La mariée était en noir de François Truffaut avec Jeanne Moreau, de même que La sirène du Mississipi, toujours du même François Truffaut avec Catherine Deneuve et Jean Paul Belmondo, ou encore J’ai épousé une ombre de Robin Davis avec Nathalie Baye et Francis Huster, ne restituent pas l’atmosphère, l’angoisse qui priment dans les romans. Seul Hitchcock, peut-être parce que les deux hommes possédaient une vision similaire du suspense, dans Fenêtre sur cour a su rendre en images l’angoisse, sinon la terreur, qui imprègne les romans de William Irish.

Catalogué comme pessimiste, Irish possède toutefois cet humour qui permet de MARIEE-ETAIT-EN-NOIR.jpgtout faire passer, même les invraisemblances qui parsèment parfois ses romans ou nouvelles. Le thème récurrent cher à William Irish consiste à confronter ses personnages, issus de la banalité quotidienne, à la fatalité. Ses points de départ sont originaux, mais là où d’autres se seraient plantés, comme on dit familièrement, il a su les exploiter à fond en introduisant l’angoisse et toutes les facettes de la peur. Ainsi dans La mariée était en noir, Julie, « l’héroïne », va consacrer sa vie à venger la mort de celui qui ne sera son mari que le temps du chemin qui les conduit de l’autel à la porte de l’église. Dans Rendez-vous en noir, le thème est exploité d’une façon inverse. Un jeune homme va s’employer à retrouver les hommes qui ont tué sa fiancée accidentellement. Plus pervers ou plus raffiné, il va épargner les coupables, les responsables, mais s’attacher à décimer leur entourage, que ce soit mère, épouse, sœur ou fiancée, celles auxquelles ils tenaient le plus. Autres thèmes récurrents dans l’œuvre de William Irish, l’amnésie et les troubles mentaux, qui conduisent ses héros à se débrouiller seuls pour pouvoir s’extraire de situations inextricables, devenant aux yeux de la police des coupables désignés alors qu’ils sont innocents. Ce sont des personnages extrêmement vulnérables, hypersensibles, se démarquant des héros américains habituels que l’on rencontre dans les romans policiers et d’espionnage. Comme le souligne François Truffaut dans sa préface à l’édition du Cercle Européen du Livre en 1971, Il y a du Cocteau chez Irish et c’est ce mélange de violence folklorique américaine et de prose poétique française qui émeut le lecteur européen. Plus loin il écrit : Si je parle, à propos de cette œuvre et de ce style, de démarche feutrée, ce n’est pas seulement une image puisque William Irish était connu pour ne se déplacer qu’en espadrilles même en pleine ville de New-York.

rendez-vous-en-noir.jpgEt cette démarche feutrée déclinée selon une image abstraite, est une marque de fabrique qui se retrouvera pratiquement tout au long de l’œuvre de William Irish, et qui peut-être considérée comme ce que l’on appelle aujourd’hui du terme générique de Thriller : une symbiose entre la peur, l’angoisse, le frisson, la terreur. Autre constante que l’on retrouve jusque dans les titres de ses romans : le mot Noir. Rendez-vous en noir, Une peur noire, La mariée était en noir, Alibi noir ou encore Black Angel devenu Ange en français dans sa première version et proposé ici sous le titre de L’ange noir, Waltz into Darkness traduit par La sirène du Mississipi, Black curtain par Retour à Tillary street, ou encore ces titres dont le mot est simplement suggéré : Lady Fantôme, Six nuits de tonnerre

William Irish déborde du cadre étroit du polar tel que certains le définissent et aimeraient le confiner. En cela il s’apparente un peu à Guy de Maupassant dont les nouvelles, devenues des classiques, sont des perles noires avant l’heure. Aussi recueillir quelques uns des meilleurs romans ou nouvelles de William Irish en volume, c’est bien, très bien même. Mais il serait bon que toute l’œuvre de William Irish soit rééditée afin que les lecteurs qui ne connaissent pas encore cet auteur puissent en apprécier toute la subtile quintessence, même s’il s’agit de romans d’aventures exotiques comme Le territoire des morts.

William IRISH : Noir c’est noir. Editions Omnibus. 1048 pages, 27€. Postface de Francis Lacassin. Comprend : La mariée était en noir, Lady Fantôme, L’ange noir, Rendez-vous en noir, Concerto pour l’étrangleur, Six nuits de tonnerre, Si le mort pouvait parler, Les roses mortes.

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commentaires

C
Ah mon Paul, tu ne peux imaginer comme tu me fais plaisir. J'ai trois "hors catégorie" chez les Américains : Ed McBain, Charles Williams et William Irish. "Rendez-vous en noir" fut longtemps mon<br /> livre de chevet, je te l'assure. J'ai une tendresse particulière envers "Concerto pour l'étrangleur" ( ma chronique =<br /> http://action-suspense.over-blog.com/article-william-irish-concerto-pour-l-etrangleur-41068479.html ). Sans oublier ses merveilleuses nouvelles noires (dont plusieurs furent traduites par Brice<br /> Pelman et son épouse Nicolette). Souvent fortes, il faut le dire ! Bon sang, il faut que je relise AUSSI William Irish.<br /> Amitiés.
Répondre
O
<br /> <br /> Bonjour Claude<br /> <br /> <br /> Excellent choix pour toucher le tiercé. Moi j'ajouterai pour compléter le quinté : Ed Lacy et Day Keene. Comme outsiders Bruno Fisher et Brett Halliday. Evidemment Fredric Brown et Robert Bloch<br /> sont en course, mais ils ont été disqualifiés car ils oeuvrent dans deux catégories différentes mais complémentaires : noir et suspense d'un côté  et fantastique et SF de l'autre. J'en<br /> connais des petits jeunes qui se haussent du col mais qui ne leur arriveront jamais à la hauteur, car trop imbus d'eux-mêmes.<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />

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