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8 novembre 2013 5 08 /11 /novembre /2013 15:01

Pour montrer patte blanche ?

 

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Si ses vocalises n'atteignent pas la puissance de celles de la Castafiore, les dégâts qui se produisent ce jour-là, alors que, comme à son habitude, Luna chante debout devant sa fenêtre ouverte, une explosion assourdissante se produit. Elle ne s'exprime jamais aussi bien que dans le bruit environnant, mais pour le coup Luna est choquée, d'autant qu'elle aperçoit collée sur la porte de sa chambre une énorme araignée noire à cinq pattes. Jamais encore elle n'avait vu ça, mais après vérification il s'avère que l'arachnide n'est autre qu'une main enduite de fioul.

La détonation a été entendue par tous les habitants de la petite ville de Bolbec, et naturellement les langues vont bon train. Serait-ce l'usine voisine de Port-Jérôme qui connaitrait des ennuis ? Ce n'est seulement qu'un ouvrier travaillant dans le jardin des voisins de Luna qui a mis au jour une bombe allemand datant de la fin de la guerre, laquelle bombe n'avait encore pas rempli son office. C'est ce que découvrent les policiers, le commissaire par intérim Faidherbe en tête, en ratissant en compagnie des techniciens de la police scientifique le jardin de la propriété des de Bourdon-Buchy, vieille famille d'origine noble mais fauchée. Vivent dans ce manoir délabré la comtesse Josépha, veuve, et sa fille Luna, trente-deux ans, chanteuse. Luna est surtout connue sur Internet et participe à des crochets locaux, mais elle ne désespère pas de se faire au moins un prénom dans le milieu artistique.

Le commandant Faidherbe, qui précédemment était affecté à la sécurité présidentielle, est en poste au Havre mais détaché temporairement à Bolbec. Il découvre son nouveau poste de travail et ne connait pas encore tous les membres du commissariat. Aussi est-ce avec étonnement qu'il apprend que le jeune homme, habillé façon gothique avec des chaines autour du cou et un tee-shirt à la gloire des Béruriers Noirs qui se promenait dans la propriété, est un lieutenant de la brigade. Mais la question primordiale est : cette main était-elle orpheline, et d'autres débris peuvent-ils être encore disséminés, et où ?

Faidherbe rencontre les voisins à qui appartenait la cuve à fuel, qui d'ailleurs n'est plus en service depuis longtemps, l'ancien propriétaire ayant changé de mode de chauffage depuis belle lurette. Ces octogénaires se promenaient dans le parc municipal au moment de l'explosion, et donc ils ne savent rien. Seulement la femme, dont la cafetière est légèrement entartrée, demande si par hasard il n'aurait pas des nouvelles de Jacques, leur fils qui a disparu quelques années auparavant désirant échapper à l'incorporation militaire.

Le technicien de la police scientifique ainsi que le médecin légiste s'attellent à la rude tâche de déterminer l'origine du fuel ainsi que la date approximative de la mort du cadavre dont ils n'ont qu'une main. Faidherbe confie à Caras, le lieutenant gothique et à Virginie Blanchamp, une policière débrouillarde, de s'atteler à la recherche de différents éléments, dont le fournisseur de fuel à des époques plus ou moins précises, selon les résultats des spécialistes.

Lors d'une sorte de radio-crochet en plein air organisé par la commune de Bolbec et auquel participe Luna, la vedette du pays cauchois, un orage éclate, les Bolbécais s'éparpillent et Faidherbe se réfugie en compagnie de Luna dans un véhicule. Un projectile rebondit sur le pare-brise et Faidherbe annonce à sa compagne qu'il s'agit d'une chauve-souris en perdition. En guise de chiroptère, il s'agit de la main manquante qui a rebondi et Faidherbe la glisse délicate dans un emballage papier afin de procéder à de nouvelles analyses et éviter une nouvelle commotion à la chanteuse.

 

Auteur bicéphale et quadrumane Robert Vincent concocte un histoire plaisante qui même si elle se déroule au pays d'Arsène Lupin, est loin de l'évoquer et serait plus en adéquation avec l'univers de Maupassant.

Bien évidemment la fin Seconde Guerre Mondiale, puisque la genèse du récit se déroule en août 1944, joue un rôle primordial mais soixante ans plus tard, en août 2006 il ne s'agit plus de guerre mais de ce que l'on pourrait surnommer un simple fait-divers détonant. Les bombes qui ont fait long feu sont souvent retrouvées en Haute-Normandie au hasard de fouilles et de constructions diverses, mais également dans une grande partie du nord de la France, qu'elles soient d'origine teutonne ou lâchées par les Alliés lors du Débarquement. Sont évoqués aussi des épisodes, heureux ou malheureux selon les personnes qui ont eu à les subir, le plus souvent éprouvants d'ailleurs, qui ont découlé de l'Occupation, et quelques décennies plus tard, c'est toujours d'actualité. Des faits qui auront de lourdes conséquences par la suite.

Les auteurs ont réussi à coordonner ces deux époques et à livrer une histoire, sur laquelle plane un léger voile humoristique, voile aussi léger que celui qui vêtait les femmes au Premier Empire, allongées sur leur méridienne, recevant des invités pour des causeries littéraires ou autres. Un humour qui n'efface pas le tragique de certaines situations. Quant au parcours de ces deux mains, il est habilement exploité, et si j'étais vous, je n'hésiterais pas à demander à faire vérifier votre cuve à fuel, si vous en possédez une naturellement.


ROBERT VINCENT : La main noire. Collection Polars en nord N°144 ; éditions Ravet-Anceau. Parution le 25 septembre 2013. 176 pages. 9,50€.

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